Collected Works of Nolini Kanta Gupta - Vol. 5


FRENCH

 


 

AVE MATER

 

Amor  mi mosse che mi fa parlare . . .       

                              -Dante

 

Et je devins poète en étant amoureux . . .           

                                    -Corneille

 

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Mater Dolorosa

 

I

Je songe aux belles nuits, aux rêves diaphanes

Où j'ai vécu jadis; je vois encore leg traits

Fugitifs d'un pays aux horizon discrets,

Les regrets d'une gloire ultime qui se fane!

 

Loin des noirs tourbillons de ce monde profane,

Mon âme reposait aux calmes diaprés

Des azurs infinis, et tranquille, s'ouvrait

Aux baisers innocents qu'en d'autres cieux on gla,ne!

 

 

Le voile tenebreux, hélas! monte toujours

Des gouffres inconnus et devore nos jours;

Et plus l'éclair solicit, mieux sa foudre devaste!

O reste d'une cendre au milieu de nos feux

Les plus ardents; leg gourds ramages des aveux

Secrets mal endormis dans la chaire la plus chaste!

 

II

 

Rose, couleur d'aurore, O reveil du matin!

C'est Ie calme des cieux qu'encore tu distilles;

Rose éclose à demi, fillette au sang tranquille!

C'est la paix qui me vient de ton regard divino

Tout l'arome secret que tu cèIes encore

Dans ton sein, je pourrais en goûter au besoin

Les délices – mais reste, aujourd'hui, reste au loin!

Rêve de demi-jour! Ideal que j'adore!

 

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Reste pour moi l'étoile au fond de l'infini,

La voile des lointains horizons – salvatrice,

Et que tout monde et tout désir s'évanouisse

En un pur transparent de l'Audelà béni!

 

Aujourd'hui je me plais . . . au mirage peut-être

Qu'étale un crépuscule, et j'attends des serments

Plus ardents, qu'au grand jour du désenchantement

Je te ferai demain, rose d'un amour traitre!

 

Je saurai te baigner d'un intime océan

Tout de sève empourpré, t'échauffer à la flamme

De roes desirs montants, corp mortel oû se pâme

Et meurt un ange, ô chair qui fleurit Ie néant!

 

III

 

La clarte de la lune est tendre et toute molle:

Elle dort sur leg monts, elle dart sur les mers,

Elle souffle à l'étoile un deux trouble de chair. . .

O leg fines langueurs d'une âme frêle et folle!

 

La lueur du soleil dissipe Ie beau rêve;

Mais un autre s'éveille au sein du jour brulant

De gloire vehemente et d'empire sanglant…

Vanité d'un moment, bruit du flat sur la grève!

 

Ni Lune ni Soleil brillent dans mon âme;

Toute une autre Lumière a su ravir roes cieux…

Puissante est la douceur, aussi douce la flame

Que me verse un lointain regard mysterieux!

 

IV

 

Quand je vois de sa tige alanguie une feuille

Qui tombe frissonant aux caprices du vent,

Quand je vois la paupière humide d'un enfant

Qui n'a plus son jouet – je gens que la s'effeuille

 

Tout un rêve blemi, que c'est la Vanité

Qu'y pleure assise au bard de nos mortalités!

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Et cependant j'ai vu leg debris qu'amoncelle

L'ouragan en furie et toute une grandeur

Me semblait une fois d'espace supérieur

S'élancer et plonger dans leg fangs charnelles –

­Mais ces vastes douleurs, ces grandioses marts

M'embrasaient je ne sais de quels secrets transports!

 

V

On a déjà fini de se plaindre, insensé!

On a déjà fini! Viens donc, quitte la scène. . .

On a séché ses pleurs, on a déjà pansé

Les blessures – pourquoi chérir encore la peine?

On a bien survécu des rêves enfantines,

Le oeeur ne s'émeut plus de petites faiblesses;

On est calme, on est sage. . . un rire clandestine

Accueillit l'assaut de ces viles tristesses!

 

La rose d'un matin, Ie parfum d'un printemps,

Et l'amour qui capture un cerveau juvenile –

­Qu' est-ce donc qui demeure ici? Mais tu' prétends

Que ta démence à toi sera seule immobile!

 

 

En ces flots de la vie où rien s'attache à rien,

Combien de fois veux-tu qu'on se plaise aux folies?

On s'en éprend, et puis, on s'échappe, on oublie . . .

Un rideau clôt toujours nos horizons anciens!

 

VI

 

Creur d'enfant où ne sont ni l'amour ni la haine­ –

Bourgeonnette incolore, ah! dors tant qu'il fait unit.

Dors à ton aise, et loin du maude, de ses bruits

Rêve au calme, au silence, aux choses lointaines!

Lent épanouissement au rayon matinal,

O rongeur puérile aux paupieres timides!

Garde ton innocence encore, demens Ie vide

Avide qui refine en ton coeur virginal!

 

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O Femme, sang et feu de midi qui flamboie. . . .

O son et griserie – et déboire cruel!

Ainsi tu l'as gouté, Ie mystère – est-ce joie

Et delice, dis-moi, n' est-ce enfin lie et fiel?

 

Calme coucher au soir, ô sagesse murie!

Je n'irai pas quérir Ie mot qui t'injurie. . . .

Seul, mon coeur en dévot une larme voudrait

A ton pied deposer, tabernacle sacré.

 

 

VII

 

Pays de vir eclat et d'ombre plus profonde,

O chaleur d' Arabie où s'exhalent l'encens

Et l'arome! Elles ant incendié roes gens,

Tes fiIles aux yeux noirs, volcans des feux immondes!

 

Horizon calme et frais au pays du levant,

Tes beautés ont la ligne aussi chaste et legère;

Mon amour les convoite et pourtant n'ose guère

De peur de blasphemer ces regards purs d’enfant!

 

FiIles de Nord, enfants du brouillard et du vague­ –

L’azur chassé du del a trouvé Ie refuge

Dans vas yeux – ah! ces yeux qui portent un deluge

Des rêves somnolents où man amour divague!

 

VIII

 

En ce mois de brouillard et d'ombre,

L'âme sombre

Ne songe qu'a l'obscurité;

En ce mois de vent et de grêle,

                                                Tout se gele­ –

                        Amour, esperance et gaieté!

 

En cette menace sans borne

                                                            D'un ciel morne,

                                    Couve Ie sinistre avenir;

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                                    En cette amère odeur qu' étale

                                                            La pétale,

                                    Fuit l'encens d'un dernier soupir!

 

                                    En ce tumulte de I'orage

                                                            Qui s'enrage,

                                    L'esprit ne gait se recueillir;

                                    En cette froideur qui s'entasse,

                                                            Toute lasse

                                    Mon âme se sent defaillir!

 

                                    En ce mois de rêves funèbres,

                                                            Aux tenebres,

                                    Arracher une illusion¹

                                    Du jour, de I'amour – des caresses²

                                                            Qu'eIle adresse,

                                    Même une folIe illusion!³

 

IX

 

It pteut . . . It pteut

 

II pleut. . . . il pleut. . . . il pleut sans fin des pleurs amères

II pleut du sang au fond de man âme fendue:

La grâce sans merci du Haut est descendue . . .

Et dans son infini, je me perds! je me perds!

 

Petits plaisirs cheris! O leg gentils mouillages

De mes jours envolés, il me rant vans quitter,

Aller au large enfin chercher leg âpretes

Des embruns vagabonds sur les mers sans vivages!

 

Bonheur de vie en grand! j'en ai besoin toujours

Mais un dernier regard, Amour en agonie!

Un seul baiser d'adieux aux lèvres que je nie,­

Et je pars à jamais et vcrs toi seul j'accours!

 

 

¹ vision.

² des faux follets – une caresse.

³ la plus trompeuse.

 

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II pleut. . . . il pleut. . . . Ie monde entier n'est que des larmes

O leg dieux si jaloux des aises qui nous charment!

 

 

X

 

Que ferai-je de ton âme, et que ferai-je de ton coeur?

O l'avare cruel!

Je ne cherche¹ point que tu m'aimes

D'un amour éternel, d'une foi sans branle.²

 

Enfant de terre et de mortalité,

Je ne suis épris que des choses qui périssent­ –

Toujours c'est un rien qui me passionne

C'est une étincelle jetée par hasard, qui dans mes veines

Embrase leg grands fleuves rouges!

 

O chair qui tressaille à l'arome de la chair

O lèvres qui s'enflamment aux vapeurs des lèvres voisines,

Je ne connais pas d'autres chaleurs, et d'autres sèves De la vie.

La folie d'un moment, dont aussitôt on se gurèit­ –

Voilà tout ce que je désire!

On prodigue tant de choses et n' en perd rien cependant,

Mais toi, si digne de parcimonie, ô mon amour vierge !

 

¹ demande.

² toujours vide.

 

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