Letters on the integral yoga, other spiritual paths, the problems of spiritual life, and related subjects.
Letters on subjects including 'The Triple Transformation: Psychic - Spiritual - Supramental', 'Transformation of the Mind, the Vital, the Physical, the Subconscient and the Inconscient', 'Difficulties of the Path' and 'Opposition of the Hostile Forces'. Sri Aurobindo wrote most of these letters in the 1930s to disciples living in his ashram.
Première édition: 1987
LA TRIPLE TRANSFORMATION: PSYCHIQUE, SPIRITUELLE ET SUPRAMENTALE
Les réalisations fondamentales de notre yoga sont:
1. La transformation psychique, afin qu'une dévotion complète devienne le mobile principal du cœur et régisse la pensée, la vie et l'action, en union constante avec la Mère et en sa Présence.
2. La descente de la Paix, du Pouvoir, de la Lumière, etc., de la Conscience supérieure, d'abord dans la tête et le cœur, puis dans l'être tout entier, emplissant jusqu'aux cellules du corps.
3. La perception de l'Un et du Divin infiniment partout, de la Mère partout, et le fait de vivre dans cette conscience infinie.
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La réalisation doit, vous le savez, se fonder sur trois mouvements:
(1) l'ascension de la conscience jusqu'à une position au-dessus du mental et l'ouverture de la conscience cosmique;
(2) l'ouverture psychique, et
(3) la descente de la conscience supérieure et de sa paix, de sa lumière, de sa force, de sa connaissance, de son Ânanda, etc. dans tous les plans de l'être jusqu'au physique le plus matériel.
Tout cela doit se faire par l'action de la Force de la Mère, soutenue par votre aspiration, votre dévotion et votre consécration.
Tel est le Sentier. Quant aux autres questions, elles se régleront sous l'effet de ces réalisations et pour cela, vous devez avoir foi en l'action de la Mère.
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Lorsqu'on parle de l'étincelle divine, on considère l'âme comme une parcelle du Divin descendue dans la manifestation, plutôt que comme un élément qui se serait séparé du cosmos. C'est la nature qui s'est formée en émergeant des forces cosmiques: le mental est sorti du mental cosmique, la vie de la vie cosmique, le corps de la Matière cosmique.
L'âme accède à trois réalisations: (1) la réalisation de l'être psychique et de la conscience psychique qui constituent l'élément divin dans l'évolution; (2) la réalisation du Moi cosmique qui est un en tous; (3) la réalisation du Divin suprême, d'où sont venus à la fois l'individu et le cosmos, et de l'être individuel (Jîvâtman) comme parcelle éternelle du Divin.1
Le physique est évidemment la base; celle du surmental se situe entre les deux hémisphères. L'hémisphère inférieur contient nécessairement tout le mental, y compris ses plans supérieurs, ainsi que le vital et le physique. L'hémisphère supérieur contient l'Existence-Conscience-Béatitude divine qui trouve sa formulation dans le supramental. Le surmental est situé au sommet de l'hémisphère inférieur; il est le plan intermédiaire ou plan de transition entre les deux.
L'être psychique se tient derrière le cœur et soutient le mental, la vie et le corps. Dans la transformation psychique, il y a trois éléments principaux: (1) l'ouverture du mental intérieur occulte, du vital intérieur occulte, du physique intérieur occulte, si bien que l'on devient conscient de ce qui s'étend derrière le mental, la vie et le corps de surface; (2) l'ouverture de l'être psychique ou âme qui vient ainsi en avant et gouverne le mental, la vie et le corps en les orientant tous vers le Divin; (3) l'ouverture de tout l'être inférieur à la vérité spirituelle: ce dernier stade de la transformation peut être qualifié de psycho-spirituel. La transformation psychique peut fort bien faire passer l'être de
1. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
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l'individuel au cosmique. Même l'ouverture occulte établit un lien avec le mental, le vital et le physique cosmiques. Le psychique réalise le contact avec l'existence du Tout, l'unité du Moi, l'amour universel et les autres réalisations qui conduisent à la conscience cosmique.
Mais tout cela résulte de l'ouverture au plan spirituel situé au-dessus et vient par une infiltration ou un reflet de la lumière et de la vérité spirituelles dans le mental, la vie et le corps. La transformation spirituelle proprement dite commence ou devient possible lorsqu'on s'élève au-dessus du mental et que l'on vit là, en gouvernant tout d'en haut. Même dans la transformation psychique on peut s'élever au-dessus, par une sorte d'ascension de l'être mental, vital et physique et son retour, mais on ne vit pas encore au-dessus, dans la conscience la plus élevée où résident le surmental et les autres plans qui se trouvent au-dessus du mental humain.
La transformation supramentale ne pourra venir que lorsque le couvercle entre les hémisphères inférieur et supérieur de l'existence sera retiré et que le supramental, et non le surmental, deviendra le pouvoir directeur de l'existence... mais rien ne peut être dit à ce sujet pour le moment.
La transmutation psychique de l'être et sa spiritualisation sont deux choses différentes. La transformation spirituelle est celle qui descend d'en haut, la transformation psychique est celle qui vient du dedans, par la domination du psychique sur le mental, le vital et le physique.
La transmutation psychique de l'être transforme la nature inférieure en apportant au mental une vision juste, au vital des impulsions et des sentiments justes, au physique des mouvements et des habitudes justes - tous orientés vers le Divin, tous fondés sur l'amour, l'adoration, la bhakti; elle
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leur fait enfin voir et sentir que la Mère est présente partout et en tous, et non seulement dans le cœur, que sa Force est à l'œuvre dans l'être; elle apporte au mental, au vital et au physique la foi, la consécration et la soumission.
La transformation spirituelle est la descente et la stabilisation de la paix, de la lumière, de la connaissance, du pouvoir, de la béatitude d'en haut; c'est aussi la perception du Moi, du Divin et d'une conscience cosmique supérieure en lesquels se transforme la totalité de la conscience.
Ces sentiments sont tous deux justes: ils indiquent les deux nécessités de la sâdhanâ. L'un consiste à aller au-dedans et à établir pleinement le contact entre l'être psychique et la nature extérieure. Par l'autre on s'ouvre vers le haut à la Paix, la Force, la Lumière, l'Ânanda divins au-dessus, on s'y élève et on les fait descendre dans la nature et le corps. Aucun de ces deux mouvements, le psychique et le spirituel, n'est complet sans l'autre. Sans la montée et la descente spirituelles, la transformation spirituelle de la nature ne peut pas se produire; sans l'ouverture psychique totale et le contact psychique total, la transformation ne peut pas être complète.
Les deux mouvements ne sont pas incompatibles; certains sâdhak commencent par le psychique, d'autres par le spirituel, d'autres encore poursuivent les deux à la fois. La meilleure manière est d'aspirer aux deux et de laisser la Force de la Mère agir selon les besoins et la tendance de la nature.
Si le développement d'une conscience supérieure n'apportait rien dont le mental n'ait déjà eu connaissance auparavant, il ne servirait pas à grand-chose. L'unification du psychique avec les forces et les activités de la conscience
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supérieure est tôt ou tard indispensable à la sâdhanâ.
La transformation psychique est la première des deux transformations nécessaires; si vous avez la transformation psychique, la seconde - c'est-à-dire la transformation de la conscience humaine ordinaire en conscience spirituelle supérieure - en est grandement facilitée; autrement, votre voyage risque d'être lent et ennuyeux, ou exaltant mais plein de périls...
Je n'ai jamais parlé d'une "transformation du psychique"; dans tout ce que j'ai écrit, il était question d'une "transformation psychique" de la nature, ce qui est tout différent. Je l'ai parfois qualifiée de transmutation psychique de la nature. Le psychique participe à l'évolution, il fait partie de la nature de l'homme: c'est sa partie divine; par conséquent, une transmutation psychique ne portera pas l'être au-delà du stade d'évolution actuel, mais elle le préparera à réagir positivement à tout ce qui vient du Divin ou de la Nature supérieure et le fermera à l'Asoura, au Râkshasa, au Pishâtcha ou à l'Animal dans l'être, ou encore à toute résistance de la nature inférieure qui s'oppose à la transformation divine.
J'ai lu le compte rendu de votre sâdhanâ. Il n'y a rien à dire, je crois - car tout va bien - sinon que le plus important, pour vous, est d'attiser le feu psychique dans le cœur et d'aspirer de plus en plus à ce que l'être psychique vienne au premier plan pour diriger la sâdhanâ. Quand il le fera, il vous montrera les "nœuds d'ego non détectés" dont vous parlez et les dénouera ou les brûlera dans le feu psychique. Ce développement psychique et la transformation psychique de la conscience mentale, vitale et physique sont de la plus haute importance, car grâce à eux la descente de la conscience
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supérieure et la transformation spirituelle, sans lesquelles le supramental ne peut que demeurer à jamais très lointain, deviennent faciles et sans danger. Les pouvoirs, etc., ont leur place, mais elle est très petite tant que cela n'est pas fait.
Tout est dangereux dans la sâdhanâ ou peut l'être, sauf la transformation psychique.
L'âme, l'être psychique, est en contact direct avec la Vérité divine, mais dans l'homme, l'âme est masquée par le mental, par l'être vital et par la nature physique. On peut pratiquer le yoga et obtenir certaines illuminations dans le mental et dans la raison; on peut conquérir le pouvoir et s'ébattre dans toutes sortes d'expériences dans le vital; on peut même obtenir d'étonnantes siddhi physiques; mais si le vrai pouvoir de l'âme derrière ne se manifeste pas, si la nature psychique ne passe pas au premier plan, rien d'authentique n'a été accompli. Dans notre yoga, l'être psychique est ce qui ouvre le reste de la nature à la vraie lumière supramentale et finalement à l'Ânanda suprême. Le mental peut s'ouvrir spontanément à ses propres régions supérieures; il peut s'immobiliser et s'élargir en l'Impersonnel, il peut aussi se spiritualiser dans une sorte de libération statique ou Nirvana; mais le Supramental ne trouve pas une base suffisante dans le seul mental spiritualisé. Si l'âme profonde est éveillée, s'il y a une naissance nouvelle et que l'on passe de la simple conscience mentale, vitale et physique à la conscience psychique, alors on peut pratiquer ce yoga; autrement (par le seul pouvoir du mental ou de n'importe quelle autre partie de l'être), c'est impossible... Si l'on refuse la nouvelle naissance psychique, si l'on refuse de devenir l'enfant nouvellement né de la Mère par attachement à la
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connaissance intellectuelle ou à des idées mentales ou à quelque désir vital, la sâdhanâ aboutira à un échec.2
L'être psychique est toujours là, mais on ne le sent pas parce qu'il est masqué par le mental et le vital; lorsqu'il se découvre, on dit qu'il est éveillé. Une fois éveillé, il commence à prendre possession du reste de l'être, à l'influencer et à le transformer afin que tout puisse devenir l'expression vraie de l'âme intérieure. C'est cette transformation que l'on nomme conversion intérieure. Elle ne peut se produire sans cet éveil de l'être psychique.
En utilisant l'expression "ouverture du psychique", je pensais non pas à une ouverture psychique ordinaire qui peut dans une certaine mesure engendrer l'amour et la bhakti psychiques (par opposition à l'amour et à la bhakti vitales), mais à ce que l'on appelle la venue du psychique au premier plan. Quand elle se produit, on devient conscient de l'être psychique et de son don de soi simple et spontané, et l'on sent sa maîtrise directe (et pas seulement une influence voilée ou à demi voilée) s'exercer de plus en plus sur le mental, le vital et le physique. Le discernement psychique, en particulier, éclaire aussitôt les pensées, les émotions, les impulsions vitales, les habitudes physiques; il n'y laisse rien dans l'ombre et substitue les mouvements justes aux mouvements erronés. C'est cela qui est difficile et rare; plus souvent, le discernement a un caractère mental, et c'est le mental qui essaie de tout mettre en ordre. Dans ce cas, c'est la descente de la conscience supérieure qui, en passant par le mental, ouvre le psychique, et non le psychique qui s'ouvre directement.
2. Lumières sur le Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
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Nul n'a jamais dit que l'ouverture du psychique devait forcément se faire d'en haut. Quand elle vient naturellement, elle est directe, et elle est alors plus efficace. Mais quand il est difficile d'obtenir l'ouverture directe, comme c'est le cas pour certaines natures, la transformation commence par le haut et la conscience qui descend doit libérer le centre du cœur. À mesure qu'elle agit sur le centre du cœur, le psychique augmente sa capacité d'action.
[La descente dynamique pénétrant d'en haut dans le cœur] peut aider le psychique à venir au premier plan, mais son action n'est pas toujours automatique; elle crée néanmoins des conditions plus favorables au psychique.
L'ouverture directe du psychique n'est facile que lorsque l'égocentrisme s'est beaucoup atténué, et aussi lorsque la bhakti pour la Mère est forte. Une humilité spirituelle, un sentiment de soumission et de dépendance sont nécessaires.
Ce que je veux dire quand je parle du psychique qui vient en avant est simplement ceci. D'ordinaire le psychique est profondément enfoui à l'intérieur. Très peu de gens sont conscients de leur âme: quand ils en parlent, ils entendent en général l'être vital + l'être mental ou encore la (fausse) âme de désir. Le psychique reste en arrière et agit seulement par l'intermédiaire du mental, du vital et du physique chaque fois qu'il le peut. Pour cette raison, l'être psychique - à moins qu'il ne soit très développé - n'a sur la vie de la plupart des hommes qu'une influence faible et partielle, dissimulée, mélangée ou diluée. Par "venir en avant", j'entends qu'il sort de derrière le voile, que sa présence est déjà
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ressentie dans la conscience quotidienne de veille, que son influence emplit, domine, transforme le mental et le vital ainsi que leurs mouvements, et même le physique. On est conscient de son âme, on ressent le psychique comme son être vrai, le mental et le reste commencent à n'être que des instruments de ce qui est au plus profond de soi.
Le mental, le vital, le physique intérieur sont, eux aussi, voilés, mais se trouvent beaucoup plus près de la surface, et dans la vie des êtres humains développés, parfois même dans la vie des gens ordinaires, une bonne partie des mouvements ou des inspirations de ce mental, de ce vital et de ce physique intérieurs filtrent à travers le voile (mais pas dans toute leur plénitude ou toute leur pureté). Mais eux aussi, dans le yoga, retirent le voile au bout d'un certain temps et viennent au premier plan; leur action prédomine dans la conscience, tandis que l'on ne ressent plus les parties extérieures comme soi-même, mais comme une façade ou même une lisière de l'être.
Il me semble que vous devriez savoir maintenant ce qu'est l'être psychique, qu'il est derrière le voile ainsi que sa conscience; seule une petite partie émerge dans le mental, le vital et le physique. Quand cette conscience n'est pas masquée, quand vous êtes conscient de votre âme (l'être psychique), quand ses sentiments et sa conscience sont vôtres, alors vous avez la conscience de l'être psychique. Les sentiments et les aspirations de l'être psychique s'orientent tous vers la vérité, la conscience juste et le Divin; c'est la seule partie de l'être qui ne peut être atteinte par les forces hostiles et leurs influences.
L'être psychique émerge lentement chez la plupart des humains, même après qu'ils ont entrepris la sâdhanâ, tant il
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y a, dans le mental et le vital, de choses qui doivent se transformer et se réadapter avant que le psychique puisse être tout à fait libre. On doit attendre que le processus nécessaire soit suffisamment avancé pour que le psychique puisse déchirer son voile millénaire et venir en avant pour diriger la nature. Rien, il est vrai, ne peut donner autant de bonheur et de joie intérieure, bien que la paix puisse venir par la libération mentale et vitale ou par le développement d'une puissante samatâ dans l'être.
Il n'y a pas de procédé pour faire venir le psychique au premier plan. Il en est de cela comme du reste: vous devez y aspirer, et cela ne pourra venir que lorsque vous aurez suffisamment avancé.
L'être psychique ne peut s'ouvrir pleinement que quand le sâdhak s'est débarrassé du mélange des mobiles vitaux dans sa sâdhanâ et qu'il est capable de s'offrir simplement et sincèrement à la Mère. S'il y a une tendance égoïste ou un mobile insincère, quels qu'ils soient, si l'on fait le yoga sous la pression d'exigences vitales ou plus ou moins pour satisfaire quelque ambition spirituelle ou autre, quelque orgueil, quelque vanité, quelque recherche du pouvoir et des honneurs ou pour avoir une influence sur les autres, ou encore avec une impulsion à satisfaire un désir vital quelconque à l'aide de la force yoguique, alors le psychique ne peut pas s'ouvrir, ou bien il ne s'ouvre qu'en partie ou de temps à autre et se referme ensuite parce qu'il est voilé par les activités vitales - le feu psychique s'éteint, étouffé par la fumée vitale. La même incapacité se produit si le mental veut prendre le rôle principal dans le yoga et repousse l'âme intérieure à l'arrière-plan, ou si la bhakti ou les autres mouvements de la sâdhanâ prennent une forme plus vitale
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que psychique. La pureté, la simple sincérité et la capacité de se donner sans égoïsme ni mélange, sans prétention ni exigence, telles sont les conditions de l'ouverture complète de l'être psychique.3
Évidemment l'ego, tout comme le vital avec ses revendications et ses désirs, est toujours l'obstacle principal à l'émergence du psychique. Car tous deux obligent le sâdhak à vivre, à agir et même à faire la sâdhanâ pour lui-même, alors que la transformation psychique le fait vivre, agir et faire la sâdhanâ pour le Divin.
Si le désir est rejeté et ne gouverne plus la pensée, les sentiments ou l'action, et que l'on aspire avec constance à un don de soi entièrement sincère, le psychique s'ouvre en général de lui-même au bout d'un certain temps.
Pour amener le psychique en avant, il faut se débarrasser de l'égoïsme et de l'exigence (qui sont la base des sentiments vitaux) ou du moins ne jamais y céder.
Il n'y a abus majeur que s'il [le flot de l'amour et de la joie qui viennent du centre du cœur] est détourné par un ego vital fort et véhément, peu habitué à ce qu'on le corrige, ou encore un vital plein de kâmavâsanâ. L'abus sera moindre s'il est le fait de petits égoïsmes, de petites vanités, ambitions, exigences du vital inférieur qui s'en nourrissent. Si vous vous gardez de tout cela, vous ne courez pas le danger
3. Lumières sur le Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
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d'en mésuser. Si le psychique fait apparaître le discernement psychique en même temps que l'amour, il n'y a aucun danger, car la lumière du discernement psychique refuse aussitôt tout mélange et tout abus.
Une aspiration constante et sincère et la volonté de se tourner vers le Divin seul sont le meilleur moyen de faire venir le psychique au premier plan.
Le psychique vient en avant de lui-même, soit par la constance de l'amour et de l'aspiration, soit lorsque le mental et le vital ont été préparés par la descente d'en haut et l'action de la Force.
Si la volonté de soumission existe dans l'être central, alors le psychique peut venir au premier plan.
L'être central est au-dessus de l'Âdhâr; la plupart des gens ne sont pas conscients de leur être central (le Jîvâtman); ils ne perçoivent que leur ego.
Le psychique est l'âme, c'est une parcelle du Divin qui soutient le mental et le corps dans l'évolution. Le psychique reçoit l'aide divine directement du Divin.
L'être central est celui dont dépendent tous les autres êtres. S'il se soumet, c'est-à-dire s'il renonce à s'accomplir séparément pour devenir un instrument du Divin, la soumission du mental, du vital et du physique est plus facile.
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Cela n'a rien à voir avec les circonstances favorables. Si l'être central oriente sa volonté vers l'union avec le Divin, il renonce à s'accomplir séparément.
L'être psychique doit se soumettre consciemment et avec une connaissance de plus en plus grande. Le psychique aspire au Divin ou répond à ce qui est divin, en principe il est soumis, mais il doit parfaire sa soumission dans le détail, en entraînant la soumission de l'être tout entier.
Aucune action, passée ou présente, ne peut empêcher le psychique de venir au premier plan, si l'on a vraiment la volonté de se débarrasser de ces obstacles et de vivre dans la conscience psychique et spirituelle.
Votre première expérience était l'ouverture du psychique; vous avez commencé à percevoir d'une part l'être psychique, ses aspirations, ses expériences, et d'autre part l'être extérieur en façade, comme deux parties séparées de votre conscience. Vous n'avez pas pu prolonger cette expérience parce que le vital n'était pas purifié et vous tirait à l'extérieur, dans la conscience extérieure ordinaire. Ensuite vous êtes retourné dans le psychique et vous avez été capable à la fois de voir votre nature vitale ordinaire, de prendre conscience de ses défauts, et de travailler, par le pouvoir du psychique, à sa purification. Je vous ai écrit au début que c'était cela qu'il fallait faire; car si le psychique est éveillé et au premier plan, on n'a pas de mal à rester conscient des éléments qu'il faut changer dans la nature extérieure, et il est aussi relativement facile de les changer. Mais si le psychique se voile et se retire à l'arrière-plan, la nature extérieure,
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abandonnée à elle-même, a du mal à rester consciente de ses mouvements faux et ne réussit pas, même au prix d'un grand effort, à s'en débarrasser. Vous pouvez voir vous-même, comme dans cette question de nourriture, que si le psychique est actif et éveillé, l'attitude juste vient naturellement et toutes les difficultés qui pouvaient exister s'atténuent bientôt ou même disparaissent.
Je vous ai dit aussi à l'époque qu'il y avait une troisième partie de la nature, l'être intérieur (mental intérieur, vital intérieur, physique intérieur) dont vous n'étiez pas encore conscient, mais qui, à son tour, devait s'ouvrir aussi. C'est ce qui s'est passé au cours de vôtre dernière expérience. Ce que vous avez senti comme une partie de vous-même, mais un vous-même qui n'était pas votre moi physique, s'élevant à la rencontre de la conscience supérieure, c'était cet être intérieur; c'était votre être vital supérieur (intérieur) qui montait ainsi pour rejoindre le Moi suprême, ce qu'il a pu faire parce que le travail de purification de la nature vitale extérieure avait vraiment commencé. Chaque fois que la nature extérieure se purifie, l'être intérieur acquiert une plus grande capacité à se révéler, à se libérer et à s'ouvrir à la conscience supérieure.
Quand cela se produit, plusieurs autres choses arrivent en même temps. Premièrement, on devient conscient du Moi silencieux au-dessus, libre, vaste, sans limite, pur, imperturbable devant les mouvements mentaux, vitaux et physiques, exempt d'ego et dépourvu des limitations de la personnalité; c'est ce que vous avez décrit dans votre lettre. Deuxièmement, le Pouvoir divin descend à travers ce silence et cette liberté du Moi et commence à agir dans l'Âdhâr. C'est ce que vous avez ressenti comme une pression; cette descente, passant par le sommet de la tête, le front, les yeux et le nez, indiquait que le Pouvoir travaillait à ouvrir les centres mentaux - en particulier les deux centres supérieurs: centre de la pensée et de la volonté, et centre de la vision - dans l'être mental intérieur. Ces deux centres sont appelés le lotus aux mille pétales et l'âjnâ chakra, entre les sourcils.
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Troisièmement, par cette action, les parties intérieures de l'être s'ouvrent et se libèrent; on est libéré des limitations du mental, du vital et du physique personnels et ordinaires et on commence à percevoir une conscience plus vaste dans laquelle on devient davantage capable de la transformation nécessaire. Mais c'est forcément une question de temps et de labeur prolongé, et vous n'en êtes qu'aux premiers pas dans cette voie.
Quand on pénètre dans l'être intérieur, on a tendance à s'intérioriser complètement et à perdre la conscience du monde extérieur; c'est ce qui est communément appelé samâdhi. Mais on doit aussi être capable d'avoir la même expérience (du Moi, de ce qui se passe dans la conscience intérieure, etc.) à l'état de veille. La meilleure règle, pour vous, sera de ne laisser l'intériorisation totale se produire que lorsque vous serez seul et que vous ne risquerez pas d'être dérangé, et à d'autres moments de vous habituer à avoir ces expériences avec la conscience physique éveillée tout en y participant ou du moins en les percevant.
Lorsque l'être psychique s'éveille, vous devenez conscient de votre âme, vous connaissez votre moi. Et vous ne commettez plus l'erreur de vous identifier à l'être mental ou à l'être vital. Vous ne les confondez pas avec l'âme.
Deuxièmement, lorsque l'être psychique s'est éveillé, il donne la vraie bhakti pour Dieu ou pour le Gourou. Cette bhakti est toute différente de la bhakti mentale ou vitale.
Dans le mental, on peut ressentir de l'admiration ou de l'estime pour la grandeur intellectuelle de l'homme - ou du Gourou - mais c'est purement mental, cela ne va pas très loin. Il n'y a bien sûr aucun inconvénient à avoir aussi ce sentiment, mais en soi il n'ouvre pas la totalité de l'être intérieur: le contact qu'il établit n'est qu'intellectuel.
La bhakti vitale ne cesse d'exiger. Elle impose ses conditions. Elle se donne à Dieu, mais sous certaines réserves;
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elle dit à Dieu: "Tu es si grand, je t'adore; alors maintenant, satisfais tel de mes désirs ou telle de mes ambitions, fais de moi un grand homme, un grand sâdhak, un grand yogi, etc."
Le mental non illuminé se consacre, lui aussi, à la Vérité, mais il pose ses conditions. Il dit à la Vérité: "Satisfais mon jugement et mon opinion"; il exige de la Vérité qu'elle se coule dans les formes propres au mental.
L'être vital aussi insiste pour que la Vérité se projette dans le mouvement de sa propre force. L'être vital tire à lui le Pouvoir supérieur, tire sans cesse à lui l'être vital du Gourou.
Tous deux (le mental et le vital) ont une arrière-pensée 4 dans leur consécration.
Mais l'être psychique et sa bhakti ne sont pas comme cela. Parce qu'il est en communication directe avec la Divinité à l'arrière-plan, il est capable de vraie bhakti. La bhakti psychique n'a pas d'exigences, pas d'arrière-pensées. Elle se satisfait d'exister. L'être psychique connaît la bonne manière d'obéir à la Vérité. Il se donne véritablement à Dieu ou au Gourou, et parce que ce don de soi est authentique, il peut aussi recevoir véritablement.
Troisièmement, lorsque l'être psychique vient à la surface, il se sent triste si l'être mental ou vital se conduit sottement. Cette tristesse est la pureté offensée.
Quand le mental poursuit ses propres intérêts ou que l'être vital se laisse emporter par ses impulsions, c'est l'être psychique qui dit: "Je ne veux rien de tout cela; pourquoi suis-je ici, après tout? Je suis ici pour la Vérité, non pour ces choses."
La tristesse psychique est, elle aussi, différente de l'insatisfaction mentale, de la tristesse vitale ou de l'abattement physique.
Si l'être psychique est fort, il fait peser sa pression sur l'être mental ou vital et les contraint, les force à changer. Mais s'il est faible, les autres parties en profitent et utilisent la tristesse psychique à leur avantage.
4. En français dans le texte.
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Il arrive parfois que l'être psychique, en venant à la surface, bouleverse l'être mental ou vital et mette tout en désordre. Mais si le mental ou l'être vital est plus fort que le psychique, celui-ci ne fait que projeter une influence de temps en temps et se retire peu à peu à l'arrière-plan. Il ne fait que crier dans le désert, et l'être mental ou vital continue son train-train.
Enfin l'être psychique refuse de se laisser tromper par les apparences. Il ne se laisse pas entraîner par le mensonge. Il refuse de se laisser abattre par le mensonge, mais il ne grossit pas non plus la vérité. Par exemple, même si, autour de lui, tout dit: "Dieu n'existe pas," l'être psychique refuse de le croire. Il dit: "Je sais, et je sais parce que je sens."
Et parce qu'il sait ce qui est à l'arrière-plan, il ne se laisse pas tromper par les apparences. Il sent aussitôt la Force.
Quand l'être psychique est éveillé, il rejette aussi toutes les impuretés de l'être émotif et le libère du sentimentalisme ou du jeu inférieur des émotions.
Mais il ne porte pas en lui la sécheresse du mental ou l'exagération des sentiments vitaux. Il donne la note juste à chaque émotion.
[Signes qui indiquent que le psychique vient au premier plan:]
Au centre, amour, bhakti, soumission, don de tout, une vision au-dedans qui voit toujours avec clarté ce qui est spirituellement juste ou faux et rejette automatiquement ce qui est faux; un mouvement d'entière consécration de tout ce qui est en soi à la Mère.
C'est l'une des deux parties de l'expérience psychique; l'autre est un don de soi complet, l'absence totale d'exigence, la primauté de l'être psychique grâce auquel tout ce
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qui est faux, erroné, égoïste, contraire à la Vérité divine, à la Volonté divine, à la Pureté et à la Lumière divines est mis en évidence, se dissipe, ne peut prédominer dans la nature. Et pour accompagner tout cela, le développement des qualités psychiques: gratitude, obéissance, absence d'égoïsme, fidélité à la perception vraie, à l'impulsion vraie, etc. qui viennent de la Mère ou mènent à Elle. Quand cet aspect se développe, l'autre - Présence, Amour, Joie, Beauté - peut se développer aussi et être sans cesse présent.
La conversion qui maintient la conscience orientée vers la lumière et par laquelle l'attitude juste devient spontanée, naturelle et permanente, par laquelle le rejet aussi devient spontané, est la conversion psychique. C'est-à-dire que l'homme vit en général dans son vital: le corps est son instrument, le mental son conseiller et son ministre (sauf chez quelques intellectuels qui vivent principalement pour les choses de l'esprit; même ceux-là, cependant, sont soumis au vital dans leurs mouvements ordinaires). La conversion spirituelle commence lorsque l'âme en vient à exiger une vie plus profonds; elle est complète lorsque l'être psychique devient la base ou le guide de la conscience, que le mental, le vital et le corps sont menés par lui et lui obéissent. Évidemment, dès que cette conversion est devenue complète, le doute, l'abattement et le désespoir ne peuvent plus venir, bien qu'il puisse y avoir des difficultés et qu'il en subsiste encore. Quand, même si elle n'est pas complète, cette conversion est fondamentalement accomplie, ces choses n'apparaissent plus, ou bien sont des nuages qui passent rapidement à la surface; car il y a là un roc, une base inébranlable faite de réconfort et de certitude qui même si elle est en partie recouverte ne peut disparaître complètement.
La plupart du temps, cependant, le retour constant de la dépression et du désespoir, ou du doute et de la révolte, est dû à une formation mentale ou vitale qui s'empare du
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mental vital et le fait tourner sans cesse en rond dans le même cercle à la moindre provocation, ou même sans raison. C'est comme une maladie que le corps accepte par habitude et parce qu'il y croit, même s'il en souffre; une fois mise en route, la maladie suit son cours habituel, à moins qu'elle ne soit brusquement interrompue par une puissante force contraire. Si le corps parvient à refuser son consentement, la maladie cesse aussitôt ou en peu de temps; c'était le secret de la méthode Coué. De même, si le mental vital refuse son consentement, refuse de se laisser dominer par les suggestions et les mouvements de l'habitude, on peut mettre fin rapidement à ces retours de la dépression et du désespoir. Mais il n'est pas facile à ce mental d'éliminer son habitude et de sortir de ce cercle vicieux, une fois qu'il a pris l'habitude de donner son assentiment et même si cet assentiment est tout à fait passif, douloureux et réticent. Cela ne devient facile que lorsque le mental refuse dorénavant de croire à la suggestion ou d'admettre les idées ou les sentiments qui déclenchent le mouvement.
Lorsqu'on est parvenu à un état où l'on cesse de croire aux pensées qui traversent le mental, où on cesse de les accepter, de leur permettre de gouverner la conduite, on doit comprendre que le mental vital n'est plus prédominant; car la nature du mental vital est toujours de voiler les vraies perceptions du mental et de le pousser à agir. Ni le mental vital, ni le mental physique, ne font partie des choses à éliminer, mais ils doivent être calmés, purifiés, maîtrisés et transformés. Ce sera entièrement accompli lorsque le mental pensant deviendra tout à fait conscient et que le psychique viendra en avant, conduira, gouvernera à la fois le mental pensant et l'être vital et physique. Votre mental pensant devient de plus en plus conscient; cela transparaît dans ce que vous écrivez, car les perceptions que vous exprimez sont tout à fait clairvoyantes et exactes et dénotent
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une compréhension de plus en plus juste. En outre, vous devenez conscient sous la pression grandissante du psychique à l'arrière-plan, qui cherche à venir en avant. Car ce que vous avez senti, et qui essayait de sortir, c'était le psychique lui-même. Cette sensation de fleurs et de parfums, de fraîcheur et de paix indique toujours que le psychique devient actif. Il s'est développé en vous depuis quelque temps, mais il était recouvert par des irruptions du mental vital qui ne voulait pas perdre son emprise ou sa place. Maintenant que le mental vital est calmé, c'est de nouveau le psychique qui fait pression pour venir au premier plan et établir son influence.
Les pensées qui vous sont venues plus tard, au sujet des fautes commises à l'égard des autres, du repentir et des raisons pour lesquelles vous ne pouviez pas établir de relations justes avec eux, étaient le résultat de cette émergence psychique. Car lorsque le psychique vient au premier plan ou influence fortement le mental ou le vital, on commence à voir clairement et correctement sa propre nature, sa propre action, les choses et les gens, et à avoir des sentiments justes. C'est aussi sous cette pression du psychique, alors que le mental avait ces pensées et ces perceptions justes, que le vital s'est repenti des actions passées et a voulu demander pardon. Mais alors que cette tendance à demander pardon était en elle-même un sentiment juste, l'extérioriser physiquement n'aurait pas été la manière d'agir la plus sage ou la meilleure. Alors le psychique lui-même vous a dit aussitôt ce qu'il fallait faire: demander plutôt pardon à la Mère. Le nécessaire ayant été fait dans le mental et le vital, le psychique nettoya ensuite toute la conscience et y ramena son calme et sa paix. Je vous explique tout cela pour que vous puissiez commencer à comprendre ces fonctionnements intérieurs, et ce que signifient le psychique, son action et son influence.
Votre vision d'un autre monde lumineux, paisible et beau était une sorte d'image symbolique de la conscience physique véritable et du monde où elle vit, de la conscience
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physique telle qu'elle est lorsqu'elle se trouve sous la domination directe du psychique, et du caractère du monde qu'elle tend à se créer.
C'est sans doute votre être psychique qui est venu en avant, ou alors c'est votre être vital véritable qui a réussi à venir au premier plan, parce que vous avez adopté l'attitude psychique. Quand l'être psychique vient en avant, la perception du vrai et du faux, du divin et du non-divin, de l'aspect spirituellement juste et faux des choses devient automatique; les attaques et les mouvements faux du mental et du vital sont aussitôt démasqués et disparaissent sans pouvoir rien faire; petit à petit, le vital et le physique, tout comme le mental, se remplissent de la lumière et de la vérité du psychique, du sentiment juste et de la pureté du psychique, et les attaques violentes comme celles que vous subissez deviennent impossibles. Quand l'être vital véritable vient en avant, il est vaste, fort et calme; c'est un guerrier impassible et puissant du Divin et de la Vérité, qui repousse tous les ennemis, qui apporte une force et une puissance véritables et ouvre le vital à la conscience supérieure. Vous devez voir lequel des deux vous sentez en vous.
C'est l'être psychique en vous qui est venu au premier plan, et quand l'être psychique vient au premier plan tout est bonheur, attitude juste, vision juste des choses. Bien sûr, dans un sens, c'est le même Moi qui présente différentes parties de lui-même. Mais quand ces différentes parties sont toutes sous la domination du psychique et qu'il les incite à .recevoir la conscience supérieure, toutes les parties commencent à s'harmoniser et à se refondre peu à peu dans les moules de la conscience supérieure, ce qui fait croître en eux la paix, la lumière, la force, l'amour, la connaissance,
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l'Ânanda: c'est ce que nous appelons la transformation.
C'est l'action de l'être psychique, qui se trouve mêlée aux incapacités du mental, du vital et du physique, et non l'être psychique lui-même, parce que celui-ci doit les utiliser pour exprimer le peu de sentiment psychique véritable qui perce à travers le voile. Par l'aspiration du cœur au Divin, l'être psychique se libère de ces incapacités.
Si c'est le sentiment de la Présence que vous avez, alors vous vivez dans la conscience du centre psychique. Penser avec le mental est bon, parce que cela y mène, mais ce n'est pas vivre dans le centre psychique.
C'est bien. Cela signifie que le psychique a émergé de nouveau. Quand le psychique est au premier plan, la sâdhanâ devient naturelle et facile; ce n'est plus qu'une question d'évolution naturelle et de temps. Quand le mental, le vital ou la conscience physique prédomine, la sâdhanâ est une tapasyâ et une bataille.
Ce que vous ressentez est la véritable ouverture psychique, et c'est à elle que vous devez aspirer sans cesse, en rejetant le reste, jusqu'à ce qu'elle devienne la base normale de votre conscience. Une fois qu'elle sera établie, vous pourrez faire appel, par son intermédiaire, à une vigueur d'en haut qui viendra renforcer le vital et éliminera la faiblesse. Votre sâdhanâ est encore trop mentale et, par conséquent, lente et difficile; c'est par l'ouverture psychique qu'un progrès plus
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satisfaisant et plus rapide deviendra possible.
Ce que vous décrivez, c'est l'action de l'existence ordinaire, non le yoga. Le yoga est une quête et non une recherche mentale; il ne procède pas par une expérimentation des contraires et des contradictions. C'est le mental qui agit ainsi, et c'est le mental qui analyse. L'âme ne scrute pas, n'analyse pas, n'expérimente pas: elle cherche, elle sent, elle a l'expérience.
La seule miette de vérité, dans ce que vous dites, est que le yoga est très souvent une succession de hauts et de bas, jusqu'à ce que l'on parvienne à une certaine hauteur. Mais il y a à cela une raison tout autre que les caprices de l'âme. Au contraire, quand l'être psychique est au premier plan et devient le maître, une action fondamentalement régulière s'établit et bien que le mouvement soit sujet à des difficultés et à des fluctuations, elles n'ont rien de brutal ni de dramatique.
L'âme renferme en elle toute la force possible, mais presque toute cette force est cachée derrière le voile et la différence vient de ce qui se révèle dans la nature. Chez certains, l'élément psychique est fort, chez d'autres il est faible; chez certains, le mental est la partie la plus forte et domine, chez d'autres le vital est le plus fort et guide ou entraîne. Mais par la sâdhanâ, l'être psychique peut être amené de plus en plus au premier plan et finit par prédominer et gouverner le reste. S'il gouvernait déjà, les luttes et les difficultés du mental et du vital n'auraient pas du tout ce caractère d'âpreté; car chacun, dans la lumière du psychique, verrait et sentirait la vérité et la suivrait de plus en plus.
Votre expérience d'un vaste espace où s'ouvrent de nombreuses routes était une image de la conscience supérieure
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où tous les mouvements de l'être sont ouverts, vrais, heureux; l'ignorance et l'incapacité de la nature inférieure disparaissent. C'est ce qu'apporte la lumière d'en haut.
L'action du psychique, lorsqu'il devient le principal pouvoir de l'être, s'exerce par un certain sentiment et par un sens psychique intrinsèque qui repousse le mensonge. Les domaines du mental situés au-dessus de l'intellect n'agissent pas de cette manière: là, ce sont le discernement et la volonté qui s'exercent, et leur action est plus vaste, mais moins sûre et pour ainsi dire moins automatique.
Lorsque la concentration se situe au sommet de la tête, cela signifie que l'être mental y rejoint la conscience supérieure et la résistance est minime ou nulle. Si elle se situe à l'autre endroit, c'est l'être psychique qui s'unit à la conscience supérieure, d'où le silence plus profond, puisque l'être psychique est plus central que l'être mental; mais par l'intermédiaire du psychique, le reste de la conscience inférieure tente aussi de se joindre à la conscience supérieure, et c'est là qu'une résistance se produit. La jonction du mental n'affecte pas le vital et le physique, c'est pourquoi ils restent ou peuvent rester calmes pour le moment; la jonction du psychique exerce sur eux une pression à laquelle leur première réaction sera cette sensation de fatigue et la dernière pourra être une grande agitation. Mais la jonction psychique, si elle réussit à se faire, agit beaucoup plus puissamment pour la transformation de l'être tout entier.
L'âme est le témoin, ce qui soutient, ce qui a l'expérience, mais elle n'est le maître qu'en théorie; en fait elle est le
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non-maître, anîsa, tant qu'elle accepte l'Ignorance. Car son consentement est général, ce qui signifie que la Prakriti gambade avec le Pourousha et en fait à peu près ce qu'elle veut. Quand il veut recouvrer sa maîtrise, mettre la théorie en pratique, il lui faut beaucoup de tapasyâ pour y parvenir.
Le psychique a toujours été voilé, consentant au jeu du mental, du physique et du vital, dépendant d'eux pour tout connaître à la manière ignorante du mental, du vital et du physique. Pourquoi donc seraient-ils obligés de changer dès qu'il prend tout juste la peine de murmurer ou de dire: "Que la Lumière soit"? Ils ont un pouvoir de négation formidable, ils peuvent refuser, et ne se privent pas de refuser catégoriquement. Le mental résiste en persévérant avec obstination dans ses arguments et en semant sans cesse la confusion dans les idées, le vital résiste par une mauvaise volonté acharnée, appuyée sur les raisonnements obligeamment fournis par le mental; le physique résiste par une inertie obstinée et une fidélité crasse aux vieilles habitudes, et quand ils en ont fini, la Nature générale apparaît et dit: "Comment, vous ne pensiez tout de même pas vous libérer de moi si facilement! Vous allez voir!", et elle vous assiège et vous fait rendosser la nature que vous aviez rejetée, autant de fois et aussi longtemps qu'elle peut. Et vous, vous dites que c'est l'âme qui veut continuer à "prendre du bon temps" et qui va, toute réjouie, en redemander!
Il y a toujours, dans le mental, le vital, le corps, une partie qui est influencée par le psychique ou peut l'être; on peut l'appeler psycho-mental, psycho-vital, psycho-physique. Selon la personnalité ou le degré d'évolution de chacun, elle peut être petite ou grande, faible ou forte, voilée et inactive ou prédominante et active. Quand elle agit, les mouvements du mental, du vital ou du physique adoptent les motifs ou les buts du psychique, participent de sa nature ou poursuivent ses objectifs, tout en les modifiant selon la manière propre
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au mental, au vital ou au physique. Le psycho-vital cherche le Divin, mais sa consécration est pleine d'exigences, de désir, d'impatience vitale. Le psychique ne connaît rien de tel, car il se caractérise au contraire par le pur don de soi, l'aspiration et l'intensité du feu psychique. Le psycho-vital est sujet à la douleur et à la souffrance, qui n'existent pas dans le psychique.
L'Âtman n'est pas le psychique: l'Âtman est le moi qui est un en tous, calme, vaste, à jamais en paix, toujours libre. L'être psychique est l'âme au-dedans qui fait l'expérience de la vie et se développe à mesure qu'évoluent le mental, la vie et le corps. Le psychique ne souffre pas comme le mental ou le corps; il n'a ni douleur, ni angoisse, ni désespoir; mais il existe un chagrin psychique qui est différent. C'est une sorte de tristesse tranquille et douce, pleine d'aspiration, que le psychique ressent lorsque les circonstances sont contraires au Divin, lorsque l'obscurité et les obstacles sont trop pesants, lorsque le mental, le vital et le physique recherchent d'autres choses, lorsque le mal, le mensonge, les ténèbres semblent trop forts pour la Lumière. Il ne se désespère pas mais il sent que ces choses ne devraient pas être et le désir du psychique qu'elles soient autrement devient si intense qu'il est ressenti comme une tristesse.
Quant au fait que le psychique ne soit pas au premier plan, cela ne peut venir d'un coup: les autres parties de l'être doivent être préparées au changement et le voile intermédiaire s'amincir peu à peu. C'est dans ce but que les expériences viennent et que le travail se fait sur le mental, le vital et le physique intérieurs autant que sur la nature extérieure.
Votre vision représentait le chemin qui mène au but. Shiva sur le chemin est le Pouvoir qui déverse la lumière, mais scrute aussi le sâdhak pour voir s'il est prêt à aller plus avant. Quand il le laisse passer, alors c'est un flot d'expériences nouvelles et plus hautes, la marche et le progrès des forces divines, des Dieux et de leurs pouvoirs, la transformation de la nature en une conscience supérieure. Ce sont ces
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pouvoirs que vous avez vu passer dans votre vision.
La division de l'être, dont vous parlez, est un stade nécessaire dans le développement et l'expérience yoguiques. On sent que l'être est double: l'être intérieur psychique, qui est l'être vrai, et l'autre, l'être humain extérieur, qui est un instrument pour la vie extérieure. Vivre, comme vous le sentez, dans le psychique intérieur, en union avec le Divin, tout en accomplissant un travail extérieur, est le premier stade du karmayoga. Il n'y a rien de mal dans ces expériences; elles sont indispensables et normales à ce stade.
Si vous ne sentez pas de pont entre ces deux parties de l'être, c'est peut-être parce que vous n'êtes pas encore conscient de ce qui les relie. Il y a un mental intérieur, un vital intérieur, un physique intérieur qui relient le psychique à l'être extérieur. Vous n'avez cependant pas à vous en inquiéter pour le moment.
L'important est de conserver ce que vous avez et de le laisser grandir, de vivre sans cesse dans l'être psychique, dans votre être vrai. La volonté psychique s'éveillera le moment venu et orientera vers le Divin tout le reste de la nature, de sorte que même l'être extérieur se sentira en contact avec le Divin et mû par le Divin dans tout ce qu'il est, tout ce qu'il sent, tout ce qu'il fait.
C'était certainement une expérience de grande valeur, une expérience psychique par excellence5 "Une sensation de douceur veloutée au-dedans, une plasticité ineffable au-dedans", c'est là une expérience psychique et cela ne peut pas être autre chose. Elle signifie que la substance de la conscience s'est modifiée, en particulier dans la partie vitale émotive, et une telle modification, si elle persiste ou se
5. En français dans le texte.
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répète jusqu'à devenir permanente, serait un grand pas dans ce que j'appelle la transformation psychique de l'être. C'est justement grâce à ces modifications dans la substance intérieure que la transformation devient possible. En outre, grâce à cette modification, une connaissance a pu commencer à apparaître, car dans le yoga, nous entendons par connaissance non la pensée ou les idées relatives au domaine spirituel, mais la compréhension psychique qui vient de l'intérieur et l'illumination spirituelle qui vient d'en haut. Le premier effet a été, par conséquent, ce sentiment qu'"il n'y a aucune ignominie à ne pas comprendre, que la véritable compréhension viendra seulement quand on aura réalisé que l'on est tout à fait impuissant". C'était là, en soi, un commencement de compréhension, de compréhension psychique, quelque chose que l'on sent au-dedans et qui jette une lumière ou fait jaillir une vérité spirituelle que la simple pensée n'aurait pu apporter, et aussi une vérité qui a pour effet d'apporter à la fois l'illumination et le réconfort dont vous aviez besoin; car le psychique apporte toujours avec lui la lumière et le bonheur, une compréhension intérieure, le soulagement et le réconfort.
Un autre aspect très prometteur de cette expérience est qu'elle est venue en réponse immédiate à un appel au Divin. Vous aviez demandé la compréhension et la solution, et aussitôt Krishna vous a montré les deux: la solution qui était le changement de conscience au-dedans, la plasticité qui rendait possible la connaissance, et aussi la compréhension de l'état mental et vital où pouvait venir la vraie connaissance, ou le vrai pouvoir de connaissance. Car la connaissance intérieure vient du dedans et d'en haut (soit du Divin dans le cœur, soit du Moi au-dessus) et pour qu'elle vienne, l'orgueil que tirent le mental et le vital des idées mentales de surface et leur attachement à ces idées doivent disparaître. On doit savoir que l'on est ignorant avant de pouvoir commencer à savoir. Cela démontre que je n'ai pas tort de préconiser l'ouverture psychique puisqu'elle est la seule solution. Car plus le psychique s'ouvre, plus des réponses
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comme celle-ci, et bien d'autres, deviennent fréquentes, et la transformation intérieure par laquelle elles deviennent possibles se poursuit elle aussi.
Je suppose que cette expression ["plasticité intérieure"] désignait la plasticité psychique qui rend possible la consécration, ainsi qu'une libre ouverture au Divin qui agit d'en haut. La plasticité intérieure est le contraire de la rigidité qui s'obstine à conserver ses propres idées, ses sentiments, ses modes habituels de conscience, en s'opposant aux choses supérieures qui descendent ou viennent du psychique au-dedans.
Si c'était quelque chose dans le cœur, c'était sans doute le psychique à l'arrière-plan, qui est souvent ressenti comme très profond ou émergeant d'une profondeur. Si l'on va vers lui, on a souvent l'impression de pénétrer dans un puits profond.
Le choc était sans doute la force psychique essayant d'ouvrir le couvercle mental et vital qui recouvre l'âme.
C'est évidemment le psychique; on le voit souvent comme un puits profond ou un gouffre dans lequel on plonge; mais ici, c'est évidemment le psychique qui pénètre dans tous les plans inférieurs et s'élève aussi jusqu'aux plans supérieurs.
L'être psychique est dans le centre du cœur, au milieu de la poitrine (pas dans le cœur physique, car tous les centres sont au milieu du corps), mais il est loin en arrière. Lorsqu'on s éloigne du vital pour aller vers le psychique, on a l'impression de descendre de plus en plus profond jusqu'à ce que
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l'on atteigne le point central du psychique. L'être émotif est situé à la surface du centre cardiaque; de là, on pénètre en profondeur pour trouver le psychique. Plus on pénètre, plus le bonheur psychique que vous décrivez devient intense.
J'espère que la douleur a disparu. Quand des choses de ce genre se produisent, ne manquez pas d'appeler la Mère et laissez sa force agir sur vous.
Le psychique réside dans les profondeurs du cœur, mais profondément au-dedans et non à la surface où sont les émotions ordinaires. Mais il peut venir au premier plan et occuper la surface, tout en restant aussi à l'intérieur; même les émotions ne sont plus alors des mouvements vitaux, mais des émotions et des sentiments psychiques. Le psychique, lorsqu'il est ainsi au premier plan, peut aussi étendre son influence partout, au mental par exemple, afin de transformer ses idées, ou au corps pour transformer ses habitudes et ses réactions.
La personne que vous avez vue au-dessus de vous était sans doute moi-même, sous une certaine forme. Le sâdhak peut nous voir en vision, non seulement sous notre forme physique, mais aussi sous d'autres formes que nous revêtons dans des plans différents de l'être.
Cette expérience [...] est de celles que l'on a en rêve dans le plan vital, car dans ce plan les choses bonnes et mauvaises, plaisantes et déplaisantes sont très proches les unes des autres.
Déceler, comme vous l'avez fait, un défaut dans la nature ne l'élimine pas entièrement d'un seul coup, mais c'est un grand pas vers cette élimination. Il ne s'élimine pas tout de suite à cause de la force de l'habitude dans la nature; cependant, le fait même d'en être conscient et d'avoir la volonté de l'éliminer l'affaiblit et contribue puissamment à l'action de la Mère.
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Votre vision se situait sur le plan mental et avait un caractère symbolique. Elle ne symbolisait pas tant votre propre situation que les difficultés générales qui empêchent de pénétrer profondément dans le centre psychique et d'y vivre. Le maïdân plein de lumière était le centre psychique à son niveau le plus profond; l'espace intermédiaire plus sombre représente le voile de l'ignorance créé par l'abîme entre ce centre psychique profond et la nature extérieure. Le chakra qui tournait sans cesse en rond, vous empêchant d'approcher d'un côté (le côté mental) est l'activité du mental ordinaire; quand le mental se calme, c'est plus facile. Le serpent est l'énergie vitale qui recouvre le psychique et vous empêche d'approcher par le côté vital. Là aussi, si le vital se calme, il est plus facile de s'approcher.
Les coups sur le front étaient peut-être l'action d'une force qui cherchait à y ouvrir un centre, car entre les yeux se trouve le centre du mental intérieur, de la volonté et de la vision. Tous ces centres sont fermés dans la conscience ordinaire ou seulement entrouverts à la surface. Si le centre du mental intérieur s'ouvre, la paix, etc. d'en haut peut entrer facilement dans le mental et ensuite dans le vital, et tous deux - mental et vital - se calmeront.
La difficulté qui affecte les deux parties du mental est de celles que tout le monde rencontre quand apparaît la tendance à s'intérioriser. Elle se résout dans notre sâdhanâ par l'établissement d'une sorte d'harmonie grâce à laquelle, même en travaillant et en poursuivant les activités extérieures nécessaires, on peut continuer à vivre au-dedans, dans la plénitude de la vie et de l'expérience intérieures.
Reposez-vous toujours sur la Mère. Ces phénomènes sont les premiers rudiments de l'expérience yoguique et les difficultés du mental et du vital (qui ne sont pas celles que vous aviez avant, mais simplement les difficultés ordinaires des différentes parties de l'être à s'adapter et à s'harmoniser) se résoudront d'elles-mêmes.
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C'est très bien: tout ce que vous écrivez démontre avec force l'émergence psychique dont j'ai parlé dans ma lettre d'hier. Il y a à la fois la plongée profonde dans le psychique et l'émergence de l'influence psychique sur le mental et le cœur. C'est en raison de la profondeur de la plongée que l'action est devenue si lente, parce que la conscience est trop intériorisée pour agir rapidement sur l'extérieur. C'est une étape par laquelle on passe dans le processus de la transformation intérieure. En même temps, les idées du mental, les perceptions et l'attitude mentale et vitale envers les choses, les événements et les gens prennent de plus en plus un caractère psychique. L'amour, la dévotion pour le Divin est le sentiment central de la nature psychique et il croît en vous à l'égard de la Mère, s'infusant dans tout votre être. Un amour psychique pour tous apparaît aussi; cet amour est intérieur et ne cherche pas à s'extérioriser comme l'amour vital qu'éprouvent d'ordinaire les humains. L'attitude psychique et spirituelle ne dépend pas non plus du bon ou du mauvais côté des êtres: elle existe en elle-même, elle les considère comme des âmes qui portent en elles le Divin, même s'il se dissimule sous un voile épais, et qui sont des enfants de la Mère.
Laissez croître en vous la douceur et le sentiment de bonheur, car ils sont le signe le plus fort de l'âme, de l'être psychique éveillé et en contact avec nous. Ne vous laissez pas troubler par les fautes que vous commettez en pensée, en parole ou en acte: éloignez-les de vous comme quelque chose de superficiel que le Pouvoir et la Lumière finiront par éliminer. Attachez-vous à l'essentiel: votre âme et ces réalités supérieures qu'elle apporte avec elle.
C'est l'âme, l'être psychique en vous, derrière le cœur, qui
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s'est éveillé et veut concentrer le mental sur le Divin. Il est de la nature du mental de s'extérioriser vers d'autres objets, mais désormais, quand cela se produit, un malaise apparaît dans le cœur, un chagrin psychique, parce que le cœur sent tout de suite que c'est faux, et le mal de tête survient à cause de la résistance à l'action de la Force divine. Cela se produit souvent au premier stade, après l'ouverture de la conscience à la sâdhanâ.
Il existe un chagrin psychique qui apparaît en général lorsque l'âme sent à quel point est forte la résistance dans le monde, et combien les Forces s'y déchaînent contre la Mère.
Le vital a peut-être assumé le chagrin psychique et lui a donné une expression plus véhémente et plus trouble; autrement, le chagrin psychique n'a rien de bouleversant.
La tristesse psychique a un caractère purificateur et non déprimant.
Le malaise suscité par le psychique n'est pas de la dépression; il a le caractère d'un rejet du mouvement erroné.
Si le malaise suscite une dépression ou une insatisfaction vitale, il n'est pas d'origine psychique.
Le malaise n'est là que pour vous rappeler d'être plus vigilant à l'avenir.
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Le mental et le vital ont toujours été prédominants; ils se sont développés tout seuls et ont l'habitude d'agir par eux-mêmes. Comment voulez-vous qu'une influence du psychique, lorsqu'il vient en avant pour la première fois, soit plus forte qu'eux? Le psychique n'est pas mal à l'aise, il suscite en vous un malaise lorsque vous faites quelque chose de mal.
Pendant un millier de vies vous avez laissé le psychique à l'arrière-plan et vous vous êtes abandonné au vital. C'est pourquoi le psychique n'est pas vigoureux.
Vos larmes viennent de l'être psychique; ce sont les larmes de l'ardeur et de l'aspiration psychiques. À un certain stade, de nombreux sâdhak réagissent ainsi et c'est un très bon signe. Les autres sentiments et les autres tendances proviennent aussi de la même source. Cela indique que le psychique exerce une forte influence et se prépare à venir, comme nous disons, au premier plan. Acceptez ce mouvement et laissez-le s'accomplir.
Il est tout à fait exact qu'en pleurant, on fait entrer les forces qui devraient être maintenues au dehors, car lorsqu'on pleure on abandonne la maîtrise intérieure et on laisse s'exprimer une réaction vitale et l'ego. Seules les larmes du psychique n'ouvrent pas la porte à ces forces, mais ces pleurs sont dénués d'affliction; ce sont des larmes de bhakti, d'émotion spirituelle ou d'Ânanda.
Votre expérience était très belle; par des expériences comme celle-ci, l'être intérieur réalise ce qui doit, à l'état de veille, s'établir et former la base de la conscience et de la vie spirituelles.
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Cette incapacité à se contrôler et cette ardeur exagérée indiquent évidemment qu'il s'agit d'un mouvement de nature vitale. Le vital peut participer à un mouvement, mais il ne doit pas dominer; il doit être subordonné au psychique.
Ce sont des mouvements du vital soumis au contact du psychique. Si, en dessous, la fondation psychique est solide, on la sentira comme une tranquillité et une confiance sous-jacentes ou un ferme esprit de consécration.
On peut avoir une ardente aspiration dans le cœur, mais la paix ne doit pas en être troublée.
Je crois qu'il vaut mieux arrêter cela [l'ardente aspiration dans le cœur] pour le moment. Il est bien possible que le vital en profite pour susciter une insatisfaction à l'égard du progrès de la sâdhanâ. L'ardeur psychique n'engendre aucune réaction d'impatience, d'insatisfaction ou de trouble.
Les exigences étaient déjà là; quand le contact psychique se produit, l'amour s'intensifie, mais le vital inférieur mêle à l'amour toutes sortes d'exigences.
Le feu psychique est le feu de l'aspiration, de la purification et de la Tapasyâ; il vient de l'être psychique. Ce n'est Pas l'être psychique, c'est un pouvoir de l'être psychique. L'être psychique est un Pourousha, non une flamme; le feu
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psychique n'est pas l'être, c'est quelque chose qui lui est propre.
C'est le feu d'Agni que vous sentez. Agni est, tout à la fois, un feu d'aspiration, un feu de purification, un feu de Tapasyâ, un feu de transformation.
Agni, sous la forme d'une aspiration pleine de calme et de don de soi concentrés, est certes la première chose qu'il faut allumer dans le cœur.
C'est la Force de la Mère qui agit dans Agni.
Le feu constant de l'aspiration doit être allumé, c'est vrai, mais ce feu est celui du psychique et il s'allume ou s'enflamme et grandit à mesure que le psychique se développe au-dedans, et pour que le psychique se développe, la tranquillité est nécessaire. C'est pourquoi nous avons travaillé, la Mère et moi, à faire grandir en vous à la fois le psychique et la tranquillité, et pour cette raison, nous voulons que vous attendiez les effets de l'action de la Mère avec toute votre patience et toute votre confiance. Se souvenir sans cesse de la Mère alors que brûle un feu toujours égal et qui ne vacille point est, en soi, un progrès considérable dans la sâdhanâ; il doit être préparé par divers moyens tels que les expériences que vous avez eues. Restez donc ferme dans votre confiance et tout ce qui doit être fait sera fait.
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Le feu central est situé dans l'être psychique, mais il peut être allumé dans toutes les parties de l'être.
C'est seulement dans la conscience physique qu'il est difficile d'entretenir le feu; le physique peut sans peine suivre indéfiniment un train-train invariable, mais il lui est difficile de soutenir un effort éveillé et constant. Avec le temps, cependant, on peut l'y préparer. Toute l'aide vous sera donnée.
C'est égoïste si l'ego croit qu'il est le feu psychique. Si la conscience se sent identifiée au feu psychique et s'aperçoit que le feu peut brûler toutes les impuretés, alors l'expérience est authentique.
Si la conscience demeure tranquille, c'est un fait que le psychique sortira de plus en plus des profondeurs intérieures pour se manifester, et un clair sentiment de ce qui est vrai et spirituellement juste, et de ce qui est erroné ou contraire à la vérité, apparaîtra; il apportera aussi le pouvoir de rejeter ce qui est hostile, erroné ou contraire à la vérité.
Votre expérience du Feu est tout à fait juste; c'est le grand feu de la purification et de la concentration (celle-ci consiste à rassembler la conscience et à l'orienter fixement vers le Divin), le feu que tous doivent traverser pour rejoindre la Mère et s'unir à elle en permanence et totalement.
Cette sensation de chaleur dans le cœur vient tantôt de approche du feu d'Agni, tantôt de celle de l'amour ou de
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l'Ânanda, tantôt simplement d'un contact de la Force.
La crainte de ce feu que vous avez vu n'est pas fondée, car c'est le feu purificateur d'Agni que vous voyez brûler et il est inoffensif; il ne fait que déblayer ce qui ne doit pas être là. C'est pourquoi il est suivi d'une sensation de légèreté et de vide. Vous n'avez qu'à rester calme et à laisser le feu accomplir son œuvre. La chaleur que l'on ressent à ce moment-là n'est pas celle de la fièvre, ni une chaleur maladive. Ensuite, comme vous l'avez senti, tout devient frais et léger.
Tout ce que vous ressentez est simplement le feu d'Agni brûlant dans diverses parties de l'être qu'il prépare à la transformation. L'émergence du psychique est tout autre chose et se révèle par des indications psychologiques.
C'est sans doute une association d'idées qui vous fait assimiler Agni au psychique. Le feu individuel d'Agni a évidemment pour point de départ le psychique, mais le simple fait que le feu brûle ne signifie pas que le psychique vienne au premier plan.
Quand ce feu brûle dans le cœur, c'est le feu dans le psychique. Le feu psychique est individuel et revêt en général la forme d'un feu d'aspiration ou de tapasyâ personnelle. Ce Feu-ci est universel, et il est venu d'en haut.
Le feu psychique peut brûler dans le vital. Il s'agit de savoir si c'est le feu de la Force générale, qui vient d'en haut, ou si
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c'est le feu de l'aspiration et de la tapasyâ de votre âme.
Tous ces phénomènes sont des signes, qui maintenant se répètent souvent, du processus en cours. La chaleur est l'effet du feu psychique qui brûle les obstacles; la fraîcheur et la tranquillité complète en sont le résultat. La tendance au sommeil est en réalité une tendance à s'intérioriser, à aller dans les profondeurs de la conscience intérieure, due à la pression qui pousse à la transformation.
La vaste lumière que vous avez vue était l'immensité de la conscience vraie, libérée des limites étroites du mental humain, du vital humain, de la conscience physique humaine. Le mental est étroit, c'est vrai, non seulement le vôtre, mais celui de tous les êtres humains, même les plus évolués, si on le compare à l'immensité de la vraie conscience qui est sans limites. C'est précisément cette immensité qui viendra par la sâdhanâ; ces processus sont en train de vous y préparer. La pluie de fleurs indique une abondance de qualités et de mouvements psychiques, et la fleur blanche de la victoire mentale indique la prochaine étape qui se prépare maintenant: la victoire du mental de la lumière intérieure sur l'ignorance extérieure.
La chaleur dans le corps vient simplement du travail qui se fait à l'intérieur; c'est ce que l'on appelle la chaleur de tapas; elle n'est nullement malsaine comme celle de la fièvre. Le parfum délicieux que vous sentez est une odeur subtile ou psychique, tout comme la vision du lotus est une vision subtile ou psychique.
Souvent on voit ou on sent intérieurement l'être psychique sous la forme d'un enfant; c'est peut-être cela que vous ressentez au-dedans de vous; il exige une complète sincérité, "lais le mot sincérité est employé ici dans le sens d'une
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ouverture aux seules influences et impulsions divines. Cela ne signifie pas que vous avez commis une faute, mais simplement que votre psychique veut que vous soyez tout entier sous sa seule direction, pour que tout en vous soit consacré au Divin seul. Le sentiment de chagrin est sans doute une réaction de votre vital à cette exigence: il croit qu'il a fait une erreur, mais ce sentiment de chagrin n'est pas nécessaire. Le vital peut attendre tranquillement que le psychique fasse tout ce qu'il faut en temps opportun.
Le feu que vous avez vu était, de nouveau, le feu psychique de la purification et de la tapasyâ, et la guirlande était l'offrande qu'il préparait pour la Mère: le psychique et la conscience divine (perle et diamant) dans le sâdhak. L'endroit merveilleux était sans doute aussi un symbole du psychique, et le lotus représentait l'ouverture de la conscience psychique.
Le lotus à douze pétales et le soleil à douze rayons symbolisent la même chose: la complète Conscience-de-Vérité de la Mère divine. Elle se levait, mais seulement à moitié. La couleur rouge symbolisait le Pouvoir.
Le feu que vous avez vu était le feu de l'être psychique, le feu de l'aspiration et de la tapasyâ, brûlant sous terre, c'est-à-dire dans le subconscient. Il ouvre la terre - la conscience physique - à la Lumière divine. Le clair de lune peut symboliser la conscience spirituelle, et la chambre votre être personnel ou votre conscience physique individuelle. À l'aide de ces clés, il vous sera facile de comprendre la signification de votre expérience.
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Agni est le feu psychique, ce n'est pas la Présence divine. Si le psychique est actif et ouvert, on peut sentir la Présence; il n'a pas besoin pour cela d'être au premier plan. Même s'il est en avant, il peut arriver aussi que l'on ne sente pas encore la Présence divine dans le cœur; seules règnent l'aspiration, la bhakti, la consécration. Il n'y a pas de loi fixe pour ces phénomènes; ils peuvent se développer différemment dans des natures différentes.
Si c'est dans le cœur, c'est peut-être le feu psychique; il est possible que le feu ait été allumé non par la joie, mais par la décision que vous avez prise de croire en l'action de la Mère, que le mental comprenne ou non. Une telle attitude favorise l'ouverture du psychique et peut à la fois apporter la joie psychique et enflammer Agni dans le centre psychique.
Rien n'est plus difficile au mental physique que d'abandonner ses habitudes, et cette difficulté est commune à tous. Le feu que vous avez senti est sans doute ce que nous appelons Agni, le feu de la purification qui agit sur le mental physique pour le transformer.
Le pont, dans votre vision, était le symbole d'un passage de la conscience ordinaire à la conscience spirituelle; la vaste plaine symbolisait la grande paix et le vaste silence qui accompagnent la conscience spirituelle lorsqu'on repose dans le Divin.
Les parfums que vous avez sentis étaient de vrais parfums, mais ils n'appartenaient pas au monde physique. Nous ne sommes pas seulement un corps de chair et de sang; il existe aussi, dissimulé à nos regards, un corps subtil, et nous commençons à le percevoir lorsque s'ouvre la conscience intérieure. Ces parfums venaient des profondeurs de ce corps subtil: parfums de pureté, d'amour, de consécration
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(rose), etc. C'est là, profondément au-dedans, que demeure l'être psychique, et c'est là que vous essayez d'aller quand vient l'impulsion, la pression qui vous pousse à vous intérioriser; c'est pourquoi vous vous êtes senti de plus en plus paisible: vous pénétriez de plus en plus profondément dans le psychique d'où venaient ces parfums.
Soudhâ est le nectar ou amrita, la nourriture ou la boisson des dieux. Dans le yoga, ces termes s'appliquent à ce qui se déverse du Brahmarandhra dans le palais, lorsque la concentration est forte. Mais ce dont vous parlez est psychologique; c'est donc sans doute la douceur psychique qui se répand dans l'organisme.
II
Tout cela est parfaitement exact. La pratique de notre yoga comporte deux mouvements: dans l'un, la conscience s'élève jusqu'aux plans supérieurs, dans l'autre le pouvoir des plans supérieurs descend dans la conscience terrestre afin d'expulser le Pouvoir d'obscurité et d'ignorance et de transformer la nature.
Dans l'être humain, qui est le mental incarné dans la matière vivante, toute la conscience doit s'élever afin de s'unir à la conscience supérieure; il faut aussi que la conscience supérieure descende dans le mental, dans la vie, dans la matière. Ainsi, les barrières seront renversées et la conscience supérieure pourra prendre en main la nature inférieure tout entière et la transformer par le pouvoir du Supramental.
La terre est un champ matériel d'évolution. Le Mental et la Vie, le Supramental, Satchidânanda, sont en principe
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La sâdhanâ se fonde sur le fait que la transformation de la nature inférieure s'effectue par une descente de Forces venant des plans supérieurs, et par une ascension de la conscience inférieure jusqu'aux plans supérieurs; mais naturellement cela prend du temps et la transformation complète ne peut s'opérer que par la descente supramentale.7
Il n'y a pas de règle fixe en ces matières. Souvent la descente vient d'abord et l'ascension ensuite, d'autres fois c'est l'inverse; chez certains sâdhak, les deux se poursuivent en même temps. Si l'on peut prendre position au-dessus, tant mieux. Je vous ai expliqué pourquoi cela ne s'était pas produit.
Je ne parle pas seulement de l'ascension. L'ascension doit être suivie de la descente de la conscience supérieure dans les différentes parties de l'être. Ces deux mouvements, qui sont favorisés par le développement psychique et y contribuent, transforment la nature extérieure.
6. Lumières sur le Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère.
7. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
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Oui, il est plus facile de monter que de faire descendre; la conscience supérieure se trouve empêtrée et entravée dans la conscience physique, le mental et le vital.
Dans la conscience physique, c'est la descente qui est le plus important. Une partie du physique subtil peut toujours monter, mais la conscience physique extérieure n'en est capable que lorsque la force d'en haut descend et la remplit. Alors une sorte d'unification se produit, où la conscience supérieure et la conscience physique deviennent une seule conscience sans division, les forces d'en bas s'élèvent tandis que les forces d'en haut descendent et elles s'interpénètrent.
Le mouvement vers le haut et le silence sont indispensable à la manifestation de la Vérité.
L'ascension, le mouvement vers le haut se produit lorsque l'aspiration de l'être - c'est-à-dire de ses divers plans: mental, vital et physique - est suffisante. Chacun à son tour s'élève au-dessus du mental jusqu'au lieu où il rencontre le supramental, et peut alors recevoir d'en haut l'impulsion première de tous ses mouvements. Le [plan] supérieur descend quand règne, dans les diverses parties de votre être, une tranquillité réceptive, prête à l'accueillir. Dans l'un et l'autre cas, que vous aspiriez vers le haut à vous élever au plan supérieur, ou que vous demeuriez passif en vous ouvrant pour le recevoir, un calme total dans les différentes parties de l'être est l'état qui convient.
Si, dans une aspiration ou une volonté tranquille, vous n'avez pas la force nécessaire, et si vous trouvez qu'un certain effort vous aidera à vous élever, vous pouvez continuer
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à utiliser temporairement ce procédé, jusqu'à ce que vienne l'ouverture naturelle où un appel silencieux, ou une simple volonté sans effort, suffit à provoquer l'action de la Shakti d'en haut.
Au cours de la sâdhanâ, tout dans l'Âdhâr, à un certain moment, tend à s'élever et à rejoindre sa source au-dessus.
L'Âdhâr est ce qui contient maintenant la conscience: mental-vie-corps.
Vivre dans un plan supérieur et de là, voir l'action dans le physique comme quelque chose de séparé, représente une étape décisive dans le mouvement vers la transformation.
Le but de la sâdhanâ est que la conscience s'élève hors du corps et prenne position au-dessus, se déployant dans l'étendue partout, sans être limitée au corps. Ainsi libéré, on s'ouvre à tout ce qui est au-dessus de cette position, au-dessus du mental ordinaire, et on reçoit là tout ce qui descend des hauteurs, on observe tout ce qui est au-dessous. Alors, il est possible d'être en toute liberté le témoin de ce qui est plus bas et de le maîtriser, d'être un réceptacle ou un canal qui transmet au corps tout ce qui descend et fait pression pour le préparer à être l'instrument d'une manifestation plus haute et le remodeler en une nature et en une conscience supérieures.
Ce qui se passe en vous, c'est que la conscience essaie de se fixer dans cette libération. Quand on est dans cette
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position plus haute, on trouve la liberté du Moi, le vaste silence et le calme immuable, mais il faut aussi faire descendre ce calme dans le corps, dans tous les plans inférieurs, et le fixer là comme quelque chose qui se tient en arrière de tous les mouvements et les contient.8
Quelque chose en vous a commencé à percevoir la conscience supérieure et est monté au-dessus de la tête, là où se rencontrent la conscience ordinaire et les plans supérieurs. I! faut cultiver ce mouvement jusqu'à ce que toute la conscience y prenne sa source, et que tout le reste soit dirigé de là; le mouvement doit s'accompagner d'une libération du psychique qui permette à celui-ci de soutenir dans les parties mentales, vitales et physiques l'action qui vient d'en haut.
C'est l'Âtman, l'être spirituel au-dessus du mental; la première expérience qu'il apporte est un silence et un calme (perçus plus tard comme infinis et éternels) indifférents aux mouvements du mental, de la vie et du corps. La conscience supérieure vit toujours en contact avec le Moi; la conscience inférieure en est séparée par les activités de l'Ignorance.
Si votre conscience s'élève au-dessus de la tête, cela veut dire qu'elle passe au-delà du mental ordinaire et monte vers le centre au-dessus qui reçoit la conscience supérieure, ou bien qu'elle monte vers les degrés ascendants de la conscience supérieure elle-même. Le premier résultat est le silence et la paix du Moi, qui sont la base de la conscience supérieure; celle-ci peut ensuite descendre dans les plans inférieurs et dans le corps lui-même. La Lumière et la Force aussi peuvent descendre. Le nombril et les centres au dessous sont ceux du vital et du physique; il se peut que
8. chapitre 1. Traduction de la Mère.
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quelque rudiment de la Force supérieure soit descendu là.9
Comment la nature extérieure pourrait-elle donc s'élever dans la Prakriti supérieure avant que vous n'ayez réalisé le Moi? La nature supérieure est celle de la conscience supérieure dont la base première est la paix, l'immensité, la réalisation du Moi, l'Un qui est tout.
Il y a deux mouvements: par l'un, la conscience inférieure monte à la rencontre de la conscience supérieure, par l'autre la conscience supérieure descend dans la conscience inférieure. Dans la première partie de votre expérience, la conscience inférieure a jailli de toutes parts avec assez de force pour briser le couvercle du mental intérieur - c'était l'éclatement du crâne - et pour permettre aux deux consciences de s'élever complètement au-dessus. Le résultat a été une descente. En général, la première chose qui descend de la conscience supérieure est sa paix profonde et complète; Sa deuxième est la Lumière, ici la lumière blanche de la Mère. Quand la conscience supérieure descend ou est ressentie intensément, l'être personnel limité s'ouvre en général à la conscience cosmique; on sent un être vaste et infini qui seul existe, l'identification avec le corps et même la sensation du corps disparaissent, la conscience personnelle limitée se perd dans l'Existence cosmique. Vous avez d'abord ressenti tout cela d'une manière impersonnelle; mais lorsque le feu psychique s'est allumé, vous avez senti l'Immensité personnelle, la conscience cosmique de la Mère divine, et vous avez reçu sa bénédiction.
9. Les Bases du Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère.
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C'est très bien. Les idées et les sentiments qui s'élevaient du plus profond de vous-même appartenaient à la nature psychique nouveau-née.
Dans l'après-midi, vous avez senti la pensée s'interrompre et quelque chose en vous s'élever au-dessus de la tête; ce sentiment et cette sensation font partie du mouvement de la sâdhanâ. Au-dessus de vous - non dans le corps, mais au-dessus de la tête - réside ce que nous appelons conscience spirituelle supérieure, conscience divine ou conscience de la Mère. Quand l'être s'ouvre, alors tout en vous: le mental (la tête), l'être émotif (le cœur), le vital et même une partie de la conscience physique commencent à s'élever pour s'unir à cette conscience supérieure plus grande. Lorsqu'on est assis les yeux fermés en méditation, on a cette impression d'ascension que vous décrivez. Cela s'appelle l'ascension de la conscience inférieure. Ensuite la paix, la joie, la lumière, la force, la connaissance, etc., commencent à descendre, et un grand changement commence à s'opérer dans la nature. C'est ce que nous appelons la descente de la conscience supérieure (de la Mère).
Le malaise que vous avez ressenti avait pour cause la nature inhabituelle de ce mouvement. Il est sans importance et disparaît rapidement.
Les expériences que vous décrivez sont cohérentes et s'expliquent très clairement. La première indique qu'une certaine partie de votre mental était ouverte et cette ouverture, favorisée par une ouverture dans le psychique, vous a permis de vous élever et de pénétrer dans les régions supérieures: les plans du mental spirituel libéré où s'ouvre le sentier infini de l'esprit qui mène à la réalisation suprême. Mais le reste de la nature n'était pas prêt. Il n'aurait pas fallu exercer cette tension pour faire revenir l'expérience; vous auriez dû aspirer à la purification et à la préparation de la nature, à l'ouverture psychique permanente et à l'augmentation de
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l'ouverture spirituelle vers le haut, jusqu'à ce qu'une libération totale de l'être puisse se produire. La véhémence de l'action des forces était due à cette résistance dont elles s'efforçaient de vous libérer en brisant les nœuds dans la tête et les diverses parties de la nature. L" 'électricité" qui passait par la colonne vertébrale était la Force frayant sa route vers le bas en traversant les centres. C'est évidemment la force obscure et résistante du vital, de la nature de désir, qui s'élève et assombrit tout jusqu'au cœur. D'autre part, le flot descendant et la détente qu'il procure indiquent que l'ouverture vers le haut est toujours là; car le silence, la tranquillité de la nature sont un contact d'en haut, et sont très nécessaires à la purification et à la libération. Ce qui vous manque, c'est la pleine ouverture de l'être psychique derrière le cœur, car elle pourrait libérer le cœur des forces obscures et permettre au reste de se déblayer par un effort tranquille et régulier, et non pas impétueux et accompagné d'une action et d'une lutte chaotiques. Quand le mental spirituel est ouvert, mais que la transformation psychique est insuffisante, il est possible que ce genre d'action véhémente de la force et cette résistance se produisent; lorsque le psychique s'ouvre, il agit sur toute la nature, sur le mental, le vital et le physique, et les gouverne du dedans pour qu'ils se transforment et soient prêts pour l'ouverture spirituelle et la conscience spirituelle complètes. La dévotion et une consécration intérieure de plus en plus complète sont la meilleure manière d'ouvrir le psychique.
C'est bien; l'éveil de la conscience psychique qui exerce sa maîtrise sur le reste de l'être est l'un des éléments les plus indispensables à la sâdhanâ.
C'est ce que nous appelons la conscience supérieure ou spirituelle; elle contient ou soutient tous les plans supérieurs, les mondes supérieurs. Quand on commence à les sentir sans cesse au-dessus de soi, on a avancé d'un grand pas dans la
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sâdhanâ; la conscience peut alors s'y élever et de là, voir discerner, maîtriser tout ce qui se trouve dans le mental, le vital et le corps. C'est là que se rejoignent les forces montantes et descendantes, comme vous pouvez le constater.
Ce que vous voyez au-dessus est évidemment Sa conscience vraie ou supérieure - celle de la Mère - dans laquelle on voit le monde entier comme une unité, une conscience vaste et libre pleine de liberté, de paix et de lumière: c'est ce que nous appelons la conscience supérieure ou divine. Même si elle est intermittente, ses effets sur le cœur montrent cependant qu'un lien a été établi par l'intermédiaire du psychique car le psychique est derrière le cœur. C'est là, au-dessus de la tête, que la conscience doit monter et demeurer; en même temps, elle descend aussi dans la tête, le cœur, le vital inférieur et le physique et y apporte sa largeur infinie, sa lumière, sa paix et sa liberté.
Ce que vous avez ressenti n'avait rien d'imaginaire; c'est l'expérience que l'on a en général lorsque la conscience se soulève hors du corps et s'installe au-dessus de la tête. Alors on n'est plus lié par la conscience physique ou par la sensation du corps; le corps devient seulement un instrument, une petite partie de la conscience, qu'il faut amener à la perfection. On entre dans une conscience spirituelle libre et vaste, au lieu de demeurer dans la conscience physique actuelle, liée et limitée. Si cette ascension, à force de se répéter, vous amène à prendre position en permanence au-dessus du corps, vous aurez franchi une étape importante dans votre progrès. C'est la claustration dans la conscience physique qui vous rend (qui rend tout le monde) étroit, égoïste et malheureux. Jusqu'à présent, la conscience supérieure avec sa paix, etc., est descendue en vous à grand-peine, en
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combattant la résistance vitale et physique. Si cette libération vers le haut, dans la conscience supérieure, peut se perpétuer, cette difficulté disparaîtra. Il restera encore beaucoup à faire, mais la fondation aura été établie.
La conscience est généralement emprisonnée dans le corps; elle est centralisée dans les centres du cerveau, du cœur et du nombril (mental, émotions et sensations). Quand vous sentez qu'elle s'élève, ou qu'une partie d'elle s'élève et prend position au-dessus de la tête, c'est que la conscience emprisonnée se libère de la formule du corps. C'est le mental en vous qui monte là, prend contact avec quelque chose de plus haut que le mental ordinaire et, de là, applique la volonté mentale supérieure à la transformation du reste. La chaleur et le tremblement sont produits par la résistance et le manque d'accoutumance du corps et du vital à cette exigence et à cette libération. Quand la conscience mentale peut ainsi prendre position au-dessus, d'une manière permanente ou à volonté, cette première libération devient complète (siddha). De là, l'être mental peut s'ouvrir librement aux plans supérieurs ou à l'existence cosmique et à ses forces, et aussi il peut agir avec plus de liberté et de pouvoir sur la nature inférieure.10
On se sent parfois monter au-dessus de la tête. Je crois que c'est ce qui lui est arrivé, mais à moins qu'on ne soit simplement sorti du corps, c'est le mental qui monte dans les plans du mental supérieur. Pour être au-dessus du mental, il faut d'abord réaliser le moi au-dessus du mental et y vivre.
10. chapitre 3. Traduction de la Mère.
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Se sentir dégagé de tout souci, léger dans le mental et le corps, voilà de fort bons résultats. D'ordinaire ils ne deviennent pas permanents tout de suite: il suffit qu'ils soient habituellement ou souvent là.
L'impression que la poitrine et la tête s'élèvent appartient au corps subtil; cela signifie que la conscience du mental et du cœur (le mental pensant et l'être émotif) s'élèvent pour rejoindre le plan de la conscience spirituelle, au-dessus de la tête.
Le son indique que la conscience s'ouvre et que la Force intérieure agit. Ceux qui pratiquent le yoga entendent souvent des sons subtils comme celui-ci.
Quand la conscience est centrée au-dessus, on peut dire qu'elle y a son siège. Cela ne signifie pas qu'il ne reste aucune conscience dans les parties inférieures.
On peut recevoir des influences d'en haut, mais tant que le mental n'est pas empli du calme, de la paix, du silence supérieurs, on ne peut pas être en contact direct avec les plans supérieurs. Ces influences diminuent, se mentalisent, se vitalisent; elles ne sont pas les pouvoirs des plans supérieurs dans leur état naturel. Cela ne suffit pas non plus pour acquérir la maîtrise des forces cachées de tous les plans de conscience, si c'est là ce qu'il veut dire par occultisme.
C'est tout naturel. Les plans supérieurs ne sont pas des plans où l'on est conscient naturellement, et X n'est même pas ouvert directement à leur influence, mais seulement à une certaine influence indirecte des plans qui se trouvent le plus près du mental humain. Il ne peut les atteindre que dans un
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état intérieur profond ou transe, et plus il s'élève, moins il lui est facile d'en être conscient, même en transe. Si l'on n'est pas conscient de son être intérieur, il est plus difficile d'être conscient en transe.
On est en relation indirecte (avec le Divin) lorsqu'on vit dans la conscience ordinaire sans être capable de s'élever au-dessus d'elle, et que l'on reçoit des influences d'en haut sans savoir d'où elles viennent, ni en sentir la source.
Lorsque vous montez, réalisez-vous l'être supérieur comme vaste et infini? Quand vous êtes là-haut, le sentez-vous répandu à travers l'infini? Sentez-vous tout l'univers en vous et vous sentez-vous vous-même un avec le moi de tous les êtres? Sentez-vous la Force cosmique unique agissant partout? Sentez-vous votre mental un avec le mental cosmique? Votre vie une avec la vie cosmique? Votre matière une avec la Matière cosmique? Sentez-vous l'irréalité de l'ego séparateur? Le corps n'est-il plus une limitation? À quoi bon dire seulement que l'être supérieur est vaste et infini? Ces réalisations viennent-elles lorsque vous êtes dans l'être supérieur et sinon, pourquoi ne viennent-elles pas? L'être intérieur s'ouvre aisément à toutes ces réalisations, mais pas l'être extérieur? Alors à moins que votre être intérieur ne devienne conscient de lui-même, la simple ascension ne peut donner que de la hauteur ou un vague sentiment des autres Plans, non ces réalisations concrètes.
Je voulais dire que la conscience intérieure est là, établie, même lorsqu'elle est cachée. Une fois qu'elle est là, la descente de la force, etc., devient plus continue ou du moins
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plus fréquente. Les difficultés de la nature extérieure doivent encore être résolues, mais on peut le faire avec plus de sûreté et d'efficacité sur la base de cette conscience intérieure.
Il y a deux phénomènes distincts. Dans l'un, la conscience sort réellement du corps, mais la conséquence en est un sommeil profond ou transe. Dans l'autre, la conscience s'élève et prend position en dehors du corps, au-dessus de lui et largement étendue. Dans cet état, le yogi peut rester éveillé; il ne se sent pas dans le corps, il sent le corps dans son moi vaste et libre, il est libéré des limites de la conscience corporelle.
D'après votre récit, deux expériences différentes sembleraient s'être produites simultanément.
1. Une extériorisation de la conscience qui est sortie du corps. Une partie de la conscience mentale, vitale ou physique subtile, ou toutes ensemble, s'élève hors du corps et le laisse dans un état fortement intériorisé, sommeil ou transe; elle peut se mouvoir seule dans d'autres plans, dans la pièce et au-dehors, sur le plan terrestre. Dans les cas de ce genre, on peut voir le corps au-dessous ou dans la pièce, le voir aussi clairement que l'on voit un objet distinct avec les yeux physiques. Une frayeur comme celle que vous avez ressentie peut surgir lors de ces extériorisations et faire rentrer précipitamment la conscience dans le corps.
2. Une ascension de la conscience à une position qui n'est plus dans le corps, mais au-dessus de lui. La conscience peut ainsi monter et s'élever de plus en plus haut, en se sentant pénétrer dans des régions supérieures au ment ordinaire; en général elle ne va pas très loin au début, mais mesure que cette expérience se répète elle devient capable d'aller de plus en plus haut. À la fin de l'expérience, el réintègre le corps. Mais une élévation définitive peut aussi 'i produire, grâce à laquelle la conscience prend position au-dessus
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de façon permanente. Elle n'est plus dans le corps ni limitée par lui; elle se sent non seulement au-dessus, mais répandue dans l'espace; le corps est au-dessous de cette position supérieure et enveloppé dans cette conscience élargie. Parfois, à vrai dire, l'élargissement est ressenti seulement au-dessus, au niveau supérieur: l'expérience du vaste enveloppement au-dessous ne vient que plus tard. Elle est cependant, par nature, définitive: ce n'est pas seulement une expérience, mais une réalisation, une transformation permanente. Elle a pour effet de vous libérer de l'identification avec le corps qui n'est plus qu'un détail dans l'immensité de l'être, une partie de l'être utilisée comme un instrument; ou bien on le sent comme quelque chose de très petit ou même d'inexistant, on a l'impression de ne plus rien sentir qu'une conscience vaste, pratiquement infinie, qui est soi-même; ou si elle n'est pas immédiatement infinie, elle est cependant ce que l'on appelle de nos jours un fini sans limite.
Cette nouvelle conscience est ouverte à toute connaissance venant d'en haut; mais elle ne pense pas avec le cerveau comme le mental ordinaire; elle a des moyens de perception autres que la pensée et plus vastes. Aucune ouverture méthodique des centres n'est nécessaire: les centres sont en réalité ouverts, sinon l'ascension ne pourrait pas se produire. Dans notre yoga, leur ouverture se fait automatiquement; ce que nous appelons ouverture, ce n'est pas cela, c'est une aptitude de la conscience elle-même, aux différents niveaux, à recevoir la descente de la Conscience supérieure. Par l'ascension on peut, il est vrai, amener la connaissance supérieure à descendre, mais par un mouvement plus vaste on la reçoit d'en haut et on la laisse couler dans les niveaux inférieurs, mental et autres. J'ajouterais qu à tous ces niveaux, dans le mental, le cœur et plus bas, on se libère des limites physiques, une immensité apparaît qui interdit dorénavant toute identification avec le corps.
Dans cette expérience, la peur que vous avez ressentie n'apparaît généralement pas, à moins qu'elle ne soit pour ainsi dire dans la conscience corporelle qui s'alarme de ce
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mouvement inhabituel et craint d'être abandonnée ou rejetée. Mais cela arrive rarement et d'ordinaire ne se répète pas. Il est par conséquent probable qu'une extériorisation s'est produite en même temps. Vous parlez de la faculté de quitter le corps et de le réintégrer à volonté; mais cette faculté n'est vraiment nette que pour les phénomènes d'extériorisation; dans l'ascension de la conscience, la montée et la descente deviennent faciles et normales, et quand la position au-dessus devient une réalisation définitive, il n'y a plus vraiment de descente, sauf dans une partie de la conscience qui peut descendre pour agir dans le corps ou aux niveaux inférieurs alors que l'être, établi en permanence au-dessus, préside à toute expérience et à toute action.
L'expression "être soulevé hors du corps" pourrait s'appliquer à divers états d'expérience. Dans l'un, on s'élève à partir des centres corporels jusqu'à un centre de conscience qui s'étend au-dessus de la tête physique, et on s'établit là dans une position où l'on est libéré de l'assujettissement au sens corporel et à son emprise pesante; cette expérience s'accompagne en effet d'une sensation générale d'allégement. On peut alors être en relation directe avec la conscience supérieure, son pouvoir et son action. D'après la description, il n'est pas tout à fait clair que ce soit bien cela qui se soit produit. Certains phénomènes respiratoires accompagnent aussi les états de libération ou d'ascension. Mais ici, le mot "souffle" signifie peut-être, d'une manière générale, le principe de vie.
Cette expérience est très fréquente. Elle signifie que pendant un moment, vous n'étiez plus dans votre corps, mais, d'une manière ou d'une autre, soit au-dessus, soit en dehors de la conscience corporelle. Cela se produit parfois lorsque
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l'être vital s'élève au-dessus de la tête ou, plus rarement, lorsque tout en restant dans son enveloppe (qui fait partie du corps subtil), il se projette hors des liens physiques. Mais cette expérience vient aussi lorsqu'on se libère tout à coup - même fugitivement - de l'identification avec la conscience du corps et cette libération peut devenir fréquente, prolongée ou permanente. Le corps est ressenti comme quelque chose de séparé, comme un petit détail dans la conscience ou comme un objet que l'on transporte avec soi, etc., etc.; l'expérience n'est pas toujours exactement la même. Beaucoup de sâdhak ici l'ont eue. Quand on y est habitué, son étrangeté (pays de rêve, etc.) disparaît.
Ce sont les parties subtiles du physique qui s'élèvent. La conscience extérieure peut, elle aussi, s'élever, mais alors la transe est complète. Dans notre sâdhanâ, la transe complète n'est pas très utile.
Si tout s'élevait, il n'y aurait pas d'existence dans le corps. Il reste toujours un peu de conscience - et par conséquent un peu de moi - pour soutenir le corps.
Non, le corps lui-même ne peut pas monter: comment le pourrait-il? La raison d'être du corps est de maintenir la conscience en relation avec le monde physique.
Une fois que l'être ou ses différentes parties commencent à s'élever aux plans supérieurs, n'importe quelle partie de l'être en devient capable, qu'elle soit en surface ou en
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profondeur. Il faut se débarrasser du samskâra que l'on ne pourrait pas revenir. On peut avoir l'expérience du Nirvâna au sommet du mental ou dans n'importe lequel des plans qui sont encore supraconscients pour le mental; le mental spiritualisé, par l'ascension dans le Moi, a le sentiment de laya, de la dissolution de lui-même, de ses pensées, de ses mouvements, de ses samskâra dans un Silence et un Infini supraconscients qu'il est incapable d'appréhender: c'est l'Inconnaissable. Mais cette expérience ne pourrait apporter une certaine forme de Nirvana, ou y conduire, que si l'on faisait du Nirvana son but, ou si l'on était attaché au mental et que l'on acceptait sa dissolution dans l'Infini comme sa propre dissolution, ou encore si l'on n'avait pas Sa faculté de réorganiser l'expérience sur un plan supérieur au plan mental. Mais autrement, ce qui était supraconscient dévient conscient, on commence à posséder la dynamique des plans supérieurs ou à en être l'instrument, et le mouvement n'est pas une libération dans le Nirvana, mais une libération et une transformation. Quelle que soit l'altitude atteinte, on peut toujours revenir, à moins d'avoir la volonté de ne pas le faire.
Ce sont les expériences normales et ordinaires de la sâdhanâ, lorsqu'une ouverture vient d'en haut: contact avec la paix du Brahman, du Moi ou du Divin et contact avec le Pouvoir d'en haut, le Pouvoir de la Mère. X ne sait pas ce que c'est, c'est tout naturel, mais ses sentiments sont justes et ses descriptions tout à fait exactes. "Comme tout semble beau, calme et immobile, comme une eau sans la moindre ride. Mais ce n'est pas le Néant. En méditation, je sens une Présence plongée dans la vie, mais absolument silencieuse et tranquille." Il serait difficile de mieux décrire cette expérience, l'expérience de la paix et du silence du Divin, ou du Divin lui-même, dans l'essence de son silence et de sa paix. Ce qu'il a ressenti au sujet de la Force est aussi tout à fait
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juste: "Quelque chose qui vient d'au-dessus de la création manifestée (mental-matière), une Force par-derrière, distincte de celle qui donne naissance aux émotions, à la colère, au désir sexuel, qui toutes, peu à peu, se purifient et se transforment." En d'autres termes, c'est la Force divine ou spirituelle, différente du vital cosmique qui soutient la conscience ordinaire incarnée; c'est aussi très clair. Je suppose que ce n'est encore qu'un contact, mais il est très authentique et très net, s'il fait naître un sentiment aussi vrai et aussi vif. Il serait, semble-t-il, en train de prendre un très bon départ.
L'expérience décrite dans votre lettre est un aperçu de la réalisation du vrai Moi qui est indépendant du corps. Quand elle se stabilise, c'est la libération (moukti). On ressent non seulement le corps, mais aussi le vital et le mental comme de simples instruments; on sent le moi calme, existant en soi, libre et vaste ou infini. Dans cette liberté, l'être psychique devient capable de transformer complètement la nature. Toutes vos expériences antérieures vous préparaient à cette expérience-ci, mais la conscience physique y faisait obstacle. Maintenant que vous avez entrevu le moi séparé du corps, cette difficulté physique devrait bientôt être surmontée.
Lorsqu'on réalise pour la première fois le silence dans la conscience supérieure, il n'y a pas de Temps; il y a seulement le sentiment d'une existence, d'une conscience, d'une paix pures ou d'un Ânanda puissant et indifférencié. La seule autre chose qui puisse apparaître est un mouvement mineur à la surface de cette existence-en-soi sans temps. Cela, et le sentiment de libération qui l'accompagne, est l'effet de la tranquillisation du mental. À un niveau plus Élevé, cette paix et cette libération demeurent, mais elles
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peuvent s'unir à un mouvement dynamique libre et plu vaste.
Dans le moi ou pure existence, il n'y a ni temps ni espace, ce n'est l'espace ou immensité de l'Esprit.
Non, dans le silence du moi, il n'y a pas de temps; c'est akâla.
Votre expérience de quelque chose qui sortait de la tête comme une flèche indique sans doute que quelque chose sortait de la conscience mentale pour se diriger vers un but ou un objet. Tantôt c'est une partie de la conscience mentale elle-même qui sort ainsi, soit vers le haut, vers un plan supérieur, soit dans le monde environnant, pour revenir ensuite; tantôt c'est une pensée-force ou une volonté-force. Nous émettons constamment des forces sans même le savoir, et souvent ces forces ont un effet à l'extérieur. Lorsque nous pensons à une personne, ou à un lieu et à des événements qui s'y déroulent, quelque chose peut sortir ainsi vers cette personne ou ce lieu. Si nous avons une volonté ou un fort désir mental qu'un événement se produise, une volonté force peut sortir et essayer de le provoquer. Mais des forces peuvent sortir aussi du mental intérieur sans aucune cause consciente à la surface.
Le yogi, dans votre vision, était peut-être un être des plans supérieurs ou une forme de Shiva. Les lotus indiquent une conscience pleinement développée aux endroits indiqués.
Votre désir d'un don de soi sans exigence sera certainement exaucé lorsque le psychique sera tout à fait ouvert.
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La position que vous avez fini par adopter au sujet de l'incident d'aujourd'hui est juste: faire sur soi-même un effort de perfection et n'être troublé par aucune faute chez les autres mais répondre par une volonté silencieuse pour qu'eux aussi deviennent parfaits, telle est toujours la bonne attitude.
Elle a eu cette expérience d'une grande étendue de lumière dorée au sommet d'une montagne parce que je lui avais demandé d'aspirer à recevoir les expériences supérieures de la conscience d'en haut. L'image symbolique de la montagne baignée de lumière à son sommet apparaît à la plupart des sâdhak qui ont tant soit peu le pouvoir de vision. La montagne est la conscience qui s'élève de la terre (le physique) par paliers successifs (vital, mental, mental supérieur) jusqu'aux cieux spirituels. La lumière dorée est toujours la lumière de la Vérité supérieure (supramentale, surmentale ou, un peu plus bas, la pure Intuition) et elle se présente comme une grande étendue lumineuse sur les sommets de l'être. X, en se concentrant sur la lumière, est entrée en contact avec les régions supérieures; les effets de cette concentration sont toujours la paix, la joie, la force, une conscience fermement établie dans le pouvoir du Divin. C'est évidemment par l'intermédiaire du psychique qu'elle a eu ce contact, mais l'expérience, en elle-même, relève de la conscience spirituelle supérieure au mental plutôt que du psychique.
La nature de la méditation dépend de la partie de l'être dans laquelle on est concentré à ce moment-là. Dans le corps (plutôt dans le corps subtil que dans le corps physique, mais aussi en liaison avec les parties correspondantes du corps Physique matériel) il y a des centres propres à chaque niveau de l'être. Il y a un centre au sommet de la tête et au-dessus elle qui est celui de la conscience au-dessus du mental ou conscience supérieure; il y a un centre dans le front, entre les
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sourcils, qui est celui du mental pensant, de la volonté mentale, de la vision mentale; il y a un centre dans la gorge qui est celui du mental expressif ou extériorisant; ce sont les centres du mental. Au-dessous viennent les centres du vital le cœur (centre de l'émotion), l'ombilic (centre dynamique de vie), puis un autre centre sous l'ombilic, dans l'abdomen qui est le centre vital inférieur ou centre vital des sensations Au bas de l'épine dorsale se trouve enfin le moûlâdhâra ou centre physique. Derrière le cœur est le centre psychique. Si l'on se concentre dans la tête, comme le font de nombreux sâdhak, on recherche une méditation spirituelle et mentale; si c'est dans le cœur, c'est une méditation psychique; c'est ces endroits que l'on se concentre en général. Mais ce n'es pas nécessairement le mental ou le psychique qui émerge on s'ouvre en premier; ce peut être l'émotionnel ou le vital; cela dépend de la nature: ce qui, en elle, est le plus aisé à ouvrir a des chances de s'ouvrir en premier. Si c'est le vital, la méditation tend à projeter la conscience dans le plan vital et dans des expériences appartenant à ce plan. Mais à partir de là on peut atteindre le psychique en se retirant de plus en plus au-dedans, en se séparant des expériences vitales au lieu de s'absorber en elles, et en les observant avec détachement, comme si l'on était profondément à l'intérieur et que l'on regardait des objets extérieurs à soi. On peut, de même recevoir les expériences mentales en se concentrant dans la pensée et en produisant par ce moyen une expérience correspondante, comme par exemple la pensée que tout es Brahman; on peut encore se retirer de la pensée, observe ses propres pensées comme des objets extérieurs jusqu'à ce que l'on entre dans le silence et dans la pure expérience spirituelle.
L'illumination au-dessus de la tête, telle qu'on la voit d'ordinaire dans notre yoga, est la Lumière de la Vérité divine C'est au-dessus de la tête que règnent parfaitement la Paix,
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la Force la Lumière, la Connaissance, l'Ânanda du Divin. Ils commencent à descendre et à pénétrer le corps lorsque la conscience personnelle a été suffisamment préparée. La préparation est, en général, pleine de vicissitudes comme celles-ci, mais il faut persévérer avec patience, en s'ouvrant de plus en plus, jusqu'à ce que la conscience soit prête.
Si l'on peut demeurer sans cesse dans la conscience supérieure, tant mieux. Mais pourquoi n'y reste-t-on pas tout le temps? Parce que la conscience inférieure fait encore partie de la nature et vous attire vers elle, c'est-à-dire vers le bas. Si, au contraire, la conscience inférieure est transformée, elle devient une en substance avec la conscience supérieure et plus rien d'inférieur ne peut vous attirer vers le bas.
La transformation, c'est le processus par lequel on fait descendre la conscience ou la nature supérieure dans le mental, le vital et le corps pour qu'elle remplace la conscience inférieure. Le moi véritable possède une conscience supérieure qui est spirituelle, mais elle est au-dessus; si l'on s'élève pour y pénétrer, alors on est libre, tant qu'on y demeure; mais si l'on descend dans le mental, le vital et le corps, ou qu'on les utilise - et si l'on reste en contact avec la vie, on est obligé de le faire soit en descendant pour agir au moyen de la conscience ordinaire, soit en utilisant le mental, la vie et le corps tout en restant dans le moi - alors il faut faire face aux imperfections de ces instruments et les corriger; elles ne peuvent être corrigées que par la transformation.
Vous dites que vous vous élevez un peu au-dessus de la tête dans la conscience supérieure, mais où montez-vous? Dans le mental tranquille et au-dessus du vital, ou au-dessus du "mental lui-même dans quelque chose qui est toujours calme, pur et libre?
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Non, ma question ne contenait aucune intention sarcastique. Vous aviez écrit qu'en s'élevant un peu au-dessus de la conscience ordinaire, on se libérait de la difficulté, et que c'était cela que l'on ressentait. Je pensais que vous vouliez parle de votre expérience personnelle. J'ai donc posé cette question, car l'expérience du mental tranquille est de celles qui peuvent aisément être interrompues par le malaise du vital ou l'inertie de l'être physique. L'expérience de la liberté et du calme profonds, qui est une partie intégrante du moi, subsiste, mais elle peut être cachée par la conscience inférieure.
On peut demeurer dans la conscience supérieure tout en collaborant à la transformation de la nature inférieure. C'est, sans aucun doute, la Force de la Mère qui fera le nécessaire, mais le consentement du sâdhak, l'association de sa volonté à Son action, ou du moins son attitude de témoin et d'observateur sont nécessaires aussi.
Vous aviez tendance à monter et à laisser la conscience I supérieure agir sur la nature inférieure sans faire aucun I effort personnel dans ce sens. Cette méthode aurait fort bien pu réussir, à deux conditions: (1) que la paix et la force descendent et occupent tout, jusqu'au physique; (2) que vous réussissiez à maintenir l'impassibilité de l'être intérieur g face à la nature extérieure. Le physique n'a pas réussi à absorber la paix, et à sa place l'inertie est apparue; la force n'a pas pu descendre; les influences de la nature extérieur se sont montrées trop fortes pour vous et se sont combinée avec l'inertie pour interrompre la sâdhanâ.
Je n'ai pas dit que vous aviez commis une erreur. J'ai simplement décrit ce qui s'était passé et quelles en étaient les
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Si vous êtes capable de maintenir votre conscience au-dessus, c'est déjà quelque chose. Quant à l'ouverture, il est normal qu'elle soit venue, puis qu'elle ait paru cesser: l'expérience doit se répéter plusieurs fois avant de se stabiliser par un équilibre permanent de la conscience supérieure et une descente de plus en plus intense dans la tête et au-dessous. Ce qu'il faut éviter, c'est de se laisser tirer vers le bas: de nombreux sâdhak le font, mais ce procédé, qui vous fait marcher en crabe, n'est pas le bon. Il faut s'être stabilisé au-dessus avant de pouvoir descendre sans dégringoler. Non que la dégringolade, si elle se produit, empêche de remonter, car il n'en est rien; mais il n'y a aucune raison de la laisser se produire.
Je ne vois pas pourquoi vous devriez vous mettre à déchirer vos vêtements, à courir les routes ou à vous lacérer la gorge. Même si l'ouverture permanente ne vient pas tout de suite, us n'avez qu'à attendre et elle viendra inévitablement. Il 681 certes dommage que le vital agité se regimbe tellement
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contre le vide de la conscience; car si vous pouviez supporter ce vide, qui est maintenant neutre et par conséquent sans intérêt pour le vital, il deviendrait positif et serait un puissant réceptacle pour ce qui se déverserait d'en haut. La difficulté est que le vital a toujours eu l'habitude soit de faire quelque chose, soit que quelque chose se fasse, et quand il ne fait rien ou que rien ne se fait (ou qu'il semble en être ainsi à la surface), il s'ennuie et commence à sentir, à dire ou à faire des sottises. Cependant, malgré cet obstacle, la Descente peut venir; elle n'a pas besoin d'attendre le supramental.
Je dirais que cette première expérience d'une ouverture vers le haut et d'une montée dans la Lumière, suivies d'une chute dans la conscience ordinaire et la vie humaine normale, est très fréquente dans la pratique du yoga et peut fort bien se produire, même sans pratique du yoga, chez ceux qui sont prédestinés à la transformation spirituelle, surtout si, dans une certaine partie d'eux-mêmes, ils sont déçus par la vie ordinaire et cherchent quelque chose de plus, de plus grand ou de meilleur. Souvent cette expérience vient exactement comme elle l'a décrite; l'arrêt de l'expérience et la chute viennent aussi de la même manière. Cette première expérience peut être suivie d'une très longue période durant laquelle elle ne se répète pas ou n'est suivie d'aucune autre. Si la pratique du yoga est constante, l'intervalle ne sera pas forcément aussi long; même dans ce cas, cependant, il peut durer assez longtemps. La chute est inévitable parce que ce n'est pas l'être tout entier qui s'est élevé, mais seulement quelque chose à l'intérieur, et tout le reste de la nature n'est pas prêt, est absorbé par la vie ordinaire ou y est attaché et se laisse gouverner par des mouvements qui ne sont pas en harmonie avec la Lumière. Pourtant, ce quelque chose au-dedans est, dans l'être, un élément central, et l'expérience est par conséquent, d'une certaine manière, définitive et décisive. Car elle est un signe décisif de la destinée spirituelle
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et une indication de ce que l'on devra atteindre, un jour ou l'autre, dans la vie. Du moment qu'elle est venue, inévitablement quelque chose se passera qui ouvrira la voie, déterminera la connaissance juste et l'attitude juste nui permettront d'avancer sur le chemin, et apportera une influence salutaire. Ensuite on pourra commencer et poursuivre jusqu'à son terme le travail de déblayage des obstacles qui empêchent le retour à la Lumière et l'ascension de tout l'être, et - ce qui est tout aussi important - la descente de la Lumière dans l'être tout entier. Le temps que cela prendra dépend de l'élan intérieur et aussi des circonstances extérieures, mais l'aspiration et l'effort intérieurs comptent davantage que les circonstances qui peuvent s'adapter au besoin intérieur, s'il est très fort. Ce moment est venu pour elle, et aussi l'aspiration et la connaissance nécessaires, ainsi que l'influence qui peut l'aider.
La force que vous avez sentie venait évidemment de la Koundalinî qui montait à la rencontre de la Force au-dessus et faisait descendre l'énergie nécessaire pour dissiper la dépression, puis s'élevait de nouveau pour renforcer le lien entre l'En-Haut et les centres inférieurs. L'impression d'expansion de la tête est due à la rencontre du mental avec la conscience du Moi ou du Divin au-dessus. Cette conscience est vaste et illimitée et lorsqu'on s'y élève, la conscience individuelle brise elle aussi ses limites et se sent vaste et sans borne. Dans ces moments, on a souvent l'impression que l'on n'a ni tête ni corps, mais que tout est un vaste moi et sa conscience, ou que la tête, ou le corps, n'est qu'un détail dans ce tout. Le corps ou le mental physique se laisse parfois impressionner ou alarmer par ces expériences parce qu'elles "t, pour lui, anormales; mais il n'y a pas lieu de s'en mariner, elles sont fréquentes dans le yoga.
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La colonne vertébrale est la voie principale de la montée et de la descente de la Force qui, par là, établit la communication entre la conscience supérieure et la conscience inférieure.
Cette sensation de part et d'autre de la colonne vertébrale et en elle est un signe de l'éveil du Pouvoir de la Koundalinî. On le sent comme un courant ascendant et descendant. Ces courants suivent deux principaux conduits nerveux, de chaque côté du passage central dans la colonne vertébrale. Le courant descendant est l'énergie d'en haut qui descend à la rencontre du Pouvoir endormi dans le centre nerveux inférieur, au bas de la colonne vertébrale. Le courant ascendant est l'énergie libérée qui s'élève de la Koundalinî éveillée. Ce mouvement, à mesure qu'il se poursuit, ouvre les six centres du système nerveux subtil, et grâce à cette ouverture, on échappe aux limitations de la conscience de surface enchaînée au corps matériel; de vastes domaines d'expérience, propres au moi subliminal (mental, vital, physique subtil) se découvrent au sâdhak. Lorsque la Koundalinî, traversant dans son ascension le sommet de la tête, rencontre la Conscience supérieure, il se produit une ouverture des régions supérieures du supraconscient, au-dessus du mental normal. C'est en en gravissant les degrés dans notre conscience, et en recevant une descente de leurs énergies, qu'il nous sera finalement possible d'atteindre le supramental. Telle est la méthode du Tantra. Dans notre yoga, il n'est pas nécessaire d'appliquer systématiquement cette méthode. Le processus se déroule spontanément, selon les besoins, par la force de l'aspiration. Dès qu'une ouverture se fait, le Pouvoir divin descend et mène l'action nécessaire, agit selon les besoins, chaque chose en son temps, et la Conscience yoguique commence à naître dans le sâdhak.
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Sri Aurobindo ne peut pas entreprendre de vous guider et de devenir votre Gourou, car il n'accepte comme disciples que ceux qui suivent sa voie particulière de yoga; vos expériences se déroulent selon une voie différente. Dans son yoga, on peut ressentir de temps en temps un courant dans la colonne vertébrale comme dans d'autres conduits nerveux ou dans d'autres parties du corps, sans que la Koundalinî s'éveille de cette manière particulière et avec cette puissance. Il y a seulement une ascension tranquille de la conscience qui s'élève des centres inférieurs pour rejoindre, au-dessus, la conscience spirituelle, et une descente de la Force divine qui, d'en haut, vient accomplir son œuvre dans le mental et le corps; la manière et les étapes varient avec chaque sâdhak. La loi principale de ce yoga est une confiance parfaite en la Mère divine et une vigilance qui repousse toutes les influences et toutes les suggestions fausses. Votre ouverture, qui s'est faite selon les voies ordinaires du Tantra (sans même l'intervention de votre volonté), est déjà si puissante qu'elle a maintenant peu de chances de pouvoir changer pour s'adapter aisément à d'autres voies; tout effort dans ce sens risquerait d'entraîner un grave bouleversement. Par Gourou compétent, Sri Aurobindo entendait quelqu'un qui a lui-même pratiqué cette ouverture des centres et est devenu siddha dans cette voie de yoga. Cela ne devrait pas être impossible à trouver; quand on a un appel pour le Gourou, le Gourou vient tôt ou tard. En attendant, il est indispensable d'écarter la peur et de faire confiance à l'action du Divin, mais aucun effort ne doit être tenté pour forcer l'allure par une méditation concentrée, à moins d avoir un guide à qui l'on peut se fier: claire direction intérieure ou guide extérieur. L'inspiration relative à l'Ida nâdi et l'action de la Shakti qui l'a suivie montrent qu'une intervention s'est produite à un moment critique et qu'un appel à cela, chaque fois que c'est nécessaire, aura toute chance d'être efficace.
Absolument rien, dans les expériences proprement dites e relate votre première lettre, n'aurait dû vous troubler:
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tout était parfaitement normal, les expériences étaient c1' celles qui viennent habituellement au yogi à ce stade; elle étaient bonnes et puissantes, telles qu'il n'en peut venir que par la grâce du Divin. L'ouverture est venue sans doute après une préparation lente et invisible, à la suite de la méditation sur le lotus au sommet de la tête; car cette méditation appelle toujours la Koundalinî à s'éveiller, ou la conscience inférieure à s'élever pour rejoindre la conscience supérieure. Les éléments perturbateurs sont venus en même temps que le sentiment de malaise dans le cœur, dû h même à une résistance dans l'être physique qui est fréquente et peut être surmontée par l'action de la Force, tout comme la peur qui est apparue ensuite dans les centres de la nature vitale: cœur, ombilic, etc. Mais cela ne faisait pas partie ( l'expérience; c'était l'interférence d'une réaction erronée venant de la conscience inférieure ou extérieure. Si vous ne vous étiez pas laissé troubler, rien de fâcheux n'aurait sans doute déformé ce processus. Il ne faut pas avoir peur des états, des mouvements ou des expériences inhabituels: le yogi doit être intrépide, abhî; avoir peur parce qu'on est capable de maîtriser ses états est absurde: ce pouvoir est très souhaitable et très bien venu dans le yoga.
Les crises relatées dans la deuxième lettre ne se seraient guère produites sans cette réaction; mais en tout cas l'intervention a eu lieu et y a mis bon ordre. Ces réactions, et le fait même que le bouleversement se soit produit, montrent cependant que quelque chose dans la conscience extérieure n'est pas tout à fait prêt; mieux vaut attendre et chercher un guide pour que des comportements ou des réactions d'ignorance ne fassent pas renaître un désagrément sérieux ou un grave danger. C'est tout ce que Sri Aurobindo peut vous donner en fait d'éclaircissements et de conseils. Il n'intervient pas, en général, lorsque la personne n'est pas son disciple, mais comme votre cas était inhabituel et votre appel pressant, il vous a donné au sujet de votre expérience toute la lumière qu'il peut vous apporter.
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Yoga signifie union avec le Divin - une union qui peut être transcendante (au-dessus de l'univers), cosmique (universelle) ou individuelle; ou encore, comme dans notre yoga, les trois à la fois. Le yoga signifie aussi que l'on entre dans un état de conscience où l'on n'est plus limité par le petit ego, par le mental personnel, le vital personnel et le corps, mais où l'on est en union avec le Moi suprême, ou avec la conscience universelle (cosmique), ou encore avec quelque conscience intérieure plus profonde en laquelle on perçoit son âme, son être intérieur, et la vérité réelle de l'existence. Dans la conscience yoguique, on perçoit non seulement les choses mais les forces; non seulement les forces mais l'être conscient qui est derrière les forces. On perçoit tout cela, non seulement en soi-même, mais dans l'univers.
Il y a une force qui accompagne la croissance de la conscience nouvelle et qui, en même temps qu'elle grandit avec elle, l'aide à s'établir et à se parfaire. Cette force est la Shakti du yoga (yogashakti). Elle est ici-bas repliée et assoupie dans tous les centres (chakra) de notre être intérieur, et elle forme à la base de la colonne vertébrale ce qu'on appelle dans les Tantra la Shakti Koundalinî. Mais elle est aussi au-dessus de nous, au-dessus de notre tête, en tant que Force divine - et là, elle n'est ni repliée ni emprisonnée ni assoupie, mais éveillée, consciente et puissante, étendue et vaste; elle est là, attendant de se manifester, et c'est à cette Force - au pouvoir de la Mère - que nous devons nous ouvrir. Dans le mental, elle se manifeste en tant que force mentale divine ou en tant que force mentale universelle et elle peut faire tout ce que le mental personnel est incapable de faire: c'est la force mentale yoguique. De même, quand elle se manifeste et agit dans le vital ou dans le physique, elle . se manifeste en tant que force vitale yoguique ou en tant que force corporelle yoguique. Elle peut s'éveiller sous toutes ces formes, éclatant vers le dehors et vers le haut, s'étendant en largeur depuis le bas. Ou bien elle peut descendre et devenir un pouvoir défini pour certaine action; elle peut se déverser de haut en bas dans le corps, œuvrant, établissant
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son règne, s'étendant en largeur depuis le haut. Elle peut relier ce qui est tout en bas en nous et ce qui est tout en haut au-dessus de nous, libérer l'individu dans l'universalité cosmique ou dans l'Absolu et le Transcendant.11
Il y a une yoga-shakti qui reste lovée ou endormie, inactive dans le corps intérieur. Quand on fait le yoga, cette Force se déroule et monte à la rencontre de la Conscience et de la Force divines qui attendent au-dessus de nous. Quand ceci arrive, quand la Yoga-Shakti éveillée s'élève, on la sent souvent comme un serpent qui se déroule et se dresse, se soulevant de plus en plus haut. Lorsqu'elle rencontre la Conscience divine au-dessus, la force de la Conscience divine peut alors descendre plus facilement dans le corps et on peut la sentir travailler là à changer la nature.
La sensation que votre corps et vos yeux sont tirés vers le haut fait partie du même mouvement. C'est la conscience intérieure du corps qui bouge, la vision interne subtile dans le corps qui regarde vers le haut; elles cherchent à rencontrer la conscience et la vision divines au-dessus.12
L'Énergie dans la Koundalinî est celle de la Mère.
Je ne vois pas où réside votre difficulté. Une force divine est assoupie ou voilée par l'Inconscience dans la Matière, et b Force supérieure doit descendre et l'éveiller par la Lumière et la Vérité. C'est là une notion bien connue, et c'est la bai. même de notre yoga.
11. Lumières sur le Yoga,
12. Les Bases du Yoga, chapitre 5. Traduction de la Mère.
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J'ai bien peur qu'en essayant d'appliquer des analogies scientifiques aux sujet spirituels ou yoguiques, on ne soit conduit plus souvent à la confusion qu'à autre chose, comme c'est le cas lorsqu'il s'agit de sujets philosophiques. La Koundalinî lovée dans le Moûlâdhâra est endormie, plongée dans l'inconscience, et soutient le jeu de l'Ignorance. Si, de là elle se soulève, les états d'Ignorance peuvent naturellement en être perturbés ou rompus, mais ce bouleversement serait plutôt salutaire et contribuerait à faire avancer le yoga. La Koundalinî, en devenant consciente, s'élève à la rencontre du Brahman dans le lotus aux mille pétales. Si elle se contentait de se projeter au dehors et de s'unir à la conscience supérieure, cela ne mènerait guère à un changement radical. Elle n'a évidemment pas besoin d'abandonner tout à fait son lien avec le centre physique, mais elle n'est plus lovée dans ce centre: si elle l'était, la grande force occulte qui réside en elle ne se libérerait pas. L'image habituelle de la Koundalinî dressée et éveillée est, je crois, celle d'un serpent qui se tient droit, la queue touchant le centre le plus bas et la tête le plus haut, le Brahmarandhra. Ainsi, tous les centres étant ouverts et actifs, elle unit les deux pôles de l'être, le supérieur et l'inférieur; elle unit la Matière à l'Esprit.
[Monter au-dessus de la tête:] C'est très bien. Ces ascensions contribuent à briser le couvercle entre les plans supérieur et inférieur dans la conscience et préparent l'élargissement.
La conduite à tenir dépend de l'endroit où se trouve le blocage. Deux mouvements sont nécessaires: l'un est l'ascension, par l'accroissement de la paix et du silence, jusqu'à leur source au-dessus du mental; c'est ce qu'indique la tendance de la conscience à sortir du corps pour s'élever au
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sommet de la tête et au-dessus, où il est facile de réaliser le Moi dans toute son immobilité, sa libération et son immensité, et de s'ouvrir aux autres pouvoirs de la Conscience supérieure. L'autre est la descente, dans les niveaux inférieurs jusqu'au plus physique et même au subconscient, de la paix, du silence, de la liberté et de l'immensité spirituelles, et des pouvoirs de la conscience supérieure à mesure qu'ils se développent. À chacun de ces mouvements peut s'opposer un blocage: blocage au-dessus, dû au mental et à la nature inférieure qui n'y sont pas habitués (c'est cela, en réalité, et non une incapacité) et blocage au-dessous, dû à la conscience physique et à sa lenteur naturelle à changer. Tout le monde a ces blocages, mais par la persévérance de la volonté et de l'aspiration ou abhyâsa, ils peuvent être surmontés.
L'immensité est le signe d'une extension de la conscience au-delà de ses limites ordinaires; la blancheur de l'immensité signifie que c'est dans la conscience pure qu'on la ressent, à moins que cette lumière blanche ou cette luminosité n'indique la présence de la conscience de la Mère, ou une influence de sa conscience. La barrière subtile que vous avez sentie doit être celle-là même qui vous empêche de monter à partir du cœur pour aller, au-delà, dans les régions supérieures. Il y a toujours à cet endroit une sorte de couvercle et c'est seulement lorsqu'il s'ouvre ou disparaît que l'on peut s'élever librement. On peut être conscient d'une "immensité invisible", mais on n'y a pas son moi tant que ce n'est pas fait.
L'immensité est nécessaire à l'action de la conscience supérieure; si l'être est enfermé en lui-même, des expériences intenses et une certaine ouverture aux contacts d'en haut
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peuvent se produire, mais la base solide qui est nécessaire à la transformation ne peut pas s'établir complètement.
Le vide et l'immensité dans le cerveau sont un très bon signe. C'est un état qui favorise l'ouverture horizontale à la conscience cosmique et l'ouverture verticale au Moi et au Mental spirituel supérieur, au-dessus de la tête.
La légèreté, l'impression que la tête disparaît et que tout est ouvert est un signe de l'élargissement de la conscience mentale qui n'est plus limitée par le cerveau et son sens corporel, qui n'est plus emprisonnée, mais vaste et libre. Cet état n'est ressenti tout d'abord qu'en méditation et les yeux fermés, mais à un stade ultérieur il devient permanent et on sent alors qu'on est devenu une conscience vaste qui n'est limitée par aucun sens corporel. Vous avez ressenti un peu cet élargissement de votre être dans votre deuxième expérience, lorsque la Mère appuyait son pied sur votre mental physique (la tête) jusqu'à ce qu'il s'enfonce et laisse place à ce sentiment d'un Moi infini. La conscience vaste, qui ne dépend pas du corps et n'est pas limitée par lui, est ce que l'on appelle dans le yoga l'Âtman ou Moi. Vous n'avez fait que l'entrevoir, mais plus tard cela devient normal et l'on sent que l'on a toujours été cet Âtman infini et immortel.
Je ne crois pas que l'insomnie, quand elle apparaît, soit due à l'inactivité, car même ceux qui ne travaillent pas du tout ont un bon sommeil. C'est autre chose, mais il faut surmonter cela.
Se souvenir sans cesse de la Mère est difficile et peu y sont parvenus, mais cela viendra en son temps. En attendant, sa Force agit en vous et y prépare votre conscience.
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On rencontre d'abord le Moi au niveau du Mental supérieur, mais il n'est pas confiné à un seul endroit; on le sent en général comme quelque chose qui est répandu dans l'immensité, mais on peut aussi sentir une conscience centralisatrice dans le Sahasrâra ou au-dessus de lui.
Le Moi gouverne la diversité de sa création par son unité sur tous les plans - depuis le mental supérieur jusqu'en haut - où la réalisation de l'Un est le fondement normal de la conscience. Mais lorsqu'on s'élève, le point de vue change, le pouvoir de conscience change, la Lumière devient de plus en plus intense et puissante. Bien que la réalisation statique de l'Infini, de l'Éternité et de l'Un hors du temps demeure identique, la vision des modes d'action de l'Un s'élargit de plus en plus, tandis que la Force trouve de meilleurs instruments et que l'on saisit de façon plus intégrale ce qu'il faut faire et connaître. Toutes les formes et constructions possibles deviennent de plus en plus visibles, elles sont mises à leur juste place, utilisables. De surcroît ce qui, dans le Mental supérieur, est connaissance par la pensée, devient illumination dans le Mental illuminé et vision intime et directe dans l'Intuition. L'Intuition voit par éclairs et ses combinaisons se font par un jeu constant de lumière, par révélations, inspirations, intuitions, discernements rapides. Le Surmental, lui, voit les choses avec calme et constance;
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elle dépend alors des instruments humains, le mental, le vital et le physique, qui doivent être apaisés pour que ces plans puissent agir avec plus de force et révéler davantage leur nature.
La substance de la connaissance est identique sur tous les plans "au-dessus de la tête", mais le mental supérieur ne donne que la forme et la substance de cette connaissance dans la pensée et les mots; dans le mental illuminé, on trouve déjà une lumière, une énergie et un Ânanda de connaissance particuliers qui croissent à mesure que l'on s'élève vers les degrés supérieurs, ou à mesure que la connaissance vient de sources de plus en plus hautes. Dans le mental illuminé la lumière, etc., demeure diluée et diffuse; sur les plans supérieurs, elle devient de plus en plus intense, clairement définie, dynamique et efficace, au point de changer constamment la nature et le pouvoir de la connaissance.
L'Ignorance peut agir d'au-dessus de la tête, mais non comme une partie des plans supérieurs; elle vient du dehors. Les plans supérieurs juste au-dessus de la tête ne sont cependant pas la Vérité absolue; celle-ci, vous ne la trouvez que dans le supramental.
Les plans et le corps ne sont pas la même chose. Au-dessus de la tête, on voit tous les plans depuis le surmental en haut Jusqu'au mental supérieur en bas, mais ce n'est qu'une corrélation dans la conscience, non une localisation de fait dans l'espace.
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À mesure que la pensée s'élève dans l'échelle, elle cesse d'être intellectuelle, devient illuminée, puis intuitive, puis surmentale et finit par disparaître à la recherche de l'ultime Au-Delà. Ce poème13
Le bleu pâle est la couleur des régions supérieures du mental jusqu'à l'intuition. Plus haut, cette couleur se dore de la Lumière supramentale.
La pensée n'est pas dispensatrice de Connaissance; elle est la "médiatrice" entre l'Inconscient et le Supraconscient. Elle contraint le monde né de l'Inconscience à rechercher une Connaissance autre que la connaissance vitale instinctive ou purement empirique, une Connaissance qui dépasse la pensée; elle appelle cette Connaissance supraconsciente et prépare la conscience d'ici-bas à la recevoir. Elle se soulève jusqu'aux régions supérieures et, en disparaissant dans les niveaux du supramental et de l'Ânanda, se transforme même en quelque chose qui fera descendre leurs pouvoirs dans le moi silencieux qu'elle laisse derrière elle en cessant d'exister.
Le rouge doré est la couleur du supramental dans le physique; le poème décrit la Pensée durant la phase où elle subit la transformation, où elle est sur le point de s'élever dans l'Infini et de disparaître en lui. L'"hymne au verbe de flamme" est le Verbe de l'Inspiration supérieure, de l'Intuition, de la Révélation, qui est le sommet le plus élevé que puisse atteindre la Pensée.
13. Cette lettre et la suivante ont trait à un poème de Sri Aurobindo intitulé Thought the Paraclete. Voir appendice, page 394.
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Par moi intuitif, j'entends l'être intuitif, cette partie de l'être oui appartient au plan intuitif ou est en relation avec lui. L'intuition est l'un des plans supérieurs de la conscience, entre le mental pensant de l'homme et le plan supramental.
Le mental intuitif ne reçoit pas le contact direct du supramental. Au-dessus de lui se trouve le surmental, où l'intuition est plus haute et plus grande; au-dessus encore, ce sont les régions supramentales.
Je ne crois pas que l'on puisse dire que la pureté, la force et la beauté correspondent à des niveaux différents dans le mental intuitif. Ce sont des pouvoirs divins séparés, non des niveaux séparés. Mais le mental peut évidemment les ranger de cette manière, dans un certain but d'organisation.
La révélation fait partie de la conscience intuitive.
Il existe un discernement qui n'est pas intellectuel, qui est une perception directe.
On peut recevoir des intuitions, des communications venant du plan de l'Intuition, même si l'ego existe encore, mais on ne peut pas vivre dans l'immensité de l'Intuition en conservant la limitation de l'ego.
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Pour vivre dans le plan de l'Intuition, il faut d'abord être ouvert à la conscience cosmique et vivre d'abord dans le Mental supérieur et illuminé, et tout contempler de là. Pour recevoir sans cesse l'Intuition d'en haut, ce n'est pas nécessaire; il suffit de sentir l'Un partout et d'entrer en contact avec les choses et les gens par l'intermédiaire du mental intérieur et du sens intérieur plutôt que par le mental et If sens extérieurs, car ceux-ci n'atteignent que la surface d( choses et ne sont pas intuitifs.
La conscience cosmique a de nombreux niveaux: physique cosmique, vital cosmique, Mental cosmique; au-dessus des plans supérieurs du Mental cosmique se trouve l'Intuition, au-dessus de l'Intuition le plan surmental, et encore au-dessus le supramental où commence le Transcendant. Pour vivre dans le plan de l'Intuition (et pas seulement recevoir des intuitions), il faut vivre dans la conscience cosmique, parce qu'en elle le cosmique et l'individuel se fondent pour ainsi dire l'un dans l'autre et la séparation mentale entre eux a déjà été abolie; nul ne peut donc atteindre ce plan s'il est encore dans l'ego séparateur.
Une réalisation statique reflétant le Satchidânanda est possible sur l'un quelconque des plans cosmiques, mais pour y pénétrer complètement, pour s'unir entièrement au Divin suprême dynamique autant que statique, il faut atteindre transcendance.
Le moi individuel n'est pas relié spécialement [à l'Intuition]; l'intuition est le pouvoir le plus élevé que puisse atteindre l'individu incarné sans s'universaliser. Lorsqu'il s'universalise, il devient capable d'entrer en contact avec le surmental. Si, par moi individuel, on veut dire Jîvâtman, celui-ci peut se trouver sur n'importe quel plan de conscience.
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Ce n'est pas le psychique, mais le mental qui se soulève et se transforme, et dont l'action s'intensifie lorsque la conscience devient intuitive. Le psychique est toujours, dans son essence, semblable à lui-même et il adapte son action à tout changement de conscience sans avoir besoin d'être transformé.
Oui, il y a des êtres [dans le plan de l'Intuition]. L'intuition est en contact direct avec la Vérité supérieure, mais ce contact n'est pas intégral. Elle reçoit la Vérité par éclairs et change en intuitions - en idées intuitives - ces perceptions fulgurantes de la Vérité. Les idées qui proviennent de l'Intuition vraie sont toujours justes dans leur domaine, mais lorsque l'intuition se trouve diluée dans la substance mentale ordinaire, sa vérité se mêle d'erreur.
Je ne me souviens pas du contexte dans lequel j'ai écrit cela. Mais pour prévenir une chute, il ne suffit pas de faire appel à l'intuition; si celle-ci est complète (et elle ne l'est pas tant que non seulement le mental, mais aussi le vital et le physique ne sont pas devenus intuitifs), elle peut vous faire comprendre tout le processus en vous et autour de vous, vous en rendre conscient, mais elle ne vous donne pas forcément la maîtrise complète de vos réactions. Pour cela, la Connaissance ne suffit pas; une certaine Volonté-Connaissance (connaissance et volonté fondues ensemble) ou un certain Pouvoir-Conscience est nécessaire.
Le surmental reçoit la Vérité divine et la disperse en formations variées, en jeux de forces divers, construisant ainsi, par cette dispersion, des mondes différents.
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Dans l'Intuition, la Connaissance est une Vérité qui n'est pas, par nature, globale et totale; c'est une Vérité qui surgit en autant de points, de contours, d'éclairs, qui se tient derrière la Connaissance et lui fournit ses perceptions directes.
X semble dire qu'au-delà du surmental se trouve un plan d'"Intelligence supérieure lumineuse". C'est impossible. Au-delà du surmental, il y a le supramental; le surmental est le plan le plus élevé en dessous du supramental, et X n'est pas encore en contact avec le supramental. Ce qu'il appelle ici surmental ne peut pas être le véritable surmental. Ses expériences sont celles du mental qui s'ouvre aux plans du mental supérieur et essaient de faire descendre quelque chose de ces plans et de leurs pouvoirs dans le mental, la vie et le corps.
Par cette classification en quatre mondes, il tente d'interpréter avec son mental quelque chose qu'il a vu, mais que son mental n'a pas compris correctement. Si Mahâsaraswatî l'a arrêté à ce moment-là, c'est certainement parce que son mental faisait une formation fausse et qu'il était inutile de la pousser plus avant.
À ce stade de son yoga, il doit observer ce qui se passe, sans attacher une importance définitive ou décisive à ce genre de classifications ou de catégories mentales. Le, mental, à ce stade, tantôt reçoit ces choses correctement, tantôt en fait des formations qui ne sont pas exactes et doivent être écartées ou rectifiées quand vient une connaissance plus haute.
La conscience que vous appelez supramentale est sans aucun doute au-dessus du mental humain; elle devrait cependant être appelée non pas supramentale, mais simplement supérieure. Cette conscience supérieure contient de nombreux degrés dont le supramental est le sommet, ou la source. Il
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n'est pas possible d'atteindre d'un seul coup ce sommet, cette source; la conscience inférieure doit tout d'abord se purifier et se préparer. C'est ce que signifie la Lumière que vous avez vue, dont le corps intérieur ou substance est trop dense et trop puissant pour que vous soyez dès à présent capable d'y pénétrer.14
La descente surmentale est certes nécessaire à ceux qui veulent la transformation supramentale. Si la conscience ne s'ouvre pas au surmental, elle ne peut s'ouvrir directement au supramental. Si l'on reste dans le mental, même le mental illuminé ou l'intuition, on peut recevoir du supramental des messages indirects ou une influence, mais non obtenir la maîtrise directe du supramental sur la conscience ni la transformation supramentale.
Les gens parlent avec une grande légèreté du surmental et du supramental, comme s'il était très facile d'y pénétrer, et prennent à tort des mouvements inférieurs pour le surmental ou le supramental, brouillant ainsi la Vérité et retardant le progrès de la sâdhanâ.
Ce que vous voulez dire par Volonté-Connaissance n'est pas très clair. D'ordinaire, ce terme décrit le supramental où il n'existe aucune séparation entre la Connaissance et la Volonté qui agissent mutuellement l'une sur l'autre, ou plutôt sont indissolublement liées dans l'unité et sont par conséquent infaillibles. Vous dites que cette Volonté-Connaissance a pris forme dans le mental, le vital et le corps; s'il en était ainsi, cela signifierait que la transformation est stabilisée et
14. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 1.
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décisive; il ne peut donc s'agir du supramental. C'est sans doute un certain plan de Vérité du surmental
La connaissance et la volonté doivent naturellement s'unifier avant que chacune soit capable d'une action parfaite
C'est l'expérience des plans transcendants tels qu'ils se reflètent sur les plans supérieurs de la conscience (surmental, etc.) par rapport à eux; on peut avoir une expérience du Satchidânanda et de ces plans tels qu'ils se reflètent dans le mental, le vital ou la conscience physique; on peut aussi l'avoir dans les plans supérieurs, mais sur chaque plan il apparaît sous une forme différente
On a l'expérience du surmental lorsqu'on s'élève au plan surmental et que l'on voit les choses telles qu'elles sont dans ce plan, ou telles qu'elles apparaissent à une conscience qui voit les autres plans du point de vue surmental. Quand on est dans le mental, dans la vie ou dans le plan physique, une Influence surmentale descend et modifie plus ou moins les fonctionnements du mental, de la vie ou du physique selon les possibilités ou l'action à accomplir à ce moment. Il n'est pas le seul pouvoir, comme lorsqu'il est dans son propre plan; son action est subordonnée aux conditions mentales, vitales ou physiques. Son pouvoir est plus subjectif qu'objectif; il lui est facile de changer notre vision et notre expérience de l'objet, et la connaissance que nous en avons; il lui est moins aisé de changer l'objet, sa nature, les circonstances ou l'état extérieur des choses dans ce plan
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Il n'y a pas de dangers dans le surmental; seule la conscience inférieure, lorsqu'elle utilise mal des messages du surmental ou de la conscience supérieure, peut créer un danger. Il n'y a cas non plus de Mensonge dans le surmental. Le surmental fait partie de l'Ignorance, en ce sens qu'il est la connaissance la plus haute que puisse atteindre l'Ignorance, mais cette connaissance est encore divisée et ne peut donc connaître que des parties ou des aspects de la Vérité; elle n'est pas la connaissance intégrale. C'est pour cette raison qu'elle peut être mal utilisée et transformée en mensonge par le Mental.
L'expérience du surmental ne délivre pas forcément des mouvements du vital et du physique inférieurs; elle ne les transforme que jusqu'à un certain point, pour les préparer à une Vérité plus grande.
C'est tout à fait naturel. Dans ces expériences, vous commencez à percevoir la conscience propre aux autres plans. Ainsi vous avez l'expérience d'être une forme de la Conscience divine, de la Mère, et tant que dure l'expérience vous sentez Son pouvoir; quand l'expérience cesse, vous revenez à votre état normal, le pouvoir se retire. Ces expériences sont propres à la conscience qui possède la Connaissance surmentale et elles la préparent à la transformation.
C'est très simple: c'est l'attirance vers la Conscience divine, représentée par une expérience concrète. Le caractère concret de l'expérience vous rend perplexe, mais dans ce plan, toute expérience tend à être concrète, il n'y a pas de vérités "abstraites" comme dans le mental; même la pensée, dans le surmental, est une force concrète et une substance palpable.
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Oui, c'est l'un des aspects de la Vérité, car dans le surmental la Vérité a de nombreux aspects séparés, combinés ou superposés.
Pourquoi pas? Les deux sont vrais, à différents niveaux du surmental ou dans différentes formations cosmiques qui viennent du surmental. Tous les aspects sont présents dans le surmental, même ceux que l'intellect considère comme contradictoires; dans le surmental, ils ne sont pas contradictoires, mais complémentaires.
Seul le supramental échappe totalement à l'erreur. Le surmental présente la vérité organisée selon différents modes qui tous, considérés globalement, représentent quelque chose qui ressemble à la vérité entière; mais ceux-ci à leur tour se reflètent en vous dans la conscience terrestre ou se communiquent à votre conscience terrestre en descendant des plans supérieurs, et la conscience terrestre, lorsqu'elle les reçoit, peut commettre des erreurs d'interprétation, de compréhension, d'application, d'organisation.
La certitude absolue en toutes choses ne peut venir que du supramental. En attendant, il faut poursuivre son chemin avec la connaissance que l'on peut recevoir des autres plans.
III
C'est la descente des pouvoirs de la conscience supérieure située au-dessus de la tête. En général, cette conscience descend de centre en centre jusqu'à remplir l'être tout
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entier. Mais son action est, au début, très fluctuante. Elle ne devient constante que lorsque la Paix d'en haut est non seulement descendue, mais établie dans tout l'organisme. La descente a pour but de transformer la conscience; cette transformation prend cependant du temps et tout ne se fait pas en un moment.
J'ai dit que la voie la plus décisive pour que la Paix et le Silence puissent venir était une descente d'en haut. En fait, et en réalité - bien que pas toujours en apparence - c'est ainsi qu'ils viennent toujours; pas toujours en apparence parce que le sâdhak ne se rend pas nécessairement compte de ce qui se passe; il sent la paix s'établir en lui, ou du moins se manifester, mais il n'a pas été conscient d'où ni comment elle est venue. Pourtant, la vérité est que tout ce qui appartient à la conscience supérieure vient d'en haut; non seulement la paix et le silence spirituels, mais la Lumière, le Pouvoir, la Connaissance, la vision et la pensée supérieures, l'Ânanda, viennent d'en haut. Il est possible aussi, jusqu'à un certain point, qu'ils viennent de l'intérieur, mais c'est parce que l'être psychique leur est ouvert directement et qu'ils descendent là d'abord, puis se révèlent dans le reste de l'être à partir du psychique, ou parce que ce dernier passe au premier plan. Une révélation du dedans ou une descente d'en haut sont les deux voies souveraines de la siddhi du yoga. Un effort du mental de surface, externe, ou de l'être émotif, une tapasyâ ou une autre, peuvent sembler édifier quelque réalisation de ce genre, mais les résultats sont généralement incertains et fragmentaires, comparés à ceux que donnent les deux voies radicales. C'est pourquoi, dans notre yoga, nous insistons toujours sur la nécessité d'une ouverture" comme condition indispensable pour que la sâdhan
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haut, à ce qui est au-dessus du mental.
La raison fondamentale en est que ce petit mental, ce petit vital et ce petit corps que nous appelons nous-mêmes ne sont qu'un mouvement de surface et pas du tout notre vrai "moi". Tout cela n'est qu'un bout de personnalité extérieur mis en avant pendant une brève existence, pour le jeu de l'Ignorance. Cette personnalité est pourvue d'un mental ignorant qui tâtonne à la recherche de fragments de vérité, d'un vital ignorant qui se précipite ça et là à la recherche de fragments de plaisir, d'un physique obscur, surtout subconscient, qui reçoit le choc des objets et qui subit plutôt qu'il ne les possède la douleur ou le plaisir qui en résultent. Tout cela est accepté jusqu'à ce que le mental s'en dégoûte et se mette en quête de la Vérité réelle de lui-même et des choses, jusqu'à ce que le vital s'en écœure et commence à se demander s'il n'existe pas quelque chose comme une vraie béatitude, et jusqu'à ce que le physique s'en fatigue et veuille être libéré de lui-même, de ses douleurs et de ses plaisirs. Alors il devient possible à cet ignorant petit bout de personnalité de retourner à son vrai Moi, et en même temps à des réalisations plus vastes - ou bien à l'extinction de soi, au Nirvana.
Le vrai Moi ne se trouve nulle part à la surface, mais profondément au-dedans et en haut. Au-dedans se trouve l'âme qui soutient le mental intérieur, le vital intérieur et le physique intérieur, et ceux-ci ont une capacité d'extension universelle qui peut apporter ce dont nous avons besoin maintenant: un contact direct avec la vérité de nous-mêmes et des choses, un goût de la béatitude universelle, une libération de notre petitesse prisonnière et des souffrances du corps physique grossier. Même en Europe, on admet très fréquemment aujourd'hui l'existence de "quelque chose" derrière la surface; mais on se trompe sur la nature de ce quelque chose et on l'appelle "subconscient" ou "subliminal", alors qu'en réalité il est très conscient à sa façon et qu'il n'est pas subliminal mais seulement derrière le voile. Selon notre psychologie, cet être intérieur est relié à la petite
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personnalité extérieure par certains centres de conscience que nous pouvons percevoir par le yoga. Un peu seulement de l'être intérieur s'échappe par ces centres et passe dans la vie extérieure, mais ce peu est la meilleure partie de nous-mêmes; c'est à lui que nous sommes redevables de notre art, notre poésie, notre philosophie, nos idéaux, nos aspirations religieuses, nos efforts vers la connaissance et la perfection. Mais la plupart des centres intérieurs sont fermés ou endormis; les ouvrir et les rendre éveillés et actifs est l'un des buts du yoga. À mesure qu'ils s'ouvrent, les pouvoirs et les possibilités de l'être intérieur s'animent en nous; nous nous éveillons d'abord à une conscience plus vaste, puis à une conscience cosmique; nous ne sommes plus des petites personnalités séparées avec une vie limitée; nous devenons les centres d'une action universelle, en contact direct avec les forces cosmiques. En outre, au lieu d'être sans le vouloir le jouet de ces forces, comme l'est la personne de surface, nous pouvons dans une certaine mesure devenir conscients et maîtres du jeu de la nature - cette mesure dépend du développement de l'être intérieur et de son ouverture vers le haut, aux niveaux spirituels supérieurs. En même temps, l'ouverture du centre du cœur libère l'être psychique, et celui-ci commence à nous rendre conscients du Divin en nous et de la Vérité supérieure au-dessus de nous.
Car le Moi spirituel suprême n'est pas même derrière notre personnalité ni notre existence corporelle; il est au-dessus et il les dépasse tout à fait. Le plus élevé des centres intérieurs est dans la tête, de même que le plus profond est dans le cœur; mais le centre qui s'ouvre directement au Moi, est au-dessus de la tête, tout à fait hors du corps physique, dans ce que l'on appelle le corps subtil, soûkshma sharîra. Ce Moi a deux aspects, et lorsqu'on entre dans sa réalité, les résultats correspondent à ces deux aspects. L'un est statique: c'est un état de paix, de liberté, de silence vastes; le Moi silencieux n'est affecté par aucune action ou expérience; il les soutient sans partialité et ne semble pas du tout les engendrer mais se tenir en arrière, détaché ou indifférent,
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oudâsîna. L'autre aspect est dynamique; on le perçoit comme un Moi ou Esprit cosmique qui non seulement soutient mais engendre et contient toute l'action cosmique - non seulement la partie de l'action cosmique qui concerne notre moi physique, mais aussi tout ce qui est au-delà: ce monde-ci et tous les autres mondes, les domaines supraphysiques autant que les domaines physiques de l'univers. En outre, on sent que le Moi est un en tout, mais on sent aussi qu'il est au-dessus de tout, transcendant, surpassant toute naissance individuelle ou toute existence cosmique. Entrer dans le Moi universel - un en tout - c'est être libéré de l'ego; l'ego devient une petite circonstance instrumentale dans la conscience, ou même il disparaît tout à fait de notre conscience. C'est l'extinction ou nirvana de l'ego. Entrer dans le Moi transcendant au-dessus de tout, nous rend capables de dépasser complètement la conscience et l'action cosmiques elles-mêmes - ce peut être la voie de la libération complète hors de l'existence dans le monde, appelée aussi extinction, laya, môksha, nirvana.
Mais notons que la paix, le silence et le nirvana ne sont pas nécessairement le seul aboutissement de l'ouverture vers le haut. Non seulement le sâdhak prend conscience d'une paix, d'un silence, d'une étendue immenses et finalement infinis au-dessus de lui, au-dessus de sa tête pour ainsi dire, et s'étendant dans tout l'espace physique et supraphysique, mais il peut prendre conscience d'autres choses aussi: d'une vaste Force en laquelle est tout pouvoir; d'une vaste Lumière en laquelle est toute connaissance; d'un vaste Ânanda en lequel est toute béatitude et tout ravissement. Tout d'abord, ces expériences apparaissent comme essentielles, indéterminées, absolues, simples, kévala; un nirvana semble possible dans l'une quelconque d'entre elles. Mais nous pouvons arriver à voir aussi que cette Force contient toutes les forces, cette Lumière toutes les lumières, cet Ânanda toute la joie et toute la béatitude possibles. Et tout cela peut descendre en nous. Séparément ou ensemble, toutes ces expériences peuvent descendre, et pas seulement la paix;
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mais le plus prudent est de faire d'abord descendre une paix et un calme absolus, car cela donne plus de sécurité pour la descente du reste, sinon il peut être difficile pour la nature extérieure de contenir ou de supporter tant de Force, de Lumière, de Connaissance ou d'Ânanda. L'ensemble de ces expériences constitue ce que nous appelons la Conscience spirituelle supérieure ou Conscience divine. L'ouverture psychique par le cœur nous met essentiellement en contact avec le Divin individuel, le Divin dans sa relation intime avec nous; c'est surtout la source de l'amour et de la bhakti. L'ouverture vers le haut nous met en relation directe avec le Divin intégral et peut créer en nous la conscience divine et une nouvelle naissance ou des nouvelles naissances de l'esprit
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en même temps un contact et une union croissants avec le Divin.
Tel est le principe fondamental de la sâdhanâ. Il apparaîtra clairement que les deux choses les plus importantes ici sont l'ouverture du centre du cœur et l'ouverture des centres du mental à tout ce qui est derrière eux et au-dessus. Car le cœur s'ouvre à l'être psychique et les centres du mental s'ouvrent à la conscience supérieure; or, la conjonction de l'être psychique et de la conscience supérieure est le principal moyen d'obtenir la siddhi. La première ouverture s'effectue par une concentration dans le cœur, un appel au Divin pour qu'il se manifeste en nous et qu'à travers le psychique, il se saisisse de notre nature tout entière et la dirige. L'aspiration, la prière, la bhakti, l'amour, la soumission sont les principaux supports de cette partie de la sâdhanâ - accompagnés du rejet de tout ce qui barre la route à ce à quoi nous aspirons. La seconde ouverture s'effectue par une concentration de la conscience dans la tête (ensuite, au-dessus de la tête) et une aspiration, un appel, une volonté soutenue de faire descendre dans l'être la Paix, le Pouvoir, la Lumière, la Connaissance, la Béatitude (Ânanda) divins - la Paix d'abord, ou la Paix et la Force ensemble. En fait, quelques-uns reçoivent d'abord la Lumière ou d'abord l'Ânanda, ou sont brusquement envahis par la Connaissance. Pour certains, il y a d'abord une ouverture qui leur révèle un Silence, une Force, une Lumière ou une Béatitude vastes et infinis au-dessus d'eux, et plus tard, ils s'élèvent jusque-là, ou bien ces expériences commencent à descendre dans la nature inférieure. Chez d'autres, il y a une descente, d'abord dans la tête, puis jusqu'au niveau du cœur, puis au niveau du nombril et au-dessous, et finalement à travers le corps tout entier, ou bien (sans aucun sens de descente) une ouverture inexplicable de paix, de lumière, d'étendue ou de pouvoir, ou encore une ouverture horizontale dans la conscience cosmique, ou un jaillissement de connaissance dans un mental soudain élargi. On doit faire bon accueil à tout ce qui vient, car il n'est pas de règle absolue applicable à tous;
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mais si la paix n'est pas venue la première, il faut prendre garde de se gonfler d'exaltation ou de perdre l'équilibre. En tout cas, le mouvement capital se produit quand la Force ou Shakti divine, le pouvoir de la Mère, descend et prend le contrôle, car alors l'organisation de la conscience commence et la base du yoga devient plus large.
En général, le résultat de la concentration n'est pas immédiat, bien que chez certains il y ait un épanouissement brusque et rapide; mais la plupart passent par une période plus ou moins longue d'adaptation ou de préparation, surtout si la nature n'a pas été déjà préparée jusqu'à un certain point par l'aspiration et la tapasyâ. L'obtention du résultat peut parfois être facilitée en associant à la concentration l'un des procédés des anciens yogas. Il y a la méthode "advaïta" de la voie de la connaissance: on rejette l'identification de soi avec le mental, le vital et le corps, en se répétant sans cesse: "Je ne suis pas le mental", "je ne suis pas le vital", "je ne suis pas le corps", et en regardant ces éléments comme séparés de son moi véritable; au bout d'un certain temps, on sent toutes les activités mentales, vitales et corporelles, et jusqu'au sens même du mental, du vital et du corps, s'extérioriser et devenir une action en-dehors de soi, tandis qu'à l'intérieur et détaché d'eux, se développe le sens d'un être distinct et autonome qui s'ouvre à la réalisation de l'esprit cosmique et transcendant. Il y a aussi la méthode (très puissante méthode) des "Sâmkhya", la séparation du Pourousha et de la Prakriti. On oblige le mental à prendre la position de Témoin: toute action du mental, du vital et du physique devient un jeu extérieur qui n'est ni moi ni à moi, mais qui appartient à la Nature et a été imposé à un moi extérieur. Je suis le Pourousha témoin; je suis silencieux, détaché et ne suis lié par aucune de ces choses. En conséquence, une division se produit dans l'être; le sâdhak sent croître en lui une conscience distincte, calme et silencieuse, qui se sait tout à fait séparée du jeu superficiel de la Nature mentale, vitale et physique. D'habitude, lorsque ceci se produit, il est possible de faire descendre très rapidement la paix de la
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conscience supérieure, l'action de la Force supérieure et le plein mouvement du yoga. Mais souvent, la Force elle-même descend d'abord en réponse à la concentration et à l'appel; après quoi, si ces procédés sont nécessaires, elle les utilise, ou bien elle emploie n'importe quel autre moyen ou procédé qui lui semble utile ou indispensable
Autre chose encore. Dans ce processus de descente et de travail, il est extrêmement important de ne pas compter exclusivement sur soi-même, mais de s'en remettre à la direction du Gourou et de référer tout ce qui se produit à son jugement, son arbitrage, sa décision. Car il arrive souvent que les forces de la nature inférieure soient stimulées et excitées par la descente et veuillent s'y mêler et la détourner à leur profit. Il arrive souvent aussi qu'une ou plusieurs Puissances de nature non divine veulent se faire passer pour le Seigneur suprême ou la Mère divine et exigent de l'être service et soumission. Si l'on y consent, les conséquences seront absolument désastreuses. Si le sâdhak donne vraiment son consentement au travail du seul Divin et se soumet et s'abandonne à sa seule direction, alors tout peut se passer sans heurts. Ce consentement et le rejet de toutes les forces égoïstes ou de celles qui plaisent à l'ego sont la sauvegarde du sâdhak d'un bout à l'autre de la sâdhanâ. Mais les voies de la nature sont pleines d'embûches, les travestissements de l'ego sont innombrables, les illusions des Puissances des Ténèbres, râkshasî maya, sont extraordinairement habiles; la raison est un guide insuffisant et nous trahit souvent; le désir vital nous accompagne toujours et nous pousse à répondre à tout appel alléchant. Pour cette raison, nous insistons tellement dans notre yoga sur ce que nous appelons samarpana (que rend assez mal le mot français "soumission"15
15. 15.Surrender, en anglais.
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ceux pour qui la soumission est facile. Dans cette entreprise difficile, la direction de quelqu'un qui est lui-même le Divin par identification ou qui le représente est impérative et indispensable
La descente de la Paix, la descente de la Force ou Pouvoir, la descente de la Lumière, la descente de l'Ânanda, tels sont les quatre mouvements qui transforment la nature
Présence, Paix, Force, Lumière, Ânanda, tels sont les cinq principes qui descendent le plus souvent
Comme tout le reste: Paix, Lumière, Pouvoir/l'immensité descend aussi
Lumière, Paix, Force, Ânanda constituent la conscience spirituelle; s'ils ne sont pas parmi les expériences majeures, qu'est-ce qui en ferait partie?
16. Lumières sur le Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère
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En réalité, ce n'est pas le plan qui descend, c'est son Pouvoir et sa Vérité qui descendent dans le plan matériel; alors le voile qui sépare le plan matériel de cet autre plan n'existe plus.
Je n'ai pas dit que la descente de l'Ânanda était vitale et mentale, mais que l'Ânanda se manifestait dans le mental et le vital, ce qui est tout différent; car l'Ânanda unique (le vrai) peut se manifester dans n'importe quelle partie de l'être.
La conscience supérieure descend aussi dans l'atmosphère, mais pour qu'elle soit efficace, l'individu doit la recevoir et y réagir. Elle descend aussi dans l'individu indépendamment de l'atmosphère.
La conscience d'où proviennent ces expériences est toujours présente, exerçant sa pression pour les faire entrer. Si elles n'entrent pas librement ou ne durent pas, c'est en raison de l'activité du mental et du vital qui sont toujours à s'agiter, pensant ceci, voulant cela, essayant d'accomplir des hauts faits d'alpinisme sur tous les monticules de la nature inférieure, au lieu de cultiver une aspiration puissante et simple, une puissante et simple ouverture à la conscience supérieure pour qu'elle descende et accomplisse son œuvre. Ce n'est pas le rasa de la poésie, de la peinture ou du travail physique qu'il faut rechercher. Ce qui donne de l'intérêt au yoga, c'est le rasa du Divin et de la conscience divine, c'est-à-dire le rasa de la Paix, du Silence, de la Lumière et de la Béatitude intérieures, de la Connaissance et du Pouvoir intérieur qui grandissent, de l'Amour divin, de tous les domaines infinis d'expérience qui s'ouvrent à vous en même temps que s'ouvre la conscience intérieure. Le vrai rasa de la poésie, de la peinture ou (de toute autre activité, vous le trouverez
véritablement lorsque ces activités feront partie du travail de la Force divine en vous, que vous en sentirez le rasa comme tel et qu'en lui vous sentirez la joie de ce travail.
L'état où vous avez perçu l'être intérieur et son silence comme séparés de la conscience de surface et de ses petits mouvements agités est la première libération, le Pourousha libéré de la Prakriti, et c'est l'expérience fondamentale. Le jour où vous pourrez la faire durer, vous saurez que la conscience yoguique s'est établie en vous. Cette fois-ci son intensité s'est accrue, mais elle doit aussi augmenter en durée.
Tout cela ne "tombe" pas: ce que vous avez senti est là, en vous, tout le temps, mais vous ne le sentiez pas parce que vous viviez complètement à la surface, et la surface n'est que multitude et clameur. Mais en tous les hommes réside ce Pourousha silencieux, base de l'être mental vrai, de l'être vital vrai, de l'être physique vrai. Votre prière et votre aspiration ont apporté cette expérience pour vous montrer où vous devez vous diriger pour avoir le vrai rasa des choses, car c'est seulement lorsqu'on est libéré que l'on peut avoir le vrai rasa. D'autres libérations succèdent en effet à celle-là et parmi elles, la libération et l'Ânanda dans l'action autant que dans le silence statique.
Si l'habitude de la nature ordinaire n'est pas un obstacle à la descente, alors à quoi sert la sâdhanâ? Qu'est-ce qui empêche la conscience supérieure tout entière de descendre et de vous transformer en surhomme en une seconde? C'est parce que les travers de la nature inférieure opposent une résistance obstinée que la sâdhanâ est nécessaire.
Dans cette phrase, je n'entendais pas, par état général, l'état de surface tel que vous le connaissez. Cet état général
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contient bien des choses qui vous sont inconnues. Ce qui vient d'en haut peut descendre lorsque le mental est clair ou lorsque le vital est troublé, lorsqu'on est en méditation ou que l'on se promène, lorsqu'on travaille ou que l'on ne fait rien. La plupart du temps, la descente vient quand on est dans un état clair et concentré, mais il se peut aussi qu'elle ne vienne pas: il n'y a pas de règle absolue. En outre tirer ou appeler peut n'engendrer aucun effet concret, et pourtant un résultat peut se produire alors qu'on a cessé de tirer ou d'appeler. Toutes les raisons mentales que l'on invoque pour expliquer ces allées et venues sont trop rigides: parfois elles sont justes, très souvent elles ne le sont pas. Il faut avoir la foi, la confiance, l'aspiration, mais on ne peut pas contraindre la Force à agir à tel moment, de telle manière ou pour telle raison.
La conscience supérieure, quand elle vient, peut ne pas être exactement conforme à l'aspiration, mais l'aspiration n'est pas inefficace. Elle maintient la conscience ouverte, empêche que ne s'installe un état de consentement inerte à tout ce qui vient et agit comme une force d'attraction qui fait couler les sources de la conscience supérieure.
Chaque fois qu'il y a une descente de la conscience supérieure dans l'Adhâr:
1. Une partie en est emmagasinée à l'avant de la conscience et y demeure;
2. Une partie va à l'arrière-plan et reste pour soutenir la partie active de l'être;
3. Une partie s'écoule dans la Nature universelle;
4. Une partie est absorbée par l'inconscient et perdue pour la conscience individuelle et son action.
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La Force descend pour faire deux choses:
1) transformer la nature;
2) accomplir son œuvre en utilisant l'instrument.
Tout d'abord on n'est conscient d'aucune de ces deux actions; ensuite on devient conscient du travail de la Force, mais non de sa manière de travailler. À la fin on devient conscient de l'action dans son ensemble et dans le détail.
On ne sent la Force que lorsqu'on est en contact conscient avec elle.
Tous ces mouvements sont des actions diverses exercées par la Force sur l'âdhâr, dans la seule intention de l'ouvrir d'en haut, d'en bas et aussi latéralement. L'action d'en haut l'ouvre à la descente de forces supérieures au Mental et à la montée de la conscience au-dessus du couvercle du mental humain ordinaire. L'action horizontale l'ouvre à la conscience cosmique à tous ses niveaux. L'action d'en bas aide à relier le supraconscient au subconscient. Enfin la conscience, au lieu d'être limitée par le corps, devient infinie, s'élève au-dessus à l'infini, plonge au-dessous à l'infini, s'élargit de tous côtés à l'infini. Par ailleurs, tous les centres s'ouvrent à la Lumière, au Pouvoir et à l'Ânanda qui doivent descendre d'en haut. À présent seuls les centres du mental semblent recevoir pleinement la descente de la Force, alors que les centres du vital supérieur subissent une préparation, et qu'une action moins importante se déroule sur les autres parties du corps. Un jour la voie sera complètement ouverte; c'est une question de temps et de persévérance.
C'est l'expérience générale des sâdhak que la force, la conscience ou l'Ânanda vient d'abord ainsi, d'en haut ou
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d'alentour, exerce une pression sur la tête ou l'environne, puis perce le crâne pour ainsi dire, emplit d'abord le cerveau et le front, ensuite toute la tête, et descend pour occuper chaque centre jusqu'à ce que l'organisme tout entier soit plein et saturé. Évidemment, au stade préliminaire, des descentes envahissent ou peuvent envahir pendant un moment tout le corps ou une partie de l'organisme plus ouverte et moins résistante à l'influence.
En règle générale, la descente dans le corps s'effectue d'abord dans la tête, puis le long du cou et dans la poitrine. Chez de nombreux sâdhak, un arrêt important se produit avant qu'elle ne se poursuive au-dessous du nombril, en raison d'une certaine résistance vitale. Une fois qu'elle a passé cette barricade, il ne lui faut en général pas très longtemps pour descendre plus bas. Mais il n'y a pas de règle quant au temps que cela prend. Chez certains elle inonde tout, chez d'autres elle pénètre méthodiquement, posément, de plus en plus. Je ne crois pas que la paix, pour descendre, ait coutume d'attendre des compagnons; très souvent elle préfère tout d'abord être seule, puis elle appelle ses amis en leur disant: "Venez, j'ai tout préparé pour vous."
Si c'est de la descente de la conscience supérieure que vous voulez parler, on la sent dans la région du cœur - et pas seulement dans le centre cardiaque - de la même manière que dans la tête. La pression sur la tête n'est qu'un premier contact. Par la suite, on sent une masse de paix, de force, de lumière, d'Ânanda ou de conscience descendre directement dans la tête, puis plus bas, dans la poitrine, et ainsi de suite jusqu'au nombril, à travers le corps. Chez certains la descente prend des semaines ou des mois, chez d'autres elle est rapide.
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Quand les choses viennent dans cet ordre, la tête s'ouvre d'abord, le cœur ensuite et enfin tous les centres. Si vous vous contentez de ne recevoir que la paix, la connaissance et la moukti, le centre du cœur ne s'ouvrira peut-être qu'à cela. Mais si c'est l'amour que vous voulez, le Pouvoir et la Lumière qui descendent agiront aussi dans ce sens.
Il est possible que cette tentative d'ouvrir le centre de l'ombilic et le centre inférieur ait été trop précipitée. Dans notre yoga, le mouvement se fait de haut en bas: d'abord les deux centres de la tête, puis le cœur, puis l'ombilic et enfin les deux autres centres. Si l'expérience supérieure, avec sa conscience, sa connaissance et sa volonté supérieures, est déjà tout à fait établie dans les trois centres du haut, il est plus facile d'ouvrir les trois centres inférieurs sans trop de perturbations.
Oui, c'était la même expérience. Vous vous êtes intériorisé sous la pression de la Force, ce qui est souvent - pas toujours, cependant - le premier résultat, et pendant quelques secondes, vous êtes entré en samâdhi, pour employer la terminologie habituelle. La Force, lorsqu'elle descend, essaie d'ouvrir le corps et de traverser les centres. Elle doit (en général) pénétrer par le sommet de la tête (Brahmarandhra) et passer par le centre du mental intérieur qui est au milieu du front, entre les sourcils. C'est pourquoi sa pression s'exerce d'abord sur la tête. En ouvrant les yeux, on revient à la conscience du monde extérieur, c'est pourquoi lorsqu'on ouvre les yeux, l'intensité se relâche.
Votre expérience était simplement la descente de la Force
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divine dans le corps. Par votre attitude et votre aspiration, vous l'avez appelée pour qu'elle agisse en vous, alors elle est venue. Une descente comme celle-ci se traduit naturellement par un état d'intériorisation profonde et un silence du mental, et elle peut apporter bien plus: la paix, un sentiment de libération, le bonheur, l'Ânanda. Très souvent elle s'accompagne, comme dans votre expérience, d'une lumière ou d'une luminosité. Vous avez senti qu'elle enveloppait la partie supérieure du corps jusqu'au centre cardiaque, parce que ces centres - le centre de la tête et celui du cœur - sont les premiers à être envahis et emplis par tout ce qui descend d'en haut: Conscience, Force, Lumière ou Ânanda. En général il y a d'abord une pression d'en haut sur la tête, ensuite on sent quelque chose entrer dans la partie supérieure de la tête, puis la tête tout entière est remplie, comme vous le sentez maintenant, d'un fourmillement17 au moment de la concentration. Une fois que la tête et ses centres mentaux sont ouverts et remplis, la Force descend rapidement jusqu'au centre du cœur, à moins d'un obstacle ou d'une résistance dans les parties vitales supérieures. De là, elle s'élance dans tout le corps et commence à s'établir dans les centres du vital et du physique, depuis l'ombilic jusqu'au moûlâdhâra. Cette expérience du corps empli par la Force d'en haut indique que la sâdhanâ a avancé d'un grand pas.
La crainte d'une syncope n'était due qu'au samskâra dans le mental; elle doit être écartée. La Force peut très bien descendre dans la pleine conscience de veille; si elle produit une sorte de samâdhi, cet état intérieur est en général conscient: la conscience se retire des choses extérieures, mais conserve au-dedans tout son pouvoir. Même si une transe apparaissait, ce serait une véritable transe et non un évanouissement.
Parmi les expériences que vous énumérez, les plus importantes sont les suivantes:
17. En français dans le texte.
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1. Le sentiment de calme et l'absence relative de pensées troublantes. C'est le signe que la tranquillité du mental, qui est nécessaire à une méditation pleinement efficace, s'accroît.
2. La pression sur la tête et les mouvements à l'intérieur de la tête. La pression est celle de la Force de la conscience supérieure située au-dessus du mental, qui appuie sur le mental (les centres du mental sont dans la tête et dans la gorge) pour y pénétrer. Lorsqu'elle entre, elle prépare le mental à s'ouvrir plus complètement à elle et les mouvements dans la tête sont dus à cette action. Les centres et les espaces de la tête une fois ouverts, on la sent descendre librement comme un courant ou sous une autre forme. Ensuite elle ouvre de la même manière les centres situés plus bas dans le corps. Le mouvement physique de la tête vient sans doute de ce que le corps n'a pas l'habitude de la pression et de la pénétration de la Force. Lorsqu'il est devenu capable de recevoir et d'assimiler, ces mouvements ne se produisent plus.
3. Il est normal que la méditation dans le cœur s'étende à la tête et y crée des mouvements; quel que soit le centre où se situe la méditation, la force yoguique qu'elle engendre s'étend aux autres centres et y produit une concentration ou des activités.
4. La cessation soudaine de la pensée et de tous les mouvements est très importante, car elle indique un éveil de la capacité au silence intérieur. Elle ne dure qu'un court instant lorsqu'elle commence à se manifester, mais elle augmente ensuite son emprise et sa durée.
La sâdhanâ a pris une bonne direction et vous n'avez qu'à continuer dans le même sens.
Nous ne pouvons rien dire de définitif au sujet des Maires extérieures; je suppose que dans les circonstances, us êtes obligé d'y penser, mais c'est la sâdhanâ qui est le Plus important.
Notre sâdhanâ n'inclut pas la pratique du Hathayoga. Si vous l'utilisez uniquement pour des raisons de santé, elle
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doit rester séparée de la sâdhanâ; c'est à vous de choisir.
Le mental ne peut devenir totalement inactif et silencieux dès le début; ce qui est possible, c'est qu'il se tranquillise, c'est-à-dire qu'il cesse d'être absorbé par l'activité multiforme et agitée de pensées mal reliées entre elles ou dépourvues de lien, et se concentre sur l'objet de la sâdhanâ. L'imagination dont la Mère vous a recommandé l'usage était un moyen d'acquérir cette concentration. Une idée mentale de l'omniprésence, comme celle qui vous est venue, la favorise aussi, surtout si elle apporte une foi et une confiance puissantes. La vibration de la Force de Mère que vous avez sentie autour de la tête est plus qu'une idée mentale ou même une réalisation mentale, c'est une expérience. Cette vibration est en effet l'action de la Force de la Mère que l'on sent d'abord autour de la tête ou au-dessus, puis dans la tête. La pression indique qu'elle agit pour ouvrir le mental et ses centres, afin de pouvoir y pénétrer. Les centres du mental sont dans la tête, l'un au sommet et au-dessus, un autre entre les yeux, le troisième dans la gorge. C'est pourquoi vous sentez la vibration autour de la tête et parfois jusqu'au cou, mais pas plus bas. Il en est ainsi habituellement parce que c'est seulement après avoir enveloppé le mental et pénétré en lui qu'elle descend plus bas, dans les parties émotives et vitales (cœur, nombril, etc.), bien que parfois elle enveloppe plutôt le corps avant d'y pénétrer. [...] Pour voir la lumière dans le cœur, il faut y entrer profondément, mais on peut la voir ailleurs sans pénétrer profondément à cet endroit. Souvent on voit la lumière d'abord entre les sourcils, devant eux, ou à leur niveau, car c'est là que se trouve le centre de la vision intérieure et s'il s'ouvre, si peu que ce soit, c'est suffisant; on voit souvent aussi la lumière autour de la tête ou au-dessus, à l'extérieur.
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La pression qui s'exerce du dedans sur le centre du front commence très souvent après la pression d'en haut sur le front; une partie de la Force a suffisamment pénétré pour exercer cette deuxième pression. La pression sur le dos est sans doute une pression directe sur la région psychique (si elle s'exerce au milieu du dos ou presque); son but est de préparer l'action dans le cœur. Quand les centres commencent à s'ouvrir, des expériences comme l'apparition de lumière ou d'images à la vision subtile dans le centre du front, ou des expériences, des perceptions psychiques dans le cœur se font fréquentes; peu à peu on commence à percevoir l'être intérieur comme distinct de l'être extérieur, et ce que l'on peut appeler une conscience yoguique, avec tous ses mouvements profonds, se développe et remplace les mouvements superficiels ordinaires du mental et du vital.
Il est bon que vous ayez senti la paix au-dedans et le mouvement dans le cœur. C'est l'indication que la force agit non seulement d'en haut, mais au-dedans de vous, et c'est la promesse d'un progrès ultérieur. La pleine ouverture viendra en son temps; l'important, c'est que vous êtes sur la bonne voie et que vous avancez plus vite que vous ne le croyez.
C'est ce que nous appelons la pression de la Force (la Force de la conscience spirituelle supérieure ou conscience divine, la Force de la Mère); elle se manifeste sous différentes formes: vibrations, courants, vagues, un vaste flot, une averse ou une pluie, etc. Elle traverse tous les centres l'un après l'autre: sommet de la tête, centre du front, centres de la gorge, du cœur, de l'ombilic, jusqu'au Moûlâdhâra, et se répand aussi dans tout le corps. Le mouvement de rotation es! le mouvement de la Force lorsqu'elle agit pour former quelque chose dans l'être.
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Tout ce qui vient d'en haut peut venir ainsi en vagues, que ce soit la Lumière, la Force, la Paix ou l'Ânanda. Dans votre cas, c'était la Force agissant en vagues sur le mental. Il est vrai aussi que lorsqu'elle se manifeste ainsi et non sous forme de courants, de pluie, ou de flot tranquille, c'est la Force de Mahâkâlî qui est à l'oeuvre. La première nécessité, dans ce cas, est de ne pas avoir peur.
Le flot que vous avez senti descendre dans la tête et se déverser en vous est en effet un courant de la force de la Mère; c'est souvent ainsi qu'on le sent; il coule en courants dans le corps où il agit pour libérer et transformer la conscience. À mesure que la conscience se transformera et se développera, vous commencerez à comprendre par vous-même la signification et le fonctionnement de ces phénomènes.
Les vibrations appartiennent soit à une Force, soit à une Présence.
Les pressions, les pulsations, les vibrations électriques sont autant de signes de l'action de la Force. L'endroit indique le champ d'action: le haut de la tête est le sommet du mental pensant, c'est là qu'il communique avec la conscience supérieure; le cou ou la gorge est le siège du mental physique extériorisant ou expressif; l'oreille est le point de communication avec le centre mental intérieur, c'est par là que les pensées venant de la Nature générale entrent dans l'être personnel. Le sternum, au point indiqué, contient le centre psychique et émotif dont le sommet se trouve derrière, dans la colonne vertébrale.
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[Une vibration semblable à un courant électrique:] C'est la force qui coule par la colonne vertébrale. Dans le système tantrique, la colonne vertébrale est considérée comme le conduit naturel de la Force, parce que c'est en elle que résident les six centres.
Un choc électrique indique toujours le passage d'une Force dynamique.
Je suis heureux d'apprendre que ces expériences ont commencé; elles annoncent un progrès rapide. La descente qui ressemble à une pluie fine et pénétrante est un mode de descente bien connu et très caractéristique de la conscience supérieure; elle apporte la paix, mais elle apporte aussi toutes les autres possibilités de la conscience supérieure et, comme vous l'avez senti, les germes de la transformation de la conscience physique: elle introduit dans la conscience physique les germes des pouvoirs et des qualités de la Nature supérieure.
Je suis très heureux que l'expérience que nous avons travaillé à vous apporter soit venue avec tant de force et s'intensifie. C'est la descente concrète de la conscience supérieure dont l'établissement marque toujours un tournant décisif dans la sâdhanâ. Même si elle n'acquiert pas aussitôt une stabilité complète on peut être assuré, une fois qu'elle est apparue avec une telle force, qu'elle viendra de plus en plus jusqu'à ce qu'elle ait achevé son œuvre et soit devenue votre conscience permanente. L'averse et la pluie, l'emprise au-dessus de la tête et dans le cœur, l'enveloppement, l'embrasement d'Agni au-dedans, le sentiment de fermeté et de solidité, la Paix, la sécurité et la dévotion, le sentiment de l'emprise de la Mère sont autant de signes de cette descente;
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à la longue elle pénétrera partout et deviendra quelque chose de solide et de stable qui occupera la conscience et le corps tout entiers.
Un son accompagne parfois une descente particulière de la conscience ou de la force.
L'expérience que vous avez eue en vous rendant chez les hommes de loi était une ouverture à la Force d'en haut qui, lorsqu'elle est soudaine, s'accompagne souvent d'un grand bruit de ce genre et de l'impression que la tête s'ouvre; c'est dans le corps subtil que se produit cette ouverture de la tête, bien que la sensation soit éprouvée comme quelque chose de physique. La Force est descendue et remontée, sous l'autorité de la Mère revêtant les formes de Mahâlakshmî et de Mahâsaraswatî; elle a fait ce mouvement ascendant et descendant (ici dans la colonne vertébrale, conduit principal de la force yoguique traversant les centres) qui aide la conscience supérieure et la conscience inférieure à se joindre. Il en est résulté ce sentiment d'identité avec moi dans votre corps. La toux indique sans doute une difficulté qui contrarie la concentration dans le mental physique. Mieux vaut ne pas forcer la concentration, mais rester tranquille et appeler, puis laisser les choses se faire d'elles-mêmes grâce à la Force de la Mère.
C'est un obstacle dans le mental qui se brise sous la pression de la Force; il y a chaque fois un éclair et un mouvement de la Force.18
18. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
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Si la sensation est celle du percement d'un couvercle, alors c'est une sensation qui apparaît souvent lorsque la Force s'ouvre un passage à travers une résistance; ici, cette résistance se trouve sans doute dans une certaine partie du mental physique.
Continuez à vous reposer entièrement sur la Mère. Quand on le fait, la victoire, même si elle tarde, est certaine.
Lorsqu'une pression de la Force s'exerce sur l'Âdhâr pour agir sur lui ou y pénétrer, on ressent souvent cette lourdeur au milieu de la tête, surtout si la Force agit dans la tête. La lourdeur disparaît si l'organisme reçoit et assimile la Force, et que celle-ci s'écoule librement dans le corps; auparavant, on ressent souvent la pression ou une sorte de lourdeur à un centre ou à un autre, là où agit la Force.
Une lourdeur qui donne de la force indique vraisemblablement une descente. Cela s'accompagne souvent de sensations de morsure ou de piqûre dans la tête. C'est en général le signe qu'une force d'en haut essaie de se frayer un chemin à travers la substance physique ou d'agir en elle pour la préparer à recevoir.
La maîtrise des pensées et la faculté de voir l'image de la Mère et de Sri Aurobindo dans la tête sont un très bon début. La chaleur dans la tête n'est pas de la fièvre; elle résulte de l'action de la Force dans les centres mentaux, qui travaille à surmonter la résistance mentale toujours présente dans le mental humain; la lourdeur est parfois l'effet de la Pression de la Force; elle disparaît d'elle-même, en général, quand le mental reçoit librement la Force.
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Cette sensation de gonflement de la tête est une expérience très fréquente; c'est la tête du corps subtil qui ressent un élargissement.
Les sensations que vous décrivez au sommet de la tête et dans la partie supérieure du front sont de celles que l'on éprouve souvent lorsque la conscience supérieure, ou Force, essaie de se frayer un passage à travers le mental. C'est donc probablement ce qui se passe. Le malaise ou la faiblesse que vous ressentez à cet endroit quand vous pariez fort, etc., apparaît aussi dans ces moments-là. La raison en est que la concentration d'énergie nécessaire au travail intérieur s'interrompt et que les énergies sont jetées au dehors et épuisent ces parties de l'être en tirant chacune de son côté. Mieux vaut, lorsqu'une action s'accomplit au-dedans, parler très calmement et être aussi peu loquace que possible. À d'autres moments, c'est moins important.
Certaines sensations sont dues à la descente et ne sont en rien gênantes ni dangereuses; d'autres sont des sensations physiques. Mais pour les distinguer, une description est nécessaire.
Ce que vous avez vu était bien un soleil, le soleil de lumière bleue qui est la lumière d'un mental supérieur au mental humain ordinaire. Le soleil est le symbole de la Lumière et de la Vérité. Ce Mental spirituel supérieur essaie de s'éveiller en vous, mais au début c'est toujours difficile parce que la conscience n'a pas l'habitude de recevoir, de sorte que la sensation de pression s'intensifie parfois au point de devenir un mal de tête ou de donner cette impression que la tête est
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prête à se fendre. Ce n'est rien d'autre qu'une sensation suscitée dans le physique par le mental intérieur (cette partie de la tête est le siège;du mental intérieur) qui essaie de s'ouvrir au contact d'en haut.
Votre rêve n'indiquait pas une attirance pour les choses de ce monde; il n'était qu'une épreuve, comme le rêve que vous aviez eu auparavant. Votre absence de réaction pendant le rêve montre que vous n'avez aucune attirance pour ce genre de choses, contrairement à beaucoup d'autres personnes. Tout cela n'était qu'une formation ou une suggestion des forces extérieures sur le plan vital, pour voir quelle sorte de réaction - si réaction il y avait - aurait votre conscience.
L'action de la Force ne crée pas toujours une pression. Quand elle n'a pas besoin de presser, elle agit tranquillement.
Il n'est pas nécessaire de ressentir une pression. On sent la force quand quelque chose se fait, quand la force s'écoule ou si elle se manifeste dans le corps, mais pas quand ce qui se manifeste est la paix et le silence.
On peut être réceptif sans être conscient, sans savoir exactement ce qui est donné.
Le flot tranquille est nécessaire pour imprégner les parties inférieures. Les grandes descentes ouvrent la voie, consolident sans cesse l'acquis et finalement portent la force à son
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apogée, mais le flot tranquille est nécessaire aussi.
Certains sâdhak ont cette oscillation du corps lorsque la Paix ou la Force commence à descendre sur lui, car la réception en est facilitée. L'oscillation cesse, d'ordinaire, lorsque le corps s'est habitué à assimiler la descente.
La Paix vient pleinement à l'heure de la méditation parce que la concentration de la Mère à ce moment fait descendre le pouvoir de la conscience supérieure et on peut la recevoir, si l'on en a la capacité. Lorsqu'elle a commencé à venir, la paix accroît en général sa force en même temps que la réceptivité du sâdhak, jusqu'à ce qu'elle puisse venir à tout moment et en toutes circonstances, demeurer de plus en plus longtemps et finalement se stabiliser. Le sâdhak doit, de son côté, maintenir sa conscience aussi tranquille et silencieuse que possible pour la recevoir. La Paix, le Pouvoir, la Lumière, l'Ânanda de la conscience spirituelle supérieure sont là en tous, voilés au-dessus. Une certaine ouverture vers le haut est nécessaire pour que cette conscience supérieure descende; la tranquillité du mental et une certaine passivité vaste et concentrée à l'Influence qui descend sont les meilleures conditions pour cette descente.
Ce tremblement du corps se produit parfois quand la force descend. Il disparaîtra à mesure que le corps deviendra plus tranquille et plus capable d'assimiler; il faut lui en laisser le temps.
Si la pression est trop grande, le remède consiste à élargir la conscience. La paix et le silence doivent s'accompagner d'un élargissement suffisant pour que l'on puisse recevoir n'importe quelle quantité de Force sans aucune réaction, que ce
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soit la lourdeur, le besoin de rester en concentration ou la pêne que vous éprouvez dans les yeux.
La Force accumulée était sans doute trop grande par rapport à ce que l'être physique pouvait recevoir. Quand cela se produit, la chose à faire est de s'élargir (on peut y arriver, avec un peu de pratique). Si la conscience est dans un état vaste, elle peut recevoir n'importe quelle quantité de force sans en être incommodée.
Entre deux mouvements, il y a toujours des pauses de préparation et d'assimilation.
Rester tranquille pendant un moment après la descente de la Force est le meilleur moyen de l'assimiler.
Le silence et la paix peuvent être vides et trouver en eux-mêmes la satisfaction. La réceptivité est un pouvoir distinct. Évidemment la tranquillité du mental crée toujours de bonnes conditions pour que la réceptivité puisse agir.
En ce qui concerne votre sâdhanâ et celle des autres [...], je crois utile de formuler deux ou trois observations. En premier lieu j'ai l'impression que depuis quelque temps, une activité et une pression trop constantes se manifestent, en vue d'accélérer le progrès et de multiplier les expériences. Cette tendance est juste en elle-même, mais il faut y apporter
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certaines précautions. Tout d'abord il faut se ménager des périodes suffisamment longues de repos et de silence, et même de détente, où puisse s'effectuer une assimilation tranquille. L'assimilation est très importante et les périodes nécessaires à cette fin ne doivent pas être accueillies avec impatience, comme des interruptions du yoga. On doit avoir soin de fonder toute son activité sur le calme, la force tranquille et le silence intérieur. Il ne doit y avoir aucune tension excessive: toute fatigue, toute perturbation, toute sensibilité anormale des parties nerveuses et physiques - vous en mentionnez certains symptômes dans vos lettres - devrait être tranquillisée et éliminée, puisque souvent elle révèle une tension excessive, une activité ou une rapidité trop grande dans le yoga. Il faut aussi se souvenir que les expériences n'ont de valeur que dans la mesure où elles sont des indications et des ouvertures, et que l'essentiel est toujours l'ouverture et la transformation progressives, harmonieuses et de mieux en mieux organisées des différentes parties de la conscience et de l'être.
Une fatigue physique de ce genre au cours de la sâdhana ! peut avoir plusieurs raisons:
1. Elle peut venir de ce que le corps reçoit plus qu'il ne peut assimiler. Le remède est alors un repos tranquille dans une immobilité consciente qui reçoit les forces, mais sans autre but que de récupérer la solidité et l'énergie.
2. Elle peut venir de ce que la passivité s'est changée en inertie; l'inertie fait descendre la conscience au niveau physique ordinaire, qui est bientôt fatigué et enclin au tamas. Le remède ici est de retourner à la vraie conscience et de s'y reposer au lieu de se reposer dans l'inertie.
3. La fatigue peut être due à un simple surmenage du corps si on ne lui donne pas assez de sommeil ou de repos. Le corps est le support du yoga, mais son énergie n'est pas inépuisable et elle a besoin d'être ménagée; on peut l'entretenir
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en puisant dans la force vitale universelle, mais ce renfort a aussi ses limites. Une certaine modération est nécessaire, même dans l'ardeur du progrès; modération, et non indifférence ou indolence.19
Non, la conscience physique ordinaire n'est pas capable de maintenir le contact et se fatigue, en effet; elle ne peut pas non plus assimiler beaucoup à la fois. Mais ce n'est pas toujours le Divin qui retire la pression; la conscience inférieure la perd d'elle-même ou l'abandonne.
Oui, l'organisme doit prendre du repos pour assimiler et pour renouveler son pouvoir de réceptivité.
Pendant qu'on assimile, on ne reçoit pas.
Des périodes comme celles-ci sont tout à fait normales au cours de la journée. La conscience a besoin de temps pour se reposer et assimiler, elle ne peut pas être à tout moment au même degré d'intensité. Pendant l'assimilation, une calme tranquillité est l'état qui convient.
La passivité ne doit pas conduire à l'inaction; sinon elle favoriserait l'inertie de l'être. Seule une passivité intérieure a ce qui descend est nécessaire; la passivité inerte n'est pas celle qui convient.
l9. Les Bases du Yoga, chapitre 5. Traduction de la Mère.
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On peut aussi assimiler pendant le sommeil. Il n'est pas bon de rester éveillé ainsi, car le manque de sommeil finit par créer une tension nerveuse et l'organisme absorbe mal, avec exaltation, ce qu'il reçoit, ou alors la fatigue l'empêche de recevoir.
Il y a toujours un gain ou un progrès après ces périodes d'assimilation, si on les prend comme il faut, même si elles sont ennuyeuses ou gênantes.
Des vertiges, des faiblesses et des troubles de ce genre ne devraient pas se produire. Quand ils apparaissent, c'est que l'on fait descendre plus de Force que le corps ne peut en assimiler. Dans ces moments-là, il faut se reposer jusqu'à ce que ces troubles disparaissent et que le bon équilibre soit rétabli.
Je veux dire que vous n'avez pas besoin de tirer la Force f pour qu'elle descende: vous devez l'aider à entrer par votre g aspiration et votre assentiment complets.
Si l'on fait descendre plus de Force ou de Lumière qu'une certaine partie de l'être n'est prête à en assimiler, et que cette partie résiste, ou si ce qui descend entre en conflit avec des forces adverses dans le corps, ces phénomènes (sensation de brûlure dans le corps, etc.) peuvent se produire.
Un malaise de ce genre a toujours pour origine une résistance quelque part, quelque chose qui reste fermé, ne s'ouvre
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pas au contact de la Force. Il est dû sans doute moins à vous-même qu'à d'autres influences contradictoires qui agissent sur vous.
L'impression de résistance peut venir de l'effort déployé pour répondre à la descente. Quand le flot coule librement, il n'y a ni effort, ni résistance.
Les maux de tête "produits par une pression d'en haut", comme vous dites, ne sont pas dus à la pression ni produits par elle: ils sont produits par une résistance.
La pression ne "provoque" pas la résistance. "S'il n'y avait pas de résistance, il n'y aurait pas de mal de tête": c'est cela qu'il faut savoir et non l'inverse. Tant que vous penserez que c'est la pression qui produit la résistance, cette idée créera elle-même la résistance. Le cas de X n'est un exemple ni de mal de tête dû à une résistance, ni de mal de tête dû à une pression; il a pour origine des causes physiques et psychologiques normales.
Non, la Mère n'a pas pour méthode de rendre les gens malades pour les améliorer ou les perfectionner. Mais parfois des malaises - un mal de tête, par exemple - apparaissent parce que le cerveau a fait trop d'efforts, ne veut pas recevoir ou fait des difficultés. Les maux de tête yoguiques sont cependant d'un genre particulier et lorsque le cerveau a découvert la manière de recevoir ou de réagir, ils cessent complètement.
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La première condition du progrès dans la sâdhanâ est de ne pas avoir peur, d'avoir confiance et de garder son calme pendant une expérience. Ce qui s'est passé, c'est simplement que la Force est descendue et a essayé de calmer le mental et de faire tenir le corps tranquille pour pouvoir agir. Si vous n'aviez pas eu peur, c'est ce qui serait arrivé. Mais votre frayeur a engendré la résistance du mental et du corps, et aussi leur impression de subir une torture ou de courir un danger. La sensation que le corps se raidit et qu'une grande force se pose sur lui comme une main est très fréquente dans ce genre d'expérience et ne terrifie pas le sâdhak, mais lui apporte un grand sentiment de joie et de libération. À l'avenir, vous devrez essayer d'être calme, sans redouter ni imaginer aucun danger. Il est tout naturel que la Force se soit retirée au moment où vous avez pensé ne plus pouvoir la supporter, puisque vous n'étiez pas prêt à la recevoir.
Les périodes d'assimilation se poursuivent, en réalité, jusqu'à ce que tout ce qui doit être fait soit fondamentalement accompli. Seulement dans les stades ultimes de la sâdhanâ, elles sont différentes. Si elles cessent complètement à un stade initial (et vous en êtes encore tout au début), c'est que tout ce dont la nature était capable a été fait, et cela signifierait qu'elle n'était pas capable de grand-chose.
Ce que j'ai écrit est parfaitement clair. Les périodes d'assimilation se poursuivent jusqu'à ce que tout ce qui doit être fait soit fondamentalement accompli. Si elles cessent rapidement, cela veut dire que tout ce qui pouvait être fait a été accompli et que rien de plus n'est possible, que les développements ultérieurs et plus avancés de la sâdhanâ ne sont pas possibles: s'ils l'étaient, les périodes d'assimilation, au lieu de cesser, auraient continué jusqu'à ce que tout ait été
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élaboré. La seule raison d'un arrêt si prématuré de la sâdhanâ serait que le sâdhak n'est pas capable d'aller plus loin.
Le seul changement qui apparaît plus tard, dans les périodes d'assimilation, est que certaines choses restent stables tandis que l'assimilation s'applique à d'autres qui ne sont pas encore stabilisées dans l'organisme; par exemple, on perçoit sans arrêt une paix constante dans l'être intérieur, mais les perturbations continuent à la surface, jusqu'à ce que la surface, elle aussi, ait assimilé la paix. Ou la paix a pu s'établir partout et en permanence, mais la connaissance va et vient, ou la force va et vient. Ou elles sont toutes là, mais l'Ânanda va et vient, etc., etc.
Une fois que la paix est devenu stable, aucune assimilation n'est plus nécessaire à cet effet, puisque cela signifie que l'être tout entier est suffisamment prêt à recevoir et à absorber de façon continue. Des périodes d'assimilation peuvent être nécessaires pour d'autres choses, mais l'état intérieur n'en sera pas interrompu pour autant. Par exemple si la Force, l'Ânanda ou la Connaissance d'en haut commence à descendre, des interruptions peuvent se produire et se produiraient sans doute, puisque l'organisme n'est pas capable d'absorber en flot continu, mais la paix demeurerait dans l'être intérieur. Ou même des semblants de luttes pourraient se dérouler à la surface, durant certaines périodes, mais l'être intérieur demeurerait calme et tranquille, observerait sans être perturbé et si, au-dedans, la connaissance était établie, comprendrait l'action. Seulement pour cela l'être tout entier, vital, physique et matériel, doit s'être ouvert à la paix et être devenu capable de la recevoir. La Paix demeurerait alors, peut-être en s'approfondissant et
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en s'élargissant peu à peu, mais les périodes d'interruption et d'assimilation ne seraient pas nécessaires.
Oui. Cette impression d'être capable de briser une pierre à main nue, ou même de briser le monde sans aucun outil si ce n'est la force elle-même, est de celles qui viennent en particulier quand le mental et le vital n'ont pas assimilé le Pouvoir. Ils ont l'impression d'une chose extraordinaire, d'une omnipotence; l'idée de briser ou d'écraser naît sous l'influence du radjas dans le vital. Ensuite, quand on l'assimile calmement, cette sensation disparaît et seule demeure la sensation d'une calme vigueur et d'une fermeté inébranlable.
Oui, quand les descentes commencent, elles doivent trouver une base solide. C'est pourquoi il est nécessaire que la paix descende la première et devienne aussi forte et aussi solide que possible. Mais en tout cas, la première nécessité est d'être capable de contenir ce que l'on reçoit; ensuite les choses pourront venir et s'établir de plus en plus. La paix et la force une fois établies, on peut supporter l'Ânanda, la Connaissance, etc. en quantité illimitée.
La Paix, la Pureté et le Calme du Moi doivent se stabiliser, sinon les forces éveillées par la Descente active peuvent se trouver influencées par des Pouvoirs inférieurs et une confusion se crée. C'est arrivé à de nombreux sâdhak.
Il ne s'agit pas d'une action ou d'un sentiment en particulier,
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mais d'une sorte de vibration exaltée que la conscience vitale pt physique oppose à la perturbation vitale: c'est ce qui ressort clairement du ton et du style de ce que vous écrivez sous la pression de cette influence vitale; mais lorsque vous aviez les expériences, vous réagissiez aussi par une vibration exaltée et un bouillonnement de joie qui se dégradaient aisément en un mouvement radjasique ou étaient remplacés par une excitation contraire faite de souffrance et de bouleversement. Tranquillité, tranquillité, de plus en plus de tranquillité, une force calme, une joie calme, telle est la base qu'il faut à la siddhi dans le mental, les nerfs et le corps, précisément parce que la Force, la Lumière, l'Ânanda qui descendent sont d'une extrême intensité: une grande immobilité est nécessaire dans le corps pour pouvoir les endurer et les porter.
En imposant la paix de l'être supérieur aux parties inférieures jusqu'au physique, on devient capable: (1) de créer une séparation qui empêcherait l'être intérieur d'être affecté par la perturbation et la résistance superficielles; (2) de faciliter la descente de la Force et d'autres pouvoirs de l'être supérieur.
Quand on est arrivé au point où la paix d'en haut peut descendre, un progrès considérable a été accompli.
C'est bien; la force est ce qui doit descendre juste après la Paix et s'unir à elle. Le moment venu, toutes deux ne font qu'une.
Le premier aspect de l'Un qui s'établisse est fait de paix et
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de mouvement sur une base de paix. La béatitude et la lumière ne se stabilisent ni si aisément, ni si tôt; elles doivent grandir peu à peu.
Dans ce que l'on peut appeler le premier silence, c'est ainsi: rien que le silence, sans émotion, sans aucune autre activité intérieure. Quand il s'approfondit, on peut sentir le Nirvana des bouddhistes ou l'Âtmabodha des Védântin. La force et la félicité peuvent descendre dans le silence, ensemble ou séparément, et l'emplir d'un calme Tapas ou d'un Ânanda silencieux.
Il y a deux états: l'un est fait d'Ânanda, l'autre d'un grand calme et d'une grande égalité où il n'y a ni joie ni peine. Si l'on atteint le second, un Ânanda plus grand et plus permanent devient possible par la suite.
L'Ânanda vient plus tard; même s'il vient au début, en général il n'est pas constant. L'immensité ne vient pas parce que la conscience n'est pas encore libérée du corps. Lorsque ce que vous sentez au-dessus de la tête descendra, la conscience se libérera sans doute dans l'immensité.
Oui vous a dit que chaque fois que régnerait le silence, ou un silence authentique, la connaissance descendrait? Le silence est un réceptacle approprié pour tout ce qui vient d'en haut, mais il ne s'ensuit pas que chaque fois qu'il y a silence, tout doive descendre automatiquement.
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Il n'y a pas de règle, mais dans le déroulement le plus normal une certaine Paix, une certaine Force, une certaine Lumière qui se trouvent au-dessus du mental descendent et leur activité a pour effet d'ouvrir la conscience cosmique et, en elle, les niveaux de plus en plus élevés situés au-dessus du mental. Beaucoup de gens s'ouvrent d'abord à la conscience cosmique, mais cette conscience, si elle n'est pas établie sur la base de la Paix et de la Lumière d'en haut, n'apporte qu'une masse d'expériences inorganisées.
Quand vient la Paix, on a plus facilement l'expérience du Moi pur et libre.
C'était sans doute la descente du silence supérieur, le silence du Moi ou de l'Âtman. Dans ce silence, on a des perceptions, mais le mental n'est pas actif: on sent les choses, mais on n'y réagit par aucune relation, aucune vibration. Le Moi silencieux est là, comme une réalité séparée; il n'est ni lié ni concerné par l'activité de la Nature; il est lointain, détaché, existant en soi. Même si des pensées traversent ce silence, elles ne le troublent pas; le Moi est séparé aussi du mental pensant. À ce propos, le sentiment "Je pense" est une survivance de l'ancienne conscience; dans le silence complet, ce que l'on sent, c'est: "La pensée se produit en moi"; on cesse de s'identifier aux pensées comme à la perception des objets.
Votre expérience est celle du vrai Moi, inaccessible au chagrin et à la joie, au désir, à l'anxiété ou au trouble; vaste, calme, plein de paix, il observe les agitations de l'être extérieur comme on regarderait jouer des enfants. C'est en
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réalité l'élément divin en vous. Plus vous pouvez demeurer dans cet état, plus ferme sera la fondation de la sâdhanâ. Dans ce Moi viendront toutes les expériences supérieures: unité avec le Divin, lumière, connaissance, force, assimilation, le jeu des forces supérieures de la Mère. Cet état ne se stabilise pas dès le début, bien que pour certains ce soit le cas; mais l'expérience devient de plus en plus fréquente et durable, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus dissimulée par la nature ordinaire.
Il n'y a pas de distinction entre le Moi et l'esprit. Le psychique est l'âme qui se développe au cours de l'évolution; l'esprit est le Moi qui n'est pas affecté par l'évolution, qui est au-dessus d'elle; seulement il est recouvert ou caché par l'activité du mental, du vital et du corps. Lorsque ce voile est retiré, l'esprit se libère; et il est retiré quand règne un silence spirituel complet et vaste.
Lorsqu'on devient conscient du Moi calme, silencieux, vaste, universel, il n'est plus dissimulé par l'ignorance; lorsqu'on s'identifie au Moi et non au mental, à la vie, au corps et à leurs mouvements ou à leur petit ego, c'est la libération du Moi.
Votre expérience actuelle est celle de l'Âtman, du Moi cosmique qui soutient la conscience cosmique; il n'est pas encore clair, mais c'en est une première impression. En redescendant de cet état, la conscience en rapporte quelque chose dans la conscience vitale et physique; le résultat en est que ces parties de l'être, ou au moins le vital, s'ouvrent et entrent en contact avec ce qui a été apporté d'en haut. Le
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tâmasikatâ inerte ou le malaise dans les jambes vient parce que le physique n'est pas capable de recevoir ou d'assimiler. Cela disparaîtra quand cette partie de l'être s'ouvrira pour recevoir et sera capable d'assimiler.
Autrefois, la Force descendait de temps en temps pour établir un lien; ici la descente prend une autre forme, dans l'intention d'établir les expériences fondamentales de la Réalisation.
C'est le silence et la paix du Moi qui essaient de descendre en vous; quand ils sont tout à fait établis, on ne perçoit pas l'ego qui est noyé dans l'immensité du silence et de la paix du Moi. Mais au début, on n'obtient cette réalisation que dans l'état statique du Moi; dans les mouvements dynamiques, l'ego peut encore être présent en raison des habitudes passées, mais chaque fois qu'on abandonne le mouvement de l'ego, le sentiment de perdre l'ego devient plus profond et plus complet. Vous avez peut-être ressenti une impression de ce qui essaie de venir.
Le sens de l'individualité peut en effet disparaître complètement lorsque tout est paix et immensité. On sent qu'on est soi-même cette paix et cette immensité, mais pas dans un sens individuel, car on est aussi l'"Âtman" de tous les autres. Ensuite on peut avoir l'expérience d'un autre genre de "je", mais c'est un "je" universalisé qui contient tous les autres, qui est en union avec eux et qui est lui-même contenu dans le Divin. C'est ce que les yogis appellent parfois l'Aham "vaste", par opposition au petit Aham. Dans mes écrits je l'ai appelé la vraie Personne.
Si ce sont vraiment des fonctionnements de la conscience
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supérieure, ou s'ils prédominent, l'ego s'efface; mais souvent il y a aussi une vaste ouverture à l'existence mentale vitale et physique universelle, et si le sâdhak réagit davantage à cela qu'à la conscience supérieure, il n'est pas libéré. Il arrive même parfois que l'ego s'agrandisse. Mais si le psychique est éveillé, il n'y a aucun danger; on trouve son être vrai à la place de l'ego.
La paix, en descendant, peut arrêter l'action inférieure, si elle s'installe dans tout l'être. Mais elle ne suffit pas si l'on veut aussi développer l'aspect dynamique de l'être selon les voies du yoga.
C'est-à-dire que le pouvoir continue à agir sur la conscience physique (mental mécanique et subconscient) pour y apporter l'immobilité. Tantôt l'immobilité vient, mais elle n'est pas complète; tantôt le mental mécanique recommence à s'affirmer. Cette alternance se traduit en général par un mouvement de ce genre. Même s'il y a une descente ou un choc transformateurs soudains et rapides, une élaboration ultérieure de ce genre est nécessaire; du moins telle a toujours été mon expérience. Chez la plupart des sâdhak, cependant, ce lent processus de préparation vient d'abord.
Si une forte activité se déploie dans les parties supérieures de la conscience, le mental mécanique a beaucoup moins de possibilité d'agir. Il peut se manifester dans les moments de détente ou de fatigue, mais en général son activité n'est que secondaire et n'attire pas l'attention.
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Ce bloc de paix solide et frais exerçant une pression sur le corps e1 l'immobilisant correspond sans nul doute - votre description en apporte la preuve - à ce que nous appelons, dans notre yoga, la descente de la conscience supérieure. Une substance profonde, intense ou massive, faite de paix et d'immobilité, est très souvent le premier pouvoir de la conscience supérieure qui descende et beaucoup le ressentent ainsi. Tout d'abord il ne vient et ne dure que pendant la méditation ou, sans s'accompagner d'une sensation d'inertie physique ou d'immobilité, persiste un peu plus longtemps, puis se perd; mais si la sâdhanâ suit son cours normal, il vient de plus en plus souvent, dure de plus en plus longtemps, et finit par devenir, sous la forme d'une paix, d'une immobilité intérieure et d'une libération profondes et durables, une caractéristique normale de la conscience, la base même d'une conscience nouvelle, calme et libérée.
Votre idée du psychique est certainement une construction mentale qu'il faut écarter. Le psychique a en effet la qualité de paix, mais ce n'est pas sa caractéristique principale, comme c'est le cas pour le Moi ou Âtman. Le psychique est l'élément divin dans l'être individuel et son pouvoir caractéristique est de tout orienter vers le Divin, d'apporter un feu de purification, d'aspiration, de dévotion, une véritable lumière de discernement, un sentiment, une volonté, une action qui transforment peu à peu toute la nature. La tranquillité, la paix et le silence dans le cœur, et par conséquent dans la partie vitale de l'être, sont nécessaires pour atteindre le psychique et plonger en lui, car les perturbations de la nature vitale, le désir, l'émotion tournée vers l'ego ou vers le monde forment la partie principale de l'écran qui cache l'âme à la nature. Mieux vaut par conséquent être dépourvu de constructions mentales lorsqu'on fait le plongeon, et n'avoir que le sentiment d'aspiration, de dévotion, de don de soi au Divin.
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C'est le silence et le calme de la conscience supérieure qui pèsent en descendant dans le corps. Quand ils descendent complètement, on a tout d'abord la sensation d'être "immobile comme une statue". Ensuite le calme ou silence devient facile et normal.
Je présume que cela [sentir la paix très concrètement dans les lobes du cerveau] voudrait dire que la paix est devenue ou était en train de devenir très matérielle, très solide, physiquement très tangible: c'est la "paix dans les cellules". Tout est "substance" - même la paix, la conscience, l'Ananda - mais il y a différents ordres de substance.
Oui, la paix peut certes pénétrer aussi dans la conscience extérieure; c'est bien ce qui doit arriver. Le corps est tout à fait capable de supporter la paix et l'immobilité. Il lui est plus difficile de supporter la pleine action de la Force, mais si la paix s'est d'abord établie en lui, alors il n'y a aucune difficulté de ce genre.
On peut faire descendre la paix dans le physique, jusque dans les cellules mêmes. C'est la transformation active du physique qui ne peut se faire complètement sans la descente supramentale.
Lorsque le corps s'est accoutumé à la paix, la paix elle-même peut devenir dynamique.
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Une sensation de fraîcheur est en général le signe d'un contact ou d'une descente de paix. Le vital humain a l'impression qu'elle est très froide parce qu'il est toujours dans une agitation fiévreuse..20
La fraîcheur est une expérience très fréquente, mais l'odeur fraîche est inhabituelle. Parfois les gens sentent un parfum, mais sans cette relation étroite. Peut-être n'observent-ils pas assez attentivement.
Si la fraîcheur s'est transformée en apathie, elle n'était peut-être que physique. Mais un flot pénétrait peut-être, seulement la Nature physique a ensuite réagi par l'inertie inférieure qui est sa réponse caractéristique à la paix et à la tranquillité. Lorsque l'inertie apparaît, les vieux mouvements que le subconscient tient toujours prêts peuvent apparaître automatiquement en même temps qu'elle. Dans un certain sens, cette inertie est la réplique obscure de la paix comme la paix est la réplique lumineuse de l'inertie, tamas, shama: la Nature supérieure trouve le repos dans la paix, la Nature inférieure y cherche un relâchement de l'énergie et un retour au subconscient, au tamas.
Le silence n'engendre pas forcément la lassitude: il contient toute la force possible. Mais il se peut que dans votre tendance au silence se trouve une disposition à faire refluer l'énergie de la conscience corporelle. C'est ce qui produirait l'inertie physique.
20. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
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Exactement. "Le corps s'est senti fatigué." C'est ce que je voulais dire par habitude de tamas. Le corps ne peut pas supporter une expérience prolongée, il la ressent comme1 une tension. C'est le cas chez la plupart des sâdhak. Mais chez vous, l'obstacle, lorsqu'il surgit, semble acquérir une grande intensité. Je vous ai déjà indiqué le moyen de vous en débarrasser, mais cela ne peut se faire en un jour parce que c'est une habitude ancrée dans la nature, et pour éliminer les habitudes ancrées il faut du temps. Mais on peut le faire en un temps relativement court, pourvu que l'on ne soit pas bouleversé quand l'obstacle apparaît et que l'on s'y oppose avec fermeté et constance.
Quand la volonté mentale consent à l'inertie - devient passive devant elle, comme nous disons - on reste dans cet état passif, on n'est pas poussé à réagir contre lui, tant qu'il ne s'efface pas de lui-même. Si la volonté mentale ou même la volonté vitale, ou encore une certaine partie dynamique de la nature n'a pas été atteinte et peut réagir, l'effort qui se produit pour le rejeter peut abréger la période intermédiaire.
Il n'y a pas de lien entre la descente de la Paix et l'abattement. Il peut y avoir de l'inertie, si l'être physique se sent poussé à la tranquillité, mais la transforme en une simple inaction: mais cela ne peut pas exactement s'appeler une descente, du moins pas une descente complète, puisqu'elle ne touche pas le physique.
On entend souvent des plaintes de ce genre [affaiblissement de la mémoire] au cours de la sâdhanâ. Je suppose que l'activité habituelle de la mémoire est interrompue pendant
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un certain temps par le silence mental, ou bien par le tamas physique.
La transformation de la conscience peut entraîner un fonctionnement plus conscient et plus parfait de la mémoire, qui remplace l'ancien mécanisme.
Une fois que l'être intérieur a établi cette séparation complète, même des océans d'inertie ne peuvent l'empêcher de la garder. C'est la première chose à faire pour avoir une base sûre dans le yoga: établir complètement cette séparation. Le plus souvent elle apparaît lorsque la paix est complètement installée dans les parties intérieures; alors la séparation, elle aussi, se stabilise et devient permanente.
Si l'être intérieur est en sécurité, il n'y a plus aucune lutte, on n'est plus accablé par l'inertie, la dépression ni aucune des autres difficultés fondamentales. Le reste peut se faire peu à peu et tranquillement, y compris la descente de la Force. L'être extérieur devient simplement un mécanisme ou un instrument qu'il faut mettre au point. Être entièrement moukta dans l'être intérieur n'est pas si facile.
Le tamas doit être transformé en shama, paix et repos de la Prakriti supérieure, et ensuite rempli de tapas et de jyôti. Mais cela ne pourra se faire complètement dans le physique e lorsque le physique aura été définitivement transformé Par le Pouvoir supramental.
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On ne peut pas expulser le radjas et le tamas, on ne peut que les convertir et donner la prédominance au sattwa. Tamas et radjas ne disparaissent que lorsque la conscience supérieure non seulement descend, mais maîtrise tout jusqu'aux cellules du corps. Alors ils se transforment en un repos divin, en une paix divine et en l'énergie divine ou Tapas; enfin sattwa se transforme aussi en Lumière divine. Quant à rester tranquille lorsque règne le tamas, la tranquillité peut aussi être tamasique.
Les trois gouna sont purifiés, affinés et transformés en leurs équivalents divins: sattwa devient jyôti, la lumière spirituelle vraie; radjas devient tapas, la force divine tranquillement intense; tamas devient shama, la quiétude, la paix, le repos divins.21
Ce que vous dites est exact. Tout ce qui est indésirable est une mauvaise interprétation, dans l'Ignorance, de quelque chose qui, sur un plan supérieur, est ou pourrait être souhaitable. L'inertie ou tamas est une interprétation fausse du shama, du repos, de la tranquillité, de la paix divins; la douleur est une interprétation fausse de l'Ânanda; le désir est une interprétation fausse de l'amour, etc. C'est seulement lorsqu'on s'est débarrassé de ces perversions inférieures que les choses supérieures peuvent régner dans leur vérité.
Chaque défaut de la nature de l'Ignorance est une déformation de quelque chose dans la nature supérieure, déformation qui équivaut même à une perversion. C'est une perception
21. Lumières sur le Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère.
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symbolique de cette vérité que vous avez eue dans votre expérience.
Je ne crois pas, moi non plus, que ce soit correct. Selon cette hypothèse, lorsque les trois qualités [sattwa, radjas et tamas] ne sont pas équilibrées, lorsqu'il y a une diversité et un mouvement varié, la création est active; sinon tout devient la Prakriti originelle en repos. On peut douter qu'il en soit réellement ainsi.
Les expériences que vous relatez dénotent un grand progrès: vous passez de la perception de la Force ascendante à celle de la Shakti descendante. Car les spirales de Lumière que vous avez vues, et dont vous avez senti les effets - immersion dans le silence et la paix, paix de l'Âtman ou de la conscience du Brahman - sont en général un premier résultat, une représentation visuelle de la descente dynamique de la Force divine; de même vous êtes passé de la réalisation du Brahman statique, associée au sentiment de l'irréalité de l'existence du monde, à la réalisation de l'état du Brahman dynamique. C'est un pas considérable dans le yoga intégral.
La conscience du Brahman est parfois décrite comme une conscience statique, mais elle a deux aspects, l'un statique, l'autre dynamique, et c'est quand ils sont tous deux réunis qu'elle devient intégrale. C'est la conscience plus grande dont j'ai parlé dans la phrase que vous citez: plus grande que celle qui perçoit seulement le silence et l'immobilité du Brahman, ou que celle qui perçoit seulement l'existence et l'action cosmiques.
Par Force j'entends non pas l'énergie mentale ou vitale,
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mais la Force divine d'en haut: tout comme la paix et l'élargissement, cette Force (Shakti) vient d'en haut. Rien, pas même la pensée ou la méditation, ne peut se faire sans une certaine action de la Force. La Force dont je parle est une Force qui œuvre à l'illumination, à la transformation, à la purification, à tout ce qui doit se faire dans le yoga, à l'élimination des forces hostiles et des mouvements erronés; évidemment elle œuvre aussi pour le travail extérieur, qu'il soit en apparence grand ou petit, s'il fait partie de la Volonté divine. Je n'entends pas par là une force personnelle égoïste ou radjasique.
Le Pouvoir, c'est la vigueur et la force, Shakti, qui donne la capacité de faire face à tout événement, de tenir bon et de triompher, et aussi d'accomplir le dessein de la Volonté divine. Il peut inclure beaucoup de choses: pouvoir sur les hommes, les événements, les circonstances, les moyens, etc. Tout cela n'appartient cependant pas au mental ou au vital, mais agit par l'unité de la conscience avec le Divin, avec toutes les choses et tous les êtres. Ce n'est pas une force individuelle qui dépendrait de certaines capacités personnelles, c'est le Pouvoir divin utilisant l'individu comme instrument. Il n'a pas de rapport particulier avec les siddhi occultes.
Que veut dire "sa propre force"? Toute force est cosmique et l'individu n'est qu'un instrument; une certaine quantité de force peut être accumulée en lui, elle n'est pas sienne pour autant.
L'expérience peut s'obtenir de différentes manières. D'abord il y a la foi, ou parfois une réalisation mentale, et cela suffit pour que l'on s'ouvre à la force de la Mère, de sorte qu'elle est toujours à portée en cas de besoin ou lorsqu'on l'appelle. Même si l'on ne sent pas venir la Force, les résultats sont pourtant là, et visibles. La deuxième possibilité
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est de sentir que l'on est comme un instrument et d'être conscient de l'Énergie qui l'utilise. Dans la troisième, on est en contact avec le Pouvoir d'en haut et sa descente (spontanée ou provoquée par un appel) dans le corps; c'est le moyen le plus concret d'obtenir cette expérience, car on sent physiquement la Force œuvrer en soi. Enfin il y a un état où l'on est conscient d'être en contact intérieur étroit avec la Mère et qui apporte un résultat similaire.
La Force est la Shakti essentielle; l'Énergie est l'élan agissant de la Force, son dynamisme actif; le Pouvoir est la capacité née de la Force; la Vigueur est l'énergie consolidée et emmagasinée dans l'Âdhâr.
Parler d'une Force passive n'a pas de sens: la Force est toujours dynamique. Seulement une Force peut agir sur une base de calme passivité, tout comme dans le monde matériel la Force agit sur la base de l'inertie.
Il y a, derrière chaque action, une force qui agit d'une manière appropriée à cette action. Elle revêt toutes ces formes multiples pour la nécessité de l'action, mais c'est une Force unique.
Jamais je n'ai classé les différentes formes de la Force: elles sont peut-être des centaines ou des milliers. La Force utilise celle ou telle de ses formes selon le travail qu'elle doit accomplir.
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La connaissance vient d'en haut, comme la lumière, la paix et tout le reste.
À mesure que la conscience progresse, la connaissance vient d'un niveau de plus en plus élevé. D'abord c'est le mental supérieur illuminé qui prédomine, puis c'est le mental intuitif, ensuite le surmental et enfin le supramental; mais la conscience tout entière doit être déjà suffisamment transformée pour que la Connaissance supramentale puisse commencer à venir.
La Lumière a ses forces particulières qui agissent en fonction des besoins, mais on peut aussi vivre dans la Lumière, tout comme on peut vivre dans la Paix ou dans l'Ânanda.
La Paix et l'Ânanda peuvent se déverser dans tout l'organisme et finir par se stabiliser, de sorte qu'ils sont dans le corps et que le corps et tout l'être sont en eux: on pourrait presque dire qu'ils sont cela, qu'ils sont la Paix et l'Ânanda; il peut en être de même de la Lumière. Elle peut se déverser dans le corps, rendre chaque cellule lumineuse, se stabiliser et entourer l'être de tous côtés en une masse brillante de Lumière.
Ce ne sont pas des boules ou des éclairs de lumière; c'est un flot ou une mer de Lumière qui pénètre dans le corps, l'entoure et illumine tout le champ de la conscience. On peut aussi avoir un vif sentiment de Lumière et d'illumination, sans la vision. En général, on peut voir ou sentir comme une Lumière d'un blanc intense ou diamantin, ou dorée, ou comme quelque chose qui ressemble à la lumière du soleil; ou encore, pour beaucoup de gens, c'est une lumière bleue ou blanc bleuté.
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La lumière ou les rayons lumineux appartiennent toujours à la conscience supérieure qui agit dans l'être pour l'illuminer ou 1e purifier, ou encore pour éveiller la conscience ou la mettre au diapason de la Vérité.
Cela dépend de la couleur de la Lumière. En tout cas, c'est la Lumière d'une Force d'en haut. Toutes les lumières sont des signes d'une Force ou d'un Pouvoir. Les Lumières et les Forces qu'elles représentent ont pour tâche d'agir, par leur descente, sur la nature inférieure, et de la transformer.
Il n'est ni nécessaire, ni possible de la définir. La Lumière est la lumière, semblable à la lumière que vous voyez, sauf qu'elle est subtile; elle clarifie la conscience; elle agit comme une force et rend possible la connaissance.
Elle [la Lumière divine] n'a pas de fonction: elle est simplement la Lumière de la Conscience divine. Si vous voulez parler de son effet, elle est censée vous illuminer, faire disparaître l'ombre et l'obscurité, rendre la nature apte à la vraie conscience, à la Connaissance, etc.
La Lumière est le pouvoir qui éclaire toute chose sur laquelle il se projette; son effet peut être une vision, un souvenir, une connaissance, une volonté juste, une impulsion juste, etc.
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(1) Le couvercle du crâne qui se soulève signifie que l'être mental s'est ouvert à la Lumière divine, et les flammes indiquent une aspiration pleine de Lumière qui s'élève pour relier la partie mentale à ce qui est au-dessus du Mental.
(2) La Lumière divine qui vient d'en haut a des couleurs variées. Blanche, c'est le Pouvoir divin de pureté; bleue c'est la lumière de la conscience spirituelle; l'or est la couleur de la connaissance supramentale ou d'une connaissance émanant des plans intermédiaires.
(3) Un signe OM (doré) s'élevant vers le ciel signifie que la conscience cosmique supramentalisée s'élève vers la Conscience transcendante.
(1) et (2) indiquent soit quelque chose qui est en train de se produire, soit une possibilité qui essaie de se matérialiser; (3) symbolise la marche que suivra le yoga si cette possibilité se réalise et se poursuit jusqu'à son but naturel.22
Ce feu est le feu divin de l'aspiration et de la tapasyâ intérieure. Quand le feu descend d'une façon répétée, avec une force et une densité croissantes, dans l'obscurité de l'ignorance humaine, il semble tout d'abord être absorbé et englouti par cette obscurité, mais plus la descente se répète, plus l'obscurité se change en lumière, plus l'ignorance et l'inconscience du mental humain se changent en une conscience spirituelle.23
C'est bien. Le Pouvoir au-dessus de la tête est évidemment celui de la Mère; c'est le pouvoir de la Conscience supérieure qui prépare le chemin de sa descente. Cette Conscience supérieure, qui s'accompagne d'un sentiment d'existence vaste et sans limite, de lumière, de pouvoir, de paix,
22. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
23. Les Bases du Yoga, chapitre 2. Traduction de la Mère.
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d'Ânanda, etc., est toujours là, au-dessus de la tête, et quand quelque chose de la Force spirituelle descend pour agir sur la nature, c'est de là que cela vient. Mais rien de comparable à la descente complète de la paix, de la béatitude, etc. ne peut venir tant que l'être n'est pas prêt. Très souvent, la première préparation consiste en une action sur le mental, le vital et la nature physique afin que l'âme, l'être psychique, ait une chance de se manifester et d'influencer le reste de la nature; pour cela, toutes les obscurités majeures du mental et du vital doivent être combattues et rejetées, et le physique doit, lui aussi, subir une préparation matérielle pour que la descente soit possible. C'est ce qui s'opérait en vous depuis si longtemps. Ce mouvement préliminaire doit encore se renforcer et devenir plus complet, mais ce qui a été accompli suffit à préparer la descente de la conscience supérieure. Deux choses se produisent: une ascension de votre propre conscience aux niveaux supérieurs dans la tête et au-dessus d'elle, et une descente de la conscience supérieure, située au-dessus de la tête, dans votre mental, votre vital et votre corps. La manière, les étapes, la durée varient selon la personne. Mais cette conscience nouvelle est très différente de la conscience ordinaire et bien des choses se passent lorsqu'elle vient, qui n'arriveraient pas au mental et pourraient lui paraître étranges, par exemple la dissolution de l'ego et l'ouverture à un moi plus vaste ou esprit non limité par le corps, pour lequel le corps n'est qu'un petit instrument et rien de plus. Il faut par conséquent écarter toute peur de ces phénomènes nouveaux et accepter avec calme et confiance chaque domaine d'expérience nouvelle, en se reposant sur la Force divine de la Mère pour qu'elle vous guide, vous soutienne et vous protège tout au long de la transformation.
un mot au sujet de votre sâdhanâ. Il me semble que la clé de votre développement futur est contenue dans l'expérience à
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laquelle vous dites avoir accédé souvent pendant quelques jours à K. "Un état qui était plein de connaissance, de calme sérénité, de force et de vaste conscience; tous les problèmes se résolvaient automatiquement, un flot continu de pouvoir pénétrait dans le corps par le centre du front; une extrême puissance, un samatâ imperturbable, une calme conviction, une vision aiguë et la connaissance." C'était la conscience du vrai Pourousha en vous, conscient de son être supramental, et c'est cela qui doit devenir votre conscience normale et la base du développement supramental. Afin qu'il puisse en être ainsi, il faut rendre le mental calme et fort, purifier l'être émotif et vital et ouvrir la conscience physique de sorte que le corps puisse contenir et garder la conscience et le pouvoir. Je note qu'à l'époque où vous aviez cette expérience, le corps l'exprimait lui aussi. C'est un signe que cette possibilité est déjà là, dans votre être physique. Le calme et la force descendront; ce que vous devez faire, c'est vous ouvrir pour les recevoir et en même temps rejeter tous les mouvements de la nature inférieure qui les empêchent de persister et qui sont régis par des désirs et des habitudes incompatibles avec l'être vrai, le vrai pouvoir et la vraie connaissance. Évidemment le pouvoir supérieur vous révélera tous les obstacles et les éliminera de votre nature, mais à la condition que non seulement votre mental, mais aussi votre être vital et physique s'ouvre et se soumette à lui et refuse de se soumettre à d'autres pouvoirs et à d'autres forces. Comme vous en avez vous-même eu l'expérience à ce moment-là, cette conscience plus grande amènera d'elle-même le développement de la volonté et de la connaissance supérieures. Les expériences psychiques appropriées sont évidemment d'un grand secours, mais dans votre cas il est possible que le plein épanouissement du psychique ne se produise que dans la mesure où cette conscience, accompagnée du calme de la connaissance, de la volonté et de la samatâ, aura pris possession des différentes parties de l'être.
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Tout ce que vous notez dans votre lettre est très encourageant; cela montre que la force est à l'œuvre en vous, et de la bonne manière. Deux choses sont nécessaires: il faut que votre mental et votre vital soient complètement reliés à votre être psychique, et que la conscience s'ouvre à celle de la Mère qui est au-dessus. Toutes deux commencent à apparaître. La voix qui vous a parlé était celle de votre âme, de votre être psychique; l'impulsion à vous intérioriser profondément était le mouvement de plongée dans les profondeurs du psychique. La conscience qui a repoussé et rejeté la colère et les anciens mouvements était aussi celle du psychique.
La pression que vous avez sentie sur la tête apparaît toujours lorsque par une pression d'en haut, la Conscience supérieure, la conscience de la Mère, cherche à entrer; la fraîcheur et tout ce que vous avez senti apparaîtront souvent aussi à ce moment-là. Le premier effet en a été le détachement des liens personnels, la liberté, la légèreté, l'ouverture du cœur, l'absence de crainte, et aussi le sentiment de la présence de la Mère. Ces phénomènes sont des signes de la vraie conscience et font partie de la nature spirituelle. Ils viennent d'abord sous la forme d'expériences, puis deviennent plus fréquents, durent plus longtemps et s'installent dans la nature.
Vos expériences semblent solides. La première est celle de la conscience supérieure (yoguique ou spirituelle) qui descend dans le corps, venant d'au-dessus de la tête. On la sent souvent comme un courant qui s'écoule à travers la tête et pénètre dans tout le corps, et la première chose qu'elle apporte est une descente de paix. L'un des résultats de cette descente est que l'on sent en soi un être intérieur qui est détaché de l'action extérieure, la soutient à l'arrière-plan, "lais n'y est pas mêlé; c'est votre deuxième expérience. La troisième, qui concerne le sommeil, vient aussi lorsqu'on
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a confiance en la Mère et que l'on s'endort sous sa protection, sur ses genoux en quelque sorte, environné de sa présence. Quant au rêve, les jambes symbolisent la conscience physique encore soumise à une double attirance, l'une vers le haut, vers la conscience supérieure, pour que la conscience physique s'unisse à la conscience spirituelle, l'autre vers le bas, vers la conscience inférieure. Le regard dirigé vers moi indique que l'être choisit le mouvement vers le haut.
L'immensité est celle de la conscience supérieure, car l'or est la couleur de la lumière de Vérité, et la vache est le symbole de la Lumière de la conscience supérieure qui descend en transformant tout en Lumière de Vérité.
L'état vaste et tranquille, qui n'est affecté par aucun incident, est l'effet naturel de la descente que vous avez vue sous cette forme. L'attitude d'impartialité à l'égard du travail ou de l'absence de travail est aussi un effet de cette descente. C'est en général le vital qui pousse à travailler, et sans cette impulsion du vital on ne peut pas faire grand-chose. Quand la conscience supérieure descend dans le mental et le vital, cette impulsion devient silencieuse, mais la faculté de travailler demeure; plus tard, quand la conscience nouvelle s'est établie, elle se charge du travail et l'exécute à l'aide d'une autre force qui vient remplacer l'impulsion du vital et qui est bien plus grande.
L'état d'ouverture qui convient, avec la Force qui descend et le souvenir constant - ou toute autre forme que prenne cet état - est le début de la vraie conscience et au commencement, elle est toujours de courte durée parce que la conscience ordinaire n'en a pas encore l'habitude, étant accoutumée à autre chose. Mais sa durée et son pouvoir vont sans cesse
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grandissant, jusqu'à ce qu'elle soit capable de persister même lorsque la conscience extérieure est plongée dans d'autres occupations. D'abord elle demeure à l'arrière-plan et émerge dès que cesse la préoccupation extérieure; ensuite elle reste à l'arrière-plan, mais on ne fait que la sentir, et à un stade ultérieur elle est sans cesse présente, de sorte qu'il y a deux consciences: la conscience intérieure toujours reliée à la Mère et pleine de son action, de sa présence ou des deux, et la conscience de surface occupée à l'extérieur. Enfin même la conscience de surface commence à sentir la relation directe dans l'action même. Il ne faut pas s'inquiéter si, par intervalles, l'état vrai disparaît. Ce n'est pas une preuve d'incapacité; c'est une simple phase où ce qui n'a pas encore été transformé se présente pour subir une action préparatoire à la transformation. Quand la conscience intérieure est bien établie, ces périodes n'affectent que la surface de la conscience et ne sont plus gênantes comme auparavant.
P. S. - La difficulté que vous éprouvez réside sans doute dans le mental extériorisant, dont le centre se trouve dans la gorge. Quand il n'y a pas de résistance à cet endroit, la Force descend jusqu'au niveau du cœur et au-dessous.
En général, la conscience supérieure ne commence pas par transformer la nature extérieure: elle agit sur l'être intérieur, le prépare et se dirige ensuite vers l'extérieur. Auparavant, toute transformation accomplie dans la nature extérieure ne peut l'être que par le psychique.
C'est à peu près cela. C'est-à-dire qu'il y a toujours des fluctuations dans l'intensité de la Force lorsqu'elle agit. Elle vient avec un grand pouvoir et effectue quelque chose qui doit être fait, puis elle se cache ou se retire un peu, ou bien or' la sent, mais, comme vous le dites, derrière un écran,
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tandis que quelque chose s'élève pour se préparer à l'illumination; ensuite elle revient au premier plan et fait le nécessaire à cet endroit. Mais auparavant - alors que le soutien, l'aide et même la conscience profonde étaient toujours là, comme vous les sentez maintenant à juste titre ~ lorsqu'un voile tombait, tout tombait dans un oubli complet et vous ne sentiez plus qu'obscurité et confusion. Cela arrive à la plupart des sâdhak dans les premiers stades. C'est un grand progrès, un pas en avant décisif, si, au moment où la Force agit derrière l'écran, vous sentez qu'elle est là, que l'aide et le soutien, la conscience plus éclairée sont encore là. C'est le second stade de la sâdhanâ. Il y en a un troisième où il n'y a pas d'écran et où l'on sent constamment la Force et tout le reste, qu'ils travaillent activement ou s'interrompent durant une période de transition.
Oui, la Force est tout à fait concrète. En général, elle commence par descendre d'elle-même de temps en temps; on l'appelle aussi face à une difficulté. Mais à la longue elle est toujours là, soutenant ou déterminant toute l'action de l'être.
Le Pouvoir et la Paix qui descendent viennent de la conscience supérieure, au-dessus de votre tête, d'un moi plus grand dont votre mental - et le mental humain en général - n'est pas conscient. Ce sont le pouvoir et la paix du Divin. Quand ils vous enveloppent de l'extérieur du corps (et que par conséquent vous les sentez à l'extérieur), ils constituent une protection et une atmosphère. Mais ils descendent aussi dans le corps, dans la tête (le mental), le cœur et l'ombilic (le vital) et à travers tout le corps, agissant en vous et faisant le nécessaire pour transformer la conscience. Quand vous ne sentez pas leur présence, quand vous ne les sentez qu'à l'extérieur, c'est que vous êtes très extériorisé dans la conscience
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physique, mais en réalité ils sont là, dans l'être intérieur, agissant en vous. Lorsque vous réintégrez la conscience intérieure, vous les sentez de nouveau au-dedans et ils éveillent en vous votre vraie conscience, le psychique, qui seul donne la foi et la dévotion. C'est cependant un grand progrès si, même lorsque vous êtes dans la conscience physique extérieure, vous sentez la Paix vous envelopper.
Pourquoi serait-ce imaginaire? Quand la conscience supérieure est en contact avec vous, elle suscite, tant qu'elle est là, une pureté essentielle que peuvent partager toutes les parties de l'être. Ou même si l'être extérieur n'y prend pas une part active, il peut se calmer au point que rien ne soit capable de s'opposer à ce que l'être tout entier réalise la vérité d'une expérience. Cet état ne dure pas, parce qu'il n'est qu'un contact préparatoire et non la descente complète ou permanente; mais tant qu'il dure, il est réel. La sensation sexuelle appartient évidemment à l'être extérieur, c'est la perversion ou la représentation fausse de l'expérience dans la nature, c'est l'obstacle principal qui s'oppose à ce qu'elle devienne fréquente, puis normale. Un aspect contraire comme celui-ci essaie en général de s'imposer après une expérience.
Vous agissez correctement à l'égard de la sensation sexuelle. Quant aux raisons pour lesquelles elle est apparue alors que vous répétiez le nom, il y en a deux: l'une est que lorsque vous utilisez le nom, vous faites appel au pouvoir de la Mère Pour qu'il agisse à cet endroit et le premier résultat en est souvent que la difficulté se dresse comme un serpent dont on touche la tête, pour résister à la pression; ou bien - si vous considérez les choses d'un autre point de vue - elle se dresse Pour qu'on s'occupe d'elle. L'autre raison est que, lorsque
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ce qu'il faut faire descendre est l'Ânanda - de la force, de la lumière, etc., mais surtout de l'amour - la passion vitale et physique se soulève pour essayer de se mêler à l'Ânanda et de s'en emparer, dans l'espoir de le transformer en une sorte de plaisir vital sublimé. C'est ce qui arrive très souvent aux vishnouïtes - c'est bien connu - lorsqu'ils font le samkîrtana. Dans votre cas, il s'agissait sans doute de la première de ces causes, car l'Ânanda d'amour - ou n'importe quel Ânanda - n'apparaît pas encore; la deuxième explication est donc improbable. Quant à la Force qui descend dans la tête, elle a deux aspects: l'un est la paix et quand elle prédomine, on a cette sensation de fraîcheur; quand, au contraire, l'action est vigoureuse et dynamique, on peut avoir une sensation de chaleur: c'est le pouvoir d'Agni. La plupart des sâdhak ont les deux sensations; elles ne sont pas imaginaires.
Vous parlez d'une lutte (youddha) qui commence lorsque la Force descend, mais un tel effet n'est pas inévitable; la lutte n'est pas nécessaire au progrès. Elle se produit plutôt avant que la Force ne soit présente dans l'être, alors qu'on en est encore à faire des efforts pour s'ouvrir, ou bien quand elle est encore en train de faire pression pour descendre, ou qu'elle a pris en charge une partie de la nature, mais pas l'ensemble. Quand la Force est là et agit, les imperfections et les faiblesses de la nature vont évidemment se dresser pour être transformées, mais on n'a pas besoin de lutter avec elles; on peut les regarder tranquillement, comme un ensemble d'instruments à la surface qui doit être transformé. Il ne faut pas les regarder avec "indifférence", car cette attitude pourrait s'apparenter à l'inertie, à un manque de volonté, d'élan ou de besoin de changer, mais plutôt avec détachement. Le détachement consiste à se tenir à l'écart, à ne pas s'identifier à elles, à n'être ni bouleversé, ni troublé parce qu'elles sont là, mais plutôt à les regarder comme une chose étrangère à sa propre conscience et à son propre moi,
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à les rejeter et à appeler la Force de la Mère dans ces mouvements pour qu'elle les élimine et y apporte la vraie conscience et ses mouvements. La ferme volonté de rejet doit être là, mais aucune lutte, aucun combat.
Lorsque vous avez senti la Force, la concentration, la paix, c'était évidemment le signe de la venue de la vraie conscience; ce n'est pas cela qui a pu engendrer de l'agitation pendant la nuit. Si l'agitation était l'effet de la venue de la Force, il s'ensuivrait que plus la Force descend, plus l'agitation doit augmenter. Ce serait absurde, et ce n'est pas le cas. Ce qui s'est passé, c'est simplement que la Force s'accompagnait d'un commencement de paix intérieure ou spirituelle; dans les nerfs, l'ancienne agitation qui somnolait s'est éveillée pour résister, pour essayer - comme le font tous ces mouvements habituels de la nature - de se perpétuer. À mesure que la paix pénètre dans le vital et l'être nerveux, ces choses naturellement diminuent et sont éliminées. On n'a qu'à rester tranquille et détaché et à laisser la Force, par son action, apporter la paix là aussi. Si cette difficulté persiste, vous nous le ferez savoir pour que nous puissions y remédier.
L'attitude qu'il décrit, s'il la conserve correctement, est la bonne. Elle lui a d'abord apporté le début d'une véritable expérience, la Lumière (blanche et dorée) et la Force qui se sont déversées du Sahasradala pour remplir l'être; mais quand elle a touché les régions vitales, elle a dû éveiller les énergies du prâna dans les centres du vital (ombilic et au-dessous) et comme ceux-ci n'étaient pas purs, toutes les impuretés se sont dressées (colère, sexe, peur, doute, etc.) et le mental a été obscurci par cette éruption de forces vitales impures. À ce qu'il dit, tout cela est maintenant en train de s'apaiser, le mental se calme et les impulsions paraissent dans le vital, mais n'y restent pas. Le vital, et pas seulement le mental, doit devenir calme; ces impulsions
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doivent perdre, par le rejet et la purification, le pouvoir de se répéter. La pureté et la paix totales doivent s'établir dans tout l'Âdhar; alors seulement il aura une base solide et sûre pour son progrès futur.
Si la force ne reste pas en lui, c'est sans doute parce qu'il se laisse tomber dans une passivité inerte et s'ouvre à tout. On ne doit être passif que devant la Force divine et veiller à ne pas se mettre à la merci de toutes les forces. S'il devient passif lorsqu'il essaie de voir Dieu dans une autre personne, il se mettra probablement à la disposition de n'importe quelle force qui agira par l'intermédiaire de cette personne et ses propres forces risquent d'être drainées vers l'autre. Mieux vaut qu'il s'abstienne de toute tentative de ce genre; qu'il aspire à la Paix et à la Force qui viennent d'en haut et à la pureté complète, et qu'il s'ouvre à cette seule Force. Les expériences comme celle du Divin partout (et pas seulement dans telle ou telle personne) viendront alors d'elles-mêmes.
Notre objectif est la réalisation supramentale et nous devons faire tout ce qui est nécessaire pour y parvenir ou pour aller dans cette direction, selon les conditions de chaque étape. Pour l'heure, il est nécessaire de préparer la conscience physique; à cette fin, il faut établir une égalité et une paix totales, ainsi qu'une consécration complète, dénuée d'exigences ou de désirs personnels, dans les parties physiques et vitales inférieures. D'autres choses viendront au moment opportun. Ce qui est nécessaire maintenant, ce n'est pas la proximité physique, qui est l'une de ces autres choses, mais l'ouverture psychique dans la conscience physique et en elle la présence, la direction constantes.24
L'ouverture du mental vital (ou de n'importe quelle partie de l'être) ne signifie pas que le mental vital est absolument ouvert ou tout entier converti, au point qu'il n'y aura plus jamais en lui d'obscurité, d'ignorance, d'erreur, de résistance
24. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
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ni rien d'autre que la conscience. Cela signifie seulement que la conscience supérieure est capable d'y descendre. d'y agir et d'établir quelque chose d'elle-même dans cette partie de l'être. Chaque plan, l'un après l'autre, en descendant jusqu'au plan physique, doit s'ouvrir initialement de cette manière. Tant que cette ouverture initiale n'est pas réalisée dans toutes les parties, aucune ne peut recevoir une descente complète et définitive de la conscience supérieure. Si l'être nerveux et d'autres parties physiques ne sont pas ouvertes, en fin de compte même le mental pensant ne peut pas s'ouvrir, car il peut être affecté par une résistance, une obscurité, etc. venant d'en bas. Si le mental vital est ouvert, cela ne signifie pas qu'il soit ouvert au point d'être déjà divin et de ne ressentir ni orgueil, ni aucun autre mouvement faux.
Quant à l'être nerveux, il fait partie de la conscience physique, il est situé au-dessous du mental physique et non au-dessus: les nerfs font partie du corps.
Ce n'est pas sous l'effet d'une pression d'en haut que les perturbations apparaissent. Si rien ne descendait, il n'y aurait ni paix, ni clarté, et pourtant les perturbations apparaîtraient; elles seraient même plus fréquentes.
Les désirs obsédants faisaient naguère partie du physique vital, mais lorsque dans l'être la force de paix est suffisante, ils s'en vont et le physique vital est libre, soumis à l'influence de la tranquillité. Les forces de perturbation ne font plus Partie de la personnalité, mais bien qu'elles en soient sorties, elles attendent dans l'atmosphère et, si elles en ont l'occasion, essaient de revenir et de reprendre possession de l'être extérieur pour anéantir la paix intérieure ou, si elles n'en sont plus capables, pour la dissimuler. Comme le vital physique a eu l'habitude d'y réagir, volontairement pendant n certain temps, puis - maintenant - involontairement, e les peuvent encore l'obliger à réagir à leurs vibrations. La
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paix et la clarté doivent devenir assez vigoureuses pour persister même si ces forces reviennent; alors apparaîtra un état où la paix intérieure restera immuable, même lorsque l'être extérieur sera superficiellement troublé. C'est un stade très caractéristique dans te progrès. Plus tard, on peut faire descendre une force assez puissante pour remplir également l'être extérieur d'une paix et d'une clarté si fortes que les perturbations ne peuvent plus y pénétrer. On les sent encore parfois dans l'atmosphère, mais on n'est plus atteint par elles du tout.
Si le physique vital recommence à laisser entrer les forces de perturbation, ce n'est pas toujours parce qu'il le veut; en dépit de lui-même, certains chocs ou certaines suggestions peuvent aussi ranimer les vibrations anciennes, et cette habitude d'y réagir a été en lui si forte qu'il y réagit malgré lui, et devient pendant quelque temps incapable de recouvrer son équilibre. C'est le sort de toutes les parties de l'être, mais c'est vrai en particulier des parties physiques: le mental physique cède aux pensées habituelles, le vital physique cède aux impulsions et aux désirs habituels, le corps cède aux sensations, aux maladies habituelles, etc., etc. Souvent des sâdhak écrivent: "Mais je ne veux pas de tout cela, même mon vital et mon corps se sentent mal à l'aise et veulent s'en débarrasser, alors pourquoi est-ce que cela vient?" C'est parce que cette habitude de réagir, établie de longue date, est trop forte par rapport à la volonté de rejet (si l'on peut appeler cela une volonté), qui est elle-même encore trop faible et passive dans la partie en cause. C'est particulièrement vrai des parties physiques, parce qu'elles ont par nature une tranquillité passive, une habitude de se laisser mener par des forces, à moins qu'elles ne soient régies d'en haut ou contraintes à partager l'idée et la volonté des parties supérieures.
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C'est sans doute le physique vital qui agit. Sous la pression de la Force, la résistance reflue de plus en plus bas et se manifeste pour amener là aussi la pression, précisément en vue de se faire expulser.
C'est la pression de la conscience supérieure (plans de lumière bleue au-delà du mental ordinaire) qui est descendue et pèse sur les résistances inférieures, jusqu'au corps et au-dessous. En même temps, le poids de la nature subconsciente se soulève pour se libérer; telle est la signification de ces expériences.
C'est un bon progrès. Quant à la partie résistante, un certain niveau du physique continue longtemps à résister: un niveau s'ouvre, un autre, au-dessous, reste obscur. Mais si la pression d'en haut est constante, la résistance finit par s'épuiser.
L'immobilité dont vous parlez, durant la méditation, est un très bon signe. En général elle commence à imprégner ainsi tout l'être lorsqu'il s'est suffisamment purifié. D'autre part, cette immobilité commence elle-même à construire la base de la conscience spirituelle supérieure.
Je crois que vous avez raison: beaucoup sont en train de changer. La transformation est encore tenue en échec par des résidus et des retours de l'ancienne nature, mais elle avance.
Dans le premier état, vous recevez par l'intermédiaire du mental qui se retire en lui-même pour recevoir la Présence et croître dans la Lumière et le Pouvoir d'en haut. Le corps ou conscience extérieure ne participe probablement pas à ce mouvement dans ses parties extériorisantes; aucune énergie
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ne pousse à effectuer un travail quelconque, si ce n'est celui1 auquel la conscience extérieure est habituée.
Dans le second état, le vital reçoit directement et transforme aussitôt ce qu'il reçoit en énergie cinétique; car lorsque le vital reçoit directement la Lumière, le Pouvoir ou l'Ânanda, ou y participe activement, il devient possible et facile de se tourner vers l'extérieur pour effectuer toutes sortes de travaux et d'actions.
Ce que vous écrivez est tout à fait exact. D'habitude, le corps n'est pas relié à la conscience supérieure; il ne fait quel recevoir du mental ce qu'il peut. C'est par l'ascension du corps intérieur ou subtil dans ce plan et la descente, depuis ce plan, de la Lumière supérieure qu'il se prépare à la liaison directe.
La Force supérieure peut pénétrer directement dans la conscience physique, c'est-à-dire que le reste peut demeurer passif, mais elle doit passer par le subtil pour atteindre le matériel.
Toutes les expériences qui pénètrent les centres sont enregistrées dans le corps et apparaissent comme des expériences du corps, mais on doit distinguer les expériences qui se reflètent en lui de celles qui appartiennent à la conscience physique du corps. C'est une question de conscience et de libre discernement. Il n'y a pas de règle absolue quant au moment où cela se produit.
Je voulais simplement dire que ce que l'on sent s'enregistrer dans le corps physique ne se produit peut-être, en réalité,
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que dans le corps subtil. Quant à savoir si, dans un cas particulier, c'est de cela qu'il s'agit, ou d'une expérience directe qui affecte aussi le corps physique, la question doit être résolue cas par cas. Il faut faire soi-même la distinction.
pourquoi "simplement" enregistré? Si vous croyez que les expériences dans le corps subtil sont faibles et vagues, vous vous trompez: elles peuvent être aussi intenses, aussi rapides, aussi palpables, aussi massives que celles du corps.
Tout reflet ou courant émanant du corps subtil pour pénétrer dans le corps physique serait ressenti aussi de façon tangible.
Toutes les expériences peuvent être introduites dans les plus petites parties constituantes de l'être.
C'est la conscience supérieure qui établit la liaison en abordant le subconscient à travers le psychique et le vital. Sans le vital, l'action ne serait pas complète; sans le psychique, elle ne serait pas possible.
Voici quelques-uns des effets de la descente de la Conscience supérieure dans le physique le plus matériel. Elle apporte la lumière, la conscience, la force, l'Ânanda dans les cellules et dans tous les mouvements physiques. Le corps devient consent et vigilant; il accomplit les mouvements justes, soit en obéissant à la volonté supérieure, soit automatiquement,
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par la force de la conscience qui l'a pénétré. On devient davantage capable de maîtriser les fonctions du corps et de rectifier tout ce qui ne va pas, d'agir sur la maladie, la douleur, etc. Une plus grande maîtrise apparaît, non seulement sur les actions du corps, mais aussi sur les événements extérieurs qui l'affectent, par exemple pour réduire l'importance des accidents et des petites mésaventures. Le corps devient un outil de travail plus efficace. On devient capable de diminuer la fatigue. Tout l'organisme physique s'emplit de paix, de bonheur, de force, de légèreté. Tels sont les effets les plus visibles et les plus normaux qui s'élaborent à mesure que la conscience grandit, mais bien d'autres peuvent apparaître aussi: unité avec la conscience terrestre, sentiment constant du Divin dans le physique, etc.
Il n'est évidemment pas facile de rendre ainsi le physique entièrement conscient, puisqu'il est le siège de l'inconscience, de l'obscurité et de l'inertie; si, pourtant, l'on peut y introduire la conscience supérieure de façon partielle, mais suffisamment efficace, cela peut constituer une base et le reste du terrain sera conquis à mesure que sa force agira de plus en plus sur le corps.
Vos récentes expériences sont d'une importance considérable: le triple état de l'être, le sentiment du Divin partout, celui de l'Enfant divin dans l'univers. La signification des deux dernières s'impose d'elle-même. Quant au triple état, il vous indique la bonne direction pour réaliser la sâdhanâ dans les trois parties de l'être. Le mental doit émerger dans la conscience unique et infinie du moi silencieux qui enveloppera alors l'être tout entier; le cœur doit, par son adoration, son amour et sa soumission, vivre dans le Divin dynamique et devenir sa demeure; le vital et le physique (au-dessous de l'ombilic) doivent être les instruments de la Volonté divine, instruments purs, consacrés, n'exprimant rien que cette Volonté.
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Si la Lumière bleue parvient au-dessous du Moûlâdhâra, c'est qu'elle a pénétré dans la conscience physique (mentale physique, vitale physique, matérielle). Ici les deux principaux obstacles sont le mental mécanique, ses souvenirs et ses désirs qui appartiennent au passé, et les mouvements sexuels les plus extérieurs; ils doivent être surmontés (en particulier le mental mécanique, car les mouvements sexuels peuvent l'être facilement s'ils ne sont pas soutenus par le vital proprement dit), pour que la Lumière prenne possession de la conscience physique tout entière. C'est sans doute pour cette raison que celle-ci s'est insurgée avec tant de vigueur lorsque la Lumière est descendue dans ces régions.
Le dynamisme est partout, parce que la Force (Shakti) est partout. Le dynamisme parfait se trouve dans le supramental; aucun autre dynamisme ne peut être infaillible.
La manière dont le corps reçoit le dynamisme supérieur dépend de l'état du corps, ou plutôt de l'état de la conscience physique et de la conscience la plus matérielle. Dans un certain état elle est tamasique, inerte, non ouverte, et ne peut ni supporter la force, ni la recevoir, ni la contenir; dans un autre état le radjas prédomine et tente de s'emparer du dynamisme, mais le gaspille, le répand et le perd; dans un autre encore la réceptivité, l'harmonie, l'équilibre règnent, et il en résulte une action harmonieuse, sans tension ni effort.
Une descente dynamique apporte tapas et non shama. C'est une descente de paix de plus en plus grande qui apporte shama; la descente dynamique y contribue, en dispersant l'élément perturbateur de radjas et en transformant radjas en tapas.
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L'inertie n'est pas, en soi, un principe dynamique. La nature de l'inertie est apravritti; l'action du mental mécanique est une pravritti, bien que cette pravritti soit tamasique et obscure.
Par la descente, l'inertie change de caractère. Elle cesse d'être une résistance du physique et devient seulement un état physique qui doit être transformé en immobilité et en repos véritables et fondamentaux.
IV
Il emploie le terme supramental trop à la légère. Ce qu'il décrit comme le supramental est une conscience hautement illuminée; elle reçoit peut-être le contact d'une lumière supramentale modifiée, mais non le plein pouvoir du supramental; en tout cas ce n'est pas le supramental. Il parle d'une partie supramentale qui n'est pas réceptive: c'est impossible; le supramental ne peut pas manquer de réceptivité. Le supramental est, par définition, la Conscience-de-Vérité; il possède déjà la Vérité et n'a même pas besoin de la recevoir. Le mot Vijnâna est parfois utilisé pour désigner l'Intelligence hautement illuminée qui est en communication avec la Vérité, et c'est sans doute cette partie de lui-même qu'il a sentie, mais ce n'est pas le supramental. On ne peut pénétrer dans le supramental que tout à la fin de la sâdhanâ, quand toutes les difficultés ont disparu et qu'aucun obstacle ne se dresse plus sur le chemin de la réalisation.25
Trois plans:
1. Kârana. 2. Hiranyagarbha. 3. Virât.
Le parallèle établi entre le Vijnâna ou Kâranajagat de
25. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 1.
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l'Oupanishad, dominé par le Prâjna et équivalant au Soushoupti, et le monde du Hiranyagarbha équivalant au Swapna et au domaine subtil, ne correspond pas tout à fait à ma description du supramental. Mais on pourrait dire que pour le mental normal qui aborde le plan supramental ou y pénètre, il devient un état de Soushoupti. Si l'auteur avait parlé du sommeil supraconscient du supramental - car c'est ainsi que l'état supramental apparaît au mental non transformé, quand il entre en contact avec lui ou l'appréhende, car il tombe inévitablement dans ce sommeil supraconscient - alors cette différence serait rectifiée.
Ce que vous avez écrit au sujet du supramental est tout à fait juste. Il est vrai qu'ici l'on abuse beaucoup de ce "grand mot", comme si ce qu'il désigne était à la portée de tous. La première chose à réaliser est la transformation psychique et tant qu'elle n'est pas suffisamment avancée, le supramental reste lointain et il est tout à fait inutile d'y penser. Vous avez certainement fait des progrès, mais la transformation de la nature extérieure est toujours lente; vous n'avez donc pas de raison de vous affliger.
Vous devriez tous comprendre que le supramental vrai et direct ne peut pas venir au début de la sâdhanâ, mais n'apparaît que beaucoup plus tard. Premièrement, il faut ouvrir et illuminer l'être mental, l'être vital et l'être physique; deuxièmement, ouvrir le mental à l'intuition par la volonté, etc., et développer la conscience de l'âme cachée Pour qu'elle remplace progressivement la conscience de surface; troisièmement, supramentaliser l'être mental, l'être vital et l'être physique transformés, et enfin faire descendre le vrai supramental et s'élever au plan supramental.
Tel est l'ordre naturel du yoga. Ces étapes peuvent se
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chevaucher et s'entremêler, il peut y avoir des variantes, mais les deux dernières ne peuvent apparaître qu'à un stade avancé du progrès. Le Divin supramental guide évidemment notre yoga tout au long, mais il le fait tout d'abord à travers de nombreux plans intermédiaires; et l'on ne peut guère affirmer que ce qui vient dans les premières périodes est directement ou pleinement supramental. Croire qu'il en est ainsi lorsque ce n'est pas le cas peut fort bien faire obstacle au progrès.
Le psychique, lorsqu'il est suffisamment développé, peut être assez fort pour effectuer le déblayage préliminaire.
Seul le supramental peut transformer l'être matériel, mais le mental physique et le vital physique peuvent être transformés dans une considérable mesure par l'action du psychique et du surmental. La transformation complète ne s'effectue cependant que lorsque l'influence supramentale se fait sentir. Mais pour le moment, on peut faire confiance à la force psychique pour qu'elle effectue la purification préliminaire de la nature inférieure.
Il faut avoir entendu parler du surmental et du supramental, mais non avoir l'ambition de les atteindre: cela doit être considéré comme un aboutissement naturel de la sâdhanâ qui viendra de lui-même. On doit se concentrer entièrement sur l'étape à franchir dans l'immédiat, sur ce qui est en train de se faire au moment même. Ayez donc en vous le Pouvoir qui agit et laissez-le tout élaborer pas à pas.
L'action qui s'est produite n'était pas supramentale; le fait que vous étiez conscient d'un centre dans le cerveau montre
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que c'est par le mental qu'elle se faisait. La force qui agissait était le Pouvoir divin; il agit ainsi sur tous les plans: supramental, mental, vital ou physique, ou sur tous à la fois. On ne peut accéder à l'action supramentale qu'après une longue période de discipline yoguique dirigée vers ce but; cela ne peut pas être une expérience initiale.
Si le mental ne s'attendait à rien de précis, c'est d'autant mieux; s'il s'était attendu à quelque chose, il aurait pu être actif, intervenir et arrêter l'expérience ou l'empêcher d'être pure et complète.
Dans ce que vous dites de votre sâdhanâ, vous interprétez sans doute correctement vos expériences. Les deux phénomènes dont vous parlez sont en réalité deux aspects d'un seul mouvement. L'ouverture et le déblayage des niveaux inférieurs n'est efficace que dans la mesure où ce supramental relatif ou mentalisé peut s'emparer de la conscience, l'ouvrir au supramental supérieur ou intermédiaire et le faire descendre; et celui-ci à son tour ne peut s'établir dans l'être que dans la mesure où le vital psychique et le physique s'ouvrent, se déblaient et se transforment. Cette interaction doit se poursuivre jusqu'à ce que se crée entre les deux mouvements un certain équilibre qui permettra au plus élevé de posséder l'être sans interruption et de l'ouvrir de plus en plus aux vraies activités supramentales. L'action dans laquelle vous avez été projeté était sans doute nécessaire, parce que c'est dans la partie dynamique de votre être que les défauts de la nature inférieure ont le plus d'emprise et sont le plus saillants.
La question s'est posée et se pose toujours en raison d'une avidité du vital qui prend chaque étape marquée par une expérience puissante pour le stade final et même pour le surmental, le supramental, l'ultime Siddhi. Ni le supramental,
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ni le surmental ne sont si faciles à atteindre, même sous le seul aspect de la Connaissance ou de l'expérience intérieure. Votre expérience appartient au mental spiritualisé et libéré. À ce stade, des communications peuvent venir des niveaux du mental supérieur, mais elles sont simplement des expériences isolées et non une transformation complète de la conscience. Le supramental ne fait pas partie du mental, il n'est pas un niveau supérieur du mental; c'est quelque chose de complètement différent. Aucun sâdhak ne peut atteindre le supramental par ses propres efforts; les efforts déployés à cette fin par une tapasyâ personnelle ont été la source de nombreuses mésaventures. On doit aller tranquillement, étape par étape, jusqu'à ce que l'être soit prêt, et même alors, seule la Grâce peut apporter la vraie transformation supramentale.26
La porte du supramental ne peut pas être enfoncée de cette façon. Il faut travailler systématiquement à préparer l'Âdhâr, à le transformer et à le rendre capable de recevoir la Descente supramentale. Il y a plusieurs pouvoirs entre le mental ordinaire et le supramental, et ceux-ci doivent s'ouvrir et être absorbés par la conscience; la transformation supramentale ne peut pas se faire autrement.
Parler de "recevoir du supramental le pouvoir quand on n'est pas conscient" est bizarre. Même si l'on n'est pas conscient, on peut recevoir une force supérieure: la Shakti divine agit souvent de derrière le voile, sinon, dans l'état d'ignorance et d'inconscience où se trouve l'être humain, elle ne pourrait pas agir du tout. Mais la nature de sa force ou de son action se modifie pour s'adapter à l'état du sâdhak. Il faut avoir acquis une conscience très complète
26. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 1.
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avant d'être capable de recevoir directement quoi que ce soit du Pouvoir supramental, et il faut avoir beaucoup avancé dans la conscience pour en recevoir même quelque chose qui a été modifié par son passage à travers le surmental ou une autre région intermédiaire.27
Il est très peu sage pour quiconque de prétendre prématurément posséder le Supramental ou même en avoir un avant-goût. Cette prétention s'accompagne généralement d'un débordement de super-égoïsme, d'une erreur de perception radicale ou d'une chute grossière, d'une condition fausse et d'un mouvement faux. Une certaine humilité spirituelle, une vue de soi sérieuse et sans arrogance, une perception tranquille des imperfections de sa nature présente, et au lieu d'amour-propre et d'affirmation de soi-même, le sens de la nécessité de dépasser son moi actuel, non par ambition égoïste mais par élan vers le Divin, seraient, il me semble, pour ce fragile agglomérat humain et terrestre, des conditions bien meilleures pour avancer vers la transformation supramentale.28
Il faut avoir déjà accédé à la conscience intuitive pour savoir ce que sont le surmental et le supramental. En décrire des "signes" est inutile, car le mental ne pourrait que se tromper en essayant de juger par les "signes"; il faut devenir conscient au-dedans et avoir la connaissance directe.
Qui vous a dit que le supramental descendait dans la conscience physique sans toucher le mental et le vital?
27. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 1.
28. Les Bases du Yoga, chapitre 6. Traduction de la Mère.
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Il est certain qu'aucune partie de la nature n'a été supramentalisée; c'est impossible tant que tout l'être ne s'est pas placé sous l'influence supramentale. L'influence supramentale doit venir d'abord, la transformation ne peut venir qu'ensuite.
Un contact ou une influence du supramental n'est pas la supramentalisation. Il est tout à fait absurde d'imaginer que le physique puisse être supramentalisé avant le mental et le vital. Ce que j'ai dit, c'est que le mental et le vital ne pouvaient pas être supramentalisés tant que le physique demeurait tel quel, n'ayant pas été touché par la descente supramentale.
Non; ce n'est pas du tout cela que j'ai dit. Il est tout à fait impossible que le supramental prenne possession du corps avant que la transformation supramentale du mental et du vital soit complète. X et d'autres semblent toujours s'attendre à une sorte de miracle inintelligible: ils ne comprennent pas que ce qui doit se produire, c'est une évolution concentrée et rapide, mais conforme à la loi de la création. Un miracle peut être la merveille d'un instant. Seule une transformation conforme à la Loi divine peut être durable.
On ne peut pas faire descendre le supramental dans le mental et le vital sans le faire descendre dans le physique; on peut sentir son influence ou en recevoir quelque chose, mais le faire descendre, c'est beaucoup plus que cela.
Le supramental est un tout lumineux, ce n'est pas un mélange de lumière et d'ignorance. Si le mental physique n'est pas supramentalisé, le contenu du mental sera mêlé
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d'ignorance, mais alors ce ne sera pas le supramental, ce sera autre chose; de même pour le vital. Ce qui peut se manifester séparément dans le mental, c'est un surmental partiellement supramentalisé.
Si le supramental peut demeurer dans le mental et le vital, alors il doit demeurer aussi dans le physique. S'il ne demeure pas dans le physique, il ne peut pas non plus demeurer dans le mental et le vital; ce sera autre chose, non le supramental.
Ce n'est guère possible. La conscience corporelle est là et on ne peut la négliger, on ne peut donc ni transformer complètement les parties supérieures en laissant de côté le corps pour s'en occuper plus tard, ni en terminer avec chaque étape dans toutes ses parties avant d'aborder la suivante. J'ai essayé cette méthode, mais ça n'a jamais marché. Lorsqu'on se surmentalise, par exemple, le premier pas consiste à surmentaliser le mental et le vital, mais dans la conscience corporelle tous les mouvements inférieurs ne se surmentalisent pas et jusqu'à ce qu'ils puissent être hissés au niveau surmental, il n'y a pas de perfection surmentale, la conscience corporelle introduit toujours des failles et des limitations. Afin de parfaire le surmental, on doit faire entrer la force supramentale et c'est seulement quand le surmental a été partiellement supramentalisé que le corps commence à devenir de plus en plus surmental. Je ne vois aucun moyen d'éviter ce processus, bien qu'il soit à l'origine de la longueur du chemin.
Lorsqu'une force supérieure descend dans un plan inférieur, elle diminue et se modifie sous l'effet de la substance inférieure, du pouvoir moins grand et des mouvements plus mélangés de ce plan inférieur. Ainsi, lorsque le Pouvoir
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surmental agit par l'intermédiaire du mental illuminé, une partie seulement de sa vérité et de sa liberté se manifeste et devient efficace, mais seulement dans la mesure de ce qui a pu filtrer à travers cette conscience moins réceptive. Et même ce qui filtre est moins vrai, se mêle à une autre substance, est moins surmental, plus facilement modifié en quelque chose qui est en partie vérité et en partie erreur. Quand cette force indirecte et affaiblie descend plus bas dans le mental et le vital, elle contient encore quelque chose de la Vérité créatrice du surmental, mais elle est fâcheusement mêlée à des formations mentales et vitales qui la défigurent, réduisent de moitié son efficacité et même parfois la rendent totalement inefficace.29
Tant que le physique n'est pas prêt, le supramental ne peut pas conquérir les autres plans; il peut tout au plus les influencer.
Comment serait-il possible de porter le mental et le vital à la perfection sans que le physique y soit préparé? Car le physique mental et le physique vital existent, et tant qu'ils ne sont pas prêts, on ne peut pas dire que le mental et le vital ont été parfaitement préparés.
V
Il ne peut y avoir d'immortalité du corps sans supramentalisation; la potentialité est là, dans la force yoguique, et les yogis peuvent vivre 200, 300 ans ou plus, mais le principe ne peut pas réellement exister sans la supramentalisation.
La Science elle-même croit qu'un jour la mort sera vaincue par des moyens physiques, et ses raisonnements
29. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
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sont tout à fait fondés. Il n'y a pas de raison que la Force supramentale ne le fasse pas. Sur terre, les formes ne durent pas (elles le font dans d'autres plans) parce qu'elles sont trop rigides pour exprimer par une évolution le progrès de l'Esprit. Si elles deviennent assez malléables pour le faire, il n'y a pas de raison qu'elles ne se perpétuent pas.
Ne savez-vous donc pas que certains vieillards ont une nouvelle ou troisième dentition à un âge avancé? Et si des glandes de singe peuvent renouveler les fonctions et les forces et faire repousser les cheveux sur un crâne chauve, comme l'a prouvé Voronoff sur des sujets vivants, alors? Et notez que la science n'en est qu'à ses débuts dans ces expériences. Si ces possibilités s'ouvrent à la science, pourquoi les dénierait-on absolument à d'autres techniques?
La mort existe parce que l'être, dans le corps, n'est pas encore assez évolué pour continuer à se développer dans le même corps sans avoir besoin d'en changer, et le corps n'est pas lui-même assez conscient. Si le mental, le vital et le corps étaient plus conscients et plus malléables, la mort ne serait pas nécessaire.
La mort physique est la dissolution de la forme physique, niais toute forme ne disparaît pas par la mort.
Seule une transformation totale de la conscience que chacun doit opérer en lui-même peut immuniser contre une mort autre que celle qui est causée par la volonté personnelle de
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quitter le corps, et contre la maladie; l'immunité ne peut pas être obtenue automatiquement, sans cette réalisation.
La mort elle-même n'a pas d'existence séparée, elle n'est qu'un effet du principe de dégradation du corps et ce principe est déjà là, il fait partie de la nature physique. Elle n'est pas non plus inévitable; si l'on peut avoir la conscience et la force nécessaires, la décrépitude et la mort ne sont pas inévitables. Mais amener cette conscience et cette force dans la nature matérielle tout entière est la chose la plus difficile qui soit; du moins suffisamment pour annihiler le principe de dégradation. Ce principe vous est apparu parce qu'il est présent dans le subconscient et dans la Matière où vous essayez en ce moment de faire descendre l'intuition et le surmental; il voulait pénétrer dans le centre subjectif pour combattre le pouvoir supérieur dans le mental autant que dans le corps.
Je ne vois ici30 aucune ambiguïté. "En fait" et "attachée" n'évoquent rien d'inéluctable. "En fait" signifie simplement qu'en réalité, les choses étant ce qu'elles sont, actuellement, la mort est attachée à toute vie (sur terre) dont elle est le terme; mais cela ne suggère nullement l'idée que jamais il n'en sera autrement, ou que telle est la loi immuable de toute existence. C'est un fait, à l'heure actuelle, pour certaines raisons qui sont exposées dans ce texte, et qui découlent de certaines circonstances mentales et physiques, mais si celles-ci sont changées, la mort n'est plus inévitable. Il est évident que le changement ne peut venir que "si" certaines conditions sont remplies; tout progrès, tout changement
30. Ces observations portent sur une phrase de la Mère: "En fait, la mort a été attachée à toute vie sur terre." (Entretien du 5 mai 1929, Conversations, édition 1979, p. 43.)
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par évolution repose sur un "si" qui doit être réalisé. Si le mental animal n'avait pas été poussé à élaborer la parole et la raison, l'homme mental n'aurait jamais vu le jour; mais le "si" - un "si" stupéfiant et formidable - a été réalisé. Il en est de même des "si" dont dépend un progrès ultérieur.
La transformation de la conscience est nécessaire et sans elle il ne peut y avoir de siddhi physique. Mais la transformation supramentale complète n'est pas possible si le corps reste ce qu'il est, esclave de la mort, de la maladie, de la dégradation, de la douleur, de l'inconscience et de toutes les autres conséquences de l'ignorance. Si tout cela doit se perpétuer, la descente du supramental n'est guère nécessaire; pour effectuer la transformation de conscience qui entraînerait l'union avec le Divin sur le plan du mental spiritualisé, le surmental suffit; même le Mental supérieur suffit. La descente du supramental est nécessaire pour que la Vérité puisse avoir une action dynamique sur le mental, le vital et le corps. Le résultat final entraînerait la disparition de l'inconscience du corps; il ne serait plus soumis à la dégradation et à la maladie. Cela signifierait qu'il ne serait plus soumis aux processus qui entraînent normalement la mort. Si une transformation du corps devait se faire, elle se produirait par la volonté de celui qui l'habite. Telle serait l'essence de l'immortalité physique, et non une obligation de vivre 3000 ans qui serait, elle aussi, une servitude. Si, cependant, on voulait vivre 1000 ans ou plus, à supposer que l'on ait atteint la siddhi complète, ce ne devrait pas être impossible.
C'est l'argument du Mâyâvâdi31 pour qui toute manifestation
31. "À quoi bon la transformation du physique si après tout, volontairement (si l'on a atteint la conscience de l'immortalité) ou involontairement (dans d'autres cas), on est obligé de quitter le corps?"
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est inutile et irréelle parce qu'elle est temporaire; même la vie des dieux est inutile, puisqu'elle est dans le Temps et non dans l'Intemporel. Mais si la manifestation est d'une utilité quelconque, mieux vaut une manifestation parfaite qu'une manifestation imparfaite. "Être obligé de quitter volontairement le corps" est une contradiction dans les termes. On conserve le corps aussi longtemps que l'on veut, par une volonté illuminée, on le quitte ou on en change selon la même volonté. C'est tout différent d'un corps sans cesse assailli par le désir, la souffrance et la mort provoquée par la décrépitude et la maladie. Toujours à supposer que la manifestation divine - ou toute autre manifestation - en vaille la peine.
Quant au deuxième argument,32 la vie supramentale n'exclut pas le changement et le progrès. Je ne vois pas pourquoi la modification des cellules, à supposer qu'elle se poursuive dans le corps supramentalisé, ôterait toute valeur à la transformation, si cette modification mène à quelque chose d'aussi conscient et lumineux, ou plus.
Immerger la conscience dans le Divin et faire en sorte que l'être psychique maîtrise toute la nature et la transforme sans cesse en la tenant orientée vers le Divin, jusqu'à ce que l'être tout entier puisse vivre dans le Divin, telle est la transformation que nous recherchons. Au-delà, il y a la supramentalisation, mais elle ne fait que porter la transformation à ses possibilités les plus hautes et les plus vastes: elle ne modifie pas sa nature essentielle.
L'immortalité est l'un des résultats possibles de la supramentalisation, mais ce n'est pas un résultat obligatoire et cela ne veut pas dire que ce sera une prolongation éternelle
32. "La matière, en particulier les cellules du corps, subit une modification à chaque seconde, alors quelle peut être, pour le corps, la valeur de la transformation?"
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Quant à la victoire sur la mort, ce n'est que l'une des conséquences de la supramentalisation, et à ma connaissance je n'ai pas renié mes opinions sur la descente supramentale. Mais jamais je n'ai dit ni pensé que par la descente supramentale, tout le monde deviendrait automatiquement immortel. Le supramental peut seulement créer les meilleures conditions possibles pour que tous ceux qui seront capables de s'ouvrir à lui, aussitôt ou par la suite, puissent atteindre la conscience supramentale et en ressentir les effets. Mais il ne dispenserait pas de la nécessité de la sâdhanâ. S'il le faisait, la conséquence logique serait que la terre entière, les hommes, les chiens, les vermisseaux s'éveilleraient soudain pour s'apercevoir qu'ils sont supramentaux. Il n'y aurait nul besoin d'Ashram ni de yoga.
Pourquoi vital? Ce qui est vital, c'est la transformation supramentale de la conscience; la victoire sur la mort est une chose mineure et - je l'ai toujours dit - sa dernière conséquence physique et non le premier de tous ses effets ni le plus important, une chose qui s'ajoutera pour compléter l'ensemble, non la seule chose nécessaire et essentielle. Lui donner la première place, c'est renverser toutes les valeurs spirituelles; cela signifierait que le chercheur est mû non par un objectif spirituel élevé, mais par un attachement vital à la vie, ou par une quête égoïste et craintive de la sécurité du
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Tout dépend certes de ma réussite... Mais est-ce que vous imaginiez qu'elle aurait pour conséquence l'abolition de la mort sur toute la planète, et que la sâdhanâ cesserait d'être une nécessité pour quiconque?
Ce que vous dites à ce sujet est tout à fait exact. La sâdhanâ comporte trois étapes: la transformation psychique, le passage vers les niveaux supérieurs de conscience - accompagné d'une descente de leurs forces conscientes - et le supramental. Dans la dernière, même la maîtrise de la mort est un stade ultime et non initial. Chacune de ces étapes exige beaucoup de temps et un effort élevé et soutenu.
Il est tout à fait oiseux de penser à transformer le corps quand d'autres choses bien plus faciles à faire (quoique, bien entendu, aucune ne soit facile) ne sont pas faites. Le dedans doit changer avant que le dehors puisse suivre. Ainsi, à quoi sert cette concentration, à moins de croire que tout le reste est parfait, ce qui serait plutôt étonnant? Ce qu'il faut commencer par faire avec le corps, c'est l'ouvrir à la Force afin qu'il reçoive l'énergie contraire à la maladie et à la fatigue; quand celles-ci viennent, il faut avoir le pouvoir de réagir et de les rejeter, et garder un courant de force constant dans le corps. Cela fait, le reste de la transformation corporelle peut attendre son heure.
Il est tout à fait vrai que la consécration, et la transformation de l'être tout entier qui en découle, sont le but du yoga; le corps n'est pas exclu, mais cette partie de l'entreprise est aussi la plus difficile et la plus incertaine; le reste, bien que
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ce ne soit pas facile, est comparativement moins difficile à réaliser. On doit commencer par une maîtrise intérieure de la conscience sur le corps, un pouvoir de le faire obéir de plus en plus à la volonté ou à la force qui lui est transmise. À la fin, à mesure qu'une Force de plus en plus haute descend et que le corps acquiert davantage de plasticité, la transformation devient possible.
On ne peut pas parvenir à l'immortalité si l'on est attaché au corps, car c'est seulement en vivant dans la partie immortelle de soi-même, qui ne s'identifie pas au corps, et en faisant descendre sa conscience et sa force dans les cellules, qu'elle peut venir. Je parle évidemment de moyens yoguiques. Les hommes de science soutiennent maintenant qu'il est possible (au moins théoriquement) de découvrir des moyens physiques de vaincre la mort, mais cela reviendrait à prolonger la conscience actuelle dans le corps actuel. À moins que la conscience et les fonctions du corps ne soient transformées, le gain serait bien mince.
Cela dépend de la conscience. Le fait est qu'à présent, la plupart des gens ne se lassent pas de vivre; ils meurent parce qu'ils y sont forcés, et non parce qu'ils le veulent; du moins c'est vrai du vital; seule une minorité d'individus se fatigue de vivre et dans de nombreux cas, c'est parce qu'ils subissent les inconforts de la vieillesse, sont constamment en mauvaise santé et ne sont pas heureux. Supposons qu'une conscience descende dans le corps, qui le débarrasserait de ces inconforts: les gens se lasseraient-ils tout autant de la vie, simplement à cause de sa durée, ou auraient-ils, en eux et en dehors d'eux, une source perpétuelle d'intérêt qui les ferait continuer? C'est la question. Évidemment l'immortalité physique ne signifierait pas que l'on serait ligoté au corps,
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mais que l'on ne serait plus soumis à la maladie et à la mort et que l'on pourrait garder ou quitter son corps à volonté. Je ne sais pas si Ashwatthamân33 vit toujours parce qu'il ne peut pas ou parce qu'il ne veut pas mourir, si c'est pour lui une fatalité ou un privilège. À propos, certains animaux vivent des centaines d'années, mais comme ils n'ont pas une tournure d'esprit philosophique, ils ne se posent pas la question; c'est sans doute pour eux une chose qui va de soi.
Ce que vous dites de la lassitude de vivre est exact. Dans la famille d'Edison, on vivait très vieux, mais son grand-père, devenu centenaire, trouva que c'était trop long et mourut volontairement. Certains individus ont au contraire un vital puissant et ne se lassent pas de vivre, comme ce Turc qui, paraît-il, est mort récemment à l'âge de 150 ans et était cependant toujours avide de vivre.
Il est fondamentalement vrai que chez la plupart des gens le plaisir de vivre, d'exister, l'emporte sur les désagréments de la vie; sinon, pour la plupart, ils voudraient mourir, alors qu'en fait ils veulent tous vivre; et si vous leur proposiez un moyen facile de disparaître à jamais, ils refuseraient sans un mot de remerciement. C'est ce que dit X, et c'est indéniable. Il est vrai aussi que la cause en est l'Ânanda de l'existence qui est derrière toute chose et se reflète dans le plaisir instinctif d'exister. Naturellement, ce plaisir essentiel et instinctif n'est pas l'Ânanda, il n'en est qu'un pâle et faible reflet dans une conscience inférieure de vie, mais il suffit à son but. J'ai dit cela moi-même quelque part et je ne vois rien d'absurde ni d'excessif dans cette affirmation.
33. Ashwatthamân est censé avoir vécu 36 000 ans au bord de la rivière Narmada.
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Certains se dégoûtent du corps en raison de son impureté, mais je dois dire qu'ils sont très rares.
Cette affirmation de Pâtanjali34 postule que le mental est tout; donc si j'ai l'idée que le corps est impur, tous mes sentiments seront en harmonie avec cette idée. Mais ce n'est pas le cas: d'autres parties de l'être ne se soucient pas de l'idée ou de la connaissance du mental et n'en sont pas affectées, mais sont guidées par leurs instincts et leurs désirs. Seuls ceux qui ont déjà une tendance au vaïrâgya peuvent utiliser la proposition de Pâtanjali pour ajouter au vaïrâgya déjà existant. Le médecin, par exemple, considère sa connaissance de la composition du corps comme un ensemble de faits scientifiques qu'il tient là, à l'écart, dans le compartiment scientifique de son mental, et cela n'affecte en rien ses autres idées, ses sentiments ou ses activités.
Par la perfection supramentale, le corps devient conscient, s'emplit de conscience, et comme c'est la Conscience-de-Vérité, toutes ses activités, ses fonctions, etc. deviennent, par le pouvoir de la conscience en lui, harmonieuses, lumineuses, justes et vraies, sans ignorance ni désordre.
La méthode du Hathayoga consiste à introduire une force vitale immense dans le corps et par cette force, ainsi que par certains procédés, à le maintenir vigoureux, en bonne santé: un bon instrument.
C'est un corps lumineux dont parlent les Véda, et que posséderaient les êtres des plans supérieurs. Certaines écoles de yoga, en Orient et en Occident, présument que lors de la dernière transformation qui aura lieu sur terre, l'homme élaborera un corps doté de ces caractéristiques. Le
34. Shaucât swânga-jougoupsâ: "De la propreté naît le dégoût du corps", Yoga-soutra de Pâtanjali, chapitre 2, 40.
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premier instructeur spirituel de Mère l'appelait le "corps glorieux".
J'ai lu la Bible, avec beaucoup d'assiduité à une certaine époque [...] Cette lecture m'apportait toujours un sentiment d'imprécision dans la substance de la pensée, malgré la vivacité de l'expression, et c'est pourquoi il m'est très difficile d'avoir une quelconque certitude en la matière. Ce passage concernant le corps, par exemple: bien que saint Paul ait eu des expériences mystiques remarquables et, sans aucun doute, une connaissance spirituelle profonde - plus profonde que vaste, je crois - je ne jurerais pas qu'il se réfère ici au corps supramentalisé (corps physique). Peut-être s'agit-il du corps supramental ou de quelque autre corps lumineux dans son propre espace et sa propre substance, dont il s'est senti parfois comme enveloppé, et qui abolissait cette enveloppe matérielle qu'il ressentait alors comme un corps de mort. Ce verset - comme bien d'autres - se prête à plusieurs interprétations et concerne peut-être une expérience tout à fait supraphysique. L'idée d'une transformation du corps apparaît dans différentes traditions, mais je n'ai jamais été tout à fait sûr qu'elle signifiait la transformation de notre matière même. Il y avait récemment dans la région un yogi qui enseignait cela, mais il espérait qu'une fois la transformation achevée, il disparaîtrait dans la lumière. Les vishnouïtes parlent d'un corps divin qui remplacera celui-ci quand la siddhi sera atteinte. Mais là aussi, est-ce un corps physique divin ou un corps supraphysique? Rien n'empêche, en même temps, de supposer que toutes ces idées, intuitions, expériences, sans se référer exactement à une transformation physique, vont dans cette direction.
Nombreux sont ceux qui, en spéculant sur ce sujet, ont eu
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l'idée que le corps de l'espèce future sera un corps lumineux (corps glorieux),35 ce qui pourrait signifier radioactif. Mais il faut aussi considérer (1) qu'un corps supramental sera nécessairement un corps où la conscience déterminera jusqu'à l'action et la réaction physiques les plus matérielles, et que celles-ci, par conséquent, ne dépendront pas entièrement de conditions ou de lois matérielles telles qu'elles sont actuellement connues; (2) que le processus subtil sera plus puissant que le processus matériel, de sorte qu'une action subtile d'Agni sera capable d'effectuer ce qui, actuellement, nécessiterait un changement physique comme, par exemple, une élévation de température.
Si la conscience ne peut déterminer l'action et la réaction physiques dans le corps actuel, s'il lui faut une base différente, cela signifie que cette base différente doit être préparée par des moyens différents. Par quels moyens? physiques? Les anciens yogis ont essayé de le faire en pratiquant une tapasyâ physique, d'autres en recherchant l'élixir de longue vie, etc. Selon notre yoga, l'action de la Force et de la conscience supérieures, qui inclut l'action subtile d'Agni, doit ouvrir et préparer le corps et le rendre plus réceptif à la Conscience-Force, alors qu'actuellement il est fixé dans ses habitudes (appelées lois). Mais seule l'action supramentale peut créer une base différente. Et le supramental n'est-il pas seul à pouvoir déterminer sa propre base?
Je ne cherchais nullement à éluder quoi que ce soit; seulement dans la mesure où je ne sais pas encore quelle sera la constitution chimique du corps transformé, je ne pouvais rien répondre à cette question. C'est pourquoi j'ai dit qu'elle nécessitait une recherche.
35. En français dans le texte.
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Je ne faisais qu'exposer mon idée sur la question, qui a toujours été que le supramental créera sa propre base physique. Si vous voulez dire que le supramental ne peut pas s'accomplir dans le corps actuel, tel qu'il fonctionne à présent, c'est vrai. Les processus devront être changés, c'est évident. Dans quelle mesure la constitution du corps sera transformée, et dans quelle direction, c'est une autre affaire. Comme je le disais, et comme vous l'avez suggéré, il peut devenir radioactif; Théon (l'instructeur de Mère en occultisme) en a parlé comme d'un corps lumineux, le corps glorieux.36 Mais cela n'implique pas qu'il sera impossible au supramental d'agir dans le corps actuel pour le transformer. C'est ce que j'envisage maintenant.
Une certaine transformation préliminaire est évidemment nécessaire, tout comme la transformation psychique et spirituelle précède la transformation supramentale. Mais il s'agit là d'un changement de la conscience physique jusqu'en bas, jusqu'à la conscience enfouie dans les cellules, afin que celles-ci puissent répondre aux forces supérieures et les laisser entrer; c'est aussi, dans une certaine mesure, un changement ou du moins une plus grande plasticité dans les fonctionnements. Les règles relatives à la nourriture, etc., ont pour but d'y contribuer, en minimisant les obstacles. Jusqu'à quel point cela entraîne un changement dans la constitution chimique du corps, je ne saurais le dire. Il me semble pourtant que quels que puissent être les changements préparatoires, seule l'action de la Force supramentale peut les consolider et les parachever.
36. En français dans le texte.
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Il n'y a aucune raison que l'on ne puisse pas recevoir par le mental pensant, de même que l'on reçoit par le vital, par l'être émotif et par le corps. Le mental pensant est tout aussi capable de recevoir que les autres parties, et puisqu'il doit être transformé comme le reste, il faut le dresser à recevoir, sans quoi aucune transformation ne pourrait se faire en lui.
C'est l'activité ordinaire, non éclairée, de l'intellect qui fait obstacle à l'expérience spirituelle, de même que l'activité ordinaire non régénérée du vital ou la conscience obscure et stupidement récalcitrante du corps y font obstacle. Parmi les fonctionnements faux de l'intellect, le sâdhak doit être particulièrement en garde contre deux choses: d'abord, l'erreur de prendre les idées et les impressions mentales ou les conclusions intellectuelles pour une réalisation; ensuite, l'agitation purement mentale qui trouble la précision spontanée de l'expérience psychique et spirituelle et ne laisse pas de place à la descente de la vraie connaissance illuminatrice ou bien la déforme dès qu'elle touche le plan mental humain, ou même avant qu'elle ne le touche complètement. Il y a aussi, bien entendu, les vices habituels de l'intellect: son penchant à douter stérilement au lieu de recevoir dans la lumière et de discerner dans un calme éclairé; son arrogance à vouloir juger des choses hors de sa portée, inconnues de lui, trop profondes pour lui, d'après les critères qu'il a tirés de sa propre expérience limitée; ses efforts pour expliquer le supraphysique par le physique ou son insistance à vouloir la preuve des choses supérieures et occultes par les normes de la matière et du mental dans la matière; et bien d'autres défauts encore, trop nombreux pour être énumérés ici. Toujours, l'intellect substitue ses propres représentations, constructions et opinions à la connaissance véritable. Mais si l'intellect s'est soumis, s'il est ouvert, tranquille, réceptif, il
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n'y a aucune raison qu'il ne soit pas un moyen de recevoir la Lumière ou une aide à l'expérience des états spirituels et à la plénitude d'un changement intérieur.1
Il est toujours bon d'avoir un intellect développé, si l'on peut l'illuminer d'en haut et le rendre propre à un usage divin.
Le tourbillon de l'activité mentale (intellectuelle) doit aussi être réduit au silence, de même que l'activité vitale du désir, afin que le calme et la paix puissent être complets. La Connaissance doit venir - mais d'en haut. Dans ce calme, les activités mentales ordinaires de même que les activités vitales ordinaires deviennent des mouvements de surface, et le moi intérieur silencieux n'a pas de relation avec eux. Telle est la libération nécessaire pour que la connaissance véritable et la vraie activité de vie puissent remplacer ou transformer les activités de l'Ignorance.2
Les activités intellectuelles ne relèvent pas de l'être intérieur; l'intellect, c'est le mental extérieur.
L'intellect peut être un obstacle aussi grand que le vital, quand il décide de préférer ses propres constructions à la Vérité.
1. Lumières sur le Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
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L'intellect fait partie du Mental; il est un instrument de demi-vérité, comme le reste du Mental.
Ce que vous dites est parfaitement exact. La faculté de voir la Vérité ne dépend pas de l'intellect, petit ou grand. Il s'agit d'être en contact avec la Vérité, et d'avoir un mental silencieux et tranquille pour la recevoir. Les intellects les plus puissants peuvent commettre les pires erreurs et confondre Vérité et Mensonge, s'ils ne sont pas en contact avec la Vérité ou n'en ont pas l'expérience directe.
L'intellect a pour fonction de raisonner à partir des perceptions du mental et des sens, d'élaborer des conclusions et d'établir entre les choses des relations logiques. Une bonne formation intellectuelle prépare le mental à accéder à une connaissance plus grande, mais le mental est incapable par lui-même de donner la connaissance yoguique ou de connaître le Divin; il ne peut qu'avoir des idées sur le Divin, et avoir des idées n'est pas la connaissance. Au cours de la sâdhanâ, l'intellect doit se transformer et devenir le mental supérieur qui est lui-même une voie d'accès à la vraie connaissance.
L'intellect, chez la plupart des humains, est extrêmement imparfait, mal exercé, à demi développé, et ses conclusions sont par conséquent hâtives, mal fondées et erronées; ou si elles sont justes, c'est plutôt par hasard que par l'effet de ses mérites ou d'un fonctionnement correct. Il parvient à ses conclusions sans connaissance des faits, sans données exactes ou complètes, simplement par une déduction rapide, et le processus par lequel il va des prémisses aux conclusions est
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en général illogique ou fautif; et comme le processus par lequel la conclusion est atteinte n'est pas sûr, la conclusion risque d'être fausse elle aussi. En même temps, l'intellect est d'ordinaire arrogant et présomptueux; il énonce avec assurance ses conclusions imparfaites comme si elles étaient la vérité et qualifie d'erronées, de stupides et de sottes celles qui en diffèrent. Même lorsqu'il est parfaitement entraîné et développé, il ne peut parvenir à une certitude absolue ou à une vérité complète: il ne peut atteindre qu'un seul aspect, un seul côté de la question et formuler une affirmation raisonnable ou probable; mais lorsqu'il n'est pas entraîné, il est un instrument tout à fait déficient, à la fois hâtif et péremptoire, incertain et peu fiable.
Le mental n'enregistre pas les choses telles qu'elles sont, mais telles qu'elles lui apparaissent. Il saisit certaines parties et en omet d'autres; ensuite la mémoire et l'imagination s'entremêlent et en donnent une représentation toute différente.
Ce n'est nullement une faiblesse de la volonté ou une conséquence de la passivité, mais une hâte excessive à prendre une décision sous l'empire d'une impulsion mentale. C'est le mouvement habituel du mental; il résulte parfois d'une certaine sorte de zèle sattwique. Mais parce qu'on se hâte, on ne prend pas suffisamment le temps de considérer l'autre côté des choses, les inconvénients de la décision prise, ou l'objection qui pourrait être élevée à son encontre. La paix est la base, mais elle doit se laisser pénétrer par l'action d'une certaine Lumière d'en haut qui révèle chaque chose dans ses justes proportions par rapport à l'ensemble; car le mental, même dans ses meilleurs moments, est incomplet et généralement partial dans ses
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perceptions, s'il n'est pas guidé par cette Lumière supérieure.
La plupart de ceux qui n'ont pas la connaissance ont tendance à être dogmatiques; ils ont leurs idées et ne veulent pas en changer, ni en troubler la rigidité.
Le problème, c'est que les gens ne se donnent pas la peine de voir si leur intellect leur fournit des pensées justes, des conclusions justes, des vues justes quant aux choses et aux personnes, des indications justes quant à leur conduite ou leur ligne d'action. Ils ont leur idée et la considèrent comme une vérité ou la suivent simplement parce que c'est leur idée. Même lorsqu'ils reconnaissent qu'ils ont commis des erreurs dans le domaine mental, ils n'y attachent pas d'importance et n'essaient pas non plus d'être mentalement plus prudents qu'auparavant. Dans le domaine vital, les gens savent qu'ils ne doivent pas céder sans frein ni contrôle à leurs désirs ou à leurs impulsions, ils savent qu'ils doivent avoir une conscience ou un sens moral qui discerne ce qu'ils peuvent ou doivent faire de ce qu'ils ne peuvent pas ou ne doivent pas faire; dans le domaine de l'intellect, ils ne prennent aucune précaution de ce genre. Les hommes sont censés suivre leur intellect, avoir leurs opinions et affirmer leurs idées, justes ou fausses, sans aucun contrôle; l'intellect est, dit-on, l'outil le plus élevé de l'homme, qui doit penser et agir selon les idées qu'il lui dicte. Mais c'est faux: l'intellect a besoin, tout autant que le vital, d'être guidé, réfréné, maîtrisé par une lumière intérieure. Il y a, au-dessus de l'intellect, quelque chose à découvrir, et l'intellect ne doit être qu'un intermédiaire pour l'action de cette source de vraie Connaissance.
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Pour le mental pensant de l'homme, chaque chose a toujours de nombreux aspects et le mental fonde ses décisions sur son inclination ou ses préférences, ses idées habituelles ou toute autre raison qui se présente à l'intellect comme la meilleure. Il ne reçoit la vraie vérité que lorsqu'un autre élément introduit en lui une lumière plus haute, lorsque le psychique ou l'intuition l'atteint et détermine son sentiment ou sa vision.
Bien des choses ne sont mauvaises que par le regard que l'on porte sur elles. Ce que vous considérez comme normal, d'autres diront que c'est mal; ce que vous croyez mal, d'autres le trouveront tout naturel.
Ce qu'il faut, c'est tout voir dans un calme immuable, à la fois le "bien" et le "mal", comme un mouvement de la Nature à la surface. Mais pour le faire véritablement, sans erreur, sans égoïsme et sans réactions fausses, il faut une conscience, une connaissance qui ne soit pas personnelle et limitée.
Il arrive très souvent que des influences intuitives viennent ainsi et que le mental n'en tienne pas compte. C'est parce que le mental a l'habitude de suivre sa propre méthode, est incapable de reconnaître l'intuition quand elle vient et de s'y fier. Le mental doit apprendre à observer ces phénomènes quand ils se produisent et à leur accorder une valeur, si l'expérience confirme leur vérité.
Dans la sphère de l'Esprit, il n'existe que les Vérités éternelles; là, tout est éternellement soi-même, il n'y a pas d'évolution,
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rien n'est irréalisé, rien n'essaie de s'accomplir. Il n'y a par conséquent rien qui ressemble à des possibilités.
Dans la vie, au contraire, tout est un jeu de possibilités; rien n'est réalisé, tout cherche à se réaliser; ce qui ne cherche pas encore à se réaliser attend, derrière le voile, la possibilité de le faire. Rien n'est réalisé dans sa forme la plus élevée, dans sa vérité ou dans sa plénitude, mais tout est possible. Toutes ces possibilités dérivent des vérités qui sont au-dessus: possibilité de connaissance, possibilité d'amour, possibilité de joie, etc.
L'intellect, la volonté, etc. sont des intermédiaires qui essaient d'amener dans la vie ce qu'ils ont pu saisir des vérités supérieures cachées ou s'efforcent d'élever la vie jusqu'à elles pour que les possibilités de la vie ici-bas deviennent les réalités complètes qui existent déjà là-haut.
L'intellect est constitué d'imaginations, de perceptions, de déductions. La raison pure est tout autre chose, mais rares sont ceux qui savent s'en servir. Quant à la connaissance yoguique, elle vient d'abord du mental supérieur; même celui-ci, toutefois, ne voit pas la Vérité totale, mais seulement certains de ses aspects.
La raison pure s'intéresse aux choses en elles-mêmes: aux idées, aux concepts, à la nature essentielle des choses. Elle vit dans le monde des idées. Elle est par nature philosophique et métaphysique.
Tout dépend du sens que vous attribuez aux mots employés; est une question de terminologie. D'ordinaire on dit d'un homme qu'il a un intellect lorsqu'il sait penser; peu importe
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la nature, le processus et le domaine de sa pensée. Si l'on donne ce sens au mot intellect, on peut dire qu'il y a différents niveaux dans l'intellect, que Ford appartient à un certain niveau de l'intellect et Einstein à un autre; l'intellect de Ford est pratique et tourné vers les affaires, celui d'Einstein est scientifique et porté aux découvertes et aux théories. Mais Ford aussi, dans son domaine, élabore des théories, invente, découvre. Qualifierez-vous cependant Ford d'intellectuel ou de penseur? S'agissant de la faculté générale du mental, je préférerais utiliser le mot intelligence. Ford a une intelligence pratique exceptionnelle et puissante, aiguë, rapide, efficace, dynamique. Son cerveau est capable de manier aussi les idées, mais même là il a tendance à être pragmatique. Il croit à la renaissance (à la métempsycose), par exemple, non pas pour des raisons philosophiques, mais parce qu'elle donne de la vie une explication, en en faisant une école où l'on évolue grâce à l'expérience accumulée. Einstein, au contraire, a un intellect scientifique exceptionnellement apte à la découverte et non, comme Marconi, une puissante intelligence, inventive et pratique, qui trouve des applications aux découvertes scientifiques. Les hommes ont tous, c'est évident, un "intellect" d'un genre ou d'un autre; tous, par exemple, peuvent discuter et débattre (et pour cela, vous le dites à juste titre, l'intellect est nécessaire); mais c'est seulement de l'homme qui s'élève au domaine des idées et s'y meut avec aisance que vous dites: "Cet homme a un intellect." Prenez la parole devant une assemblée de paysans, et vous vous apercevrez, si vous leur en laissez la latitude, qu'ils peuvent vous opposer des arguments et des objections qui laisseront souvent pantois l'orateur parlementaire. Et pourtant nous nous contentons de dire de ces paysans qu'ils ont une grande intelligence pratique.
La faculté - et l'habitude - de discuter et de débattre est. je viens de le dire, commune à l'espèce humaine. C'est peut-être par là que l'homme commence à se distinguer des animaux; car les animaux ont beaucoup d'intelligence, bien
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des animaux et même des insectes ont une certaine faculté rudimentaire de raisonnement pratique, mais à ce que nous en savons, ils ne s'assemblent pas pour confronter leurs idées ou se les jeter à la figure dans un débat3 comme les humains les plus ignorants sont capables de le faire et le font, avec beaucoup d'animation.
Mais cette faculté, bien qu'elle soit commune à l'espèce, est très souvent spécialisée, à tel point qu'un adversaire redoutable dans un débat sur la littérature, la science ou la philosophie pourra cependant se couvrir de ridicule en pataugeant avec bonheur dans un marécage de bévues et d'erreurs s'il discute politique, économie ou, par exemple, spiritualité ou yoga. Il ne trouvera son salut que dans la profondeur béatifique de son ignorance qui l'empêchera de voir quel gâchis il a fait. De même, un orateur peut être pénétrant en matière de droit ou de politique - les deux vont souvent de pair - sans être au demeurant un intellectuel. J'admets qu'un certain intellect logique aide à faire bonne figure dans un débat. Mais après tout, l'objet du débat est de gagner, de placer ses arguments, et cela même si l'argument est faux; le succès, non la vérité, est le but du débat. J'admets donc ce que vous dites, avec quelques réserves.
Je suis d'accord aussi en ce qui concerne les étiquettes; même lorsqu'elles s'appliquent à des personnes peu évoluées, elles ne sont pas satisfaisantes. En réalité, on sélectionne un détail marquant dont on se sert pour étiqueter une personne comme si elle y était tout entière définie. Mais sans cela toute classification est impossible et l'intellect de l'homme est toujours poussé à classer, à établir des distinctions, à séparer à l'aide d'une étiquette. Les philosophes ont fait ressortir que la Science y apporte trop de rigidité et qu'en agissant ainsi, elle crée des divisions fausses dans la vérité de la Nature. Mais si nous ne le faisions pas, la Science n'existerait pas.
3. Sauf peut-être parfois les corbeaux, dans leur parlement! (note de Sri Aurobindo).
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À supposer qu'un intellectuel sera toujours capable de plus d'ampleur et d'élargissement, comment être sûr qu'il égalera un émotif en ferveur, en profondeur, en douceur?
Il est possible que l'homo intellectualis demeure plus vaste, alors que l'homo psychicus sera plus profond par le cœur (même si son mental intérieur s'ouvre).
Ne confondez pas connaissance supérieure et connaissance mentale. L'intellectuel sera capable de donner une expression plus vaste et plus ordonnée que l'homo psychicus à toute connaissance supérieure qu'il recevra; il ne s'ensuit pas, cependant, qu'il en recevra davantage. Il n'y parviendra que si les plans de la connaissance supérieure qu'il atteint ont une largeur, une plasticité et une étendue égales. Dans ce cas, il remplacera sa faculté mentale par une faculté supérieure au mental. Mais pour nombre de prétendus intellectuels, l'intellectualité peut être un écueil, car ils s'enferment dans des conceptions mentales ou étouffent leur feu psychique sous la lourdeur de la pensée rationnelle. J'ai vu, au contraire, des individus relativement peu cultivés exprimer une connaissance supérieure avec une plénitude, une profondeur et une exactitude surprenantes, que les mouvements incertains de leur cerveau n'auraient jamais laissé soupçonner. Pourquoi, par conséquent, fixer mentalement à l'avance ce qui sera possible ou ne le sera pas quand régnera le mental supérieur? Ce que le mental conçoit comme "ce qui doit être" n'est pas forcément la mesure de "ce qui sera". Tel ou tel homo intellectualis pourra se changer en fin de compte en un amant de Dieu plus fervent que le bouillonnant émotif; tel ou tel émotif pourra recevoir et exprimer une connaissance plus vaste que celle que son intellect, ou même que l'intellect de l'intellectuel, aurait pu contenir ou organiser. Ne déterminons pas les phénomènes de la conscience supérieure d'après les possibilités et les probabilités d'un plan inférieur.
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Un mental non intellectuel serait incapable de faire descendre la Connaissance? Et Râmakrishna, alors? Voulez-vous dire que la majorité des sâdhak de l'Ashram, qui n'ont pas étudié la logique et ignorent la philosophie, ne recevront jamais la Connaissance?
Si l'on a la foi et l'ouverture, c'est suffisant. D'ailleurs il y a deux genres de compréhension: la compréhension par l'intellect et la compréhension dans la conscience. Il est bon d'avoir la première, si elle est exacte, mais ce n'est pas indispensable. La compréhension par la conscience apparaît si l'on a la foi et l'ouverture, bien que parfois elle ne vienne que peu à peu, à mesure que l'on gravit les degrés de l'expérience. Mais j'ai vu des gens sans instruction ou sans intellectualité comprendre ainsi à la perfection le déroulement de leur yoga, alors que des intellectuels commettaient de graves erreurs: par exemple ils prenaient la tranquillité neutre du mental pour la paix spirituelle et refusaient d'en sortir pour aller plus loin.
Oui, chez ceux qui ont une tournure d'esprit très intellectuelle, le mental actif peut faire obstacle au mouvement spirituel profond et silencieux. Ensuite, lorsque le mental se transforme en pensée supérieure (intuitive ou surmentale), il devient au contraire une grande force.
Le mental pensant doit apprendre à devenir entièrement silencieux. À cette seule condition la vraie connaissance peut venir.
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C'est bien; la cessation de la pensée et des autres vibrations est l'apogée du silence intérieur. Ce silence une fois obtenu il est plus facile à la vraie connaissance de descendre pour se substituer à la pensée mentale.
Il faut réfréner un peu l'impatience du mental. La connaissance est progressive; si le mental cherche à atteindre d'un bond le sommet, il risque de faire une construction hâtive qu'il sera ensuite obligé de démolir. La connaissance et l'expérience doivent venir par degrés, pas à pas.
Le mental a toujours une certaine hâte à s'emparer rapidement de ce qui se présente à lui comme la Vérité suprême. C'est inévitable, mais plus on aura tranquillisé son mental, moins il déformera les choses.
Cette difficulté est constante dans le mental. Il doit apprendre à rester silencieux et à laisser venir la connaissance, sans essayer de s'en saisir pour jouer avec.
Cette tendance du mental et du vital à vouloir s'emparer de l'expérience est toujours l'un des obstacles majeurs.
On doit laisser à l'expérience tout le temps de se développer ou d'avoir tout son effet. Il ne faut pas l'interrompre, sauf en cas de nécessité ou, bien entendu, si ce n'est pas une bonne expérience.
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Durant l'expérience, le mental doit être tranquille. Quand l'expérience est terminée, il peut redevenir actif. S'il est actif pendant l'expérience, celle-ci peut cesser complètement.
Il ne faut pas penser à une expérience et s'interroger à son sujet pendant son déroulement; par là même elle cesse ou diminue d'intensité. Laissez l'expérience se dérouler entièrement, si elle ressemble en quelque manière à cette "nouvelle force de vie", à la paix, à la Force, ou à autre chose de bénéfique. Lorsqu'elle est terminée, on peut y penser, non quand elle est en cours. Car ces expériences sont spirituelles et non mentales, et le mental doit être tranquille, il ne doit pas s'interposer.
Il y a en vous quelque chose qui tient à son habitude de mentaliser à tout propos. Tant que vous n'aviez pas de véritables expériences, c'était sans importance. Mais maintenant, les vraies expériences ont commencé, et vous devez apprendre à les aborder de la bonne manière.
Vous devez apprendre par expérience. L'information mentale (lorsqu'elle est mal comprise, ce qui est toujours le cas sans expérience) aurait tendance à retarder plutôt qu'à aider. En fait il n'y a pas de connaissance mentale fixe en ce qui concerne ces choses qui varient à l'infini. Vous devez apprendre à dépasser l'appétit d'information mentale et vous ouvrir à la vraie manière de connaître.
Il y a deux centres ou parties de la conscience: l'un est le
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témoin, sâkshî, qui observe; l'autre conscience est active et c'est cette conscience active que vous avez senti descendre, profondément dans l'être vital. Si votre mental n'était pas devenu actif, vous auriez su où il allait, ce qu'il allait y faire ou quelle expérience il allait y chercher. Quand une expérience se produit, vous ne devez pas y penser, car c'est tout à fait inutile et cela ne fait que l'arrêter; vous devez rester silencieux, l'observer et la laisser se dérouler jusqu'à soi terme.
Ce n'était pas de l'imagination, c'était une expérience. Quand une expérience comme celle-ci se produit, essayer de s'en saisir par le mental et de la faire durer peut au contraire l'interrompre. Mieux vaut la laisser se poursuivre d'elle-même; si elle cesse, il est probable qu'elle reviendra.
L'aspiration n'est pas tellement nécessaire durant l'expérience. C'est dans les intervalles qu'elle doit être là.
Quand le mental personnel est silencieux, la Force se charge elle-même de toute action mentale nécessaire et l'accomplit; elle engendre toutes les pensées nécessaires et les transforme peu à peu en y faisant descendre un plan de perception et de connaissance de plus en plus élevé.
Il est parfaitement possible d'exécuter un travail dans un état de vide complet, sans aucune intervention ni aucune activité des parties inférieures de la conscience.
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C'est dans le silence du mental que peut venir l'action la plus vigoureuse et la plus libre, par exemple écrire un livre, composer de la poésie ou prononcer un discours inspiré, etc. Quand le mental est actif, il s'oppose à l'inspiration, y introduit ses petites idées qui se mêlent à l'inspiration, fait surgir quelque chose d'un niveau inférieur, ou simplement fait cesser tout à fait l'inspiration par le bouillonnement de toutes sortes de suggestions purement mentales. De même les intuitions, l'action, etc. viennent plus aisément en l'absence du mouvement inférieur ordinaire du mental. C'est aussi dans le silence du mental que la connaissance peut venir plus facilement du dedans ou d'au-dessus, du psychique ou de la conscience supérieure.
L'absence de pensée est exactement ce qu'il faut, car la vraie conscience intérieure est une conscience silencieuse qui n'a pas besoin de penser, mais reçoit la perception, la compréhension et la connaissance justes d'une manière spontanée, de l'intérieur, et qui parle ou agit selon ce qu'elles lui dictent. C'est la conscience extérieure qui est obligée de dépendre des choses extérieures et d'y penser, parce qu'elle n'a pas cette direction spontanée. Quand on se stabilise dans cette conscience intérieure, on peut certes revenir au comportement antérieur par un effort de volonté, mais le mouvement n'est plus naturel et à la longue il devient fatigant. Pour les rêves, c'est différent. Les rêves relatifs à de vieux souvenirs enfouis viennent du subconscient qui retient les impressions anciennes, les germes des anciens mouvements et des vieilles habitudes, alors que la conscience de veille les a abandonnés depuis longtemps. Abandonnés par la conscience de veille, ils continuent à venir en rêve, car pendant le sommeil la conscience physique extérieure descend dans le subconscient ou vers lui et de nombreux rêves en remontent.
Le silence où tout est calme et où l'on demeure comme
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un témoin, tandis qu'une partie de la conscience adresse uni appel spontané aux choses d'en haut pour qu'elles descendent, est le silence complet qui apparaît lorsque la pleine force de la conscience supérieure règne sur le mental, le vital et le corps.
L'inspiration pure, la conception pure est tout autre chose; elle vient des profondeurs intérieures ou des hauteurs supérieures. Ceci, c'est le mental vital inférieur à l'œuvre, qui fait des formations. Quand règne le calme, toutes sortes de choses peuvent émerger à la surface; il n'y a pas lieu de les accepter, mais simplement de les regarder. En temps opportun le calme se sera assez développé pour apaiser le vital ainsi que le mental extérieur, et dans cette tranquillité complète les vraies perceptions viendront.
Il ne faut pas laisser le mental bouillonner de toutes sortes d'idées et de sentiments, mais demeurer tranquille et apprendre à penser et à sentir uniquement ce qui est vrai et juste.
Le danger des forces mentales, c'est que lorsque la conscience supérieure descend, elles ont tendance (à moins que ne règne un silence profond) à devenir actives dans la conscience pour former des idées d'un genre mental qui risquent toujours d'être mal appliquées. Il devrait y avoir d'abord une base de calme, de paix et de silence complets; la seule activité souhaitable est celle d'une connaissance qui descend et d'un mental qui la reçoit fidèlement. Cela, on peut facilement l'acquérir, pourvu que le mental soit tranquille.
Le danger du vital est qu'il s'approprie l'amour, l'Ânanda,
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le sens de la Beauté, et les utilise à ses propres fins, pour favoriser les relations ou les échanges vitaux avec autrui ou encore, simplement, pour y trouver sa propre jouissance.
En Occident le mental physique est trop prédominant, de sorte que le psychique n'a pas si facilement l'occasion de se manifester, sauf bien sûr chez les individus exceptionnels.
Après tout l'Inde, avec sa mentalité et sa méthode, a fait cent fois plus dans le domaine spirituel que l'Europe avec ses doutes et ses interrogations intellectuelles. Même quand un Européen surmonte ses doutes et ses interrogations, il ne lui est pas facile d'aller aussi vite et aussi loin qu'un Indien doté d'une personnalité aussi forte, parce que son mental est toujours plus agité. Il ne réussit que lorsqu'il dépasse cela, mais pour lui ce n'est pas si facile.
Votre remarque est cependant juste. C'est "naturel, étant donné l'époque" et la mentalité occidentale qui prédomine partout. Il est probablement nécessaire aussi que la difficulté soit affrontée et surmontée avant qu'une réalisation supramentale devienne possible dans la conscience terrestre, car il s'agit de l'attitude du mental physique à l'égard des phénomènes spirituels; et puisque c'est dans le physique que la résistance doit être vaincue avant que l'on puisse dépasser le mental - comme le veut notre yoga - il était indispensable que ces difficultés se présentent avec la plus grande force possible.
Très certainement, le rejet des doutes implique la maîtrise des pensées. Pour le yoga, et aussi en dehors du yoga, la maîtrise de nos pensées est aussi nécessaire que la maîtrise
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de nos passions et de nos désirs vitaux, ou celle des mouvements de notre corps. On ne peut même pas devenir un être mental pleinement développé si l'on ne domine pas ses pensées et si l'on n'est pas leur témoin, leur juge et leur maître, le Pourousha mental, manômaya pourousha, sâkshî anoumantâ, îshwara. Il ne sied pas davantage au mental d'être la balle de tennis de pensées déréglées et immaîtrisables, que d'être un vaisseau sans gouvernail dans l'orage des désirs et des passions, ou un esclave de l'inertie et des impulsions du corps. Je sais que c'est plus difficile, car étant avant tout une créature de la Prakriti mentale, l'homme s'identifie aux mouvements de son mental et ne peut pas subitement se dissocier et se tenir à l'abri des tourbillons et des remous de la tempête mentale. Il lui est relativement facile de maîtriser son corps (du moins une certaine partie de ses mouvements), il est moins facile, mais encore très possible, après une certaine lutte, d'acquérir une maîtrise mentale de ses impulsions et de ses désirs vitaux; mais s'asseoir au-dessus du tourbillon de ses pensées, comme le yogi tantrique sur la rivière, est moins aisé. Néanmoins, cela se peut. Tous les hommes mentalement développés, ceux qui sont au-dessus de la moyenne, doivent d'une façon ou d'une autre, du moins à certains moments de l'existence et à certaines fins, séparer les deux parties de leur mental: la partie active qui est une fabrique de pensées, et la partie calme et maîtresse qui est à la fois Témoin et Volonté, qui observe, juge, rejette, élimine ou accepte les pensées, imposant les corrections et les changements; c'est le Maître dans la maison mentale, capable d'empire sur soi, sâmrâdjya.
Le yogi va encore plus loin. Il est non seulement le maître, mais, tout en étant d'une certaine manière dans le mental, il en sort pour ainsi dire, et se tient au-dessus, ou complètement en arrière, libre. Pour lui, l'image de la fabrique de pensées n'est plus tout à fait valable, car il voit que les pensées viennent du dehors, du Mental universel ou de la Nature universelle, parfois formées et distinctes, parfois
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sans forme, puis elle reçoivent une forme quelque part en nous. La principale occupation de notre mental est de répondre et d'accepter ou de refuser ces ondes de pensée (de même pour les ondes vitales et les ondes d'énergie du physique subtil), ou encore de donner une forme mentale personnelle à cette substance mentale (ou aux mouvements vitaux) venus de la Nature-Force environnante. Je suis très redevable à Lélé de m'avoir montré ce mécanisme: "Asseyez-vous en méditation, me dit-il, mais ne pensez pas, regardez seulement votre mental; vous verrez les pensées entrer dedans; avant qu'elles ne puissent entrer, rejetez-les, et continuez jusqu'à ce que votre mental soit capable de silence complet." Jamais je n'avais entendu dire que les pensées pouvaient entrer visiblement dans le mental en venant du dehors, mais je ne songeai pas à mettre en doute cette vérité ou cette possibilité; simplement, je m'assis et fis comme il m'avait dit. En un instant, mon mental devint silencieux comme l'air immobile au sommet d'une haute montagne, puis je vis une, deux pensées venir du dehors d'une façon tout à fait concrète. Je les rejetai avant qu'elles ne puissent entrer et s'imposer à mon cerveau et en trois jours, j'étais libre. À partir de ce moment, l'être mental en moi devint dans son principe une Intelligence libre, un Mental universel qui n'était plus limité au cercle étroit des pensées personnelles comme un ouvrier dans une usine de pensées, mais était devenu le récepteur d'une connaissance venant des cent royaumes de l'être, libre de choisir ce qu'il voulait dans ce vaste empire de vision et de pensée. Si je raconte cela, c'est dans la seule intention d'insister sur le fait que les possibilités de l'être mental ne sont pas limitées; il peut être le libre Témoin et le Maître dans sa propre maison. Je ne veux pas dire que n'importe qui peut le faire comme je l'ai fait, avec un mouvement décisif aussi rapide (car bien entendu, il a fallu beaucoup de temps, de nombreuses années pour développer jusqu'au bout ce nouveau pouvoir mental sans entraves), mais que la liberté progressive et la maîtrise du mental sont parfaitement dans les moyens de quiconque
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possède la foi et la volonté d'entreprendre cette conquête.4
Votre erreur est de croire que vos pensées vous appartiennent, que vous les fabriquez, et que si vous ne créez pas de pensées (c'est-à-dire si vous ne pensez pas), aucune n'apparaîtra. Si vous observez un peu, vous verrez que vous ne fabriquez pas vos propres pensées, mais plutôt qu'elles se produisent en vous. On naît poète, dit le proverbe, on ne le devient pas; de même les pensées naissent et ne se fabriquent pas. Évidemment il y a une sorte de labeur et d'effort, quand vous essayez de produire ou encore de penser sur un certain sujet, mais c'est une concentration dont le but est de faire émerger les pensées, de les faire entrer ou descendre selon le cas, et de les amener à s'assembler. Croire que c'est vous qui formez les pensées ou les assemblez est une illusion égoïste. Elles le font d'elles-mêmes, ou la Nature s'en charge à votre place, non cependant sans être soumise à une certaine contrainte; vous devez la fustiger souvent pour qu'elle le fasse, et les coups ne sont pas toujours efficaces. Mais le mental, la nature ou l'énergie mentale (appelez cela comme vous voudrez) le fait, d'une certaine manière, et poursuit un certain ordre de pensées, d'intellectuelleries (pardon pour le barbarisme) ou d'âneries fortuites, d'intellectualités rigoureusement ou imparfaitement ordonnées, de séquences et d'inconséquences logiques, etc., etc. Comment une intuition pourrait-elle pénétrer au sein de cette joyeuse cohue? Elle y parvient quelquefois; il arrive souvent que des intuitions pénètrent chez certains, mais aussitôt les pensées ordinaires les entourent et les dévorent toutes crues, et toutes souriantes de voir luire, à travers leur estomac nonintuitif, un fragment de l'intuition qu'elles ont assassinée, elles vous regardent et disent: "Je suis une intuition. Monsieur." Mais
4. Cette lettre figure en partie dans Les Bases du Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère pour les parties concernées.
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ce n'est rien que de l'intellect, une intelligence ou une pensée ordinaire qui contient une parcelle de l'intuition démembrée, et par conséquent trompeuse. Or dans un mental vide - vide mais non pas inerte, c'est important - les intuitions ont quelque chance de pénétrer vivantes et entières. Mais ne vous hâtez pas d'en déduire que tout ce qui vient dans un mental vide sera intuitif; n'importe quoi, n'importe quelle sorte d'idée folle peut entrer. Il faut être vigilant et examiner les lettres de créance du visiteur. En d'autres termes, l'être mental doit être présent, silencieux mais vigilant, impartial mais plein de discernement. Cela, cependant, quand vous êtes en quête de la vérité. Pour la poésie, il n'est pas nécessaire d'aller si loin. Seule la qualité poétique du visiteur doit alors être inspectée, ce que l'on peut faire lorsqu'il a déposé son paquet, au vu des résultats.
C'est ainsi que les choses viennent, mais on n'y fait pas attention. Les pensées, les idées, les belles inventions, etc. sont toujours à vagabonder (en ondes de pensée ou autrement) à la recherche d'un mental qui puisse leur donner corps. Un mental s'en saisit, les regarde, les rejette; un autre les prend, les examine et les accepte. Deux intellects différents attrapent la même forme ou onde de pensée, mais comme les activités mentales sont différentes, ils en tirent des résultats différents. Ou cette forme, cette onde de pensée vient à quelqu'un qui n'en fait rien; alors elle s'éloigne en disant: "Comme cet animal est mal préparé!" et s'en va vers un autre qui l'accueille à bras ouverts; elle s'installe et s'exprime en lui dans le joyeux bouillonnement de l'inspiration, de l'illumination ou de l'enthousiasme d'une création ou d'une découverte originale, et le bénéficiaire s'écrie avec orgueil: "Voilà ce que j'ai fait, moi!" L'ego, Monsieur, l'ego! Vous êtes ce qui reçoit la pensée et la met en forme, si vous voulez, mais rien de plus.
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Tout d'abord ces ondes de pensée, ces germes ou formes de pensée - appelez-les comme vous voulez - ont des valeurs différentes et viennent de différents plans de conscience. La même substance de pensée peut revêtir des vibrations supérieures ou inférieures selon le plan de conscience que les pensées traversent pour pénétrer en vous (par exemple: mental pensant, mental vital, mental physique, mental subconscient) ou selon le pouvoir de conscience qui s'en empare pour les pousser vers un individu ou un autre. De plus, chacun a sa substance mentale et la pensée qui y pénètre l'utilise pour se donner une forme ou se traduire (se transcrire, disons-nous en général), mais la substance peut être plus ou moins fine ou grossière, plus ou moins forte ou faible, etc., etc., dans un mental que dans un autre. Il y a aussi en chacun une énergie mentale, présente ou potentielle, qui est différente, et cette énergie mentale, dans sa manière de recevoir la pensée, peut être lumineuse ou obscure, sattwique, radjasique ou tamasique, et les conséquences varient dans chaque cas.
Les idées du Mental universel prennent une forme verbale dans le mental, quand elles y pénètrent, à moins qu'elles ne proviennent de certains êtres et ne soient pas de simples idées-forces.
Psychologiquement c'est faux. Il est très possible de penser sans mots. Les enfants ont des pensées, les animaux aussi - des pensées qui peuvent prendre une forme autre que les mots. D'abord on perçoit les pensées; puis le langage apparaît pour exprimer ces perceptions et entraîne lui-même de nouvelles pensées.
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La connaissance mentale est de peu d'utilité, sauf parfois pour servir d'introduction à la vraie connaissance qui vient d'une conscience directe des choses.
Recevoir la connaissance d'en haut et la recevoir par la seule faculté du mental, est-ce la même chose? Si le mental en est capable, la connaissance supérieure est inutile; il peut recevoir la connaissance par l'effet de sa propre grandeur.
Ce n'est pas la connaissance mentale qui est nécessaire, mais une perception psychique ou une perception directe dans la conscience. La connaissance mentale risque toujours d'être aveuglée par les stratagèmes du vital.
[Une plus grande perfection dans la connaissance] ne peut venir que par un développement plus poussé et par l'action d'un autre genre de connaissance qui se communique au physique et se charge peu à peu des fonctions du mental dans toutes ses parties.
La connaissance vaut toujours mieux que l'ignorance. Par elle les possibilités se réalisent à la longue, sinon immédiatement, alors que l'ignorance a une action obstructrice et trompeuse.
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Il y a différentes sortes de connaissance. L'une d'entre elles est l'inspiration, c'est-à-dire quelque chose qui sort des plans de la connaissance comme un éclair et ouvre le mental à la Vérité en un instant. C'est cela, l'inspiration. Elle se formule aisément en mots, par exemple lorsqu'un poète parle, comme on dit, d'inspiration.
L'idée ne suffit pas. Elle ne donne qu'une lumière partielle; vous devez accéder à la Vérité tout entière qui se trouve à la fois derrière l'idée et derrière l'objet. Être, conscience, force, tel est le triple secret.
L'idée contient un pouvoir, une force dont l'idée est une forme. Derrière l'idée, la forme, le mot, il y a encore ce qu'on appelle l'esprit, une conscience qui engendre la force.
Toute conscience vient de la Conscience unique; la Connaissance est l'un des aspects de la Conscience divine.
La connaissance spirituelle est l'expérience consciente de la Vérité vue, sentie, vécue au-dedans; elle est aussi une perception spirituelle (plus directe et plus concrète que la perception intellectuelle) de la vraie signification des choses, qui peut s'exprimer par la pensée et la parole, mais en est elle-même indépendante.
Je parlais de vos expériences de la conscience supérieure,
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lorsque vous voyiez la Mère en toutes choses; c'est ce que l'on appelle des réalisations spirituelles, la connaissance spirituelle. Les réalisations sont l'essence de la connaissance; les pensées qui concernent ces réalisations, leur expression en paroles sont une connaissance inférieure et si les pensées ne sont que mentales, sans expérience ni réalisation, "Ils ne sont nullement considérées comme Jnâna au sens spirituel.
Le mental, dans sa partie supérieure, est conscient de son unité avec le Divin de toutes les manières et en toutes choses; comme il a cette connaissance suprême, il n'est pas troublé par l'ignorance et l'incapacité de ses instruments inférieurs; il les contemple avec un sourire et demeure heureux, illuminé de la lumière de la connaissance suprême.
La conscience de l'union avec le Divin est, pour le chercheur spirituel, la suprême connaissance.
Oui, c'est ainsi que cela se passe. Un simple contact de la réalisation suffit à faire couler la connaissance du mental supérieur ou la connaissance du mental illuminé.
Il ne faut pas permettre à des questions de ce genre de faire cesser le flot [de la connaissance supérieure]. Plus tard, on peut les examiner et recevoir la réponse. La connaissance qui vient n'est pas forcément complète ou parfaite dans son expression; mais on doit la laisser venir librement; plus tard, on peut l'amplifier ou la rectifier.
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Rien n'est constant au début, pas plus la connaissance que le reste, et même quand elle est là on ne peut s'attendre à ce qu'elle soit toujours active. Cela vient plus tard.
Ce qu'il faut écarter, c'est l'ego. La connaissance restera forcément limitée tant que l'immensité d'en haut n'aura pas atteint sa pleine extension; c'est sans importance.
Votre mental est trop actif. S'il était plus tranquille, posait moins de questions, discutait moins et ne s'agitait pas sans cesse pour essayer de trouver des procédés, il me semble que la connaissance aurait davantage de chances de descendre et la conscience intuitive (non intellectuelle) de se développer en vous.
Tant que le mental extérieur n'est pas tranquille, il est impossible à l'intuition de se développer. Si donc vous voulez continuer à poser des questions intellectuelles sur ce qui dépasse l'intellect, en attendant que l'intuition se développe en dépit de cette activité, vous n'en finirez jamais.
C'est le mental physique qui soulève toutes ces questions et ne peut pas comprendre ni donner la bonne réponse. La vraie connaissance et la vraie compréhension ne pourront venir que si vous cessez de poser des questions avec le petit mental physique, et que vous laissez une conscience plus profonde et plus vaste, qui est là en vous, sortir et se développer. Alors vous pourrez recevoir automatiquement la vraie réponse et la direction véritable. Votre erreur vient
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de l'importance exagérée que vous attachez au mental extérieur, à ses idées et à ses perceptions, au lieu de vous concentrer sur la croissance de la conscience intérieure.
On peut poser mille questions à propos de n'importe quoi, mais y répondre exigerait un volume, et même alors le mental ne comprendrait rien. C'est seulement par une croissance de la conscience elle-même que l'on peut recevoir une certaine perception directe des choses. Mais pour cela, le mental doit être tranquille et un sentiment direct, une intuition directe prendre sa place.
Quand vous atteindrez le vrai plan de l'intuition, les instructions ou les questions sur la manière de faire la sâdhanâ deviendront inutiles. La sâdhanâ se fera d'elle-même à la lumière de l'intuition.
Il en est toujours ainsi. Ce que l'on dit de la sâdhanâ - ou n'importe quelle vérité réelle - prend toujours davantage de signification à mesure que grandissent la conscience et l'expérience. C'est pourquoi lorsqu'on élève son niveau de conscience, la vérité vue auparavant dans le mental devient toujours nouvelle, plus vaste et plus profonde.
La seule chose à faire est de toujours laisser agir la Paix et le Pouvoir, et de ne pas laisser le mental courir après toutes sortes de choses et se troubler. Les valeurs du mental sont toutes des constructions de l'ignorance; c'est seulement quand votre être psychique vient au premier plan que vous
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avez la vraie connaissance, car votre être psychique sait.
Oui, c'est bien cela. Le mental ordinaire gouverné par les désirs vitaux et par ses propres formations ne peut pas comprendre; il doit se tranquilliser et laisser agir la Paix et la Force pour qu'elles fassent apparaître une autre conscience qui contient la vraie Lumière. Quand ce sera fait, ces interrogations et les réactions qu'elles engendrent n'auront plus de raison d'être.
Vous n'avez qu'à laisser la conscience se développer; au début il y aura des erreurs tout autant que des idées vraies, mais quand elle aura suffisamment grandi et que la force et la connaissance de la Mère agiront directement en vous, tout deviendra de plus en plus juste; de surcroît, vous aurez la certitude. Pour le moment, le rôle de l'ancien mental physique est encore trop grand pour que les perceptions soient toujours justes. A mesure que la Paix et la Force prendront directement et complètement possession de la conscience physique, tout cela changera et la conscience se développera avec plus d'assurance et dans une plus grande lumière.
Retrouvez le vrai sentiment de Force et de Paix; la compréhension grandira en même temps que ce sentiment et cette expérience. Car la Force et la Paix s'accompagnent toujours d'une certaine Lumière, et c'est cette Lumière qui, en éclairant le mental, apporte la compréhension. Tant que vous essaierez de comprendre avec le mental non illuminé, les erreurs et l'incompréhension seront inévitables.
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Il est dans la nature du mental physique de ne rien croire ou de ne rien accepter qui soit supraphysique, à moins qu'il ne soit illuminé et n'y soit contraint par la lumière. Ne vous identifiez pas à ce mental, ne le considérez pas comme vous-même, mais seulement comme un obscur fonctionnement de la Nature. Appelez la lumière pour qu'elle descende en lui jusqu'à ce qu'il soit obligé de croire.
Oui, le mental physique raisonne, mais principalement sur la base de données extérieures: sur les choses telles qu'elles apparaissent au mental extérieur et aux sens, sur les idées ordinaires auxquelles il est accoutumé, ou sur une connaissance purement extérieure.
Le mental physique est l'instrument de la compréhension et de l'action ordonnée dans le domaine physique. Seulement au lieu d'être obscur, ignorant et maladroit, tel qu'il est maintenant, ou encore guidé seulement par une connaissance extérieure, il doit devenir conscient du Divin et agir selon une lumière, une volonté et une connaissance intérieures, en établissant un contact avec le monde physique et en s'unissant à lui dans la compréhension.
Cela veut dire que le mental physique extérieur recèle une certaine obscurité qui empêche la connaissance d'émerger. Cette obscurité est universelle dans le mental physique extérieur; vous la ressentez davantage maintenant, parce qu'en ce moment l'opposition se concentre dans la conscience physique. Elle disparaîtra dès que la Force pourra descendre,
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en passant par le mental et le vital, pour agir directement sur la nature physique.
Ce que vous avez senti, c'était l'obscurité du mental physique extérieur et de la nature physique extérieure (le centre de la gorge est le centre de ce mental extériorisant). Tant qu'elle persiste, la nature et l'action extérieures restent telles qu'elles ont toujours été et aucune communication ne peut s'établir entre elles et la conscience et l'expérience spirituelles intérieures. Cet état ne peut pas disparaître par une expérience isolée; il y faut une volonté persévérante de changement.
Ce que vous dites est tout à fait vrai. Aucun effort personnel ne peut faire que ces choses s'accomplissent; c'est pourquoi nous vous disons toujours de conserver votre tranquillité et de laisser agir la paix et la force. Pour ce qui est de comprendre, c'est votre mental physique qui veut comprendre, mais le mental physique est incapable de comprendre ces choses par lui-même; car il n'en a aucune connaissance et ne possède aucun moyen de connaissance. Ses normes sont aussi très différentes des normes de la vraie connaissance. Tout ce que le mental physique peut faire, c'est rester tranquille, laisser la lumière le pénétrer, et l'accepter sans lui opposer ses propres idées; alors il recevra peu à peu la connaissance. Il est incapable de la recevoir par l'effort personnel, il doit se soumettre.
Le mental physique extérieur a pour fonction d'agir sur le objets extérieurs; c'est pourquoi il veut sans cesse s'en occuper. Il doit apprendre à rester tranquille et à n'entrer en action que lorsque la Volonté veut l'utiliser, quand c'est
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vraiment nécessaire, et aussi à n'exercer cette action que sur les objets dont la Volonté veut s'occuper, et non courir ça et là au hasard. Quand il se tranquillise, il peut s'intérioriser, entrer en contact avec la conscience physique intérieure et s'unir à elle. L'élargissement et la paix, à mesure qu'ils se développent, peuvent grandement contribuer à calmer le mental physique et à lui faire découvrir la source intérieure d'une action plus profonde.
Ce que vous venez de voir, et que vous décrivez dans votre lettre, est l'activité normale du mental physique qui est plein de pensées habituelles, ordinaires et répétitives, et qui est sans cesse préoccupé par des objets et des activités extérieurs. Auparavant vous étiez troublé par le mental vital qui est très différent, car il est sans cesse absorbé par des émotions, des passions, des désirs, des réactions de toutes sortes aux contacts de la vie et à la conduite des autres. Le mental physique, lui aussi, peut y réagir, mais d'une manière différente; sa nature est faite moins de désirs que d'habitudes, de petits intérêts, de petits chagrins, de petits plaisirs ordinaires. Si l'on essaie de le maîtriser ou de le refouler, il redouble d'activité.
Dans vos rapports avec ce mental, deux choses sont nécessaires: (1) non pas tant essayer de le maîtriser, de le combattre ou de le réprimer que s'en écarter: on le regarde, on voit ce qu'il est, mais on refuse d'obéir à ses pensées ou de s'agiter parmi les objets qu'il poursuit, en se tenant à l'arrière-plan du mental, tranquille et détaché; (2) pratiquer la quiétude et la concentration dans cet état de séparation, jusqu'à ce que l'habitude de la tranquillité s'empare du mental physique et se substitue à l'habitude de ces petites activités. Cela prend évidemment du temps et ne peut venir que par la pratique. Ce que vous vous proposez de faire est donc juste.
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Détachez-vous du mouvement habituel des pensées, placez votre mental en dehors de lui, faites-en quelque chose que vous pouvez observer comme vous regardez ce qui se passe dans la rue. Tant qu'on ne le fait pas, il est difficile de devenir le maître du mental.
Tout à fait exact. Mais c'est une expérience banale. C'est extraordinaire ce qu'il faut de temps au mental physique pour voir enfin la chose toute simple à faire.
Le psychique peut avoir une très grande influence sur le mental physique en lui montrant l'attitude juste et la juste manière de considérer les choses; le mental physique en vient ainsi à soutenir l'être émotionnel dans son aspiration, son amour et sa soumission, il commence à s'intéresser à la vérité intérieure des choses, à croire en elle et à la percevoir, au lieu de ne voir que leurs aspects extérieurs et de se fier à des déductions et à des apparences fausses. Le psychique l'aide aussi à se débarrasser de l'étroitesse et du doute qui sont ses défauts majeurs.
Le psychique, s'il s'empare du mental physique et du physique vital, peut transformer de fond en comble leur volonté, leur point de vue et leur orientation, et les ouvrir à la vraie perception des choses et à l'impulsion juste. Le mental et le vital supérieur peuvent grandement y contribuer.
Quand le mental physique est troublé par le vital, il n'est pas facile à convaincre, parce que son raisonnement lui est
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fourni par le vital qui pense selon ses propres désirs et ses propres sentiments - à moins qu'une grande clarté venant du psychique ou du mental pensant, qui se trouve au-dessus, ne vienne à la rescousse.
C'est la conscience psychique qui soutient certains de ceux dont vous parlez et leur facilite le progrès par la foi; sans être parfaite, cette conscience psychique est néanmoins bien développée en eux, mais elle n'a évolué qu'après bien des difficultés vitales; il n'y a pas de raison qu'un développement de ce genre ne se produise pas rapidement en vous aussi.
[Le mental physique est transmué par l'intuition] lorsqu'au lieu de voir les choses telles qu'elles apparaissent au mental et aux sens extérieurs, on commence à voir ce qui les concerne avec un mental physique et un sens plus subtils, c'est-à-dire à voir intuitivement ce qu'il faut faire, comment le faire, ce que veut l'objet (même s'il s'agit d'objets prétendus inanimés) ou ce dont il a besoin, ce qui risque d'arriver (ou parfois, arrivera certainement), quelles forces sont à l'œuvre dans le plan physique, etc., etc. Même le corps peut devenir conscient de cette manière, par l'intuition, et sentir, sans que le mental le lui dise, ce qu'il doit faire, ce qu'il doit éviter, ce qui est proche de lui ou s'en approche (même sans qu'il le voie), etc., etc.
Certainement. [Le mental physique transformé] peut imposer [au physique vital] l'attitude et le sentiment justes, rendre plus difficile la pénétration des suggestions et des impulsions fausses, et donner leur pleine force aux mouvements vrais. Cette action du mental physique est indispensable à la transformation de la conscience physique dans sa totalité, jusqu'au niveau le plus matériel; à cette fin, cependant, il est indispensable que la lumière pénètre dans le subconscient.
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Pour qui veut pratiquer la sâdhanâ, la sâdhanâ doit passer avant tout le reste: la lecture et le développement mental ne peuvent être que secondaires.
Un mental développé peut être ou ne pas être une aide dans la sâdhanâ; si le développement intellectuel du mental s'est poursuivi dans une direction trop rationnelle, il peut être gênant.
Je ne vois pas en quoi le travail mental contribue à la sâdhanâ et je ne comprends pas très bien ce que cela veut dire. Le fait est que l'on peut faire du travail mental, comme du travail physique, une partie de la sâdhanâ, mais il ne peut rivaliser avec elle ni être une activité séparée qui aurait les mêmes prérogatives, tout en étant moins égoïste et moins égocentrique, que la recherche du Divin.
Il est évident que la poésie ne peut pas remplacer la sâdhanâ; elle ne peut que l'accompagner. S'il existe un sentiment (de dévotion, de consécration, etc.), elle peut l'exprimer et l'affermir; si une expérience se produit, elle peut en exprimer et en accroître la force. La lecture des Oupanishads, de la Guîtâ ou d'ouvrages similaires, le chant dévotionnel, peuvent apporter une aide, en particulier à certains stades; il en est de même de la poésie. Elle ouvre aussi un passage entre la conscience extérieure et le mental ou le vital intérieur. Mais si l'on s'en tient là, on n'a pas gagné grand-chose. La sâdhanâ doit être l'essentiel, et la sâdhanâ, c'est la purification de la nature, la consécration de l'être, l'ouverture du psychique, du mental et du vital intérieurs, le contact
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et la présence du Divin, la réalisation du Divin en toutes choses, la soumission, la dévotion, l'élargissement de la conscience en la Conscience cosmique, le Moi un en tous, la transformation psychique et spirituelle de la nature. Si l'on néglige tout cela pour ne s'occuper que de poésie, de culture mentale et de relations mondaines, alors ce n'est pas de la sâdhanâ. Il faut aussi que la poésie soit composée dans l'esprit vrai, non pour acquérir la notoriété ou pour sa satisfaction personnelle, mais en vue d'entrer en contact avec le Divin par l'inspiration, ou de laisser son propre être intérieur s'exprimer, comme le faisaient en Inde les poètes d'autrefois qui nous ont légué tant de poésie dévotionnelle et spirituelle; si l'on écrit la poésie dans le même esprit que les artistes ou les littérateurs d'Occident, elle n'est d'aucune aide. Même les œuvres ou la méditation ne peuvent aboutir à moins d'être accomplies dans un juste esprit de consécration et d'aspiration spirituelle qui rassemble l'être tout entier et domine tout le reste. Ne pas rassembler ainsi toute la vie et toute la nature en les orientant vers le but unique, c'est là le défaut - très répandu ici - qui rabaisse l'atmosphère et s'oppose à ce que nous faisons, la Mère et moi.
L'étude ne saurait avoir autant d'importance ou plus d'importance que la sâdhanâ.
Si un sâdhak a le pouvoir de méditer longtemps, naturellement il le fera et aura peu de goût pour la lecture, à moins qu'il n'ait atteint le stade où tout fait partie de la conscience yoguique parce qu'elle est permanente. Le but du sâdhak est la sâdhanâ, non le développement mental. Mais s'il a du temps de reste, celui qui a une personnalité mentale le consacrera naturellement à la lecture ou à une étude d'un genre ou d'un autre.
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Le dhyâna et le travail sont tous deux une aide dans notre yoga, pour ceux qui sont capables de faire les deux. La lecture aussi peut devenir une aide.
Il devrait vous être possible de consacrer chaque jour une demi-heure à la méditation, ne serait-ce que pour donner à la conscience une habitude de se concentrer qui l'aidera d'abord à moins s'extérioriser dans le travail, et en second lieu à cultiver une tendance à la réceptivité qui portera ses fruits jusque dans le travail.
Oui, la lecture peut être pratiquée comme une partie de la sâdhanâ, pour améliorer l'instrument mental.
Au début de la sâdhanâ, on n'a besoin de rien de plus que ce que vous dites: "la concentration dans la foi, la dévotion et la sincérité", sur une forme de l'Être divin; vous pouvez y ajouter la prière ou la répétition du nom, si vous le désirez.
Lire de bons livres peut être une aide quand on en est encore au stade mental: cela prépare le mental, le met dans la bonne atmosphère; à celui qui est doté d'une grande sensibilité, cela peut même donner certains aperçus de la réalisation sur le plan mental. L'utilité de la lecture diminue par la suite; il vous faut trouver toute la connaissance et toutes les expériences en vous-même.
Ce mouvement est tout à fait normal. En lisant ces livres, vous entrez en contact avec la Force qui est derrière eux, et c'est ce qui vous pousse à méditer et à avoir l'expérience correspondante.
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Oui, si l'on a beaucoup pensé à un certain genre de réalisation et que l'on en a profondément absorbé l'idée, il est naturel que l'expérience spirituelle correspondante soit l'une des premières à venir.
Votre objection portait sur l'étude des langues, en particulier du français, parce que vous la trouvez incompatible avec la paix et le silence, du fait qu'elle entraîne une activité. Le mental, lorsqu'il n'est pas en méditation ou dans un silence complet, est toujours actif, pris par une chose ou une autre: ses idées, ses désirs, d'autres personnes, des objets, une conversation, etc. Ce sont là des activités, pas moins que l'étude des langues. Maintenant, vous changez vos batteries et vous dites que votre objection vient de ce qu'en raison de leurs études, ils n'ont pas le temps de méditer. C'est absurde, car si les gens veulent méditer, ils établiront leurs horaires d'étude en conséquence; s'ils ne veulent pas méditer, la raison doit être ailleurs, non dans l'étude, et s'ils n'étudient pas, ils ne feront que continuer à penser à des "futilités". Ce n'est pas par manque de temps qu'ils ne méditent pas, ni sous la pression de l'étude.
L'étude et le silence intérieur, c'est très bien, mais cela ne développe qu'une partie de l'être; le silence intérieur peut aussi servir de support à un travail et à une vie plus vastes.
La lecture ne permet pas de s'intérioriser réellement: elle vous transporte seulement de la partie la plus physique de la conscience extérieure à la partie la plus mentale.
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Un temps doit venir où la lecture ou toute autre activité extérieure ne s'oppose plus à la pression ou à l'activité de la conscience supérieure.
La lecture doit apprendre à s'accommoder de la pression; c'est-à-dire qu'on doit lire avec le mental extérieur, alors que l'être intérieur reste concentré.
C'est bien. La lecture ne doit pas absorber la conscience; la plus grande partie de la conscience doit se tenir détachée à l'arrière-plan, consciente d'une manière plus large.
Vous pouvez, en commençant, vous souvenir du Divin et lui offrir votre lecture, et faire de même à la fin. Dans un certain état de la conscience, une partie seulement poursuit sa lecture ou effectue son travail, tandis qu'à l'arrière-plan, la conscience du Divin demeure en permanence.
C'est ce qui arrive quand la passion pour la lecture ou pour l'étude s'empare du mental. On veut y consacrer tout son temps. C'est une force qui cherche à se satisfaire - comme les autres forces - et s'empare de la conscience pour l'utiliser à ses propres fins. Il faut se servir de ces forces sans leur permettre de s'emparer de vous; pour cela, l'être central doit toujours garder le contrôle des forces de la Nature qui entrent en contact avec lui, en choisissant lui-même ce qu'il acceptera d'elles, comment il les utilisera, comment il organisera leur action. Sinon, chaque Force se saisit d'une partie de la personnalité (l'étudiant, l'homme du monde, l'amant,
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le combattant), utilise l'être et en prend la direction, au lieu d'être maîtrisée et utilisée par lui.
Les mouvements que vous décrivez ne vous sont pas particuliers, ils reflètent la tendance naturelle du mental vital et prennent des formes similaires chez la plupart des gens. Dans la sâdhanâ, ce mental doit être tranquillisé comme le reste et son énergie doit être maîtrisée, transformée et utilisée comme il convient; mais cela prend du temps et ne se fait que par l'élargissement de la conscience. La pression exercée par ces mouvements est trop normale pour que l'on y trouve une bonne raison de se décourager.
Je ne crois pas que vous devriez cesser de lire tant que la passion de la lecture ne se sera pas détachée de votre mental; ce détachement se produit lorsqu'un ordre supérieur de conscience et d'expérience commence à s'établir dans l'être. Il n'est pas bon non plus de trop vous forcer à n'avoir d'autre activité que la peinture. Imposer au mental ou au vital une contrainte de ce genre se solde d'ordinaire par un échec et les rend plus agités qu'ils n'étaient, ou tend à créer une sorte de molle inertie.
Quant au travail, aspirez tout simplement à ce que la Force vous utilise, mettez-vous intérieurement en relation avec la Mère lorsque vous travaillez, et donnez-vous pour but d'être son instrument pour exprimer la beauté, sans vous soucier de votre notoriété personnelle ni des louanges et des critiques des autres.
Le fait même d'écrire sur des sujets ordinaires tend à extérioriser l'être, à moins que l'on ne se soit habitué à écrire (quel que soit le sujet) dans une conscience intérieure détachée, indifférente à l'activité de la conscience extérieure.
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Exécuter un travail mental tout en pratiquant la sâdhanâ n'est pas si facile, car c'est avec le mental que l'on pratique la sâdhanâ. Si l'on se retire à la fois du mental et du corps, et que l'on vit dans la conscience intérieure du Pourousha, c'est possible.
Le seul moyen est de séparer la Prakriti du Pourousha. Lorsque vous sentez, au-dedans, quelque chose qui observe toutes les activités mentales, mais en reste séparé, comme vous regarderiez ce qui se passe dans la rue, alors le Pourousha est séparé de la Prakriti mentale.
Cela signifie simplement que vous n'êtes pas capable de vous séparer de votre conscience mentale lorsqu'elle est active. Naturellement, si vous séparez votre conscience mentale de la lecture, vous ne pouvez pas comprendre ce que vous lisez, puisque c'est avec la conscience mentale que l'on comprend. Vous ne devez pas séparer la conscience mentale de la lecture, mais vous séparer vous-même de la conscience mentale. Vous devez être le Témoin qui la regarde lire, écrire ou parler, tout comme vous regardez votre corps agir ou bouger.
Je n'ai aucune objection à ce qu'il continue ses études; qu'elles soient utiles ou non à une vie de sâdhanâ dépend de l'esprit dans lequel il les fait. Ce qui est vraiment important, c'est d'élaborer un état de conscience où l'on peut vivre dans le Divin et, de là, agir sur le monde physique. La discipline et l'éducation mentales, la connaissance des hommes et des choses, la culture, les capacités utilitaires sont une préparation
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dont le sâdhak ne peut que se féliciter, bien qu'elles ne soient pas la seule chose indispensable. L'enseignement, dans l'Inde, donne bien peu de tout cela, mais si l'on sait étudier sans trop se soucier de la forme et des réussites purement académiques, la vie de l'étudiant peut être utile à la sâdhanâ.5
Il n'y a aucune raison que X ne termine pas ses études, ou qu'il n'apprenne pas quelque chose qui lui permettra de se rendre utile dans la vie. L'inutilité n'est pas une qualification pour le yoga.
Être ignorant des choses de ce monde n'aide pas à acquérir la connaissance spirituelle.
Je ne puis vous donner une réponse plus précise. L'étude n'est importante que si l'on étudie de la bonne manière, et si l'on est doué pour l'acquisition de la connaissance et la discipline mentale.
La lecture et l'étude ne sont utiles que pour s'informer et élargir ses connaissances. Mais elles ne mènent à rien si l'on est incapable de discerner, de discriminer, de juger, de voir ce qui est dans les faits et derrière eux.
Non, pas nécessairement. L'étude de la logique est un
5. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
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entraînement théorique; on y apprend quelques règles pour penser logiquement. Mais la manière de les appliquer dépend de votre intelligence. Dans tous les domaines de la connaissance et de l'action, on peut être un bon théoricien mais un piètre exécutant. Un excellent théoricien et critique de l'art militaire, s'il reçoit le commandement d'une armée, peut fort bien perdre toutes les batailles, être incapable d'adapter correctement les théories au cas qui se présente. De même, un théoricien de la logique peut patauger dans les problèmes de pensée par manque de pénétration, de rapidité mentale ou de souplesse dans l'utilisation de ses aptitudes. Par ailleurs, la logique n'est pas toute la pensée: l'observation, l'intuition, la faculté de s'intéresser aux choses et de les voir sous leurs divers aspects sont plus importantes.
À ma connaissance, ce n'est pas en apprenant la logique que l'on s'affranchit des contingences physiques. Quelques intellectuels mènent une vie mentale et sont, dans une large mesure, indifférents aux besoins physiques, mais ils sont très peu nombreux.
L'entraînement du mental consiste à lire, à apprendre toutes sortes de choses, à acquérir des informations complètes et exactes, à s'entraîner à penser logiquement, à considérer sans passion tous les aspects d'une question, à rejeter les déductions et les conclusions hâtives ou erronées, à apprendre à regarder toutes choses clairement et dans leur ensemble.
Le bon sens, soit dit en passant, n'est pas la logique (qui est la chose au monde qui ressemble le moins au bon sens); il ne
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fait que regarder les choses sans les amplifier ni les minimiser, sans se laisser aller à des imaginations débridées, en l'occurrence - se laisser aller à des désespoirs du style: "Mais pourquoi, mais pourquoi..."
Un intellect bien entraîné et l'étude sont deux choses différentes; quantité de gens ont beaucoup lu sans avoir pour autant un intellect bien entraîné. L'inertie peut affecter tout le monde, même les gens les plus instruits.
On peut avoir beaucoup lu et cependant être peu développé mentalement. C'est en pensant, en comprenant, en recevant des influences mentales de ceux qui vous sont supérieurs par l'intellect que l'on développe son mental.
L'intelligence ne dépend pas de la somme des lectures, c'est une qualité d'esprit. Les études fournissent seulement des matériaux à son activité, comme le fait aussi la vie. Il y a des gens qui, ne sachant ni lire ni écrire, sont plus intelligents que bien des érudits et comprennent mieux la vie et les choses. Au demeurant, une bonne intelligence peut se développer par la lecture, parce qu'elle a davantage de matériaux à remuer et qu'elle croît par l'exercice et par l'élargissement de son champ d'activité. Mais la connaissance livresque n'est pas en soi la vraie connaissance; elle doit servir d'adjuvant à l'intelligence, mais le plus souvent elle n'aide que la stupidité ou l'ignorance: l'ignorance, parce que la connaissance des faits est bien peu de chose si l'on est incapable de voir leur vraie signification.
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Ce n'est pas une règle. Mieux vaut avoir un mental fort et développé, mais l'érudition ne forge pas nécessairement un mental fort et développé.
Son principal grief à l'égard des intellectuels est qu'il est tenu à l'écart de toute discussion d'ordre mental et de tout stimulant mental, de sorte que ses énergies mentales s'atrophient. Mais lorsqu'on a une vie mentale, on n'a pas à dépendre des autres pour l'alimenter, puisque cette vie se déroule à l'intérieur; il doit y avoir au-dedans des sources qui jaillissent par leur propre force.
Ce que vous pouvez faire, c'est lire non pour passer le temps, mais dans la claire intention d'apporter des connaissances à votre mental.
Lire ce qui apportera une aide au yoga, ce qui sera utile dans le travail, ou ce qui développera les capacités pour les fins divines. Ne pas lire toute cette littérature qui ne vaut rien, pour se distraire ou satisfaire une curiosité intellectuelle de dilettante, ce qui équivaut à boire un petit verre mental. Une fois que l'on est établi dans la conscience supérieure, on peut ne rien lire ou tout lire: cela ne fait aucune différence; mais vous en êtes encore loin.
L'écriture et la lecture absorbent le mental et le remplissent d'images et d'influences; si les images et les influences ne sont pas de bonne qualité, elles vous détournent naturellement de la vraie conscience. C'est seulement lorsque celle-ci
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est bien établie que l'on peut lire ou écrire n'importe quoi sans perdre cette conscience, ou sans que cela vous nuise en aucune manière.
Il n'est pas nécessaire d'être en contact avec le monde extérieur de cette façon; cela peut être utile en certaines circonstances et à certaines fins. Mais cela peut aussi constituer un obstacle. Tout dépend de la conscience dans laquelle c'est fait.
Lire des livres divertissants peut servir à détendre la conscience mentale. Dans les premiers temps, il n'est pas toujours possible de maintenir le mental dans un état de concentration et d'effort spirituels constants, et celui-ci se réfugie dans d'autres occupations, se sentant instinctivement porté vers celles qui sont d'un caractère plus léger.
Que les lectures soient utiles ou non à la croissance de l'être dépend de leur nature. Aucune règle générale ne peut être fixée. On ne peut pas dire qu'il faut, ou qu'il ne faut pas, lire de la poésie ou du théâtre; tout dépend du poème et de la pièce, et il en est de même pour le reste.
Cela dépend de la nature du livre. Par la philosophie, le mental devient plus subtil dans certaines directions, ou du moins ce devrait être le cas. La philosophie ne peut nuire que si le mental commence à s'accrocher aux idées au lieu d'aller de l'avant pour avoir l'expérience directe.6
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Oui, c'est ainsi qu'il faut lire ces ouvrages. Ces philosophies sont en majeure partie des intuitions mentales mêlées à beaucoup de conjectures (de spéculation), mais à l'arrière-plan, si l'on a la connaissance, on peut saisir une certaine Vérité à laquelle elles correspondent.
Je ne vois rien de faux dans vos réflexions philosophiques. La philosophie est évidemment une création du mental; son défaut n'est pas qu'elle est fausse, mais qu'un système philosophique est seulement une partie de la vérité, alors que le philosophe la prend pour le tout. Si l'on ne s'enferme pas ainsi, mais que l'on regarde tous les aspects, il n'y a pas de mal à philosopher.
La Vérité divine est plus grande que toute religion, croyance, Écriture, idée ou philosophie; vous ne devez donc vous attacher à aucune d'elles.
En ce qui concerne ce commentaire-ci, je ne sais pas, mais la plupart des commentaires sur les Oupanishads sont élaborés par l'intellect rationnel et spéculatif. Ils peuvent être utiles à ceux qui cherchent à découvrir par l'intellect la signification des Oupanishads; mais ils ne peuvent rien apporter au sâdhak qui, comme vous, est en quête d'expérience; ils risquent plutôt de porter la confusion dans le mental en lui retirant sa vraie base et en l'écartant de la route de l'expérience et de la réceptivité spirituelle pour le projeter dans le méli-mélo du débat intellectuel.
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La métaphysique traite de la cause ultime des choses et de tout ce qui se trouve derrière le monde des phénomènes. En ce qui concerne le mental et la conscience, elle s'interroge sur ce qu'ils sont, se demande comment ils sont venus à exister, quelle est leur relation avec la Matière, la Vie, etc. La psychologie traite du mental et de la conscience en essayant de découvrir non point tant leur nature et leurs relations ultimes que leurs fonctionnements pratiques, les règles et les lois de ces fonctionnements.
Je crois qu'une certaine connaissance scientifique vous sera d'une grande utilité; ce domaine est tout à fait inconnu à la plupart des gens d'ici, et pourtant il influence la majeure partie de la pensée et de la connaissance modernes.
En ce qui concerne le roman, je ne sais pas. Les écrivains y introduisent des relations entre hommes et femmes parce que depuis des siècles, l'habitude est de faire tourner tous les romans autour de ce thème, à part quelques-uns qui traitent d'événements historiques, d'aventures ou de sujets semblables. Dans un roman fondé sur la philosophie spirituelle, cette idée de l'homme et de la femme ne devrait-elle pas passer à l'arrière-plan ou disparaître, puisque l'amour spirituel est fondé non sur le sexe, mais sur la relation entre deux âmes?
Le seul inconvénient de lire cette littérature est que le vital y trouve prétexte à l'excitation sexuelle. Autrement, il n'y a aucun mal à lire pour acquérir des connaissances; les faits de l'existence doivent être connus, et nous devons les étudier avec un mental libre et dépourvu de passion. Mais il faut
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éviter ce genre de lecture si la moindre réaction vitale apparaît.
Savoir ce qui se passe dans le monde n'est pas contraire au principe de la vie yoguique; ce qui est antiyoguique, c'est d'être attaché à ces informations au point d'être incapable de s'en passer, ou de penser que ces questions sont d'une importance majeure. La chose la plus importante doit être la sâdhanâ, la croissance vers une nouvelle conscience et une vie intérieure nouvelle. Il faut faire le reste avec détachement, sans s'y laisser absorber. Il faut en arriver à sentir que si la Mère vous disait de ne plus jamais toucher à un journal, cela ne vous manquerait pas et vous ne sentiriez même pas la différence.
De toute évidence, bien des choses s'appliquent également à tous et on ne peut les éluder de cette façon. L'adage "à chacun sa manière" n'est pas vrai: chacun a sa manière propre de suivre la "manière" générale, et cette "manière propre" peut souvent s'avérer très défectueuse. Il est vrai, bien entendu, que les natures et les approches diffèrent, qu'il s'agisse de sâdhanâ ou d'autre chose. D'une façon générale, on peut dire que lire des journaux ou des romans n'aide pas à la sâdhanâ; c'est pour le moins une concession faite au vital qui n'est pas encore prêt à s'absorber dans la sâdhanâ, jusqu'à ce que l'on soit capable - si on ne l'est déjà - de lire de la vraie manière, avec une conscience supérieure qui non seulement n'est pas "dérangée" par la lecture ou distraite de sa concentration yoguique, mais peut trouver à la lecture une utilisation juste, du point de vue de la conscience intérieure et de la vie intérieure.
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Ces raisons que l'on donne ne prouvent évidemment rien; elles peuvent n'être que des excuses que présente le mental afin de faire ce que veut le vital. Les journaux, c'est évident, portent une atmosphère qui rabaisse. Il s'agit de savoir si l'on peut se détacher suffisamment pour que cette atmosphère ne vous tire pas vers le bas. Pendant la lecture, la partie extérieure de la conscience, celle qui est en avant, est certainement à un degré inférieur. Cependant, si la conscience à l'arrière-plan n'en est pas affectée, on peut, aussitôt après la lecture, revenir au niveau supérieur habituel.
Se contenter de suivre des règles extérieures n'est évidemment pas suffisant. Ces règles ne sont qu'une aide pour l'effort intérieur jusqu'à ce que la conscience intérieure soit complètement établie. En général, si l'on consacre beaucoup de temps à lire des journaux de la manière ordinaire, on reste attaché à un point de vue et à une vision ordinaires des choses, et intéressé par cela; lorsqu'on a la conscience intérieure, on peut voir d'un autre regard, plein de connaissance, ce qui se passe dans le monde; la lecture peut alors avoir une certaine utilité, même si la plus grande partie de ce qui est publié reste vide et futile. Mais s'abstenir simplement de lire n'est pas en soi très efficace. Par ailleurs, si l'on a besoin de se distraire, la lecture des journaux fait l'affaire.
S'intéresser aux événements extérieurs n'est pas mauvais en soi; tout dépend de la nature de cet intérêt. Si on le fait comme une partie de la sâdhanâ, en regardant les choses du point de vue de la vraie conscience, cela devient un moyen de développer l'être. C'est ce qui importe: acquérir la vraie conscience, et c'est ce qui vient en vous lorsque vous avez ce sentiment de la Paix et de l'action de la Force en elle. Vous n'avez aucune raison d'être insatisfait ou mécontent de
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vous, puisque le progrès se fait en dépit de la résistance des forces inférieures. Il faut vous débarrasser de cette pression qui se traduit par une lourdeur d'estomac. C'est là que se trouve encore la principale résistance. La paix au-dedans, et extérieurement une confiance, une joie pleines de bonne humeur, voilà ce qu'il faut; alors les pressions et les troubles nerveux de ce genre cesseraient.
On n'apprend pas l'anglais ou le français pour faire avancer la sâdhanâ; on le fait pour développer le mental, et comme une partie de l'activité dévolue à l'être. À cette fin l'étude du français est aussi bonne que celle de l'anglais, et si l'on s'y adonne comme il convient, elle est meilleure. Il n'y a pas non plus de raison, si l'on est doué, de se limiter à l'étude d'une seule langue.
La connaissance des langues fait partie de l'équipement du mental.
Tout dépend de ce que vous voulez faire de cette langue. S'il ne s'agit que de lire la littérature, il suffit d'apprendre à lire, à prononcer et à comprendre correctement. Si l'on veut une maîtrise complète, il faut apprendre à fond à converser et à écrire dans cette langue.
Cela dépend; lire rapidement de nombreux livres permet de se familiariser avec la langue et de la manier avec plus d'aisance et de facilité. L'autre méthode est nécessaire à l'approfondissement et à l'exactitude dans le détail.
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C'est le mental pensant qui élabore les idées; le mental extériorisant ou mental physique les formule en mots. Vous n'avez probablement pas développé suffisamment cette partie du mental. Le don d'expression verbale est relativement rare. La plupart des gens s'expriment maladroitement ou s'ils écrivent avec abondance, c'est sans la composition et le style qui conviennent. Mais cela n'a pas une importance essentielle dans la sâdhanâ; tout ce qu'il faut, c'est communiquer avec clarté les perceptions et les expériences de la sâdhanâ.
Jamais je n'ai entendu dire que l'étude de la logique était nécessaire pour bien s'exprimer. Pour autant que je sache, très peu de bons écrivains se sont donnés la peine d'étudier cette matière.
On acquiert le pouvoir d'expression en entrant en contact avec les sources intérieures d'où viennent ces choses. Un mental calme et silencieux aide beaucoup ce pouvoir à couler librement, mais ce n'est pas indispensable, pas plus que cela ne suffira à le faire venir.
La Connaissance d'en haut, comme tout ce qui descend, peut s'exprimer dans n'importe quelle langue.
Lorsque la connaissance descend avec force, elle apporte très souvent son propre langage et les défauts de l'instrument sont abolis. Certaines personnes très ignorantes, lorsque la connaissance commençait à couler, écrivaient à
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merveille; quand elle ne coulait pas, leur langue devenait incorrecte et banale.
L'expression, c'est une autre affaire, mais Râmakrishna était un homme sans instruction, le contraire d'un intellectuel, et pourtant son expression de la connaissance était si parfaite que même les plus grands intellects se sont inclinés devant elle.
La pensée et l'expression présentent toujours un seul aspect des choses; il faut voir l'ensemble, mais on ne peut en exprimer qu'une partie, à moins d'écrire un long texte. La plupart des penseurs ne voient même pas l'ensemble, mais seulement des aspects et des parties; c'est pourquoi les philosophies et les religions sont toujours en conflit.
Ce qui s'exprime n'est qu'une partie de ce qui est à l'arrière-plan, qui demeure inexprimé et, dans le langage de la manifestation, inexprimable.
La voix apporte une vibration de force plus difficile à traduire par l'écriture, qui est elle-même un véhicule plus mécanique, bien que la parole écrite ait un pouvoir spécial qui lui est propre.
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Les deux mouvements dont l'apparente contradiction vous jette dans la confusion sont les deux extrémités d'une même conscience qui doivent unir leurs démarches, à présent séparées, afin que le pouvoir de vie agisse et s'accomplisse avec une perfection croissante ou subisse la transformation à laquelle nous aspirons.
L'être vital et la force de vie qu'il renferme constituent l'une de ces extrémités; l'autre est un pouvoir dynamique latent dans la conscience supérieure, au moyen duquel la Vérité divine peut agir, s'emparer du vital et de sa force de vie et les utiliser ici-bas à une fin plus noble.
La Force de Vie contenue dans le vital est l'instrument indispensable à toute action du Pouvoir divin dans le monde matériel et la nature physique. C'est donc seulement lorsque le vital transformé deviendra un instrument pur et puissant de la Shakti divine qu'une vie divine pourra apparaître. Alors seulement la transformation de la nature physique pourra s'effectuer, et une action divine libre et parfaite se manifester dans le monde extérieur; car avec nos moyens actuels, une telle action est impossible. C'est pourquoi vous sentez que le mouvement vital donne à chacun l'énergie nécessaire, que tout est possible grâce à cette énergie et que par elle vous pouvez avoir toutes les expériences que vous voulez, bonnes ou mauvaises, de la vie ordinaire ou de la vie spirituelle; et c'est aussi pourquoi, lorsque cette énergie se manifeste, vous sentez le pouvoir s'infiltrer dans la conscience du corps et sa substance matérielle. Quant au contact avec la Mère dans le vital et à votre sentiment que c'était une belle, une magnifique expérience, il est lui aussi naturel et légitime: car le vital, autant que le psychique ou toute autre partie de l'être, doit ressentir la présence de la Mère et se donner entièrement à Elle.
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Mais vous devez sans cesse vous souvenir de ceci: l'être vital et la force de vie dans l'homme sont séparés de la Lumière divine, et puisqu'ils en sont séparés, ils peuvent être utilisés par tout pouvoir capable de s'en saisir, qu'il soit illuminé ou obscur, divin ou non divin. En général, l'énergie vitale est au service des mouvements ordinaires et obscurs ou semi-conscients du mental humain et de la vie humaine, de leurs idées, de leurs intérêts, de leurs passions, de leurs désirs ordinaires. Il est cependant possible à l'énergie vitale de s'accroître au-delà des limites normales et, ainsi accrue, d'acquérir un élan, une intensité, une excitation ou une sublimation de ses forces grâce auxquelles elle est capable et presque contrainte de se mettre au service soit de pouvoirs divins - de pouvoirs des dieux - soit de forces asouriques. Si une maîtrise centrale ne s'est pas établie dans la nature, son action peut être un mélange confus de ces contraires ou, par une oscillation incohérente, servir tantôt les uns, tantôt les autres. Il ne suffit pas alors qu'une grande énergie vitale agisse en vous: il faut la mettre en contact avec la conscience supérieure, la soumettre à la vraie direction, la placer sous la domination du Divin. C'est pourquoi l'action de la force vitale fait parfois l'objet d'un mépris ou d'une condamnation: insuffisamment illuminée et maîtrisée, elle s'allie à un mouvement ignorant et non divin. De là découle aussi la nécessité de s'ouvrir à une inspiration et à un pouvoir issus d'une source plus haute. L'énergie vitale elle-même ne mène à rien, tourne en rond en passant par toutes sortes de tribulations souvent douloureuses et désastreuses, précipite même à l'abîme, parce qu'elle n'est pas guidée comme il le faudrait; elle doit être mise en contact avec le pouvoir dynamique de la conscience supérieure et avec la Force divine qui agit, par son intermédiaire, dans un but vaste et lumineux.
Deux mouvements sont nécessaires pour que cette liaison soit établie. L'un est dirigé vers le haut: le vital s'élève pour se joindre à la conscience supérieure et s'immerge dans la lumière et l'impulsion d'une force plus haute; l'autre
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est dirigé vers le bas: le vital demeure silencieux, tranquillisé, pur, vide des mouvements ordinaires, en attente, jusqu'à ce que le pouvoir dynamique d'en haut descende en lui, le transforme en son vrai moi et infuse à ses mouvements la connaissance autant que le pouvoir. C'est pourquoi le sâdhak sent parfois qu'il s'élève à une conscience plus heureuse et plus noble, qu'il entre dans un domaine plus lumineux et une expérience plus pure; parfois, au contraire, il ressent la nécessité de retourner dans le vital, d'y faire la sâdhanâ et d'y porter la vraie conscience. Ces deux mouvements ne sont pas vraiment contradictoires: ils sont complémentaires et nécessaires l'un à l'autre, car l'ascension permet la descente divine, la descente réalise ce à quoi l'ascension aspire et qu'elle rend inéluctable.
Lorsque vous vous élevez avec le vital depuis ses régions inférieures et que vous l'unissez au psychique, votre être vital s'emplit de l'aspiration et de la dévotion pures qui sont naturelles au psychique; en même temps, il confère aux sentiments l'abondante énergie qui lui est propre, il leur infuse le dynamisme nécessaire pour transformer la nature tout entière jusqu'à ses éléments les plus physiques, et pour faire descendre la conscience divine dans la matière terrestre. Lorsqu'il est non seulement en contact avec le psychique, mais uni au mental supérieur, l'être vital est capable d'entrer en relation avec une lumière et une connaissance plus grandes et de leur obéir. D'ordinaire le vital est mû par le mental humain et gouverné par ses ordres plus ou moins ignorants, ou bien prend possession du mental par la violence et l'utilise pour la satisfaction de ses propres passions, de ses impulsions et de ses désirs. Ou encore il mélange ces deux mouvements: car le mental humain ordinaire est trop ignorant pour agir mieux que lui ou le guider parfaitement. Mais quand le vital est en contact avec le mental supérieur, il devient capable de se laisser guider par une lumière et une connaissance plus grandes, par une intuition et une inspiration plus hautes, par une discrimination plus vraie et par certaines révélations de la vérité et de la volonté divines.
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Grâce à cette obéissance du vital au psychique et au mental supérieur, la conscience yoguique commence à s'extérioriser dans une action dynamique sur la vie.
Mais cela ne suffit pas non plus à diviniser la vie. Il ne suffit pas d'entrer en contact avec la conscience du mental supérieur: ce n'est qu'une étape indispensable. La Force divine doit descendre de ses sommets les plus élevés et les plus puissants. Une transformation de la conscience supérieure en une lumière et un pouvoir supramentaux, une transformation du vital et de sa force de vie en un instrument pur, vaste, calme, intense et puissant de l'Énergie divine, une transformation du physique lui-même en une forme de la lumière divine, de l'action divine, de la force, de la beauté et de la joie sont impossibles si la Force ne descend pas de ses sommets pour l'instant invisibles. C'est pourquoi dans notre yoga, l'ascension jusqu'au Divin, qu'il a en commun avec d'autres sentiers, n'est pas suffisante: le Divin doit aussi descendre pour transformer toutes les énergies du mental, de la vie et du corps.
Tout ce qui est Vérité authentique est, d'une manière ou d'une autre, l'expression directe de la Conscience divine. La vie est l'expression dynamique de la Conscience-Force lorsque celle-ci se projette au dehors pour se réaliser en harmonies concrètes de formation; l'Amour est l'intensité où s'exprime l'âme de l'Ânanda, et la Lumière est la compagne inséparable de la Conscience supramentale et son pouvoir le plus essentiel.1
Oui, telle est la nature du vital. Il est capable d'accomplir une consécration absolue et enthousiaste, mais aussi d'engendrer tous les ennuis possibles. Sans le vital, il n'y a pas
1. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 1.
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de force vitale de création ou de manifestation; instrument de l'esprit, il est indispensable à la vie.
Oui. L'esprit lui-même, s'il veut se manifester dans la matière, doit utiliser le vital. Les choses sont ainsi agencées.
Le vital est un instrument indispensable: aucune création, aucune action puissante n'est possible sans lui. Il s'agit simplement de le maîtriser et de le convertir en un vital vrai qui soit à la fois fort, calme, capable d'une grande intensité et libéré de l'ego.
Le vital doit être maîtrisé et non laissé libre d'agir à sa guise. Ce n'est pas le vital qui doit vous maîtriser, c'est vous qui devez maîtriser le vital.
C'est par un changement dans le vital que l'on doit se délivrer de l'énergie vitale aveugle, par l'émergence du vital véritable qui est fort, vaste, plein de paix, instrument dévoué du Divin et du Divin seul.
Cela signifie l'énergie-de-vie qui vient du dedans et est en harmonie avec l'être psychique; c'est l'énergie de l'être vital véritable; seulement dans le vital ordinaire, qui est ignorant, elle se déforme et se change en désir. Vous devez tranquilliser et purifier le vital et laisser émerger le vital véritable, ou bien amener le psychique au premier plan, et le psychique
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purifiera le vital, le rendra psychique; alors vous aurez la véritable énergie vitale.
Vous pouvez faire sortir ce que la vie a mis dans le réceptacle vital en le renversant, en le tournant vers le Divin et non vers vous-même. Vous vous apercevrez alors que le vital peut être un instrument aussi excellent qu'il est un mauvais maître.2
Le vital humain a presque toujours ce caractère, mais ce n'est pas une raison pour accepter cela comme un fait immuable et laisser un vital agité vous mener à sa guise. Sans parler du yoga, même dans la vie ordinaire, seuls sont considérés comme des humains au plein sens du terme, ou sont susceptibles de réussir, de réaliser leur idéal ou de mener à bien leurs entreprises, ceux qui peuvent prendre en main ce vital agité, l'empêcher de se disperser, le maîtriser et le discipliner. C'est en utilisant la volonté mentale qu'ils le disciplinent, le forcent à faire non pas ce qu'il veut, mais ce que la raison, ou la volonté, considère comme juste ou désirable. Dans le yoga, on se sert de la volonté intérieure pour forcer le vital à se soumettre à la tapasyâ, afin qu'il devienne calme, fort, obéissant; ou bien on fait appel au calme d'en haut pour l'obliger à renoncer au désir, à se tranquilliser et à devenir réceptif. Le vital est un bon instrument, mais un mauvais maître. Si vous le laissez s'abandonner à ses goûts et ses dégoûts, ses fantaisies, ses désirs, ses mauvaises habitudes, il devient votre maître et la paix et le bonheur ne sont plus possibles. Il devient non plus votre instrument ou l'instrument de la Shakti divine, mais celui de n'importe quelle force de l'Ignorance ou même de toute force hostile capable de s'en saisir et de l'utiliser.
2. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
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La résistance et les influences adverses viennent de la nature vitale qui est, chez tous les humains, obscure et attachée aux idées et aux objectifs ordinaires, et qui prête volontiers l'oreille à des idées et à des suggestions du genre de celles que vous mentionnez. La foi et la dévotion viennent de l'âme; c'est seulement lorsque le vital s'est entièrement soumis à l'âme que l'on peut mener la vraie vie spirituelle.
Si vous en êtes maintenant capable, c'est un grand progrès. La principale difficulté, lorsqu'on veut vivre à la fois dans la lumière, dans la paix et dans la force, est l'agitation confuse et trouble de la nature vitale humaine. Si elle se calme, la difficulté majeure disparaît. Reste l'obstacle créé par l'incompréhension ou l'inertie de la nature physique, mais il est moins gênant: il s'apparente à une obstruction tranquille, quoique parfois obstinée, plutôt qu'à une perturbation. Si vous remédiez à l'instabilité vitale, l'obscurité ou l'incompréhension physique ne pourra que disparaître.
[La recherche du plaisir:] Cette attitude n'est pas celle du vital tout entier, mais du vital physique, de la partie animale de l'être humain. Aucun raisonnement mental d'aucune sorte ne peut bien entendu le convaincre. Chez la plupart des hommes, c'est l'attitude naturelle et admise à l'égard de la vie: elle se teinte de quelque moralisme et d'un idéalisme conventionnel, concession au mental et au vital supérieur. Certains empoignent cette partie de l'être et la subordonnent aux fins du mental ou du vital supérieur, la forcent à prendre une place subalterne pour que le mental puisse continuer à s'absorber dans la recherche intellectuelle, l'idéalisme ou de grandes ambitions politiques ou personnelles (Lénine, Hitler, Staline, Mussolini). L'ascète et le puritan essaient de la réprimer, en grande partie ou totalement. Dans notre
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yoga, le principe est que tout doit devenir un instrument de l'Esprit: les éléments de l'être qui sont faits pour le plaisir se délectent de l'Ânanda dans les choses, non du plaisir animal à la surface. Mais l'Ânanda ne viendra pas ou ne durera pas tant que cette partie de l'être ne sera pas convertie et s'obstinera à se satisfaire à sa manière.
Bien des hommes ne recherchent pas le bonheur et ne croient pas qu'il soit le véritable but de la vie. C'est le vital physique qui cherche le bonheur; le vital élargi est prêt à le sacrifier pour satisfaire ses passions, sa quête du pouvoir ou de la renommée, son ambition, ou tout autre motif. Si vous dites que la cause en est le bonheur qu'apportent le pouvoir, la renommée, etc., ce n'est pas non plus universellement vrai. Le pouvoir peut donner toutes sortes de choses, en général il ne donne pas le bonheur; il est, par sa nature même, une chose ardue, difficile à obtenir, à conserver et à utiliser; je parle bien entendu du pouvoir dans le sens ordinaire du terme. Un homme peut savoir qu'il ne sera jamais célèbre sa vie durant et cependant œuvrer dans l'espoir ou la poursuite d'une renommée posthume. Il peut savoir que la satisfaction de sa passion lui apportera tout plutôt que le bonheur - souffrance, torture, destruction - et cependant il suivra son impulsion. De même le mental, comme le vital élargi, n'est pas limité non plus par la recherche du bonheur. Il peut chercher plutôt la Vérité, ou la victoire d'une cause. Tout réduire à un seul courant hédoniste me paraît relever d'une psychologie bien simpliste. Ni la Nature, ni le vaste Esprit dans les choses ne me semblent limités et linéaires à ce point.
La plupart des gens font les choses parce qu'ils doivent les faire, non à cause du bonheur qu'ils en tirent. Ce n'est qu'en
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s'adonnant à des passe-temps ou en exerçant ses penchants que la nature trouve quelque bonheur, et non habituellement dans le travail, à moins bien sûr que le travail ne soit lui-même un passe-temps ou ne réponde à un penchant, et que l'on puisse à volonté le faire ou le laisser.
Une vie vitale "à peine supérieure à celle des animaux" en raison d'une certaine activité mentale, avec la mort pour conclusion, voilà toute la vie humaine telle qu'elle est d'ordinaire conçue. Et pourtant elle aspire à quelque chose de plus, mais les religions s'emparent de cette aspiration et la canalisent dans quelque chose qui est sans rapport avec la vie, et tout reste en l'état. Rares en vérité sont celles qui dépassent cette limite.
Votre "après tout"3 n'est en fait qu'un prétexte. Nul ne peut devenir plus qu'humain s'il refuse de sacrifier son ego, car P'humain" est un ego animal et vital mentalisé par un peu de pensée et de connaissances extérieures. Tant que l'on se satisfera de demeurer ainsi, on restera humain, "même ici", comme partout ailleurs.
Certes, la plupart des hommes vivent dans leur mental physique et dans leur vital, sauf quelques saints et un nombre un peu plus grand d'intellectuels. C'est pourquoi - on le découvre maintenant - l'humanité a fait peu de progrès depuis 3000 ans, sauf dans les domaines du savoir et de l'équipement matériel. Un peu moins de cruauté et de brutalité peut-être, une plus grande souplesse de l'intellect dans l'élite, une habitude plus prompte au changement dans les formes, et c'est tout.
3. "Après tout nous sommes humains, nous ne sommes pas devenus des dieux."
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L'époque actuelle est à la fois pire et meilleure que celle de Wordsworth: d'une part la nature humaine s'est dégradée pour tomber dans ce qu'elle a de pire et les forces vitales se sont déchaînées; d'autre part, en compensation, la recherche de quelque chose au-delà est plus répandue et contient davantage de lumière et de connaissance.
L'homme est un être mental; il ne peut procéder du vital, bien qu'une partie de lui-même puisse vivre dans le plan vital ou plutôt en contact avec lui. En fait, la plupart des hommes vivent principalement dans le vital et pour cette raison, lorsqu'ils pratiquent la sâdhanâ, ils se trouvent d'abord dans le plan vital: dans leurs rêves, leurs expériences, etc. Quand le supramental s'ouvrira, quelque chose descendra du supramental en chacun dès qu'il sera prêt, et formera en lui un Pourousha supramental. Ce qu'il est maintenant ne peut fixer la limite de ce qu'il deviendra.
S'adonner à un travail physique ou à l'étude n'est pas vivre dans le vital; ce sont là simplement des occupations physiques ou mentales. Vivre dans le vital est un état psychologique.
La plupart des humains vivent dans le vital. C'est-à-dire qu'ils vivent dans leurs désirs, leurs sensations, leurs émotions, leurs imaginations vitales, et voient, subissent, jugent tout de ce point de vue. C'est le vital qui les fait agir; le mental en est le serviteur et non le maître. Dans le yoga aussi, bien des sâdhak font dériver leur sâdhanâ de ce plan, et leur cheminement est plein de visions, de formations, d'expériences vitales de toutes sortes, mais la clarté et l'ordre du mental en sont absents, et ils ne s'élèvent pas non plus au-dessus du mental. Les hommes qui vivent dans le
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mental ou dans le psychique, ou s'efforcent de vivre sur le plan spirituel, ne représentent qu'une minorité.
Dans la vie ordinaire, les mouvements vitaux: colère, désir, avidité, sexe, etc., sont admis comme des choses naturelles, permises, légitimes, qui font partie de la nature humaine. C'est seulement dans la mesure où la société les réprouve, fait pression pour qu'elles soient maintenues dans des limites fixes ou soumises à une retenue décente ou mesurée que les gens essaient de les maîtriser pour se conformer au niveau de moralité ou aux règles de conduite de leur société. Ici, au contraire - comme dans toute vie spirituelle - on exige la conquête et la maîtrise complète de ces mouvements. C'est pourquoi le combat est plus durement ressenti: non parce que ces mouvements se soulèvent plus vigoureusement dans les sâdhak que dans les humains ordinaires, mais à cause de l'intensité de la lutte entre le mental spirituel, qui exige la maîtrise, et les mouvements vitaux qui se rebellent et veulent continuer à agir dans la vie nouvelle comme dans l'ancienne. Quant à l'idée que la sâdhanâ fait surgir des mouvements de ce genre, sa seule vérité est d'abord que l'homme ordinaire porte en lui bien des choses dont il n'est pas conscient, parce que le vital les dissimule au mental et les satisfait sans que le mental comprenne quelle force fait mouvoir l'action; ainsi tout ce qui est accompli sous un prétexte d'altruisme, de philanthropie, de service, etc., est largement motivé par l'ego qui se dissimule derrière ces justifications; dans le yoga, il faut faire sortir le motif secret de derrière le voile, le mettre en évidence et s'en débarrasser. Deuxièmement, dans la vie ordinaire, certaines choses sont refoulées et restent tapies dans la nature, refoulées mais non éliminées; elles peuvent apparaître à tout moment ou exprimer sous diverses formes nerveuses, ou par d'autres désordres du mental, du vital ou du corps, sans que leur
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véritable cause apparaisse au grand jour. C'est la récente découverte que quelques psychologues européens ont exposée avec une grande force, et même une certaine exagération, dans une science nouvelle appelée psychanalyse. Dans la sâdhanâ aussi, il faut être devenu conscient de ces impulsions refoulées pour les éliminer; on peut dire qu'elles se soulèvent, mais cela ne signifie pas qu'elles doivent se soulever dans les actes; elles doivent seulement se lever devant la conscience pour que l'on puisse les éliminer de l'être.
Certains sont capables de se maîtriser, d'autres se laissent emporter; c'est une question de tempérament. Certains sont sattwiques et la maîtrise leur vient aisément, du moins jusqu'à un certain point; d'autres, qui sont plus radjasiques, éprouvent beaucoup de difficulté à se maîtriser et en sont souvent incapables. Certains ont un mental fort et une volonté mentale vigoureuse, d'autres ont un caractère vital et chez eux les passions vitales sont plus fortes et davantage à la surface. Certains ne jugent pas nécessaire de se maîtriser et se laissent aller. Dans la sâdhanâ, la maîtrise mentale ou morale doit être remplacée par la maîtrise spirituelle, car cette maîtrise mentale est seulement partielle: elle maîtrise, mais ne libère pas; seule la maîtrise psychique et spirituelle peut le faire. C'est, à cet égard, la principale différence entre la vie ordinaire et la vie spirituelle.
[La raison du calme et de la maîtrise de soi, chez ceux qui mènent la vie ordinaire:] C'est la pression sociale, accompagnée d'une certaine habitude de se maîtriser au moyen du mental, née de cette pression sociale. L'origine n'est nullement la paix. Retirez la pression sociale, ne serait-ce qu'en partie, et comme c'est arrivé récemment en Angleterre et en Amérique, les gens se laissent aller et agissent selon leurs impulsions vitales au lieu de les maîtriser; sauf évidemment ceux qui restent attachés aux idées religieuses et morales du
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passé, alors même que la société s'en éloigne.
Même dans la vie ordinaire, il y a très souvent un abîme entre les parties supérieures et le vital inférieur; dans le yoga, cet abîme est susceptible de devenir de plus en plus marqué, jusqu'à ce que le vital inférieur se transforme, mais autant que nous pouvons en juger par la majorité de ceux qui vivent ici, cette transformation est d'une extraordinaire difficulté.
Pour le moment, vos expériences se situent sur le plan mental; mais c'est ainsi qu'il doit en être. Beaucoup de sâdhak ne peuvent pas progresser parce qu'ils s'ouvrent sur le plan vital avant que le mental et le psychique ne soient prêts. Après quelque début d'expérience spirituelle vraie sur le plan mental, il se produit dans le vital une descente prématurée causant une grande confusion et des troubles. On doit être en garde contre cela. C'est encore pire quand l'âme vitale de désir s'ouvre à l'expérience avant que le mental n'ait été touché par les choses de l'esprit.
Aspirez toujours à ce que la conscience et l'expérience vraies emplissent le mental et l'être psychique et les rendent prêts. Vous devez spécialement aspirer à la tranquillité, à la paix, à une foi calme, à un élargissement stable et croissant, à une connaissance de plus en plus grande, à une dévotion profonde et intense, mais tranquille.
Ne vous laissez pas déranger par votre entourage et son opposition. Ces conditions sont souvent imposées au début comme une sorte d'épreuve. Si vous pouvez demeurer tranquille et imperturbable, et continuer votre sâdhanâ sans Permettre à ces circonstances de vous troubler intérieurement, cela vous aidera à acquérir une force très nécessaire;
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car le chemin du yoga est toujours assailli de difficultés intérieures et extérieures, et pour leur faire face, le sâdhak doit développer une force tranquille, ferme et solide.4
Auparavant votre sâdhanâ se situait principalement sur le plan vital. Les expériences du plan vital sont très intéressantes pour le sâdhak, mais elles sont hétérogènes, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas toutes reliées à la Vérité supérieure. La sâdhanâ a besoin d'une base plus élevée, plus pure et plus ferme: la base psychique. C'est la raison pour laquelle toutes les expériences anciennes se sont arrêtées. Le cœur doit devenir le centre et par la bhakti et l'aspiration, vous devez amener l'être psychique au premier plan et entrer en contact étroit avec la Shakti divine. Si vous pouvez le faire, votre sâdhanâ repartira avec davantage de succès.5
Il est évident que votre sâdhanâ se situait jusqu'à présent dans le mental, c'est pourquoi il vous était facile de vous concentrer au sommet de la tête: le centre qui s'y trouve commande directement tout le domaine du mental. Le mental tranquillisé, ressentant les effets de la sâdhanâ, a calmé la perturbation vitale, mais n'a pas nettoyé et transformé la nature vitale.
Maintenant la sâdhanâ semble être descendue dans le vital pour le déblayer et le transformer. Le premier résultat en est que la difficulté du vital s'est révélée; les images hideuses et les rêves alarmants viennent d'un plan vital hostile qui s'oppose à la sâdhanâ. De là vient aussi la recrudescence de l'agitation, la répugnance et la résistance à l'égard de la sâdhanâ. Ce n'est pas un retour à votre ancien
4. Les Bases du Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère.
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état, mais l'effet d'une pression de la Force du yoga sur le vital pour que s'opère une transformation à laquelle il résiste.
C'est cette descente de la sâdhanâ pour libérer l'être vital qui vous fait sentir la nécessité de vous concentrer dans la région du cœur; car dans cette région du cœur se trouve le centre psychique, et au-dessous, derrière le nombril, se trouve le centre vital. Si ces deux centres peuvent être éveillés et envahis par la Force du yoga, le psychique (le Pouvoir de l'Âme) commandera toute la région du vital, purifiera la nature vitale, la tranquillisera et l'orientera vers le Divin. Si vous arriviez à vous concentrer à volonté dans la région du cœur et au sommet de la tête, ce serait le mieux, car ainsi le pouvoir de la sâdhanâ devient plus complet.
Vos autres expériences font partie de la transformation du vital qui a commencé à s'opérer: par exemple le fait que vous soyez en paix avec vous-même et avec ceux qui, pensiez-vous, vous avaient offensé, la joie et la délivrance de tous les soucis, de tous les désirs et de toutes les ambitions profanes. La tranquillisation du mental y a contribué, mais ces expériences ne pourront devenir stables que lorsque le vital sera libéré et calmé.
Quelles que soient les difficultés ou les ennuis qui apparaissent, la seule chose à faire est de continuer tranquillement, avec une foi entière en le Pouvoir divin et la direction divine, en ouvrant régulièrement, progressivement, l'être tout entier aux actions de la sâdhanâ, jusqu'à ce que tout devienne conscient et acquiesce au changement nécessaire.
Cette oscillation est due à un certain élément de la partie résistante (non à sa totalité) qui est encore mécontent de cet appel à la transformation. Quand un élément quelconque du vital est déçu, insatisfait, appelé ou forcé à changer, mais n'y consent pas encore, sa tendance est de susciter dans le
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vital une absence de réaction ou de coopération, ce qui laisse le physique atone ou insensible, sans dynamisme vital. Sous la pression psychique, ce reste de résistance disparaîtra.
Le vital peut comprendre, mais cela ne suffit pas, il doit appeler de tout son cœur la paix et la transformation. Il y a sans doute en lui une vaste partie qui est incapable de se résoudre à abandonner ses humeurs et sa manière de réagir; sinon ces dépressions n'atteindraient pas une telle intensité. Il n'y a aucune raison que vous ne receviez pas la paix, mais cela doit changer.
Il s'agit, semble-t-il, d'un tamas ou d'une inertie qui descend en vous. Il en est parfois ainsi lorsque le vital est mécontent des circonstances ou de ce qui a été accompli et entame une sorte de non-coopération ou de résistance passive, en disant: "Puisque je ne suis pas satisfait, je ne m'intéresserai à rien et je ne t'aiderai plus en quoi que ce soit."
C'est peut-être parce que je vous ai demandé de cesser les méditations et d'attendre. Le vital n'aime pas attendre. Mais je devais vous le demander, à cause de cette sensation de brûlure dans les centres, des troubles du sommeil et de tout le reste; cela doit cesser avant que vous puissiez méditer comme il faut et avec succès. Si vous méditez tant soit peu maintenant, vous ne devriez le faire que dans le calme et la paix, avec une aspiration très tranquille à la descente de la paix et du calme divins en vous.
C'est peut-être dû aussi à votre penchant6 pour le Nirvana. Car le désir du Nirvana entraîne souvent cette sorte d'effondrement des énergies. Le Nirvana n'est pas le but de mon yoga, mais qu'il s'agisse du Nirvana ou de mon yoga, le
6. En français dans le texte.
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calme et la paix dans l'être tout entier sont la base nécessaire à toute siddhi.
Je vous ai toujours dit que vous ne devriez pas cesser d'écrire des poèmes ou de vous livrer à des activités similaires. C'est une erreur d'y renoncer dans un esprit d'ascétisme, ou avec une idée de tapasyâ. On peut arrêter ces activités quand elles s'éliminent d'elles-mêmes, parce que les expériences abondent et que l'on est si intéressé par sa propre vie intérieure que l'on n'a aucune énergie à consacrer au reste. Même dans ce cas, aucune règle ne vous enjoint de cesser; car il n'y a pas de raison que la poésie, etc. ne fasse pas partie de la sâdhanâ. Il faut renoncer à l'amour des louanges, au désir de notoriété, à la réaction de l'ego, mais on peut le faire sans abandonner l'activité elle-même. Votre vital a besoin d'une certaine activité - comme le vital chez la plupart des gens - et le priver de cet exutoire, qui peut être salutaire et non néfaste, le rend maussade, indifférent et abattu, ou bien enclin à se révolter à tout moment et à déclarer forfait. La sâdhanâ est difficile sans le consentement du vital; il refuse de coopérer ou observe avec un mécontentement sardonique, même si ce mécontentement est muet, et est prêt à exprimer à tout moment le doute et la négation; ou encore il fait un violent effort, puis retombe en disant: "Je n'ai rien reçu." Le mental ne peut pas faire grand-chose par lui-même, il a besoin d'être soutenu par le vital, et pour cela le vital doit être consentant et plein de bonne humeur. Il a la joie de la création et il n'y a rien de mal, spirituellement parlant, dans l'action créatrice. Pourquoi refuser à votre vital la joie de s'épancher?
Je vous ai déjà indiqué la meilleure ligne de conduite pour vous, qui est de devenir capable d'attendre la Grâce divine (non dans un esprit tamasique, mais avec une confiance sattwique). La prière, oui, mais pas une prière qui exige une satisfaction immédiate: une prière qui est elle-même une communion du mental et du cœur avec le Divin et
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peut trouver en elle-même la joie et la satisfaction, qui fait confiance, pour être exaucée, au Divin, quand Il le jugera bon. La méditation, oui, mais votre méditation se fonde sur un àsana erroné, celui d'une lutte avide et véhémente suivie d'un désespoir plein d'amertume. Il est inutile de continuer ainsi: mieux vaut abandonner jusqu'à ce que vous trouviez un nouvel àsana (je me réfère ici aux anciens Rishi qui établissaient un àsana, un endroit et une position fixes où ils restaient assis jusqu'à ce qu'ils parviennent à la siddhi; mais si des forces contraires comme les Asoura, les Apsara, etc. réussissaient à déranger cet àsana, ils l'abandonnaient et en cherchaient un nouveau). En outre, votre méditation manque de quiétude: vous méditez par un effort du mental, mais c'est dans le mental tranquille que vient l'expérience, tous les yogis sont d'accord là-dessus: c'est l'eau immobile qui reflète fidèlement le soleil, c'est quand la coupe a été vidée que le soma-rasa de l'esprit peut se déverser. Préparez le mental et le cœur, et les choses commenceront à s'y écouler dans un courant spontané, quand tout sera prêt.
Oui, l'aridité apparaît en général lorsque le vital - dans le cas présent, il s'agit sans nul doute du vital physique - a de l'aversion pour un mouvement ou un état, ou encore se sent frustré dans ses désirs et se met à refuser de coopérer. Mais c'est parfois un état qu'il faut dépasser, comme, par exemple, la tranquillité neutre ou aride qui peut apparaître lorsque les mouvements ordinaires ont été rejetés sans que rien de positif ne soit encore venu les remplacer: la paix, la joie, une conscience, une force ou une action supérieures.
Le sentiment habituel de fraîcheur, d'énergie, d'enthousiasme de la nature vient du vital, soit directement lorsqu'il satisfait ses instincts et ses impulsions, soit indirectement
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lorsqu'il coopère aux activités mentales, physiques ou spirituelles ou leur apporte son consentement. Si le vital est contrarié, il se révolte et entre en conflit. Si le vital n'insiste plus pour satisfaire ses instincts et ses impulsions, tout en refusant de coopérer, c'est soit l'aridité, soit un état neutre. L'aridité apparaît lorsque le vital est tranquille, mais plein d'une mauvaise volonté passive, et ne s'intéresse à rien; l'état neutre, lorsqu'il ne donne pas son assentiment, mais en même temps ne montre aucune mauvaise volonté: il est simplement tranquille et passif. L'état neutre peut cependant approfondir cette attitude en la transformant en un calme et une paix positifs, par un plus grand afflux d'en haut qui maintient le vital dans un état non seulement de calme, mais au moins de consentement passif. Avec l'intérêt actif et le consentement du vital, la paix devient heureuse ou joyeuse, ou se transforme en une paix pleine de force qui soutient l'action ou l'expérience, et y participe.
Quand tout va bien, le vital peut se sentir comme un poisson dans l'eau, mais quand les difficultés s'aggravent, il plonge et se tient coi. Et si l'on tend un appât à l'ego vital, il peut devenir enthousiaste et actif.
C'est parce que le vital était fortement sous l'emprise de ses propres désirs; maintenant qu'il a une activité séparée et n'est plus maîtrisé par la volonté mentale, il rue et se récrie chaque fois que ses désirs ne sont pas satisfaits. C'est là un mouvement ordinaire du vital humain lorsqu'il n'est pas dominé et maintenu à sa place par la volonté mentale.
C'était sans aucun doute le silence; la légère aridité était
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probablement une réaction du vital physique au "manque d'intérêt" pour les choses extérieures, parce que le vital physique dépend beaucoup de cet intérêt extérieur. Quand il se sera davantage habitué au silence, l'aridité disparaîtra.
L'être nerveux est sous l'influence des forces vitales; quand elles sont désavouées ou expulsées, il tombe dans l'abattement et veut les rappeler, car il a l'habitude de recevoir le plaisir et la force de vivre des mouvements vitaux et non d'en haut, de la Force spirituelle ou divine.
L'impression de désert vient de la résistance du vital qui veut que la vie soit gouvernée par le désir. Si ce n'est pas permis, il considère l'existence comme un désert et impose cette impression au mental.
La Shakti dans le cœur est la Force psychique.
Mieux vaut certes amener le vital au vrai mouvement: à renoncer à ses mouvements faux et à ne rien demander si ce n'est la progression de la réalisation du moi, de l'amour psychique et de la transformation psychique de la nature. Mais il est possible, même avec un vital neutre, d'agir d'en haut pour se débarrasser des formes d'obstruction les plus actives.
7Le défaut capital, celui qui a toujours constitué un obstacle sur le chemin et qui se détache maintenant si ostensiblement,
7. Ce texte a été publié en supplément au Bulletin du Centre international d'éducation, volume XXV, n 2 (avril 1973). La Mère l'avait alors intitulé: La vérité qu'il faut réaliser maintenant.
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se situe ou du moins se concentre pour le moment dans l'être vital inférieur. J'entends cette partie de la nature physique-vitale et son petit égoïsme obstiné qui fait mouvoir la personnalité humaine extérieure, ce qui soutient ses pensées de surface et domine sa façon habituelle de sentir, son caractère, son action. Je ne m'occupe pas ici des autres parties de l'être et je ne parle pas du mental supérieur, du moi psychique ou de la vaste nature vitale supérieure, car lorsque le vital inférieur se lève, ceux-ci sont repoussés à l'arrière-plan, sinon cachés momentanément par cet être vital inférieur et cette personnalité extérieure. Tout ce qui peut exister dans les parties supérieures: aspiration à la Vérité, dévotion ou volonté de surmonter les obstacles et de vaincre les forces hostiles, ne peut pas devenir intégral, ne peut pas rester pur et intact ni conserver son efficacité tant que le vital inférieur et la personnalité extérieure n'ont pas accepté la Lumière et consenti à se transformer.
Il était inévitable qu'au cours de la sâdhanâ ces parties inférieures de la nature viennent à la surface pour que, comme les autres parties de l'être, elles se trouvent confrontées au choix crucial et puissent accepter ou refuser la transformation. Tout mon travail dépend de ce mouvement: c'est l'épreuve décisive de mon yoga. Car la conscience physique et la vie matérielle ne peuvent pas changer si cela ne change pas. Rien de ce que l'on a pu acquérir avant, aucune illumination intérieure, aucune expérience, aucun pouvoir, aucun Ânanda n'a de valeur pour l'avenir si ce n'est pas fait. Si la petite personnalité extérieure doit s'obstiner à garder sa conscience humaine obscure, limitée, mesquine, vile, égoïste, fausse, stupide, cela revient à une négation pure et simple du travail et de la sâdhanâ. Je n'ai nullement l'intention de donner ma sanction à cette nouvelle édition du vieux fiasco: une ouverture spirituelle partielle et passagère à l'intérieur, sans un changement vrai et radical de la loi de la nature extérieure. Si, par conséquent, quiconque parmi les sâdhak refuse, dans la pratique, d'admettre ce changement, ou s'il refuse même d'admettre la nécessité d'un
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changement dans son être vital inférieur et dans sa personnalité extérieure habituelle, je suis fondé à en conclure que, quelles que soient ses professions de foi, il ne m'a pas accepté et n'a pas accepté mon yoga.
Je sais très bien que ce changement n'est pas facile, que la volonté dynamique d'y parvenir ne vient pas d'un seul coup et qu'elle est difficile à conserver, et même plus tard, le sâdhak se sent souvent impuissant devant la force de l'habitude. Sachant cela, la Mère et moi-même avons montré et continuons de montrer assez de patience pour donner à l'esprit vrai le temps de se manifester, de former l'être extérieur de ceux qui nous entourent et de produire en eux ses effets. Mais si, en quiconque, cette partie de la nature non seulement s'avère obstinée, dominatrice ou agressive, mais reçoit l'appui et les justifications du mental et de la volonté et cherche à se répandre dans l'atmosphère, c'est tout autre chose et l'affaire devient extrêmement grave.
La difficulté de l'être vital inférieur est qu'il reste encore allié à son vieux moi et qu'il est en révolte contre la Lumière; non seulement il ne s'est soumis ni à une Vérité plus grande, ni à moi-même, ni à la Mère, mais, jusqu'à présent, il n'en a pas la moindre volonté et n'a pas même une vague idée de ce qu'est la vraie soumission. Quand le vital inférieur adopte cette attitude, il s'appuie sur une affirmation constamment renouvelée de la vieille personnalité et des formes passées de la nature inférieure. Chaque fois qu'elles sont repoussées, il vient à la rescousse et les rappelle en affirmant son droit à la liberté, la liberté de proclamer et de suivre ses idées grossières et égoïstes, ses désirs, ses lubies, ses impulsions ou sa convenance, chaque fois que l'envie l'en prend. Il revendique, tacitement ou explicitement, le droit d'obéir à sa nature - sa nature humaine non régénérée - son droit d'être lui-même, son moi originel, naturel et inchangé, avec tout le mensonge, l'ignorance et l'incohérence qui caractérisent cette partie de l'être. Et il revendique - ou il affirme en pratique, s'il ne revendique pas en théorie - 1e droit de donner libre cours dans ses paroles, ses actes et sa
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conduite à tout ce fatras impur et inférieur. Il défend, farde, peint de couleurs spécieuses et tente de prolonger indéfiniment les vieilles manières habituelles de penser, de parler, de sentir, et il essaie de perpétuer tout ce qui est déformé ou mal formé dans le caractère. Et il le fait tantôt par une révolte ouverte, en s'affirmant ouvertement, en qualifiant d'erreur, d'oppression ou d'injustice tout ce que l'on dit ou fait contre lui, tantôt en se dissimulant sous quelque déguisement pour se tromper lui-même, ou en se cachant derrière quelque masque, professant une chose en paroles et en mettant une autre en pratique. Souvent il cherche à se persuader lui-même ou à convaincre les autres que cette façon d'être est la seule vraie raison et la seule vraie manière d'agir, pour lui-même et pour les autres, ou même qu'elle fait partie du vrai mouvement du yoga.
Quand on laisse cet être vital inférieur influencer les actes, ce qui arrive lorsque le sâdhak prend à son compte, d'une façon ou d'autre, les suggestions de cet être vital inférieur, son attitude (masquée à lui-même ou affleurant à la surface) dicte la plupart des paroles et des actes du sâdhak sans qu'il oppose aucune véritable résistance. S'il est franc avec lui-même et loyal envers la Mère, il reconnaîtra bientôt la source et la nature de l'obstacle, et aura tôt fait de se mettre directement à transformer et à corriger tout cela. Mais quand il est sous l'influence adverse, il s'y refuse opiniâtrement et préfère cacher ces mouvements sous n'importe quelle dissimulation, négation, justification, sous n'importe quel prétexte ou autre faux-fuyant.
Dans la nature, cette résistance revêt certaines formes caractéristiques qui viennent accroître la confusion et ajoutent à la difficulté de la transformation. Il est donc nécessaire de décrire quelques-unes de ces formes, car elles sont suffisamment fréquentes, à un degré plus ou moins grand suivant les personnes, pour exiger d'être démasquées avec vigueur et clarté.
1. Une certaine vanité, une arrogance, une véhémence radjasique dans la façon de s'affirmer qui, dans ce petit être
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vital, sont, chez ceux qui ont une vigueur particulière sur ces plans, une déformation de la force et de l'habitude vitales de diriger et de dominer qu'ils possèdent grâce à certaines qualités du vital supérieur. Tout cela s'accompagne d'un amour-propre excessif qui engendre le besoin de briller, de maintenir sa position et son prestige à n'importe quel prix voire de poser devant les autres, de les influencer, de les commander ou de les "aider" en s'arrogeant un rôle de sâdhak supérieur doté d'une connaissance plus grande et de pouvoirs occultes. L'être vital supérieur lui-même doit remettre ses pouvoirs et ses capacités entre les mains de la Shakti divine d'où ils lui viennent et il ne doit s'en servir qu'en tant qu'instrument de la Mère et conformément à ses directives; s'il fait intervenir les revendications de son ego et s'interpose entre la Mère et le travail, ou entre elle et les autres sâdhak, il dévie du vrai chemin, quel que soit son pouvoir naturel, gâche le travail, introduit des forces adverses et des mouvements faux et nuit à ceux qu'il s'imagine aider. Quand ces défauts affectent la petitesse de la nature vitale inférieure et de la personnalité extérieure, prennent des formes plus basses et plus mesquines, ils deviennent plus contraires encore à la Vérité, incongrus, grotesques, et en même temps ils peuvent être d'une malfaisance perverse, même si leur champ d'action est réduit. Il n'est pas de meilleure façon d'introduire les forces hostiles dans le travail général ni de vicier sa sâdhanâ et de l'exposer à l'influence adverse. À un moindre degré, ces défauts: vanité, arrogance, violence radjasique, se retrouvent dans la plupart des natures humaines. Ils peuvent revêtir d'autres formes, mais n'en sont pas moins un grand obstacle à tout changement spirituel véritable.
2. Désobéissance et indiscipline. Cette partie inférieure de l'être est toujours capricieuse, récalcitrante, autoritaire et peu disposée à accepter qu'on lui impose un ordre ou une discipline contraire à son idée ou à ses impulsions. Dès le début, ses défauts barrent la route aux efforts du vital supérieur lorsqu'il veut imposer à la nature une tapasyâ
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vraiment régénératrice. Cette habitude de désobéir à la discipline et de refuser de s'y conformer est si forte qu'elle n'a pas toujours besoin d'être intentionnelle; elle semble être un réflexe immédiat, irrésistible, instinctif. Ainsi l'on promet et professe maintes fois obéissance à la Mère, mais les actes ou la direction suivie sont fréquemment contraires à la promesse ou à la profession de foi. Cette constante indiscipline est un obstacle radical à la sâdhanâ et le pire exemple que l'on puisse donner aux autres.
3. Dissimulation et fausseté dans les paroles. C'est là une habitude extrêmement pernicieuse de la nature inférieure. Ceux qui ne sont pas droits ne peuvent tirer profit de l'aide de la Mère, car ils l'écartent eux-mêmes. A moins qu'ils ne changent, ils ne peuvent pas espérer la descente de la Lumière et de la Vérité supramentales dans le vital inférieur et dans la nature physique; ils restent enlisés dans une boue de leur propre fabrication et ne peuvent pas progresser. Souvent, ce qui ressort chez le sâdhak, ce n'est pas simplement une exagération ou une imagination abusive qui brode autour de la vérité réelle, mais aussi un refus catégorique et une altération des faits autant qu'une dissimulation qui les déforme. Cela, il le fait tantôt pour couvrir sa désobéissance ou sa ligne de conduite fausse ou suspecte, tantôt pour conserver sa situation, tantôt pour parvenir à ses fins ou céder à ses habitudes et à ses désirs préférés. Quand le sâdhak a ce genre d'habitude vitale, il obscurcit souvent sa propre conscience et ne se rend pas tout à fait compte de la fausseté de ses paroles ou de ses actes; mais la plupart du temps, il n'est même pas possible d'invoquer pour lui cette excuse maladroite.
4. Une dangereuse habitude de se justifier constamment. Quand cette habitude se fortifie chez le sâdhak, il est impossible d'orienter cette partie de son être vers la vraie conscience et l'action vraie parce qu'à chaque instant, sa seule préoccupation est de se justifier. Son mental se précipite aussitôt pour défendre son idée, sa position ou sa ligne de conduite. Et cela, il est prêt à le faire par n'importe quel
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argument - parfois le plus maladroit et le plus sot, ou le plus contraire à ce qu'il proclamait la minute d'avant -, par n'importe quelle déclaration mensongère, n'importe quel stratagème. Cet abus est fréquent dans le mental pensant, mais ce n'en est pas moins un abus; chez le sâdhak, il prend i des proportions exagérées et tant que celui-ci y reste attaché, il lui est impossible de voir ou de vivre la Vérité.
Quelles que soient les difficultés de la nature, si long et pénible que soit le processus de rectification, elles ne peuvent pas indéfiniment tenir tête à la Vérité si, dans ces parties de l'être, l'esprit, l'attitude et l'effort vrais sont présents ou peuvent être amenés. Mais si, par amour-propre, entêtement ou inertie tamasique, le sâdhak continue à fermer les yeux ou à endurcir son cœur à la Lumière, tant qu'il en sera ainsi, nul ne pourra l'aider. Le consentement de l'être tout entier est indispensable à la transformation divine, et c'est la totalité de ce consentement, sa perfection, qui constitue la soumission intégrale. Mais il ne suffit pas que le consentement du vital inférieur prenne la forme d'une simple profession de foi mentale ou d'une adhésion sentimentale passagère; il faut qu'il se traduise par une attitude permanente et une action persévérante et cohérente.
Notre yoga ne peut être fait jusqu'au bout que par ceux qui sont prêts à s'y engager totalement et à abolir leur petit ego humain et ses exigences afin de se découvrir eux-mêmes en le Divin. Il ne peut pas être fait dans un esprit de légèreté ou de laxisme; l'entreprise est trop haute et trop difficile, les pouvoirs adverses dans la Nature inférieure trop prêts à profiter du moindre assentiment ou de la plus petite ouverture; l'aspiration et la tapasyâ sont trop constamment et trop intensément nécessaires. Il ne peut pas être fait si les idées du mental humain s'affirment avec humeur ou si on se laisse délibérément mener par les exigences, les instincts et les prétentions de la partie la plus basse de l'être que l'on justifie en général sous l'étiquette de nature humaine. Il ne peut pas être fait si l'on persiste à identifier les bassesses de l'Ignorance à la Vérité divine ou même à la vérité moindre
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permise sur le chemin. Il ne peut pas être fait si l'on se cramponne à son moi passé et à ses vieilles formations, ses vieilles habitudes mentales, vitales et physiques. Il faut constamment laisser derrière soi ses moi passés pour voir, agir et vivre à un niveau de conscience de plus en plus élevé. Il ne peut pas être fait si vous réclamez la "liberté" pour votre mental humain et votre ego vital. Toutes les parties de l'être humain ont le droit de s'exprimer et de se satisfaire comme elles l'entendent, à leurs risques et périls, si tel est le choix de l'homme tant qu'il mène la vie ordinaire. Mais prendre le chemin du yoga, dont le seul objet est de substituer à ces choses humaines la loi et le pouvoir d'une Vérité plus grande, et dont la méthode est essentiellement une soumission à la Shakti divine, et continuer en même temps à revendiquer cette prétendue liberté, qui n'est rien d'autre qu'un esclavage à certaines forces cosmiques ignorantes, c'est se complaire dans une aveugle contradiction et revendiquer le droit de mener une double vie.
Et surtout ce yoga ne pourra s'accomplir si ceux qui font profession d'être ses sâdhak persistent à être les centres, les instruments ou les porte-parole des forces de l'Ignorance qui s'opposent à son principe même et à son but et les nient ou les tournent en ridicule. D'un côté il y a la réalisation supramentale, la descente du pouvoir divin supramental qui surpasse tout, la lumière et la force d'une Vérité beaucoup plus grande qu'aucune de celles qui ont déjà été réalisées sur la terre, quelque chose qui, par conséquent, est bien au-delà de ce que la petite mentalité humaine et sa logique considèrent comme les seules réalités permanentes, quelque chose dont elle ne peut, au moyen de ses instruments inadaptés, concevoir et percevoir la nature, les voies et le processus de développement ici-bas, ou qu'elle ne peut juger selon ses normes puériles. En dépit de toutes les oppositions, c'est cela qui fait pression d'en haut et qui cherche à se manifester dans la conscience physique et dans la vie matérielle. Et de l'autre côté, il y a cette nature vitale inférieure avec toute sa Prétentieuse arrogance, son ignorance, son obscurité, sa
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stupidité ou sa turbulence incompétente, qui veut prolonger son empire et s'oppose à la descente, qui refuse de croire à la réalité réelle ou à la possibilité réelle d'une conscience et d'une création supramentales ou surhumaines, ou, plus absurde encore, qui exige, si effectivement pareille possibilité existe, qu'elle se conforme à ses petites normes, et se saisit avidement de tout ce qui semble la réfuter, niant la présence du Divin (car elle sait que, sans cette présence, le travail est impossible), affirmant bruyamment ses propres pensées, ses propres jugements, ses propres désirs, ses propres instincts, et s'ils sont contrecarrés, se vengeant en répandant le doute, la négation, les critiques méprisantes, la révolte et le désordre. Telles sont les deux choses maintenant en présence, et entre l'une et l'autre chacun devra choisir.
Car cette opposition, cette obstruction stérile, ce blocus contre la descente de la Vérité divine ne pourront pas durer toujours. Chacun devra finalement se ranger d'un côté ou de l'autre, du côté de la Vérité ou contre elle. La réalisation supramentale ne peut pas coexister avec la persistance de l'Ignorance inférieure; elle est incompatible avec une nature qui se complairait indéfiniment dans la duplicité.
Il ne peut y avoir qu'une seule "solution" à ce genre de conflit, qui est de reconnaître ces sentiments pour ce qu'ils sont, des mouvements non régénérés de l'ancienne nature vitale, et de rejeter ces suggestions vitales comme des influences de forces adverses qui veulent vous détourner du droit chemin. Si le mental du sâdhak soutient ces mouvements vitaux, si une partie quelconque de sa nature les accepte et s'y complaît, alors tant qu'il les laisse agir ainsi, il ne peut se débarrasser du conflit.
Toutes ces suggestions sont très fréquentes, elles sont toujours semblables, tant dans leur expression que dans leur substance. Les réactions sont, elles aussi, toujours semblables
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et leur nature même suffit à montrer quelle est leur source: déception du désir insatisfait, découragement, mécontentement, chagrin, sentiment d'avoir subi un tort ou une injustice, révolte, chute dans le tamas et l'inertie (parce que l'être vital refuse d'accorder sa participation à l'effort spirituel si ses exigences égoïstes ne sont pas satisfaites), aridité, apathie, arrêt de la sâdhanâ. Les mêmes formules se répètent: "On ne vit pas dans cette existence", "étouffement", "limitation", "atmosphère suffocante"; et tout cela veut tout simplement dire que la nature vitale inférieure - ou une partie de cette nature - est en pleine révolte et désire autre chose que la Vérité divine et la tapasyâ qui mène à la transformation supramentale. Elle refuse d'abandonner l'ego, le désir, ses revendications, ses exigences, ou d'accepter un vrai don de soi, une vraie soumission, tout en ressentant cependant la pression qui veut l'obliger à se transformer en un instrument de la vie divine. C'est cette pression qu'elle qualifie d'étouffement. Le refus de la laisser étendre le champ de ses désirs pour se tailler la part du lion, elle l'appelle limitation de l'être. Le calme, la pureté, le silence recueilli, base de la tapasyâ qui mène à la transformation supramentale, c'est ce qu'elle stigmatise en disant "on ne vit pas". La règle juste et l'injonction de s'oublier, de se maîtriser, de s'abstenir de réclamer et d'exiger, elle les appelle "atmosphère suffocante". Et les pires suggestions, les mensonges les plus dangereux surgissent lorsque cet esprit d'exigence et de désir se cache sous un déguisement spirituel et revêt une forme qui le fait apparaître aux yeux du sâdhak comme une partie du yoga.
Il n'y a qu'une seule manière d'échapper à ces assauts continuels de la nature vitale inférieure. C'est de rejeter totalement toute exigence, toute revendication, tout désir vital égoïste, et de substituer à l'impulsion vitale insatisfaite la pureté de l'aspiration psychique. La vraie solution n'est pas de satisfaire ces vociférations vitales, elle n'est pas non plus dans une retraite ascétique: c'est la soumission de l'être vital au Divin et une consécration exclusive à la Vérité
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suprême où le désir et l'exigence ne peuvent pénétrer. Car la nature de la Vérité suprême est Lumière et Ânanda, et là où règnent le désir et l'exigence il ne peut y avoir d'Ânanda.
Ce n'est pas l'exigence vitale, c'est la pression psychique qui seule peut mener la nature à la transformation supramentale; car elle seule peut transformer le mental et le vital et leur montrer leur mouvement vrai. Mais on prend sans cesse l'exigence vitale pour l'aspiration psychique; et pourtant la différence est claire. L'aspiration psychique ne contient aucune de ces réactions, elle n'entraîne ni révolte, ni justification de la révolte; car c'est par l'union intérieure avec le Divin et par la soumission que le psychique aspire. Le psychique ne conteste pas, ne lance pas de défi, mais cherche à comprendre en s'unissant à la Volonté divine. Il ne demande pas de petites satisfactions personnelles, mais trouve sa satisfaction dans la Vérité qui grandit à l'intérieur de l'être; ce qu'il cherche et trouve, ce n'est pas la satisfaction d'une revendication vitale ou physique, mais la véritable intimité qui se traduit par la présence constante du Divin dans le cœur et la domination du Divin sur toute la Nature. Le cri du psychique est toujours: "Que la Vérité l'emporte, que Ta volonté soit faite et non la mienne." La clameur du vital est tout à l'opposé; il crie au Divin: "Que ma volonté soit la Tienne: obéis à mon exigence, satisfais mes désirs, alors seulement je Te chercherai et je T'accepterai, car alors seulement je consentirai à voir le Divin en Toi." Inutile de préciser où est le chemin vers la Vérité, ou quelle est la solution juste à tous les conflits de la nature.
La seule création qui ait une place ici est la création supramentale: la descente de la Vérité divine sur la terre, non seulement dans le mental et le vital, mais dans le corps et dans la matière. Notre but n'est pas de supprimer toutes les "limitations" à l'expansion de l'ego ni de donner libre cours ou de laisser un champ illimité à l'accomplissement des idées du mental humain ou des désirs de la force de vie égocentrique. Aucun de nous n'est ici pour "faire à sa guise' ou pour créer un monde où nous pourrons enfin faire selon
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notre bon plaisir; nous sommes ici pour faire ce que veut le Divin et pour créer un monde où la Volonté divine pourra manifester sa vérité sans que celle-ci soit déformée par l'ignorance humaine ou pervertie et dénaturée par le désir vital. Le travail que le sâdhak du yoga supramental doit faire n'est pas son travail personnel, accompli aux conditions fixées par lui, mais l'œuvre divine qu'il doit accomplir suivant les conditions fixées par le Divin. Nous ne faisons pas notre yoga pour nous-mêmes, mais pour le Divin. Ce n'est pas notre expression personnelle que nous devons rechercher, la manifestation de l'ego individuel libéré de toute limite et de tout lien, mais la manifestation du Divin. De cette manifestation, notre propre libération, notre perfection et notre plénitude spirituelles seront un résultat et une partie, mais non pas dans un sens égoïste ni pour une fin personnelle ou intéressée. De plus, cette libération, cette perfection, cette plénitude, ne seront pas recherchées pour nous-mêmes, mais pour le Divin.8 J'insiste sur cette caractéristique de la création, parce qu'un oubli constant de cette vérité simple et centrale, une confusion consciente, semi-consciente ou totalement ignorante à son sujet ont été à l'origine de la plupart des révoltes vitales qui ont gâché ici bien des sâdhanâ individuelles, perturbé le progrès du travail intérieur de tous et troublé l'atmosphère spirituelle.
La création supramentale, puisqu'elle sera une création terrestre, ne doit pas être un simple changement intérieur, mais aussi une manifestation physique et extérieure. Et c'est précisément pour cette partie du travail, la plus difficile de toutes, que la soumission est le plus nécessaire; la raison en est que la descente effective du Divin supramental dans la Matière et l'action en elle de la Présence et du Pouvoir divins sont seules capables de rendre possible la transformation physique et extérieure. Même le plus puissant déploiement de volonté et d'effort humain est incapable de la
8. Ce paragraphe figure au chapitre 1 de Lumières sur le Yoga. traduction de la Mère.
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réaliser; quant à l'exigence égoïste et à la révolte vitale, ce sont, tant qu'elles persistent, des obstacles insurmontables à la descente. Seule une conscience physique calme, pure et consacrée, pleine d'aspiration psychique, peut être son champ d'action; elle seule peut ouvrir efficacement l'être matériel à la Lumière et au Pouvoir et faire de la transformation supramentale quelque chose de réel et de praticable. C'est pour cela que nous sommes ici dans le corps, et c'est pour cela que vous-même, comme d'autres sâdhak, vivez à l'Ashram, auprès de nous. Mais ce n'est pas en persistant à satisfaire de mesquines exigences et à rechercher de petites satisfactions extérieures ou une proximité physique avec nous, qui flatte la nature vitale et son orgueil ou son désir, que vous trouverez la véritable relation avec le Divin dans ce domaine. Si vous voulez y obtenir la réalisation, c'est la véritable intimité que vous devez rechercher, la descente et la présence de la Mère dans votre conscience physique, son contact intérieur constant dans l'être physique et ses activités, la volonté et la connaissance de la Mère derrière tout le travail, toute la pensée et tous les mouvements de l'être physique, et l'Ananda permanent de cette présence qui expulse tout sentiment de séparation, toute exigence et tout désir venant du vital et du physique. Si vous avez cela, vous avez toute l'intimité désirable, et pour le reste, vous laisserez joyeusement la connaissance et la volonté de la Mère en décider. Car si vous portez cela en vous, vous ne pouvez en aucune façon vous sentir tenu à l'écart, avoir l'impression d'un abîme ou d'une distance, ni vous plaindre de l'absence d'union, d'une aridité vide ou d'un refus d'intimité.
Un temps vient où, après une longue préparation de l'être mental et vital, il devient nécessaire d'ouvrir aussi la nature physique. Mais quand cela se produit, très souvent l'exaltation vitale, qui peut être très grande lorsque l'expérience se situe sur son propre plan, retombe, et la conscience physique obscure, obstructrice et grossièrement matérielle apparaît dans toute sa désolante inertie. Inertie, tamas. stupidité, étroitesse et limitation, incapacité de progresser
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doute, apathie, aridité, oubli constant des expériences spirituelles reçues, telles sont les caractéristiques de la nature physique non régénérée quand elle n'est pas poussée par le vital ni soutenue par la volonté et l'intelligence du mental supérieur. C'est, semble-t-il, en partie, ce qui vous arrive, momentanément; pour en sortir, cependant, il ne faut pas exciter le physique par une révolte ou une protestation du vital, ni rejeter sur les circonstances ou sur la Mère la responsabilité de votre état - cela ne ferait qu'aggraver la situation et augmenter le tamas, l'aridité, l'apathie, l'inertie - mais reconnaître qu'un élément de la Nature universelle se reflète en vous, et que vous devez l'éliminer. Et cela ne peut se faire que par une soumission et une aspiration de plus en plus grandes, en apportant d'au-delà du vital et du mental la paix, la lumière, le pouvoir et la présence du Divin. C'est la seule voie qui mène à la transformation et à la plénitude de la nature physique.
Après ce que j'ai écrit, je ne crois pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit au sujet des doléances particulières que vous formulez dans votre lettre. Peut-être faudrait-il préciser deux choses. D'abord, les dispositions actuelles, en ce qui concerne le travail, les besoins extérieurs, la correspondance et les "entrevues"9 sont les seules possibles dans les circonstances présentes pour que le lourd travail qui incombe à la Mère soit physiquement réalisable. Ensuite, c'est précisément par l'action dans le silence que nous pouvons le mieux faire notre travail, bien plus que par des discours ou des écrits qui ne peuvent être qu'accessoires et secondaires. Car dans notre yoga, réussiront le mieux ceux qui sauront obéir à la parole écrite ou orale et s'y conformer, mais qui pourront aussi supporter le silence et en lui, sentir et recevoir (sans prêter l'oreille à d'autres voix, ni prendre des suggestions et des impulsions mentales ou vitales pour la Vérité divine et la Volonté divine) l'aide, le soutien et la direction.
9. Correspondance avec Sri Aurobindo et entrevues avec la Mère.
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Vous écrivez, dans votre lettre [...] que vous êtes très fatigué, que l'agitation et le tamas prédominent dans le physique, qu'un combat plus ou moins intense se poursuit sans cesse entre l'être psychique et la nature physique. Or votre état était le même pendant les derniers mois de votre séjour ici. Vous vouliez alors partir parce que la pression était trop forte, parce que le combat contre la nature physique agitée et tamasique et contre l'influence asourique était trop dur et trop constant, parce que vous vous sentiez très fatigué, qu'il vous fallait partir pour prendre du repos, trouver un répit, vous remettre.
Comment pourriez-vous donc revenir alors que vous êtes dans le même état? La pression sera encore plus forte qu'avant, le combat constant; vous serez sans doute encore plus fatigué et abattu qu'alors. Et vous aurez encore plus de mal à le supporter, parce que votre situation personnelle aura changé du tout au tout. Vous n'aurez pas de place spéciale, aucune autorité ne vous sera déléguée, aucun travail ne vous sera confié; vous ne serez pas près de la Mère, mais à une certaine distance, parmi d'autres. La nature asourique en vous, qui était devenue un obstacle intolérable dans le travail, dangereux pour vous-même et pour les autres, ne bénéficiera d'aucune indulgence. Il est clair que vous trouverez ces conditions insupportables, à moins que dans l'intervalle un changement fondamental ne se soit opéré en vous. C'est pourquoi vous ne devez pas nous demander de venir ici avant d'avoir acquis un calme et une paix stables, à la fois en vous et dans votre atmosphère extérieure.
Où que vous soyez, nous serons toujours proches de votre être psychique et prêts à l'aider à vaincre. Dans votre état actuel, cette aide agira sans doute mieux à distance que lorsque vous étiez proche et qu'a tout moment vous la repoussiez par vos mouvements intérieurs erronés, vos réactions fausses, vos paroles et vos actes malencontreux. Mais pour tirer profit de notre aide, vous devrez faire ce que vous
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n'avez encore jamais vraiment fait, au moins dans votre être extérieur. Vous devrez, dans votre nature physique même. vous détourner résolument de l'Asoura et de ses manières d'agir et refuser de vous abandonner à lui sous quelque prétexte que ce soit, dans quelque pensée, sentiment, parole, action qui puisse l'aider encore à posséder les diverses parties de votre être et à déterminer ou influencer votre attitude et vos actes. Devenir tranquille et, avec tranquillité et simplicité, entretenir avec notre aide ce rejet persistant et patient, sans combat radjasique, sincèrement, dans les faits et dans chaque détail, pas seulement en désir et en pensée, voilà ce que vous devez faire. Être divisé, aspirer dans une partie de votre être et dans l'autre vous abandonner aux mouvements faux, les justifier et vous y complaire ne peut mener à rien qu'à un combat et une fatigue sans fin. Ce n'est que par cette orientation nouvelle et ce changement que le combat et la fatigue cesseront et que viendra la pureté.
Voilà maintenant un mois que vous avez écrit pour m'annoncer la tournure favorable récemment prise par votre sâdhanâ. Vous avez eu le temps de voir si cette orientation était décisive et jusqu'à quel point elle a progressé pour devenir complète. Vous en jugerez en observant si elle a fondamentalement débarrassé votre être extérieur de son penchant asourique. Toute ambition, tout orgueil, toute vanité doivent disparaître des pensées et des sentiments. Vous ne devez plus rechercher, ni maintenant, ni dans l'avenir, aucune situation, aucune position ni aucun prestige, vous ne devez poser aucune condition pour accéder à un siège élevé parmi les élus, ni exiger aucune proximité spéciale avec la Mère, ne revendiquer, n'affirmer aucun droit, ne jamais tenter de vous interposer entre elle et les autres sâdhak, ne faire aucun effort pour intercepter
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ce qu'elle leur donne ou vous en approprier une part, ne pas vous imposer à elle ou aux autres sâdhak. Tout mensonge doit être rejeté des paroles, des pensées et des actes ainsi que toute ostentation, toute arrogance, toute insolence. Aspirer avec simplicité, tranquillité et modestie à atteindre la Vérité, à la recevoir pour elle-même et non pour le profit qu'elle pourrait vous apporter, accepter sans détours la volonté de la Mère, quelle qu'elle soit, rejeter entièrement toute prétention, tout faux semblant, être prêt à obéir complètement et sans réserve et à accepter toute situation, toute discipline qu'elle vous impose, telles sont les conditions qui seules permettront à une transformation divine de s'opérer en vous. C'est à cela que vous devez vous efforcer.
De notre côté, nous attendons une certaine victoire sur le plan matériel qui n'est pas encore acquise, avant de pouvoir vous dire de revenir. Comme vous l'avez déjà constaté, tant que cela n'est pas fait, votre séjour ici ne vous serait d'aucune aide. Quand vous serez prêt dans votre état intérieur et qu'ici, tout sera prêt, la Mère vous appellera.
Si vous voulez changer, vous devez d'abord vous débarrasser résolument des défauts de votre être vital en persévérant avec fermeté, quels que soient la difficulté et le temps requis, en appelant sans cesse l'aide divine et en vous contraignant à être toujours complètement sincère.
Quant à être apte ou inapte, personne n'est entièrement apte à faire notre yoga: on doit le devenir par l'aspiration, par l'abhyâsa, par la sincérité et la consécration. Si vous avez toujours désiré la vie spirituelle, c'est la partie psychique en vous qui la désirait, mais votre vital s'est toujours interposé. Établissez une volonté sincère dans le vital; ne laissez pas les désirs personnels, les exigences, l'égoïsme, le mensonge se mêler à votre sâdhanâ; alors seulement le vital en vous deviendra apte à la sâdhanâ.
Si vous voulez que votre effort réussisse, il doit devenir
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toujours plus pur, plus régulier et plus persévérant. Si vous pratiquez avec sincérité, vous recevrez l'aide dont vous avez besoin.10
L'état dans lequel vous êtes tombé est évidemment dû à une explosion d'éléments refoulés de la nature vitale inférieure. Celle-ci a été forcée par votre mental et par la partie supérieure de votre vital à abandonner "les petites joies et les petits plaisirs" auxquels elle était habituée, mais elle - ou du moins sa partie subconsciente, qui est souvent la plus puissante - l'a fait sans être entièrement convaincue, et probablement avec des "réserves", des "garanties", et en échange d'une promesse de compensations, d'autres joies et d'autres plaisirs plus grands qui devaient remplacer tout ce qu'elle perdait. Cela ressort clairement de ce que vous écrivez: votre description de la nature de la dépression, du retour de ce que vous appelez des pensées impures, qui ne font que signaler un complexe de désir dans le vital inférieur subconscient, la générosité du Divin mise en doute, l'exigence d'une compensation pour ce que vous avez perdu, quelque chose qui ressemble à un marché conclu avec le Divin, donnant-donnant, on ne peut s'y méprendre. Plus récemment les circonstances se sont combinées de manière à accroître assez soudainement le sentiment de privation en lui retirant ses anciens exutoires; cette attaque est sa manière de refuser sa coopération ou de protester. La seule chose à faire est de rejeter tout en bloc: dépression, exigences, doutes, pensées sexuelles, tout ce bagage indésirable, et de le remplacer par le seul mouvement vrai, l'appel à la conscience et à la présence du Divin.
Derrière cette insistance du vital inférieur à exiger satisfaction, peut-être y avait-il, dans la partie obscure du mental physique, quelque chose qui n'était pas tout à fait clair dans votre attitude mentale à l'égard du yoga. Vous semblez
10. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
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considérer comme tout à fait légitime d'exiger que les vieilles satisfactions vitales inférieures soient remplacées par d'autres joies et d'autres plaisirs; mais les joies et les plaisirs ne sont pas l'objet du yoga et conclure un marché ou exiger une substitution de ce genre ne peut être ni légitime, ni salutaire dans la sâdhanâ. Si ce sentiment est là, il entravera sûrement le flot de l'expérience spirituelle. L'Ânanda, oui; mais l'Ânanda et le bonheur spirituel qui le précède (adhyâtma-soukham) sont tout différents des joies et des plaisirs. Et même l'Ânanda, on ne peut l'exiger ni en faire une condition pour poursuivre la sâdhanâ: il en est le couronnement, le résultat naturel, et sa vraie condition est la croissance de la vraie conscience, de la paix, du calme, de la lumière et de la force, et l'équanimité qui résiste à tous les chocs et persiste à travers le succès et l'échec. C'est tout cela qui doit être le premier objectif de la sâdhanâ et non aucune expérience hédoniste, même du genre le plus élevé; car cela doit venir de soi-même et découler de la Présence divine.
En attendant, la première chose à faire est de rejeter tout ce fatras périlleux de dépression et tout ce qui l'accompagne, et de retrouver un équilibre tranquille et clair. Un mental et un vital tranquilles sont la première condition du succès dans la sâdhanâ.
Il est évident que vous continuez à entretenir avec complaisance un certain malentendu au sujet de la paix, de la joie et de l'Ânanda. (La paix, soit dit en passant, n'est pas la joie; car la paix peut exister même lorsque la joie est assoupie.) Il est inexact que l'on ne doive pas appeler la paix ou la joie spirituelle par ses prières ou son aspiration. La paix est la base même de toute la siddhi dans le yoga, et pourquoi ne devrait-on pas prier ou aspirer pour obtenir la fondation du yoga? La joie spirituelle ou un bonheur intérieur profond (qui n'est pas troublé, même quand surviennent des orages ou des perturbations à la surface) est inséparable du contact
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ou de l'union avec le Divin, et pourquoi serait-il interdit de prier ou d'aspirer pour appeler le contact avec le Divin et la joie qui l'accompagne? Quant à l'Ânanda, j'ai déjà expliqué que j'entendais par là quelque chose de plus grand que la paix ou la joie, quelque chose qui, comme la Vérité et la Lumière, constitue la nature même du Divin supramental. Il peut venir dès maintenant par irruptions ou descentes fréquentes, partiellement ou pour un certain temps, mais il ne peut pas demeurer dans l'être tant que celui-ci n'y a pas été préparé. Dans l'intervalle, la paix et la joie peuvent régner en permanence, mais à condition que l'on soit sans cesse en contact avec le Divin ou habité par lui, ce qui vient naturellement non au mental ou au vital extérieurs, mais à l'âme intérieure ou être psychique. Par conséquent, si l'on veut que le yoga soit un sentier de paix ou de joie, il faut être prêt à résider dans son âme plutôt que dans son mental extérieur ou sa nature émotive.
Dans une lettre précédente, j'élevais des objections non contre l'aspiration, mais contre une certaine exigence qui fait de la paix, de la joie ou de l'Ânanda une condition pour pratiquer le yoga. Et c'est indésirable parce que si vous avez cette exigence, c'est le vital et non le psychique qui prend l'initiative. Quand c'est le vital qui mène, l'agitation, le découragement, la tristesse peuvent toujours venir, puisqu'ils sont la nature même du vital; le vital est tout à fait incapable de demeurer en permanence dans la joie et la paix, car il a besoin de ce sentiment du drame de la vie qu'apportent leurs contraires. Et pourtant, quand apparaissent l'agitation et la tristesse, le vital s'écrie aussitôt: "Je ne reçois pas mon dû, à quoi bon faire le yoga?" Ou bien il fait de cette tristesse un évangile et déclare que le sentier qui mène à l'accomplissement doit être une route tragique à travers le désert. Et pourtant c'est précisément cette prédominance du vital en nous qui rend inévitable la traversée du désert. Si le psychique était toujours au premier plan, le désert n'en serait plus un et se couvrirait de roses.
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L'Ânanda que vous décrivez est évidemment celui du vital intérieur lorsqu'il est plein de l'influence psychique et en inonde aussi le vital extérieur. C'est le véritable Ânanda et rien en lui ne participe de l'ancienne nature vitale. Quand le psychique utilise ainsi le vital pour s'exprimer, U'Ânanda prend naturellement la forme de cette sorte d'extase intense. Cette intensité n'a rien à voir avec l'ancienne excitation vitale et il ne faut pas les confondre. Lorsque l'intensité s'accompagne d'une satisfaction, d'un contentement et d'une gratitude purs et complets, ne laissant place à aucune revendication, à aucune exigence, à aucune réaction dépressive, alors c'est le vrai mouvement vital.
Quand l'être vital a été en contact avec le psychique, le plaisir purement vital perd tout intérêt; il peut même être ressenti comme une perturbation ou un désagrément, parce qu'il abaisse la conscience.
La souffrance peut être transformée en Ânanda, mais je ne crois pas que cela se produise à un stade déterminé.
Une fois que l'être vital est venu au premier plan et a laissé voir sa difficulté - nul n'est exempt d'une difficulté cruciale ou d'une autre en cet endroit - il faut agir sur elle et la vaincre.
Il faut agir sur elle non pas au moyen du mental, mais directement par le pouvoir supramental.
Ce n'est pas la paix et la connaissance dans le mental qu'il faut établir, mais la paix, la foi, la force tranquille dans l'être vital même (et surtout dans la partie défectueuse). La conduite à tenir consiste à s'ouvrir et à permettre au Pouvoir de les faire descendre.
Le défaut ne se situe pas dans le mental supérieur ou dans le mental proprement dit; il est par conséquent inutile
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de revenir en arrière pour établir la paix mentale. La difficulté réside dans cette partie de l'être vital qui n'est pas assez ouverte et confiante, pas assez forte et courageuse, et dans le mental physique qui apporte son soutien à ces imperfections. Y faire descendre la lumière, le calme, la force et l'intensité du supramental, c'est là ce qu'il vous faut.
Vous pouvez avoir toute la connaissance mentale du monde et pourtant être incapable de faire face aux difficultés vitales. Le courage, la foi, la sincérité devant la Lumière, le rejet des suggestions contraires et des voix adverses sont là l'aide véritable. Alors Seulement la connaissance elle-même peut avoir quelque efficacité.
Le pouvoir exigé dans la réalisation n'est pas la maîtrise mentale, mais une maîtrise venant d'au-dessus du mental. Cette maîtrise qui, en dernière analyse, vient du supramental, est celle du Pouvoir divin.
Si vous voyez plus clairement certaines déficiences de votre nature vitale et la nécessité d'une transformation, c'est en soi un signe de croissance psychique. Ces défauts ne devraient pas vous décourager, car ils sont fréquents dans le vital humain et, par une ouverture psychique progressive, ils perdront leur emprise et finiront par disparaître.
Souvent la maîtrise mentale sur les mouvements vitaux s'atténue, au cours du yoga, pendant un certain temps. 11 faut la remplacer par une maîtrise plus grande venant d'en haut et par le calme, la pureté et la paix puissante du vital lui-même, ouvert à la Force divine et à son empire sur toute la nature.
Ne vous laissez ni troubler, ni décourager par aucune difficulté, mais ouvrez-vous tranquillement el simplement à la force de la Mère et laissez-la vous transformer.
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La Mère ne retire pas la maîtrise mentale: c'est complètement faux, et c'est là un des nombreux et stupides contresens que font certains sâdhak au sujet de la sâdhanâ. Ce qui est vrai - et c'est la raison de ce que vous ressentez - c'est que quand vous essayez de maîtriser pleinement, par la sâdhanâ, vos mouvements habituels dans le vital, et non tantôt de les maîtriser et tantôt de vous y abandonner, ils résistent avec violence au point de paraître augmenter. Le sâdhak doit tenir bon et refuser de se laisser terrasser ou décourager par cette violence. En rêve, il est fréquent que les mouvements, même ceux que l'on a rejetés à l'état de veille, continuent longtemps à revenir, car ils restent dans le subconscient; or c'est le subconscient qui fabrique une grande partie des rêves. Ainsi, lorsqu'on n'a plus de désirs sexuels à l'état de veille, on peut encore avoir des rêves sexuels - et des éjaculations - qui reviennent plus ou moins souvent; on peut encore rencontrer en rêve des personnes que l'on ne voit jamais, dont on n'entend pas parler, auxquelles on ne pense pas pendant les heures de veille, et ainsi de suite. Ces rêves ont d'autant plus tendance à se produire lorsque le mental éveillé n'est pas libre.
Tout dépend de ce que l'on entend par mouvement erroné ou inutile. Certains mouvements doivent être éliminés avant que la conscience supérieure puisse s'établir complètement. D'autres, qui sont inutiles, doivent être écartés s'ils sont incompatibles avec la plénitude de la sâdhanâ, ou la croissance de la conscience intérieure, mais peuvent subsister si la conscience établie est telle que les admettre ou non n'a sur elle aucune influence.
Cette expression ["mouvements erronés dans la sâdhanâ"] recouvre à peu près tout ce qui est néfaste au progrès
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spirituel; les mouvements les plus fréquents sont le doute, la révolte, le désir égoïste ou l'ambition, la satisfaction des désirs sexuels, mais il y en a quantité d'autres.
La révolte extérieure, c'est le refus de la discipline et de l'obéissance; la révolte intérieure revêt de nombreux aspects, elle peut avoir de nombreuses formes, par exemple: révolte du vital contre la Mère, révolte du mental contre la Vérité, rejet de la vie spirituelle, exigence d'introniser l'ego à la place du Divin ou de se mettre au service de quelque chose qui flatte l'ego vital et soutient ses exigences, et appeler cela le Divin; acceptation des suggestions vitales de défiance, de désespoir, d'auto-destruction, de départ, et bien d'autres.
La véhémence vient de l'ego vital non régénéré qui est précisément la chose qui constitue le principal obstacle à la transformation; d'autres obstacles sont relativement bénins, comparés à cette partie de l'être. Il vaut beaucoup mieux que la Mère ait refusé de prendre en considération cette partie de votre être; l'épreuve aurait été bien plus dangereuse qu'un refus.
La consécration vitale consiste à offrir à la Mère la nature vitale en la rendant sacrée, afin qu'elle puisse appartenir tout entière à la Mère et non à la nature inférieure.
[La consécration vitale:] Elle consiste à offrir toute la nature vitale et tous ses mouvements au Divin, afin qu'elle soit
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purifiée, que seuls subsistent les mouvements vrais, en harmonie avec la Volonté divine, et que tous les désirs et toutes les impulsions égoïstes disparaissent.
L'aspiration est parfois ressentie au niveau de l'ombilic mais cette région fait partie du vital élargi. Le vital inférieur est situé plus bas. Le vital inférieur aspire en offrant tous ses petits mouvements au feu de la purification, en appelant la lumière et le pouvoir pour qu'ils descendent en lui, le débarrassent de ses petites avidités, de ses petites jalousies, résistances, révoltes à propos d'affaires sans importance, colères, vanités, pulsions sexuelles, etc., et les remplacent par les vrais mouvements régis par l'oubli de soi, la pureté, l'obéissance à l'impulsion de la Force divine en toutes choses.
On commence à voir que le vital inférieur a reçu la Conscience divine lorsque même dans les petits mouvements de la vie, il y a une aspiration vers le Divin, une sorte de recours à la Lumière divine pour qu'elle vous guide ou un certain sentiment de s'offrir au Divin ou de se laisser guider par le Divin. Le vital inférieur régit les petits détails de l'émotion, de l'impulsion, de la sensation, de l'action; lorsqu'il est converti, il les offre à l'autorité du Divin pour qu'ils soient transformés.
Il est vrai qu'une discipline extérieure est nécessaire à la purification du vital extérieur, sinon il demeure agité, fantasque, à la merci de ses impulsions, si bien qu'aucune base ne peut être construite en lui pour qu'une conscience supérieure tranquille et permanente y demeure fermement établie.
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L'attitude que vous avez adoptée dans le travail est évidemment la meilleure et par sa pratique régulière, le progrès que vous constatez ne pouvait manquer de venir et ne fera qu'augmenter.
[La discipline:] Elle consiste à vivre et à agir en se maîtrisant ou en se conformant à une norme éthique, à ne pas laisser le vital et le physique faire tout ce qu'ils veulent, à ne pas laisser le mental errer à sa fantaisie sans vérité ni ordre. Et aussi à obéir à ceux qui doivent être obéis.
Une impulsion incontrôlable n'est pas forcément une inspiration à agir selon la vérité; en suivant toujours de telles impulsions, on risque plutôt de devenir une créature soumise au hasard de ses caprices. Il est bon que l'énergie soit inépuisable, non qu'elle soit indisciplinée.
La volonté devrait exercer la même maîtrise sur les impulsions que sur les pensées. Nombreux sont ceux qui trouvent plus facile de maîtriser une impulsion que d'empêcher l'émergence d'une pensée.
Cette incapacité à réaliser quoi que ce soit dans la vie vient en général d'une certaine instabilité dans le vital inférieur qui n'apporte pas un soutien cohérent à la Volonté, mais dont l'intérêt est flottant et voltige d'un objet à l'autre. Ce n'est pas un signe d'incapacité à réussir: en général, ceux-là pourraient réussir dans de nombreux domaines, mais ce flottement les empêche d'y parvenir durablement dans
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aucun. C'est un défaut qui doit être surmonté, et peut l'être.
Dans le premier cas, c'est l'indécision vitale; dans l'autre, c'est l'instabilité vitale. Ceux qui sont incapables de choisir ont cette indécision vitale; la cause en est, en général, un mental physique trop actif, qui voit trop de choses ou trop d'aspects à la fois. L'instabilité a pour origine un manque de maîtrise et un excès d'impulsivité.
Certains sont solides et tenaces dans leur vital, ce sont eux qui peuvent être stables; d'autres sont plus versatiles par nature et facilement mus par des impulsions, ce sont eux qui tantôt sont pleins d'enthousiasme, tantôt tombent dans la lassitude. C'est une question de tempérament. En revanche, les gens versatiles sont parfois capables d'une ardeur plus prompte, de sorte qu'ils peuvent progresser rapidement à leur manière, s'ils le veulent. Quoi qu'il en soit, le remède à tout cela consiste à trouver son vrai moi, au-dessus du mental et du vital, afin de n'être pas soumis au tempérament.
L'amertume que vous ressentez est celle d'un vital agité et insatisfait qui n'a pas obtenu ce qu'il désirait parce qu'il ne pouvait rien désirer avec force et persévérance. Sinon il aurait pu éprouver tous les désirs vitaux: mariage, amitiés, situation, etc., mais il ne pouvait se fixer sur rien, à cause de cette sorte d'agitation impuissante. Dans le yoga, votre vital a fait preuve de la même mollesse agitée; autrement, depuis le temps, il serait parvenu à un résultat; en outre il y avait l'impulsion sexuelle qu'il ne voulait ni satisfaire, ni abandonner. Vous devez savoir ce que vous voulez et le vouloir
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avec toute votre volonté; c'est le seul moyen de mettre fin à cette agitation et à cet échec.
S'il veut un jour ou l'autre devenir apte à la vie spirituelle, la première chose qu'il doit éviter est l'agitation vitale. Exécuter le travail qui vous incombe avec un mental tranquille, en l'offrant au Divin et en essayant de se débarrasser de l'égoïsme et du désir vital, est la meilleure manière de se préparer.11
Vous ne devriez pas vous abandonner à ce sentiment de chagrin; restez calme, confiant, tourné vers l'unique Volonté en toutes circonstances; c'est le moyen de s'assurer que chaque action entreprise sera celle qui convient et produira les meilleurs effets possibles. Considérez dorénavant la question de X et votre relation avec X comme mineures et secondaires, comme un à-côté extérieur à votre sâdhanâ. Si vous considérez ce problème comme primordial, il le deviendra et vous barrera de nouveau le chemin. Considérez que cette question appartient au passé, qu'elle a été fermement réglée et mise à sa place, et tournez-vous vers le but central de votre sâdhanâ.
Quant au reste, à part ce détail, vous n'avez rien à changer à votre but intérieur et à la concentration de votre volonté et de votre effort sur la seule chose à faire: l'entier don de soi, l'entière consécration de soi de votre être intérieur et extérieur au Divin seul. Si vous pouvez adopter fermement l'attitude intérieure juste, vous pourrez même y trouver plus de facilité qu'à vous laisser guider principalement par une règle extérieure.
11. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
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La seule nécessité est de parvenir à fixer définitivement dans le mental un choix que l'on puisse toujours opposer à la perturbation vitale. Le vital continuera d'être perturbé tant que la paix complète n'y sera pas descendue, mais si, dans le mental, une résolution fixe est maintenue sans cesse au premier plan, la perturbation perdra son acuité et le chemin en sera raccourci.
C'est le vital inférieur (physique) qui agit ainsi. Cette partie de la nature n'agit pas selon la raison, elle ne comprend rien à rien. Elle n'est mue que par le désir, l'impulsion et l'habitude. Le mental, le cœur, le vital supérieur ont compris et se sont rangés du côté de la Paix et de la Force qui agissent pour transformer la nature. Mais le vital inférieur réagit encore aux anciennes forces lorsqu'elles entrent en contact avec lui. Il s'agit de faire descendre la Paix, la Force, la Lumière dans cette partie de l'être, pour que chaque fois que les forces extérieures de la nature inférieure l'atteignent, elles rencontrent cette force et non l'ancienne réaction. C'est un peu difficile à cause de la longue habitude du passé; mais cela viendra de plus en plus, à mesure que la Force descendra dans le corps et s'infusera en lui par sa descente.
L'opposition du vital n'est jamais raisonnable, même lorsqu'elle avance des raisonnements. Il agit selon sa nature et son habitude de désirer, non par raisonnement.
Peut-être y a-t-il un peu de tout cela, mais cette partie du vital ne s'appuie sur aucune raison précise: elle s'empare de
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toute déception ou de toute difficulté qu'elle ressent avec acuité. Cet élément agité, plein de désirs, passionné, dépressif, instable, est présent dans toutes les natures humaines. Prenez du recul et ne lui permettez pas de vous diriger ou de vous faire agir. Le vital contient une partie positive qu'il faut utiliser: ardente, sensible aux choses élevées, capable de beaucoup d'amour et de dévotion. Renforcez-la en l'étayant sur le psychique et aussi sur la paix et l'immensité qui viennent d'en haut.
Il ne s'agit pas de ressentir du chagrin, de la joie ou n'importe quelle émotion: cela arrive à tous ceux qui n'ont pas surmonté la nature ordinaire. Ce n'est pas sentimental, mais émotif. Le sentimentalisme intervient lorsque vous prenez plaisir à éprouver ou à manifester le sentiment, ou lorsqu'il apparaît sans raison aucune ou sans raison suffisante.
Le vital inférieur ne prête pas l'oreille à la raison. Il n'y a pas de pourquoi à son action; il agit d'une certaine manière parce qu'il a été accoutumé à agir ainsi, et il continue même si la réaction est pénible.
Les doutes des sâdhak viennent plus souvent du vital que du mental proprement dit; quand le vital s'égare, est perturbé ou déprimé, les doutes surgissent et se répètent sous la même forme, dans les mêmes termes, même si le mental a été convaincu par des preuves irréfutables ou par des réponses intellectuelles. J'ai remarqué que le vital est toujours irrationnel (même lorsqu'il utilise la raison pour se justifier) et qu'il croit ou refuse de croire selon ses sentiments et non selon la raison.
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Le vital a commencé à évoluer en obéissant aux impulsions et non à la raison; en fait de stratégie, la seule qu'il comprenne est une certaine tactique qui lui permet de réaliser ses désirs. Il n'aime pas écouter la voix de la connaissance et de la sagesse, mais chose curieuse, puisqu'un besoin s'est élaboré dans l'homme de justifier l'action par la raison, le mental vital a échafaudé une stratégie à lui qui consiste à amener la raison à trouver des raisons pour justifier ses sentiments et ses impulsions. Quand la raison est trop claire pour se prêter à ce jeu, le vital retombe dans son habitude congénitale de se boucher les oreilles et de poursuivre son chemin. Dans ces attaques, l'inaptitude est la contre-stratégie qu'il adopte: "Puisque mes impulsions ne vous plaisent pas et que je ne peux pas les changer, c'est la preuve que je suis inapte, donc je ferais mieux de m'en aller." Et même si l'on contre-attaque, l'impulsion elle-même suffit, forte qu'elle est des origines qu'elle tire de la Nature universelle, pour restaurer dans le vital, pendant quelque temps, son vieil instinct aveugle et irrationnel qui le pousse à obéir à l'impulsion une fois qu'elle est venue.
Le vital préfère toujours dissimuler ses mouvements à Lumière.
Vous devez cultiver le discernement, afin qu'il devienne impossible au vital de vous tromper.
Gardez-vous des mouvements et des formations du vital: quand vous les laissez faire, vous êtes sur une pente dangereuse.
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La signification générale de vos phrases est que vous avez pris toutes les résolutions nécessaires, mais que vous n'avez pas pu les mettre en pratique parce que la Force vous refusait son soutien. C'est le stratagème habituel du mental vital lorsqu'il cherche à rejeter la responsabilité des difficultés ou de l'absence de progrès dans la sâdhanâ: "Je fais tout ce que je peux, mais la Force ne me soutient pas." Inutile de citer d'autres phrases: vous écrivez tantôt une chose, tantôt une autre, en changeant vos batteries pour étayer votre argument. Si la logique pouvait vous aider à vous débarrasser de cette fourberie du mental vital, cela vaudrait la peine que vous l'appreniez.
Vous me demandez s'il se dissimulait autre chose derrière l'intention de surface dont votre mental était conscient. Assez souvent, lorsque le vital se mêle d'une affaire, quelque chose se trouve à l'arrière-plan. Ne pas se laisser égarer par les mouvements de surface du mental, mais détecter ce quelque chose à l'arrière-plan, fait partie de la connaissance de soi. Car le vital a l'habitude de se faire un masque des combinaisons élaborées par le mental autour des sentiments et des actions, afin de dissimuler, même à celui qui se regarde faire, le motif secret sous-jacent ou les forces à l'œuvre derrière la parole, l'acte ou les sentiments.
Votre lettre de ce matin venait entièrement du vital troublé et blessé; c'est pourquoi je ne me suis pas hâté d'y répondre. Je ne sais pas pourquoi vous êtes si prompt à croire que la Mère ou moi-même agissons en fonction de mouvements ordinaires de colère, de dépit ou de mécontentement; il n'y avait rien de tel dans ce que je vous ai écrit. Vous êtes retombé à plusieurs reprises du niveau supérieur de conscience que vous aviez atteint, et bien que nous vous ayons
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conseillé d'observer ce qui vous tirait vers le bas, votre seule réponse a été que vous ne voyiez rien. Nous savons parfaitement que c'était une partie de votre vital qui ne voulait pas changer; comme elle ne voulait pas changer, elle se dissimulait au mental, et le mental lui-même semblait peu disposé à la voir; nous avons donc pensé qu'il était nécessaire, lorsque vous nous en avez donné l'occasion par vos lettres (d'abord au sujet de X, et ensuite au sujet du passé qui vous tourne dans la tête) de vous indiquer tout net et avec force la nature de l'obstacle: d'un côté votre ancien sentiment qui persiste sous forme de colère, de rancune et de susceptibilité blessée, et de l'autre l'habitude vitale de réagir par l'amour-propre, le jugement malveillant des autres, le sentiment de supériorité dans la sâdhanâ ou à d'autres égards, un désir de présenter une image flatteuse aux autres et aussi à vous-même. Ceci, en particulier, a pour effet de vous aveugler et de vous empêcher de vous examiner clairement et de percevoir les obstacles qui s'opposent au progrès spirituel. Même si le mental aspire à la connaissance et à la transformation, une habitude de ce genre, agissant en cachette dans le vital, suffit largement à faire obstacle à la connaissance et à la transformation et à empêcher l'une de venir et l'autre de se faire. J'ai donc eu soin de parler clairement de vanité et d'auto-satisfaction, pour que cette partie de votre vital n'essaie pas de ne pas voir. La Mère est beaucoup plus précise et tranchante, en paroles ou par écrit, vis-à-vis de ceux qu'elle désire pousser rapidement sur le chemin, parce qu'ils en sont capables, et ils ne lui en veulent pas, n'en souffrent pas, mais sont heureux de cette pression et de cette franchise, parce qu'ils savent par expérience qu'elles les aident à voir en eux les obstacles et à se transformer. Si vous voulez progresser rapidement, vous devez vous débarrasser de cette réaction vitale d'abhimâna, de souffrance, de sentiment blessé, cesser de rechercher des arguments pour vous justifier, de vous répandre en clameurs contre un contact dont le but est de vous libérer, car tant que vous aurez ces réactions, il nous sera difficile de nous attaquer ouvertement et avec fermeté
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aux obstacles soulevés par la nature vitale.
Passons maintenant au différend qui vous oppose à X. La Mère vous a averti de ne pas trop converser, bavarder et cancaner, et de ne pas vous disperser dans les mondanités; c'était tout à fait sérieux et c'est toujours valable; quand vous vous laissez aller à cela, vous vous projetez dans une conscience très mesquine et très ignorante où vos défauts vitaux se donnent libre cours, et par là vous risquez de sortir de l'atmosphère que vous avez élaborée dans votre conscience intérieure. C'est pourquoi nous vous avons dit que si vous vous sentiez réagir contre tout cela lorsque vous alliez voir X, c'était un signe que la sensibilité (psychique) apparaissait en vous, pénétrait dans votre être vital et nerveux; nous voulions dire que tout était pour le mieux. Mais dans vos relations avec les autres, en vous abstenant de ces bavardages, vous ne devez laisser aucun sentiment de supériorité se glisser en vous, ni, par vos manières ou votre humeur, leur faire sentir votre réprobation ou votre condamnation, ni faire pression sur eux pour qu'ils changent. C'est par une nécessité personnelle et intérieure que vous vous en abstenez, et c'est tout. Quant à eux, à ce qu'ils font à cet égard, que ce soit bien ou mal, c'est leur affaire, et la nôtre; nous nous occuperons d'eux selon ce que nous jugerons nécessaire et possible pour eux à ce moment-là; à cette fin, nous pouvons non seulement traiter différemment des gens différents, permettre à l'un ce que nous défendons à l'autre, mais aussi traiter différemment la même personne à différents moments et l'autoriser ou même l'encourager à faire aujourd'hui ce que nous lui interdirons demain. Le cas de X est tout différent du vôtre, car vos natures n'ont rien de commun. Je vous ai dit cela, ou quelque chose d'approchant, il y a fort longtemps, et j'ai déclaré avec force, dans ma lettre à X, que ce qui pouvait être de règle pour moi-même ou pour Y ne devait pas s'appliquer ou ne serait pas appliqué dans son cas. Agir autrement aboutirait à soulever des difficultés dans sa sâdhanâ et non à la lui rendre plus facile ou plus rapide. Je lui ai dit aussi très clairement dans
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ma lettre que si l'on tente de rencontrer les autres et de les fréquenter - ce qui, dans la vie ordinaire, se fait par les contacts mondains ou autres - dans le yoga, il faut le faire sur un autre plan de conscience, sans que s'y mêlent des éléments inférieurs, en vue de réaliser une unité supérieure avec tous sur une base spirituelle et psychique. Mais la manière, le moment, l'ordre des mouvements par lesquels cela se fait ne sont pas nécessairement les mêmes pour tout le monde. En essayant de se forcer, X serait mené à la tristesse, au découragement, et à un mouvement artificiel qui ne serait pas le vrai chemin du succès. On ne peut traiter une âme et une nature humaines au moyen d'un code de règles mentales applicables à tous de la même manière; s'il en était ainsi, il serait inutile d'avoir un Gourou, chacun pourrait placer devant lui un tableau de règles yoguiques semblable au tableau des règles de gymnastique de Sandow, et les suivre jusqu'à devenir le parfait Siddha!
Je vous dis tout cela pour vous faire comprendre pourquoi nous ne traitons pas X de la même manière que vous ou un autre. La tendance à prendre ce que je prescris à l'un et à l'appliquer sans discernement à un autre est la cause de nombreux malentendus. Une directive générale, vraie en elle-même, ne peut pas non plus être appliquée uniformément à tout le monde ou appliquée immédiatement et sans délai sans tenir compte de la situation, des circonstances, de la personne ou du moment. Je puis dire, en général, que le but de mon yoga est de faire descendre le supramental, ou que pour le faire il faut d'abord sortir du mental pour s'élever dans le surmental; mais si, s'appuyant sur cela, tout un chacun se mettait à vouloir tirer le supramental vers le bas ou à essayer de sortir immédiatement du mental pour entrer de force dans le surmental, le résultat serait désastreux.
Préoccupez-vous par conséquent de votre propre progrès et en cela, laissez-vous conduire par la Mère. Laissez les autres faire de même; la Mère est là pour les guider et les aider selon leurs besoins et leur nature. Que sa manière de
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guider X paraisse différente ou même contraire à celle qu'elle adopte pour vous n'a pas la moindre importance. C'est la bonne manière pour lui et c'est de même la bonne manière pour vous.
Vous avez maintenant commencé à voir quelles difficultés subsistent encore dans votre vital; gardez cette claire perception, laissez-la devenir plus claire et plus précise encore. Concentrez-vous sur ce que vous avez à faire et ne vous laissez pas troubler ici ou là par des préoccupations qui n'ont rien à voir ou par une autre influence, quelle qu'elle soit.
Ce n'est certes pas la réponse à des questions qui supprimera la cause profonde de ces interrogations répétées. Même si les réponses étaient satisfaisantes, leur effet ne pourrait être que temporaire. Ou bien les mêmes interrogations se répéteraient mécaniquement, car leur vraie source ne se trouve pas dans la raison, mais dans une certaine partie de la conscience vitale sensible à l'atmosphère environnante; ou bien elles se présenteraient d'un autre point de vue ou sous un angle légèrement différent. La difficulté ne peut disparaître que si vous demeurez résolu à la faire disparaître, si vous refusez d'attacher une valeur quelconque aux arguments que le mental est poussé à invoquer pour justifier votre "tristesse" sous l'influence de cette atmosphère, si, comme vous l'avez fait en d'autres occasions, vous demeurez fermement résolu à opérer la transformation yoguique, à éveiller pleinement le psychique, à ne pas obéir aux injonctions du mental, mais plutôt à faire ce que la Mère vous demande: persévérer, quelle que soit la difficulté réelle ou apparente. Ainsi le psychique pourra pleinement s'éveiller et établir son influence, non sur votre vital supérieur où il est déjà éveillé, mais sur le vital inférieur, car c'est là que résident vos difficultés et que cette dépression vitale se répète.
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Il est vraiment étonnant que vous vous soyez laissé prendre à une supercherie aussi invraisemblable que celle que X avait échafaudée. C'est simplement l'esprit du mensonge vital, dramatique et romanesque, qui obscurcit la raison et ferme la porte au bon sens et à la simple vérité. Pour nettoyer le vital, vous devez le débarrasser de toute compromission avec le mensonge, si insidieuses que soient les raisons qu'il avance, et prendre l'habitude de lui inculquer la vérité psychique simple et directe, afin que rien n'ait aucune chance d'entrer. Si cette leçon peut s'imprimer dans la partie du vital qui est sujette à de telles compromissions, un certain bien sortira de ce mouvement faux. Placez donc dorénavant à la porte de votre vital l'écriteau de la Mère: "Entrée interdite à tout mensonge" et postez-y une sentinelle pour veiller à son application.
Votre défense de X ressemble aux idées de X qui sont vérité très bizarres. Si elles étaient justes, nous devrions parvenir aux conclusions suivantes:
1. Sattwa n'est pas la meilleure voie vers la réalisation, Radjas est la meilleure manière de devenir spirituel. L'homme radjasique, plein d'un ego virulent et de passions violentes, est le vrai sâdhak du Divin.
2. L'Asoura est le meilleur Bhakta. La Guîtâ a tout à fait tort de présenter la nature dévique comme la condition de la réalisation et la nature asourique comme contraire à elle. C'est l'inverse.
3. Râvana, Hiranyakashipou, Shishoupala seraient les plus grands adorateurs du Divin parce qu'ils étaient capables d'hostilité envers le Divin et se sont ainsi libérés en quelques existences; comparés à eux, les Rishi et les Bhakta les plus grands étaient de piètres réceptacles spirituels. Je connais bien le paradoxe de Râvana dans le Pourâna, mais laissez-moi vous faire observer que ces Asoura et ces Râkshasa ne prétendaient pas être des disciples ou des adorateurs de Rama, de Krishna ou de Vishnou, pas plus qu'ils ne profitaient
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de leur situation de disciples pour obtenir le Moksha par la révolte: ils l'ont obtenu par leur hostilité, en se faisant tuer, puis absorber par la Divinité.
4. L'obéissance au Gourou et le culte du Divin ne sont que des inepties bonnes seulement pour des moutons et non pour des hommes. Se retourner avec fureur contre le Gourou ou le Divin, l'insulter, exprimer son mépris, mettre en doute sa sincérité, déclarer ses actions mauvaises, sottes ou fourbes, affirmer que l'on a raison sur tous les points alors que le jugement du Gourou est erroné, plein de préjugés, absurde, faux, au service des démons, etc., etc. est la meilleure forme de dévotion et la vraie relation entre Gourou et Shishya. La désobéissance est la plus haute marque de respect envers le Gourou, la colère et la révolte sont le plus noble culte qui puisse être rendu au Divin.
5. Celui qui peut recevoir les coups de Mahâkâlî avec joie, comme un moyen de découvrir ses fautes et d'augmenter la lumière, la force, la pureté, est un mouton indigne du nom de disciple; celui qui réagit à la moindre incitation au changement par la révolte et en persévérant dans ses erreurs est un homme fort, un Adhâr puissant et un noble disciple sur le chemin de la perfection.
Je pourrais continuer à multiplier les conséquences, mais je n'ai pas le temps. Croyez-vous vraiment toutes ces histoires? Elles découlent naturellement de la théorie de X ou de la théorie de la révolte considérée comme le chemin de la perfection. Si vous acceptez les prémisses, vous devez en accepter les conséquences logiques. C'est ce que X a fait; seulement il qualifiait ses erreurs de Vérité et la voie que je prescris de mensonge inexplicable, sinon par le fait que j'étais "un Maître qui a oublié son moi supérieur". Et les conséquences ont amené son départ, non par notre volonté, mais par son propre choix, et dans des circonstances telles qu'il m'est devenu pratiquement impossible de le laisser revenir, à moins qu'il ne subisse un changement dont l'expérience du passé ne me permet pas d'augurer qu'il soit possible.
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Votre analyse est parfaitement exacte; avec cette claire connaissance de tout le mécanisme, il devrait vous être plus facile de vous débarrasser de ces forces ignorantes. Il est vrai qu'elles ne se soucient nullement de la vérité ou de la raison et ne font appel qu'aux sentiments aveugles du vital; pourtant, la lumière de la vraie conscience, projetée sur elles avec fermeté, devrait éclairer suffisamment votre vital pour qu'il ne cède plus aux insinuations qui cherchent à le troubler, et soit prêt à s'établir solidement dans le calme et le bonheur de la consécration au Divin.
VI
La difficulté que vous rencontrez dans votre vital ne vous est pas particulière; à un degré ou à un autre, sous une forme ou une autre, cette maladie est assez générale. Sa répétition constante, sa réapparition automatique et irrationnelle, même lorsque tout le reste de la nature l'a rejetée, est due à l'opiniâtreté de la conscience matérielle qui répète indéfiniment le vieux mouvement dans la vieille ornière, au moindre contact des forces auxquelles elle a longtemps été accoutumée. C'est une question de foi, de patience et de persévérance. Il faut être plus obstiné que l'obstination de la nature matérielle et persévérer jusqu'à ce que la lumière et la vérité puissent s'emparer de façon permanente des parties de l'être qui réagissent encore aux anciens mouvements. Grâce à cette persévérance, la Vérité finira sans nul doute par remporter la victoire.
Cette tâche serait plus aisée si vous pouviez vous débarrasser de certaines idées arrêtées et de la réaction habituelle de dépression ou de désespoir qu'amènent ces répétitions Écartez, par exemple, toute interrogation quant à la "possibilité" de conversion de votre être vital: vous devriez plutôt voir qu'elle est certaine, et non simplement possible. Quand ces répétitions se produisent, ne les laissez pas vous déprimer, mais contentez-vous d'observer, de prendre du recul,
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et faites appel à la force supérieure, en gardant la conviction que ces répétitions sont l'effet d'un automatisme et ne contiennent en substance rien de plus, si vigoureuses qu'elles puissent paraître. Le principe de la répétition automatique est très fort dans la nature matérielle, au point de vous persuader qu'elle est incurable. Ce n'est cependant qu'une supercherie des forces de l'inconscience matérielle; c'est en créant cette impression qu'elles essaient de se perpétuer. Si, au contraire, vous restez ferme, vous refusez d'être déprimé ou découragé, et si même au moment de l'attaque, vous affirmez la certitude ultime de la victoire, cette victoire viendra beaucoup plus aisément et beaucoup plus tôt.
Lorsque le vital s'empare de quelque chose, c'est souvent ainsi: il le maintient fixement dans le mental jusqu'à ce qu'il reçoive satisfaction, ou que son emprise soit rejetée.
Vous ne devez pas vous laisser décourager par la persistance des mouvements de la nature vitale inférieure. Certains tendent toujours à persister et reviennent jusqu'à ce que toute la nature physique soit changée par la transformation de la conscience la plus matérielle. Jusque-là, leur pression se répète (quelquefois avec un renouveau de force, quelquefois plus sourdement) comme une habitude mécanique. Retirez d'eux toute force de vie en refusant tout assentiment mental ou vital; alors, l'habitude mécanique perdra son pouvoir d'influencer les pensées et les actions, et finalement cessera.12
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Très souvent, lorsqu'on croit qu'une résistance particulière a cessé et n'existe plus dans le vital, elle resurgit.
L'exacerbation de certains mouvements vitaux est un phénomène parfaitement connu dans le yoga; elle ne signifie pas que l'on a rétrogradé, mais seulement que l'on en est venu aux mains avec les instincts fondamentaux de notre nature vitale terrestre, au lieu d'entretenir avec eux des relations distantes et agréables. J'ai subi moi-même, durant une certaine période de mon développement spirituel, ce paroxysme de certains mouvements qui auparavant existaient à peine et semblaient tout à fait absents dans la pure vie yoguique. Ces mouvements surgissent ainsi parce qu'ils luttent pour survivre: ils ne vous sont pas vraiment personnels et la véhémence de leur attaque n'est due à aucune "vilenie" de votre nature. Je dirais que sept sâdhak sur dix ont une expérience similaire. Ensuite, lorsque ces mouvements vitaux ne peuvent atteindre leur objectif, qui est d'amener le sâdhak à abandonner la sâdhanâ, tout cela s'effondre en bloc et les bouleversements s'apaisent. Le seul problème sérieux dans ce domaine, je le répète, est la dépression qui se crée en vous et l'idée de l'inaptitude au yoga que ces mouvements ont soin d'imprimer sur le cerveau lorsqu'ils sont à l'œuvre. Si l'on peut s'en débarrasser, la violence des attaques vitales n'est plus qu'un phénomène caractéristique d'une certaine étape et n'a en fin de compte aucune importance.
Toutes ces choses sont là dans la nature humaine; ce sont des mouvements habituels qui ne montrent pas leur vraie nature tant que la lumière de la conscience supérieure ne se projette pas sur elles. Même lorsqu'elles ont été rejetées, une réaction à ces suggestions venues du dehors demeure possible
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dans la texture du vital inférieur, du physique vital ou du subconscient, jusqu'à ce qu'ils soient pleinement illuminés.
Si votre vital "perd l'équilibre" et les admet [l'ego, l'exigence, le désir], c'est que vous leur restez ouvert. Lorsqu'ils sont rejetés par le vital intérieur au point de devenir de simples suggestions et rien de plus, c'est le signe qu'ils ne sont plus admis. Des suggestions ou des vagues provenant de la nature générale surgiront peut-être, mais elles ne seront pas admises. Ce n'est qu'à partir de ce moment que l'on peut entretenir une volonté qui vous tient à l'abri de l'atmosphère générale.
À cette occasion, la conscience s'est sans doute abaissée et une vague vitale quelconque, venant de l'atmosphère, est entrée en ressuscitant les anciennes vibrations du vital agité qui s'était calmé. Vous devez vous séparer de ces vibrations et retrouver l'équilibre de la tranquillité. Elles n'ont plus aucune base réelle, ni dans le mental, ni dans le cœur; elles ne reposent que sur la force répétitive qui monte du subconscient et, une fois éveillée, cherche à amener ces vieilles idées et ces vieux sentiments à se répéter, afin d'empêcher la conscience de s'établir dans la tranquillité. Mais l'équilibre déjà atteint est là et n'a été que recouvert; il doit émerger à nouveau de ces obscurcissements. Vous devez prendre l'habitude de rester calme quelque part en vous-même lorsque se produisent ces attaques, de conserver à l'intérieur quelque chose qui refuse de donner son accord à ces suggestions ou de les reconnaître comme ses propres pensées et ses propres sentiments.
Quoi qu'il en soit, la Force sera là pour vous aider; recevez-la et tout cela disparaîtra.
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C'était évidemment non pas l'action d'un élément qui reste enraciné au-dedans, mais un mouvement ancien revenant de l'extérieur (de la Nature universelle) auquel une partie du vital continue à répondre par la force de l'habitude, par la force d'une répétition coutumière. La preuve en est que vous n'avez rien senti sur le moment: la réaction n'est venue que plus tard; et l'alternance de calme et d'agitation après votre appel à la Force, comme si quelque chose perdait son emprise et ensuite essayait de la reprendre et de tenir bon, en est une autre preuve. Les choses que l'on a rejetées au-dehors reviennent toujours ainsi, comptant sur l'habitude de réagir ancrée dans la substance même de la nature: l'ancienne vibration. Si vous les expulsez chaque fois qu'elles apparaissent, la partie qui réagit commence enfin à comprendre qu'elle ne doit pas le faire et, peu à peu ou rapidement, se libère de l'habitude.
C'est normal: lorsqu'une pression spéciale s'exerce sur un mouvement vital, une résistance se manifeste soit dans le vital lui-même (ici, le physique vital), soit dans le subconscient. C'est tantôt une véritable résistance, tantôt seulement la pravritti qui se présente pour être purifiée.
La seule manière de se débarrasser de ces mouvements! vitaux est d'agir sur les forces envahissantes avec persévérance comme il le fait, à ce qu'il décrit: c'est-à-dire être sans cesse vigilant, essayer sans cesse, à tout moment, d'être conscient, de rejeter sans cesse ces mouvements en refusant d'y prendre plaisir, de faire appel à la Mère, de faire descendre la Lumière. S'ils persistent à revenir, il ne doit pas se décourager: transformer la nature d'un seul coup est impossible, cela prend beaucoup de temps. Si, cependant, il peut maintenir la conscience psychique au premier plan, ce
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sera beaucoup plus facile et la transformation présentera beaucoup moins de difficulté et d'ennuis. C'est possible, par la persévérance et la constance de l'aspiration et l'abhyâsa.13
Dans la plupart des êtres humains, le vital inférieur est plein de défauts graves et de mouvements de réponse aux forces hostiles. Une ouverture psychique constante, le rejet persistant de ces influences, le refus d'accepter les suggestions hostiles, et l'influx du calme, de la lumière, de la paix et de la pureté du pouvoir de la Mère, finiront par libérer le système nerveux de cet assaut.
Le nécessaire est d'être tranquille, de plus en plus tranquille, de considérer ces influences comme n'étant pas vous-même mais comme des intrus, de vous en séparer, de leur fermer la porte et de demeurer dans une confiance tranquille en le Pouvoir divin. Si votre être psychique demande le Divin et que votre mental soit sincère et appelle sa libération de la nature inférieure et de toutes les forces hostiles, et si vous pouvez appeler le pouvoir de la Mère dans votre cœur et vous fier à lui plus qu'à votre propre force, cet assaut sera finalement rompu et la force et la paix prendront sa place.14
La paix est toujours préférable. Quant au vital, il recèle toujours quelque chose qui résiste et essaie de freiner; mais si l'être intérieur s'ouvre suffisamment et que vous pouvez vivre en lui, la paix peut descendre et s'y établir de telle façon que les mouvements vitaux puissent subsister à la surface sans être capables de rompre la paix intérieure.
13. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
14. Les Bases du Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
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La seule chose à éviter est de perdre patience: cela ne fait que prolonger la perturbation vitale. Si le vital doit se transformer dans son essence, il suscite toujours des ennuis de ce genre, jusqu'à ce que l'on soit capable de s'installer solidement dans le calme de la conscience intérieure et de maintenir les mouvements vitaux tout à fait en surface.
Pourquoi croyez-vous que vos efforts sont vains? La purification du vital prend beaucoup de temps: tant que toutes les parties de l'être ne sont pas libérées, aucune ne l'est tout à fait; en outre, elles utilisent une multitude de mouvements qui doivent être transformés ou illuminés, et de plus les mouvements ordinaires de la nature ont une grande habitude de se perpétuer et de résister. On est donc porté à croire que l'on n'a fait aucun progrès, mais tout effort sincère et soutenu de purification porte ses fruits; au bout de quelque temps, le progrès accompli devient visible.
C'est parce que votre mental et votre vital sont tous deux devenus sincères que l'attaque est si forte et vous paraît anormale. Auparavant, comme vous cédiez de temps en temps, l'obstination de la partie de l'être en proie au désir était moins aiguë et lorsqu'elle exerçait sa pression, le reste de la nature vitale ne la ressentait pas avec autant d'acuité. Votre être mental, votre être psychique et votre être vital supérieur s'en tiennent maintenant complètement séparés. Votre vital physique conserve encore le désir et de temps en temps, il est poussé par des forces contraires à le réactiver. C'est ce même désir qui a suscité le malaise physique dont vous avez souffert il y a quelques jours. Vous devez vous débarrasser complètement de ce désir du vital inférieur.
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Ce n'est pas le mental, mais l'être psychique qui a émis cette suggestion par l'intermédiaire du mental. Une certaine partie du mental est sous l'influence de la Vérité et peut transmettre la connaissance ou le sentiment de l'être psychique; une autre partie répond au vital, elle exprime et soutient les difficultés et les oppositions de la nature. Si le mental tout entier refuse de réagir au vital, d'accepter ses suggestions ou de les soutenir, l'attaque vitale perd beaucoup de sa force; on peut mieux faire pression sur le vital et l'obliger, lui aussi, à écouter le psychique et à se transformer.
Dans votre cas, ce qui est arrivé, c'est que toute la difficulté vitale - la plus importante de la famille - s'est massée et élevée en bloc. Quand on a surmonté une attaque comme celle-ci, l'atmosphère intérieure se clarifie toujours. Il ne faut pas permettre à l'attaque de reprendre des forces, et pour cela le mental doit suivre sans cesse la suggestion psychique et rester en même temps ouvert à la Mère, afin que la Force de la Mère puisse descendre en lui, le remplir et y accomplir son œuvre.
Ce qui arrive, en général, c'est que quelque chose entre en contact avec le vital, souvent à notre insu, et fait réapparaître l'ancienne conscience, ordinaire ou extérieure; alors le mental intérieur se cache et les anciennes pensées, les anciens sentiments réapparaissent pendant quelque temps. C'est le mental physique qui devient actif et donne son accord. Si le mental reste tout entier tranquille et détaché, observant le mouvement vital sans lui donner son consentement, il est plus facile de le rejeter. Cette tranquillité et ce détachement bien établis du mental dénotent toujours qu'un grand pas en avant a été accompli dans la sâdhanâ.
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Mais que voulez-vous faire de tous ces mouvements obscurs et inutiles du vital qui vous tourmentent, de ces pensées, suggestions, confusions, incapacités mensongères? D'après votre lettre, vous semblez croire qu'il faut les conserver et les transformer. Mais pourquoi les conserver, comment les transformer? À quoi bon? Précisément, ce que vous devez faire, c'est leur "fermer la porte", les rejeter, refuser de les garder, refuser de les avoir; c'est justement pour vous forcer à voir d'une autre manière, à voir de la vraie manière que la Force exerce sur vous cette pression. Ce serait vraiment une grande bénédiction si vous pouviez oublier complètement toutes ces "choses fausses", comme vous les appelez vous-même. Pourquoi - je le répète - vouloir les garder et les transformer? Si vous êtes malade, souhaitez-vous garder les douleurs, les malaises et tout le reste pour les transformer? Vous voulez au contraire expulser la maladie, que le corps l'oublie, n'en garde aucune impression, perde même la possibilité de l'attraper de nouveau, vive et sente d'une tout autre manière, celle de la santé. Il en est de même ici.
L'obstacle vient de cette idée que vous n'y pouvez rien parce que le vital consent aux mouvements erronés. Vous devez projeter votre volonté intérieure et la lumière de la Mère sur votre vital pour qu'il change, et non le laisser faire tout ce qu'il veut. Si l'on était "sans défense" et mû par n'importe quelle partie de l'être extérieur, comment la transformation serait-elle possible? La force de la Mère ou le psychique peut agir, mais à la condition que l'être donne son consentement. Si on laisse le vital faire ce qu'il lui plaît, il continuera indéfiniment à suivre ses vieilles habitudes; il faut lui faire sentir qu'il doit changer.
Si vous voulez retrouver votre foi et la garder, vous devez
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d'abord tranquilliser votre mental et faire en sorte qu'il soit ouvert à la force de la Mère et y obéisse. Si votre mental est surexcité, à la merci de chaque influence et de chaque impulsion, des forces nuisibles continueront à s'affronter en vous et vous ne pourrez progresser. Vous commencerez à écouter votre ignorance et non la connaissance de la Mère, et naturellement votre foi disparaîtra, vous vous mettrez dans un état indésirable et vous adopterez une mauvaise attitude.
Votre maladie vient évidemment des nerfs et n'est pas une maladie physique ordinaire. Ces maladies sont engendrées par la pression de forces hostiles; elles s'aggravent si quelque chose en vous leur donne son assentiment, les accepte, et plus le mental leur accorde d'importance et d'attention, plus elles se développent. La seule chose à faire est de rester tranquille, de s'en dissocier et de refuser de les admettre ou d'en faire grand cas, de laisser le calme et la force dont la Mère vous a entouré pénétrer votre mental et s'infiltrer dans votre système nerveux. Agir autrement reviendrait à prendre parti pour les forces hostiles qui vous tourmentent. La guérison prendra longtemps, parce que votre système nerveux a longtemps subi ces influences et lorsqu'on cherche à les évincer, elles reviennent avec violence pour rétablir leur emprise. Mais si vous pouvez acquérir et conserver la patience, le courage, la conscience juste et l'attitude juste à leur égard, leur emprise disparaîtra peu à peu.
Certains défauts, dans votre nature vitale, s'opposent à la régularité du progrès spirituel, mais vous pouvez les éliminer si, en abandonnant toute notion excessive de "péché" et d'incapacité, vous les regardez tranquillement, les identifiez et les rejetez. Tranquillisez en vous-même toute exigence et tout désir trop ardent, toute excitation, toute exagération des sentiments et des impulsions contraires au yoga, recherchez en premier lieu l'intensité de la dévotion, mais aussi le calme, la force, la pureté et la paix. Laissez s'installer en vous une volonté de progrès régulière
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et tranquille; prenez l'habitude d'assimiler complètement dans le silence, avec persévérance, ce que la Mère infuse en vous. C'est la bonne manière d'avancer.
Vous auriez tort de céder à ces suggestions; elles émanent de toute évidence d'une force qui veut se servir du malaise et de la déception du vital pour vous amener à interrompre la sâdhanâ. Ces suggestions sont habituelles à tous les sâdhak sous la tension d'un certain état du vital: "Je ne suis pas doué pour cette sâdhanâ. Je dois partir, je ne puis rester ici. La Mère ne m'aime pas. J'ai tout abandonné et je n'ai rien reçu. Ce conflit me rend trop malheureux; laissez-moi partir." Ces suggestions n'ont en réalité aucune base véritable. Parce qu'un conflit aigu est apparu, il serait absurde d'en conclure que vous êtes inapte à la sâdhanâ et de l'abandonner après avoir avancé si loin. C'est parce que vous avez demandé au vital physique d'abandonner certains de ses attachements préférés, certaines de ses habitudes favorites qu'il est dans cet état; tout à fait incapable de résister, souffrant de cette privation, il prend prétexte de ces suggestions pour échapper à la pression que vous exercez sur lui. L'acuité du conflit est due à la véhémence de l'attaque, mais plus encore à ce vital ou à quelque chose en lui qui répond aux suggestions; sinon, un mouvement moins perturbateur, même s'il était plus lent, serait tout à fait possible. La Mère n'a pas changé le moins du monde à votre égard, et vous ne l'avez pas non plus déçue; c'est votre état d'esprit actuel qui suscite en vous ce sentiment de déception et d'inaptitude que vous attribuez à tort à la Mère. La Mère n'a aucune raison de changer ou d'être déçue, puisqu'elle a toujours été consciente des obstacles vitaux en vous, et qu'elle s'attendait - et s'attend encore - à vous voir les surmonter. Même les meilleurs sâdhak éprouvent toujours beaucoup de difficulté à obéir à l'injonction de transformer certaines choses qui semblent appartenir à la texture du caractère, mais cette
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difficulté n'est pas une preuve d'incompétence. C'est précisément cette envie de quitter l'Ashram que vous devez refuser d'admettre, car tant que ces forces se croiront capables de provoquer votre départ, elles déploieront tous les efforts possibles à cette fin. Vous devez aussi vous ouvrir davantage à la Force de la Mère dans cette partie de l'être et pour y parvenir, il faut vous débarrasser de cette idée que la Mère est déçue ou ne vous aime pas, car c'est cela qui suscite cette réaction au moment du Pranâm. Notre aide, notre soutien, notre amour sont toujours là, comme avant: veillez à leur rester ouvert et avec leur aide, repoussez toutes ces suggestions.
VII
Toute dépression est mauvaise, car elle abaisse la conscience, disperse l'énergie et ouvre l'être aux forces adverses.
Ne vous laissez jamais aller à aucun mouvement de dépression vitale, et moins encore à un état dépressif. L'être extérieur est toujours un animal difficile à manœuvrer, non seulement pour vous, mais pour tout le monde. Il faut le mener par la patience, avec une persévérance tranquille et pleine de bonne humeur; ne laissez jamais sa résistance vous déprimer, car cela ne fait qu'exacerber sa sensibilité, le rendre chagrin et difficile ou le décourager. Répandez plutôt sur lui le soleil de vos encouragements, maintenez sur lui une pression tranquille, et un jour ou l'autre vous le verrez s'ouvrir tout entier à la Grâce.
L'être extérieur ne s'intéresse pas à la sâdhanâ, à moins d'en tirer quelque chose qui lui plaît, lui est agréable ou le
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satisfait; c'est pourquoi il est sujet à la dépression.
Si le vital est tranquille et laisse le mental voir les choses sous leur vrai jour, cette dépression ne viendra naturellement pas.
Ce désespoir, ce dénigrement exagéré de soi-même, ce sentiment d'impuissance sont inspirés par une Force hostile et on ne doit jamais les laisser entrer. Les défauts dont vous parlez sont communs à toute nature humaine et l'être extérieur de chaque sâdhak en est plein; en devenir conscient est nécessaire pour se transformer; mais il faut s'y employer avec un mental tranquille, dans la foi, la soumission au Divin et l'aspiration confiante à la conscience supérieure qui sont propres à l'être psychique. La transformation de l'être extérieur est la partie la plus difficile du yoga; elle exige foi, patience, tranquillité et une ferme détermination. C'est dans cet esprit que vous devez écarter ces dépressions et continuer à pratiquer régulièrement le yoga.
Je n'ai reçu de vous aucune lettre depuis au moins quinze jours ou trois semaines. Si vous vous sentez dans un état pitoyable, ce n'est certes pas parce que vous avez encouru notre déplaisir. Je vous ai dit que nous étions sans cesse auprès de vous et c'est vrai, mais pour le sentir vous devez vous retirer de votre vital et être capable de vous concentrer dans votre être intérieur. Si vous le faites en toute bonne foi et avec sincérité, au bout de quelque temps vous sentirez le contact et la relation.
La phrase dont vous parlez signifie qu'en général, le vital essaie de résister lorsqu'on l'enjoint de se transformer. C'est
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ce que veut dire révolte ou résistance. Si la volonté intérieure persévère et interdit la révolte et la résistance, la mauvaise volonté du vital se traduira souvent par une dépression ou un découragement, accompagnés d'une résistance du mental physique qui encourage les vieux mouvements, les vieilles idées, habitudes ou actions à se répéter, alors que la conscience physique souffre d'une appréhension ou d'une peur du changement requis, d'un mouvement de recul ou d'un engourdissement qui l'empêche de recevoir l'appel.
C'est de cela que vous devez vous débarrasser. Mais une humeur chagrine ou dépressive ne s'y prête pas. Vous devez vous retirer du sentiment de souffrance, d'angoisse et d'appréhension, le rejeter et regarder tranquillement la résistance, en exerçant sans cesse sur vous-même votre volonté de changer, et en affirmant que cette transformation doit être faite et ne peut manquer de se faire tôt ou tard grâce à l'aide divine, puisque l'aide divine est là. Alors vous recevrez la force qui surmontera les difficultés.
Les larmes qui accompagnent le sentiment dont vous parlez caractérisent un chagrin psychique, car elles traduisent une aspiration de l'être psychique. Mais vous ne devriez ressentir ni dépression, ni désespoir. Vous devriez plutôt vous accrocher à la foi que votre aspiration, puisqu'elle est vraie, ne pourra manquer de se réaliser, quelles que soient les difficultés de la nature extérieure. Vous devez retrouver dans cette foi la paix et la tranquillité intérieures, tout en gardant une claire perception de ce qui doit être fait et l'aspiration ferme à la transformation intérieure et extérieure.
La tristesse n'a pas, que je sache, le pouvoir de guérir l'aridité dans le vital. En ce qui me concerne j'ai suivi le
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sentier d'égalité de la Guîtâ, mais d'autres ont peut-être besoin de la tristesse psychique. Je crois cependant qu'elle est l'indication d'une erreur plutôt qu'un remède.
La règle dans le yoga est de ne pas se laisser déprimer par la dépression, mais de s'en détacher, d'en observer la cause et de supprimer cette cause; car la cause est toujours en soi-même, peut-être un défaut vital quelque part, un mauvais mouvement que l'on tolère, ou un mesquin désir produisant un recul, tantôt parce qu'on le satisfait, tantôt parce qu'on le déçoit. Dans le yoga, un désir satisfait, un faux mouvement auquel on cède, produisent très souvent un recul pire qu'un désir déçu.
Ce qui est nécessaire pour vous, c'est de vivre plus profondément au-dedans .et moins dans le vital et le mental extérieurs qui sont exposés à ces contacts. L'être psychique profond n'est pas accablé par eux; il se tient dans sa propre proximité du Divin et voit les petits mouvements de surface comme des choses superficielles, étrangères à l'Être vrai.15
Il est en effet très bon que le psychique soit intervenu et ait empêché le mental de s'engager dans la mauvaise direction. Qu'il ne se produise pas de faux pas, d'échecs, etc. dans le travail de purification et de transformation de soi est impossible, mais se sentir bouleversé ou plein de remords à leur propos fait plus de mal que de bien; cela mène aisément à la dépression, et la dépression obscurcit le mental et affaiblit l'être. Il est toujours préférable d'observer calmement le mouvement faux et sa nature (ici, la langue était fautive, et la langue est toujours aisément sujette à l'erreur) et de le rectifier intérieurement. Il faut toujours conserver le calme, surtout s'il s'agit du vrai calme spirituel du Moi; en
15. Les Bases du Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
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lui tout le reste peut se faire en temps opportun et avec le minimum d'ennuis.
L'indifférence tamasique est une chose, l'absence de chagrin en est une autre. Il faut observer ce qui ne va pas et faire tout son possible pour le rectifier. La tristesse n'a, par elle-même, aucun pouvoir de rectifier ce qui ne va pas; une volonté ferme, calme et persévérante a ce pouvoir.
Il n'y avait rien de mal à aider à la cuisine. Mais même s'il y avait eu en cela quelque chose de mal, il n'aurait pas fallu y réagir par une dépression, car la dépression est par elle-même un mouvement mauvais ou faux; et comment une faute pourrait-elle être corrigée par une autre faute? La manière correcte de faire face à un mauvais mouvement est de le regarder avec calme et de rectifier la conscience à cet endroit.
C'est aussi une erreur de prendre la tranquillité pour de l'insensibilité. Si vous n'êtes plus troublé par ce que disent ou font les gens, c'est un grand progrès. Si vous n'avez pas d'abhimâna contre la Mère, c'est certainement aussi très désirable. L'abhimâna, le trouble, etc. sont peut-être des signes de vitalité, mais ils appartiennent à une vie vitale, non à la vie intérieure. Ils doivent se calmer et laisser place à la vie intérieure. Au début, le résultat sera peut-être une tranquillité neutre, mais on doit souvent en passer par là pour arriver à une conscience nouvelle plus positive. Quand le mental se tranquillise ainsi, les pensées d'autrefois - pensées répétitives ou automatiques de toutes sortes - commencent à surgir; elles viennent du mental physique ou du subconscient. Il faut les refuser et les laisser partir en aspirant à la tranquillité mentale complète où la conscience nouvelle peut se révéler peu à peu. Demeurez ferme et
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tranquille, avec en vous la volonté juste, et laissez la Force faire son œuvre. Cette volonté n'aura peut-être aucun effet visible dans l'immédiat, mais tenez bon et le succès viendra.
Le remords ou repentir est le mouvement naturel du mental vital lorsqu'il constate qu'il a commis une faute. Il est sans aucun doute préférable à l'indifférence. L'inconvénient, c'est qu'il trouble la substance vitale et parfois mène à l;i dépression ou au découragement. C'est pourquoi l'on recommande en général au sâdhak de reconnaître tranquillement son erreur, avec une volonté et une aspiration sincères qu'elle ne se reproduise plus ou du moins que l'habitude de commettre de telles erreurs s'élimine rapidement. À un stade plus élevé du développement, lorsque le calme intérieur est établi, on se contente d'observer les défauts de la nature comme ceux d'un mécanisme qu'il faut régler, et on appelle la Lumière et la Force pour qu'elles se chargent de la rectification. Au début, cependant, même le repentir est salutaire, à condition qu'il n'entraîne ni découragement, ni dépression.
Les raisons extérieures [de se décourager] sont créées par le mental, et c'est le mental qui y réagit ou n'y réagit pas. Rien d'extérieur ne peut vous atteindre à moins que le mental (d'ordinaire le mental vital) ne se le représente d'une manière particulière et n'y apporte sa propre réaction.
L'absence de réaction du mental à tous les motifs de découragement qui lui sont suggérés est certes une grande libération.
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Le mental vital fait partie du vital. Si le mental (mental intellectuel, mental vital, mental physique, mental subconscient) ne réagit pas aux circonstances extérieures, la dépression est impossible. Le Moi à un bout, la pierre à l'autre ne tombent jamais dans la dépression; entre les deux, la conscience mentale vraie, la conscience vitale vraie, la conscience physique vraie ne tombent jamais dans la dépression, car elles ne réagissent pas aux circonstances qui créent la dépression.
Vous semblez vous fier beaucoup à X, à ses expériences et aux idées qu'il s'en fait. L'expérience de X ne prouve rien, parce qu'il est tout à fait ignorant. Sa dépression vient de l'extérieur et a ses causes, seulement son mental vital ne les enregistre pas ou ne les comprend pas, mais y réagit tout de même. Parce que le mental vital a, dans le passé, toujours associé la dépression à ces raisons, la substance vitale en reste imprégnée et elle répond à leur contact par la réaction habituelle que lui a enseignée le mental vital. On ne peut s'attendre à ce qu'un mental ignorant et inexercé comme celui de X conçoive les ressorts secrets des mouvements de sa propre conscience.
Il semble qu'après votre départ d'ici, les difficultés vitales dont vous veniez de sortir soient revenues, à la faveur de votre retour dans l'ancienne atmosphère, et c'est la cause de la violente dépression et des ennuis de santé qui se sont abattus sur vous. C'est aussi à cause de cette dépression que tout est allé de travers et que les dispositions prises n'ont pas abouti ou ont mal tourné. Car la dépression empêche la Force de couler, fait entrer les forces adverses et leur donne l'occasion de détruire les formations bénéfiques que l'on fait. Tous les ennuis, tous les problèmes auxquels vous vous êtes heurté disparaîtront ou seront réduits au minimum
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si vous vous dégagez complètement de cette tendance dépressive.
D'où qu'elle vienne, quelle qu'en soit la cause, la seule chose à faire avec une dépression est de la jeter dehors.
La faiblesse en vous dont vous parlez est bien là, comme l'indique la persistance de ces mouvements; elle n'est cependant pas dans le cœur - votre cœur va très bien - mais dans la nature vitale inférieure. Toutes vos faiblesses sont là; le reste de votre être est bien assez fort pour mener la vie spirituelle. Mais cette inadaptation du vital inférieur ne vous est pas particulière, elle se trouve dans presque tous les êtres humains. Cette tendance irrationnelle à la tristesse et à l'abattement, et ces imaginations, ces frayeurs, ces raisonnements pervers qui - vous vous en apercevrez si vous vous observez attentivement - répètent toujours les mêmes mouvements, les mêmes idées, les mêmes sentiments, allant jusqu'à utiliser toujours le même langage et les mêmes phrases comme une machine, est caractéristique du fonctionnement de la nature vitale inférieure. La seule manière de s'en débarrasser est d'y faire face avec un vital supérieur, un mental et un être psychique fermement résolus à la combattre, à la rejeter et à la maîtriser. De même que vous étiez déterminé à maîtriser l'impulsion sexuelle et la gourmandise, vous devez décider de maîtriser ce "nœud irrationnel" de l'abattement et de la nature vitale inférieure. Si vous vous y abandonnez, si vous le considérez comme une partie normale de vous-même qui a de bonnes raisons d'exister, ou si vous vous affairez à lui trouver telle ou telle justification lorsqu'il apparaît, il n'aura aucune raison de relâcher sa déplaisante emprise. Soyez dans ce cas ferme et courageux, comme vous avez appris à l'être face à d'autres mouvements de votre vital inférieur; vous éprouverez ensuite moins de
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difficulté à méditer et, d'une manière générale, à pratiquer votre sâdhanâ.
C'est une faiblesse dans le vital qui permet aux forces de mécontentement et de désir de poursuivre leur attaque. Au lieu de céder à la faiblesse, ravivez votre volonté et votre aspiration, et qu'elles expulsent cette obscurité égoïste...
Ne laissez en outre aucune exigence du vital humain se répandre en clameurs de révolte égoïste ou, si une exigence de ce genre se manifeste, veillez à ce que ni vous-même, ni aucune partie de vous-même ne s'identifie à elle.
Les sentiments et les mouvements du passé reviennent toujours la nuit durant le sommeil. Ce n'est que lorsque la conscience qui les a engendrés est, dans l'état de veille, transformée et nettoyée, que l'on peut s'en débarrasser aussi dans le sommeil.
Vous prêtez une oreille trop attentive aux suggestions, de la conscience extérieure: "Je ne suis pas capable", etc., etc. Vous avez commencé à vous ouvrir un peu pendant quelque temps: c'est la preuve que vous êtes capable. Vous devez retrouver ce mouvement; pour y parvenir, il vous faut persuader le vital extérieur de ne pas répéter sans arrêt: "Je ne suis pas capable, mes efforts ne peuvent pas aboutir, je suis trop pervers", etc.; ou s'il continue, vous ne devez pas l'écouter. Vous devez affirmer l'existence de cette possibilité qui vous a été montrée et vous concentrer sur elle, et non sur cette prétendue impossibilité.
Il est clair que la force et la paix descendent et agissent de plus en plus pour se fixer en vous.
Les autres sentiments: l'envie d'être triste, la peur d'être
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heureux, l'idée d'incapacité et d'inaptitude sont les mouvements habituels d'une formation vitale qui n'est pas vous-même, et ils apparaissent pour tenter d'empêcher la transformation de s'opérer en vous. Vous n'avez qu'à refuser d'accepter ces suggestions et à prendre obstinément le parti de la Vérité en vous qui vous libérera et vous rendra heureux; alors tout ira bien.
Qui ne ressent, quelque part en lui-même, la confusion et l'ignorance, tant que la pleine lumière et la vraie force ne sont pas venues? Votre erreur est de penser sans arrêt à la confusion et de la combattre, de vous appesantir sur elle, de la grossir en y pensant, de la traiter comme si elle était la seule chose réelle et vraie. Quand vous sentez la force, tournez-vous vers elle et laissez-la agir; c'est cette Force et non vous-même ou votre humeur sombre et vos luttes qui peuvent vous débarrasser de la confusion et de l'obscurité. À quoi bon vous demander si votre foi et votre confiance sont de la "vraie" sorte ou non? Sentir la Force, être tranquille, la laisser agir, voilà tout ce qu'il faut.
Il est bon que vous sortiez de ce conflit pour retrouver la base de tranquillité qui facilite l'ouverture. Toute cette lutte, cette confusion, ce dénigrement de vous-même dont -vous vous harcelez, c'est la manière ancienne et fausse de procéder; elle est mentale et vitale et ne peut réussir; c'est dans le mental tranquille que doit se produire l'ouverture. Alors l'être psychique, l'âme en vous commence à venir au premier plan. L'âme connaît et voit la Vérité; le mental et le vital en sont incapables, tant qu'ils ne sont pas illuminés par la connaissance de l'âme.
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Il n'est pas vrai que vous ne pouvez pas ou ne pourrez jamais vous amender. Les choses vous apparaissent ainsi lorsque votre vital inférieur est agité ou que votre mental physique prend le dessus. La vérité, c'est que si vous pouviez vous tenir en permanence dans cette partie de vous-même qui a le contact, le résultat viendrait plus tôt et avec beaucoup moins de difficultés et d'ennuis.
Si cette inconscience existe, vous devez apprendre à être conscient dans toutes vos actions, afin que les mouvements vitaux ne puissent plus vous tromper ni se dissimuler. Vous devez vous appliquer à être parfaitement sincère lorsque vous observez ces mouvements vitaux, et à les voir tels qu'ils sont.
Le jour où vous pourrez ouvrir l'être psychique et le maintenir ouvert, une perception viendra sans cesse du plus profond de vous-même pour vous montrer à chaque pas la vraie vérité et vous mettre en garde contre toute supercherie, quelle qu'elle soit. Si vous aspirez constamment, si vous laissez la paix grandir et la Force agir en vous, cette ouverture viendra.
VIII
Je n'ai jamais dit qu'il était facile de surmonter le doute; c'est difficile parce que quelque chose, dans le mental physique humain, tient, par sa nature même, à douter pour douter. Surmonter la tristesse, la dépression, le chagrin et la souffrance n'est pas facile: quelque chose dans le vital humain s'y cramponne et en a presque besoin, puisque cela fait partie du drame de la vie. Jamais je n'ai dit non plus que le sexe, la colère, la jalousie, etc. étaient faciles à surmonter. J'ai dit que c'était difficile parce qu'ils font partie intégrante du vital humain; même s'ils en sont expulsés, ils s'y réintroduisent
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toujours soit par l'habitude du vital lui-même, soit par l'envahissement de la Nature générale et la résurgence de son ancienne réaction [...] La conscience extérieure - le mental physique et la conscience de l'homme - hait sa propre souffrance et livrée à elle-même, elle déteste aussi voir les autres souffrir. Mais si vous cherchez à sonder ce que signifient ce goût du drame, cette tendance au drame que vous avez reconnus en vous et auxquels échappent bien peu d'êtres humains, vous vous apercevrez, en plongeant assez profondément, qu'il y a, dans le vital, quelque chose qui aime la souffrance et s'y cramponne par goût du drame. C'est au-dessous de la surface, mais c'est fort, presque universel dans la nature humaine et difficile à déraciner à moins qu'on ne le reconnaisse et que l'on s'en détache intérieurement. Le mental et le physique de l'homme n'aiment pas la souffrance, car s'ils l'aimaient, elle ne serait plus une souffrance; mais cet élément du vital en a besoin pour donner du sel à la vie. C'est pour cette raison que des dépressions peuvent constamment réapparaître et se répéter, en dépit du mental qui aspire à s'en débarrasser, parce que cet élément du vital continue à recommencer le même mouvement, comme un phonographe dès qu'on le met en marche, et persiste à faire tourner jusqu'au bout ce disque cent fois rejoué. Peu importent en réalité les raisons que donne le vital pour commencer à le faire tourner: celles-ci sont souvent des plus banales et les justifications qu'elles apportent sont totalement insuffisantes. C'est seulement par une forte volonté de s'en détacher, de ne pas la justifier, de la rejeter, de refuser de l'accueillir que l'on peut en fin de compte se débarrasser de cette propension extrêmement perturbatrice et dangereuse de la nature humaine. C'est pourquoi, lorsque nous parlons de la comédie vitale, du drame vital, nous nous référons à une connaissance psychologique qui ne s'arrête pas à la surface des choses, mais observe ces mouvements cachés. Régler les problèmes dans la perspective du yoga est impossible si l'on s'en tient à la conscience de surface; que vous ayez subi ce découragement
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aussitôt après avoir accompli un progrès considérable sur le chemin de la bhakti et affirmé votre volonté de vous soumettre dans l'être intérieur est aussi tout à fait dans la norme de ces réactions, car cela émane de l'esprit d'obscurité qui attaque le sâdhak chaque fois qu'il le peut, s'irrite violemment de tout progrès accompli, abhorre l'idée même de progrès; toute sa politique consiste à convaincre le sâdhak par ses attaques et ses suggestions, qu'il n'a fait aucun progrès ou que le progrès accompli est somme toute nul et non avenu...
Les lois de ce monde-ci, tel qu'il est, sont les lois de l'Ignorance, et le Divin dans le monde les perpétue tant que l'Ignorance existe; s'il n'agissait pas ainsi, le monde s'écroulerait en morceaux, outsîdeyour ime lokâh, comme dit la Guîtâ. Il existe aussi, tout naturellement, des conditions pour sortir de l'Ignorance et émerger dans la Lumière. L'une d'entre elles est que le mental du sâdhak coopère avec la Vérité et que sa volonté coopère avec le Pouvoir divin dont l'action, si lente qu'elle puisse paraître au vital et au mental physique, soulève la nature vers la Lumière; quand cette coopération est complète, le progrès peut être assez rapide. Mais le sâdhak ne doit pas marchander le temps et l'effort nécessaires pour que l'aveuglement et la faiblesse de la nature humaine deviennent pleinement capables de coopérer, et aussi pour que cette coopération devienne efficace.
Toute votre aspiration à la paix, à la sincérité, à la soumission n'est là que pour vous inciter à faciliter cette coopération. Si le mental physique cesse de juger de tout, y compris de ce qu'il ignore ou de ce qui le dépasse - comme, par exemple, les choses profondes de l'Esprit - il reçoit plus aisément la Lumière et découvre, par l'illumination et l'expérience, ce qu'il ne connaît pas encore. Si la volonté mentale et la volonté vitale se placent sans réserve dans la Main divine, le Pouvoir peut agir plus aisément et produire des effets tangibles. S'il y a une résistance, cela prend naturellement plus de temps et le travail doit se faire de
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l'intérieur ou par une action en apparence souterraine, afin de préparer la nature en sapant la résistance.
Ce qui, en vous, prend plaisir à la souffrance et l'appelle est une partie du vital humain; c'est ce que nous appelons l'insincérité et la déformation perverse du vital; il se répand en cris contre le chagrin et les ennuis et accuse le Divin, la vie et le monde entier de le torturer, mais le chagrin et les ennuis apparaissent et se perpétuent principalement parce que quelque chose de pervers dans le vital veut les garder! Il faut se débarrasser complètement de cet élément du vital.
Oui, c'est ainsi. La conscience vitale recèle même un élément qui ne se sentirait pas à l'aise s'il n'y avait pas de souffrance dans la vie. C'est le physique qui craint et abhorre la souffrance: le vital la considère comme une partie du jeu de la vie.
Ce n'est pas l'âme, mais le vital ou plutôt quelque chose en lui qui prend plaisir à gémir et à pleurer, et se complaît en fait dans toutes sortes de chagrins et de souffrances.
La nature de surface n'y prend pas plaisir, mais quelque chose au-dedans se délecte de la lîlâ "du rire et des larmes", de la joie et du chagrin, du plaisir et de la peine, en un mot du jeu de l'ignorance. Chez certains cela émerge plus ou moins à la surface. Bien des gens, si vous leur proposez d'éliminer de la vie la souffrance, vous regardent de travers et ont le sentiment qu'il serait tout à fait néfaste de n'avoir
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que la joie, l'Ânanda et la paix; beaucoup l'ont même dit.
L'insatisfaction du désir vital entraîne inévitablement la souffrance. La peine et la douleur sont des effets inéluctables de l'Ignorance dans laquelle nous vivons; les hommes évoluent par toutes sortes d'expériences, par la peine et la douleur tout autant que par leurs contraires: joie, bonheur, extase. On peut y puiser de l'énergie, si l'on y fait face comme il convient. Nombreux sont ceux qui trouvent une joie dans la peine et la souffrance quand elles sont associées à la lutte, à l'effort ou à l'aventure, mais c'est davantage à cause de l'exaltation et de l'excitation du combat qu'en raison de la souffrance en elle-même. Il y a pourtant dans le vital quelque chose qui trouve une joie dans la vie tout entière, tant dans ses aspects sombres que dans ses aspects ensoleillés. Le vital renferme aussi quelque chose de pervers qui trouve une sorte de plaisir dramatique dans son malheur, dans sa tragédie et jusque dans la déchéance ou la maladie.
Je ne crois pas que de simples doutes puissent apporter un bénéfice quelconque; les interrogations du mental peuvent être fécondes si elles cherchent la vérité, mais le fait de poser des questions par simple scepticisme ou dans un pur esprit de contradiction ne peut mener, s'il est dirigé contre les vérités de l'esprit, qu'à l'erreur ou à une interminable incertitude. Si je mets en doute la Lumière chaque fois qu'elle se montre, si je refuse la vérité qu'elle m'offre, la Lumière ne peut demeurer en moi, ne peut s'installer; à la longue, comme elle ne trouve dans le mental ni bon accueil, ni fondation, elle se retirera. Il faut sans cesse avancer dans la Lumière et non retomber dans l'obscurité ni étreindre l'ombre dans l'illusion qu'elle est la vraie lumière. Toute plénitude que l'on peut ressentir dans la peine ou le doute appartient à l'Ignorance; la véritable plénitude se trouve dans la joie divine, dans la Vérité divine et sa certitude, et c'est pour les atteindre que le yogi déploie ses efforts. Il
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peut, au cours de sa lutte, être obligé d'en passer par le doute, non par choix ou de son plein gré, mais parce que sa connaissance est encore entachée d'imperfection.
Votre observation, à propos de cette perturbation, est juste. Il y a maintenant en vous deux consciences: la nouvelle qui grandit, et le résidu de l'ancienne. Dans l'ancienne conscience se trouve une tendance habituelle au vital humain: le penchant à conserver toute trace de chagrin, de colère, de tourment, etc., ou toutes sortes de perturbations émotives, vitales ou mentales, et à en faire grand cas, à les prolonger, à ne pas vouloir les laisser partir, à y revenir même quand la cause de la perturbation est passée et pourrait être oubliée, à en garder le souvenir et à les rappeler à chaque occasion. C'est un trait courant de la nature humaine et un mouvement tout à fait habituel. La nouvelle conscience, au contraire, ne veut pas de ces choses et lorsqu'elles surviennent, les rejette aussi vite que possible. Quand cette nouvelle conscience sera pleinement développée et établie, les perturbations seront entièrement rejetées. Même si leurs causes réapparaissent, elles n'entraîneront aucune réaction de chagrin, de colère, d'irritation, etc. dans la nature.
La mélancolie et les autres difficultés viennent d'une résistance à base d'inertie dans le vital inférieur et la conscience physique. Ce que vous devez faire, c'est préparer la conscience en vous débarrassant de l'inertie. Le tempérament approprié à notre yoga est fait de bonne humeur, de calme et de confiance sattwiques; on ne doit pas s'abandonner à la mélancolie, à la dépression et aux larmes, car elles font obstacle à l'ouverture, à moins que les larmes ne viennent d'un sentiment psychique de libération ou d'adoration, ou d'une émotion d'amour et de bhakti. Le progrès que vous
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avez fait dans la maîtrise du sexe et d'autres mouvements radjasiques du vital inférieur est une bonne préparation, mais il ne suffit pas; ce n'est que l'aspect négatif du travail, bien qu'il soit indispensable. Aspirez à une ouverture sattwique positive à la force, à la lumière, à la paix, et ne vous inquiétez pas, ne vous plaignez pas si le progrès est lent au début, ne lésinez pas sur le temps et le labeur de préparation nécessaires pour que le yoga puisse avancer rapidement.
Le changement remarqué par X indique évidemment un grand progrès dans l'être vital et physique. Être heureux et joyeux n'a rien de spirituellement mauvais, c'est au contraire la bonne attitude. Quant aux luttes et à l'aspiration, les luttes ne sont pas vraiment indispensables au progrès, et bien des gens sont si habitués à leur attitude combative qu'ils ont sans cesse des combats et presque rien d'autre. Ce n'est pas souhaitable. Le sentier ensoleillé existe tout autant que le sentier de l'ombre, et c'est le meilleur des deux; c'est un sentier où l'on avance dans la confiance absolue en la Mère, sans éprouver aucune crainte, sans s'affliger de rien. L'aspiration est nécessaire, mais l'aspiration peut être ensoleillée, pleine de lumière, de foi, de confiance, de joie. Même si une difficulté se présente, on peut y faire face avec un sourire.
Ce mouvement essaie toujours d'apparaître lors de votre anniversaire ou d'un darshan; il vous est évidemment suggéré par des forces qui veulent vous décourager et gâter votre anniversaire ou votre darshan. Vous devez vous débarrasser de l'idée qu'il apporte, de quelque façon que ce soit, une aide à la sâdhanâ, par exemple qu'il vous rappelle le Divin, etc.; si ce sentiment vous rappelle le Divin, c'est de la mauvaise manière et de plus, il engendre la faiblesse et aussi la dépression, le manque de confiance en soi, etc., etc. À
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quoi bon16 la gaîté, dites-vous? Elle vous met dans un état favorable à l'action du psychique et sans le savoir, vous avez de plus en plus les perceptions justes et les sentiments justes propres à vous faire acquérir l'attitude spirituelle. Ce développement, je l'ai observé en vous depuis maintenant assez longtemps, et c'est dans ces états joyeux qu'il est le plus actif. Pratiquer le japa, penser au Divin, c'est très bien, mais il faut le faire sur cette base et pour accompagner le travail et l'activité mentale, car l'instrument est alors en bonne santé. Si, au contraire, vous vous agitez dans l'ardeur de ne rien faire que répéter le "Japa", de ne penser à rien qu'au Divin et au "progrès" que vous avez ou n'avez pas fait (X dit que l'on ne devrait jamais penser au "progrès": c'est, selon lui, un mouvement de l'ego), alors vous mettez le feu aux poudres; comme votre organisme n'est pas encore prêt à fournir un effort herculéen, il se met dans tous ses états, commence à penser qu'il est inapte et ne sera jamais apte. Soyez par conséquent un bon travailleur joyeux et offrez votre bhakti au Divin de toutes les manières qui vous sont possibles, mais reposez-vous sur Lui pour qu'il accomplisse les choses en vous.
Ce qu'il faut faire, c'est profiter de la découverte pour sa débarrasser de l'obstacle. La Mère ne vous a pas seulement indiqué l'obstacle: elle vous a montré très précisément comment vous en débarrasser, et à l'époque, vous aviez compris ce qu'elle vous disait, même si maintenant (au moment où vous m'avez écrit cette lettre) la lumière entrevue semble s'être masquée, parce que vous avez laissé votre vital s'adonner de plus en plus à l'amer passe-temps de la tristesse. Cet obscurcissement était tout naturel, puisqu'il est invariablement l'effet de la tristesse. C'est pourquoi je m'élève contre l'évangile de souffrance et contre toute sâdhanâ qui ferait de la souffrance l'un des points principaux de son programme
16. En français dans le texte.
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(abhimâna, révolte, virahà). Car le chagrin n'est pas, comme l'a fait remarquer Spinoza, un transit vers une plus grande perfection, une voie d'accès à la siddhi; il ne peut pas l'être, puisqu'il jette le mental dans la confusion, l'affaiblit et le plonge dans le désarroi, amoindrit la force vitale, assombrit l'esprit. Tomber de la joie, de l'adaptabilité vitale et de l'Ânanda dans le chagrin, le manque de confiance en soi, le découragement et la faiblesse, c'est régresser d'une conscience élevée à une conscience inférieure; ces humeurs, si elles sont fréquentes, dénotent que dans le vital, quelque chose se cramponne au mouvement mesquin, obscur, sombre et angoissé dont le yoga a précisément pour but de vous faire sortir.
Il est par conséquent tout à fait inexact de dire que la Mère vous a retiré la mauvaise clé avec laquelle vous vous efforciez d'ouvrir la porte du palais des fées et vous a laissé sans clé du tout. Car non seulement elle vous a montré la bonne clé, mais elle vous l'a donnée. Elle ne s'est pas contentée d'une vague exhortation à la bonne humeur, elle a décrit exactement l'état que l'on ressent dans une bonne méditation: un état où l'on est tranquillement ouvert au lieu de tirer avec avidité ou désespoir, un état fait de repos intérieur et non de tension, d'un harmonieux don de soi à la Force divine pour qu'elle agisse et, dans cette tranquillité, une perception de l'action de la Force et une confiance paisible qui la laisse agir sans l'entraver par l'inquiétude. Et elle vous a demandé si vous aviez déjà éprouvé cet état; vous avez dit que oui, que vous le connaissiez fort bien. Or il marque le début de l'ouverture psychique et si vous l'avez ressenti, vous savez ce qu'est l'ouverture psychique; évidemment, bien d'autres choses viennent ensuite la compléter, mais c'est dans cet état fondamental que tout le reste vient le plus facilement. Vous auriez dû garder présente à la conscience la clé que la Mère vous a donnée et vous en servir: ne pas revenir en arrière, ne pas vous laisser gagner par la tristesse et par une vision chagrine du passé. Dans cet état, que nous appelons attitude juste ou psychique, l'appel, la
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prière, l'aspiration peuvent apparaître et apparaîtront. L'intensité, la concentration viendront d'elles-mêmes et non par un dur effort ou par l'exercice d'une tension exagérée sur la nature. Le rejet de tous les mouvements faux, la confession franche des défauts, non seulement ne sont pas incompatibles avec l'intensité et la concentration, mais y contribuent; et cette attitude rend le rejet et la confession faciles, spontanés, tout à fait complets, sincères et efficaces. C'est l'expérience de tous ceux qui ont consenti à l'adopter.
Je puis dire, en passant, que conscience et réceptivité ne sont pas la même chose; on peut être réceptif sans pourtant percevoir extérieurement comment les choses se font et ce qui se fait. La Force agit, je l'ai écrit et répété, derrière le voile; les résultats s'accumulent à l'arrière-plan et sortent plus tard, souvent lentement, peu à peu, jusqu'au moment où la pression devient si forte que d'une manière ou d'une autre elle ouvre une brèche et s'impose à la nature extérieure. Là réside la différence entre l'effort tendu du mental et du vital pour tirer la force et une ouverture psychique spontanée, et ce n'est nullement la première fois que nous parlons de cette différence. La Mère et moi l'avons répété, oralement et par écrit, à d'innombrables reprises, et nous avons déconseillé de tirer17 et de faire effort pour plaider en faveur de cette attitude d'ouverture psychique. Il ne s'agit pas, en réalité, de posséder la bonne ou la mauvaise clé, mais d'introduire la clé dans la serrure de la bonne ou de la mauvaise manière: ou bien, en raison d'une difficulté quelconque, vous essayez de forcer la serrure en tournant la clé dans un sens et dans l'autre avec violence, ou bien, avec calme et confiance, vous la tournez comme il faut et la porte s'ouvre.
Non que l'on ne puisse rien accomplir en tirant par un effort violent et tendu; cela finit par imposer un résultat ou un autre, mais avec des difficultés, des retards, des luttes,
17. Il est possible de puiser régulièrement la Force; ce n'est pas ce que j'entends par tirer: puiser la Force est très fréquent et salutaire (note de Sri Aurobindo).
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des soulèvements puissants de la Force qui perce en dépit de tout. Râmakrishna lui-même a commencé par tirer et faire effort, et il est parvenu au résultat qu'il cherchait, mais au prix d'un bouleversement terrible et périlleux; ensuite il a adopté la manière tranquille du psychique chaque fois qu'il voulait obtenir un résultat, et il y parvenait aisément et dans un minimum de temps. Vous dites que cette méthode est trop difficile pour vous et que seuls les "Avatar" comme la Mère ou moi peuvent l'appliquer. Cette conception est étrangement fausse; car c'est au contraire la voie la plus facile, la plus simple et la plus directe, et n'importe qui peut l'emprunter s'il tranquillise son mental et son vital: même ceux qui sont dix fois moins doués que vous en sont capables. C'est l'autre manière, faite de tension, de contrainte, de dur effort qui est difficile et exige une grande force de Tapasyâ. Quant à la Mère et à moi-même, nous avons dû essayer toutes les voies, suivre toutes les méthodes, surmonter des montagnes de difficultés, porter un fardeau beaucoup plus lourd que le vôtre ou celui de n'importe qui, dans l'Ashram ou ailleurs, subir des conditions beaucoup plus difficiles, livrer des batailles, endurer des blessures, frayer des routes à travers des marécages, des déserts et des forêts impénétrables, vaincre des masses d'hostilité; labeur, j'en suis certain, tel que nul autre n'en avait accompli avant nous. Car le Pionnier, dans un travail comme le nôtre, ne doit pas seulement faire descendre le Divin et le représenter ou l'incarner, mais représenter aussi l'élément ascendant de l'humanité, porter tout entier le fardeau de l'humanité et éprouver, non pas dans le simple jeu de la Lîlâ, mais dans l'implacable réalité, toute l'obstruction, toute la difficulté, toute l'opposition qu'il est possible de rencontrer sur le sentier, dans un labeur semé d'embûches et d'entraves et dont la victoire ne peut être que tardive. Mais il n'est ni nécessaire, ni tolérable que l'expérience se répète tout entière une fois de plus chez les autres. C'est parce que notre expérience est complète que nous pouvons indiquer aux autres une route plus directe et plus facile... si seulement ils
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veulent bien consentir à l'emprunter. C'est en raison de notre expérience, acquise à un prix énorme, que nous pouvons vous exhorter ainsi, vous et les autres: "Adoptez l'attitude psychique; suivez le chemin direct et ensoleillé, en vous laissant porter ouvertement ou secrètement par le Divin; s'il se cache, il se montrera au bon moment; ne vous obstinez pas à choisir la route pénible et pleine d'embûches le chemin détourné et difficile."
Vous dites que jamais on ne vous avait signalé cela auparavant. C'est pourtant ce que nous n'avons cessé de dire à tout le monde, à tout propos et hors de propos, depuis des temps immémoriaux! Mais vous n'étiez pas enclin à considérer que c'était faisable, ou du moins vous n'étiez pas prêt à appliquer ce principe à la méditation, parce que votre conscience, par tradition, en raison de vos vies passées ou pour d'autres causes, se cramponnait à des conceptions anciennes et contraires. Quelque chose en vous revenait sans cesse à une sâdhanâ en quelque sorte vishnouïte, ce qui tendait à y introduire ce sentiment douloureux: éléments d'abhimâna, de révolte, de souffrance, le Divin qui se cache ("Je le cherche, mais jamais il ne se montre"), la rareté de l'épanouissement, le milana. Une autre partie de vous-même était portée à ne voir d'autre issue qu'un idéal dur, sévère, ascétique, le Brahman incolore et sans traits, et s'imaginait le supramental sous cet aspect; quelque chose dans le vital se figurait la conquête des mouvements faux comme une Tapasyâ ardue et désespérée, et non comme une voie d'accès à la pureté et à la joie du Divin; un certain élément en vous semble persister, encore maintenant, à considérer l'attitude psychique comme quelque chose d'extraordinaire, de difficile, d'inhumain et d'impossible! Ces atermoiements du mental et du vital - et d'autres18 -, vous
18. Par exemple la crainte russellienne du vide, qui est le nom donné au Silence par le mental actif. Pourtant, c'est sur ce que vous appelez le vide, sur ce Silence, que tout mon yoga s'est fondé, et c'est à travers lui que sont venues par la suite toutes les richesses inestimables de la connaissance, de la Volonté et de la Joie plus grandes; toutes les expériences des régions plus grandes du mental, du psychique et du vital, tous les échelons supérieurs jusqu'au surmental et au-delà. La coupe a souvent dû être vidée pour se remplir de nouveau; le yogi, le sâdhak ne doivent pas avoir peur du vide ou du silence. (Note de Sri Aurobindo.)
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devez les éliminer et porter sur la Vérité toute simple un regard simple et direct.
Non que ces difficultés vous soient particulières: tous les sâdhak, en abordant le Chemin, ont dû surmonter des obstacles similaires. Il m'a fallu quatre années d'effort intérieur pour trouver un vrai Chemin, bien que l'aide divine m'ait accompagné tout au long, et malgré cela la solution a paru venir par accident; et il m'a fallu dix années de plus d'un yoga intense, sous une direction intérieure suprême, pour tracer ce Chemin, car j'avais à assimiler et à surmonter mon passé et le passé du monde avant de pouvoir trouver l'avenir et en construire les bases.
Mais en ce qui vous concerne, le remède que nous vous proposons, la clé que nous vous offrons ne devraient pas être aussi difficiles à mettre en pratique que vous l'imaginez. Après tout, il ne s'agit que d'appliquer à la "méditation" la voie qui vous a si bien réussi dans votre travail de création. Il y a une voie de la création par la tension et l'effort, où l'on se casse la tête par un travail dur et pénible; souvent le passage est obstrué et rien ne vient, ou ce qui vient est acquis au prix d'une sorte de Tapasyâ intellectuelle. Il y en a une autre, où l'on reste tranquille, où l'on s'ouvre à un pouvoir qui est là, à l'arrière-plan, et où l'on attend l'inspiration; la force se déverse au-dedans et avec elle l'inspiration, l'illumination, l'Ânanda; tout est fait par un Pouvoir intérieur. Le flot s'arrête, mais on reste tranquille en attendant le prochain, et en son temps il vient à coup sûr. Ici non plus, tout n'est pas parfait dès le début, mais le progrès vient en vagues toujours renouvelées du même Pouvoir. La Mère vous a proposé d'appliquer la même méthode à votre méditation, si l'on peut appeler cela méditer: non une tension de l'activité mentale, mais une ouverture paisible à la Force qui est là
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tout le temps, au-dessus et autour de vous, afin qu'elle puisse couler et accomplir son œuvre dans la paix, l'illumination et l'Ânanda. Cette voie vous a été indiquée, vous êtes vous-même, de temps en temps, dans l'état approprié; vous n'avez plus qu'à apprendre à faire durer cet état ou à le recouvrer, et vous devez laisser la Force travailler comme elle l'entend. Il vous faudra peut-être quelque temps pour maîtriser entièrement cette méthode, expulser l'ancienne habitude et faire en sorte que celle-ci vous devienne normale; mais ne commencez pas par décider que c'est impossible! C'est éminemment possible, et c'est ce que tout le monde devra faire tôt ou tard; car c'est la porte d'entrée définitive. La difficulté, la lutte n'appartenaient qu'à la période préparatoire nécessaire pour épuiser ou éliminer de la conscience cette obstruction qui était la haie de ronces autour du palais des fées.
Ce que vous écrivez au sujet de X est tout à fait exact. S'il n'est pas nécessaire d'afficher sans cesse un visage grave ou de garder le silence lorsqu'on pratique le yoga, il faut prendre le yoga au sérieux, et le silence et la concentration intérieure y tiennent une grande place. On ne peut s'extérioriser sans cesse si l'on a pour but de s'intérioriser pour rencontrer le Divin au-dedans. Mais cela ne signifie pas que l'on doive être tout le temps grave et lugubre, ou lugubre la plupart du temps, et je ne crois pas que les sâdhak d'ici le soient. C'est la manière rhétorique de X d'exposer sa difficulté, la difficulté d'un vital qui veut toujours s'extérioriser en action et en création, alors qu'une autre partie de l'être ne se satisfait pas du résultat et se sent contrariée dans son propre mouvement. Il y a deux personnes en lui: l'une veut une vie d'expansion vitale et l'autre une vie intérieure. La première s'agite parce que la vie intérieure n'est pas une vie d'expansion; la seconde est malheureuse parce que son but ne se réalise pas. Dans notre yoga, aucune des deux ne doit
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être rejetée, mais la personnalité vitale extérieure doit permettre à la personnalité intérieure de s'établir, lui donner la première place, consentir à n'être qu'un instrument de l'âme et à obéir à la loi de la vie intérieure. C'est ce que le mental de X se refuse encore à comprendre; il croit que l'on doit ou bien être totalement lugubre, froid et grave, ou bien apporter à la vie intérieure le pétillement et l'effervescence du vital. Un vital tranquille, heureux et joyeux de la maîtrise exercée sur lui par l'être intérieur, voilà ce qu'il n'est pas encore capable de concevoir.
Tout le sérieux nécessaire doit venir spontanément de l'intérieur. Se faire une règle d'être sérieux extérieurement est inutile.
Pourquoi diable les gens ne seraient-ils pas sérieux s'ils en ont envie? La vie est peut-être une farce - bien que tout le monde ne soit pas de cet avis - mais on ne peut pas en rire tout le temps. Dans votre idée, il semblerait que l'on ne puisse pas garder son sérieux à moins d'être (1) en colère, (2) mécontent, ou (3) triste et malheureux. Mais on peut certes être sérieux lorsqu'on réfléchit, que l'on considère des choses sérieuses ou tout simplement quand on ne rit pas. Et on ne peut pas rire vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les muscles abdominaux ne le supporteraient pas et les briseurs de records américains reculeraient devant une telle épreuve.
La bonne humeur est le sel de la sâdhanâ. Elle vaut mille fois mieux que l'humeur sombre.
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La joie et la bonne humeur intérieures sont salutaires, mais ce dont vous parlez n'est qu'un pétillement vital à la surface Dans la vie ordinaire, c'est très bien, mais dans le yoga ce n'est qu'une dépense inutile de force vitale.
La bonne humeur relève du vital. Je ne dis pas qu'elle ne devrait pas exister, mais il y a une bonne humeur plus profonde, un soukhahâsya intérieur qui est l'état spirituel de bonne humeur.
L'aspiration, la prière, la concentration, l'intensité s'intègrent naturellement à la manière de méditer dont nous parlions. Ceux qui la choisissent vont plus vite et font évoluer leur sâdhanâ, une fois qu'ils s'y sont fixés, beaucoup plus aisément et aussi avec beaucoup moins d'à-coups que par une tension pleine d'angoisse, de doutes et d'anxiété, entrecoupée de revirements désespérés et d'abandon de l'espérance et de l'effort. Nous avons parlé d'une ouverture progressive au Divin, accompagnée d'un flot de la force qui fait son œuvre dans l'âdhâr, d'une ouverture équilibrée accompagnée d'un mental tranquille et d'un cœur plein de confiance, illuminé du soleil de la foi; où donc allez-vous chercher cette attente impuissante dont nous aurions dit qu'elle devait être votre programme?
Quant à l'insouciance et au cœur léger... une attitude de légèreté je-m'en-fichiste est la dernière chose que nous recommanderions à qui que ce soit. La Mère a parlé de bonne humeur, et si elle a parlé de "cœur léger", il ne s'agissait nullement d'une gaîté et d'une insouciance légères et frivoles, bien qu'une gaîté plus profonde et plus raffiné puisse trouver sa place dans ce qui compose le caractère yoguique. Elle voulait parler d'une égalité heureuse, même devant les difficultés, et rien en cela n'est contraire à l'enseignement
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yoguique ni à la pratique de la Mère elle-même. La nature vitale, à la surface (les profondeurs du vital véritable sont différentes) est attachée d'un côté à une jovialité et à un enjouement superficiels, de l'autre au chagrin, au désespoir, à la mélancolie, au drame, car ils sont pour lui les ombres et les lumières qu'il chérit dans la vie; mais une paix lumineuse, ou vaste et libre, une intensité ânandamaya, ou - mieux encore - une fusion des deux est le véritable équilibre à la fois de l'âme et du mental - et aussi du vital véritable - dans le yoga. Il est parfaitement possible à un sâdhak tout à fait humain de parvenir à cet équilibre, il n'est pas nécessaire de devenir divin pour être capable de l'atteindre.
S'élever jusqu'à une conscience supérieure à la conscience humaine ordinaire est, c'est bien vrai, la bonne voie vers la transformation. Se contenter de rester dans la conscience inférieure ordinaire et, de là, essayer de rejeter les mouvements faux ne peut produire aucun résultat durable ou complet. Mais ici plusieurs points sont à noter, sinon cette perception risque d'être entachée d'erreur.
1. Comme vous l'avez constaté par la suite, toutes les parties et personnalités constituantes de l'être doivent participer à la conscience supérieure, sinon les anciens mouvements se poursuivront sous divers prétextes.
2. Vous parlez de rejeter le vital inférieur, mais seuls les mouvements non régénérés du vital inférieur doivent être éliminés; vous ne pouvez pas vous débarrasser du vital inférieur lui-même, car il fait nécessairement partie de la nature manifestée, tout comme le vital supérieur ou le mental. Il doit devenir, par la transformation, le pouvoir de la conscience supérieure, et non être abandonné à lui-même ou éliminé de votre être.
3. Si vous ne le transformez pas ainsi, si vous vous intentez de vivre intérieurement dans le psychique ou dans une autre conscience supérieure, vous courez le risque d'imiter ceux qui se satisfont d'une certaine tranquillité intérieure u de l'Ânanda, mais laissent inchangées la nature extérieure
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et l'activité de surface, soit qu'ils les considèrent comme sans importance, soit qu'ils les justifient sous le prétexte que la conscience psychique ou spirituelle se tient derrière elles.19
Le bonheur, au sens ordinaire du terme, est un état ensoleillé du vital, avec ou sans cause. Le contentement est moins intense que le bonheur; la joie de la paix ou de l'absence de difficulté est plutôt un état de joyeuse shânti. Le bonheur ne doit pas être un état d'autosatisfaction ou d'inertie, et ne l'est pas forcément, car le bonheur et l'aspiration peuvent se combiner. On peut évidemment être heureux dans l'inertie, mais la plupart des gens ne s'en contentent pas longtemps et commencent à désirer autre chose. Certains yogis se satisfont d'une immobilité heureuse et calme, mais c'est parce que le bonheur est une forme d'Ânanda: dans l'immobilité, ils sentent le Moi et son calme éternel et ne désirent rien de plus.
Il n'y a pas de véritable raison que la félicité soit inévitablement suivie par le chagrin, sinon que telle est l'habitude du vital. Mais cette habitude peut être surmontée.
IX
Trois obstacles doivent être surmontés dans le vital, et ils sont très difficiles à vaincre: la luxure (ou désir sexuel), la colère et l'ego radjasique. L'ego radjasique constitue la base des deux autres.
19. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
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À moins d'avoir pour objectif le Nirvana, il faut évidemment tenir compte de l'ego: non pas s'y abandonner, mais le transformer au point qu'il n'existe plus.
La forme de l'ego doit être dissoute, elle ne doit pas être remplacée par un ego plus grand ou par une autre sorte d'ego. Elle doit être remplacée par l'être véritable qui, tout en étant individuel, perçoit cependant son unité avec tous et avec le Divin.
Dans l'être psychique, l'individualité existe, mais non l'égoïsme. L'égoïsme disparaît lorsque l'individu s'unit au Divin ou se donne tout entier au Divin.
Dans les plans spirituels supérieurs, l'ego n'existe pas, parce qu'on ressent l'unité du Divin; on peut cependant avoir le sentiment de la vraie personne ou de la vraie individualité qui n'est pas un ego, mais une parcelle du Divin.
Bien qu'il n'y ait pas d'ego dans les plans spirituels, l'ego des plans inférieurs peut cependant s'amplifier par l'expérience spirituelle en raison de l'orgueil qu'il en tire et parce qu'il ne la reçoit pas comme il le faudrait. L'ego peut aussi s'agrandir lorsqu'on entre dans les plans plus vastes du mental et du vital. Le risque est toujours là tant que la conscience supérieure et la conscience inférieure ne se sont pas harmonisées dans l'être, et tant que la conscience inférieure ne s'est pas transformée au point d'être identique en nature à la conscience supérieure.
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Même si la conscience de l'ego est absente dans les parties supérieures où l'unité de toutes choses a été réalisée, il ne s'ensuit pas que l'ego des parties inférieures ait été aboli. Il peut au contraire devenir très fort et l'action peut être très égoïste, alors même que le mental pense: "Je n'ai pas d'ego."
Se débarrasser de l'ego n'est pas si facile. Il persiste non seulement en dépit du travail, mais aussi en dépit de la connaissance et de la bhakti. La disparition de l'ego, c'est la moukti complète. Même le yogi qui sent son être séparé s'engloutir dans la conscience cosmique ou dans quelque conscience du Transcendant s'apercevra, lorsqu'il en viendra à agir et à réagir extérieurement, que l'ego superficiel est toujours là. C'est pourquoi l'ascète abhorre l'action et dit qu'il est impossible de l'accomplir sans ego. C'est possible, mais on ne peut le faire complètement tant que la conscience supérieure n'a pas entièrement pris en main tous les éléments jusqu'aux plus extérieurs.
La samatâ n'est pas l'absence d'ego, mais l'absence de désir et d'attachement. Le sens de l'ego peut disparaître, ou il peut subsister sous une forme dense ou plus subtile; cela dépend de la personne.
L'orgueil n'est que l'une des formes de l'ego, il en existe des milliers d'autres. Les actions des hommes, bonnes ou mauvaises, leur humilité comme leur orgueil, leurs vertus comme leurs vices sont pleins d'ego.
Expulser l'ego de la nature humaine n'est pas si simple. Celui qui est libéré de l'ego, qui ne fait rien en fonction de lui-même ou pour lui-même, mais n'agit que pour le Divin,
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dont toutes les pensées et tous les sentiments s'adressent au Divin, celui-là est un Jivanmoukta et un siddha yogi.
Mais c'est ainsi chez tous les êtres humains. Toute l'action est tissée d'ego: actes, sentiments, tout, grand ou petit, bon ou mauvais. Même l'humilité et ce que l'on appelle l'altruisme n'est, chez la plupart des hommes, qu'une forme d'ego. L'ego n'est pas nécessairement lié à l'orgueil.
C'est la même chose pour tout le monde. La nature humaine est, dans sa substance, tout entière tissée de fils de l'ego; même lorsqu'on essaie d'y échapper, il est au premier plan ou pourrait suivre comme une ombre toutes les pensées et toutes les actions. Le premier pas est de le constater; discerner la fausseté et l'absurdité des mouvements de l'ego est le deuxième; le dissuader d'agir et le rejeter à chaque pas est le troisième, mais il ne disparaît entièrement que lorsqu'on voit, que l'on sent et que l'on vit l'Un en toutes choses et partout également.
C'est la même chose pour tout le monde, parce que la conscience humaine est imbibée, dans toutes ses idées héritées du passé, de la substance de l'égoïsme. Seules une vigilance constante et tranquille et une conscience de plus en plus grande peuvent l'expulser, car si on ne le laisse pas faire, il se cache et revêt des formes et des déguisements subtils.
Le mental et le vital sont beaucoup plus imbus d'ego que le corps.
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Le combat contre l'ego fait partie du combat contre la nature physique, car c'est l'ego superficiel dans la conscience physique, irrationnelle et instinctive, qui refuse de s'en aller.
L'être humain est naturellement égoïste et égocentrique: toutes ses actions, toutes ses pensées, tous ses sentiments sont marqués du sceau de l'ego; il ne peut en être autrement tant qu'il n'a pas appris à faire, non de l'ego, mais du Divin, le centre de son existence, et à penser, à agir, à sentir seulement pour le Divin; ou tant qu'il n'est pas entré dans la conscience supérieure ou divine; ou encore, tant que la conscience divine n'a pas pénétré en lui, car dans la conscience divine l'ego n'existe pas.
L'égocentrique ressent les choses et y réagit dans la mesure où elles l'affectent: est-ce que ceci me plaît ou me déplaît, me rend heureux ou malheureux, flatte ou blesse mon orgueil, ma vanité, mon ambition, satisfait ou contrecarre mes désirs, etc. L'homme sans égoïsme ne regarde pas les choses de cette façon. Il les observe pour voir ce qu'elles sont en elles-mêmes et ce qu'elles seraient sans lui, quelle est leur signification, leur place dans l'ensemble; ou bien il se sent calme et égal, s'en remet pour tout au Divin; ou s'il est homme d'action, il se demande comment elles serviront l'œuvre à accomplir, la vie du monde, la cause à laquelle il se dévoue, etc., etc. De nombreux points de vue peuvent ne pas être égocentriques.
Tout cela doit évidemment disparaître; c'est le vieil égoïsme vital de l'être humain sans cesse préoccupé de lui-même,
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au point que l'être ne peut s'adonner à l'adoration du Divin avec simplicité et sans poser de questions.
Il n'y a pas de quoi être troublé. Vous devriez plutôt vous féliciter d'être devenu conscient de votre égocentrisme. Très peu de gens dans l'Ashram le sont. Ils sont tous égocentriques et n'ont pas conscience de leur égocentrisme. Même dans leur sâdhanâ le "je" est toujours là: ma sâdhanâ, mon progrès, mon n'importe quoi. Le remède est de penser sans cesse au Divin et non à soi; de travailler, d'agir, de faire la sâdhanâ pour le Divin; de ne pas considérer comment ceci ou cela m'affecte, moi personnellement, de ne rien réclamer, mais de s'en remettre en toutes choses au Divin. Y parvenir sincèrement et complètement prendra du temps, mais c'est ce qu'il faut faire.
C'est l'ego qui se montre sous son vrai jour. Auparavant, il s'associait à la sâdhanâ parce qu'il en tirait un peu de ce qu'il désirait, ou parce qu'il avait de grandes espérances. Mais maintenant, ces satisfactions lui sont retirées et l'attitude juste est exigée de lui; il résiste donc ou refuse de coopérer en disant: "Cette sâdhanâ ne vaut rien." Chez tous les sâdhak de l'Ashram, l'ego (dans ses racines physiques ou physiques vitales) apparaît comme la pierre d'achoppement. Aucune transformation n'est possible à moins qu'il ne change.
Votre nature, comme celle de presque tous les individus, était largement égocentrique et chez presque tous les sâdhak, les premiers stades sont égocentriques. L'idée principale, dans ces premiers stades, est toujours, pour chacun, sa propre sâdhanâ, son propre effort, son propre développement,
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sa propre perfection, sa propre siddhi. C'est inévitable pour la plupart, parce que sans cet effort personnel la volonté ou l'impulsion ne seraient pas assez puissantes pour déterminer les premières transformations nécessaires. Mais rien de tout cela - développement, perfection ou siddhi - ne peut vraiment se faire à un quelconque degré de plénitude ou d'irrévocabilité sans mélange tant que cette attitude centrée sur l'ego ne s'est pas transformée en une attitude centrée sur Dieu, jusqu'à ce que l'évolution, la perfection, la siddhi deviennent celles de la Conscience divine, de sa volonté et de l'ensemble de ses instruments dans le corps; et cela ne peut se faire que lorsque ces réalisations deviennent secondaires, et que la bhakti pour le Divin, l'amour pour le Divin, l'unité avec le Divin dans la conscience, la volonté, le cœur et le corps deviennent le seul but; rien ne demeure plus alors, sinon l'accomplissement de la Volonté divine par le Pouvoir divin. Le psychique n'a jamais de mal à adopter' cette attitude: elle est naturelle à son état et à son sentiment, et chaque fois que votre psychique était au premier plan, cette attitude régnait dans votre conscience centrale. Mais le mental, le vital et le physique extérieurs étaient là et y mêlaient le désir et l'ego, et votre vie, votre action ne pouvaient être véritablement libérées avant qu'ils ne le soient. Le mental pensant et le vital supérieur peuvent consentir sans trop de difficulté; la difficulté vient du vital et du physique inférieurs et spécialement de leurs parties les plus extérieures; car celles-ci sont entièrement faites d'habitudes et de mouvements répétitifs, elles réitèrent obstinément et sans cesse le même mouvement. Cette habitude est aveugle, obstinée, persistante au point de paraître presque invincible, surtout lorsqu'elle est utilisée, dans une occasion comme celle-ci, par les Forces de l'Ignorance, pour leur servir d'ultime refuge ou de point d'attaque. Mais cette invincibilité apparente n'a rien de réel. Le plus égocentrique peut changer, et change sous l'effet du principe psychique lorsque celui-ci s'établit dans la nature extérieure. Il est vrai que cette transformation ne peut s'opérer que par la Grâce
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et le Pouvoir du Divin (c'est vrai de toute transformation spirituelle), mais le plein consentement de l'être est nécessaire. Tout comme le changement s'est fait dans l'être intérieur, il peut se faire dans l'être extérieur; adhérez de toute votre volonté et de toute votre foi, et quelle que soit la difficulté, ce sera fait.
Il est bien vrai qu'ils ne vivent et n'agissent que pour eux-mêmes, mais telle est la nature de l'homme: il est centré sur son ego, égocentrique, et fait tout pour son ego; même son amour et son affection ont l'ego pour base principale. Il faut transformer tout cela: tout doit être centré sur le Divin, fait pour la Mère divine. C'est l'objectif même de la sâdhanâ. Le silence, la croissance du psychique et tout le reste ont pour but d'y parvenir; mais cela ne peut se faire d'un seul coup. Quand la conscience est prête, l'amour psychique, l'impulsion à se donner commence à éclore dans le cœur et la transformation se fait progressivement, jusqu'au don de soi complet.
Si vous pensez qu'il n'y a en vous ni ego, ni désir, mais seulement une pure dévotion, vous faites preuve d'une grande inconscience. L'absence d'ego et de désir requiert une siddhi élevée dans le yoga; même de nombreux yogis d'un grand accomplissement spirituel n'en sont pas libérés. Si, à votre stade de développement, un sâdhak pense qu'il est libéré de l'ego et du désir, c'est qu'il se bouche les yeux et refuse de percevoir clairement les mouvements de sa propre nature, ce qui est nécessaire pour progresser vers la perfection spirituelle.
La Mère n'a pas besoin de lire ce que vous écrivez pour voir ce qui est en vous.
Si vos écrits expriment l'ego et le désir - ce qui est le
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cas - c'est qu'ils y sont sans que vous les perceviez et s'expriment à votre insu. Les pensées et les intentions du mental de surface sont une chose, ce qui est derrière les pensées et les actions en est une autre. Le mental superficiel d'un homme formule l'idée qu'il se fait de lui-même et de sa nature, alors qu'il ignore tout de lui-même. La première chose à faire, pour se débarrasser de cette ignorance, est de se retirer du mental de surface et d'entrer en contact avec le psychique qui ne tolère pas de telles illusions et montre clairement à chacun la vérité sur ses propres mouvements.
Mais comment toutes choses appartiendraient-elles au Divin tant que l'ego se les approprie et les utilise à ses propres fins? Le don de soi consiste en fait à passer d'une conscience centrée sur l'ego à une conscience centrée sur le Divin; le don de soi, par sa nature, conduit à changer toute la base de la conscience.
Oui, c'est le fait de regarder les choses du point de vue de l'ego qui amène toute la confusion, les ennuis et l'ignorance. Il faut penser au Divin, rester immobile et laisser la conscience divine entrer et remplacer la conscience humaine égoïste; alors tout cela disparaît.
Oui, en tous l'ego est la cause de la difficulté.
Sans le jeu de l'ego, les heurts ne se produiraient pas, et sans le penchant du vital pour le drame, il n'y aurait pas d'événements dramatiques dans la vie.
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Oui, c'est bien cela: se souvenir sans cesse et vivre dans la paix et le calme, pour que la Force puisse travailler et la Lumière venir. Les petites choses de la vie quotidienne doivent se (dérouler dans la conscience de surface, sans y tenir une trop grande place, jusqu'à ce que la Force et la Lumière, ayant pris possession de l'être, puissent s'en emparer aussi (directement. C'est l'ego qui leur donne une trop grande placée; il faut éconduire l'ego: "Pas pour moi, mais pour le Divin"; cette formule doit devenir peu à peu la loi de la conscience, de la pensée et de l'action tout entières. Elle ne peut être appliquée complètement d'un seul coup, mais doit devenir le plus tôt possible la note persistante dans le mental.
[Être concentré sur le Divin:] Pourquoi est-ce de l'égoïsme? L'égoïsme consiste à vivre pour soi et non pour quelque chose de plus grand que soi. Être à tout moment concentré sur le Divin, c'est sortir du moi personnel et de ses objectifs pour entrer dans quelque chose de plus grand et servir les desseins de «cette Existence plus grande. Ce n'est pas plus de l'égoïsme que le fait de se consacrer aux autres.
Évidemment il ne faut pas devenir égoïste à ce propos; mais se retirer de la conscience extérieure ou inférieure vers la conscience intérieure n'est pas, en soi, un mouvement égoïste. S'il en était ainsi, toute la sâdhanâ serait de l'égoïsme et la seule chose à faire serait d'être constamment sociable et superficiel.
L'égoïsme die l'ego n'est pas une raison pour ne pas appeler la descente; de la conscience supérieure (divine) dont la
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paix et la force sont pour ainsi dire la façade ou la base. Comment pourriez-vous vous débarrasser de l'ego égoïste autrement qu'en appelant la descente de cette conscience supérieure pour qui l'ego n'est pas une nécessité?
Dans l'évolution de la conscience inférieure ici-bas, l'ego et l'égoïsme étaient une nécessité. Tant que la conscience supérieure, au-dessus du mental ordinaire, ne descend pas, l'ego demeure une nécessité, même dans l'aspiration au Divin ou à la Moukti, même s'il devient un ego sattwique. C'est seulement dans la conscience supérieure que l'ego peut se dissoudre, soit qu'il y monte, soit qu'elle descende dans la conscience au-dessous.
Je suppose que l'ego est apparu d'abord comme un moyen, pour la conscience extérieure, de s'individualiser dans le flux de la Nature et, en second lieu, comme un aiguillon pour inciter l'homme tamasique et animal à agir et à accomplir quelque chose. Autrement il aurait pu simplement se contenter de manger et de dormir sans rien faire d'autre. Par cet aiguillon de l'ego (possession, vanité, ambition, soif de pouvoir, etc.), il a commencé à faire toutes sortes de choses qu'il n'aurait peut-être jamais faites autrement. Mais maintenant, il doit monter plus haut, et cet ego lui barre sérieusement la route.
Mais quel est cet ego dont vous parlez? Tout le monde a un ego, et il est impossible de s'en débarrasser complètement, sauf par deux moyens: l'ouverture du psychique au-dedans, et la descente d'une conscience vaste et sans ego venant d'en haut. L'ouverture de l'être psychique ne fait pas aussitôt disparaître l'ego, mais elle le purifie et l'offre au Divin avec tous ses mouvements, de sorte que l'on se débarrasse de l'égoïsme par le don de soi et la soumission. En même temps
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la nature s'ouvre au-dessus, et la conscience vaste et sans ego descend: l'ego disparaît et par le pouvoir du psychique, vous connaissez votre être véritable qui est une parcelle de la Mère. C'est ce qui doit arriver, mais ce n'est pas possible en si peu de temps. Ne pensez pas sans cesse au mouvement vital et à l'ego: vous les avez vus, vous savez ce qu'ils sont cela suffit. Concentrez-vous plutôt dans le cœur sur l'ouverture qui doit s'y produire; concentrez-vous avec persévérance, aspirez avec persévérance, et ne vous inquiétez pas si cela prend du temps. Appelez de toutes les manières, même si votre appel ne peut pas encore venir des profondeurs; ensuite l'appel profond viendra.
Je crois que vous accordez encore trop d'importance et d'attention à l'ego et à d'autres éléments étroitement mêlés à la nature humaine, et dont seule la venue d'une conscience nouvelle peut vous débarrasser entièrement en les remplaçant par des mouvements supérieurs. Si, au centre, on rejette en toute sincérité l'ego et le radjas, leurs racines se relâchent et le sattwa peut prédominer dans la nature, mais l'expulsion de l'ego et du radjas dans leur totalité ne peut se faire par un effort de volonté. Par conséquent, passé un certain stade préparatoire, on doit mettre davantage l'accent sur l'aspect positif de la sâdhanâ que sur l'aspect négatif du rejet, bien que celui-ci doive évidemment se poursuivre pour contribuer à l'autre. L'important est cependant de développer le psychique au-dedans et de faire descendre la conscience supérieure d'au-dessus. À mesure que le psychique grandit et se manifeste, il détecte les mouvements erronés dès qu'ils apparaissent et aussitôt leur substitue presque automatiquement les éléments et les mouvements vrais qui les remplaceront. Cette méthode est bien plus facile et bien plus efficace qu'une dure tapasyâ de purification. La conscience supérieure, en descendant, apporte la paix et la pureté dans toutes les parties intérieures; l'être intérieur se
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sépare de la conscience extérieure imparfaite et en même temps, la paix qui vient porte en elle un pouvoir capable d'expulser ce qui est en contradiction avec la paix et la pureté. L'ego peut alors disparaître plus ou moins vite, mais sûrement; au radjas et au tamas se substituent leurs équivalents divins.
C'est possible [de se débarrasser de l'ego par l'action de la Force] si la conscience s'associe à l'action; on peut alors se débarrasser au moins de l'action principale de l'ego et n'en laisser subsister que des traces minimes. En général, cependant, on n'arrive à se débarrasser complètement de l'ego que par la descente de la Conscience d'en haut qui occupe l'être tout entier, soutenue bien sûr par la domination du psychique sur la nature.
Quant à l'ego, si obstiné soit-il, on doit le tenir à l'œil et répondre à toutes ses suggestions par la négative, pour que chacun de ses mouvements se révèle infructueux. S'il est traité de cette manière, il suffit d'attendre le moment où le psychique n'a plus qu'une légère poussée à donner pour que l'ego, dont les racines ont déjà commencé à céder, se détache dans chacun de ses domaines d'activité. Persévérez avec régularité dans votre mouvement actuel et il ne pourra manquer d'être efficace.
Le sens de l'ego peut disparaître pour être remplacé par celui du Moi ou du Pourousha, mais cela ne suffit pas à entraîner la disparition des anciennes réactions égoïstes de la Prakriti. Le Pourousha doit s'en débarrasser par un processus de rejet et de remodelage constants. Le remodelage consiste à tout fondre dans une consécration à la Mère et à
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tout faire pour elle sans se préoccuper de soi-même, de ses propres désirs, opinions, réactions vitales, comme s'ils étaient les objectifs à atteindre. C'est plus facile lorsque l'être psychique est tout à fait éveillé.
Se libérer de l'ego est impossible sans un rejet persévérant. En montant dans le Moi, on libère les parties supérieures, mais l'ego subsiste dans les parties inférieures. La force la plus efficace pour parvenir à cette libération est la domination du psychique, accompagnée d'un ferme rejet.
Il n'est pas possible de se débarrasser d'un seul coup de tous les mouvements de l'ego. Il faut les repousser de la nature par une conscience et un rejet constants. Même quand l'ego central est parti, les mouvements habituels restent longtemps ancrés.
L'ego ne peut pas s'en aller sans la libération du psychique et la réalisation du vrai Moi, et les deux sont nécessaires. Sans la conscience du Moi, comment l'ego pourrait-il disparaître? Le psychique peut être libéré par l'amour et la dévotion, mais je parlais d'un cas où il ne s'était pas libéré ainsi et où la réalisation du Moi semblait plus facile.
Oui. Si vous vous étiez intériorisé, le développement psychique aurait été plus facile, ainsi que la conquête de l'ego, et aussi l'élargissement de la conscience.
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C'est une conscience vaste, plutôt qu'élevée, qui est nécessaire à la libération de l'ego; il faut évidemment monter, mais en soi ce n'est pas suffisant.
Si l'ego a disparu et que le don de soi est complet, aucun obstacle ne devrait subsister. Mais si le radjas du vital n'est qu'apaisé, le tamas se substitue à lui en raison de cet apaisement; là serait l'obstacle.
L'universalité une fois établie, l'égoïsme vital n'est plus' dans la nature, en sécurité dans sa forteresse; les murs en ont été abattus. Les mouvements vitaux égoïstes peuvent encore attaquer de l'extérieur, mais le sâdhak a désormais le pouvoir de les empêcher de créer en lui une formation permanente.
Le calme dans le vital n'est pas à lui seul suffisant. Il faut autre chose pour jeter l'ego hors du vital.
L'ego se soulève parce que c'est sa nature de le faire; il veut prendre possession de l'être qu'il considère comme sa propriété et son champ d'expérience.
Bien sûr, l'ego et l'être vital résistent toujours à une pression qui tend à se débarrasser d'eux, et si l'on se fixe une limite de temps, ils résistent d'autant plus, dans l'espoir de susciter la déception et le découragement parce qu'on n'a pas réussi dans le temps imparti.
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Les petits égoïsmes dans le vital inférieur s'affaiblissent peu à peu par le rejet constant, ou disparaissent lorsque la conscience supérieure descend régulièrement dans le vital inférieur et en quelque sorte l'absorbe. Il est peut-être possible de les éteindre d'un coup - dans certains cas du moins, cela a été signalé - mais en général ils s'attardent et s'en vont peu à peu en perdant graduellement de la force, comme s'ils s'usaient.
Votre ego remonte de temps en temps sans que vous vous aperceviez que c'est l'ego. Il ne remonte pas dans vos parties supérieures, mais dans votre mental et votre conscience physiques, et comme vos parties supérieures sont claires, vous les croyez clairs eux aussi.
Des suggestions de ce genre ont évidemment pour but d'éveiller l'ego. Je suppose qu'elles persistent parce qu'elles espèrent encore réussir. Même lorsqu'on est devenu tout à fait libre, toutes sortes de suggestions peuvent venir. Ou bien l'on n'y porte aucune attention, ou bien l'on y jette un coup d'œil pour voir si un fragment d'ego reste tapi quelque part.
Ce sont les sentiments de l'ego tamasique, en réaction à une déception dans l'ego radjasique. À la bonne attitude et à l'expérience authentique se mêlait ou s'adjoignait une exigence du vital: "Ce que j'ai maintenant, il faut que je l'aie toujours, sinon je ne peux pas faire la sâdhanâ: si jamais je le perds, je mourrai", alors que l'attitude juste est: "Même si je le perds pour un temps, ce sera parce que quelque chose doit être changé en moi, afin que la conscience de la Mère puisse s'y accomplir, non seulement dans le Moi, mais dans
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toutes les parties de mon être." Les forces inférieures ont attaqué au point faible, ont formulé des exigences par l'intermédiaire du vital et ont amené un état d'inertie où la chose à laquelle vous teniez paraissait perdue, s'était retirée derrière un voile. Alors vint la réaction tamasique de l'ego: "À quoi bon vivre, je préfère mourir." Évidemment ce n'est pas vous tout entier qui dites cela, c'est une partie du vital déçu ou du physique tamasique. Il ne suffit pas que les exigences actives soient brisées et retirées; car il y a aussi une forme passive de l'exigence: "Je ne peux pas satisfaire mes exigences: très bien, j'abdique, je ne veux pas exister." Cela doit disparaître.
L'ego tamasique est celui qui accepte et soutient le découragement, la faiblesse, l'inertie, le dénigrement de soi, la mauvaise volonté à agir, à connaître, à s'ouvrir, la fatigue, l'indolence, l'inaction. Contrairement à l'ego radjasique, il dit: "Je suis si faible, si obscur, si misérable, si opprimé, si mal traité... Aucun espoir pour moi, aucun succès, on me refuse tout, je ne suis pas soutenu, comment puis-je faire ceci, comment pourrais-je faire cela, je n'ai aucun pouvoir pour cela, aucune capacité, je suis impuissant: que je meure; couchons-nous et gémissons," etc., etc. Pas tout à la fois ni dans tous les cas, bien sûr, mais je vous donne l'idée générale.
Le tamas et l'ego tamasique ne vont pas l'un sans l'autre. Quand on cède au tamas, on s'abandonne à l'ego tamasique.
Tant que votre attitude de soumission était complète, l'ego radjasique ne pouvait se manifester que sous forme de
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suggestions venant du dehors ou de soulèvements venant du subconscient. Il était comprimé dans le vital. Quand l'inertie est apparue et que l'énergie de la volonté a reculé, il a commencé à tenter de vous envahir de nouveau.
Voulez-vous dire que vous n'avez jamais eu en vous aucun élément radjasique? Aucun être humain n'en est exempt tant qu'il n'est pas divinisé dans son vital. Qu'était-ce donc que toutes les suggestions vitales qui vous venaient sans cesse avec tant d'insistance, sinon des appels de l'ego radjasique? Quand vous rejetiez le sexe, la jalousie, la vanité, etc., que rejetiez-vous, sinon l'ego radjasique? Qu'était-ce que votre exigence au pranâm ou la perturbation qui survenait alors, sinon un mouvement de l'ego radjasique? Vous avez réussi à rejeter certains de ces mouvements; à d'autres, vous avez continué à réagir.
Mais comment se fait-il qu'une partie de vous-même attache une valeur quelconque à ces suggestions? Si aucune partie de votre être ne leur accordait une valeur, elles vous paraîtraient certainement trop risibles et trop méprisables pour avoir le moindre effet ou le moindre pouvoir de soulever en vous la révolte.
Si vous n'attachez aucune valeur à ces suggestions, l'inertie peut apparaître, mais pas cela.
L'ego de X est petit et non gigantesque, il n'est pas grand, véhément et agressif comme celui de Y, mais trapu et d'une inertie obstinée; pas vraiment gros ni mince, mais court et rondelet, et de couleur grise.
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Trapu = court de stature mais large et substantiel, donc il est difficile de s'en débarrasser. Pas grand, ni proéminent ni établi de manière florissante dans la plénitude de lui-même...
Rondelet = bien plein tout de même.
Gris = de tendance tamasique, donc non pas agressif mais d'une persévérance obstinée. Mais ce ne sont pas des symboles, c'est l'image caractérielle de l'ego.
Une véritable expérience spirituelle doit être dénuée de toute exigence de l'ego. Ce que l'ego peut cependant faire, c'est s'enorgueillir d'avoir l'expérience et penser: "N'est-ce pas que je suis grand?" ou bien: "Je suis le Moi, le Divin. Laissez-moi donc faire ce que je veux, car c'est le Divin qui veut en moi." L'ego ne disparaît que si l'expérience du Moi impose silence aux autres parties de l'être et libère le psychique. Même si l'ego lui-même a disparu, de nombreux fragments et des survivances de l'habitude égoïste peuvent subsister et doivent être éliminés.
Ce rêve était une rencontre avec la Mère sur le plan vital. Dans ces rêves, de nombreux détails sont symboliques; il n'est cependant pas toujours facile de déterminer ce que signifie chaque symbole, comme, dans le cas présent, l'état de la main. Mais la dernière partie du rêve est assez claire. Ici, l'homme symbolise la tendance de l'ego dans la nature humaine: lorsqu'une réalisation se produit, on pense que c'est une grande réalisation, et "quel grand sâdhak je suis", et on appelle les autres pour qu'ils constatent et admirent; peut-être pense-t-on, comme l'homme du rêve: "J'ai vu le Divin, en vérité je sens que je suis un avec le Divin; je vais les appeler tous pour qu'ils voient cela." Cette tendance a
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détérioré la sâdhanâ de beaucoup de gens et l'a parfois ruinée complètement. Dans les pensées que vous décrivez, vous êtes arrivé à découvrir en vous quelque chose qui, à un degré plus ou moins grand, existe chez tous les êtres humains: votre désir d'être bien considéré par les autres, d'occuper une grande place dans leur estime et leur affection, d'être honoré, haut placé, admiré. Lorsqu'on unit ce sentiment à l'idée de la sâdhanâ, l'envie apparaît de faire la sâdhanâ pour cette raison et non purement et simplement pour le Divin; il se produit inévitablement soit une perturbation, soit une obstruction dans la sâdhanâ elle-même et si, malgré cela, l'expérience spirituelle vient, alors le danger est que l'on en fasse mauvais usage et qu'on l'utilise pour agrandir son ego, comme l'homme du rêve. Tous ces rêves vous sont envoyés pour vous donner une connaissance et une expérience vivantes et concrètes de ce que sont ces imperfections humaines, afin qu'il vous soit plus facile de les rejeter, de les reconnaître quand elles viennent à l'état de veille et de les empêcher d'entrer. Ces imperfections ne vous sont pas personnelles, elles se trouvent dans toute nature humaine: il faut s'en débarrasser ou s'en préserver, afin que la concentration sur le Divin puisse être complète, sans égoïsme, vraie et pure.
Une certaine exaltation de l'être accompagne naturellement les expériences les plus fortes, et un sentiment d'émerveillement ou de miracle peut s'y adjoindre, mais cette exaltation ne devrait contenir aucun sentiment égoïste.
Oui, ce phénomène affecte beaucoup de gens; poussé à l'extrême et devenu une des composantes principales de l'attitude vitale, il a été la cause de l'échec et du départ de
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quelques-uns qui se considèrent comme de grands sâdhak; il leur a servi de prétexte pour s'abandonner à l'ego vital et le magnifier. Puisque vous voyez que c'est ridicule, vous ne devriez avoir aucune difficulté à vous en débarrasser. La seule vérité, en cela, est que tous ceux qui s'ouvrent de telle manière que la Force puisse percer jusqu'à l'être matériel pour le transformer contribueront par là même à la victoire de la Force; mais cela s'applique à tout le monde et à personne en particulier.
L'égoïsme en vous, dont vous me parlez, fait partie de la relation entre un être humain et un autre et est commun à tous les hommes et à toutes les femmes ou presque; il est extrêmement difficile de s'en débarrasser, mais si on le voit clairement et que l'on est déterminé à ne plus l'avoir, on peut d'abord le maîtriser, puis l'éliminer de la nature. Mais l'égoïsme qui a poussé certains à partir d'ici parce qu'ils s'enorgueillissaient de leur sâdhanâ et étaient attachés à la prétendue grandeur de leurs expériences est d'une autre sorte, beaucoup plus dangereuse sur le plan spirituel. Vous ne l'avez pas et je ne pense pas que vous couriez le danger de jamais l'avoir.
Quand on écrit à la Mère on peut aisément avoir l'expérience d'être en sa présence et de lui parler, et cette expérience est véridique: une partie de l'être la rencontre en effet et s'ouvre à elle, lorsqu'on relate par écrit ses expériences.
Oui, si l'expérience est substantielle, l'habitude de l'ego est très amoindrie, mais elle ne disparaît pas tout à fait. Elle se réfugie dans le sentiment d'être un instrument et si l'influence psychique ne se fait pas sentir, on peut fort bien préférer être l'instrument d'une force qui nourrit la satisfaction de l'ego. Dans les cas de ce genre l'ego peut demeurer
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fort, bien qu'il se sente un instrument et non l'acteur principal.
L'égoïsme peut être aussi dangereux ou même plus dangereux pour le progrès spirituel chez celui qui se considère comme l'instrument de l'action que chez celui qui se croit son auteur. Le sens de l'ego est contraire à la réalisation spirituelle, alors comment un ego, quel qu'il soit, pourrait-il être digne d'encouragement? Quant à l'ego magnifié, c'est l'un des obstacles les plus périlleux à la libération et à la perfection. Il ne doit pas y avoir de grand "je", ni même de petit "je".
Ce que l'on entend par ego magnifié est ceci: lorsque les limites du mental et du vital ordinaires sont brisées, on sent que l'on a une conscience beaucoup plus vaste et plus puissante et des possibilités sans limite; mais si l'on attache tout cela à la remorque de son propre ego, on devient mille fois plus égoïste que l'homme ordinaire. La grandeur du Divin devient un prétexte et un soutien pour votre propre grandeur et le grand "je" enfle au point de remplir non seulement la terre, mais les cieux. Il faut se garder de cette amplification de l'ego avec un soin vigilant.
Oui, ce sont de petits signes ou de petites formes de l'ego de l'instrument, pas très graves mais souvent assez tenaces. Il y a une forme d'égoïsme plus grande qui n'est pas tellement courante et peut atteindre une sorte de mégalomanie: "Moi, je suis l'instrument par excellence, quel grand instrument je suis, par moi tout sera fait." Chez trois ou quatre personnes, elle avait pris une acuité désespérante, en secret ou ouvertement; souvent ces personnes finissent par s'en aller faire de grandes choses ailleurs... de grandes choses qui, pour une raison ou pour une autre, ne se font pas.
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L'impersonnalité n'est pas en elle-même le Divin. Toutes ces erreurs peuvent être commises - et le sont - par beaucoup de gens qui prétendent être dans une conscience impersonnalisée. Une force peut être universelle, mais en même temps elle peut être mauvaise: bien des gens pensent qu'ils sont impersonnels et dépourvus d'ego parce qu'ils obéissent à un pouvoir ou à quelque chose qui est plus grand que leur propre personnalité, mais ce pouvoir, ce quelque chose peut être tout à l'opposé du Divin, et il peut les tenir à sa merci par un certain côté de leur personnalité et de leur ego.20
C'est Prakriti, la Nature, qui agit: le Divin n'oblige personne à faire quoi que ce soit. Rien ne peut arriver sans la présence et le soutien du Divin, car la Nature ou Prakriti est la Force divine et c'est elle qui accomplit les choses, mais elle les accomplit selon la nature de chacun, par son intermédiaire ou au moyen de sa volonté qui est pleine d'ignorance; cela continue jusqu'à ce que l'homme se tourne vers le Divin, en devienne conscient et s'unisse à Lui. Alors seulement on peut dire que tout commence à être fait en lui directement par la Volonté du Divin.
L'ambition et la vanité sont si naturelles à la conscience humaine - elles ont même leur utilité dans la vie ordinaire - qu'il est tout à fait normal qu'au début, elles pénètrent aussi la sâdhanâ et s'attardent même lorsqu'elles ont été rejetées. Mais il faut les expulser avant de s'être engagé loin sur le sentier, sinon ces très dangereux serviteurs risquent de pervertir à la fois l'aspiration et la siddhi.
20. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
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L'ambition est toujours une force du vital.
Les suggestions d'ambition, etc. prennent toujours naissance dans le mental vital ou, pourrait-on dire, le mental du vital, et de là elles jaillissent dans le mental pensant, revendiquant son assentiment et la sanction de la volonté mentale. Quand le mental pensant est obscurci par cette ruée venue d'en bas, il est emporté et donne son assentiment. Le mental pensant (la raison) doit rester toujours immuable au-dessus et décider de ce qui est juste, sans être pris ou entraîné par le vital.
Une humilité spirituelle intérieure est très nécessaire, mais je ne crois pas qu'une humilité extérieure soit très à conseiller (l'absence d'orgueil, d'arrogance ou de vanité est évidemment indispensable dans les relations extérieures avec les autres); elle engendre souvent l'orgueil, devient purement formelle ou bien inefficace au bout de quelque temps. J'ai vu des gens la pratiquer pour guérir leur orgueil, mais je n'ai pas constaté d'effets durables.
Ce sentiment [faire le Namaskâr à tout le monde] vient à ceux qui veulent cultiver l'humilité (X le faisait, mais jamais je n'ai constaté que cela l'ait débarrassé de son amour-propre invétéré), ou bien qui ont ou essaient d'avoir la réalisation de Nârâyana en tous avec une nuance de vishnouïsme. Sentir l'Un en tous est très bien, mais se prosterner devant l'individu qui vit encore dans son ego n'est bon ni pour lui, ni pour celui qui le fait. En particulier, dans notre yoga, cette pratique tend à disperser ce qui devrait se concentrer en direction d'une réalisation plus haute que
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celle du sens cosmique, qui n'est qu'un pas sur le chemin.
Peut-être pourrait-on dire que l'humilité spirituelle consiste à être conscient de la relativité de ce qui a été fait par rapport à ce qu'il reste à faire, et aussi à être conscient que l'on n'est rien sans la Grâce divine.
Il est un peu difficile d'échapper à ce sentiment de supériorité lorsque de vastes horizons s'ouvrent à la conscience, à moins que l'on ne soit déjà prédisposé à la sainteté ou à l'humilité. Chez certains disciples de Sri Râmakrishna comme Nag Mahashaya, l'expérience spirituelle engendre de plus en plus d'humilité; chez d'autres, comme Vivékânanda, elle suscite un grand sentiment de force et de supériorité; certains critiques européens l'en ont sévèrement taxé; à d'autres, elle impose un sentiment de supériorité envers les hommes et d'humilité à l'égard du Divin. Chacune de ces positions a sa valeur. Pensez à la célèbre réplique de Vivékânanda au Pandit de Madras qui s'élevait contre l'une de ses affirmations en disant: "Mais Shankara ne dit pas cela", à quoi Vivékânanda répliqua: "Non, mais moi, Vivékânanda, je le dis", et le Pandit est resté muet. Ce "moi, Vivékânanda" apparaît au regard ordinaire comme un Himalaya d'outrecuidance égoïste. Mais rien n'était faux ni défectueux dans l'expérience spirituelle de Vivékânanda Car cette réponse ne provenait pas d'un simple égoïsme, mais de la conscience de ce qu'il représentait et de l'attitude d'un lutteur qui, parce qu'il représentait quelque chose de très grand, ne pouvait se laisser abattre ni diminuer. Il ne s'agit pas de nier la nécessité de l'absence d'égoïsme et de l'humilité spirituelle, mais de montrer que le problème n'est pas aussi facile à résoudre qu'il y paraît à première vue. Car si je dois exprimer mes expériences spirituelles, je dois le
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faire avec vérité; je dois les relater, elles, leur bhâva, leurs pensées, leurs sentiments, les extensions de conscience qui les accompagnent. Que dois-je faire de l'expérience où l'on sent le monde entier en soi, de celle où la force du Divin coule dans l'être et la nature, de la certitude de sa propre foi contre tous les doutes et tous les sceptiques, de l'unité avec le Divin, ou de la petitesse de la pensée et de la vie humaines comparées à l'immensité de cette connaissance et de cette existence? Et il faut que j'utilise le mot "je"; je ne puis me retrancher derrière des expressions comme "ce corps" ou "cette apparence", d'autant plus que je ne suis pas un Mâyâvâdin. Ne vais-je donc pas être amené à employer des expressions qui feront hocher la tête à X, pour qui mes affirmations seront pleines d'orgueil et d'ego? Ce serait, j'imagine, difficile à éviter.
Autre chose: il me semble que vous êtes très porté à identifier la foi à la croyance mentale, mais la vraie foi est spirituelle, c'est une connaissance de l'âme. Les affirmations que vous citez dans votre lettre sont les assertions tranchantes de la croyance mentale qui mène le croyant à affirmer avec véhémence son credo mental et son but, parce qu'ils lui sont propres et doivent par conséquent être plus grands que ceux des autres, attitude universelle dans la nature humaine. Même l'athée n'est pas tolérant; il déclare que son credo de la Nature et de la Matière est la seule vérité, accable de son mépris tous ceux qui n'y croient pas ou croient en d'autres choses, les traite de crétins ignares et de nigauds superstitieux. Je ne lui en veux pas de me considérer ainsi, mais je note que cette attitude ne se limite pas à la foi religieuse et qu'elle est tout aussi naturelle à ceux qui n'ont pas de foi religieuse et ne croient ni aux Dieux ni aux gourous. Vous ne m'en voudrez pas, j'espère, de montrer l'autre aspect de la question; je veux faire ressortir que cet autre aspect existe, et qu'il y a beaucoup plus à dire qu'il ne semble à première vue.
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L'attitude juste consiste à voir qu'en tant qu'être séparé, en tant qu'ego, on n'a pas la moindre importance; que mettre en avant ses propres désirs, son orgueil, sa situation, etc., est une ignorance, mais que l'on ne compte qu'en tant qu'esprit, parcelle du Divin; pas plus que les autres, mais de la même manière que toutes les âmes comptent pour l'Âme de tous.
Oui, j'ai toujours déconseillé aux gens de parler de sâdhak avancés, mais ils continuent parce que cela séduit l'ego vital.
Les idées de supériorité et d'infériorité n'ont pas beaucoup d'utilité ni de valeur. Chacun est lui-même, avec ses propres possibilités qui n'ont de limites que celles de la volonté, de l'évolution et du temps. Chacun a, dans sa nature, ses propres voies d'évolution et en lui certains éléments sont plus ou moins développés, mais le niveau doit être fixé par ce qu'il a lui-même pour but de devenir. La comparaison avec les autres introduit une fausse échelle de valeurs.
C'est une maladie très répandue parmi les sâdhak que de faire des comparaisons accompagnées de sentiments de jalousie et d'envie; elle mène certains à se révolter et à s'affirmer, d'autres à se sous-estimer et à désespérer. Ces sentiments sont naturellement tout à fait hors de propos et les jugements qu'ils engendrent sont faussés. Chaque sâdhak a son propre mouvement, sa relation personnelle avec le Divin, sa place dans le travail ou la sâdhanâ générale, et le comparer à d'autres introduit aussitôt une norme fausse. Il doit se fonder sur la vérité de son mouvement intérieur: svadharma.
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Le respect de soi-même et le sentiment de supériorité sont deux choses très différentes. Le respect de soi n'est pas forcément un signe d'égoïsme, pas plus que son absence n'indique que l'on est libéré de l'égoïsme. Par respect de moi-même, j'observe une certaine règle de conduite qui est propre au niveau d'humanité auquel j'appartiens: par exemple, je ne puis affirmer une chose fausse en raison du respect que je me porte, même si j'ai intérêt à le faire et que, dans les mêmes circonstances, la plupart des gens le feraient. L'amour-propre est différent et appartient à un ego de type sattwique. Quand on n'est pas libéré de l'ego, l'amour-propre, tout comme le respect de soi-même (car celui-ci peut exister avec ou sans ego) sont des soutiens nécessaires pour que la personnalité se maintienne au niveau qui convient.
La haine, étant très anti-spirituelle, n'est pas un adjuvant auquel on puisse faire appel dans ce but.
De nombreux sâdhak, dans un premier stade, sont gouvernés par le mental ou le vital supérieur; ils progressent alors très bien parce que le mental et le vital supérieur contiennent des éléments assez forts pour maîtriser le reste de l'être durant les premières expériences ou les premiers progrès. Mais à un certain moment, le sâdhak doit commencer à s'occuper des parties inférieures de l'être; et c'est là que toutes les difficultés vitales se dressent. Si les premiers progrès et les premières expériences ont engendré de l'orgueil ou de l'ego, ou s'il y a, quelque part, une faille grave, ils sont incapables d'agir sur ces parties inférieures tant que l'ego n'a pas été éliminé ou brisé, ou la faille réparée. X a laissé grandir un orgueil plein de pharisaïsme qui lui a complètement barré la route; il a aussi un autre défaut, un mental étroit et obstiné qui tient à ses propres idées comme si elles seules étaient justes; les exemples que vous donnez de sa conduite illustrent ce défaut. C'est pourquoi il se dispute avec tout le monde, en croyant qu'il a raison et que
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les autres sont pervers et malfaisants; il ne peut voir ses fautes et ses erreurs et quand la Mère ou moi-même ne l'écoutons pas, il se sent blessé et offensé parce que nous ne soutenons pas sa sainteté et sa rectitude contre les méchants qui l'oppriment. Il travaille bien, il est habile, mais il ne pourra pas progresser dans la sâdhanâ s'il conserve cette rigidité et cet ego.
Vous avez des aptitudes et l'étoffé d'un yogi, mais cela s'accompagne d'un amour-propre et d'un esprit pharisaïque très forts qui barrent le chemin de la perfection et constituent un très sérieux obstacle. Tant qu'un sâdhak est ainsi, la Vérité qui cherche à se manifester en lui verra toujours ses tentatives déjouées parce qu'il les transforme en constructions mentales et vitales qui la déforment, en font une demi-vérité inefficace et vont jusqu'à changer la vérité elle-même en une source d'erreur.
Oui, lorsqu'on se justifie, on entretient le mouvement erroné en lui donnant un soutien mental. Se justifier est toujours un signe d'ego et d'ignorance. Quand la conscience est devenue plus vaste, on sait que chacun a sa manière de voir les choses et y trouve sa propre justification, de sorte que dans une querelle chacune des deux parties croit avoir raison. C'est seulement lorsqu'on regarde d'en haut, dans une conscience débarrassée de l'ego, que l'on voit tous les aspects d'une chose et aussi leur réelle vérité.
Mais c'est là [ne pas reconnaître ses propres imperfections] une faiblesse humaine très répandue, bien qu'elle ne doive pas exister chez un sâdhak dont le progrès dépend, dans une
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large mesure, de sa capacité à reconnaître ce qui doit être changé en lui. Non que cette prise de conscience soit suffisante en elle-même, mais elle est nécessaire. C'est bien sûr par une sorte d'orgueil ou de vanité que les sâdhak considèrent cette attitude de justification comme nécessaire à leur pouvoir et à leur prestige. Non seulement ils ne reconnaissent pas leurs défauts devant les autres, mais ils se les cachent à eux-mêmes, et même s'ils sont obligés de les regarder d'un œil, s'en détournent de l'autre. Ou bien ils tissent un voile de mots, de prétextes et de justifications en essayant d'en faire quelque chose de différent de ce que c'est en réalité. Le mot de X21 est très caractéristique de sa personnalité; c'est sa principale pierre d'achoppement sur le chemin du yoga.
Seule cette habitude de la nature, qui consiste à se tourmenter et à rabâcher le sentiment de sa propre médiocrité, vous empêche d'être tranquille. L'humilité est utile, mais se sous-estimer sans cesse n'apporte aucune aide; avoir une trop bonne opinion de soi et se sous-estimer à l'excès sont deux attitudes également fausses. Il est utile de reconnaître tous ses défauts, sans les enfler, mais une fois qu'on les a reconnus, il n'est pas bon de s'appesantir sur eux sans arrêt: vous devez avoir confiance en la Force divine qui peut tout changer, et vous devez laisser cette Force faire son œuvre.
La sensibilité vitale n'est ni bonne ni mauvaise. Elle vient ainsi à mesure que l'on se développe. Certains sont incapables de s'ouvrir consciemment ou visiblement aux autres, parce qu'ils sont insensibles. D'autre part être trop ouvert est une source d'ennuis.
21. "Je mourrais si je devais reconnaître mes fautes."
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Cela dépend de la nature de l'ego. Certains égoïstes ont la peau dure et ne sont pas sensibles du tout, d'autres sont hypersensibles.
La sensibilité résulte presque toujours de l'ego, ou en est le signe.
La sensibilité est l'un des obstacles les plus persistants chez " de nombreux sâdhak. À cela il y a deux remèdes: d'abord la confiance du psychique en la Mère et la soumission qui l'accompagne, c'est-à-dire: "Tout ce qu'elle veut est pour moi ce qu'il y a de mieux", et ensuite l'élargissement que vous ressentez maintenant; c'est l'immensité du vrai moi, du vrai mental, du vrai vital, et aussi de l'être physique véritable, d'où les choses comme celles-ci tombent comme poussière, car en comparaison elles n'ont pas la moindre importance.
Il n'y a rien d'autre à faire: demeurer en permanence dans l'immensité, la paix et le silence, et laisser l'ego s'y dissoudre, laisser les attachements tomber d'eux-mêmes.
Aucune transformation de l'être ne peut se faire dans une conscience insensible.
La sensibilité n'a pas à être guérie; il faut seulement acquérir le pouvoir de s'élever à une conscience supérieure en utilisant ces désenchantements comme une sorte de tremplin. L'un des moyens consiste à ne rien attendre des autres, quels qu'ils soient, pas même un traitement équitable. Et
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par ailleurs il est bon d'avoir des expériences qui, comme celle-ci, montrent la vraie nature de certaines personnes à l'égard desquelles une nature généreuse est souvent aveugle; car cela vous aide à faire croître votre propre conscience. Le coup sous lequel vous vous crispez vous paraît d'autant plus dur que le monde de votre formation mentale en a subi le choc. Un monde comme celui-ci devient souvent une partie de notre être. Le résultat en est que lorsqu'un coup lui est porté, la souffrance est presque physique. La grande compensation d'une telle épreuve est qu'elle vous a fait vivre de plus en plus dans le monde réel, par opposition au monde de votre imagination, dont vous aimeriez qu'il soit le monde réel. Mais le monde réel, vous le savez, laisse beaucoup à désirer, et c'est pourquoi la Conscience divine doit agir sur lui et le transformer. Pour cela, cependant, la connaissance de la réalité, si peu délectable soit-elle, est presque la première nécessité. Et les coups et les blessures sont souvent le meilleur moyen pour que cette connaissance pénètre en nous. Les gens sincères, les idéalistes, les personnes sensibles, les natures raffinées ressentent plus vivement ces désillusions que d'autres dont l'épiderme est plus épais, mais ce n'est pas une raison pour désavouer les beaux sentiments et émousser le fil acéré des susceptibilités raffinées. Il faut apprendre à se détacher de toutes ces expériences et à regarder ces perversions chez les autres d'un point de vue plus élevé, d'où l'on peut considérer ces manifestations dans la perspective qui convient, la perspective impersonnelle. Alors nos difficultés deviennent vraiment, à la lettre, des occasions de progrès. Car la connaissance, lorsqu'elle touche le cœur de nos problèmes, renferme pour ainsi dire un merveilleux pouvoir curatif. Dès que vous touchez le cœur du problème, aussitôt qu'en plongeant de plus en plus profond, vous atteignez ce qui vraiment vous fait souffrir, la souffrance disparaît comme par miracle. Un courage stoïque pour atteindre la vraie Connaissance est par conséquent l'essence même du yoga. Aucune superstructure durable ne peut être érigée si ce n'est sur la base solide d'une véritable
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Connaissance. Les pieds doivent être sûrs de leur terrain avant que la tête puisse espérer rejoindre le ciel.
Votre étonnement devant la conduite de X démontre que vous ne savez pas de quelle espèce est la nature humaine moyenne. N'avez-vous jamais entendu parler de la réponse de Vidyasagar, quand on lui a dit que quelqu'un l'insultait? "Pourquoi m'insulte-t-il? Je ne lui ai jamais rendu service (oupakâra)." Le vital non régénéré n'a pas de gratitude pour un bienfait, il lui déplaît de devoir de la reconnaissance. Tant que le bienfait continue à lui être accordé, il est plein d'effusions et dit des gentillesses; dès qu'il n'attend plus rien, il se retourne contre son bienfaiteur. Il lui arrive même de le faire plus tôt, lorsqu'il croit être assuré que le bienfaiteur n'apprendra pas l'origine de la calomnie, de la critique ou de l'insulte. Dans tout ce qui vous est arrivé, rien n'est inhabituel, rien, comme vous le croyez, ne vous est particulier. La plupart des gens ont ce genre d'expérience, peu y échappent complètement. Évidemment ceux dont l'élément psychique est développé sont par nature reconnaissants et ne se conduisent pas de cette façon.
X
La plupart des hommes sont, comme les animaux, poussés par les forces de la Nature: tous les désirs qui se présentent, ils les satisfont; toutes les émotions qui se présentent, ils les laissent se donner libre cours; tous leurs besoins physiques, ils essaient de les satisfaire. Nous disons alors que les activités et les sentiments des hommes sont dominés par leur Prakriti, et en grande partie par la nature vitale t physique. Le corps est l'instrument de la Prakriti ou Nature; il obéit à sa propre nature, ou il obéit aux forces vitales de désir, de passion, etc.
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Mais l'homme a aussi un mental et à mesure qu'il évolue, il apprend à maîtriser sa nature vitale et physique par la raison et par la volonté. Cette maîtrise est très partielle: car la raison est souvent abusée par les désirs vitaux et l'ignorance du physique; elle se range à leurs côtés et essaie, par ses idées, ses raisonnements ou ses arguments, de justifier leurs fautes et leurs mouvements erronés. Même si la raison reste libre et dit au vital ou au corps: "Ne faites pas cela", le vital et le corps suivent souvent leur propre mouvement en dépit de cette interdiction: la volonté mentale de l'homme n'est pas assez forte pour les contraindre.
Lorsque les gens font la sâdhanâ, une Nature supérieure, psychique et spirituelle, œuvre au-dedans, et ils doivent placer leur nature sous l'influence de l'être psychique et du moi spirituel supérieur, ou du Divin. Le mental, tout comme le vital et le corps, doit apprendre la Vérité divine et obéir à la règle divine. Mais en raison de la nature inférieure et de sa constante emprise sur eux, les sâdhak sont tout d'abord incapables, et pour longtemps, d'empêcher leur nature de suivre les anciens chemins, même quand ils savent ou que de l'intérieur il leur est dit ce qu'il faut faire ou ne pas faire. C'est seulement par une sâdhanâ persévérante, en entrant dans la conscience spirituelle supérieure et dans la nature spirituelle, que cette difficulté peut être surmontée; mais même pour les sâdhak les meilleurs et les plus forts, cela demande beaucoup de temps.22
Désirer le Divin ou la bhakti pour le Divin est le seul désir qui puisse libérer de tous les autres: au fond, ce n'est pas un désir, mais une aspiration, un besoin de l'âme, le souffle de vie de l'être le plus profond; en tant que tel, on ne peut le ranger parmi les désirs.
22. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.
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Sur le "droit chemin", a-t-on le temps de satisfaire les désirs? Si le désir n'est pas maîtrisé, comment peut-on marcher droit sur le droit chemin?
Donner libre cours aux instincts et aux désirs naturels, ce n'est pas du yoga. Le yoga exige la maîtrise de la nature, non la sujétion à la nature.23
Kâmanâ et bâsanâ n'ont aucun rôle dans le yoga, ils ne peuvent pas y contribuer (sahâya), ils ne peuvent être que des obstacles. Tant que le désir et l'ego subsistent, la soumission au Divin ne peut pas se faire, le yoga ne peut pas s'accomplir. Ce sont des mouvements du vital; ils ne peuvent être rien d'autre.
La force dénuée d'égoïsme est une force qui n'agit pas pour des motifs égoïstes, pour satisfaire les désirs du vital ou pour mettre en œuvre les idées de son propre mental; elle n'existe que pour le service du Divin ou comme un instrument du Divin.
Exigence et désir sont seulement deux aspects de la même chose. De plus, il n'est pas nécessaire qu'un sentiment soit tourmenté ou agité pour que ce soit un désir; au contraire, le désir peut être tranquillement résolu et obstiné, ou revenir avec persistance.
Les exigences et les désirs viennent du mental ou du vital; mais le besoin psychique ou spirituel est une chose différente. Le psychique ne désire ni n'exige —il aspire. Il ne pose pas de conditions à sa soumission et ne se retire pas si son aspiration n'est pas immédiatement satisfaite, car le
23. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
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psychique a une confiance complète en le Divin ou le gourou et peut attendre le moment voulu ou l'heure de la Grâce divine.
Le psychique a une insistance à lui, mais il fait pression sur la nature et non sur le Divin; il pose son doigt de lumière sur tous les défauts en elle qui font obstacle à la réalisation, passe au crible tout ce qui est mélangé, ignorant ou imparfait dans l'expérience ou les mouvements du yoga, et n'est jamais satisfait de lui-même ni de la nature tant que celle-ci n'est pas complètement ouverte au Divin, libérée de toutes les formes de l'ego, soumise, simple et droite dans son attitude et dans tous ses mouvements.
C'est cela qui doit être entièrement établi dans le mental, dans le vital et dans la conscience physique avant que la supramentalisation de toute la nature soit possible. Autrement, on n'obtient que des illuminations et des expériences plus ou moins brillantes, mi-lumineuses, mi-nuageuses sur les plans mental, vital et physique, inspirées par un mental plus large ou un vital plus large, ou au mieux par les étendues mentales situées au-dessus des régions humaines entre l'intellect et le Surmental. Jusqu'à un certain point, ces expériences peuvent être très stimulantes et satisfaisantes, et elles sont bonnes pour ceux qui veulent avoir quelque réalisation spirituelle sur ces plans; mais la réalisation supramentale est beaucoup plus difficile et exigeante dans ses conditions, et le plus difficile de tout est de la faire descendre jusqu'au niveau physique.24
Pour vivre dans le Suprême, il y a toujours deux méthodes. L'une consiste à retirer complètement la conscience de toute participation aux choses extérieures et à s'intérioriser au point d'être séparé de l'existence et de vivre en contact avec ce qui est au-delà d'elle. L'autre méthode consiste à atteindre la véritable essence de toutes choses, sans se laisser
24. Les Bases du Yoga, chapitre 4. Traduction de la Mère.
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absorber ni emprisonner par les formes extérieures. Le désir, l'attachement, l'asservissement aux attirances exercées par les sensations extérieures sont le principal obstacle à ce mouvement; par conséquent, dans les deux voies, il faut s'en débarrasser. Mais il est tout à fait possible de voir le Suprême, même si l'attirance qui s'exerce sur les sens extérieurs n'a pas encore disparu; seulement on ne peut vivre durablement en Lui s'il y a un désir et un attachement extérieur, car ils vous éloignent sans cesse de l'équilibre intérieur.
Tous les mouvements vitaux ordinaires sont étrangers à l'être véritable et viennent du dehors; ils n'appartiennent pas à l'âme et ne sont pas engendrés par elle: ce sont des vagues de la Nature générale, Prakriti.
Les désirs viennent du dehors, pénètrent dans le vital subconscient et remontent à la surface. Nous ne devenons conscients du désir que quand il émerge à la surface et que le mental le perçoit. Il nous semble être nôtre parce que nous le sentons monter ainsi du vital au mental et que nous ne savons pas qu'il venait du dehors.
Ce qui appartient en propre au vital, à l'être, ce qui le rend responsable, ce n'est pas le désir lui-même, mais l'habitude de répondre aux vagues ou aux courants de suggestions qui, de la Prakriti universelle, entrent en lui.25
Le rejet du désir consiste essentiellement à rejeter l'élément de convoitise en l'expulsant de la conscience elle-même comme un élément étranger qui n'appartient pas au vrai moi ni à la nature intérieure. Mais le refus d'obéir aux suggestions du désir fait aussi partie du rejet; s'abstenir de l'action suggérée si elle n'est pas l'action juste, doit être inclus dans
25. Les Bases du Yoga, chapitre 4. Traduction de la Mère.
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la discipline yoguique. C'est seulement quand le rejet est fait de la mauvaise manière, suivant un principe mental ascétique ou un principe moral sévère, que l'on peut appeler cela refoulement.
La différence entre le refoulement et le rejet intérieur essentiel est la même qu'entre une maîtrise mentale ou morale et une purification spirituelle.
Quand on vit dans la vraie conscience, on sent les désirs hors de soi, venant du dehors, de la Prakriti universelle intérieure, et entrant dans le mental ou dans le vital. Dans la condition humaine ordinaire, on ne le sent pas; les hommes prennent conscience du désir seulement lorsqu'il est là, quand il est entré et qu'il a trouvé en eux un gîte ou un accueil habituel, alors ils pensent qu'il est à eux et qu'il fait partie d'eux-mêmes. Par conséquent, la première condition pour se débarrasser du désir est d'acquérir la vraie conscience, car alors il est beaucoup plus facile de le chasser que si l'on doit lutter contre lui comme s'il était une partie constituante de soi-même qu'il fallait rejeter hors de l'être. Il est plus aisé de se débarrasser d'une excroissance que d'amputer ce que l'on sent comme un morceau de sa substance.
Quand l'être psychique est au premier plan, il devient facile de se libérer du désir, car l'être psychique n'a aucun désir en lui-même: il aspire seulement au Divin, le recherche et l'aime ainsi que toutes les choses qui appartiennent au Divin ou qui tendent vers lui. La prééminence constante de l'être psychique tend spontanément à faire émerger la vraie conscience et à rectifier presque automatiquement les mouvements de la nature.26
Il faut longtemps pour se libérer entièrement du désir. Mais si, une fois, vous réussissez à le repousser hors de votre nature et à réaliser que c'est une force qui vient du dehors et enfonce ses griffes dans le vital et le physique, vous pourrez
26. Les Bases du Yoga, chapitre 4. Traduction de la Mère.
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plus facilement vous débarrasser de l'envahisseur. Vous êtes trop habitué à sentir le désir comme enraciné en vous ou faisant partie de vous; cela rend votre tâche plus difficile pour lutter contre ses mouvements et répudier son ancienne autorité sur vous.
Vous ne devez vous appuyer sur aucune chose exclusivement, si secourable qu'elle puisse paraître, sauf d'abord, principalement et fondamentalement, sur la Force de la Mère. Le Soleil et la Lumière peuvent être une aide et le seront, s'ils sont le vrai Soleil et la vraie Lumière, mais ils ne peuvent pas remplacer la Force de la Mère.27
C'est bien. Nul ne peut se débarrasser facilement des désirs. Il faut d'abord les extérioriser, les pousser au dehors, à la surface, et faire en sorte que les parties intérieures soient tranquilles et claires. Ensuite on peut expulser les désirs et les remplacer par le vrai mouvement: une volonté heureuse et lumineuse, une avec celle du Divin.
Les besoins du sâdhak doivent être aussi peu nombreux que possible, car seulement un très petit nombre de choses sont vraiment indispensables à la vie. Les autres sont utiles ou décoratives, ou des objets de luxe. Un yogi n'a le droit de posséder ou de jouir des choses qu'à l'une de ces deux conditions:
(1) S'il les utilise durant sa sâdhanâ uniquement pour s'entraîner à posséder les choses sans attachement ni désir et pour apprendre à s'en bien servir, en harmonie avec la Volonté divine, en les manipulant comme il faut, les organisant et les arrangeant correctement, et dans une juste mesure, ou:
(2) S'il est déjà parvenu aune vraie libération du désir et
27. Les Bases du Yoga, chapitre 4. Traduction de la Mère.
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de l'attachement et qu'il ne soit d'aucune façon ni le moins du monde troublé ni affecté par la perte, le retrait ou la privation.
Si le sâdhak a de la convoitise, du désir, des exigences, s'il revendique les possessions ou les jouissances, ou qu'il ait de l'anxiété, du chagrin, de la colère ou du dépit en cas de refus ou de perte, il n'est pas libre en esprit et l'emploi des choses qu'il possède est contraire au principe de la sâdhanâ. Et même s'il est libre en esprit, il ne sera prêt à posséder qu'après avoir appris à se servir des choses, non pour lui-même mais pour la divine Volonté, comme un instrument, avec la connaissance et l'action justes dans leur usage, et pour le bon équipement d'une vie qui n'est pas vécue pour lui-même mais pour le Divin et dans le Divin.28
Ce serait certes très facile s'il n'y avait qu'à obéir à ses désirs; mais être gouverné par ses désirs n'est pas le yoga.
Besoin et envie ne sont pas la même chose. S'ils ont pu s'en passer si longtemps, ce n'était évidemment pas un besoin.
Le désir est un mouvement psychologique et il peut s'attacher à un "vrai besoin" autant qu'aux choses qui ne sont pas de vrais besoins. Même les vrais besoins doivent être abordés sans désir. Si vous ne pouvez pas les satisfaire, vous ne devez rien sentir.
Les désagréments doivent être acceptés comme un entraînement au samatâ. Être capable de supporter les désagréments
28. Les Bases du Yoga, chapitre 4. Traduction de la Mère.
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est l'une des nécessités les plus élémentaires pour qui veut entrer dans le véritable esprit du yoga.
Qu'il soit ou non un ascète, le yogi, le sâdhak doit se libérer du désir vital et devenir spirituellement maître des mouvements de sa nature, et pour cela, il doit être libéré de l'ego, du désir et de la dualité. Je l'ai toujours dit très clairement: céder au désir ne fait pas plus partie de notre yoga que du sannyâsa. On doit être capable d'utiliser et de manier les objets physiques et la vie physique, mais en restant au niveau de la conscience spirituelle et non en s'abaissant au niveau de l'ego vital.
Tout appartient au Divin; il ne doit y avoir ni ego, ni désir, rien que le Divin et sa Lumière, sa Connaissance, son Pouvoir, son Ânanda, son action. Mais tout cela doit venir d'en haut, non des forces cosmiques inférieures et impures.
Toutes choses sont le Divin parce que le Divin est en elles, mais il est caché et non manifesté: quand le mental s'extériorise vers elles, ce n'est pas pour le Divin qu'il sent en elles, mais seulement pour leurs apparences qui dissimulent le Divin. Puisque vous êtes un sâdhak, vous devez vous tourner entièrement vers la Mère en qui se manifeste le Divin, au lieu de courir après les apparences: le désir ou l'intérêt qu'elles suscitent en vous vous empêche de rencontrer le Divin. Dès que l'être est consacré, il peut voir le Divin partout; alors il peut englober toutes choses dans la conscience unique sans avoir pour aucune un intérêt ou un attachement particulier.
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Après la réalisation, tout ce qu'exige la Volonté supérieure est pour le mieux; mais avant, le détachement est la règle. Rares sont ceux à qui il est donné d'atteindre la liberté sans passer par la discipline et l'évolution.
Il est vrai que la suppression pure et simple ou la répression du désir ne suffisent point et qu'à elles seules, elles ne sont pas vraiment efficaces, mais cela ne veut pas dire que l'on doive assouvir ses désirs; cela veut dire qu'il ne faut pas les réprimer purement et simplement, mais les rejeter de la nature. À la place du désir, il faut mettre une aspiration exclusive vers le Divin.
Quant à l'amour, il doit être tourné uniquement vers le Divin. Ce que les hommes appellent de ce nom est un échange vital pour la satisfaction mutuelle du désir, de l'impulsion vitale ou du plaisir physique. Aucun échange de ce genre ne doit avoir lieu entre les sâdhak, car le rechercher ou encourager ce genre d'impulsion ne peut que conduire loin de la sâdhanâ.29
Votre théorie est fausse. La libre expression d'une passion peut soulager le vital un moment, mais en même temps elle lui donne le droit de revenir indéfiniment. Elle n'en est nullement amoindrie. La réprimer tout en s'y livrant intérieurement sous des formes subtiles ne la guérit pas, mais l'exprimer extérieurement la guérit encore moins. Il est parfaitement possible d'aller de l'avant sans la manifester, si l'on est résolu à parvenir à la maîtriser complètement, la maîtrise n'étant pas une simple répression, mais un rejet intérieur et extérieur.
29. Les Bases du Yoga, chapitre 4. Traduction de la Mère.
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Vous ne semblez pas avoir une idée exacte de la nature du désir vital. Le désir vital grandit lorsqu'on s'y abandonne, il n'est jamais satisfait. Si vous vous abandonniez à votre désir, il commencerait à grandir et à devenir de plus en plus exigeant. Telle a été notre expérience constante avec les sâdhak, et elle confirme ce que l'on a toujours su du désir. Le désir et l'envie doivent être expulsés de la conscience, il n'y a pas d'autre manière de les traiter.
Pas nécessairement la répression, si le refus d'alimenter un désir s'accompagne d'un détachement dans la plus grande partie de l'être. La différence entre la répression (nigraha) et la maîtrise de soi (samyama) est que l'une dit: "Je ne peux pas m'empêcher de désirer, mais je ne satisferai pas mon désir", alors que l'autre dit: "Je refuse le désir autant que la satisfaction du désir."
Le nigraha, c'est la répression du mouvement, mais la répression ne fait qu'interrompre le mouvement; mieux vaut le rejeter et reconduire tout en s'en détachant.
Tout ce dont le vital a envie est désirable pour lui, mais le désir doit être rejeté. "Je ne veux pas désirer": voilà ce qu'il faut dire, même si le vital ne peut pas encore dire: "Je ne désire pas." Il y a pourtant dans l'être quelque chose qui peut dire: "Je ne désire pas" et qui refuse de reconnaître le désir vital comme une partie de l'être véritable. C'est cette conscience, apportée par la paix et le pouvoir, qui doit être reconnue comme le vrai "je" et maintenue en permanence au premier plan.
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L'être vital a toujours pour habitude de découvrir des arguments grâce auxquels il persuade le mental et justifie ses désirs; et les circonstances se modèlent en général pour les justifier plus encore. Car ce que nous portons en nous crée les circonstances autour de nous. L'important, c'est que vous adoptiez à l'avenir une attitude intérieure différente.30
Bien sûr, le vital est insatiable. Deux choses seulement s'opposent à lui: les limitations du corps et la réprobation du mental, mais celle-ci n'est pas toujours là. Il y a aussi, évidemment, la possibilité d'une intervention du psychique, mais le vital n'y devient perméable qu'à un certain stade. Le corps est donc le seul frein chez la plupart des humains.
Il est difficile de se débarrasser complètement des désirs d'un seul coup; si les désirs légitimes ont la priorité, c'est déjà l'assurance d'une victoire finale. Ne laissez donc pas cela vous troubler. Ces choses se font par un changement progressif et si le progrès a commencé, on peut .avoir une certitude fondamentale quant à l'issue de la sâdhanâ, et une vision tranquille de ce qui doit être fait, parce qu'il est certain que ce sera fait.
Cette vision signifie simplement que si vous agrippez une chose pour essayer de vous en emparer, avec un sentiment égoïste de possession, alors si belle et merveilleuse qu'elle soit, elle perd sa valeur et devient banale.31
30. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
31. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
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Lorsqu'on cesse de désirer une chose avec insistance, souvent elle vient d'elle-même. L'attitude juste est d'attendre que se manifeste la Volonté divine et de ne rechercher qu'elle; le désir crée toujours la perturbation et même s'il est exaucé, il ne satisfait pas. L'aspiration est différente. L'oscillation entre les deux états dont vous parlez indique une lutte dans la conscience physique; elle doit se terminer par la fixation de la Paix et du Pouvoir dans cette conscience; alors l'autre état disparaîtra.
Vous devriez voir très clairement ce que sont les deux éléments qui s'opposent en vous, les deux éléments auxquels tout sâdhak est confronté. L'un est la véhémence du désir terrestre égoïste qui n'apporte que confusion et souffrance, et l'autre est la paix, la force, la joie, la lumière de compréhension qui est la partie divine de votre être, et que nous nous efforçons d'établir en vous. Lorsque vous vous rangez du bon côté, les choses deviennent faciles; lorsque vous hésitez, que vous êtes divisé, votre état est double; lorsque quelque chose en vous accepte les désirs et s'y attache, alors tout va mal. Vous devez apprendre à toujours faire pencher, par votre choix, la balance du bon côté. Je ferai assurément tout pour que la mauvaise volonté soit changée et que la bonne prenne sa place. Quelle que soit la résistance ou la difficulté, je le ferai toujours.
La peur est, une fois de plus, dans la conscience physique ou son élément vital; cette conscience craint de tout perdre si elle abandonne le désir, ou de perdre tout ce qu'elle veut, et de ne rien gagner en échange, ou du moins rien de ce qu'elle veut. Elle ne se rend pas compte que quelque chose de beaucoup plus grand, de beaucoup plus puissant, de beaucoup plus heureux se substituera en elle au désir trouble et
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à ses fruits incertains et précaires, car elle a pris l'habitude de considérer le désir comme le seul motif possible de la vie. Elle ne sait pas que la Force divine est là, prête à descendre avec sa lumière, sa paix. sa joie, et à apporter de bien plus grandes choses et une vie plus heureuse. Quand cette partie de l'être pourra être éclairée et persuadée de vouloir de tout cœur le changement, alors une grande difficulté - en fait la difficulté centrale - sera éliminée.
C'est la vieille nature vitale qui sent que ses désirs humains terrestres resteront insatisfaits et qui se sent ainsi. Il ne faut pas s'abandonner à tout cela, mais le rejeter et le balayer. À la place doit venir l'immensité, où la paix et la satisfaction existent en elles-mêmes; et dans cette paix et cette immensité doivent venir la paix plus grande de la Mère, sa force, sa lumière, sa connaissance plus grandes et son Ânanda.
Une nouvelle étape de votre développement spirituel s'est ouverte et continue à s'ouvrir en vous. Pour qu'elle aboutisse, vous devez progresser d'abord dans deux directions. La première, nous vous avons déjà demandé instamment de l'adopter: elle consiste à surmonter les désirs vitaux qui vous reliaient aux mouvements inférieurs et attiraient la pression d'une Force hostile sur votre vital inférieur et votre corps, et à soumettre entièrement votre vie et votre corps à l'Unique et à Lui seul. L'autre est la descente d'une tranquillité, d'une force et d'une équanimité complètes dans ces parties de l'être, afin que vous puissiez triompher de la vie et de ses difficultés et travailler pour le Divin. Ce calme et cette force sont souvent descendus dans votre mental et votre vital supérieur, mais les autres parties de l'être étaient encore ouvertes à quantité de faiblesses et d'attachements et à une tendance au laisser-aller. Cela doit être éliminé si vous
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voulez devenir un héros et un maître de l'action spirituelle. Dans votre situation précédente, ces imperfections trouvaient trop facilement un refuge et leur présence était tolérée; dans votre situation actuelle, vous avez l'occasion d'être seul avec la Force divine, de regarder la vie en face avec la force intérieure de l'âme et de devenir maître des circonstances. Vous ne devez pas vous laisser alarmer ou déprimer par les difficultés ou les désagréments extérieurs. Quant aux difficultés intérieures, il faut aussi y faire face avec détachement, calme, égalité, et la volonté inébranlable d'en triompher.
Pour le reste, vous dites à juste titre: "Je dois préserver mon équanimité et une foi dans la Direction divine lorsque je suis confronté au mensonge ou à n'importe quel ennui ou difficulté." Le défaut qui ouvrait la voie aux ennuis, corporels et autres, était d'abord ce vacillement dans votre résolution de vaincre le vital et de suivre la route droite, le chemin des hauteurs, et ensuite la dépression, le désespoir violents que ce vacillement entraînait après lui. Faites en sorte que ces choses disparaissent complètement et ne les laissez pas réapparaître ainsi. Le chemin de la tranquillité et de la force spirituelles est, avec la consécration de toutes vos forces au Divin, la seule route sûre pour vous et celle que vous devez maintenant suivre sans en dévier.
Voilà revenue l'ancienne et vaine imagination suscitée par une poussée des désirs insatisfaits de la nature vitale. L'attitude fausse de désir était évidemment là, attendant son heure, et elle a donné aussi l'occasion au vieux vital de se soulever et de s'adonner à ses mouvements habituels. Il est tout aussi évident que c'est la pression du désir s'élevant d'en bas qui a fait disparaître l'Ânanda. L'Ânanda psychique et le désir du vital se répandant en plaintes et en clameurs ne peuvent cohabiter; si le désir apparaît, l'Ânanda ne peut que se retirer, à moins que vous ne rejetiez le désir
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à temps, en lui refusant tout compromis. Et surcoût, lorsque la Mère vous donnait l'immensité, la paix et un Ânanda intense, il était irrationnel au dernier point de laisser place à un désir extérieur et de lui sacrifier tout cela.
Céder à la dépression quand les choses vont mal est la pire manière d'affronter la difficulté. Il y a sans doute en vous une exigence ou un désir, conscient ou subconscient, qui est excité et se révolte de n'être pas satisfait. La meilleure méthode est d'en être conscient, d'y faire face avec calme et de le rejeter fermement.
Si le vital inférieur (et pas seulement le mental) pouvait décider une fois pour toutes que les désirs et les exigences sont tous contraires à la Vérité et ne plus les appeler, ils perdraient très vite la force de revenir.
Saturez de Vérité votre mental et votre vital, et demeurez calme et tranquille. C'est d'un désir insatisfait que viennent toutes les souffrances; prenez position sur un calme exempt de désir. Quand ce sera fait, tout le reste de la divine Vérité, de l'Amour et de l'Ânanda pourra venir et s'établir solidement sur cette base.
Vous avez fait ce qu'il fallait pour ces objets. Ces petits désirs sont un grand obstacle à la transformation de la conscience extérieure et l'être doit s'en libérer pour que cette transformation n'en soit pas entravée.
C'est le physique vital qui reçoit ces influences et obéit à ces désirs. Ce qu'il faut, c'est faire descendre la conscience dans
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tout le vital proprement dit, afin que le vital lui-même, et non seulement le mental, rejette ces désirs. Les désirs du physique vital perdront de ce fait la moitié de leur force.
Si la paix et le pouvoir qui agissaient sur la tête et dans la poitrine sont descendus dans l'abdomen et au-dessous, c'est l'indication qu'ils n'agissent plus seulement sur le mental et l'être émotif, mais sont aussi pleinement actifs dans le vital; c'est un grand progrès.
Les désirs dont vous parlez sont ceux du physique vital dans la conscience physique subtile: envie de parler, soif et faim essentielles, etc. Il faut que la paix et la tranquillité s'établissent pleinement dans le physique vital et le physique subtil et descendent même jusqu'aux niveaux les plus bas pour que s'effectue le changement complet. La chaleur dont vous parlez est celle de ce principe subtil du désir physico-vital qui existe pour lui-même, et non pour les vrais besoins du corps; c'est pourquoi la satisfaction physique ne l'atténue pas.
Ce sont les petites habitudes de l'être vital inférieur qui rassemblent toutes leurs forces pour résister à l'effort de rectification et essayer d'envahir la conscience. Quand elles apparaissent, vous devez apprendre à en détacher entièrement votre conscience intérieure afin que même lorsqu'elles viennent en force, elles ne soient pas capables d'envahir la conscience, ni d'obtenir son assentiment.
Le vital dans le physique se laisse volontiers glisser vers ses petites habitudes d'autrefois, s'il en a l'occasion. C'est là qu'elles s'accrochent. Elles ne disparaissent entièrement que lorsque cette partie de l'être acquiert l'équanimité et accède
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à une libération simple et naturelle de tous les désirs.
Ces habitudes du vital physique sont presque automatiques dans leur action; pour sortir de cette action automatique et presque réflexe, il faut soit une très forte volonté, soit un effort persévérant d'auto-discipline. Vous ne devriez donc pas être découragé par cette difficulté, mais continuer, avec la persévérance nécessaire de la volonté, à la repousser jusqu'à ce qu'elle cesse d'exister.
XI
Le simple fait que la colère survienne avec une telle force suffit à démontrer qu'elle n'est pas en vous, mais vient de l'extérieur. C'est une irruption de force venant de la Nature universelle qui essaie de prendre possession de l'être individuel et de le faire agir selon la volonté de cette force extérieure et non selon la volonté de l'âme au-dedans. Ces phénomènes apparaissent, au cours de la sâdhanâ, parce que le sâdhak se libère de la nature inférieure et essaie de se tourner vers la Mère et de vivre dans sa divine conscience et dans la Nature supérieure. Les forces de la nature inférieure ne veulent pas de cela et se précipitent donc ainsi pour reconquérir leur emprise. Quand cela se produit, il faut rester tranquille au-dedans en se souvenant de la Mère ou en l'appelant, et rejeter la colère ou tout autre mouvement qui vient, chaque fois qu'il vient, aussi souvent qu'il vient. Si l'on agit ainsi, ces forces commencent à perdre leur capacité de vous envahir. C'est plus facile si l'on sent clairement que ces forces sont extérieures et étrangères à soi; mais même si vous ne pouvez pas le sentir au moment où elles entrent, le mental doit garder cette idée présente à l'esprit et refuser d'admettre qu'elles font encore partie de la nature. L'idée que la Mère est sévère vous était bien entendu suggérée par
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la force qui vous envahissait, pour l'aider à entrer. Bien des sâdhak reçoivent des suggestions similaires (moins cependant qu'autrefois) au Pranâm, ce qui soulève en eux une grande perturbation. Les suggestions de ce genre doivent être rejetées immédiatement avec fermeté.
Tous ces mouvements vitaux ignorants ont en fait leur origine au-dehors, dans la Nature universelle ignorante; l'être humain se crée, dans ses parties superficielles - mental, vital, physique - une habitude de réagir d'une manière particulière à ces vagues du dehors. Ce sont ces réactions qu'il prend pour son caractère (colère, désir, sexe, etc.), et il croit qu'il ne peut pas être différent. Mais c'est faux: il peut changer. Il existe en lui une autre conscience plus profonde, son être intérieur véritable, qui est son vrai moi, mais qui est recouvert par la nature superficielle. Cela, l'homme ordinaire ne le sait pas, mais le yogi le perçoit de plus en plus à mesure qu'il progresse dans sa sâdhanâ. Plus la conscience de cet être intérieur grandit par la sâdhanâ, plus la nature de surface et ses réactions sont expulsées et plus il devient possible de s'en débarrasser complètement. Mais la Nature universelle ignorante ne veut pas lâcher prise, projette les anciens mouvements sur le sâdhak et essaie de les faire pénétrer de nouveau; la nature superficielle retrouve par habitude ses anciennes réactions. Si le sâdhak peut affermir en lui la connaissance que ces choses appartiennent au dehors et ne font pas vraiment partie de lui-même, il repousse plus aisément ces récurrences ou, si elles s'emparent de lui, s'en débarrasse plus vite. C'est pourquoi je répète que ces mouvements prennent naissance non pas en vous, mais au-dehors.
Je crois que vous avez toujours eu l'idée que le meilleur ou même le seul moyen de se débarrasser d'une impulsion ou
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d'un mouvement est de le laisser s'exprimer. Mais cette idée est fausse. Si vous exprimez la colère, vous prolongez ou confirmez cette répétition habituelle de la colère, vous n'atténuez pas cette habitude, vous ne vous en débarrassez pas. Le tout premier pas à faire pour affaiblir le pouvoir de la colère dans la nature, puis s'en débarrasser tout à fait, est de lui refuser toute expression en actes et en paroles. Ensuite on peut continuer, avec plus de chance de succès, à la rejeter également de la pensée et des sentiments. De même pour tous les autres mouvements erronés.
Tous ces mouvements viennent du dehors, de la Nature universelle inférieure, vous sont suggérés ou sont jetés sur vous par les forces contraires, contraires à votre progrès spirituel. Votre méthode, qui consiste à les considérer comme vôtres, est aussi une mauvaise méthode: ce faisant, vous augmentez leur pouvoir de se répéter et de s'emparer de vous. Si vous les considérez comme vôtres, vous leur donnez en quelque sorte le droit d'être là. Si vous sentez qu'ils ne sont pas vôtres, alors ils n'ont aucun droit, et la volonté peut augmenter son pouvoir de les congédier. Ce que vous devez toujours avoir et sentir comme vôtre, c'est cette volonté, ce pouvoir de refuser votre assentiment, de refuser d'admettre un mouvement faux ou, s'il entre, le pouvoir de reconduire sans l'exprimer.
Le meilleur moyen serait évidemment de garder davantage le contact avec la Mère, sa Lumière et sa Force, de recevoir, d'accepter et de suivre uniquement ce qui vient de cette force supérieure.
En réalité ce n'est que la réapparition d'une vieille habitude de la nature. Observez-la et voyez à quel point l'occasion qui fait naître cette explosion de colère est dérisoire - elle est de moins en moins motivée - et l'absurdité de tels mouvements. Il ne vous serait pas vraiment difficile de vous en débarrasser si, quand elle vient, vous la regardiez avec calme, car il est
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tout à fait possible de se replier dans une certaine partie de l'être d'où l'on observe dans une équanimité détachée, même lorsque la colère monte à la surface, comme si en vous quelqu'un d'autre se mettait en colère. La difficulté est que vous vous alarmez, vous vous bouleversez et la colère s'empare ainsi plus aisément de votre mental, alors qu'elle ne devrait pas le faire.
L'aide, nous vous la donnons; faites un pas en arrière pour devenir capable de sentir cette aide et non l'obsession de ces mouvements de surface.
C'est exactement ce qui doit se produire chaque fois que la colère ou quoi que ce soit d'autre se soulève. La réponse du psychique doit devenir habituelle et faire ressortir que la colère n'est ni juste, ni efficace; puis l'être doit se retirer de ces objets extérieurs et s'installer dans le moi intérieur, détaché de toutes ces choses et de toutes ces personnes. C'est ce détachement que le sâdhak doit acquérir en premier: il doit cesser de vivre dans ces objets extérieurs et vivre dans son être intérieur. Plus il le fait, plus il se sent soulagé et apaisé. Ensuite, lorsqu'il sera fermement établi dans cet être intérieur, il commencera à voir l'action juste à faire, la manière juste d'agir sur les hommes et les choses.
Quand c'est le psychique qui gouverne tous les mouvements de l'être, et aussi quand l'équanimité de la conscience supérieure prend complètement possession du vital inférieur, la colère disparaît tout à fait. En attendant, on peut établir une maîtrise sur la colère, l'affaiblir et la réduire à un simple contact sans effet extérieur ou à une vague qui passe sans s'exprimer dans la vie.32
32. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
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Oui, certainement. La paix infinie, l'amour universel peuvent éliminer la colère, s'ils sont complets et stables.
Il est vrai que la colère et la combativité sont naturelles au vital humain et ne le quittent pas aisément; mais l'important est d'avoir la volonté de changer et la claire perception qu'elles doivent partir. Si cette volonté et cette perception sont là, elles finiront par s'en aller. L'aide la plus importante est ici aussi la croissance de l'être psychique au-dedans, car elle apporte une certaine bonté, une certaine patience, une certaine charité envers tous: on ne considère plus toutes choses du point de vue de son propre ego, de sa peine et de son plaisir, de ses goûts et dégoûts. La seconde aide est la croissance d'une paix intérieure que les événements extérieurs ne peuvent troubler. Avec la paix vient un calme élargissement où l'on perçoit tout comme un moi unique, tous les êtres comme des enfants de la Mère et la Mère demeurant en soi-même et en tous. C'est vers cela que votre sâdhanâ se dirigera, car c'est ce qui vient avec la croissance de la conscience psychique et spirituelle. Alors ces réactions troubles aux incidents extérieurs ne se produiront plus.
C'est, en effet, lorsque la quiétude descend d'en haut ou émerge du psychique que le vital se remplit de paix ou de bienveillance et de bonne volonté. C'est pourquoi la tranquillité intérieure du psychique d'abord, puis la paix d'en haut doivent envahir tout l'être. Sinon on peut maîtriser les mouvements comme la colère dans le vital, mais il est difficile de s'en débarrasser tout à fait si l'être n'est pas tout entier envahi par la tranquillité intérieure et la paix d'en haut. Dépendre de la Mère pour la sâdhanâ est la meilleure attitude, car en vérité c'est sa Force qui accomplit en vous la sâdhanâ.
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Ces habitudes: dureté dans les paroles, colère, etc., formées par la conscience physico-vitale, sont très difficiles à transformer car elles sont soutenues par le subconscient. Si l'on peut en triompher ou les transformer par la force de la volonté ou de la maîtrise mentale ou spirituelle, tant mieux. Mais si l'on ne peut pas le faire tout de suite, il ne faut pas en être bouleversé ni penser que l'on est inapte. La plupart des sâdhak parviennent plus facilement à réaliser le Divin ou à entrer dans la conscience psychique qu'à transformer cette partie de la nature; mais une fois que la conscience psychique gouverne ou que la conscience supérieure descend, ces habitudes s'en vont beaucoup plus aisément. Vous ne devez donc pas vous laisser décourager par ces récurrences ou ces persistances, mais toujours essayer de vous retirer dans une tranquillité intérieure et si elles viennent, les laisser passer comme un nuage devant la lumière. En temps opportun la Force finira par s'en charger.
C'est en effet un très bon signe que la colère, quand elle apparaît, soit brève et atténuée et ne s'extériorise plus, car c'est là, toujours, l'indication très nette d'une étape dans le rejet de quelque chose dont la nature ne veut pas. Cela se produit encore, mais plus avec la même force, la même durée, intensité, totalité. L'extériorisation a souvent pour but de mettre en évidence - ou à l'épreuve - le progrès qui a été fait dans la nature extérieure elle-même, car lorsqu'on est entièrement intériorisé, ces mouvements extérieurs demeurent assoupis et il n'est pas facile alors d'évaluer à quel point ils sont transformés. Mais c'est évidemment l'intériorisation qui aide le plus à libérer la nature.
Si vous ne vous êtes pas mis en colère, c'est sans doute que la force vitale de l'attaque diminue et agit davantage dans le
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mental physique et dans le vital extérieur (physique). Vous êtes capable d'une grande force dans l'action; dans la croissance intérieure et l'action de la sâdhanâ, vous avez aussi une force du psychique et du vital; seul l'être extérieur se heurte à ces difficultés sur son chemin et en est momentanément submergé ou affecté. Des obstacles s'interposent toujours lorsqu'on veut progresser dans la sâdhanâ, mais si l'on est sincère dans son aspiration, ces ennuis finissent par aider à préparer la victoire de l'âme sur toutes les résistances.
Tantôt la volonté intérieure est prédominante, tantôt elle cesse de l'être pendant un certain temps. C'est tout à fait normal. Cela dépend de certaines conditions que le mental physique ne voit pas. Quand on croît en connaissance, on devient conscient de ces conditions restées jusqu'alors inaperçues et on comprend mieux ce qui se passe.
Le feu est toujours le feu de la purification: il est très rouge lorsqu'il agit sur le vital; quand le vital ne dissimule plus le psychique, la couleur rosé du psychique émerge de plus en plus.
La maison, dans votre vision, est la nouvelle construction de la nature - particulièrement dans le vital - que la sâdhanâ est en train de préparer.
Si la tranquillité n'est pas encore stable et que la colère revient, c'est parce que vous laissez votre mental physique devenir actif. À propos de la sâdhanâ, il commence à penser que vous avez ce défaut-ci, et ce défaut-là, et que par conséquent la sâdhanâ ne peut être immédiatement efficace et parfaite. Le vital devient alors nerveux ou mélancolique et dans la mélancolie, un état d'irritation apparaît. En même temps, ce mental devient actif, comme maintenant à propos de X, ou commence à juger, à critiquer, ce qui amène aussi de la nervosité et de l'irritation. Tout cela appartient à l'ancien mental que vous essayez de quitter et s'oppose donc à la concentration et à la tranquillité. Il faudrait l'étouffer dans l'œuf en rejetant les suggestions du mental physique
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dès le début. Une conscience nouvelle est en train de naître, fondée sur le silence et le calme intérieurs. Vous devez attendre tranquillement qu'elle se développe. La vraie connaissance, les vraies perceptions des gens et des choses viendront dans cette nouvelle conscience silencieuse. La vision mentale des gens et des choses est forcément soit limitée et défectueuse, soit erronée: continuer à fonder son jugement sur elle est maintenant une perte de temps. Attendez que la nouvelle conscience se développe et vous montre tout sous une lumière nouvelle et vraie. Alors la tendance à la colère qui jaillit de ce mental, et qui est une violente impatience dirigée contre ce qui déplaît au mental et au vital, n'aurait pas de raison d'apparaître; si elle apparaissait sans cause, vous pourriez plus facilement la rejeter. Reposez-vous pour la sâdhanâ sur la grâce de la Mère et sa Force, en vous souvenant sans cesse de ne conserver pour votre part que deux choses: la tranquillité et la confiance. Quant aux choses et aux gens, laissez-les aussi à la Mère; vous avez des difficultés dans votre nature, ils en ont aussi; mais pour s'en occuper, il faut de la perspicacité, de la sympathie, de la patience.
Pour se débarrasser de l'attachement aux objets, les rejeter physiquement n'est pas la meilleure façon de procéder. Acceptez ce qui vous est donné, demandez ce dont vous avez besoin et n'y pensez plus, n'y attachez pas d'importance; utilisez-les quand vous les avez, ne soyez pas troublé par ce qui vous manque. C'est le meilleur moyen de se débarrasser de l'attachement.
Si vous regardez de près, vous verrez que tout cela - la grossièreté de l'un, la colère de l'autre - est infime et doit être accepté avec indifférence. Ne les laissez pas vous troubler à ce point. La seule chose de suprême importance est votre sâdhanâ et votre développement spirituel. Que rien n'affecte ni ne trouble cela.
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Les Essais sur la Guîtâ exposent le karmayoga ordinaire tel qu'il est décrit dans la Guîtâ, où le travail à faire est le travail ordinaire de la vie humaine sans rien de plus qu'un changement intérieur. Là aussi, la violence dont il faut faire usage n'est pas une violence personnelle issue de mobiles égoïstes, mais une partie du système ordonné de la vie sociale. La violence individuelle mue par la colère, la passion ou un mobile vital quelconque ne peut avoir aucune justification spirituelle. Dans notre yoga, nous avons pour but de nous élever au-dessus de la vie ordinaire des hommes et la violence doit être complètement laissée de côté.
Une transformation intérieure, psychique ou spirituelle, ne peut pas être effectuée par la violence. Ce n'est pas un changement de conduite qui doit se faire dans les sâdhak, mais une transformation où l'âme et l'esprit doivent gouverner le mental, le vital et le corps, au lieu que ce soit l'inverse. La violence est en contradiction flagrante avec cet objectif; elle donne le commandement à l'égoïsme mental, à la passion vitale et à la fureur, ou encore à la cruauté. Le fait que la violence existe dans la Nature ordinaire ne légitime pas son usage dans le travail spirituel.
En toutes choses il faut maîtriser la pensée et aussi la parole. Mais tandis que la violence radjasique est exclue, une sévérité calme et puissante en pensée et en parole, lorsque la sévérité est de mise, est parfois indispensable.
XII
Si vous voulez faire le yoga, vous devez vous débarrasser de la peur. Le yoga et la peur ne vont pas ensemble.
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Il est vrai que ce que l'on redoute a tendance à se produire tant que l'on n'est pas capable de le regarder en face et de surmonter le mouvement de recul. Il faut apprendre à s'appuyer sur le Divin et à surmonter la peur, en faisant confiance à l'aide qui vous portera à travers toutes choses, si déplaisantes ou contraires soient-elles. Même par leur intermédiaire, une Force travaille pour le chercheur et le porte vers son but.
Oui, la peur suscite des terreurs imaginaires; même si le danger est réel, la peur n'est d'aucune aide: elle obscurcit l'intelligence, abolit la présence d'esprit et empêche de voir ce qu'il faut faire.
Laissez la Force qui est à l'œuvre augmenter jusqu'à vider complètement la conscience de tout élément indésirable.
C'est une erreur de croire que vous pouvez progresser par la peur ou le chagrin. La peur doit toujours être rejetée, car ce que vous craignez est exactement ce qui sans doute vous arrivera: la peur attire l'objet de la peur. Le chagrin affaiblit et vous expose davantage encore aux causes du chagrin.
On peut être tranquille, heureux, plein de bonne humeur, d'une manière qui n'a rien de léger ou de creux, et le bonheur n'entraîne pas forcément une réaction vitale. Tout ce que vous devez faire, c'est observer et rester vigilant, en veillant à ne pas consentir à des mouvements faux ou au retour des vieux sentiments, de l'obscurité, de la confusion, etc. Si vous restez vigilant, la Force qui vous soutient grandira et, avec elle, un pouvoir de se maîtriser, une faculté de voir et de rejeter la mauvaise tendance ou la mauvaise réaction quand elle apparaît. La peur et le chagrin ne vous donneront pas cette faculté. Elle ne viendra que par la vigilance
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accompagnée d'une ouverture à la Force qui vous soutient et vous guide. C'est précisément cette maîtrise et cette vigilance que vous décrivez comme la capacité de choisir ce qui est juste et le sentiment de force, ou de pouvoir, qui peut arrêter le mouvement faux et choisir le mouvement juste dès qu'il les discerne. Grâce à cette maîtrise et à cette vigilance, soutenues par la Force, vous pouvez empêcher les désirs égoïstes et les impuretés de se mêler aussi à l'amour et à la dévotion ou de s'y substituer. Plus vous vous ouvrirez, plus ce pouvoir augmentera en vous.33
Vous devez rejeter la peur autant que la colère et suivre tranquillement votre chemin, en plaçant votre confiance en la Mère.
[Moyens d'éliminer la peur:] Amener la force et le calme dans le vital inférieur (région au-dessous de l'ombilic). Et aussi par la volonté, en imposant le calme à l'organisme quand la peur surgit. On peut employer un moyen ou l'autre, ou les deux à la fois.
Il n'y a pas de peur dans la Nature supérieure. La peur est une création du plan vital, un instinct de l'ignorance, un sens du danger accompagné d'une violente réaction vitale qui remplace et en général empêche ou déforme la compréhension des choses. On pourrait presque la considérer comme une invention des forces hostiles.
33. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
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XIII
La jalousie ne devrait pas exister sans cause, car elle est alors absurde et sans signification, mais même lorsqu'on a une raison d'être jaloux selon les critères habituels, elle ne devrait pas apparaître car elle est sans noblesse et tout à fait antiyoguique.
La Mère vous accordera certes toute son aide pour vous débarrasser du lobha.
C'est évidemment l'ancienne réaction: la jalousie est certainement là, sinon vous ne ressentiriez pas ce violent chagrin. Qu'elle subsiste encore dans les recoins et s'élève avec une telle véhémence démontre à quel point ce mouvement 3 était profondément enraciné dans votre conscience physique. j Vous n'avez pas été capable, de le déraciner parce que lorsqu'il se manifeste, vous vous associez totalement à lui et vous abandonnez à ses vociférations et à sa violence. Vous devez avoir la force de vous en retirer dans la partie de votre nature qui est libre; alors seulement vous serez capable de le repousser loin de vous; et il ne consentira à disparaître pour ne plus revenir que si vous le repoussez chaque fois qu'il s'élève. Notre soutien et notre aide vous sont acquis, mais vous devez en demeurer conscient, et vous ne devez pas laisser des idées fausses comme celles de ce matin amoindrir le sentiment d'unité et de contact avec la Mère.
Je ne vois pas pourquoi vous établissez une si grande différence entre les querelles et la jalousie à propos d'autres femmes et les querelles et la jalousie à propos d'autres attirances sans caractère sexuel. Les unes comme les autres naissent de la même impulsion primitive: l'instinct de possession qui est la base de l'amour vital ordinaire. Dans le
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deuxième cas, comme souvent la jalousie sexuelle n'est pas possible, le mental s'appuie sur d'autres motifs qui lui semblent tout à fait raisonnables et légitimes; il peut ne pas avoir conscience d'être poussé par le vital, mais les querelles et l'acuité du désaccord sont là tout de même. Que vous ayez ou non éprouvé les deux formes de ce sentiment importe peu et ne rend les choses ni meilleures ni pires. Ce qui importe, c'est de se débarrasser de l'instinct lui-même, qu'il s'agisse de psychologie ou de transformation spirituelle.
La seule chose de quelque importance est que l'ancienne personnalité, que vous étiez en train d'expulser, s'est pour le moment réaffirmée, comme vous l'avez vous-même constaté. Elle a introduit la confusion dans votre mental, sinon vous n'auriez pas demandé si elle est encore là et comment cela se concilie avec le fait que j'avais jugés vrais et réels votre aspiration à vous tourner entièrement vers la Mère et l'aperçu que vous avez eu de cette possibilité. Ils étaient vrais, et réels, et sincères, bien sûr, et ils sont toujours là, même si pour un moment ils sont voilés. Vous devez savoir maintenant que l'être n'est pas fait d'un seul bloc: si une partie change, tout ne change pas miraculeusement au même moment. Un résidu des choses anciennes peut rester là, submergé, et réapparaître si la pression et la ferme résolution de s'en débarrasser se relâche. Je ne vois pas à quoi vous faites allusion quand vous parlez de la phrase: "La lumière et l'ombre, la vérité et le mensonge ne peuvent demeurer ensemble", mais cela ne peut certes signifier qu'une chose: dans l'effort spirituel, on ne peut leur permettre de demeurer ensemble: la Lumière et la Vérité doivent être conservées, l'Ombre, le mensonge ou l'erreur doivent être expulsés complètement. Cela ne signifiait certainement pas que les êtres humains sont, intérieurement, tout lumière ou tout ombre, et que tous ceux qui ont en eux une faiblesse quelconque n'ont dans leur nature ni lumière, ni aspiration sincère, ni vérité. S'il en était ainsi, le yoga serait impossible. Tous les sâdhak de notre Ashram seraient taxés d'insincérité et accusés de ne pas pratiquer réellement
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la sâdhanâ; car en qui donc n'y a-t-il ni obscurité ni mouvement d'ignorance?
Si le niveau d" votre conscience s'est abaissé, c'est qu'au lieu de bannir de vos pensées la dispute avec X en la considérant comme un mouvement momentané, vous avez commencé à la ruminer et à prolonger l'humeur fausse qu'elle apportait. Cultiver les sentiments qu'elle suscite en vous est inutile. Vous n'avez qu'à faire ce que j'ai essayé de vous dire. Retirez-vous d'eux et, ayant constaté ce qui est dans la nature, écartez-les tranquillement, retournez à la vraie conscience, en vous ouvrant pour recevoir une fois de plus la Vérité qui crée en vous un être nouveau, et laissez-la descendre dans toute votre nature.
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As some bright archangel in vision flies Plunged in dream-caught spirit immensities, Past the long green crests of the seas of life, Past the orange skies of the mystic mind Flew my thought self-lost in the vasts of God. Sleepless wide great glimmering wings of wind Bore the gold-red seeking of feet that trod Space and Time's mute vanishing ends. The face Lustred, pale-blue-lined of the hippogriff, Eremite, sole, daring the bourneless ways, Over world-bare summits of timeless being Gleamed; the deep twilights of the world-abyss Failed below. Sun-realms of supernal seeing, Crimson-white mooned oceans of pauseless bliss Drew its vague heart-yearning with voices sweet, Hungering, large-souled to surprise the uncanned Secrets white-fire-veiled of the last Beyond, Crossing power-swept silences rapture-stunned, Climbing high far ethers eternal-sunned, Thought the great-winged wanderer Paraclete Disappeared slow-singing a flame-word rune. Self was left, lone, limitless, nude, immune.
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Comme vole en vision quelque brillant archange plongé dans les immensités perçues-en-rêve de l'esprit, passées les longues crêtes vertes des mers de la vie, passés les ciels orangés du mental mystique, s'envola ma pensée de-soi-même-perdue dans les vastes de Dieu. Inlassables les larges ailes éployées miroitantes du vent soutinrent la quête rouge or des pieds qui parcouraient de l'Espace et du Temps les bords muets évanescents. La face lustrée aux traits bleu pâle de l'hippogriffe, érémitique, seul, osant les voies sans but, sur les sommets purs-de-monde de l'être hors-du-temps étincelait; les crépuscules profonds de l'abîme-du-monde s'éteignaient au-dessous. Des royaumes-de-soleil d'une voyance supernale, des océans de félicité sans fin enlunés de blanc cramoisi de leurs voix douées attiraient la vague aspiration de son cœur. Avide, l'âme béante pour percer sous leur voile de feu blanc les secrets insondés du suprême Au-delà, traversant des silences balayés-de-pouvoir et interdits-d'extase, gravissant de hauts et lointains éthers au soleil éternel, la Pensée, Paraclet errant ailé de grandeur, disparut en chantant un lent hymne au verbe de flamme. Resta le Moi, unique, infini, nu, immune.
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Extrait de Les Poèmes de Sri Aurobindo (édition bilingue), Sri Aurobindo Ashram, Pondichéry, 1981. Traduction de G.
Dans ce volume, l'orthographe des mots sanskrits, et de ceux des autres langues indiennes, suit un principe de translittération qui rend leur lecture plus facile pour le lecteur de langue française auquel sont étrangères les lois couramment proposées.
Pour les consonnes, le principe est le suivant: en début de mot, le ch a la valeur du ch anglais (tch), Chit se prononce Tchit; le j a de même en début de mot la valeur du j anglais (dj), jîva se prononce djîva; le s est toujours dur, asoura se prononce assoura, rasa se prononce rassa. Toutes les consommes, redoublées ou non, se prononcent fortement; et le h est toujours aspiré, qu'il soit placé au début, au milieu ou à la fin d'un mot, ou encore après une autre consonne. Ainsi, dans Bouddha, le d et le dh se prononcent-ils distinctement.
Pour les voyelles, il faut noter que le e est toujours fermé (é), même suivi d'une valeur consonantique qui, en français, en ferait un è ouvert; Maheshwarî, par exemple, se prononce Mahé-shwarî. Le o est toujours long et fermé (ô), même suivi d'une valeur consonantique qui, en français, en ferait un o ouvert; ainsi Pouroushottama se prononce Pouroushô-ttama. Le a, selon qu'il est accentué (à) ou non (a), se prononce comme un a long (Maya) ou comme le e français; sâdhanâ se prononce donc sâdhenâ. Le i accentué (î), ainsi que le où indiquent les autres syllabes longues: lîlâ, vibhoûti.
Les genres indiqués correspondent à l'usage français, non au sanskrit qui comporte un neutre.
Enfin, les règles du pluriel sanskrit étant complexes, la pratique suivante a été adoptée: tout mot sanskrit figurant dans une phrase française reste invariable au pluriel, exception faite de ceux qui sont passés dans le langage courant (ex: yoga, yogas).
abhî (adj.): sans peur, impavide.
abhimân (n.m.): en sanskrit, orgueil; dans les langues modernes, comme c'est le cas dans ce volume, amour déçu, amour-propre blessé.
abhyâsa (n.m.): pratique constante (d'une méthode).
âdhâr (n.m.): un vase, un support; la combinaison du mental, de la
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vie et du corps considérée comme un réceptacle de la conscience et de la force spirituelles.
adhyâtma-soukham (n.m.): le bonheur spirituel.
Adwaïta (n.m.): litt., non-dualité: le monisme.
Agni (n.m.): le dieu du feu; la Volonté divine, inspirée par la divine Sagesse et une avec elle, qui est le pouvoir actif et réalisateur de la Conscience-de-Vérité.
aham (pronom): je.
âjnâ chakra, v. chakra. akâla (adj.): sans temps, intemporel.
amrita (n.m.): nectar ou ambroisie, nourriture ou boisson des dieux; nourriture ou boisson d'immortalité.
Ânanda (n.m.): la félicité, la béatitude divine ou spirituelle.
ânandamaya (adj.): plein d'Ananda, extatique.
anîsha (n.m.): litt., non-seigneur: sujet du roi, du souverain translittération (n.m.): le donneur de sanction.
apravritti (n.f.): absence d'impulsion à l'action.
apsarâ (n.f.): nymphe de la mythologie hindoue.
âsana (n.m.): posture fixe, position du corps dans le hatha-yoga ou en méditation.
asoura (n.m.): être hostile appartenant au vital mentalisé. De ce nom dérive un adjectif, asourique: qui a la qualité de l'asoura, ou qui appartient à l'asoura.
âtman (n.m.): le Moi ou Esprit sous ses deux aspects: suprême (paramâtman); individuel (jîvâtman). âtmabodha (n.m.): perception du Moi.
Avatar (n.m.): litt., descente; la descente du Divin dans une forme humaine.
bâsanâ (n.f.) (bengali): désir, envie, caprice.
Bhagavad-Guîtâ: litt., "Le chant du Bienheureux"; cet épisode du Mahâbhârata expose la doctrine de l'action dans la soumission parfaite au Divin. En renonçant à tout désir, en devenant un instrument du seul Seigneur suprême, l'homme atteint à l'union totale avec Lui et à la libération.
bhakta (n.m.): celui qui suit le chemin de la dévotion.
bhakti (n.f.): dévotion, adoration, amour pour le Divin (bien que généralement traduit par "dévotion", le sens est beaucoup plus proche d'"amour pour le Divin" que d'attachement à la religion et aux pratiques rituelles).
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bhâva (n.m.): état d'être ou devenir subjectif, nature intérieure, tempérament, manière d'être.
Brahman (n.m.): la suprême Réalité spirituelle
brahmarandhra (n.m.): dans le yoga, l'ouverture au sommet de la tête.
chakra (n.m.): un centre, un plexus; centre de conscience dans le corps subtil. On en compte habituellement sept:
moûlâdhâra, le centre à la base de l'épine dorsale;
swâdhishthâna, le centre abdominal;
manipoura ou nâbhipadma, le centre ombilical;
anâhata ou hritpadma, le centre du cœur;
vishouddha, le centre de la gorge;
âjnâ, le centre entre les sourcils;
sahasrâra ou sahasradala, le lotus aux mille pétales, au- dessus de la tête.
darshan (n.m.): le fait de voir; à l'Ashram de Sri Aurobindo, quatre Darshan sont célébrés chaque année, en commémoration des jours où les disciples étaient solennellement admis en la présence de Sri Aurobindo et de la Mère.
dévique (adj.): relatif aux dieux; de déva (n.m.): dieu, déité.
dhyâna (n.m.): méditation, contemplation, concentration mentale en pensée, en vision ou en connaissance.
gouna (n.m.): mode de la nature (Prakriti). Ils sont trois:
radjas, le principe du mouvement, de l'effort et de la passion;
sattwa, le principe de l'équilibre et de la lumière;
tamas, le principe de l'ignorance et de l'inertie.
De ces noms, dérivent trois adjectifs: radjasique, sattwique et tamasique.
Guîtâ, v. Bhagavad-Guîtâ.
hatha-yoga (n.m.): yoga du corps.
hiranyagarbha (n.m.): l'Embryon d'or; l'Esprit dans l'état de rêve.
idâ nâdî (n.f.): l'un des principaux conduits nerveux du corps subtil, situé à gauche du conduit central.
Îshwara (n.m.): le Seigneur.
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japa (n.m.): répétition d'un montra ou de l'un des noms de la Divinité.
jîvanmoukta (n.m.): être humain qui a atteint la libération durant sa vie.
jîvâtman (n.m.): âtman se manifestant comme jîva: l'âme individuelle ou conscience individuelle vraie.
jnâna (n.m.): connaissance.
jyoti (n.f.): la vraie lumière (spirituelle).
kâmanâ (n.f.): désir, souhait.
kâmavâsanâ (n.f.): impression subconsciente de désir, sexuel ou autre.
kârana (n.m.): cause.
kâranajagat (n.m.): le monde des catégories et des causes.
karma-yoga (n.m.): le yoga des œuvres, le travail offert au Divin étant considéré comme un moyen de réalisation et d'union avec Lui, tandis que dans le bhakti-yoga le moyen est la dévotion pure, et dans le jnâna-yoga la connaissance. Le yoga intégral de Sri Aurobindo et de la Mère embrasse ces trois voies.
kévala (adj.): essentiel, indéterminé, absolu, simple.
koundalinî (n.f.): lovée à la base de la colonne vertébrale, dans le corps subtil, c'est l'Énergie divine en l'homme. Son éveil, recherché dans les yogas traditionnels, entraîne l'ouverture des différents centres (chakra) de conscience jusqu'au plus élevé, situé au-dessus de la tête, là où l'individu s'unit au Divin.
Krishna (n.m.): l'un des Avatars de Vishnou; le Seigneur de l'Amour et de l'Ânanda.
laya (n.m.): la dissolution de l'être individuel, sa fusion dans l'unique Existence.
lîlâ (n.f.): jeu; la création, la manifestation considérée comme un jeu du Suprême.
lobha (n.m.): convoitise, cupidité, avarice.
Mahâkâlî: la Mère sous son aspect de violence.
Mahâlakshmî: la Mère sous son aspect d'amour et de beauté.
Mahâsaraswatî: la Mère sous son aspect de perfection dans le travail.
maïdân (n.m.) (hindi): esplanade.
manomaya pourousha (n.m.): personne mentale, l'être mental.
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maya (n.f.): dans la langue du Véda, la Connaissance créatrice; par la suite, le Pouvoir d'Illusion, le monde manifesté étant alors considéré comme une irrémédiable illusion dont il faut se défaire en s'immergeant dans l'unique Réalité transcendante.
mâyâvâdin (n.m.): celui qui professe la doctrine de l'illusion.
milana (n.m.): contact, union.
moksha (n.m.): libération de l'ignorance, de l'illusion (maya) qui entraîne la libération du cycle des naissances et des morts.
moukta (adj.): libre.
moukti (n.f.): libération.
moûlâdhâra (n.m.): à la base de l'épine dorsale, dans le corps subtil, centre de la conscience physique (v. chakra).
namaskâr (n.m.): salut profond.
Nârâyana (n.m.): le Divin; l'un des noms de Vishnou, le Protecteur, Seigneur de l'Amour.
nigraha (n.m.): répression.
Nirvana (n.m.): "extinction" (sens étymologique) du Moi personnel, immersion du moi personnel dans l'Existence infinie.
oudâsîna (adj.): se tenant au-dessus et indifférent.
oupakâra (n.m.): service rendu à quelqu'un.
Oupanishad (n.f.): ensemble de brefs textes sacrés qui font suite au Véda, dont ils diffèrent par leur caractère métaphysique. Les premières Oupanishad datent du VIIIe au VIe siècles avant J.-C.
outsîdéyour imé lokâh: ces mondes tomberaient en ruines (si je cessais d'agir) (Bhagavad-Guîtâ, 3. 24).
pischâtcha (n.m.): démon appartenant au vital inférieur.
Pourâna (n.m.): litt., antiques; textes sacrés de l'hindouisme; ce sont des recueils de récits d'inspiration védique dont certains sont probablement contemporains du Véda. D'abord transmis oralement, leur rédaction s'échelonne des premiers siècles de l'ère chrétienne jusqu'au XVe siècle.
Pourousha (n.m.): l'âme, le moi ou être conscient qui, par sa présence et son assentiment, soutient les opérations de la Nature (Prakriti).
Prakriti (n.f.): la Nature, l'énergie active et exécutrice du cosmos, par opposition à l'âme ou être conscient qui est le témoin et le soutien (Pourousha).
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prâjna (n.m.): le Seigneur et créateur; le Maître de la Sagesse et de la Connaissance.
prâna (n.m.): l'énergie de vie, le souffle.
pranâm (n.m.): salutation, prosternation. En particulier, dans ce livre, salutation quotidienne des disciples à la Mère.
pravritti (n.f.): l'impulsion vers l'action et les œuvres.
radjas (n.m.), radjasique (adj.): v. gouna
râkshasa (n.m.): puissance hostile du vital intermédiaire.
râkshasî maya (n.f.): illusion des pouvoirs de l'ombre.
rasa (n.m.): goût, saveur.
Rishi (n.m.): voyant, sage.
sâdhak (n.m.), sâdhikâ (n.f.): celui, celle qui suit une discipline yoguique.
sâdhanâ (n.f.): (a) la méthode de yoga et la discipline qui en dérive; (b) la pratique du yoga et de sa discipline.
sahasradala ou sahasrâra (n.m.): v. chakra.
sahâya (n.m.): aide,
sâkshî (n.m.): témoin.
samâdhi (n.m.): extase ou transe yoguique; plus exactement, concentration de la volonté et de la pensée poussée jusqu'à l'identification avec l'objet, la perte de conscience extérieure n'étant pas essentielle.
samarpana (n.m.): soumission, consécration (c'est le mot que Sri Aurobindo traduit par surrender en anglais).
samatâ (n.f.): égalité, équanimité.
sâmkhya (n.m.): système de philosophie et de pratique spirituelle fondé sur une analyse détaillée de la Nature et de la Conscience: Prakriti et Pourousha.
samkirtana (n.m.): réunion ayant pour objet de chanter la gloire de Dieu.
sâmrâdjya (n.m.): empire, parfaite maîtrise de son environnement et des circonstances.
samskâra (n.m.): formations mentales fixes, impressions laissées par les habitudes anciennes ou les expériences accumulées dans les parties subconscientes.
samyama (n.m.): maîtrise, rejet.
sannyâsa (n.m.): renoncement; d'où sannyâsi (n.m.), moine errant, ascète.
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Satchidânanda (n.m.): l'Être divin en sa formulation triple: Être (Sat), Conscience (Chit), Béatitude (Ânanda), les trois termes étant concomitants et se contenant les uns les autres.
sattwa (n.m.), sattwique (adj.): v. gouna. Shakti (n.f.): l'Énergie consciente, le Pouvoir du Seigneur (Îshwara), la Force par laquelle Il s'exprime dans la Nature; la Mère universelle.
shama (n.m.): la paix divine; repos, tranquillité.
shânti (n.f.): calme, paix; paix spirituelle.
shishya (n.m.): élève, disciple.
Shiva (n.m.): aspect de destruction et de transformation de la trinité hindoue; le Seigneur du yoga.
siddha (adj. et n.m.): accompli, parfait; le yogi réalisé.
siddhi (n.f.): accomplissement, perfection, réalisation. Peut aussi signifier pouvoir occulte.
soma-rasa (n.m.): le jus extrait de la plante soma, vin mystique
dispensateur d'ânanda. soudhà (n.f.): nectar ou ambroisie, boisson ou nourriture des dieux.
soukhahâsya (n.m.): bonne humeur.
soukshma sharîra (n.m.): corps subtil.
soushoupti (n.f.): Sommeil profond. Tant que notre corps causal ou enveloppe gnostique n'est pas développé, que ses facultés ne sont pas actives, nous ne pouvons être en relation avec les plans supérieurs que dans une soushoupti. swadharma (n.m.): loi personnelle d'action; véritable loi de l'être; vérité intérieure.
swapna (n.m.): l'état de rêve, conscience correspondant au plan de vie subtile.
tamas (n.m.), tamasique (adj.): v. gouna.
tâmasikatâ (n.f.): inertie, obscurité.
Tantra (n.m.): au pluriel: textes sacrés de l'hindouisme; au singulier: système yoguique reposant sur la connaissance de la Nature et non sur son rejet, ainsi que sur le culte dynamique de la Mère divine sous l'un de ses multiples aspects, afin de spiritualiser la nature. Adj.: tantrique.
tapas (n.m.): principe essentiel de l'énergie.
tapasyâ (n.f.): concentration de la volonté ou des énergies de l'âme sur un but spirituel; ascèse, austérités.
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vaïrâgya (n.m.): dégoût, dégoût du monde; cessation complète du désir et de l'attachement.
Véda (n.m.): le livre de la Connaissance. Le Véda est le plus ancien des livres sacrés de l'hindouisme.
Védânta (n.m.): étymologiquement: "la fin ou la culmination du Véda"; ce terme désignait à l'origine les Oupanishad. Par extension, le Védânta désigne l'un des six systèmes de la philosophie indienne.
védântin (n.m.): adepte du Védânta.
vijnâna (n.m.): Conscience-de-Vérité, la gnose supramentale.
viraha (n.m.): séparation d'avec l'être aimé.
virât (adj. et n.m.): litt., énorme; l'Âme universelle; le Moi qui devient toutes les formes; l'Esprit de l'univers extérieur.
Vishnou (n.m.): l'aspect préservateur de la trinité hindoue; c'est de lui que, selon la tradition, procèdent les Avatars.
Yoga-shakti (n.f.): l'énergie spirituelle, la force du yoga.
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Absolu, critique de la conceptionde McTaggart, III, 314-15
Action, divine et a. agressive, III, 166 doit venir de l'intérieur, 178; III,
219; IV, 248-49
psychique, III, 221
sans attachement, III, 210
sans désir, III, 210-11
sources occultes de l'a., II, 150
travail et service, III, 202
Activité, libre, 153, 154, 155
Âdesh(a), 49; III, 320; IV, 302
Âdhâr, V, 47 seul le Divin doit être appelé à y pénétrer, IV, 276
Adhikâra, II, 231
v. aussi Capacité
Adoration, extérieure et intérieure, III, 317-18
Adwaita, 52-53 réaliste (dans La Vie Divine), 53
v. aussi Monisme
Affection, humaine, IV, 9-11
n'est pas exclue du yoga, IV, 21-22
vitale, IV, 24
v. aussi Amitié, Amour
Agni, V, 37-43
Vaïdyouta Agni, IV, 173
Agnosticisme, 183-84
de la conscience physique, 128
Ahambhâva, II, 71
Ahanâ, et autres poèmes, 243
Ahimsâ, et destruction, II, 304
Ajna Chakra, II, 158; V, 16
v. aussi Centre(s), Chakra
Ambition, II, 312; V, 352-53
Âme, II, 59-60, 61-62, 68-89
à. de désir et être psychique,II, 68, 82; III, 51-52
assimile l'essence de son passé après la mort, II, 237, 238-39, 261
conception européenne de l'a., II, 88
contact intérieur entre à. différentes, II, 270-71
des défunts, II, 239-42
des plantes, II, 73, 75
emploi du mot à., II, 68, 69, 181 .
et Âtman, II, 243-44
et corps, II, 260
et être central, II, 64-65
et être psychique, II, 43. 44, 59-60, 61-62, 63, 70-77, 82-83; V, 10, 14
et mental européen, II, 88
et vie, II, 82
n'est ni le mental, ni le vital, III, 51-52; V, 17
passage immédiat vers le monde psychique après la mort, II, 242-43
période internatale,II, 237-48
sa nature dépasse mental, vie et corps, II, 99
un tout qui ne se désintègre pas, 54
voix de l'a., III, 52-53
Amitié, IV, 10
Amour, V, 238
Ânanda de l'amour, III, 300
bienveillance et sympathie, III, 310
dans le mental intuitif et le surmental, et dans le mental, III, 304
de l'âme,III, 297
doit s'adresser uniquement au Divin, V, 371
et bienveillance, III, 296; IV, 20
et consécration, 225-26
et soumission, III, 104-06, 112
humain, III, 296-97, 301; IV, 5-7, 11-12
humain dans la sâdhanâ, III, 292
humain et a. divin, III, 290-92, 300, 311
nature de l'a., III, 316
pour l'homme, la patrie, la Vérité et le Divin, III, 13-14
respect de soi et respect, III, 311-12
sâdhanâ par l'a. et la dévotion, III, 289-343
spirituel et psychique, et mental, vital ou physique, IV, 112
transcendant,III, 311
vital, IV, 11-12, 25-26
vital et a. psychique, IV, 20-21,
Amour divin, III, 289-90, 303
est de deux sortes, III, 301
et a. humain, III, 290, 292, 300, 311
et a. psychique,III, 301-02, 303
n'est pas une émotion, III, 290
Amour pour le Divin, dans l'intellect, III, 52
de l'âme, de Râdhâ, 202
et expérience, III, 328-30; IV, 92-93
et vital, III, 68, 295-96
véritable, III, 294-95
Amour psychique, III, 292, 296, 301-02; IV, 23-24
et a. cosmique ou universel, III, 304
et a. des plans spirituels, III, 303
et A. divin, III, 302, 303
et a. vital, 19-21, 23-24
Amour universel, III, 302, 303
et a. psychique, III, 303
expression de l'a. u., III, 305, 307, 308
Amour vital, III, 298-99, 300; V, 371
de deux sortes, III, 293
et a. pour le Divin, III, 68
Ânanda, 202-03; III, 15-16, 181, 327; IV, 235, 331;V, 272-74
chercher le Divin pour l'A., III, 12-16
d'amour, III, 300
de création, III, 227
descente d'Â., V, 97-98, 124
et désir, V, 376
et passion physico-vitale, V, 148
et Shânti (paix), III, 163
montée au plan de l'A., conscience de l'A., 24
n'est pas la seule voie vers le transcendant, 94-95
reflété dans le plaisir instinctif de vivre, V, 174
vient d'abord goutte à goutte, IV, 93
Ananta (le serpent de Vishnou), IV, 208
Animal(aux), II, 313-15
âme de l'a., 11,73, 75
conscience des a.,II, 307
renaissance dans un a.,II, 252, 253-54
tuer un a., 11,252,257-58
Antahkarana, II, 70-71
Antarâtman, II, 87, 130
v. aussi Âme
Aptitude, au yoga des Occidentaux et des Orientaux, III, 61-67
Argent, IV, 319
v. aussi Commerce
Art, au service du Divin, III, 205
musique, littérature (poésie) peuvent faire partie du yoga, 233-35
Ârya, 58
Aryaman, pouvoir psychologique, II, 186
Asat, 77
Ascension, V, 45-60
aux plans supérieurs et descentes, 121, 128-30, 138; III, 315-16; IV, 124, 224-25
et centres (chakra), 88-89
et descente dans la conscience ordinaire, V, 65, 68-69
et descente de l'évolution, 4
et expérience des autres yogas, 128-30
indispensable dans le yoga intégral,II, 50-51; V, 46
Ascensions et descentes, V, 44-47, 49-50, 140-41
asc. du vital et desc. dans le vital, V, 236-37
blocages, V, 75-76
et ouverture psychique, V, 6
Ascétisme, III, 201, 248
excessif, 208-09
n'est pas indispensable, III, 248
Ashram (de Sri Aurobindo)
différent des autres, IV, 55
quitter l'a., IV, 77-81
sâdhanâ à l'a. et dans le monde, IV, 55-86
son but, IV, 55
Asoura, II, 176, 190-92, 195
de deux sortes, II, 190
dans le Véda, II, 192
Aspiration, III, 57, 72-79
à la rencontre du Pouvoir d'en haut, III, 216
aspirer et "tirer", III, 74
de l'être psychique et du Jivâtman, II, 59-60, 61-62
du vital inférieur, V, 278
ensoleillée, V, 319
entretenir l'a. pendant le travail, III, 214
et conscience supérieure, V, 100
et conversion, III, 72
et désir, III, 75; V, 363, 371
et expérience, V, 194
pendant le sommeil, IV, 253
psychique, et mouvements vitaux, III, 76; V, 264
Assentiment, du sâdhak,III, 111
et Grâce et Pouvoir divins, III, 93-94
Assimilation, de l'expérience, de la Force, IV, 128, 137; V, 115-22
Astasiddhi, 93
Astral (plan), 91
Astrologie, 268
a., destinée et karma,II, 275-76
Athéisme, 203
Atlantide, 1, 2
Atmajnâna, et soumission, III, 112
Âtman, II, 81; V, 48, 77
dans le yoga intégral et dans d'autres yogas, IV, 137
et être central, II, 43, 56
et être psychique, II, 55, 56, 243-44; V, 28
et Jivâtman, II, 43, 182
expérience de l'A., V, 126-27
réalisation de l'A.,II, 47-48
Attachement, absence d'à., IV, 237
action sans a., III, 209-10
aux personnes, en Inde et en Europe, III, 64-65
surmonter l'a. dans le yoga de la Guîtâ et dans l'ascèse, III, 195-96
Attitude, du "petit chat", III, 98, 103, 106, 138
du "petit singe", III, 139
du sâdhak, IV, 103
inégale, III, 70-71
juste, III, 60-61, 95, 107, 109
Aura, II, 98
Avatar, II, 199-234
"A. inconscient", II, 47-48
A., saint et yogi, II, 224
deux aspects, II, 208
éléments humains et divins de l'A.,II, 209
et Divin personnel, II, 32-33
et évolution,II, 200
et grandeur, II, 224-25, 226
et prophètes, II, 216
et Vibhoûti, II, 201, 206-07
liste pouranique des A. de Vishnou, II, 200-04
souffrances et conflits réels, II, 208, 211-12
symbole et historicité,II, 231-32
vies entre les vies d'A.,II, 200
Avidité, III, 201
Avidyâ, II, 175
B
Bergson, Henri, 250-52
Bhagavad-Guîtâ, v. Guîtâ
Bhajan, vishnouïte,IV, 130
Bhakti, III, 327
ahaïtouki bhakti, 202; III, 316
b. vishnouïte, 102-03; III, 328-29
et soumission, III, 111-12; IV, 130
et yoga intégral, III, 27-42, 321
et yoga supramental, III, 337-38
intérieure et extérieure, III, 317
nature de la b., III, 316
pour elle-même, III, 328-29
véritable, et b. mentale et vitale, V, 17
Bhakti Yoga, v. Dévotion
Bhâva, et école vishnouïte, 97
Bhouta, II, 192
Bible, V, 176
Bien, et mal, 40, 140-41
Bindou, II, 6, 62
Blavatsky, Mme. J. P.,II, 295
Bonne humeur, V, 319-21, 327-28
Bonté, IV, 22-23
et cruauté, 141
Bouddha, 71-72, 74;II, 188, 225
dans les Pourâna et dans le bouddhisme, II, 202-03
et Ahimsa,II, 304
l'Avatar,II, 200, 201, 202, 203
Bouddhi, et Manas,II, 117, 118
et vijnâna, II, 40
Bouddhisme, 70-82
conception de l'ego et de la libération, 78-79
conception européenne du b. tibétain, 79-81
diverses sortes de b., 73, 74
négation du moi (de l'âme), II, 49
Nirvana bouddhiste, 55, 74
octuple sentier, 72
Brahmâ, IV, 207
Brahman, conscience du B., V, 135
dans la philosophie de Shankara, 50-51
état du B., III, 112
et don de soi, III, 112
le meilleur objet de méditation, III, 254
Maya et Lîlâ, 57
réalisation du B. comme Matière, Vie, Mental, Supramental, Ânanda, III, 6
réalisation du B. silencieux dans le yoga intégral et dans d'autres yogas, IV, 137
ses aspects objectif et subjectif, 139
silencieux (inactif), 23
Brahmatcharya, IV, 173-74
Brihaspati. pouvoir psychologique, II, 186
C
Calme, III, 159-62, 177-83
de l'âdhâr individuel et de l'Âtman, III, 163
en concentration et pendant le travail, III, 274
et paix, III, 163
et paix, tranquillité, silence: définitions, III, 161
et tranquillité, III, 162-63
intérieur, III, 173
mental, spirituel, supramental, IV, 114
négatif ou positif, III, 162-63
v. aussi Paix, Silence, Tranquillité
Capacité, II, 111, 231;III, 55-59, 66
v. aussi Âdhikâra
Castes, commentaire sur les opinions du Mahatma Gandhi,II, 298-99
Causalité, commentaire sur l'opinion de Planck, II, 280-82
Célibat, IV, 173-74
Centre(s), abdominal, II, 158-59; V, 64
dans le yoga intégral et dans le Tantra, 88, 89
de conscience, II, 158-72
de la gorge, II, 158-62, 168-71; IV, 257, 273; V, 108, 210
de l'ombilic. II, 158-59, 171-72; IV, 256; V, 64
du cœur, 138; II, 158, 159-60, 162, 170; V, 31-32, 64
du mental. II, 161, 164-65; IV, 257; V, 64, 104, 106, 108
du mental physique, II, 171
du sommet de la tête, II, 165-66, 167
émotionnel, II, 160; V, 64, 108
entre les sourcils, II, 158, 159, 160, 162, 166, 167; IV, 159, 164-65, 169, 183, 184, 257, 259-60; V, 16, 33, 63
moûlâdhâra, II, 130, 158-59, 162, 172; V, 64
ouverture des c., et "ouverture" dans le yoga intégral, V, 57
pour la concentration (méditation), III, 18; V, 64
psychique, IV, 257; V, 64; v. aussi c. du cœur
relie l'être intérieur et la personnalité extérieure, V, 91
sahasrâdala, sahasrara, II, 159, 165, 166
sexuel, II, 171-72
survivance des c. après la mort, II, 263
usage psychologique et fonctions dans le yoga intégral, II, 159, 160
v. aussi Chakra, Lotus
Cerveau, II, 166
concentration cérébrale, III, 261
César, II, 310
sa qualité de Vibhoûti, II, 210
Chagrin, psychique, V, 18, 98, 135, 305
Chaïtanya, II, 206-07, 221-23
et la conscience de l'Avatar,II, 219, 221
et l'amour psychique, 103
son école, 95
son expérience, 109
Chaïtya Pourousha, II, 69
v. aussi Être psychique
Chakra, II, 158-72
ajna c., V, 16
leur ouverture dans le yoga intégral et dans le Tantra, 88
processus de montée et de descente dans le yoga intégral, 88
v. aussi Centre(s), Lotus
Chaleur, d'Agni, III, 174; V, 41
Changement, de nature, 114, 126; III, 28
et capacité de rester dans la conscience supérieure, V, 65, 66
et expériences, IV, 107-08, 122, 125
psychique, première nécessité, IV, 120
quatre manières de l'amener, IV, 107-08
Chant, III, 205-06
Chat, attitude du "petit chat", III, 98, 103, 106, 138
Cheiro, II, 275, 279
Chemin ensoleillé, III, 333; V, 319, 324
Chiromancie, 267-68
Chit, III, 271
Chit-Shakti, IV, 331
Chitta, II, 119-21; III, 271
et la partie psychique, II, 69, note
pureté et calme de c. essentiels à la méditation, III, 255
Chittashouddhi, 66-67
et transformation de la nature dans le yoga intégral, III, 28
Chittavritti, II, 119, 121; III, 271
Christianisme, conception chrétienne de Dieu, 67
doctrine de la Trinité, III, 9
enseignement faussé par une descente vitale, 7
et spiritualité indienne, III, 62-63
et yoga intégral, 152-57
son échec, II, 233-34
Cieux de la Vie, Les, poème, II, 182-84
Civilisation, actuelle, 4
Cœur, centre du c., 138;II, 128, 153-60, 162, 170
purification du c., IV, 119-21
Colère, V, 379-87
Colonne vertébrale, et Koundalinî, V, 70
passage naturel de la Force, V, 109
Commerce, III, 199-200
Communisme, 245
et la tendance à la spiritualité, 246
Compassion, divine, III, 123-24
Composés et désintégration, 54-55
Concentration, III, 18-19,36-37,256-64
cérébrale, III, 261
crainte de la c., IV, 325-26
dans l'action comme dans la contemplation, III, 44
dans la tête ou au-dessus, III, 18-19, 119, 257, 259, 260, 261, 283; IV, 129; V, 26,64,94,248
dans le cœur, II, 160; V, 64, 94, 105,249
dans le yoga intégral, III, 119
en lisant ou en pensant, III, 261
entre les sourcils, III, 119,257,259; IV, 165
et méditation, III, 43-44, 256
n'est pas une méditation, mais un appel au Bien-Aimé, III, 38
objet de lac., III, 284
par l'idée, III, 259-60
pouvoir de c., III, 259
sur l'idée du Moi, III, 267
sur une pensée ou un mot,III, 259
v. aussi Méditation
Confiance, III, 57-58, 80, 98-99
définition, III, 80
en Dieu, III, 92
Connaissance, V, 203-08
de l'être intérieur (subliminale), II, 45
descente de c.,V, 138
et bhakti (dévotion, adoration), III, 324
et conscience, V, 204-05
et foi, III, 86
et Ignorance,V, 203
et Intuition, V, 84
et plans au-dessus de la tête, II, 116-17; V, 79
et silence intérieur, III, 174
mentale, et difficultés vitales, V, 274
mentale et expérience, IV, 117-18
mentale, et vraie c,, V, 203
sacrifice de lac.. Il, 300-01
signification, dans le yoga, V, 30
spirituelle, V, 204
supérieure, et mentale, V, 190
unité de lac., 235-36; II, 4
yoga de lac-, 134-39
Conscience, au-delà du mental, 183-84
base de l'existence, II, 57
caractère concret de la c., II, 289; IV, 117
chutes de c. dans la sâdhanâ, IV, 130-31
corporelle,II, 109-10,137; IV, 115
corporelle, sa supramentalisation, 42
del'Ânanda,24
de l'Âtman, et c. psychique, II, 55
de l'homme, et c. cosmique, II, 227
de ses propres états et mouvements, et du Divin, IV, 248
de surface, et c. intérieure, IV, 238
de veille, II, 87
divine, cachée derrière l'ignorance, 10-11
divine, définition, V, 93
double, III, 39,214-15; IV, 239,
243-44, 265, 269, 301; V, 144-45
environnante, II, 97-98
environnante, et rejet des choses indésirables, II, 148, 151-52
et connaissance, V, 204
et énergie, définitions et
distinctions, III. 212
et réceptivité, V, 322
évolutive, émergeant de la Matière, 1-2, 32, 53
expériences d'extension de la c., IV, 325
extérieure, II, 87
intérieure et c. extérieure, II, 90-91; IV, 230, 235-36, 238, 239, 252
c. intérieure et difficultés de la
nature extérieure, V, 55-56
expériences de la c. intérieure, IV,223-319
vivre dans la c. intérieure,IV, 248-49, 265
juste et fausse, IV, 249
lumière de la c. divine, III, 56
matérielle, II, 142
n'est pas nécessairement spirituelle, II, 107-08
ordinaire, II, 101-02
physique, descente et pression de la
Mère dans lac. p.,V, 266
et ascensions et descentes, V, 46
et conscience supérieure, V, 52-53
et expériences, IV, 137
et fluctuations de la c., IV, 132-33
et périodes de vide, IV, 138
habituellement agnostique, 127-28
individuelle et universelle,II, 137
intérieure et extérieure, II, 140-41
subtile,III, 277
vraie, V, 22-23
y faire naître l'aspiration,III, 79
ses deux éléments, II, 7
ses deux pôles, II, 38
spirituelle, et évolution, 1-5
spirituelle, son stade de développement dans le corps humain, 249-50
supérieure, v. Conscience supérieure
superposition de deux consciences, IV, 174-75
terrestre, 20
vraie c., 126
yoguique, III, 8
Conscience cosmique, II, 99-102; III, 60
etc. humaine, II, 226-27
et c. individuelle, II, 99-100
et descente de Paix, Force, Lumière, V, 125
et libération, IV, 323
et Nirvana, II, 17-20
et réalisation du Moi, IV, 323-24
et surmental, II, 34; IV, 319
et vie dans le plan de l'Intuition, V, 82
expériences de la c. c., IV, 319-41
ouverture à la c. c. quand la conscience supérieure descend, V,49
ouverture mentale et vitale à la c. c., IV,324
ses deux aspects: Ignorance c. et Vérité c., IV, 298, 320
Volonté c., II, 104
Conscience-de-Vérité, 14-15,50,126; IV, 314
ne peut se manifester que quand
ego et désir sont surmontés, IV, 339
Conscience supérieure, III, 281; V, 47-49, 51-52
et c. intérieure, II, 91
et supramental, V, 84
et transformation de la nature inférieure, V, 65,66-67
jonction entre l'être psychique et la c.s.,V,94
point de rencontre entre forces ascendantes et descendantes, V, 52
très différente de la conscience ordinaire, V, 141
Consécration, III, 91,97-117,195;IV, 127;V, 96,214
absolue,III, 104-05
active et passive,III, 103
à l'Impersonnel, III, 129
au Divin, non à l'être psychique, III, 84
au Gourou, III, 129-30,131
centrale, III, 113,116
chacun a sa manière,IV, 67-68
complète, III, 104,113
consciente, III, 108
G
Gandharva, II, 192
Gandhi, Mahatma, au sujet des castes, II, 298-300
et réalisation, 24-25
et religion, 164-65
Ganesha, II, 188-89
Gâyatrî, III, 284
Goloka, II, 16
Gopî, II, 16, 229; III, 338, 340-41
Gorge, centre de la g., II, 158-61,
Goswami, yogi Bejoy, 113
Gouna, création par inégalité des g.,
équivalents divins des g., V, 134
et action dans l'homme libéré, III, 210;IV, 330
Gourou, III, 129-40
conceptions bouddhiste et adwaitiste,III, 136
et disciple (shishya), 103-04, 146; III, 130-31, 134-35, 139-40; IV, 68
et dissimulation, 92;III, 140
et yoga intégral,III, 130-31;IV, 289, 297; V, 96
fidélité au g., III, 131
grâce du g. et abolition des difficultés, III, 137-39
idée mentale du g. ne remplace pas l'influence vivante, IV, 297
ses conseils ne s'appliquent pas indifféremment à tous, IV, 70
soumission au g., 130, 131
tous le même g. et tous différents, III, 131-32
v. aussi Instructeur
Grâce, 204;III, 86, 122-29, 329-31, 333
conception n'est pas spécifiquement chrétienne, 154n.
de Krishna, 338-39
du gourou, et abolition des
difficultés, III, 137-39
et assentiment du sâdhak,III, 93-94
état de G., 124, 138
et destin,II, 285
et force, III, 126
et Loi cosmique, III, 124
n'est pas admise dans certains
yogas, III, 122-23
Grandeur, II, 308-12
appartient à Dieu seul, IV, 293
et l'Avatar, II, 224-26
n'est pas le but de la réalisation spirituelle, II, 224, 226
vertu, vice et g.,II, 310-12
Graphologie, 267
Gratitude, V, 362
Guérison(s), miraculeuses,II, 294,
par la foi dans les cellules,III, 87
Guerre, II, 302-03
mondiale, combat entre deux ignorances, 180
Guîtâ, et yoga intégral, 82-87; III,
et karmayoga, III, 29-30, 32, 197
explication de certains passages, 83; II, 204, 253-54
méthode de la G., 95
ne mentionne pas la Mère divine,
n'est pas une allégorie, 85
pas exclusivement un évangile d'amour, 85
réconcilie des vérités apparemment opposées, 84-85
samatâ et indifférence, III, 188-89
soumission selon la Guîtâ, 83-84
H
Habitudes, du physique vital, V, 378-79
et subconscient, II, 144-45, 148, 149, 153,154;IV, 115
Hallucinations, et visions, IV, 1-56, 160
Harmonie, IV, 334
avec les autres dans la vie spirituelle, IV, 16
histoire spirituelle de l'L, 3-4, 163-64
spiritualité de l'I., III, 62-63; V, 197
survivance de l'atmosphère de recherche spirituelle,III, 64-65
védique, I, 3
Individu, conscience individuelle et conscience cosmique, II, 99
et établissement de la conscience supramentale, 16-17
moi individuel, II, 64
n'est pas limité au corps physique,
universalisé, 67; IV, 322
véritable, 55-56;III, 157
véritable, est l'être central, non le corps, II, 57
véritable, est une parcelle du Moi
Individualité, II, 77
et ego. V, 331
perte du sens de l'i. dans la paix et l'immensité, V, 127
Inertie, III, 212; V, 158
et méditation,III, 275
suscitée par une tension excessive, III, 231
Infini, impressions à son approche,
Initiation, et yoga intégral,IV, 58
Inspiration, et descente de paix,V, 131-34
dans la poésie et dans d'autres activités,III, 228
et effort, III, 225
Instructeur, III, 20
autorité requise, III, 135-36; IV, 148-49
v. aussi Gourou
Instrument, égoïsme de l'i., V, 350-51
ses incapacités et l'action de la Force, III, 226
Intégration, de l'être, de la personnalité, 63-64, 218
Intellect, V, 181-91
difficulté d'abandonner les convictions de l'i., IV, 128
et expérience mystique et spirituelle, 212-16
et intelligence, V, 187-88
et raison pure, V, 187
fonction de l'i., V, 183
incapable de connaître la Vérité suprême, 183-84
Intellectuel, homme i. et homme émotif, V, 190
Intelligence, et intellect,V, 187-88
et lecture, V, 223
suprême, 53
Intériorisation, divers modes d'i., IV,
importance de l'i., IV, 226-30
souhaitable et nécessaire, IV, 265-
Intuition, bergsonienne, 250-51
conditions pour recevoir l'i. véritable, IV, 304
dans la Matière, dans la Vie mentale, sur le plan spirituel, 2-3
de la Volonté divine, III, 220
du Temps, IV, 305-06
et formations mentales, IV, 305-06
et intellect, III, 86
et pensée, V, 81-82
et plan de l'Intuition,V, 81-82
et raison, 219
négligé par le mental, V, 186
plan de l'Intuition, v. Plan(s)
remplace la pensée dans le mental supérieur, II, 116-17
yoguique, et faculté de "sentir" la personnalité des autres,II, 290
Involution, 41
Isha Oupanishad. et la loi de la relativité, 247
Îshwarakôti, 70, 85
Islam, yoga islamique, III, 10
J
Jaïnisme, 82, 128
Jalousie, IV, 12; V, 390
et résistance vitale,IV, 253
pranava japa,III, 284-85
v. aussi ÔM
"Je", disparition du sens du "je", 67
formation mentale, vitale et physique, II, 55
individuel et universel, IV, 322
pur de l'Adwaïta et jivâtman, II, 47-52
universalisé, V, 127
v. aussi Ego
Jeans, sir James, 242-43, 248-49
Jeûne, 91, 92
et rédemption, II, 406
n'a rien à voir avec la soumission, III, 98
Jîva, v. Jîvâtman
Jîvakoti, 70, 85;II, 247
Jîvanmoukta, II, 247-48; III, 209-10
Jîvâtman, II, 40-42, 51-52, 83-84
et Âtman, II, 43, 182
et être psychique, II, 42, 43, 53-54, 55, 56-57, 182
et étincelle de l'âme, II, 58-59, 61-62
et "je" pur de l'Adwaïta,II, 47
"jiva" et "j.",11,41-42, 52
place du j., II, 53
pouvoir représentatif dans la nature individuelle, II, 52
Jnâna, et émotion, III, 324
Joie, III, 163-64
n'accompagne pas toutes les expériences, IV, 144
vitale, III, 207
K
Kâlî, et Mahâkâlî, II, 185
Kalki, II, 200, 201
Kârana, II, 29; V, 158
Kârana-Pourousha, II, 238
Karma, conceptions populaires du K., II, 256-57
constitution du K., II, 287
et astrologie, II, 275-76
et destinée, II, 276
pràrabdha karma, 68;IV, 244
réconcilie déterminisme et libre arbitre, II, 218
Karmayoga, v. Yoga des Œuvres
Kartikeya, II, 188-89
Koundalini, et yoga intégral, 87-88; IV, 224; V, 70-74
Koûtashtha, II, 58
Kripâ, III, 138, 139
Krishna, III, 336-43 III K., II, 204
Avatar,II, 200-201
Avatar et Vibhoûti, II, 200
conscience de K.,II, 228
dans la vision de Shankara, Râmânoudja, Chaïtanya, dans le Mahâbhârata et la Guîtâ, 97-98
de la Guîtâ et de Brindâvan, II,
divinité et incarnation, II, 187
et les gopî, II, 229; III, 338-39,
et Râdhâ, III, 340; IV, 211
forme de K., 98; II, 227
historicité de K., 11,228-29
le Bleu, Nîla K., IV, 194
Lumière de K., III, 342; IV, 174, 189,190, 215
reconnaissance de la divinité de K., II, 205
Seigneur de l'Ânanda, de l'Amour et de la Bhakti, II, 187, 188
Kshara Pourousha, II, 71
L
Langues, études des 1., V, 230-31
et sâdhanâ, V, 217,230
Laya, 69-70
Lecture, et sâdhanâ, V, 214-29
incapacité de lire, IV, 252
Libération, IV, 235
dans l'Adwaïta, le Vishishtadwaïta et le Dwaita, II, 100
dans le bouddhisme et chez les mâyâvâdin (Shankara), 79
du sens corporel, IV, 326
état ressenti lorsque se produit la 1., IV, 323
et conscience cosmique, IV, 323
n'impose pas la disparition, 37
vitale, V, 22, 211, 219, 284, 285
v. aussi Moksha, Moukti
Liberté, et le déterminisme de la Nature, II, 284
et soumission, III, 111
Libre arbitre, dans la sâdhanâ, 111
et destin,II, 275
et déterminisme,II, 275, 280-82, 282-83
Lîlâ, 57
conception vishnouïte (jeu divin),
des gopî, II, 229-30
Littérature, deux éléments dans la technique, III, 226
et sâdhanâ, III, 40-41, 233; V, 219, 231
Logique, sa place, 58
Lotus, aux mille pétales, II, 158, 159, 165; IV, 257; V, 16
couleurs et nombre de pétales,II,
Lumière(s), 77; III, 342; IV, 159-60, 179, 182-84, 188-95; V, 106, 138-40
au-dehors, au-dedans, au-dessus, autour, IV, 184
clair de lune, IV, 189
dans les visions, les expériences et les réalisations, IV, 165-66
de Krishna, III, 342-43
de la conscience divine, III, 55-56
de la conscience supérieure et 1. spirituelle,II, 162
de la Mère, IV, 215
de la réalisation diffère de celle de la Descente, 116-17
de la Vérité divine, V, 64
descente de L.,V, 69, 97, 138
de Sri Aurobindo, IV, 189, 210, 215
du Soleil, IV, 191
en masse ou en forme,IV, 183
et couleur, IV, 187
étoilée, IV, 184
indique l'illumination de la conscience, IV, 183
indiquent l'action ou le
manifestation de diverses forces,
n'est pas une métaphore, 211
sont de toutes sortes, IV, 301
M
Magie, 252-53
ne fait pas partie du yoga, II, 293
noire, II, 294
v. aussi Occultisme
Mahâbhârata, et historicité de Krishna, II, 228
Mahâkâlî, et Kâlî, II, 185
force de M., V, 108
Mahas, II, 13-14
Mahâshiva, II, 187
Mahat, II, 121
Mahomet, II, 207
Maîtrise mentale, et maîtrise spirituelle, V, 246
et soumission à l'être supérieur au mental; IV, 114, 116
et transformation, IV, 117
sur les mouvements vitaux, V, 275
Maladie, et équanimité, III, 187
et la Force (spirituelle, de la Mère), 255-56
doit être expulsée et non gardée, V,300
force de m., II, 141
Manas, II, 117, 118
Manifestation, bases de la m. actuelle, II, 22
divine, II, 223-24
équilibre d'énergies, 37
essentielle et cosmique, 10
est une évolution spirituelle, III, 3
limitée par le pouvoir de conscience auquel elle appartient, 38
possibilités infinies, 35
Vérité de la m., 36-37
Manomaya Pourousha, II, 84; IV, 240
Mantra, III, 281-85 dans la sâdhanâ du yoga intégral, III, 282-83
et phénomène de la "double voix", IV, 276-77
répétition spontanée du m.,IV, 239
sa fonction, 281
Mariage, IV, 13, 57, 84-85
Massis, Henry, La défense de l'Occident, 151-57
Matérialisme, 5-6
spéculation philosophique, 242-43
tendance des hindous cultivés, 241
Matériel, monde, plan, univers, 249
Matière, n'existe pas, 263-64
pas réellement inconsciente, 262
Maya, 57-58
dans la philosophe de Shankara, 50-52
des Illusionnistes (Mâyâvâdin), 58-
Mâyâvâda, 60-62
McTaggart, John, III, 309-16
Médecine, et la Force, 255-56
Méditation, III, 38, 39, 253-85; IV, 170, 234; V, 215, 216
attitude juste en m., V, 252
comment se débarrasser des pensées, III, 265, 268
comme préparation et comme moyen de réalisation, III, 35-36
conditions favorables, intérieures et extérieures, III, 255
définition, III, 253-55
et centres de l'être, V, 63-64
et concentration, III, 43-44, 256
et lecture, dans la sâdhanâ, V,
et sommeil, III, 275-76; IV, 253, 254-55
objets ou idées de m., III, 254
posture de m., III, 261
sâdhanâ par la m., III, 253-85
sa place dans le yoga intégral,III, 27-46
se passe dans la tête,III, 38
Mémoire, affaiblissement de la m. dans la sâdhanâ, V, 132-33
des vies passées, II, 239, 242, 262, 265-66
subconsciente (passive),II, 156, 157
subliminale, II, 157
Mensonge, II, 175-76
où il commence, II, 180
Mental, II, 107-08
activité du m. et expérience, V,
calme, et m. vide, III, 156
centre du m. physique, IV, 273
centres du m., IV, 257
"clarté" du m., 211
comment se débarrasser de son activité, III, 45
conscience d'ignorance, 62
contient de nombreuses parties,
corporel, II, 115, 129
cosmique et m. individuel, IV, 336
deux fonctions du m. physique, II, 115
développement du m. dans la sâdhanâ,V, 214-20
essentiel et permanent, 55
et conscience, III, 212-13, 260-61
et corps, II, 109-10
et Esprit, II, 107-08
et habileté dans les œuvres, III,
et Supramental, 240-41; IV, 184
et vital (distinction), II, 106, 108
extériorisant, II, 112
fusion du vital avec le m. supérieur, V, 237
illuminé, V, 78
incapable de certitude ultime, 197-
intérieur. II, 111; IV, 259
intérieur, est très vaste, IV, 260
intérieur et m. extérieur (cerveau), IV, 232
intuitif, V, 81, 83
mécanique, II, 113,115,117; III, 269
mécanique, et fonctionnement de la conscience supérieure, V, 128
moindre, non égal ou supérieur au Divin, 199
nervosité du m. physique dans certaines expériences, IV, 271
ouverture au m. cosmique,IV, 336
pensant, II, 114, V, 186
pensant, capable de recevoir, V.181
pensant dynamique et extériorisant, II, 112
pensant, et m. physique, II, 114
pensant, m. vital et m. physique, V, 21
peut devenir un instrument de Vérité, 188
physique, II, 112-18,137-38,142;
et expérience,III, 144
et intuition, V, 213
influence du psychique sur le m. physique, V, 212
prédomine en Occident, V, 197
raisonnement du m. physique, V,209
résistance dans le m. physique, V,305
plus vaste, II, 111
principal souci du m., V, 199
psychique, V, 27
réalisation m. et réalisation
rejet de son "bourdonnement",III,
résistance du m., V, 27
silencieux, v. Silence spirituel, spiritualisé, II, 110-11;
supérieur, II, 111; IV, 196; V, 78
témoin, et m. actif, séparation, V, 198
toujours actif, III, 273
tranquille, 211; III, 119,153,154,
165,272-73,331; V, 65
transformation du m., V, 181-232
transformation du m., de la vie et du corps,113
triple: physique (matériel, corporel); vital (dynamique, nerveux); pur (pensée),II, 112-13
usage du terme "m." dans le yoga intégral, II, 105-06
vital, II, 113,116,122-27
vital et volonté raisonnante, II, 130
voie d'approche du Suprême, 76-77
v. aussi Centre(s)
Mère,85-86
aide de la M., IV, 83
comprendre l'attitude de la M.,III, 108; IV, 69
concentration sur la M. dans le cœur, III, 37
descente de la conscience de la M., 111,325
descente de la Force de la M., V,
descente et présence de la M.dans la conscience physique, V,266
émanations de la M., II, 177-78
et ouverture de l'être psychique,
et Râmprasâd, 102
expérience d'être une forme de la M.,V,87
expérience du contact avec la M., V, 60
Force de la M., III, 141; IV, 232; V,
Lumière de la M., IV, 215
ouverture à la M.,111,117-18
porter un problème à son attention,
Pouvoir de la M., IV, 225
Présence de la M. dans l'action,III,
Présence de la M. dans le cœur, III, 37,119
Présence de la M. et Présence
divine, III, 229
Présence de la M., seule expérience
nécessaire, IV, 313
Protection de la M., IV, 71-72,73
relation de M. à enfant dans le yoga
de la dévotion, III, 298
sa Force donne l'énergie nécessaire
au travail, III, 229-30
se donne dans la liberté, III, 294
souvenir constant de la M., V, 77
Suprême, 48
Métaphore, dans la description de l'expérience mystique, 210-11
Métaphysique, V, 227
et science, 238
européenne,183-87
Mitra, pouvoir psychologique, II, 185
Moi, 139; V, 90-93,125-27
aspect subjectif du Brahman, 139
conception occidentale, II, 88
cosmique, III, 9; IV, 336; V, 91,92, 126
définitions, IV, 321
et Esprit, V, 126
et Nature, II, 79; IV, 328-29,335
et plans supérieurs, V, 78
impersonnel, IV, 245-46
intuitif, V, 81
"propre moi" et vrai moi, II, 233
réalisation de toutes choses dans le Moi et de toutes choses comme le Moi, 134
réalisation du Moi, 115,116,139; II, 47-48
réalisation du M. et conscience cosmique, IV, 323-24
réalisation du M., un long processus, IV, 92
silencieux (statique, passif, pur), 64;V, 16,91,125
statique et dynamique, V, 91-92
Un en tous et multiple, II, 42
universel, et individualisé, IV, 321-
vide paisible et vaste, 77-78
Môksha. de l'Adwaïta et Nirvana bouddhiste, 74
v. aussi Libération, Moukti
Monde(s), accès immédiat de l'âme au m. psychique, II, 242-43
célestes, II, 28-29
dans la Guîtâ,84
gardiens du m. psychique,II, 245, 248
manifestation du Pouvoir divin,III, 3
matériel, et m. moins matériels, IV, 162-63
mental, v. Plan
n'est pas une illusion, 47
psychique, sans communication avec la terre, 11,266
psychique, lieu de repos de l'âme après la mort, II, 237-42
selon la Science et selon le Védânta, 254
subtils, IV, 269-70
typaux, non évolutifs, II, 181-84
vital, 7; IV, 272-73
vitaux, traversés après la mort, II, 240-42
v. aussi Univers
Monisme, européen, 40
védantique, 12
Montée, v. Ascension
Morale, et conventions, II, 213-14
et vie spirituelle, 169
expédient en attendant une lumière plus haute, II, 258
fait partie de la vie ordinaire, 161
transformation m. et transformation spirituelle, III, 83-84
Mort, II, 271-72; V, 166-78
attitude du chercheur spirituel devant la m. des proches, 271-72
est une force universelle, IV, 341
expériences internatales, II, 237-44
peur de la m., III, 149
Mots, et pensées, 206-07; V, 202
Moukti, IV, 235
v. aussi Libération, Môksha
Moûlâdhâra, II, 130,158,162-63,171-
Mouvement, cosmique et individuel, IV, 332
écrivain m. et penseur intellectuel, III, 309-10
similarité des expériences m., 222
N
Napoléon, II, 309-10,311
Nârada, II, 188
Nârâyana, IV, 207
Nation, divinité de la N., II, 227
Nature, amorale, II, 256-57
beauté extérieure de la N., 27
générale, source de notre action,II, 150-51
ordinaire, III, 9
physique, 93
résistance de la N. générale, V, 27
supérieure (divine, etc.) et inférieure (phénoménale, etc.), II, 43-44;III,9
transformation de la n., 93-94
universelle, IV, 254
universelle, source des pensées et des activités, IV, 295
Nerfs, V, 151
conduits nerveux, ascendants et descendants, V, 70
maladie nerveuse,V, 301
physiques et subtils,II, 143
Nigraha, V, 372
Nirgouna, et sagouna, 53-54
Nirvana, 55-56, 58-65,80,81-82;II, 16-17; V, 60
bouddhiste, 74
et yoga intégral, 70
expérience de Sri Aurobindo, 59-61
expérience du N., 78
motif de l'impulsion vers le N., II,
Nivédita, III, 63
Nom,et japa,III,283
et respirations, IV, 95
sensation sexuelle et japa du n., V,
Nombres, signification, II, 279; IV, 182
Non-violence, II, 304
v. aussi Ahimsa
Nourriture, III, 241; IV, 70,318-19 attitude juste à l'égard de la n., V, 16
Nouveauté, du message de Sri Aurobindo, 82-83,117-20,122-23
O
Obéissance, IV, 73,74-75,315
Objets, III, 246-50
paix, pureté, silence peuvent être ressentis dans les o., III, 167
physiques subtils, IV, 176
valeur des o. dans le yoga, III, 183
vus d'un autre plan de conscience, ou du dedans, IV, 269-70
Occident, dominé par le mental physique, V, 197
Occultisme, définition, 89-90
des pouvoirs adverses et des pouvoirs divins, II, 294
et yoga intégral, 89-92
faculté occulte peut être utile, IV,
fraternités ou sociétés occultes, 92
pouvoirs occultes et yoga,II, 291-96; IV, 120
tibétain, 252-53
v. aussi Magie
Odeur subtile, IV, 178,180; V, 41,43,
Œil, troisième œil,II, 167
Offrande, III, 111
des actions au Divin, IV, 246
de soi, 41,120
ÔM, III, 282
Omnipotence, II, 211
Ordre, dans le domaine matériel, III, 246-47
Orient-Occident, pensée philosophique, 185-86
Orientaux et occidentaux, leur aptitude au yoga, 61-67
Ouspensky, P.D.,185
contient en germe l'idée du supramental, 82
interpénétration des plans, 208
mentionne les plans supérieurs, 130
Ouverture, III, 117-21
à la conscience supérieure, non à tout ce qui vient, III, 121
à la Mère, III, 118
à l'influence divine, III, 117, 118,
complète, III, 120
conditions de l'o.p., V, 12-13
dans le travail, III, 222
définition, V, 57
de la nature vitale, III, 120
d'en haut, V, 60
d'en haut, et directe, V, 10
et consécration, V, 62
et descente du supramental, IV,
et élimination de l'ego, V, 340
et pouvoir de vision, IV, 153
et soumission, III, 116-17
et expérience, IV, 101
psychique, III, 155; V, 3, 4, 6, 9, 15, 24, 30-31, 51, 92, 321
son but, III, 117
suivie de fermeture apparente, V, 67-68
véritable o. psychique et o.
vers le dedans et vers le haut, V, 89-90
vers le haut, et o. psychique,
P
Paix, III, 6, 162-63, 166-67, 168-73, 175-82, 331; V, 272
aide à la pureté, III, 164
dans la vie du monde, IV, 82
dans les cellules, V, 130
dans l'être intérieur et dans les parties extérieures, III, 170
dans le physique, V, 130
dans le yoga, IV, 254
descente de p., III, 172, 181; V, 6, 97, 102, 114, 121-32
du Brahman, du Moi ou du Divin, V,60
et Ânanda, III, 163
et calme, III, 162
et calme, tranquillité, silence (définitions), III, 161
et chutes de conscience, IV, 136
et expérience du Moi, V, 125
et patience, III, 164
mentale, vitale, et p. de la nature physique, III, 166
passive, III, 166
stable, III, 168-70
vient du Silence, III, 167
Panthéisme, II, 30
Paradis, 99, 156-57; II, 242
mondes paradisiaques, II, 28-29
vital, II, 182-84
v. aussi Royaume
Paramahamsa, 113, 114
Paramâtman, II, 81
Parâshakti, et Pouroushottama, 48
Parole, contrôle de la p., 158
et échanges vitaux, IV, 41
et vraie connaissance, III, 174
parler des expériences, IV, 147-49
parler mentalement à quelqu'un,
théorie tantrique de la p., II, 170
une partie de l'être parle à une autre, IV, 258
vérité en p., III, 172; V, 259
Passé, visions concernant le p., IV, 170
Passivité, à la conscience supérieure
du mental à la seule Vérité, III,
Pâtanjali. 123
Patience, III, 58, 140-43, 149
et paix, III, 164
Pauvreté, II, 306
Pensée(s), V, 197-202
absence de p., IV, 235-36; V, 195-96
cessation des p., V, 105
effet sur les autres, IV, 45-46
et intuition, V, 200
et mots, 207; V, 202
et plans supérieurs, II, 116-17
et réalisation, V, 205
intellectuelle, et celle qui est une expérience, 206-07
maîtrise de la p., V, 197-98
ne donne pas la connaissance,V, 80
philosophique en Orient et en Occident, 185-86
viennent de l'extérieur, du Mental universel, etc., IV, 260, 295; V, 198
Pensée Paraclet La, poème, V, 80
Penseur, et mystique, III, 309-10
Pères, II, 249
Perfection, III, 60
ce qui est nécessaire à la p., III,
Permanent, 31; III, 129
Persévérance, III, 140, 143, 145, 149
Personnalité, complexe, II, 85, 264
et renaissance, II, 260, 261
formation temporaire, 155-56
multiple, II, 110
Personnel, Divin p., 23; II, 32-33
Divin p. avec forme et sans forme, II, 11-12
Personnel et Impersonnel, 96, 127; II, 32-33;III, 129, 324; IV, 339
Peur, III, 56;IV, 268, 274; V, 71, 72, 120, 388
dans le subconscient, II, 156
de la mort, III, 149
Philanthropie, 174-75; III, 30, 31
Philosophie, étude de la p. et sâdhanâ, V, 225-26
occidentale et orientale, 185-86
Photographies, contiennent une
expression de la conscience, II,89
peuvent être un moyen de contact, III, 317
Physique, conscience p. habituellement agnostique, 128
dépend du vital, II, 136
descente de la conscience supérieure dans le p., V, 155-56
et descente supramentale,V, 164-
et travail, III, 207
mental, vital, matériel,II, 142
nature p., 93
p. psychique, V, 27, 28
résistance du p., V, 27
subtil, II, 28
transformation p. n'était pas le but de Krishna, Bouddha, etc., 111
vital, V, 151-52
v. aussi Conscience
Physique (science), 235-36; II, 280-82
Physique-vital, II, 134-35, 139, 142
Pishâtcha, II, 176, 190-91
Pitri, II, 249
Pitriyana, II, 249
Plan(s), astral, 91
chaque p. est un monde, II, 26-27
de l'Ânanda, 24
de l'Intuition, V, 78, 81, 82-83
vivre dans le p. de l'Intuition, V, 82
nature de la connaissance dans le p. de l'Intuition, V, 84
expérience sur divers p., III, 6
expériences sur le p. mental, V, 247
expériences sur le p. vital, III, 127; IV, 273, 274; V, 248-49
interpénétration des p., 207
mental, II, 24-25; IV, 327
physique et vital, II, 28
rencontres sur le p. vital,IV, 271
rêves du p. vital, IV, 172
supérieurs (au-dessus de la tête), V, 53-88
supérieurs, et connaissance,II, 116-17
supraphysiques, peuvent être atteints sans supramentalisation, 11-12
vital, II, 24-25
vital, partiellement concerné par l'existence terrestre, II, 27
vital supérieur, IV, 327
Planck, Max, II, 280-82
Plantes, II, 313-14
l'âme des p., II, 73, 75
v. aussi Fleurs
Plasticité, et résistance, II, 129
intérieure, V, 29-31
Plotin, III, 62
Poème, expression de vision et d'expérience, II, 183
v. aussi "Les Cieux de la Vie", "Ahanâ"
Poésie, et sâdhanâ,III, 40, 282; V, 214, 251
force yoguique et pouvoir poétique, littéraire,II, 293
technique de la p.,III, 226
v. aussi Inspiration
Politique, et yoga, IV, 63-65
Possession, par des forces hostiles ou vitales, 277-278
Possibilités, dans le domaine de l'Esprit et dans la vie, V, 186-87
Pourâna, II, 228-29
et les dix Avatar,II, 200-02
Pourna Yoga, v. Yoga intégral
Pourousha, Chaitya P.,II, 69
conscience du P., II, 66
donneur de sanction, Anoumanta Pourousha, IV, 245
en Prakriti, II, 71
et centre du cœur, II, 69
et décision, II, 283
et divinité, II, 186
impersonnel, se fait une personnalité de surface,IV, 241
individuel, IV, 330
maître, IV, 241, 248
Manomaya P., II, 84
mental, II, 64; V, 198
Prânamaya P., IV, 240
témoin, III, 221; IV, 241, 242,
244, 246, 247; V, 95
triple P. inférieur, II, 64
vital, II, 64
Pourousha et Prakriti, II, 63, 65-66,
dans l'activité mentale, V, 220
et libération dans l'action, III, 210-12
se débarrasser de la pensée, III, 265-66
séparation de P. et P., III, 27, 39,
198; IV, 240; V, 95
Pouroushottama, conscience du P.,
Pouvoir(s), définitions, V, 136, 137
descente de p.-, V, 97
descente de P. divins, V, 16
divin, III, 93; IV, 224-25
divins, sont faits pour être utilisés, II, 291
emploi du terme p. dans "La Mère",II, 176
et bonheur, V, 242
Prajna, II, 29, note; V, 159
Prakriti, III, 211; V, 352
double: supérieure (parâprakriti)
et la Mère, II, 65-66
et Shakti, II, 66-67; IV, 331
universelle, II, 104
Prânapratisthâ, III, 317
Prânâyâma, III, 77, 283
Présence, V, 24, 49
de la Mère, III, 319
de la Mère, dans l'Ashram et au-dehors, IV, 81
de la Mère, seule expérience nécessaire, IV, 313
divine,II, 179;III, 182, 219, 319-20
sens subjectif de la P., IV, 163
sentiment de la P. dans le travail, III, 219
sentiment de la P. de la Mère dans l'action, III, 158
Pression, de la descente de la Force,
V, 105-13, 143
Prière, III, 37, 78; IV, 119; V, 251-
pour les autres, IV, 37
Primitif, notion du temps chez l'homme p., II, 306-07
Progrès, 176-77
ne dépend pas des circonstances extérieures, III, 171-72
première condition du p., III,
Propagande, pour le yoga, IV, 65
Prophéties, II, 275, 277-78
Protection, de la Mère, IV, 71-72,
Psychanalyse, V, 246
Psychique, emploi du terme "p.", II,
61-62, 70, 72-73, 75-76
entité p., II, 67-83
expérience p., II, 128
mental, II, 110-11
monde p., v. Monde(s) sentiment p., II, 69
v. aussi Être psychique, Transformation Psychologie, V, 227
moderne, occidentale, 260;II, 106-07
selon saint Augustin, II, 106-10
Pureté, III, 164-65
divine, III, 165
vient d'un contact de la conscience supérieure, V, 147
Purification, III, 84
de l'Âdhâr, IV, 104-05
du cœur, IV, 119-21
et expérience,IV, 100-01, 102-03, 104, 120, 124-25
et réalisation, IV, 123
par l'effort personnel et par l'intervention de la Grâce, III, 103-04
par le travail, III, 37
Q
Querelles, IV, 29-30
et vraie Connaissance, V, 205, 206
R
Râdhâ, 202; III, 340
culte de R.-Krishna,III, 340
et Krishna (symbole), IV, 211
Radjas, difficultés de r., 168
et tapas, IV, 144
Raison, des hommes politiques et des intellectuels, 180
et foi, 192-94
et intuition, 219
n'est pas infaillible et universelle, 192
pure, V, 187
Râkshasa, II, 176, 190-92
Rama, II, 212, 221
et la conscience de l'Avatar,II, 219, 220, 221
Râmakrishna, II, 207
et la transformation, 111
son yoga, 104
Râmatirtha, 139
Râmdas, Swâmi,III, 342
Râmprasâd, 102
Rasa, dans le travail,III, 227
du Divin, V, 98-99
Ravissement, de la réalisation du
Brahman, 204
émerge dans l'évolution, 53
Réalisation, III, 72; IV, 98-99
concrète, IV, 91-92
définition, IV, 89, 99
de l'Impersonnel, 127
"divine", spirituelle, 112
du Moi, III, 155; V, 48-49, 61
v. aussi Moi
du yoga de la Connaissance, 139
et expérience, IV, 89,91-92, 98-99, 100
et idées sur la réalisation, V, 205
et purification, IV, 123
et service, III, 202
et vision, IV, 166
mentale, 262
mentale, et spirituelle, IV, 111
mentale, prépare l'expérience spirituelle, IV, 111,112
mentale-spirituelle, 112; III, 5
ne peut se produire avant l'éveil de l'être intérieur, IV, 231
n'est pas la même chose que la Descente, 116-17
ne transforme pas forcément l'être, 116-17
peut exister sur n'importe quel plan, 21-22
spirituelle, deux formes opposées,
supramentale et spirituelle, 112
Réalisme, nécessaire sur le sentier, 179
Réalité, n'est pas froide, sèche et vide, 204
n'est pas liée par nirgouna et sagouna, 53-54
Réceptivité, III, 223
et conscience, V, 322
et r. mentale, V, 25
Recherche du Divin, pour ce que l'on peut en obtenir, III, 11
pour l'Ânanda. III, 11-16
pour Lui-Même,III, 13-15
Règles, IV, 68-76
ne s'appliquent pas à tous de la même manière, IV, 70
Réincarnation, v. Renaissance
Rejet, 114,148-49, 167;III, 78; V, 142
et refoulement, V, 367, 371-372
v. aussi Subconscient
Relations humaines, IV, 3-51
entre homme et femme, IV, 18,19,
hors du cercle des sâdhak, IV, 5
"spirituelles" ou "psychiques",III, 65
vitales, IV, 12
vraies, IV, 12
Relativité, théorie de la r., 248
Religion(s), changer de r., 164-65 et science, 242
imperfection des r., 163
inadaptation des r., II, 233-34
vie religieuse, vie ordinaire et vie spirituelle, 162-63
Remémoration, du Divin dans le Yoga
Renaissance, 53;II, 237-72
but de la r., II, 74
en un corps animal,II, 252, 253
époque où l'âme entre dans un nouveau corps, II, 246
et notions de récompense et de
et personnalité,II, 260,261
mémoire des vies passées,II, 238-39, 242, 262, 266
passage d'un sexe à l'autre,II, 246,
Résistance, à la descente de la conscience supérieure, etc., II, 129; V,99,111,118-19,153
de la Nature générale (universelle), V,27
du mental, V, 27
du physique, V,27
du vital, V, 27
passive, n'est pas une vérité universelle, II,304
Résolution, III, 81,141
dans le travail, III, 248
Retraite, 226-27; IV, 310-12
de Râmakrishna, 104
et danger de la zone intermédiaire, IV, 310
et fréquentation des autres, IV, 38-
impulsion à faire r., IV, 310-11
Révélation. V, 81
Rêves, II, 148,152, 154; IV, 262-63
du plan vital, IV, 172
et retour des mouvements rejetés, IV, 236; V, 276
expériences en rêve, IV, 96-97,263,
subconscients, IV, 262-63
Rishi, 115,121-22,131
et supramental, 120
Royaume, de Dieu, des Cieux, 99, 156-57
Russie, 246-47
Rythmes, IV, 335
S
Sacrifice, II, 299-302; III, 21
de la connaissance, II, 300-01
du Pourousha (le grand Sacrifice), 36
mental, et spirituel, II, 301-02
Sâdhak, attitude complète du s., IV,
et yogi, IV, 89-90
Sâdhanâ, action divine et tapasyâ
dans la s., III, 99-100
avec le psychique au premier plan, V,24
conditions parfaites pour la s., III, 173
connaissance mentale de la s. n'est pas indispensable, III, 323
dans la conscience physique, IV, 133
dans l'Ashram et dans le monde,
définition, III, 46
du Yoga intégral, III, 3-4
égocentrisme dans la s., V, 334-36
et lecture, développement mental, V, 214-32
et poésie, littérature, etc., III, 40, 41; V, 214,251
faite par le Divin, III, 105
fluctuations dans la s., IV, 127-38
fondation de la s., III, 151-89
hors de l'Ashram, IV, 81-83
mentale, et avec l'ouverture
mouvements erronés dans la s., V, 276-77
par l'amour et la dévotion, III, 289-
par la méditation, III, 251-85
parle travail, III, 27-43,191-250
périodes de vide dans la s., III, 54, 78, 79; IV, 236-37; V, 68
pour soi-même, et pour le Divin, IV, 62
sur le plan mental et sur le plan vital, V, 248
stade auquel l'être intérieur commence à s'éveiller, IV, 236-37
systématique, intensive, III, 197,
trois étapes,V, 145-46
trois règles de s., IV, 292-94
Sagouna, et nirgouna, 53-54
Saint Augustin, II, 106-10
Saint-Paul, V, 176
Samâdhi, III, 7,276-81; IV, 224,251,
état de rêve, IV, 96
et expériences à l'état de veille, V,
Nirvikalpa S.,265,276,277
Samatâ. III, 184-89
et ego,V, 332
et fonctionnement de la Force,III,
et indifférence, III, 188
et principe mental d'égalité, IV,
Sâmkhya, et Védanta, 87
Samskâra, II, 144-45
Sannyâsa, 169
Sans-forme, représentation
intellectuelle, 204
Sat, et McTaggart, 77
Satchidânanda, II, 12
et supramental,II, 8-11
expérience du S.,II, 110-11
réalisation du S. dans le travail, III,
réalisation du S. statique et dynamique, V, 82
Un sous un triple aspect, II, 8-12
Sattwa, 168
développement de s., IV, 259
difficultés de l'homme sattwique, 169
Scepticisme, 8
Science, 221-70
et métaphysique, 238-39
et procédés, 230-31,241.243
et religion, 243
et spiritualité, 240-41
étude de la s. et sâdhanâ, V, 227
et Vérité, 221-22
l'univers selon la Science, 254
Sens, dans l'état de libération, IV, 323
intérieur (subtil, psychique), IV, 179,180
leur activité vraie, III, 186
ouverture des s. au Divin,IV, 335
Sensibilité, V, 359-60
Sentiment(s), et expériences, IV, 90-
Sentimentalité, III, 323; V, 283
Service, définition,III, 201-02
et réalisation, tous deux nécessaires, 111,202
Sexe, attitude juste à l'égard du s., IV,
centre sexuel,II, 172
dans la renaissance,II, 246,254-55
et Avatar, II, 224
et culte de Râdhâ-Krishna, III, 340.
et relations entre homme et femme, IV, 19-20
sensations sexuelles dans la sâdhanâ, 147-48,157
transformation des énergies matérielles, IV, 173-74
Shakespeare, II, 310,311
Shakti, chez les Tantriques, et Shankara, 47
de l'Avidyâ (Prakriti inférieure), II,
descente de S., III, 145
et Prakriti, IV, 331
Para Shakti et Pouroushottama, 48
toutes choses en proviennent, 254
Yoga S., V, 73
Shama, V, 157
et tamas, V, 131-33
Shankara, 64-66
connaissance de S. n'est qu'un côté de la vérité, 47
explication de l'univers, 50-52
philosophie, 50-52
Shânti, et Ânanda, III, 163
v. aussi Paix
Shiva, II, 186,187; V, 28-29
Shrâddha, II, 237-38
Siddhi, et expérience, IV, 89
Silence, III, 161,162,167,168; V,
absolu et fondamental, III, 167,168
absolu, n'est pas indispensable, III,
complet, V, 195-96
de la grande paix, IV, 325
descente du s., 128;III, 271-72; V, 124,125,127,130
en transe et dans la veille, IV, 252
établi, III, 169
et expériences, IV, 232
et intuition concernant le travail,
et tranquillité, III, 154,155-56
et tranquillité, calme, paix (définitions), III, 161
et transformation supramentale,
expérience de Sri Aurobindo, 150
intérieur, et activité, 125
mental, III, 153,154,161-62,167,
mental, et action, V, 195-96
ne doit pas engendrer la lassitude,
n'est pas vraiment vide, IV, 142
obstacles au silence, 228
passif et actif, III, 167
peut persister quand l'état neutre a disparu, IV, 145
Simplicité, IV, 113
Sincérité, III, 56-57,67-71,126; V, 41-42
centrale, III, 70,142-43
centrale et totale, 113; III, 67
et purification du cœur, IV, 121
indispensable, III, 58
Singe, attitude du "petit singe", III,
Socrate, II, 282-83
Solitude, IV, 16
Sommeil, IV, 262
aspiration durant le s., IV, 253
conscience dans le s., IV, 255
d'expérience, IV, 263
et samâdhi, IV, 96,146,251,252, 253
éveil de l'être intérieur durant le s., IV, 262
obstacle à la méditation,III, 275, 276; IV, 255-56
survivance d'habitudes perverses dans le s., IV, 115
transformer le s. en samâdhi, IV, 146
Sons, subtils, entendus dans la
Sorley, Prof., 205,209,212
Soufisme, III, 10
Souffrance, causes et cessation, II, 246-47
quelque chose dans le vital aime la s., V, 314, 316,317
qui est responsable de la s., II, 315
v. aussi Énigme de ce monde, L'
Soumission, III, 92, 97-117,195
v. aussi Consécration
Soushoupti, II, 23
et supramental, V, 159
Sous-mental, II, 158
Souvenir, constant de la Mère, V, 77
Spiritisme, 236-37, 239;II, 266-69, 297-98
Spiritualisation, définition, 125-26
et transmutation psychique, V, 5
Spiritualité, au-dessus des dualités,
111,58
définition, IV, 89
et science, 240-41
toute-connaissance, 22
vient par l'ouverture au Divin du mental, du vital et du physique, 6-7
Spirituel, définition, 90
et supramental, 21
Sri Aurobindo, et l'expérience
expériences et réalisations, V, 199
La Synthèse des yogas, III, 84
message de S. A., 82-83; III, 2-3
son enseignement, public ou aux sâdhak,261
vie et yoga de S. A., 143-44
Subconscient, II, 144-48; IV, 115
action des forces universelles à travers le s., IV, 340
et conscience environnante, II, 98
et habitudes, II, 144-45
et réapparition de ce qui a été rejeté, II, 148,149,151-52,154; V.276
et subliminal, II, 145
et supraconscient, II, 148
n'a pas de centre, II, 172
n'est pas transporté par l'âme d'une vie à l'autre, II, 262
rêves, II, 148,152,154; V, 276
siège du s., II, 149
Subliminal, et subconscient, II, 145
peut faire des choses impossibles au physique, IV, 272
Substance, V, 130
de l'Esprit, IV, 321
Superstition, 266-70
Supraconscient, II, 148
Supracosmique, et supramental, II, 12
Supramental, 7,14-15,22,77; II, 21-
base du S., calme absolu, 109
base du S., unification, 95-96
conscience s., 96
création s., 20,96; V, 264-66
définition, II, 12-13, 30-31
descente du S., 17,120
descente du S. dans le physique,V, 164
descente inévitable, 9
descente nécessaire pour que la transformation soit complète, V, 45
description, mentale, II, 33-34
et conscience supérieure, V, 84
et descente vitale, 7
et évolution, 1-43
et immortalité, V, 169
et Royaume des Cieux, 156-57
et Satchidânanda, II, 8-11
et spirituel, 21
et supracosmique, II, 12
et surmental, II, 10, 22, 30-31, 34-35, 37-38; IV, 339; V, 84,85,88
et vie terrestre, 17
êtres supramentaux, 11
n'est pas grandiose, lointain, 107
s'établira d'abord dans les
transformation s., 21; V, 5,158-78
Véda et Oupanishad, 82,121-122
Supramentalisation, 11-12,111-12; III, 7-8; V, 164-65
et immortalité, V, 166,170-72
principe. 11, 13,17
ses effets sur l'individu, 108
stade ultime (siddhi), 23-24
Suprême, aspects statique et dynamique, 47
Surhomme, II, 283
l'objectif du yoga intégral n'est pas de devenir uns., III, 1,2
Surmental, 22;II, 13-15, 22-24,30-38; IV, 287; V, 4, 78, 83-88
descente du s. et transformation supramentale, V, 85
divers plans du S., II, 35-36
et conscience cosmique, II, 34; IV, 319
et supramental, 22-23;II, 10,21-22, 30-31, 34-35, 37-38; V, 84, 88-89
expérience concrète dans le s-, V,
expérience et influence du s., V, 86
principe du S., 42
Surmentalisation, V, 165
Surmoi, 134
Symbole(s), IV, 195-200
dans la description de l'expérience spirituelle, 210
définition, IV, 181-82
dynamique et représentatif, IV, 174
vus couramment dans la sâdhanâ,
Systèmes, métaphysiques, 183
T
Taïdjasa, II, 29
Tamas, IV, 136
et ego,V, 346
et shama (paix divine),IV, 144; V, 131,133
Tanmâtrâs, II, 121
Tantra, et Védânta, 47,86,87
et yoga intégral, 87-89; V, 70
théorie de la parole, II, 170
Tao, 74; II, 3
Tapas, et radjas, IV, 144
Tapasyâ, III, 127-28; V, 89
définition, III, 46,109
et action divine, III, 99
et consécration, III, 108,109,127-
pas toujours nécessaire,III, 139
Tapoloka, II, 24
Témoin, attitude du t., IV, 236-37, 247,329;V, 193,198-99,220
étape nécessaire, IV, 242
et soumission, IV, 242
Pourousha t., IV, 241, 244-45,246
Temps absence de t. dans le silence du moi, V, 61
et Espace, 264-65
et prédiction de l'avenir, 239
sens du t., II, 306-08
Terre, base des mondes, 208
champ du progrès, 12
conscience terrestre, 19
lieu de l'évolution, 12,19,80;II, 183; IV, 338; V, 44-45
Tibet, et occultisme, 253
Yoga tibétain et doctrines secrètes (W.Evans-Wentz), 79-81
"Tirer" la Force, III, 75-76
et aspirer, III, 74
Tranquillité, III, 154-62,172; V, 105, 106,144
et calme, paix, silence (définitions),
et expérience, IV, 101-02
mentale, 209,211; IV, 183
nécessaire pour recevoir le Pouvoir divin, III, 223
Transcendant, Divin t., III, 9-10
et Divin cosmique,III, 88-89
Transe, III, 278-79
conscience en t., V, 56
de rêve, et soushoupti, IV, 96
du médium, III, 278
et yoga intégral, V, 59
réalisation en t. et en état de veille, III, 279
v. aussi Samâdhi
Transformation, 12;III, 23
dans le yoga intégral et chez un écrivain chrétien, 151-57
définition, 116-18,136-37; V, 65
de la nature inférieure (mental, vital et corps), 113; II, 59,62
de la nature physique, 93-94
de l'être extérieur, V, 304
deux t. dans le yoga intégral,III,
différents états, 113
du corps,V, 172-78
du mental, V, 181-232
du vital, V, 235-392
et expérience spirituelle, 21
et intériorisation, IV, 227
et maîtrise de la mort, V, 171
et silence mental, III, 223-24
-et vision, IV, 166
intégrale, 151
ne peut être faite individuellement, 16
personnelle, et forces hostiles,II,
physique n'était pas le but de Krishna, Bouddha, Shankara, Râmakrishna, 111
prend toujours du temps, III, 72
psychique, III, 258,325; V, 3-44
et t. spirituelle, V, 6
trois éléments de la t. p., V, 4
se fait à la surface, IV, 230
spirituelle, III, 259; V, 5
et T. morale, III, 83-84
n'est pas facile, 143
supramentale, conditions principales, III, 60-61
triple t. (physique, spirituelle et
supramentale), 113,135-36; V, 3-178
Transmutation psychique, et amour vital, V, 34
et spiritualisation, V, 5
Trâtak,IV,161,177
Travail, III, 27-43,191-250
absorption dans le t., 215,216
aussi important que l'expérience,
bonheur dans le t., V, 243
dans la vie ordinaire et dans le yoga, III, 193-94
définition, III, 30-31,202
del'Ashram, IV, 55, 59-63
en tant qu'entraînement au yoga intégral, IV, 289-90
erreurs dans le t., 234-35, 236,238
esprit dans lequel le t. est fait, III, 195, 204, 205; IV, 290
état idéal pour le t., III, 224-25
et défauts de la nature extérieure,
et fatigue, III, 230-32
et la Force, III, 226,229-30
et le mental silencieux, V, 195
et utilité, IV, 62
habileté dans le t., 235
inspiration dans le t., 228
maintenir la paix, le silence, etc. pendant le t., III, 179
mental, et sâdhanâ, V, 214,220
motifs ordinaires et motifs psychiques ou spirituels, III, 193
nécessaire à l'équilibre, III, 238
organisé, et règles, IV, 73
ouverture à la Mère dans le t.,III, 95
pour le Divin, III, 31-32
religieux, III, 199
sâdhanâ par le t., III, 27-43,191-250
se fait toujours mieux dans le
se souvenir pendant le t., III, 43
stimulé par le vital, V, 144
tension dans le t., III, 230-31,233
valeur du t., III, 204-05
Tristesse, psychique, V, 18,28,35,36,
U
Un, des bouddhistes, 75
et Multiples, 39-40,52, 265; II, 43
silencieux et dynamique, 48
Union, III, 318-19
complète, but final du yoga intégral, III, 7
Unité, 266
de l'Infini, non limité à son u., 52
n'a pas besoin de s'exprimer, III, 304-05
réalisation de l'u. et expression de l'amour pour tous, III, 305-06
sens mental ou vital de l'u., et sa réalisation spirituelle, IV, 112
univers, 77; III, 3
harmonie de l'u., IV, 334, 335
matériel, II, 249
selon la science et selon le Védânta, 254
selon Shankara, 50-52
Universel, et cosmique, II, 100
Universalisation, II, 102
Vaïkountha, II, 16
Vaïragya, 165-68
sâttwique, III, 299
tâmasique, râdjasique. III, 334
vital, 63
Vampirisme, II, 76; IV, 48
Vanité, II, 312; III, 59; V, 257. 352
Varouna, pouvoir psychologique,II, 186
Vâyou, pouvoir psychologique, II, 186
Véda, divinités du V., 131
Inde védique, 1-3
Védânta, expérience védântique, 142-
Vérité, aucune n'est complète au-dessous de la v. supramentale, 22
râdjasique. III, 126
cosmique,II, 105
en paroles et en pensée, III, 172
et science, 222-23
réalisation de la V. suprême, III, 182
supramentale, III, 28
Vertu, et grandeur, II, 310-12
et péché, III, 59
et vice, II, 310-11
Vibhôuti, II, 200,206
n'a pas plus de connaissance qu'il n'est nécessaire à son œuvre, II, 210
Vice, et grandeur, II, 310-12 et vertu, II, 310-11
Vide, IV, 138-47
Vie, comme moyen de la sâdhanâ, IV,
cosmique, 337
définition, V, 238
essentielle et permanente, 55
est une ignorance, non une illusion, IV, 60
et âme, II, 82
incapacité à réussir dans la v., V, 279-80
lassitude à l'égard de la v. et des plaisirs, V, 173
ordinaire, spirituelle et religieuse, 161-62
ordinaire, et yoguique, 172-73
organisation d'une v. humaine, 170-71
origine de la v., 249
signification de la v., II, 278; III, 3
spirituelle, 163; II, 249
spirituelle, et visions, IV, 154
spirituelle, familiale et sociale, IV,
travail dans la v., 193
vitale, égoïste, 99-101
vue comme un jeu de possibles, V,
Vie Divine, La, 52,145
Vigilance, III, 122
Vigueur, définition, V, 137
descente de v.,V, 122
sans ego, V, 364
Vijnâna, V, 158
et bouddhi,II,40
Violence, V, 387
Viraha, III, 326, 337
Virât, II, 29-30; V, 158
Vishnou,II,186
dix incarnations de V., II,
pouvoir psychologique, II, 186
Vishnouïte, bhakti, 102-03
religion, 97-99,101-03
yoga,151
Vision(s), IV, 153-220
cosmique, IV, 167
des parties internes du corps, IV,
divers genres de v., III, 318-19
en transe et à l'état de veille, IV, 168
et descente de la conscience supérieure, IV, 166
et expériences, IV, 165-66
et hallucinations, IV, 156,160
et réalisation, IV, 165-66
et transformation, IV, 166
et vie spirituelle, IV, 154
importance de la faculté de v.,IV,
intérieure, IV, 167-71,234,236
mentale(s),IV,167
physique subtile, IV, 176-77
signes de l'ouverture du pouvoir de v., IV, 160-61
subjectives, peuvent être aussi
supraphysique, III, 52
sur les plans du vital, IV, 172
une aide dans la sâdhanâ, IV, 267
utilité des v., IV, 157,158-59
valeur du pouvoir de v., IV, 154-56
Vital, II, 122-36; V, 235-392
aspiration du v, inférieur, V, 278
bon instrument et mauvais maître, V.240
central, IV, 256
consécration du v., III, 114
consécration du v. dans l'action,
défauts du v. inférieur, V, 297
détermine d'ordinaire les actions et les choix des hommes, III, 22
divin, 106
doit acquérir la paix parfaite, IV, 47
doit être constamment maîtrisé,IV, 281
échanges vitaux, II, 288; IV, 41,48, 49,50
échanges vitaux et vampirisme, IV,
émergence du v. vrai, V, 23
émotif, II, 122; IV, 257
et amour pour le Divin, III, 68,
et mental, distinction, II, 106
et montées et descentes, V, 236-37
être émotif et v. supérieur,II, 127-
êtres du v., 91-92
Être v.,v. Être
et soumission, III, 114
exacerbation et répétition des mouvements faux, V, 292-303
fonctions et nature du v., II, 108-09
forces vitales, pouvoirs vitaux, 91-
fort et faible, II, 133
habitudes du v. physique, V, 378-79
indispensable à l'action divine ou spirituelle, IV, 8
inférieur,II, 122; IV, 256; V, 254-
inférieur, et paix stable,III, 169
mental, II, 122
monde v., 5-7
mouvements supérieurs du v., IV,
moyen et supérieur, II, 112
nécessaire à la sâdhanâ, II, 136
nécessaire à n'importe quel travail,
ne doit pas être anéanti mais transformé, IV, 71
nettoyage du v. et paix, III, 175-76
non-coopération du v. dans la sâdhanâ, V, 249-53
périodes d'aridité, V, 252,253-54
petites habitudes du v. inférieur, V.,378
petits égoïsmes du v. inférieur, V,
physique, V, 241,242,278-79
physique et matériel, II, 134-35
plan v.,v. Plan
plein de goûts et de dégoûts, IV,
psychique, V, 27-28
quelque chose dans le v. aime la souffrance, V, 314, 316, 317
résistance du v., 148; IV, 253
révolte et opposition du v., V,305
s'approprie l'amour, la beauté, l'Ananda, V, 196-97
s'élève au-dessus de la tête, V, 58-59
tendance du v. inférieur au découragement, V, 310
transformation du v., 102; V, 235-392
trois obstacles à surmonter dans le
universel, et pouvoir, IV, 337
v. de surface et v. vrai, IV, 256
vivre dans le v., V, 244-45
vrai,III, 76; V, 238,239,240
Vivékânanda, 175-76;II, 206; III, 136
Vivisection, II, 304-06
Voix, IV, 218,302,307, 309
de l'âme (du psychique), III, 52-53
intérieures, IV, 179,180
utiles quand elles sont vraies,IV, 153
Volonté, cosmique, II, 104; III, 88-89
divine, 23,203; III, 220
et aspiration, III, 74
et destin, II, 275
immuable, III, 90
raisonnante, II, 130
Volonté-Connaissance, IV, 331; V, 83, 85
Vrindâvan,II,229
W
Woolf, Léonard, 216-17
Wordsworth, William, son expérience, IV,111
Y
Yoga(s), anciens, III, 6,28-29
chute hors du sentier, II, 285
dangers du y., III, 127
définition, V, 73
de la connaissance, 134,139
des œuvres, III, 29-30,30-31,195-97; IV, 59-60
deux voies du y. des œuvres, III,
et Koundalinî, 87-88; IV, 224
et occultisme, 89-92
et Védânta, 87
expérience yoguique partout similaire, 222
force du y. concrète, 254-59
force yoguique et pouvoir poétique,
musulman, III, 10
n'est pas une question d'idées, 188
orienté vers Dieu, non l'homme,
principe du y. des œuvres, III, 206
vishnouïte, 151; III, 337
Yoga intégral, aptitude au y.i., V.270
base du y.i., 82-83; III, 38,153-89
but du y.i., 16, 50,132-33;II, 50-51; III, 1-23,49-50, 69; IV, 3
don de soi et bhakti, base du y.i.,
et Adwaïta, V, 95
et autres sentiers, 47-157
et bhakti vishnouïte, III, 337
et Gourou, III, 128-31; IV, 288-89
et Koundalinî, V, 70-71
et Tantra,87-89;V,70
méthode du y. i.,221; III, 119,177; V,71,159-60
nouveauté du y. i., 83,118-20;III,
pas d'initiation, IV, 58
peu sont capables de satisfaire ses
place de la méditation, de la bhakti,
première nécessité du y.i, III, 153
principe du y.i., 5; m, 7-8,118; IV,
processus central, V, 89-98
réalisations fondamentales, V, 3
relations humaines et y.i., IV, 3-50
sâdhanâ du y.i., III, 3-4;IV, 116-17
technique d'un y. qui change le monde, 14; IV, 59-60
Yoga-Shakti, V, 74
Yogi, et sâdhak, IV, 89-90
Z
Zone intermédiaire, IV, 259,276,282-90,298-302
définition, IV, 298,299
simulacres d'expériences, IV, 308-09
y passer n'est pas obligatoire,IV,
Première édition: 1990
Mépriser l'être physique ne sert à rien : il a été voulu dans la manifestation.
La raison en est qu'au cours de la sâdhanâ, votre conscience est entrée en contact avec la nature physique inférieure et la voit maintenant telle qu'elle est lorsqu'elle n'est ni réprimée, ni maîtrisée par le mental, le psychique ou la force spirituelle. À l'état brut, cette nature est pleine de désirs obscurs et bas, c'est la partie la plus animale de l'être humain. Il faut entrer en contact avec elle pour en connaître le contenu et le transformer. La plupart des sâdhak de la vieille école se contentent de s'élever dans les régions spirituelles ou psychiques en abandonnant à elle-même cette partie de leur être, mais par là elle demeure inchangée, même si elle est dans l'ensemble apaisée ; aucune transformation complète n'est alors possible. Vous n'avez qu'à rester tranquille, à ne pas vous agiter et à laisser la Force supérieure agir pour transformer cette obscure nature physique.1
C'est là une bien belle théorie, mais dans la pratique on s'aperçoit que l'impureté physique est assez forte pour barrer la route au progrès intérieur et imposer à l'expérience intérieure une limite rigide qui la réduit à une paix passive.
L'occasion est donnée à ces forces contraires d'agir lorsque le sâdhak est inévitablement conduit par le cours même de la
1. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
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sâdhanâ à descendre des plans du mental ou du vital supérieur pour pénétrer dans la conscience physique. Dans le même temps, invariablement les expériences profondes d u début s'estompent et la descente le mène dans l'inertie obscure et neutre qui est l'assise de la nature physique non régénérée. C'est là que la Lumière, le Pouvoir, l'Ânanda du Divin doivent descendre pour tout transformer en chassant à jamais toute obscurité et toute inertie, et en instaurant l'Énergie irradiante, la Lumière parfaite et la Béatitude immuable. C'est là, et non dans le mental ou le vital supérieur, que réside toute la difficulté, mais c'est là aussi qu'il faut remporter la victoire et jeter les bases d'un monde nouveau. Je ne veux pas vous dissimuler la difficulté de cette grande, de cette énorme transformation, ni l'éventualité qui s'ouvre pour vous d'une longue période de dur labeur, mais ne voulez-vous vraiment pas y faire face et prendre part à la grande œuvre? Rejetterez-vous la grandeur de cette entreprise au profit de l'impulsion folle et irrationnelle qui vous pousse vers une tâche immédiate qui vous passionnera davantage, mais pour laquelle aucune partie de votre nature n'a de réelle vocation ?
Vous n'avez aucune véritable raison de vous décourager ; je n'en trouve aucun motif valable dans tout ce qui s'est passé. Vos difficultés ne sont rien, comparées à celles que d'autres, qui n'étaient pas plus forts que vous, ont éprouvées et ont pourtant vaincues. Tout ce qui est arrivé, c'est que cette descente dans la conscience physique a amené au premier plan la nature humaine extérieure et ordinaire avec ses imperfections élémentaires et ses pulsions subconscientes insatisfaites, et ce sont elles qui sont sollicitées par la force contraire. Le mental et le vital supérieur se sont débarrassés des idées et des illusions qui donnaient à la satisfaction de ces pulsions une justification, une apparence de légitimité ou même de noblesse. Mais leur besoin inné et irrationnel de se satisfaire n'a pas été déraciné ; par exemple, c'est là la raison du mouvement sexuel que vous avez ressenti récemment en dormant ou au réveil. C'était inévitable. Tout ce qu'il faudrait, c'est que votre être psychique vienne au premier
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plan et vous ouvre au contact intérieur direct, réel et constant avec la Mère et avec moi. Jusqu'à présent votre âme s'est exprimée par le mental, ses idéaux et ses élans d'admiration, ou par le vital, ses joies et ses aspirations supérieures ; mais cela ne suffira ni à vaincre l'obstacle physique, ni à illuminer et à transformer la Matière. C'est votre âme elle-même, votre être psychique qui doit venir au premier plan, s'éveiller entièrement et opérer la transformation fondamentale. L'être psychique n'aura nullement besoin d'être soutenu par des idées intellectuelles, des signes ou des adjuvants extérieurs. Lui seul peut vous donner le sentiment direct du Divin, la proximité constante, le soutien et l'aide intérieurs. Alors vous n'aurez plus cette impression que la Mère est lointaine, et vous ne douterez plus de la réalisation ; car le mental pense et le vital brûle de désir, mais l'âme sent et connaît le Divin.
Rejetez loin de vous ces mouvements de doute, de dépression et tout le reste, qui n'appartiennent pas à votre vraie nature supérieure. Rejetez toutes ces idées d'incapacité et d'inaptitude, tous ces mouvements irrationnels qui vous sont suggérés par une force étrangère à vous-même. Demeurez fidèle à la Lumière de votre âme, même lorsque des nuages vous la cachent. Mon aide sera là, comme celle de la Mère, travaillant en secret, même dans les moments où vous serez incapable de la sentir. La seule chose nécessaire, pour vous comme pour les autres, est de rester, jusque dans l'obscurité de la conscience physique et de ses ténébreux pouvoirs, obstinément fidèle à votre âme et au souvenir de l'Appel divin. Soyez fidèle et vous vaincrez.
Quand j'ai parlé d'être fidèle à la lumière de l'âme et à l'Appel divin, je ne faisais allusion à rien dans le passé ni à aucun manquement de votre part. J'affirmais seulement le grand besoin, dans toutes les crises et toutes les attaques, de refuser d'écouter aucune suggestion, aucune impulsion,
aucun leurre, et de leur opposer à tous l'appel de la Vérité, le signe impérieux de la Lumière. Dans tous les doutes et toutes les dépressions, dire : "J'appartiens au Divin, je ne peux pas échouer." À toutes les suggestions d'impureté et d'incapacité, répondre : "Je suis un enfant de l'Immortalité, choisi par le Divin ; je n'ai qu'à être fidèle à moi-même et à Lui, la victoire est certaine ; même si je -tombais, je me relèverais." À toutes les impulsions de départ pour servir un plus petit idéal, répliquer : "Celui-ci est le plus grand, il est la Vérité qui seule peut satisfaire mon âme ; j'endurerai toutes les épreuves et toutes les tribulations jusqu'à l'aboutissement final du voyage divin." Voilà ce que j'entends par fidélité à la Lumière et à l'Appel.2
Ces mouvements apparaissent presque inévitablement, avec une plus ou moins grande intensité, à une certaine étape critique que tous ou presque doivent franchir, et dont la durée est en général d'une longueur inconfortable sans pour autant être forcément concluante ou définitive. En général, si l'on persévère, cette période correspond à la nuit plus sombre qui précède l'aurore ; tous les aspirants spirituels ou presque doivent en passer par là. Elle est due à la plongée que l'on doit effectuer dans la conscience physique essentielle, sans le soutien d'aucune lumière mentale vraie ni d'aucune joie de vivre vitale, car celles-ci, en général, se retirent derrière le voile, bien qu'elles ne soient pas, malgré les apparences, perdues à jamais. Durant cette période le doute, la négation, l'aridité, la grisaille et toutes sortes de choses similaires surgissent avec une grande vigueur et souvent règnent pour un temps en souverains absolus. C'est seulement lorsque cette étape a été victorieusement franchie que la vraie lumière commence à venir, la lumière qui n'est pas celle du mental, mais celle de l'esprit. La
2. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
lumière spirituelle, il est vrai, apparaît dès les premiers stades, dans une faible mesure aux uns, aux autres (moins nombreux) dans une mesure considérable, bien que ce ne soit nullement général : car certains doivent attendre d'avoir déblayé le mental, le vital et la conscience physique de ce qui les obstrue, avant d'en recevoir autre chose qu'un contact intermittent. Même dans les meilleures conditions, cependant, cette lumière spirituelle initiale n'est jamais complète tant que l'obscurité de la conscience physique n'a pas été affrontée et surmontée. Si l'on tombe dans cet état, ce n'est pas par sa propre faute ; il peut apparaître alors même que l'on fait de son mieux pour avancer. Il n'est pas vraiment l'indication d'une incapacité radicale dans la nature, mais c'est certes une épreuve pénible et l'on doit s'accrocher fermement pour la traverser. Ces choses sont difficiles à expliquer parce que la raison humaine ordinaire a du mal à en comprendre ou à en admettre la nécessité psychologique.
Il n'y a aucune raison de se décourager. Le fait est qu'après être resté si longtemps dans le plan mental et vital, vous avez commencé à percevoir la conscience physique, et la conscience physique est ainsi chez tout le monde. Elle est inerte, conservatrice, ne veut pas bouger, ne veut pas changer, se cramponne à ses habitudes (que les gens appellent leur caractère), ou bien ses habitudes (ses mouvements habituels) se cramponnent à elle et se répètent avec la persévérance mécanique d'un mouvement d'horlogerie. Quand vous avez plus ou moins nettoyé votre vital, les déblais descendent dans cette conscience physique et s'y incrustent. Si vous êtes devenu intérieurement conscient, vous voyez ce qui se passe, vous exercez peut-être une pression, mais le physique réagit très lentement et tout d'abord semble à peine bouger. Le remède est une aspiration ferme et immuable, un travail patient, la présence du psychique dans le physique, l'appel
à la lumière et à la force pour qu'elles descendent dans ces obscures parties de l'être. La lumière fait prendre conscience de ce qui s'y trouve ; la force doit suivre pour agir sur ces choses jusqu à ce qu'elles se transforment ou disparaissent.
Lorsque la conscience physique prédomine, elle produit toujours cet effet, tant qu'elle n'a pas été entièrement transformée : on se sent comme un individu ordinaire, ou pire, tout entier dans la conscience extérieure ; la conscience intérieure est voilée, l'action du pouvoir yoguique apparemment suspendue. Cet état apparaît aussi dans les premiers stades, mais il est en général moins absolu parce qu'une partie du mental et du vital continue à agir dans le physique ; ou même si la sâdhanâ s'interrompt complètement, cela ne dure pas et on y fait moins attention. Mais lorsqu'après avoir parcouru l'étape mentale et vitale du yoga, on descend au niveau physique, cet état, qui est naturel à la conscience physique, se manifeste pleinement et persiste pendant de longues périodes. Il en est ainsi parce que l'on doit descendre dans cette partie de l'être et y pénétrer pour agir directement sur elle, faute de quoi la nature ne peut pas être entièrement transformée. Il faut comprendre que ce n'est qu'une étape et persévérer dans la foi qu'elle sera surmontée. Si on fait cela, la Force, travaillant d'abord derrière le voile, puis au premier plan, pourra plus aisément faire émerger la conscience du yoga dans cette enveloppe physique extérieure pour la rendre lumineuse et sensible à son influence. Si l'on conserve une foi et une tranquillité constantes, ce sera plus rapide ; si la foi est éclipsée ou la tranquillité troublée parce que la difficulté se prolonge, il faudra davantage de temps, mais même dans ce cas ce sera fait ; car la Force est là, à l'œuvre, même si on ne la sent pas. On ne peut empêcher cette évolution qu'en interrompant la sâdhanâ ou en l'abandonnant parce qu'en raison des
Cela signifie qu'il y a une seule sâdhanâ pour toutes les parties de l'être et non, séparément, une sâdhanâ mentale, une sâdhanâ vitale ou une sâdhanâ physique. La sâdhanâ agit tantôt séparément sur chacune des parties, tantôt au contraire sur le mental et le vital ensemble, ou sur le vital et le physique ensemble, ou sur les trois à la fois, mais c'est toujours la même sâdhanâ.
Dans mon explication concernant l'inertie physique, je voulais dire que c'était elle qui avait toujours empêché l'élimination des vieux mouvements et leur avait donné la force de revenir après avoir été expulsés, car c'est dans le semi-conscient ou le subconscient matériel que la résistance trouve son assise. Quand cette partie de l'être émerge et apparaît isolément, non soutenue par le mental et le vital, agissant par le pouvoir de sa propre inertie et non avec l'approbation du mental ou du vital, ne faisant que répéter les anciens mouvements par la force d'une vieille habitude, il devient possible d'affronter la résistance à sa racine au lieu d'en couper les fleurs, les fruits et les branches à mesure qu'ils font leur apparition.
C'est précisément de cette répugnance à faire quoi que ce soit qu'il faut se débarrasser ; car elle n'est qu'un acquiescement à la force de l'inertie. Si vous ne pouvez rien faire d'autre, les vieilles méthodes de mortification, etc., seront évidemment inefficaces ; vous devriez faire appel à la Paix et à la Force divines pour qu'elles descendent, agissent sur l'inertie et vous ouvrent à leur action. Si cette conscience physique obstructrice est amenée à les laisser pénétrer et à accepter leur influence, vous aurez la clé du problème.
J'ai dit que votre conscience, en descendant, était entrée en contact direct avec la nature physique extérieure qui est toujours pleine de mouvements inférieurs et quand cela se produit, vous les voyez tels qu'ils sont lorsqu'ils ne sont pas dominés par le mental et le psychique. Tous doivent entrer ainsi en contact direct avec cette partie de l'être ; sinon elle ne peut pas se transformer.
Oui, certainement, c'est là-dessus que j'insiste : il faut amener la réalisation dans cette partie physique inerte qui est devenue prépondérante. Quand une partie de l'être s'avance ainsi en laissant apparaître ses défauts et ses limitations - ici, l'inertie ou l'incapacité (apravritti), l'obscurité (aprakâsha) ou l'oubli -, c'est pour qu'il y soit mis bon ordre : elle se montre pour subir une transformation initiale ou préliminaire. La paix et la lumière dans le mental, l'amour et la compassion dans le cœur, le calme et le pouvoir dans le vital, une réceptivité et une bonne disposition constantes (prakâsha, pravritti) dans le physique, tels sont les changements nécessaires.
Si vous vous sentez ainsi, c'est seulement parce que vous vous identifiez dans une large mesure à la partie de l'être qui n'a pas encore subi de transformation ; vous avez donc l'impression qu'il est difficile et même impossible de changer. Mais bien que cette difficulté existe, l'impossibilité, elle, n'existe pas. Et cette identification peut même être utile, car grâce à elle le changement pourra être radical, qu'il se fasse par une action directe, dans cette partie elle-même, ou par une influence indirecte sur elle, agissant par l'intermédiaire du mental ou du vital supérieur. Reposez-vous, retrouvez vos forces physiques, ouvrez-vous pour que la Force de la Mère puisse agir librement sur vous, pour que tous les
Ce que vous décrivez est la conscience matérielle. Elle est en grande partie subconsciente ; mais même sa partie consciente est mécanique, inertement mue par les habitudes ou les forces de la nature inférieure. Répétant toujours les mêmes mouvements sans intelligence et sans lumière, elle est attachée à la routine et au règne établi de ce qui existe déjà ; elle refuse de changer, refuse de recevoir la lumière ou d'obéir à la Force supérieure. Ou si elle en a la volonté, elle n'en a pas la capacité. Et même si elle en a la capacité, elle change l'action inspirée par la Lumière et la Force en une nouvelle routine mécanique, et lui retire ainsi toute âme et toute vie. Elle est obscure, stupide, indolente, pleine d'ignorance et d'inertie, de ténèbres, et de la lenteur du tamas.
C'est dans cette conscience matérielle que nous voulons introduire, d'abord la Lumière, le Pouvoir et l'Ânanda supérieurs (spirituels ou divins), puis la Vérité supramentale qui est le but de notre yoga.3
Je ne vois pas pourquoi vous doutez que la réalisation puisse s'effectuer dans votre conscience matérielle. Si la foi, la tranquillité, l'ouverture sont présentes dans les autres parties de l'être, la partie matérielle ne pourra que s'ouvrir aussi. Le tamas, l'inertie, l'ignorance, la stupidité, la mesquinerie, l'opposition aux mouvements vrais sont des caractéristiques universelles de la conscience matérielle tant qu'elle n'est pas illuminée, régénérée et transformée d'en haut, et ces caractéristiques ne vous sont pas particulières.
3. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
Par conséquent le doute que vous exprimez ne repose sur aucune raison, aucune justification suffisante
Quand le supramental sera complètement descendu dans la conscience matérielle, il y créera les conditions appropriées. Il y créera l'unité ; l'être matériel sentira sans cesse le contact et la présence, et tout le contact physique nécessaire sera véritablement établi. La tristesse dont vous parlez n'est pas psychique, car cette "envie douloureuse" appartient au vital et non au psychique. Le psychique ne s'attriste pas d'un désir déçu, ce n'est pas sa nature ; il peut parfois être chagriné s'il constate que le Divin est rejeté ou que le mental, le vital et le physique, dans l'individu ou dans la nature, se détournent de la Vérité pour s'attacher à la perversion, à l'obscurité ou à l'ignorance. Cependant, lorsque le supramental régnera, la nature vitale extérieure elle-même sera obligée de se transformer ; les sentiments de ce genre n'auront par conséquent plus aucune chance d'apparaître.
Vous êtes devenu conscient de la conscience la plus physique ; il en est ainsi chez presque tout le monde. Quand on y entre pleinement ou exclusivement, on la sent comme celle d'un animal, soit obscure et agitée, soit inerte et stupide, et dans les deux cas, fermée au Divin. C'est seulement en y amenant la Force et la conscience supérieures que l'on peut la changer fondamentalement. Quand ces mouvements se montrent, ne soyez pas bouleversé par leur émergence, mais comprenez qu'ils se présentent pour être transformés.
Ici comme partout ailleurs, la tranquillité est la première chose requise. Il faut garder la conscience paisible, ne pas lui permettre l'agitation et le tourbillon ; puis, dans la tranquillité, appeler la Force pour qu'elle éclaircisse toute cette obscurité et la transforme.4
4. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
Si j'ai bien compris, votre sâdhanâ passe par une période prolongée d'accalmie ou de vide. C'est fréquent, surtout lorsqu'on est projeté dans la conscience physique et extérieure. Les parties nerveuses et physiques deviennent alors prépondérantes et semblent ramener tout l'être à leur niveau ; en même temps la conscience yoguique disparaît et on devient exagérément sensible aux petits incidents de l'extérieur comme ceux que vous décrivez. Un intermède comme celui-ci peut cependant fort bien préluder à un nouveau progrès. Vous devez absolument trouver le temps de méditer - à une heure de la journée où vous serez à peu près sûr de ne pas être dérangé - et par la méditation, rétablir le contact. Comme la conscience physique est au premier plan, ce sera peut-être difficile, mais par une aspiration persévérante, le contact se rétablira. Quand vous sentirez que l'être intérieur est de nouveau relié à l'être extérieur, appelez la paix, la lumière et le pouvoir dans cet être extérieur afin de construire dans l'être et le mental les plus extérieurs la base d'une conscience permanente qui vous accompagnera dans le travail et l'action autant que dans la méditation et la solitude.
"À la merci des bruits extérieurs et des sensations corporelles externes", "n'ayant pas le pouvoir de quitter la conscience ordinaire à volonté", "toute la tendance de l'être éloignée du yoga" - tout cela s'applique indiscutablement au mental physique et à la conscience physique quand ils s'isolent, pour ainsi dire, et occupent toute la surface en poussant le reste à l'arrière-plan.
Quand une partie de l'être est amenée en avant pour être soumise au travail de transformation, ce genre d'émergence qui accapare tout et l'activité prépondérante de cette partie comme si elle existait seule se produisent très souvent ; et malheureusement, c'est toujours ce qui doit être changé - les conditions indésirables, les difficultés de cette partie - qui se
lève d'abord, occupe tout le champ de la conscience et se répète obstinément. Dans le physique, c'est l'inertie, l'obscurité, l'incapacité, qui montent à la surface avec toute leur obstination. La seule chose à faire dans cette phase désagréable est d'être encore plus obstiné que l'inertie physique et de persister résolument dans sa tentative (une persistance soutenue, sans lutte agitée) afin de faire une large ouverture permanente dans le roc solide de l'obstruction.5
Cela signifie que vous luttez maintenant corps à corps avec le physique subconscient. Si forte et si lassante que soit la résistance, vous devez persévérer jusqu'à ce que la Paix, la Connaissance et la Force descendent dans cette partie de l'être et y remplacent l'inertie
La sâdhanâ physique consiste à faire descendre la lumière, le pouvoir, la paix et l'Ânanda des plans supérieurs dans la conscience corporelle, à se débarrasser de l'inertie du physique, des doutes, des limitations du mental physique et de sa tendance à s'extérioriser, des énergies défectueuses du physique vital (des nerfs) et à remplacer tout cela, dans cette partie de l'être, par la vraie conscience afin que le physique devienne un parfait instrument de la Volonté divine. L'attention particulière portée à la nourriture et aux soins corporels n'a pour but que d'arriver à une bonne condition physique ; plus tard, ce ne sera plus nécessaire.
[La somnolence :] Ne vous faites pas de souci à ce sujet. Quand on a une forte tendance à s'intérioriser, le corps, n'étant pas encore assez conscient pour participer à l'expérience à l'état de veille, essaie d'assimiler par le sommeil les
5. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
La différence réside dans le fait que ceux qui font la sâdhanâ vivent dans le plan physique en vue de le transformer, sous la pression d'une Force engendrée par la sâdhanâ qui pousse à cette transformation et doit poursuivre son action jusqu'à son terme. Ceux qui ne font pas la sâdhanâ vivent dans le plan physique non pas pour le transformer, mais pour le perpétuer tel qu'il est; aucune Force de ce genre, aucune pression, aucune nécessité ne les pousse. Ceux qui ne sont pas des sâdhak, mais dont le mental est orienté vers la conscience supérieure, se préparent à la sâdhanâ et feront un jour une sâdhanâ d'un genre ou d'un autre.
Les difficultés physiques prédominent lorsqu'on descend dans le physique, tout comme les difficultés vitales lorsqu'on est dans le plan vital. La transformation entraîne la nécessité d'affronter les difficultés, de transformer ou de surmonter ce qui se soulève dans chaque partie de l'être, afin que cette partie puisse répondre à l'appel d'en haut, mais la transformation complète de l'ensemble ne peut venir que par une ascension dans la Conscience supérieure et une descente de cette Conscience. Le premier pas en est généralement (mais pas toujours) la réalisation du moi au-dessus et la descente de la paix d'en haut dans l'être tout entier, jusqu'au physique le plus matériel.
[Vivre dans la conscience physique :] Dans la mesure où cet état peut se définir par des signes extérieurs, on peut dire qu'il consiste en une passivité fondamentale où l'on est ce que les forces du plan physique vous font être, où l'on fait ce qu'elles vous font faire. Quand on vit dans le mental, une intelligence mentale et une volonté mentale actives essaient
de maîtriser et de modeler l'action, l'expérience, la vie et tout le reste. Quand on est dans le vital, on est plein d'énergie, d'enthousiasme, de passion, de force ; ceux-ci peuvent être bons ou mauvais, mais en tout cas débordent de vie. Dans l'inertie physique, tout cela disparaît ou s'atténue ; ou ce sont des forces qui agissent de temps en temps sur l'organisme, mais que lui-même ne possède pas. Cet état peut ne pas être absolu, car le mental et le vital sont toujours là, mais c'est lui qui prédomine. 11 y a deux manières d'en sortir : l'une consiste à s'élever dans le moi et à voir le physique d'en haut, comme un instrument et non comme soi-même ; l'autre consiste à faire descendre la Force divine et à transformer le physique en un instrument de cette Force.
Tant que vous avez un corps, vous ne pouvez pas vivre sans la conscience physique, mais vous pouvez centrer davantage votre vie sur le psychique et d'autres parties de l'être, et par elles transformer la conscience physique.
[Les défauts de la conscience physique :] Ils sont nombreux ; ce sont principalement l'inertie, l'obscurité, le tamas, une acceptation passive du jeu des forces mauvaises, l'incapacité à changer, l'attachement aux habitudes, le manque de plasticité, l'oubli, la perte des expériences et des réalisations précédemment acquises, le refus d'accepter la Lumière ou de lui obéir, l'incapacité (due au tamas, à l'attachement ou à une réaction passive aux forces d'habitude) de cette conscience physique à faire ce qu'elle reconnaît comme le Juste et le Bien.
Cette négation est la nature même de la résistance physique, et la résistance physique constitue toute la base de la négation
du Divin dans le monde. Tout, dans le physique, est tenace, obstiné, plein d'une force pesante de négation et d'inertie ; s'il n'en était pas ainsi, la sâdhanâ se ferait en un rien de temps. Vous devez faire face à ce caractère obstiné de la résistance physique et la vaincre aussi souvent qu'elle se soulèvera. C'est seulement à ce prix que la conscience terrestre pourra se transformer.
La difficulté de la nature physique n'est pas seulement individuelle, elle est aussi générale et terrestre. La nature physique est lente, inerte, et répugne au changement; elle tend à rester immobile et à exiger beaucoup de temps pour faire le moindre progrès. La volonté, même la plus forte, qu'elle soit mentale, vitale ou même psychique, a la plus grande difficulté à surmonter cette inertie. Ce n'est possible que si l'on fait descendre sans cesse la conscience, la force et la lumière d'en haut. Par conséquent, la volonté et l'aspiration doivent être sans cesse tendues vers cet objectif et vers la transformation; cette volonté doit être soutenue, patiente, et ne pas se lasser même lorsque la résistance de la nature physique atteint son paroxysme.
Le mental physique est, par nature, obstiné. La nature physique existe par la répétition constante : elle ne fait que se présenter sans cesse elle-même sous des formes différentes. Lorsque la conscience physique est active, cette répétition obstinée fait par conséquent partie de sa nature. Sinon, elle reste lourdement inerte. Quand nous voulons nous débarrasser des anciens mouvements de la nature physique, leur résistance se traduit donc par cette sorte de répétition obstinée. Il faut les rejeter avec une grande persévérance pour s'en débarrasser.
La Nature physique - comme toute Nature - a deux
aspects : l'aspect individuel et l'aspect universel. Tout ce qui pénètre en nous vient de la Nature universelle, mais le physique individuel en conserve une partie et rejette le reste, en donnant à ce qu'il garde une forme personnelle. On peut donc dire que ces choses sont en lui et issues de lui, ou créées par lui (parce qu'il leur donne une forme spéciale), mais sont en même temps extérieures à lui et le pénètrent du dehors. Lorsqu'on veut s'en débarrasser, on rejette d'abord dans la Nature environnante tout ce qui est à l'intérieur ; la Nature universelle essaie de ramener tout cela à l'intérieur ou d'y introduire pour le remplacer d'autres éléments semblables tirés d'elle-même. Il faut donc repousser sans relâche l'invasion. Par ce rejet constant, la répétition finit par perdre de sa force ; l'individu se libère et devient capable de faire pénétrer dans l'être physique la conscience supérieure et ses mouvements.
La conscience terrestre ne veut pas changer; elle rejette donc ce qui lui vient d'en haut ; c'est ce qu'elle a toujours fait. Ce refus ne pourra disparaître que si ceux qui ont entrepris ce yoga sont ouverts et prêts à transformer leur nature inférieure.
L'opposition vient évidemment, comme toujours, de l'ego vital, de son ignorance et de son orgueil ignorant, et de la conscience physique, de son inertie qui s'insurge contre tout appel au changement et y résiste, et de son indolence qui refuse l'effort ; celle-ci trouve plus confortable de suivre son chemin en répétant toujours les mêmes mouvements et, au mieux, en s'attendant à ce que tout soit fait pour elle par un moyen quelconque, un jour ou l'autre.
La première chose est d'avoir la bonne attitude intérieure, et vous l'avez ; pour le reste, il faut la volonté de se transformer et la vigilance, pour percevoir et rejeter tout ce qui fait partie de l'ego et de l'obstination tamasique de la nature inférieure. Il faut enfin veiller à rester toujours
ouvert à la Mère dans toutes les parties de l'être, pour que le processus de transformation ne rencontre aucune entrave.
L'inertie et la dispersion sont les deux faces de la résistance du physique à la paix et au pouvoir concentré. Elles correspondent à l'inertie et à l'activité chaotique de la Nature physique ; c'est cet aspect de la Nature physique qui incite maintenant certains savants à dire que tous les phénomènes sont l'effet du hasard et sont déterminés non par des certitudes, mais seulement par des probabilités.
L'inertie de la conscience physique est toujours difficile à éliminer ; c'est elle, plus encore que les résistances du vital, qui font que les mouvements de l'ignorance continuent à se répéter même lorsqu'on a la connaissance et la volonté de changer. Mais le sâdhak doit faire face à cette difficulté et la surmonter par une volonté tout aussi persévérante. Une flamme régulière doit brûler, aussi régulière que l'obstruction est têtue. Ne vous découragez donc pas si l'ignorance persiste dans son obstruction. La persévérance de votre propre volonté de vaincre, soutenue par la force de la Mère, finira par venir à bout de la résistance.
Le physique a une très forte tendance à l'inertie ; même lorsqu'on a pris l'habitude de vivre dans la conscience supérieure, certaines parties de l'être - en général les parties les plus extérieures ou les plus matérielles - peuvent encore sentir cette pression de l'inertie. L'inertie vient, en général, du subconscient. Elle n'abolit pas la. conscience supérieure dans le physique, mais en atténue l'action, ou encore la fait descendre d'un niveau élevé à un niveau inférieur, par
exemple de l'intuition au mental supérieur,ou des régions supérieures du surmental à ses régions inférieures. Par sa résistance, elle empêche pendant quelque temps la siddhi de devenir complète. C'est seulement lorsque la conscience la plus matérielle, le subconscient et la conscience environnante sont complètement libérés que ce retard ou cet abaissement causé par l'inertie fondamentale peut être totalement éliminé.
Tout peut susciter une réaction : l'inertie peut se propager en vagues, comme le reste.
Lorsqu'elle s'applique au physique et au subconscient, l'action est toujours plus lente que lorsqu'elle s'effectue dans le mental et le vital, car la résistance de la substance physique est toujours plus pesante, moins intelligente et moins capable de s'adapter; mais en compensation, le travail accompli dans l'être par ce mouvement plus lent est en fin de compte plus complet, plus solide et plus durable.
L'obstruction physique est moins turbulente [que l'obstruction vitale], mais je ne l'ai trouvée ni moins obstinée, ni moins gênante.
La difficulté de la nature physique se présente inévitablement au cours du déroulement de la sâdhanâ. Son pouvoir d'obstruction, son inertie, son absence d'aspiration, son immobilisme doivent se montrer avant que l'on puisse s'en débarrasser; sinon ils ne se révéleront jamais, entraveront
même la meilleure sâdhanâ et l'empêcheront d'aboutir. Ce soulèvement de la nature physique dure plus ou moins longtemps selon les circonstances, mais il n'épargne personne. Il faut éviter de se troubler, de s'inquiéter ou de s'impatienter ; cela ne fait que le prolonger ; on doit au contraire placer toute sa confiance en la Mère et persévérer tranquillement dans la foi, la patience et une volonté imperturbable pour que s'opère la transformation complète. C'est dans ces conditions que la force de la Mère peut le mieux agir dans l'être.
Le premier moyen est de ne pas être bouleversé quand l'inertie apparaît ou s'installe. Le deuxième est de se détacher, non seulement au-dessus, mais aussi en bas, et de ne pas s'identifier. Le troisième est de rejeter tout ce qui est soulevé par l'inertie et de ne pas le considérer comme sien, de ne pas l'accepter du tout.
Si vous en êtes capable, quelque chose en vous restera parfaitement tranquille, même dans l'inertie la plus grande. À travers cette partie tranquille, vous pourrez faire descendre la paix, la force, et même la lumière et la connaissance au cœur de cette inertie.
L'inertie - ou quoi que ce soit d'autre - doit être ressentie comme quelque chose de séparé et non comme une partie du vrai moi qui est un avec le Divin.
Les forces adverses sentent qu'en vous quelque chose est décontenancé et rétif parce que l'inertie se prolonge, et elles espèrent, en renforçant leur pression, susciter une révolte. L'important, dans ces circonstances, est de faire en sorte que votre foi, votre soumission et votre samatâ deviennent
absolues. C'est un progrès aussi grand et aussi essentiel que d'avoir des expériences supérieures, etc.
Certains s'en sont servi [de la violence, pour transformer le physique], mais je ne crois pas qu'elle soit utile. Le physique constitue sans aucun doute un obstacle tenace, mais il faut l'illuminer, le persuader de changer et même l'y obliger, mais non le réprimer ou le contraindre par la violence. Ceux qui traitent le mental, le vital et le corps par la violence agissent ainsi parce qu'ils sont pressés, mais j'ai invariablement remarqué que cela entraîne une recrudescence des réactions et des obstacles et non un progrès vraiment solide.
[L'effet produit par l'obstruction de la conscience physique :] Cela dépend des points faibles de l'individu et du stade qu'il a atteint dans son progrès. D'une manière générale, cette obstruction engendre une inertie qui entrave l'action des Pouvoirs supérieurs. Dans les premiers stades, elle peut bloquer complètement le progrès. Ensuite, elle a pour effet de le ralentir ou de l'entraver par des périodes d'inertie et d'immobilisme. La principale difficulté de la conscience physique est qu'avant d'être transformée, elle est incapable de soutenir la tension de la tapasyâ : elle a besoin de périodes d'assimilation où elle replonge dans la conscience ordinaire pour se reposer ; elle a aussi tendance à oublier sans cesse ce qui a été fait, etc.
Lorsqu'on descend dans la conscience physique,ou que la conscience physique émerge et impose sa présence, l'un de ses premiers effets est d'affaiblir la volonté : auparavant, vous viviez surtout dans le mental et le vital. La conscience
physique est pleine d'inertie, elle ne veut pas bouger, mais se laisser mouvoir par n'importe quelles forces ; c'est son habitude. Il faut remédier à cette inertie en la mettant en contact avec les forces supérieures appropriées. C'est pourquoi je vous ai demandé d'aspirer à l'immensité, à la pureté et à la paix d'en haut, pour qu'elles viennent emplir le physique et que la vraie Force agisse, à la place des idées et des impulsions qui vous envahissent.
Cette période où l'on est incapable de faire un effort apparaît en général lorsque la conscience physique prédomine, car elle est par nature inerte ; elle est mue par les forces supérieures, par les forces inférieures ou par n'importe quelles forces, mais d'elle-même elle ne bouge pas. Il faut tout de même utiliser l'effort, si l'on en est capable, mais l'essentiel est de pouvoir faire descendre la Force dans le physique - ou alors, demeurer parfaitement tranquille et sans se troubler, attendre sa venue.
Seule la descente plus constante d'une force dynamique dans une égalité et une paix inaltérables peut extirper la tendance normale de la nature physique.
Normalement, cette nature physique tend à rester inerte et dans cette inertie, à ne réagir qu'aux forces vitales ordinaires et non aux forces supérieures. Si l'égalité et la paix sont parfaites, on peut ne pas être affecté par l'inertie qui se propage et y faire descendre, peu à peu ou rapidement, cette même paix, accompagnée d'une force de la conscience supérieure capable de la modifier. Quand ce sera fait, cette difficulté et les fluctuations du genre de celles que vous subissez en ce moment, et où l'inertie prédomine, ne pourront plus se produire.
La difficulté est plus grande parce que la sâdhanâ se situe maintenant directement sur le plan physique où une habitude - un mouvement habituel - une fois installée, a une très grande force. Quand la sâdhanâ se déroule dans le plan mental ou vital, il est plus facile de parvenir à la maîtrise ou à la transformation, parce que le mental et le vital sont plus plastiques que le physique. En revanche, sur le plan physique, l'acquis est plus durable et plus complet que lorsque la réalisation ne concerne que le mental ou le vital.
En 1933, vous faisiez sans doute davantage de tapasyâ, en vous soumettant à une maîtrise vigoureuse ? Quoi qu'il en soit, c'était ainsi à une certaine époque. Ensuite, quand vous êtes descendu du mental-vital, vous vous êtes laissé aller pendant quelque temps, et vous avez cessé en grande partie d'exercer cette maîtrise ; c'est pourquoi vous éprouvez maintenant une certaine difficulté à la rétablir, à cause de l'habitude de répétition automatique qui caractérise la nature physique. Vous devez maintenant retrouver cette maîtrise autrement, en établissant la paix et en construisant sur elle la conscience supérieure, la maîtrise spirituelle remplaçant celle de la tapasyâ mentale.
Non, il n'est pas nécessaire de perdre la maîtrise mentale ; le mieux est de la remplacer peu à peu par la maîtrise psychique ou spirituelle. Mais de nombreux sâdhak perdent l'une tandis que l'autre n'est pas prête ou est encore imparfaite ; alors les forces de la Nature agissent dans une conscience physique possédée tantôt par la Paix ou le Pouvoir supérieur qui descend, tantôt par les forces ordinaires de la Nature. Presque tous subissent cette alternance, au moins à un certain stade, avant que l'état supérieur ne l'emporte.
Il est malsain de ressasser ainsi, avec une sensibilité
excessive, les souvenirs des coups reçus autrefois par le vital. Le passé ne devrait pas avoir une telle emprise ; il faut au contraire le laisser s'estomper.
Dans l'être physique, ces impressions laissées par le passé ont un très grand pouvoir, car c'est à force d'impressions répétées que la conscience a été amenée à se manifester dans la matière, et aussi par les réactions habituelles de la conscience à ces impressions ; c'est, je suppose, ce que les psychologues appelleraient le comportement. L'une de leurs écoles soutient que la conscience n'est rien de plus, mais c'est là un effet de cette pratique qui consiste à généraliser un détail de la Nature pour en expliquer la totalité.
La réalisation que vous décrivez est celle dont parle la Guîtâ, où toute action est perçue comme accomplie par la Prakriti. Cette action vous paraît automatique parce que vous êtes dans la conscience physique ; là, tout est automatisme. On peut avoir la même expérience sur le plan mental et vital, mais les actions sont alors ressenties comme un jeu de forces. Ce qui vous manque actuellement, c'est l'autre aspect de l'expérience : celle de l'Âtman silencieux ou bien celle du Pourousha témoin, calme, tranquille, libre, pur, non troublé par le jeu de la Prakriti. L'expérience essaie de venir et vous êtes sur le point d'y accéder, mais votre tendance à vous extérioriser est encore trop forte. Cette tendance s'est emparée de vous lorsque vous êtes descendu dans le physique, car la conscience physique ordinaire se précipite, de par sa nature même, dans l'action de la personnalité extérieure. Il vous faut retrouver le pouvoir de la conscience intérieure : en haut l'Âtman, en bas le Pourousha d'abord témoin, puis maître de la nature.
C'est dû à l'influence de la conscience physique. La conscience physique - du moins dans ses parties les plus extérieures - est, comme je vous l'ai dit, par nature inerte : elle obéit à toutes les forces auxquelles elle a l'habitude d'obéir, mais n'agit pas de sa propre initiative. Quand l'inertie physique exerce une forte influence, ou quand on est descendu dans cette partie de la conscience, le mental, comme la Nature matérielle, a l'impression que la volonté est incapable d'agir. La nature mentale et la nature vitale, au contraire, aiment la volonté et l'initiative ; lorsqu'on est dans le mental ou le vital, ou que l'on agit sous leur influence, la volonté se sent par conséquent toujours prête à l'action.
C'est la neutralité de la conscience physique qui dit : "Je ne bouge que lorsqu'on me fait bouger. Me fasse bouger qui peut."
Le physique est l'esclave de certaines forces qui créent une habitude et le font mouvoir grâce au pouvoir automatique de l'habitude. Tant que le mental donne son assentiment, l'esclavage passe inaperçu ; mais si le mental retire son consentement, alors on sent l'asservissement, on sent une force qui pousse en dépit de la volonté du mental. Cette force est très obstinée et récidive jusqu'à ce que l'habitude - l'habitude intérieure qui se révèle dans l'acte extérieur - soit rompue. C'est comme une machine qui, une fois mise en route, répète le même mouvement. Vous n'avez aucune raison de vous alarmer ou de vous affliger : une aspiration tranquille et persévérante vous mènera au point où l'habitude se rompra et où vous serez libre.
Dans le physique, l'habitude est obstinée et semble immuable parce qu'elle réapparaît sans cesse, même lorsqu'on la croit partie. Mais elle n'est pas vraiment immuable ; si le mental physique se détache, s'en sépare, refuse de l'admettre, l'habitude ancrée dans le physique commence à perdre le pouvoir de se répéter. Tantôt elle disparaît peu à peu, tantôt (mais c'est plus rare) elle cesse d'un coup et ne se répète plus.
Vous y parviendrez à condition de faire descendre la sâdhanâ dans votre conscience physique et de vivre uniquement pour la sâdhanâ et pour le Divin. Vous devez rejeter activement les mauvaises habitudes que vous avez conservées et ne jamais retomber dans celles qui ont cessé ou se sont interrompues. Les expériences intérieures sont utiles à la transformation du mental et du vital supérieur, mais pour le vital inférieur et l'être extérieur, une sâdhanâ d'auto-discipline est indispensable. Les actions extérieures et l'esprit qui les anime doivent changer ; vos pensées et vos actions extérieures ne doivent s'adresser qu'au Divin. Vous devez avoir de la retenue, une véracité entière, et penser sans cesse au Divin dans tout ce que vous faites. C'est le moyen de transformer le vital inférieur. Votre constante consécration et la discipline constante que vous vous imposerez feront descendre la force dans l'être extérieur et le transformeront.
Vous avez déjà eu l'expérience de cet état de séparation dont la faculté est présente dans votre être psychique. Naturellement, il n'est là que de temps en temps, parce que la conscience extérieure subit une préparation qui lui permettra d'y prendre part, et c'est seulement lorsqu'elle sera prête que la conscience intérieure pourra se montrer en permanence et s'exprimer dans l'être extérieur.
Vous me demandez si le mental et le vital ne font pas obstacle, autant que le physique. Si, mais lorsque je parle de la conscience physique, j'y inclus le mental physique et le vital physique tout autant que la conscience corporelle proprement dite. Ce mental physique et ce vital physique ont pour champ d'action les petits mouvements ordinaires de la vie et sont gouvernés par une vision très extérieure des choses et par de petites réactions habituelles; ils ne répondent pas aussitôt à la conscience intérieure, non parce qu'ils s'y opposent activement - comme peuvent le faire le mental vital et le vital proprement dit - mais parce qu'il leur est difficile de modifier leurs mouvements habituels. C'est ce que vous ressentez maintenant, et c'est pourquoi vous croyez que l'expérience intérieure éveille en vous peu d'écho. Mais ce n'est pas le cas ; votre mental et une grande partie de votre vital recèlent une considérable capacité de répondre à l'appel. Quant au physique, sa difficulté est commune à tous : elle ne vous est pas particulière. Elle est apparue parce qu'elle apparaît toujours dans la sâdhanâ lorsqu'il faut agir sur la conscience physique pour y opérer les changements nécessaires. Dès que ce sera fait, la difficulté que vous éprouvez commencera à diminuer, puis disparaîtra.
C'est cette action qui est en cours ; lorsque, en méditation, vous avez senti la lumière blanche dont vous avez continué à ressentir l'effet (fraîcheur de la tête et des yeux, élargissement et immensité partout même après avoir ouvert les yeux), c'était cette action qui se poursuivait dans votre mental physique pour le transformer. Le reste de la conscience physique continuait à subir un autre genre d'action et a par conséquent ressenti de la chaleur, et non cette libération et cet élargissement. Mais par la suite, l'action peut descendre d'abord dans le cœur, puis encore plus bas et dans tout le corps ; la même libération, le même élargissement pourront descendre aussi. Pour le moment, ces résultats ne sont naturellement pas permanents, mais passagers ; ce sont des expériences et non des réalisations durables. Mais au stade actuel, il ne peut en être autrement. Ces expériences, même
passagères, ont pour but de préparer les différentes parties de la nature, et c'est ce qu'elles font.
Je vous ai dit que X a en elle deux éléments différents. C'est son mental extérieur qui veut faire de la broderie, dans l'idée que les autres en font et que cela lui vaudra une faveur spéciale de la Mère, ce qui est faux ; c'est lui aussi qui dit Qu'elle fait tout le travail, etc. Si nous la laissons suivre cette pente, ce sera mauvais pour elle, spirituellement, surtout en ce moment où son être intérieur a besoin de se renforcer par la soumission, la consécration et le sacrifice de son ego. C'est pourquoi nous n'avons pas envisagé favorablement ce changement d'activité. Il a déjà été fait une fois et elle s'en est repentie, elle a senti qu'elle avait fait une erreur. Mais le mental physique ne cesse de revenir à ses mouvements habituels et il lui faut du temps pour recueillir la leçon de l'expérience.
Gardez le stylo et utilisez-le. C'est un cadeau de la Mère. Servez-vous-en pour écrire vos expériences et acceptez-le comme un signe de l'amour et de la grâce de la Mère qui agissent en vous.
Auparavant la volonté mentale, le vital supérieur et le psychique étaient actifs ; leur assentiment suffisait à calmer le vital inférieur ou à le neutraliser. Mais maintenant c'est le mental physique qui est actif en vous ; or le mental physique attribue une valeur au vital inférieur et par là lui confère un pouvoir qu'il n'avait pas auparavant.
L'ouverture du physique et du subconscient prend toujours beaucoup de temps, car ils sont faits d'habitudes et d'une constante répétition des anciens mouvements ; ils sont obscurs et rigides, et non plastiques, et ne cèdent que petit à petit. Le mental physique peut s'ouvrir et se convertir plus
facilement que le reste, mais le physique vital et le physique matériel sont obstinés. Les choses anciennes reviennent en eux sans raison et par la force de l'habitude. Une grande partie du physique vital et la plus grande part du physique matériel sont dans le subconscient ou en dépendent. Une action vigoureuse et soutenue est nécessaire pour y progresser.
Tant que le physique matériel et le subconscient n'aspirent pas ou du moins ne donnent pas leur plein consentement à l'aspiration et à la volonté de l'être supérieur, aucun changement en eux ne peut être durable.
Non, cette résistance [du mental physique et du vital physique] n'est pas illimitée. Ou du moins un moment vient où la résistance fondamentale est brisée pour de bon et où il ne reste plus que quelques détails à régler, ce qui n'est pas gênant.
La conscience corporelle est en grande partie subconsciente : la conscience corporelle et le subconscient sont étroitement liés.
La conscience corporelle et la conscience physique ne sont pas identiques ; la conscience corporelle n'est qu'une partie de la conscience physique.
Le mental physique et le physique vital sont très proches de l'inconscient, à l'exception de la partie du mental physique qui a été entraînée à s'occuper d'objets physiques et de
questions matérielles. Mais celle-ci n'est alerte, active, compétente que dans ses propres limites. Lorsqu'elle doit agir dans le domaine supraphysique, elle devient incompétente, souvent stupide et pourtant péremptoire, arrogante et dogmatique dans son ignorance. Pour le reste, la conscience physique est proche de l'inconscient. Elle aussi, dans son propre domaine, est capable de perceptions et d'instincts exacts, si elle est libre d'agir spontanément; d'ordinaire, chez l'être humain, elle n'en a pas la latitude, car le mental et le vital interviennent. L'action du vital physique est complètement irrationnelle; même lorsqu'il a raison, il est incapable d'expliquer pourquoi, car il est fait en majeure partie d'instincts, d'impulsions, de sensations et de sentiments automatiques et habituels. C'est le mental qui explique et Justine ses mouvements, et si le mental se tient à l'écart pour juger et poser des questions, le physique vital ne peut que répondre : "je veux","j'aime", "je déteste", "j'ai envie".
Persévérez tranquillement et que rien ne vous décourage. Si la tranquillité et la bonne humeur ne sont pas encore constantes, cela n'a rien d'étonnant ; il en est toujours ainsi quand l'action commence à s'exercer sur la conscience physique et ses obstructions. Si vous persévérez, cette tranquillité et cette bonne humeur deviendront de plus en plus fréquentes et durables, jusqu'à constituer en vous une base de paix et de bonheur qu'aucun trouble apparaissant à la surface ne pourra plus ni pénétrer, ni ébranler, ni même voiler, sinon peut-être durant un court instant.
Les sautes d'humeur sont aussi assez fréquentes parce que l'action se poursuit en même temps dans le physique vital dont le caractère est, par nature, changeant. Que cela ne vous décourage pas ; dès que la base sera plus solide, cela diminuera et le vital deviendra plus stable et plus égal.
L'instabilité dont vous parlez est naturelle au mental physique humain ; presque tout le monde en est affecté, car le mental physique poursuit toutes sortes d'objectifs extérieurs. Fixer la conscience au-dedans, la maintenir concentrée sur le Divin seul est pour tous d'une grande difficulté ; c'est pour cette raison que la sâdhanâ exige beaucoup de temps et qu'un lent développement de la conscience est en général nécessaire, du moins au début. Que cela ne vous décourage donc pas. Votre vital intérieur est plein d'une forte volonté et au plus profond de vous-même, dans le psychique, règnent la véritable aspiration et l'amour véritable qui apparaissent lorsque le psychique est actif; à la longue, ils finiront par posséder toute la nature.
Il est tout à fait normal que l'instabilité du mental physique intervienne et empêche la tranquillité et la foi de s'établir complètement et de devenir permanentes : il en est de même pour tout le monde ; mais cela ne signifie pas que cette quiétude et cette foi ne s'établiront pas ou ne pourront jamais s'établir dans la nature. Tout ce que je voulais dire, c'est que vous devriez essayer de vouloir constamment cette tranquillité, de sorte que votre volonté s'oppose aussitôt à l'agitation ou à l'instabilité dès qu'elles s'interposent, ou soit prête à resurgir pour dissiper le trouble. L'agitation, ou l'impatience, deviendrait ainsi plus facile à éliminer ; mais de toute façon la force de la Mère est là, agissant derrière les fluctuations de la conscience de surface, et grâce à elle vous en viendrez à bout.
Vos expériences ont apporté de nouveaux aperçus de l'action psychique qui se poursuit sans cesse, même si aucun signe n'en apparaît à la surface. Le glaive d'or était le glaive de la Vérité qui anéantira les difficultés.
Ces petites choses du mental physique, tout le monde en a, et elles tomberont d'elles-mêmes lorsqu'émergera la conscience vraie et juste. Votre mental comprend, mais ces choses persistent parce qu'en fait elles appartiennent à la petite partie vitale et quand cette partie s'élargira, elles ne pourront plus revenir. On peut les écarter en gardant certaines idées présentes à l'esprit, par exemple : que les choses qui vous agacent appartiennent à la nature et ne peuvent disparaître que par un changement de nature ; que l'on doit bien faire son travail, sans être troublé si les autres font mal le leur ; qu'il est plus efficace d'appliquer une volonté intérieure tranquille pour qu'ils le fassent bien que d'être agacé et bouleversé par leurs erreurs. Mais fondamentalement, c'est par un élargissement de conscience dans votre mental, votre vital et votre physique que vous vous libérerez complètement de ces petites réactions. Vous n'avez qu'à continuer en laissant agir la Force de la Mère en vous, et tout cela s'aplanira par la suite.
Ces petits mouvements [bavardages inutiles, etc.] sont les plus difficiles à changer, précisément parce qu'ils sont petits et que l'habitude de s'y laisser aller à tout propos paraît naturelle et sans importance dans la vie de tous les jours. La meilleure chose à faire est d'amener en masse la force, la lumière et la paix dans le mental et le vital supérieur jusqu'à ce qu'elles puissent remplir même le mental physique ; alors à travers le mental physique, qui en général soutient plus ou moins ces mouvements, on peut agir sur eux avec davantage de succès.
Le sentiment d'impuissance, d'impossibilité d'éliminer l'obstacle, est, comme l'obscurité elle-même, caractéristique de la conscience physique qui est inerte, mécanique et a l'habitude de se laisser mouvoir sans réagir par toutes les forces
qui s'emparent d'elle. Mais ce sentiment d'impuissance ou d'impossibilité ne repose sur rien de réel et il est tout à fait possible et très nécessaire de ne pas y céder, de ne pas l'admettre, de le faire disparaître pour surmonter l'obstacle physique qui autrement retarderait considérablement le progrès.
Oui, cela aussi, c'est la faute de la conscience physique. Elle est obsédée par l'idée que ce qui est doit continuer à être, que le cours des choses est immuable. Ce caractère immuable, elle l'attribue non seulement à ce qui est, mais aussi à ce qu'elle croit être un fait : elle s'ouvre passivement à toute suggestion ou possibilité qui semble être légitimée par le cours des choses. C'est le principal obstacle à la transformation matérielle.
C'est la stupidité habituelle du mental physique qui vous suggère que je vous mens pour vous encourager ; si tel était le cas, ce n'est pas vous qui seriez inapte au yoga, mais moi qui serais inapte à guider quiconque dans la recherche de la Vérité divine. Car si l'on peut conduire quelqu'un d'une vérité moindre à une Vérité plus grande, on ne peut le mener d'un mensonge à la Vérité. Quant à savoir si, oui ou non, vous êtes apte au yoga, votre mental physique ne peut être juge en ce domaine : il juge les choses sur leur apparence immédiate et n'a aucune connaissance des lois qui gouvernent la conscience, ni des pouvoirs qui agissent dans le yoga. En fait, il ne s'agit pas d'être apte ou inapte, mais d'accepter la Grâce. En aucun être humain la conscience physique extérieure - cette partie de vous-même où vous vivez en ce moment - n'est apte au yoga. C'est par la Grâce et par une lumière d'en haut que cette conscience peut en acquérir la capacité et pour cela, il faut être persévérant et
l'ouvrir à la Lumière. Nul n'échappe à cette difficulté en entrant dans la conscience physique ; on a l'impression que l'on est inapte, que rien n'a été fait, que rien en soi n'a changé depuis qu'on a commencé le yoga ; on est alors enclin à oublier tout ce qui s'est passé avant, à croire qu'on a tout perdu ou que tout était irréel ou faux.
C'est, je suppose, la raison pour laquelle vous protestez quand je dis que vous avez déjà bien avancé. Je voulais dire par là que vous avez eu des ouvertures dans le mental pensant, dans le cœur et dans le vital supérieur, et aussi des expériences ; que vous aviez vu l'état de votre être et de votre nature avec beaucoup de lucidité, et que vous aviez suffisamment avancé pour que ces parties soient prêtes pour la transformation spirituelle. Restent le physique et la conscience extérieure qu'il faut contraindre à accepter la nécessité de la transformation. C'est, sans aucun doute, la partie du travail la plus difficile à accomplir, mais c'est aussi la partie qui, si l'on y réussit, rend possible la transformation totale de l'être et de la nature. J'ai dit par conséquent qu'ayant déjà bien avancé, il serait absurde de revenir maintenant en arrière et d'abandonner parce que cette conscience physique résiste. Elle résiste toujours chez tout le monde, et elle est aussi très obstinée. Ce n'est pas une raison pour abandonner l'effort.
C'est cette conscience qui s'exprimait dans votre lettre, ou sa partie obscure qui reste attachée à son ancienne attitude. Elle ne veut pas faire la sâdhanâ à moins qu'elle ne puisse par là recevoir ce qu'elle voulait. Elle veut la satisfaction de l'ego, "l'épanouissement personnel", la considération des autres, la réalisation de ses désirs. Elle mesure l'Amour divin aux faveurs matérielles qu'il fait pleuvoir sur elle et regarde jalousement autour d'elle pour savoir qui en reçoit davantage ; puis elle dit que le Divin n'a pas d'amour pour elle et en donne des raisons peu obligeantes pour le Divin ou qui, comme dans vos lettres, la rabaissent elle-même et la plongent dans le désespoir. Vous n'êtes pas la seule chez qui cette partie de l'être sent et agit ainsi ; presque
tout le monde en est là. S'il n'y avait qu'elle en vous, et dans les autres, le yoga serait en effet impossible. Mais bien qu'elle soit forte, elle n'est pas tout : il y a aussi un être psychique, un mental et un cœur que cet être psychique influence et illumine, qui ont d'autres sentiments, une autre vision des choses et un autre but dans la sâdhanâ. Tout cela est maintenant recouvert en vous par cette partie qui se soulève et doit changer. Elle est tamasique et ne veut pas changer, ne veut pas croire à moins que l'on ne puisse la convaincre en rassurant l'ego vital. Mais rien n'est nouveau dans tout cela : c'est une partie de la nature humaine qui a toujours été là et qui a toujours retardé et limité la sâdhanâ. Le fait qu'elle existe n'est pas une raison de désespérer, tout le monde l'a et la sâdhanâ doit être faite malgré elle, malgré le mélange qu'elle introduit, jusqu'au moment où elle devra être définitivement rejetée. C'est difficile à faire, mais parfaitement possible. Je sais tout cela et je le comprends, et c'est pourquoi j'insiste pour que vous persévériez et vous encourage à continuer ; ce n'est pas ma description de la situation qui est fausse, c'est le point de vue adopté par cette partie de votre être qui est sans fondement, et qui est une erreur. '
Si cet état dure plus longtemps qu'il ne le devrait, ce n'est ¦ pas parce que vous ne pouvez pas retrouver la vraie attitude, c'est parce que dans une certaine partie de votre mental, vous laissez pénétrer cette fausse suggestion d'incapacité. Une partie de votre conscience physique garde le souvenir des anciens mouvements et a l'habitude de les laisser entrer, les croyant inévitables. Vous devez persister à vouloir la vraie Vérité avec la partie claire de votre conscience et rejeter sans cesse ces suggestions et ces sentiments, jusqu'à ce que Cette partie obscure s'ouvre, elle aussi, et laisse entrer la Lumière.
Ce sont les forces tamasiques qui, en persistant à suggérer cette difficulté, la créent ; et la conscience physique l'accepte. Il n'est jamais vraiment difficile d'aspirer. Le rejet peut ne pas avoir un effet immédiat, mais il est toujours possible d'entretenir la volonté de rejeter et de refuser.
Qu'appelez-vous des moyens actifs ?Le pouvoir de refuser et de rejeter est toujours là dans l'être, et aussi celui de continuer à rejeter jusqu'à ce que le rejet produise son effet. Rien ne peut arrêter une aspiration tranquille, si ce n'est votre propre acceptation de l'inertie.
Les pensées et les sentiments exprimés dans votre lettre proviennent de votre dépression et, sortis de ce contexte, ils ne correspondent à rien de vrai. En restant ici, vous ne prenez en aucun cas une place qui pourrait être occupée par de meilleurs sâdhak. Un bon sâdhak trouvera toujours une place, d'une manière ou d'une autre. L'incapacité que vous découvrez en vous est simplement la résistance de la nature ordinaire, extérieure et physique, à laquelle personne n'échappe et que nul sâdhak, si bon soit-il, n'a encore été capable de transformer radicalement : c'est la dernière chose qui changera et cette résistance est actuellement aiguë parce que c'est contre elle que s'exerce le pouvoir de la sâdhanâ pour que la transformation puisse s'opérer. Quand cette partie se présente, elle essaie toujours de paraître immuable, incapable de changer, imperméable à la sâdhanâ. Mais il n'en est rien et il ne faut pas se laisser prendre à cette apparence. La peur de la folie n'est qu'une impression nerveuse que vous devez rejeter. Ce n'est pas la faiblesse vitale qui mène à de tels déséquilibres, c'est une obscurité et "ne faiblesse dans le mental physique, accompagnées de "mouvements d'une nature exagérément vitale (par exemple,
une ambition spirituelle excessive) qui sont trop forts pour que le mental puisse les supporter. Ce n'est pas votre cas. Vous avez eu une longue expérience de paix et d'élargissement intérieurs, d'Ânanda, une vie intérieure tournée vers le Divin, et lorsqu'on a vécu cela, on ne doit pas parler d'une incapacité générale, quelles que soient les difficultés de la nature extérieure ; difficultés qui, sous une forme ou une autre, sont communes à tous.
Je ne doute pas le moins du monde que vous puissiez faire la sâdhanâ, si vous vous y tenez, certainement pas par vos propres forces et sans aide, car personne ne peut le faire, mais par la volonté de l'être psychique en vous, soutenue par la Grâce divine. Il y a, dans la conscience physique et vitale de tout être humain, une partie qui n'a aucune volonté de faire la sâdhanâ, ne s'en sent pas la capacité, ne se fie à aucun espoir ni à aucune promesse d'avenir spirituel et reste inerte et indifférente devant toute chose de ce genre. À un certain stade de la sâdhanâ, cette partie apparaît et on se sent identifié à elle. C'est ce qui vous arrive en ce moment, mais cela s'accompagne d'ennuis de santé et d'un malaise nerveux qui a transformé cette traversée du physique obscur en une période de désordre sombre et intense. Si vous dormez assez, si vos nerfs se calment et que l'énergie physique revient, cela devrait disparaître et il serait alors possible de faire descendre la Lumière et la Conscience dans cette partie obscure. Ce qu'il vous faut ce n'est pas une concentration intense qui engendre le conflit, mais une attitude très tranquille d'ouverture. Ne faites aucun effort de sâdhanâ en ce moment ; ce qui est nécessaire, actuellement, c'est de retrouver le bien-être et la tranquillité pour que la nature recommence à s'ouvrir.
La raison n'est certainement pas que la Mère a eu envers vous une attitude différente de ce qu'elle est d'habitude, ou vous a tenue à l'écart, mais bien plutôt que vous êtes venue à elle tout enfermée dans cette partie de votre être physique qui se rétracte encore devant la Lumière. C'est cette partie qui a toujours été à la base de toutes vos mauvaises passes et de tous vos mouvements douloureux, même lorsque la difficulté elle-même se situait à un niveau supérieur. Sa nature est de rester attachée aux vieilles habitudes, de se rétracter devant la conscience yoguique, de fermer portes et fenêtres pour empêcher l'aide offerte de pénétrer, et de se lamenter dans le noir quand elle se sent blessée. Tous ceux qui veulent progresser doivent s'en débarrasser. Cessez de vous identifier à elle et de la considérer comme vous-même. Réintégrez votre être intérieur et regardez-la comme une partie minime, mais obstinée, de la nature qui doit se transformer. Car mise à part cette résistance obstinée, il n'y a pas de raison que votre chemin se poursuive dans un désert. Il devrait vous conduire à une conscience vaste et libérée, ouverte au calme, à la paix, au pouvoir, à la lumière, à une conscience plus vaste que la conscience personnelle et où l'ego pourra joyeusement disparaître.
Ce qui est arrivé à votre sâdhanâ, c'est que vous vous êtes laissé tomber dans une ornière du mental physique et de la nature vitale extérieure ; vous vous êtes enfermé dans la répétition constante ou constamment renouvelée des idées et des sentiments qu'ils vous présentent : des sentiments solidement établis de déception, de découragement et de pessimisme quant à vous-même et à votre avenir spirituel, et des idées - ou, si vous me passez l'expression, des lubies - qui viennent étayer ces sentiments et les justifient. Le résultat en est que vous vous fermez au contact et à l'influence, à l'aide spirituelles qu'à une certaine époque vous sentiez venir de nous ou commenciez à sentir. Cela vous ferme aussi
à votre moi profond et rend stérile votre effort personnel. Il est assez fréquent qu'un accident de ce genre se produise sur le chemin de l'effort spirituel, et la première chose à faire pour en éliminer les conséquences est de rejeter résolument les idées et les sentiments qui, par leur persistance, vous maintiennent dans l'ornière. Je ne sais pas si vous pourrez revenir à votre état antérieur, car on revient rarement au point où l'on était arrivé précédemment ; mais il vous est toujours possible d'aller de l'avant, de retrouver la force propulsive de ce qui a déjà été acquis et qui demeure certainement en vous, assimilé par votre être intérieur. Si vous voulez poursuivre activement certaines parties du yoga par vos efforts et votre aspiration, il n'y a aucune raison que vous n'en retrouviez pas la capacité ; mais le premier effort à faire est de rejeter en bloc, avec persévérance et ténacité - et pas seulement pendant un jour ou deux, mais aussi longtemps qu'ils persisteront et reviendront - ces pensées et ces sentiments débilitants qui paralysent en vous tout espoir et toute foi, de ne pas les admettre, de ne pas les justifier, de ne pas leur donner, par votre acceptation, le droit de continuer à jouer toujours cette même note de découragement, d'incapacité et d'échec. Les idées par lesquelles vous les justifiez ne sont, je le répète, que des lubies du mental physique et non des réalités : le fait que vous vous croyez, par exemple, incapable de comprendre une certaine idée (l'accepter ou non intellectuellement, c'est autre chose) ; or il est parfaitement certain que votre intelligence pensante est bien assez entraînée pour comprendre toute idée qui lui est proposée. Seul le mental physique est limité - même chez les sujets les plus intelligents - et est pris d'accès de stupidité, ou du moins laisse paraître des étendues plus ou moins vastes d'incompréhension totale, face à des idées inhabituelles, à la perspective d'un nouveau champ d'expérience ou à tout ce qui est soit contraire aux habitudes du mental, soit désagréable à une certaine partie du vital. Je suppose que nous avons tous rencontré cet élément incapable dans notre nature et si l'on s'y enferme, il peut même faire paraître
difficile des choses qui d'ordinaire nous sembleraient faciles, et impossibles les choses difficiles. Mais pourquoi un mental entraîné à penser laisserait-il cette partie déficiente de lui-même le dominer ? De même pour les autres lubies. Rien de ce que n'importe qui d'autre peut faire en matière de yoga ne vous est inaccessible, si vous avez la ferme volonté de le faire ; certaines choses prendront peut-être plus de temps à cause du passé : éducation, habitude, associations d'idées, mais rien n'est impossible, rien n'est trop difficile, aucun obstacle n'est en lui-même insurmontable.
C'est la volonté instinctive (et non mentale) dans l'être extérieur qui est aveugle ; le mental intérieur sait et comprend, et quand il émerge, il illumine le reste ; ainsi tout devient clair. Par un mouvement faux du vital, ou une acceptation inerte de l'obscurité de la conscience physique ignorante, l'être extérieur laisse entrer de nouveau l'ombre et la confusion, et la connaissance est obscurcie. Mais elle est toujours là et n'a qu'à ressortir. La conscience physique, de par sa constitution, est ignorante ; on peut l'amener à comprendre, mais elle passe son temps à oublier et à croire qu'elle n'a jamais rien su, jusqu'à ce que la Force et la Lumière finissent par s'en emparer; alors elle n'oublie plus.
Ce qui s'est passé, c'est que vous avez pénétré plus avant dans la conscience physique où il faut faire descendre la paix et la lumière de la conscience supérieure. Souvent il en résulte d'abord un relâchement de l'intensité de l'expérience, une dispersion et le retour d'anciens mouvements qui avaient été expulsés des autres niveaux de l'être, mais il "e faut pas s'en décourager. Le remède est de persévérer
davantage pour faire descendre les forces supérieures (paix, etc.) dans cette région.
L'impulsion à s'extérioriser doit toujours être rejetée ; c'est, pour la conscience physique, un moyen d'échapper à l'état de sâdhanâ concentrée. Rester dans la conscience intérieure et de là, agir sur l'être extérieur jusqu'à ce qu'il soit prêt lui aussi, est très nécessaire lorsque le travail de transformation s'oriente plus particulièrement vers la conscience physique.
Le maidân baigné de lune est la conscience spirituelle ; vous vous tenez, pour ainsi dire, à ses portes, et vous sentez sa paix et son bien-être.
L'obstacle ou le mur de servitude que vous sentez est simplement celui des habitudes de la conscience physique ordinaire. C'est général : la nature vitale ordinaire, son ego, son désir, ses passions, ses bouleversements, et la nature physique ordinaire, ses habitudes fortement ancrées, sa tendance à l'extériorisation, sont les principaux obstacles qu'il faut surmonter dans la nature. Lorsqu'ils s'apaisent, on entre plus facilement dans la vraie conscience pour s'unir à la Mère. Mais ils ne sont pas habitués à la tranquillité et dès qu'ils la sentent, ils veulent en sortir et reprendre leurs mouvements ordinaires. Cela disparaîtra lorsque la conscience intérieure aura suffisamment gagné sur la conscience extérieure pour la dominer. La conscience intérieure se développera, se manifestera de plus en plus, à mesure que vous sentirez se dessiner le sentier intérieur, et sera un jour assez forte pour gouverner la vie extérieure. Les obstacles que vous sentez, la recrudescence de difficultés anciennes, l'agitation répétée, etc., tout cela est dû à la force de l'habitude dans la nature physique ; la nature physique n'existe qu'en reproduisant constamment les choses et les mouvements
auxquels elle a été accoutumée dans le passé. L'influence intérieure, à mesure qu'elle émergera, créera peu à peu en elle de nouvelles habitudes de pensée, de sentiments et d'action ; alors elle s'y ancrera et abandonnera les mouvements de l'ancienne nature.
L'étroitesse, etc., dont vous vous plaignez sont normales à la nature physique. C'est la même chose, agissant d'une manière différente, qui fait que X se rebelle contre les conseils, est vexée et se fâche quand on lui fait voir ses fautes. Chez presque tout le monde la nature physique est ainsi : intolérante, irascible, manquant de patience dans ses relations avec les autres. Mais la nature psychique peut venir remplacer cette nature physique et la transformer : vous avez eu l'expérience de ce qu'est cette nature psychique et de sa manière d'agir. Vous savez donc quelle transformation doit s'opérer en vous, et vous savez aussi que cette nouvelle nature est déjà là, en vous, se préparant à sortir. Ayez par conséquent la foi qu'elle viendra à coup sûr ; quand le physique apparaît et recouvre tout de ses anciens mouvements, essayez de vous souvenir de cela et rappelez au mental physique que c'est seulement par cette transformation, en vous-même et en tous, que les choses peuvent changer. Ce qui est nécessaire maintenant, c'est que tous fassent de cette transformation psychique leur objectif principal, chacun en ce qui le concerne. Si certains y réussissent, elle se propagera plus rapidement chez les autres. C'est seulement ainsi que la conscience physique, qui dans son état actuel est pleine d'ego et de conflits, pourra devenir ce qu'elle doit être.
Ce qui est arrivé, c'est que le psychique en vous, qui auparavant était toujours actif dans le mental et le vital, s'est voilé pendant un moment ou a été recouvert par l'ignorance
de la conscience physique. C'est par le psychique que vous êtes relié à la Mère, et c'est lui qui oriente vers elle tous les mouvements de votre être ; c'est lui qui les a puisés en elle ou les a unis à elle en les rendant dépendants d'elle. Il l'avait fait pour tout votre être mental et vital et ses mouvements, et vous avait préservé de toutes les suggestions fausses du mental et de toutes les attaques du vital, vous faisant distinguer le vrai du faux. Maintenant cet être psychique se manifeste de nouveau en vous et agit aussi dans votre conscience physique. Vous n'avez qu'à vivre en lui et tout votre être sera tourné vers la Mère, restera en union avec elle et sera préservé du doute, de l'erreur et des suggestions fausses ; et vous pourrez de nouveau, comme auparavant, progresser vers la pleine réalisation de la sâdhanâ.
Tout cela est excellent ; c'est l'état psychique qui progresse. La paix et la connaissance spontanée sont dans l'être psychique et s'étendent de là au mental, au vital et au physique. C'est dans la conscience physique extérieure que la difficulté essaie encore de persister en portant l'agitation tantôt dans le mental physique, tantôt dans les nerfs, et tantôt dans le corps sous forme de malaises physiques. Mais tout cela peut et doit disparaître. Même les maladies peuvent disparaître si la paix et le pouvoir augmentent dans les nerfs et les cellules du corps : maux d'estomac, troubles de la vue et tout le reste.
Ces sentiments reviennent par une habitude qui fait partie de la conscience physique, et dans cette conscience physique, l'être humain est toujours faible et incapable de se débarrasser de ses mouvements habituels ou d'y résister. Trois choses l'aident à le faire (mise à part sa volonté mentale, qui n'est pas toujours assez forte). Il y a d'abord l'être
psychique ; pendant quelques jours, votre psychique était extrêmement actif et repoussait ces mouvements chaque fois qu'ils essayaient de venir, ou ne tardait guère à les rejeter lorsqu'ils entraient. Cette activité du psychique reviendra et à la longue descendra jusque dans la conscience physique ; alors la difficulté sera minime. En second lieu, il y a l'éveil constant de la conscience intérieure. Actuellement c'est difficile, car pour maintenir la conscience intérieure sans cesse en éveil, il vous faudra pénétrer de plus en plus profondément en vous-même, afin que le voile qui sépare la conscience extérieure de la conscience intérieure, et qui ne se lève que pendant la concentration, n'existe plus même lorsque vous serez dans un état ordinaire où la concentration est absente. La forte tendance à vous intérioriser que vous ressentez a pour but de vous mener à cet approfondissement. Et troisièmement, la force de la Mère doit être toujours présente et entraîner une réponse immédiate de la conscience physique. Ensemble, ces trois choses peuvent tout accomplir. Les rendre constamment actives toutes les trois à la fois demande du temps, mais cela viendra certainement et grâce à elles, ces difficultés intérieures disparaîtront.
Il est inévitable qu'au cours de la sâdhanâ on ait à passer par toutes sortes d'états pour atteindre la plénitude de la vraie conscience. Vous êtes maintenant - comme la plupart des sâdhak - dans la conscience physique dont la principale difficulté est la tendance à s'extérioriser et à voiler l'expérience active, de sorte que l'on ne sait pas ce qui se passe à l'intérieur ou que l'on a l'impression qu'il ne s'y passe rien. Quand cela se produit, c'est le signe qu'une certaine partie ou une certaine couche du physique a émergé parce qu'il faut s'en occuper, et quand le nécessaire a été fait - ce qui prend plus ou moins longtemps - l'expérience intérieure active et consciente reprend. Un mental muet n'est pas mauvais en soi ; c'est un état favorable au travail intérieur.
Vous décrivez aussi quelque chose qui se passe dans la tête : ce doit être une action de la Force à cet endroit ; cela donne parfois l'impression d'un mal de tête. Une action se poursuit sans doute dans le mental physique pour le débarrasser d'une difficulté ou pour mieux le préparer à accueillir ce qui vient d'en haut.
Une grande patience est nécessaire pour passer par ces différents états sans agitation ni frayeur, et aussi la confiance que toutes les difficultés seront surmontées.
Ce n'est pas qu'il y a toujours en vous quelque chose "qui ne va pas", mais il y a encore, dans l'être physique subconscient, une partie qui peut toujours réagir très favorablement aux vibrations de ces pensées et de ces sentiments comme elle avait coutume de le faire. D'ordinaire vous n'auriez nullement laissé apparaître ces vibrations, ni sous forme de pensées, ni sous forme de sentiments - elles ne se seraient manifestées que par un état physique dépressif ou une fatigue - ou si ceux-ci étaient apparus, vous auriez réagi aussitôt et les vibrations seraient retombées et auraient disparu. Mais dans cette atmosphère lourdement surchargée par une invasion de la conscience ordinaire, la conscience physique est moins plastique et ses vibrations ont pu apparaître. C'est une expérience extrêmement fréquente. Il faut se détacher de ces parties encore faibles et les considérer comme un détail à rectifier dans le mécanisme. En outre, en ce qui vous concerne, votre être nerveux (physique vital) est extrêmement conscient et sensible, et tout ce qui ne va pas dans l'atmosphère l'affecte davantage que la plupart des autres sâdhak.
Cette sensation dans la poitrine était une attaque physique de la vieille Ignorance qui tentait par là de faire revenir
l'agitation, la dépression, la confusion vitales; car c'est maintenant sur l'obscurcissement de la conscience physique que celles-ci comptent pour empêcher la Lumière et la Force de venir, pour assombrir leur action, créer le trouble et détruire la tranquillité. Rejetez cette attaque comme vous l'avez fait cette fois-ci, chaque fois qu'elle essaie de venir.
C'est très bien que tout ait disparu ainsi et que la vraie conscience ait affirmé sa maîtrise dans le physique. Ces incidents sont en fait des attaques dont le but est d'empêcher la maîtrise de s'établir dans l'être physique, comme elle l'a déjà fait dans les parties intérieures. Partout où la conscience physique s'ouvre, la Force peut balayer ce qui risquerait d'entraîner des difficultés. Il lui faut parfois un peu de temps pour surmonter la résistance, mais tout finit par disparaître devant elle.
C'est en fait la conscience corporelle qui continue à faire des difficultés, mais quand l'agitation et la confusion apparaissent, vous devez aussitôt les offrir et appeler pour que s'ouvre la partie qui résiste. De cette manière, il est possible d'instaurer un état où dès que la difficulté se présente, la Force de contre-attaquer vient aussi. Alors aucune difficulté ne pourra se prolonger très longtemps.
Pour votre sâdhanâ, il faut tout d'abord ouvrir l'être physique de façon complète et permanente et stabiliser en lui la descente du calme, de la force, de la pureté et de la joie, et aussi le sentiment que la Force de la Mère est présente et active en vous. C'est seulement sur cette base sûre que l'on peut devenir un instrument entièrement efficace pour le
travail. Une fois que c'est fait, la transformation dynamique de l'être en un instrument du Divin reste à accomplir, et elle ne peut s'opérer que par la descente d'un pouvoir de conscience de plus en plus élevé dans le mental, le vital et le corps ; de plus en plus élevé, c'est-à-dire de plus en plus proche de la Lumière et de la Force supramentales. Mais cela ne peut se faire que sur la base dont j'ai parlé, et il faut que le psychique soit sans cesse au premier plan agissant comme un intermédiaire entre l'instrument mental, vital et corporel et ces plans supérieurs de l'être. Cette stabilisation fondamentale doit donc d'abord être achevée.
Oui, le moment est venu de persévérer jusqu'à ce que vous ayez définitivement pris position dans la conscience intérieure ; la persistance du silence et de la paix indique que c'est maintenant possible. Quand on sent cette sorte de silence, de paix et d'immensité, on peut être sûr que ce sont ceux de l'être vrai, du moi réel, pénétrant dans le mental et le vital et peut-être aussi (si c'est complet) dans la conscience physique. L'agitation du physique est probablement due au fait que la paix et le silence n'ont pas encore pénétré la conscience matérielle et corporelle, bien qu'ils aient atteint la conscience physique. L'ancienne agitation est là, dans le corps, essayant de s'accrocher, bien qu'elle ne puisse envahir ni le mental, ni le vital, ni même - d'une manière générale - la conscience physique dans son ensemble. Si la paix descend jusque là, l'agitation disparaîtra.
La sensation sexuelle vient du subconscient qui l'a emmagasinée durant les heures de veille. Lorsqu'elle ne peut pas se manifester dans la conscience de veille, elle émerge du subconscient pendant le sommeil. Le mental ne doit pas se laisser troubler ; cela s'en ira avec le reste.
Dans le physique, la résistance revêt souvent la forme d'une agitation due à un malaise dans le système nerveux. Si les jambes en sont affectées, cela signifie que la perturbation se situe dans la partie la plus matérielle de la conscience. Puisqu'elle est apparue, il faut l'expulser une fois pour toutes. Cette partie est sans doute devenue assez consciente pour sentir la pression augmenter lorsque la Mère descend, mais pas suffisamment pour être capable de recevoir la descente et de l'assimiler, d'où le malaise et la résistance. Si c'est le cas, cela devrait s'en aller tout seul par une ouverture un peu plus grande à ce niveau.
Les réactions que vous décrivez - lourdeur, malaise, faiblesse, impression de vieillesse, d'épuisement ou de maladie - sont celles qui apparaissent lorsque l'inertie de la Nature physique résiste à la Lumière ; les autres - sentiment de sa propre dignité, respect de soi-même (de son ego) sont des réactions du vital. Il faut refuser de les admettre, les unes comme les autres. Il n'y a qu'un seul but à poursuivre : l'augmentation de la Paix, de la Lumière, du Pouvoir et la croissance d'une conscience nouvelle dans l'être. Avec cette nouvelle conscience viendront la vraie connaissance, la vraie compréhension, la vraie force, le vrai sentiment qui substitueront l'harmonie à la révolte et à la lutte et amèneront l'union avec la conscience et la volonté du Divin.
Une certaine inertie, une tendance au sommeil, une indolence, une répugnance ou une incapacité à trouver la force de travailler longtemps ou de soutenir un effort spirituel prolongé, tout cela appartient à la conscience physique humaine. Quand on descend dans le physique pour qu'il se transforme (c'est la situation qui prédomine ici depuis longtemps), cet état tend à empirer. Lorsque la pression de la sâdhanâ
augmente dans le physique, ou lorsqu'on doit s'intérioriser souvent, il lui arrive même parfois de s'aggraver temporairement : le corps a besoin de se reposer davantage ou transforme le mouvement d'intériorisation en une tendance à dormir ou à se reposer. Vous n'avez cependant pas à vous en inquiéter. Au bout d'un certain temps, tout cela finit par rentrer dans l'ordre ; la conscience physique reçoit le vrai calme et la vraie paix dans les cellules et se sent reposée, même en plein travail ou dans l'état le plus concentré, et cette tendance à l'inertie se retire de la nature.
L'inertie a toujours plus de chances de se manifester la nuit parce que le subconscient joue un grand rôle dans le sommeil ; mais à part cela, il faut réagir (intérieurement) contre son apparition. Une tranquillité dans les cellules du corps, et même une sensation d'immobilité (où le corps se sent mû plutôt qu'il ne se meut lui-même), ce n'est pas la même chose, et c'est facile à distinguer de l'inertie. L'influx de paix apporte en général une grande descente du Brahman statique dans la conscience, jusqu'au physique, de sorte que l'on sent le "immobile il se meut" de l'Oupanishad.
À ma connaissance, aucun moyen extérieur n'est efficace pour se débarrasser de l'inertie. Certains, aux heures où ils ne peuvent pas pratiquer la sâdhanâ, consacrent leur temps à d'autres occupations : ils lisent, écrivent ou travaillent et n'essaient pas du tout de se concentrer. Mais je soupçonne que ce qu'il vous faut, c'est un corps plus vigoureux.
Il est tout à fait vrai que l'exercice physique est très nécessaire pour écarter le tamas. Je suis heureux que vous ayez
commencé et je compte bien que vous continuerez.
Le tamas physique ne peut être extirpé que par la descente et la transformation, mais l'exercice physique et une activité corporelle régulière peuvent toujours empêcher un état tamasique d'envahir le corps.
Un mental, une force de vie et un corps solides sont nécessaires dans la sâdhanâ. On doit tout spécialement faire le nécessaire pour rejeter le tamas et pour amener la vigueur et la force dans la structure de la nature.
La voie du yoga doit être une chose vivante et non un principe mental ni une méthode fixe à laquelle on s'accroche en dépit de toutes les variations nécessaires.6
La faiblesse corporelle doit être guérie et non négligée. Elle ne peut être guérie qu'en faisant descendre la force supérieure et non par une simple contrainte exercée sur le corps.
Une tension excessive ne fait qu'accroître l'inertie : la volonté mentale et vitale peut contraindre le corps, mais le corps ressent de plus en plus la tension et finit par reprendre ses droits. C'est seulement si le corps ressent lui-même la volonté et la force de travailler qu'on peut augmenter la tension.
La première règle est que le sommeil et le repos doivent être suffisants : ni trop, ni trop peu.
6. Les Bases du Yoga, chapitre I. Traduction de la Mère.
Le corps doit être entraîné à travailler ; il ne faut pas aller au-delà des limites de sa résistance.
Les procédés extérieurs ne sont pas efficaces sans les procédés intérieurs. Par un entraînement progressif on peut, jusqu'à un certain point, rendre le corps capable de travailler davantage. Mais l'important, c'est de faire descendre dans le corps la force du travail et le rasa du travail. Le corps fera alors ce qui lui est demandé, sans rechigner ni ressentir de fatigue.
Même dans ce cas, même si l'on a la force et le rasa, on doit conserver son sens de la mesure.
Le travail est un moyen de se donner au Divin, mais il doit être fait avec la conscience intérieure nécessaire, où le vital et le physique extérieurs ont eux aussi leur part.
Un corps paresseux n'est certes pas un instrument adapté au yoga : il doit cesser d'être paresseux. Mais un corps fatigué et rétif n'a pas non plus une bonne réceptivité et ne peut pas être un bon instrument. Ce qu'il faut, c'est éviter les extrêmes.
Si, après le travail, votre corps est endolori, c'est peut-être parce que vous travaillez au-delà de vos forces physiques et exigez trop de votre corps. Quand vous travaillez, la Force descend en vous, prend la forme d'une énergie vitale et soutient votre corps de sorte que sur le moment, il ne ressent pas la tension ; mais quand vous vous arrêtez, le corps retrouve son état normal et sent les effets : il n'est pas encore assez ouvert pour être capable d'emmagasiner la Force. Vous devez voir si cet effet douloureux se prolonge ; s'il disparaît, tout va bien ; sinon, vous devez veiller à ne pas vous surmener.
Cette impression de légèreté et cette puissance de travail vous viennent de votre bon état psychique, car vous êtes ouvert à la Force de la Mère et c'est elle qui travaille en vous ; alors il n'y a pas de fatigue. Auparavant, vous sentiez la fatigue après le travail, parce que votre vital était ouvert et que l'énergie vitale était l'instrument du travail, mais la conscience corporelle n'était pas tout à fait ouverte et ressentait une certaine tension. Cette fois-ci le physique semble s'être ouvert, lui aussi.
La douleur, la sensation de brûlure, l'agitation, les larmes, l'incapacité à travailler que vous ressentez apparaissent lorsqu'on rencontre une difficulté ou une résistance dans une partie quelconque de la nature. Quand cela se produit, appelez la Mère et rejetez tout cela; tournez-vous vers elle pour que la paix et la tranquillité reviennent dans votre mental et s'établissent dans le cœur de sorte qu'il n'y ait plus de place pour toutes ces réactions.
L'attachement à ce que l'on mange, l'avidité et la convoitise qui font de la nourriture une partie indûment importante de la vie sont contraires à l'esprit du yoga. Être conscient qu'un aliment est agréable au palais n'est pas une faute ; seulement on ne doit en avoir ni désir ni envie, ni exultation de l'avoir, ni regret ou déplaisir de ne pas l'avoir. Il faut être calme et égal, sans trouble ni mécontentement quand la nourriture est insipide ou peu abondante, et manger la quantité nécessaire - ni plus ni moins. Il ne doit y avoir ni envie ni répugnance.
Penser tout le temps à la nourriture et en préoccuper le mental, est une manière tout à fait mauvaise de se débarrasser du désir de la nourriture. Mettez l'élément nourriture
à sa vraie place dans la vie, dans un petit coin, et ne vous concentrez pas sur lui mais sur d'autres choses.7
Il n'est certes pas très yoguique de se laisser tourmenter à ce point par les insatisfactions du palais. Je remarque que ces petits désirs, que beaucoup de gens qui ne sont en rien des yogis ni des aspirants au yoga savent mettre à leur place, semblent prendre ici une importance démesurée, dans la conscience des sâdhak (pas tous, certes, mais beaucoup). En cela, comme en beaucoup d'autres domaines, ils ne semblent pas se rendre compte que si l'on veut faire le yoga, on doit adopter de plus en plus et dans tous les domaines, petits ou grands, l'attitude yoguique. Dans notre chemin, cette attitude n'est pas celle de la répression par la violence, mais du détachement et de l'égalité vis-à-vis des objets du désir. La répression violente8 se situe au même niveau que l'assouvissement sans frein : dans les deux cas, le désir persiste ; dans l'un, il se perpétue par l'assouvissement, et dans l'autre il reste latent et s'exaspère par la répression. C'est seulement lorsqu'on prend du recul, que l'on se sépare du vital inférieur, en refusant de considérer ses exigences et ses désirs comme siens, et que l'on cultive vis-à-vis d'eux une égalité et une équanimité complètes dans la conscience, que le vital inférieur se purifie peu à peu et devient calme et égal. Chaque vague de désir, lorsqu'elle vient, doit être observée aussi tranquillement et avec un détachement aussi imperturbable que si l'on observait un événement extérieur à soi, et on doit la laisser passer, la rejeter de la conscience, et la remplacer fermement par le vrai mouvement, la vraie conscience.
Et si les gens se rappelaient qu'ils sont ici pour faire le yoga, s'ils en faisaient le sel et la saveur de leur existence et acquéraient la samatâ du goût ? Alors, selon mon expérience,
7. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
8. Le jeûne entre dans cette catégorie ; il n'est d'aucune utilité dans ce domaine. Abandonnez complètement cette idée (Note de Sri Aurobindo).
tous ces ennuis disparaîtraient et même, il n'y aurait plus de problèmes à la cuisine et la nourriture y gagnerait.
Ne laissez pas votre mental se préoccuper de la nourriture. Prenez-en la quantité nécessaire (ni trop ni trop peu) sans convoitise ni répulsion, comme le moyen que vous donne la Mère pour entretenir le corps, dans le véritable esprit, en offrande au Divin en vous. Alors la nourriture ne créera pas de tamas.9
Il faut manger suffisamment et ne plus y penser, en ne considérant la nourriture que comme un moyen d'entretenir l'instrument physique. Mais s'il ne faut pas trop manger, il ne faut pas non plus diminuer inconsidérément la quantité de nourriture : la réaction va à l'encontre du but recherché, qui est de ne permettre ni à l'avidité pour la nourriture, ni au lourd tamas du physique qu'engendre un excès de nourriture d'entraver la concentration sur l'expérience spirituelle et le progrès. Si le corps n'est pas assez nourri, il pensera plus encore à la nourriture.
Ces difficultés continuent à se manifester en vous parce qu'elles ont longtemps prédominé, et parce qu'en ce qui concerne la première, vous l'avez étayée à une certaine époque par de nombreuses justifications mentales. Si la conscience supérieure continue à croître, elles disparaîtront certainement. Mais si elles apparaissent, ne les entretenez pas. Votre attitude à l'égard de la gourmandise n'a peut-être Pas été exactement celle qu'il fallait. Il faut surmonter la
9. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
gourmandise, mais il ne faut pas trop y penser. La bonne attitude, en ce qui concerne la nourriture, est une certaine égalité. La nourriture est faite pour entretenir le corps et à cette fin, on doit en absorber suffisamment, selon les besoins du corps ; si on lui en donne moins, le corps en ressent le besoin et devient avide ; si on lui en donne trop, c'est céder au vital. Quant aux préférences du goût, l'attitude du mental et du vital devrait être : "Si on me donne ce que j'aime, je prends ; sinon, je m'en passe." Le mieux est de ne pas trop penser à la nourriture : ni trop manger, ni se priver inconsidérément.
Si l'on mange trop, le corps devient lourd et matériel ; si l'on ne mange pas assez, il devient faible et nerveux ; on doit trouver la véritable harmonie, le bon équilibre entre les besoins du corps et la nourriture absorbée.
Tout dépend de ce que vous pouvez digérer. Si vous pouvez digérer, il n'y a aucun mal à manger davantage, puisque vous avez faim. Tout cela dépend des besoins véritables du corps qui peuvent varier, selon le cas, avec la constitution du corps et la quantité de travail ou d'exercice physique. Peut-être avez-vous exagérément diminué la quantité de nourriture ; vous pouvez donc essayer de manger davantage.
Mais c'est tout naturel. L'exercice a toujours été censé augmenter l'appétit, puisque le corps a besoin d'une plus grande quantité de nourriture pour compenser la dépense supplémentaire d'énergie. Normalement, plus le corps travaille physiquement et plus il a besoin de nourriture. Le travail mental, au contraire, n'exige aucune augmentation de la
quantité de nourriture ; des expériences scientifiques l'ont prouvé L'appétit peut augmenter pour d'autres raisons, mais s'il apparaît alors qu'on vient de commencer à pratiquer un sport ou un exercice physique intense, cela suffit à l'expliquer.
Il est vrai qu'à mesure que l'on avance en âge, il peut devenir souhaitable de diminuer la quantité de nourriture.
Ne négligez pas cette tendance de la nature (le désir de nourriture), mais n'en faites pas trop de cas. On doit s'en occuper, la purifier et la maîtriser, mais sans y attacher trop d'importance.
Il y a deux manières de la conquérir. L'une est le détachement : apprendre à considérer la nourriture comme une simple nécessité physique et ne donner aucune importance à la satisfaction vitale du palais et de l'estomac. L'autre est d'être capable de prendre sans insistance et sans recherche la nourriture qui vous est donnée, quelle qu'elle soit, et d'y trouver (que les autres la trouvent bonne ou mauvaise) un égal rasa, identique en tout, non pas de la nourriture en elle-même, mais de l'universel Ânanda.10
Dans un sens comme dans l'autre, ces généralisations n'ont pas grande valeur. Il est inutile de se mettre à détester la nourriture pour se débarrasser de la gourmandise. Par ailleurs, cultiver le dégoût de certaines choses peut aider à les rejeter ; mais ce remède n'est pas toujours efficace, car il leur arrive de persister malgré le dégoût.
10. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
Négliger le corps et le laisser s'épuiser est une erreur ; le corps est l'instrument de la sâdhanâ et doit être gardé en bon état. Il ne faut pas avoir d'attachement pour lui, mais pas de mépris non plus, ni de négligence pour la partie matérielle de notre nature.
Le but de ce yoga n'est pas seulement l'union avec la conscience supérieure, mais la transformation de la conscience inférieure, y compris la nature physique, par le pouvoir de la conscience supérieure.
Il n'est pas nécessaire d'avoir de la gourmandise ni un désir de nourriture pour manger. Le yogi ne mange pas par désir, mais pour entretenir son corps.11
L'attachement à la bonne nourriture doit être abandonné, comme l'attachement personnel au rang social et à la domesticité ; mais à cette fin il n'est pas rigoureusement indispensable de suivre un régime ascétique ou d'abandonner tout moyen d'action comme l'argent et la domesticité. Le yogi doit devenir nihsva, c'est-à-dire sentir que rien ne lui appartient. mais que tout appartient au Divin, et être à tout moment prêt à tout abandonner au Divin. Mais tout dilapider afin de devenir extérieurement nihsva, sans raison impérieuse, n'a pas de sens.
Je suppose que vous avez commencé à percevoir le principe de la faim dans le physique vital. Ce n'est ni en le satisfaisant, ni en le niant avec violence que vous pourrez vraiment le faire disparaître ; c'est en lui imposant une volonté de changer et en faisant descendre une conscience supérieure qu'il pourra se transformer.
11. Les Bases du Yoga. chapitre IV. Traduction de la Mère.
Il n'est pas bon de réprimer ainsi la faim, cela suscite souvent des désordres. Je doute que quand on est en bonne santé, le fait d'être gros ou mince dépende de la quantité de nourriture absorbée : il y a des gens qui mangent bien et restent minces, et d'autres qui ne font qu'un repas par jour et restent gros. On peut maigrir par sous-alimentation (c'est-à-dire en mangeant moins que le corps n'en a réellement besoin), mais alors on n'est plus en bonne santé. Les médecins disent que cela dépend du fonctionnement de certaines glandes. Quoi qu'il en soit, l'important est maintenant de revigorer le système nerveux.
Quant au foie, manger peu, là non plus, ne sert pas à grand-chose ; très souvent le foie devient paresseux et fonctionne moins bien. Contre les troubles du foie, il est recommandé d'éviter les aliments gras et les excès de sucreries, et c'est aussi une façon d'éviter de grossir. Mais il n'est pas bon de manger trop peu ; ce qui peut être nécessaire dans certaines maladies de l'estomac ou de l'intestin ne vaut rien dans le cas d'un simple mal du foie.
Les Sannyâsi ont mis un interdit sur ces désirs, dans le domaine de la nourriture comme dans d'autres ; ils ont pour principe de manger une nourriture ascétique ; mais cela n'anéantit pas forcément la gourmandise ; elle reste refoulée, et si l'interdit ou le principe est retiré, elle peut réapparaître plus forte qu'avant, car le refoulement sans élimination renforce souvent ces désirs au lieu de les annihiler.
J'ai toujours remarqué que lorsque le désir de manger a été réprimé, le corps ressent pendant quelque temps une forte avidité pour la nourriture, ou un besoin de manger beaucoup, comme pour compenser ce qui lui a manqué.
La première chose que je dis aux gens qui veulent cesser de manger ou de dormir est qu'on ne saurait faire le yoga sans une quantité suffisante de nourriture et de sommeil (voir sur ce point la Guîtâ). Le jeûne et l'insomnie mettent les nerfs dans un état d'excitation maladive, affaiblissent le cerveau et produisent des hallucinations et des fantasmes. La Guîtâ dit que le yoga n'est pas pour celui qui mange ou dort trop, ni pour celui qui ne mange pas et ne dort pas, mais que si l'on mange et dort convenablement (youktâhârî youktanidrah}, on peut alors le pratiquer dans les meilleures conditions. De même pour tout le reste. J'ai dit et répété qu'une vie trop retirée me paraît suspecte et qu'une sâdhanâ où l'on ne fait que méditer est une sâdhanâ déséquilibrée et donc chancelante !
L'idée de cesser de manger est une mauvaise inspiration. On peut subsister avec une petite quantité de nourriture, mais pas sans nourriture du tout, sauf pour un temps assez court. Souvenez-vous de ce que dit la Guîtâ : "Le yoga n'est pas pour celui qui mange avec excès, ni pour celui qui s'abstient complètement de manger."
L'énergie vitale est une chose à part : on peut en absorber beaucoup sans nourriture, et souvent elle augmente avec le jeûne ; mais la substance physique est d'un autre ordre : sans elle, la vie perd son support.12
On peut faire descendre la force, mais il faut veiller aussi à ce que le corps ait assez de nourriture, de sommeil et de repos ; leur absence entraîne une tension nerveuse et si les nerfs sont tendus, le corps se sent fatigué et s'affaiblit.
12. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
Ne pas manger pour se débarrasser de la gourmandise, c'est la méthode ascétique. La nôtre est l'équanimité et l'absence d'attachement.
C'est un fait que par le jeûne, si le mental et les nerfs sont solides et si la force de volonté est dynamique, on peut obtenir momentanément un état d'énergie intérieure et de réceptivité très séduisant pour le mental, et les réactions habituelles de faim, de faiblesse, de dérangement intestinal, etc., peuvent être entièrement évitées. Mais le corps souffre de la diminution de nourriture, et le vital manifeste facilement une condition morbide de surtension, due à l'irruption de plus d'énergie vitale que le système nerveux ne peut en assimiler ou en coordonner. Les gens nerveux doivent éviter la tentation du jeûne ; il s'accompagne souvent ou est suivi d'aberrations et d'une perte d'équilibre.
En particulier, s'il a pour motif la grève de la faim, ou s'il s'y mêle quelque élément de ce genre, le jeûne devient périlleux, car alors on cède à un mouvement vital qui peut facilement devenir une habitude pernicieuse, nuisible à la sâdhanâ
Même si toutes ces réactions sont évitées, le jeûne n'a tout de même pas une utilité suffisante car l'énergie et la réceptivité supérieures devraient venir, non pas par des moyens artificiels ou physiques, mais par l'intensité de la conscience et par une forte volonté de sâdhânâ.13
Jamais je n'en ai entendu parler; mais le jeûne prolongé conduit précisément à une mauvaise réalisation. Les nerfs entrent dans un état d'excitation et de tension (à moins qu'ils ne lâchent) et inventent des réalisations ou vous ouvrent à une Force mauvaise. Du moins c'est souvent le cas.
13. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
Je crois qu'obéir à cette suggestion et se priver de nourriture n'est pas sans danger, car parfois cela ouvre la porte à une force de jeûne qui s'empare du mental, et les ennuis commencent. Cela peut facilement arriver parce que l'être intérieur n'a évidemment pas besoin de nourriture et certaines forces essaient de projeter aussi sur le corps cette absence de besoin ; mais le corps ne saurait suivre une aussi charmante loi. Mieux vaut laisser cet état [de concentration et de paix] s'intensifier jusqu'à ce qu'il puisse se prolonger même pendant le repas et au-delà. Je suppose que ce n'est pas vraiment le fait de manger qui dérange, mais plutôt l'extériorisation de la conscience qu'il est un peu difficile d'éviter lorsqu'on va prendre son repas ; mais avec le temps on peut surmonter cela.
Vous ne devez pas laisser ce mouvement [tendance à réduire la quantité de nourriture] aller trop loin. C'est l'un des dangers de la sâdhanâ, dû à la tendance ascétique des yogas d'autrefois : avec les expériences vient la suggestion que la nourriture, le sommeil, etc. ne sont pas nécessaires ; le corps peut avoir aussi un penchant à ne pas manger ou à ne pas dormir. Mais si l'on y cède, les conséquences sont souvent désastreuses. Il ne faut pas admettre cela, pas plus que l'inertie.
Si vous souffrez beaucoup, vous pouvez vous abstenir de travailler pendant un jour ou deux, jusqu'à ce que les douleurs s'apaisent. Évidemment, si vous sentez que toute nourriture non liquide vous fait mal, la question est réglée. Vous ne pourrez absorber que de la nourriture liquide, et si vous ne prenez rien d'autre, vous n'aurez pas assez de force pour travailler. Mais en général, toutes ces questions dépendent, dans une large mesure, de l'idée qu'on s'en fait. Le
mental a l'impression que toute nourriture solide provoquera des douleurs et le corps lui emboîte le pas; alors naturellement, toute nourriture solide commence vraiment à faire souffrir.
La vigueur mentale ou vitale ne dépend pas - ou pas forcément - de la nourriture ; c'est le physique qui, au bout d'un certain temps, commence à se fatiguer s'il n'est pas suffisamment nourri.
La transformation à laquelle nous aspirons est trop vaste et trop complexe pour se produire d'un seul coup ; il faut lui permettre de se faire par étapes. Le changement physique est la dernière de ces étapes, et il se fait lui-même par un processus progressif.
La transformation intérieure ne peut pas s'obtenir par des moyens physiques, qu'ils soient de nature positive ou négative. Par contre, le changement physique ne peut s'accomplir que par une descente de la plus haute conscience supramentale dans les cellules du corps. Jusqu'à ce moment-là du moins, le corps et les énergies qui le soutiennent doivent être partiellement entretenus par les moyens ordinaires : nourriture, sommeil, etc. La nourriture doit être prise dans le vrai esprit, avec la vraie conscience ; le sommeil doit progressivement se changer en repos yoguique.
Des austérités physiques prématurées et excessives (tapasyâ) peuvent compromettre la marche de la sâdhanâ en amenant un dérangement et des forces anormales dans les différentes parties du système. Une grande énergie peut se déverser dans les parties mentales et vitales, mais les nerfs et le corps risquent d'être surtendus et perdent la solidité nécessaire pour supporter l'action de ces énergies supérieures. C'est pourquoi des austérités physiques extrêmes ne font pas
partie de la sâdhanâ ici et n'en sont pas un élément substantiel.
Il n'y a pas de mal à jeûner de temps à autre pendant un ou deux jours ni à réduire la nourriture à une quantité petite mais suffisante ; cependant, une entière abstinence pour une longue période n'est pas à recommander.14
Je crois qu'on a accordé une importance exagérée, du point de vue spirituel, à la nourriture sattwique. Les questions de nourriture relèvent plutôt de l'hygiène et bien des sanctions et des interdits édictés par les anciennes religions avaient un motif plus hygiénique que spirituel. Les définitions de la Guîtâ semblent aller dans ce sens : elle semble dire que la nourriture tamasique est celle qui est rance ou pourrie, et qui a perdu toute vertu ; que la nourriture radjasique est celle qui est trop acide, trop piquante, etc., qui échauffe le sang et nuit à la santé ; que la nourriture sattwique est celle qui est agréable, saine, etc. Il se pourrait bien que ces différentes sortes d'aliments nourrissent l'action des différents gouna et soient ainsi, indirectement, salutaires ou nuisibles, mise à part leur action physique. Mais on ne peut guère s'aventurer plus loin. Quant à savoir quels aliments particuliers sont ou non sattwiques, c'est une autre affaire et c'est bien plus difficile à déterminer. D'un point de vue spirituel, je dirais que l'effet de la nourriture dépend plus de l'atmosphère et des influences occultes qui l'entourent que du contenu même de la nourriture. Le végétarisme est une tout autre affaire; il repose, comme vous le dites, sur la volonté de s'abstenir de nuire aux formes de vie les plus conscientes pour satisfaire l'estomac.
L'exercice qui consiste à prendre toutes sortes d'aliments pour y trouver un égal rasa n'est pas nécessaire et n'est pas le vrai moyen d'y parvenir. Il faut acquérir l'égalité intérieure
14. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
dans la conscience et à mesure que cette égalité s'accroît, on peut retendre ou l'appliquer aux divers domaines d'activité de la conscience.
On peut dire, je crois, que les oignons sont d'un caractère radjo-tamasique. Ils sont lourds et matériels, et en même temps éveillent certaines forces vitales-matérielles puissantes. Si l'on veut vaincre les passions physiques et que l'on est encore très soumis à la nature corporelle et à tout ce qui l'affecte, il est évidemment préférable de ne pas se laisser aller à une débauche d'oignons. Ce n'est sans importance que pour ceux qui se sont élevés au-dessus de la conscience corporelle et l'ont maîtrisée, et que ces questions ne concernent plus ; le fait d'absorber ou de désirer tel ou tel aliment est sans effet sur eux. Je dois ajouter qu'il ne suffit pas de s'abstenir de nourritures radjasiques ou tamasiques pour être délivré des désirs qu'elles contribuent à stimuler. Les végétariens, par exemple, peuvent être aussi sensuels et passionnés que les mangeurs de viande ; un individu peut s'abstenir de consommer des oignons sans s'améliorer en rien à cet égard. C'est un changement de conscience qui est efficace et ce genre d'abstinence n'y contribue que dans la mesure où elle tend à créer une conscience physique moins Jourde, plus raffinée, plus plastique, sur laquelle la volonté supérieure pourra agir. C'est quelque chose, mais ce n'est pas tout ; la transformation de la conscience peut se faire même sans privation.
La consommation des oignons est autorisée à l'Ashram parce que le palais des sâdhak exige quelque chose qui donne du goût à la nourriture. Nous n'accordons pas d'importance à ces détails et nous n'en faisons pas une règle absolument stricte, car ici l'accent est mis davantage sur un changement intérieur dont le changement extérieur est une conséquence. Nous insistons seulement sur ce qui est essentiel à l'organisation et à la discipline intérieure et extérieure, et à
l'acquisition d'une indispensable maîtrise de soi. Tous sont enjoints de surmonter la gourmandise, mais cette victoire doit, en dernier ressort, être remportée de l'intérieur, tout comme la victoire sur les autres passions et les autres désirs de la nature inférieure.
La suppression totale du goût, rasa, ne fait pas partie de notre yoga. Ce qu'il faut rejeter, c'est le désir vital et l'attachement, la gourmandise, l'exultation quand on a la nourriture que l'on aime, le regret et le mécontentement quand on ne l'a pas, et l'habitude de lui donner une importance excessive. En ceci, comme en bien d'autres choses, l'égalité est la pierre de touche.15
Non, le goût n'est pas un esclavage, s'il n'y a pas d'attachement. Le goût est naturel et tout à fait admissible, tant que l'on n'est pas l'esclave de son palais. On peut certes faire l'offrande des plaisirs du goût. Je ne crois pas que l'expression de la Guîtâ : "Renonce aux fruits de l'action" s'applique à l'action de manger.
Le goût n'est pas plus un péché quelle vue ou l'ouïe. C'est le désir qu'il éveille qui doit être rejeté.
Il est possible de se débarrasser du goût, comme Chaïtanya, car il est tributaire de la conscience ; on peut donc l'inhiber. On s'est aperçu par des expériences d'hypnotisme qu'une suggestion pouvait donner au sucre un goût amer et aux aliments amers un goût sucré. Berkeley et la physiologie ont tous deux raison. Il y a une certaine relation fixe et
15. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
habituelle entre la conscience dans le palais et le gouna de la nourriture, mais la conscience peut modifier à volonté cette relation ou l'inhiber complètement. De même certains yogis se rendent insensibles à la douleur, ce qui peut se faire aussi par l'hypnose.
Une autre méthode consiste à trouver tous les aliments agréables au goût sans s'attacher à aucun.
Mieux vaut être prudent en ce qui concerne la nourriture, etc., car votre sâdhanâ passe par un stade où la sensibilité, dans la partie physico-vitale de l'être, est considérable et peut aisément être dérangée par une mauvaise influence ou un mauvais mouvement, un excès de nourriture par exemple.
Quand la conscience physique est devenue sensible, une nourriture trop lourde ou trop abondante l'incommode.
C'est le subconscient matériel qui ressent par habitude un besoin artificiel créé par le passé et ne se soucie pas des effets nuisibles ou gênants qui peuvent ou non se répercuter sur les nerfs. Telle est la nature de tous les stupéfiants (vin, tabac, cocaïne, etc.) : à cause de ce besoin artificiel (il n'est pas réel) les gens continuent même quand les effets délétères se sont manifestés, et même après que tout le plaisir qu'ils en retirent a disparu. La volonté doit se saisir de cette persistance subconsciente et la dissoudre.
Ces stupéfiants [chanvre indien, etc.] vous mettent en relation avec un monde vital où ces choses [musique, chants, etc.] existent.
Notre yoga n'est pas de ceux où l'on doit pratiquer des austérités physiques pour elles-mêmes. Le sommeil est nécessaire au corps, tout comme la nourriture. La durée du sommeil doit être suffisante, sans excès. Par suffisante, j'entends celle dont le corps a besoin.
Si vous ne dormez pas assez, votre corps et votre enveloppe nerveuse s'affaibliront ; or le corps et l'enveloppe nerveuse sont la base même de la sâdhanâ.
C'est sans doute le manque de sommeil qui entretient dans votre système nerveux cette tendance à la faiblesse ; ne pas dormir assez est une grande erreur. Le minimum requis est de sept heures. Quand le système nerveux est très fort, on peut réduire à six, parfois même à cinq, mais c'est rare et il ne faut pas tenter de le faire sans nécessité.
On dit que la durée normale du sommeil est de sept ou huit heures, sauf à un âge avancé où elle serait moindre. Si l'on dort moins (cinq ou six heures, par exemple), le corps s'en accommode tant bien que mal, mais dès que la contrainte ne s'exerce plus, il veut aussitôt combler son déficit par rapport aux huit heures normales. Il en est de même lorsqu'on a cherché à subsister en ne mangeant pas assez : si la contrainte cesse, le corps devient souvent très vorace jusqu'à ce qu'il ait soldé son compte de profits et pertes. Du moins c'est souvent le cas.
On ne peut pas faire du corps ce que l'on veut du premier coup. Si l'on ordonne au corps de ne dormir que deux ou trois heures, il obéira peut-être, à condition que la volonté soit assez forte ; mais ensuite il sera peut-être excessivement fatigué et même s'effondrera faute d'un repos suffisant. Les yogis qui réduisent leur sommeil à un minimum n'y réussissent qu'après une longue tapasyâ où ils apprennent à maîtriser les forces de la Nature qui gouvernent le corps.
Tant pour les fièvres que pour les troubles mentaux, le sommeil est d'un grand secours et son absence est très indésirable : on perd un agent de guérison.
Certaines forces agissent et certaines parties de la personnalité les utilisent. Dans la conscience ordinaire, ces fragments de personnalité sont voilés et les forces sont limitées par le mental extérieur, mais quand on passe derrière le voile cette limitation disparaît, l'action des forces s'élargit et réalise automatiquement ce qui doit être fait.
Mais chacune de ces forces se concentre sur son propre travail et ne se soucie de rien d'autre ; par exemple, dans le cas présent, elles ne tiennent aucun compte des besoins du corps en ce qui concerne le repos et le sommeil, ce qui est mauvais. La conscience centrale doit intervenir pour dire : "Non, maintenant c'est l'heure de dormir et non de s'occuper de cela ; ces activités auront leur place à un autre moment."
C'est le manque de sommeil lui-même qui provoque ces malaises. L'action de la sâdhanâ ne peut, par elle-même, amener ce genre de réaction : c'est seulement lorsque le corps subit une tension par manque de sommeil, insuffisance de
nourriture, surmenage ou excitation nerveuse que ces symptômes apparaissent. Si vous avez du mal à dormir, c'est sans doute parce que vos nerfs sont tendus pendant la journée et que vous n'arrivez pas à vous détendre pour vous sentir à l'aise.
C'est votre agitation qui vous empêche de rester endormi, intérieurement ou extérieurement. Pour bien dormir, il faut apprendre au vital, au physique et aussi au mental à se détendre et à rester tranquilles.
Veillez à prendre assez de repos. Vous devez vous méfier de la fatigue, car elle peut provoquer le relâchement et le tamas. Un bon repos n'est pas le tamas, contrairement à ce que certains imaginent ; on peut se reposer dans la conscience juste, pour entretenir l'énergie du corps : c'est ce que fait le Hathayogi énergique en shavâsana.
Cette lecture [d'un roman, avant d'aller au lit] vous a évidemment jeté dans une conscience tamasique, et par conséquent vous avez dormi d'un sommeil lourd, dans une subconscience épaisse ; d'où la fatigue.
Le sommeil, en raison de sa base subconsciente, amène généralement une chute à un plan inférieur, à moins que ce ne soit un sommeil conscient. Le rendre de plus en plus conscient est le seul remède permanent ; mais tant que l'on n'y est pas parvenu, on doit toujours, au réveil, réagir contre cette tendance à l'abaissement et ne pas permettre à l'effet
des nuits lourdes de s'accumuler. Mais ces choses nécessitent toujours une discipline et un effort soutenus et elles prennent du temps, parfois beaucoup de temps. Il n'est pas bon de se refuser à l'effort sous prétexte que l'on n'obtient pas des résultats immédiats.
Tâcher de rester éveillé la nuit n'est pas une bonne méthode ; la suppression du sommeil nécessaire rend le corps tamasique et incapable de la concentration voulue pendant les heures de veille. La vraie manière est de transformer le sommeil et non de le supprimer, et surtout d'apprendre à être de plus en plus conscient dans le sommeil même. Si l'on y parvient, le sommeil se change en un mode interne de conscience, où la sâdhanâ peut continuer autant qu'à l'état de veille, et en même temps on devient capable d'entrer en d'autres plans de conscience que le physique et de disposer d'un immense champ d'expériences informatrices que l'on peut utiliser.17
Les expériences qu'il a maintenant sont les vraies expériences spirituelles et psychiques et non celles du plan vital qu'ont la plupart des sâdhak au début. Les expériences du plan vital (qui contiennent une grande part d'imagination et de fantaisie) sont utiles pour ouvrir la conscience ; mais le vrai progrès commence quand elles font place à la conscience spirituelle et psychique.
La plupart des sâdhak ont du mal à rester conscients pendant la nuit, parce que c'est l'heure du sommeil et de la détente et que le subconscient émerge. La vraie conscience vient d'abord à l'état de veille ou en méditation, elle prend
16. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
17. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
possession du mental, du vital, du physique conscient, mais le vital et le physique subconscients demeurent obscurs et cette obscurité émerge dans les moments de sommeil ou de détente inerte. Quand le subconscient est illuminé et pénétré par la vraie conscience, cette antinomie disparaît.
La femme pischâtcha qui essayait d'entrer est la fausse Shakti vitale et impure, et la voix était celle de l'être psychique. Son psychique, s'il le maintient éveillé et au premier plan, le protégera toujours contre ces forces obscures, comme il l'a fait cette fois-ci.
Vous ne devez pas essayer de vous passer de sommeil pendant la nuit ; si vous vous y obstinez, les effets néfastes n'apparaîtront peut-être pas tout de suite, mais le corps se fatiguera et l'effondrement qui en résultera risquera de détruire ce que vous avez acquis par votre sâdhanâ.
Si vous voulez rester conscient pendant la nuit, entraînez-vous à rendre conscient votre sommeil : non à l'éliminer complètement, mais à le transformer.
Le sommeil ne peut pas être remplacé par autre chose, mais il peut être changé : vous pouvez devenir conscient dans le sommeil. Si vous êtes conscient ainsi, la nuit peut être employée à une activité supérieure - pourvu que le corps ait le repos dont il a besoin, car le but du sommeil est le repos du corps et le renouvellement de la force vitale physique. C'est une erreur de priver le corps de nourriture et de sommeil, comme certains le veulent par idée ou impulsion ascétique ; ceci ne fait qu'user le support physique, et bien que l'énergie yoguique ou vitale puisse faire fonctionner longtemps un système physique surmené ou déclinant, vient un temps où cette sorte de tirage n'est plus si facile, ni même peut-être possible. On doit donner au corps ce dont il a
besoin pour l'efficacité de son fonctionnement. Une nourriture modérée, mais suffisante (sans gourmandise ni désir), un sommeil suffisant mais non d'un genre lourd et tamasique, telle devrait être la règle.18
Il n'y a pas la moindre raison que l'intensité de la sâdhanâ empêche de dormir suffisamment.
La sâdhanâ peut se poursuivre durant le rêve ou le sommeil tout autant que dans l'état de veille.
La conscience de rêve ou de sommeil ne peut pas se convertir tout entière et d'un seul coup en une sâdhanâ consciente. Cela doit se faire peu à peu. Mais le pouvoir de samâdhi conscient doit s'accroître pour que ce soit possible.
On ne peut pas agir avec efficacité sur la conscience de sommeil tant que le mental de veille n'a pas accompli un certain progrès.
En général, c'est seulement lorsque la sâdhanâ est très active pendant la journée qu'elle se prolonge aussi pendant le sommeil.
18. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
Une fois qu'on est en pleine sâdhanâ, le sommeil en fait¦ partie tout autant que la veille.
C'est très bien. C'est le signe que la sâdhanâ devient continue, que vous êtes conscient et que vous utilisez une volonté consciente pendant le sommeil autant qu'à l'état de veille. Ce pas en avant est très important dans la sâdhanâ.
Lorsqu'après avoir été dans un bon état de conscience, on a sombré pendant la nuit dans le subconscient, on s'aperçoit que cet état de conscience a disparu, et il faut faire un effort pour le retrouver. Au contraire, si le sommeil est de meilleure qualité, on peut s'éveiller dans un bon état de conscience. Évidemment, si l'on en est capable, mieux vaut rester conscient pendant le sommeil.
Il y a chez presque tout le monde une solution de continuité entre la nuit et le réveil d'une part, et de l'autre la conscience ordinaire (la conscience "ordinaire" varie évidemment en fonction du progrès) ; mais il est inutile de chercher à être conscient en dormant ; vous devez prendre l'habitude de retrouver le fil du progrès dès que possible et pour cela, il faut se concentrer un peu après s'être levé.
Vous n'avez pas besoin de méditer aussitôt [après vous être réveillé le matin], mais prenez pendant quelques instants une attitude concentrée, en appelant la présence de la Mère pour qu'elle vous accompagne pendant la journée.
Le soir, il faut passer de la concentration au sommeil ; vous devez être capable de vous concentrer les yeux fermés, couché, et la concentration doit s'approfondir jusqu'au
sommeil ; c'est-à-dire que le sommeil doit devenir une intériorisation concentrée qui s'éloigne de l'état extérieur de veille. Si vous le jugez nécessaire, vous pouvez rester assis pendant un moment, mais ensuite couchez-vous en maintenant la concentration jusqu'à ce que l'intériorisation se fasse.
[Pour devenir conscient pendant le sommeil :] Vous devez commencer par vous concentrer avant de vous endormir, avec toujours une volonté ou une aspiration particulière. La volonté ou l'aspiration peut mettre un certain temps à atteindre le subconscient, mais si elle est sincère, forte et imperturbable, elle le rejoint au bout d'un moment, si bien qu'une conscience et une volonté s'établissent automatiquement durant le sommeil et font le nécessaire.
Ce n'était ni un demi-sommeil ni un quart de sommeil ni même un seizième de sommeil que vous avez eu ; c'était une intériorisation de la conscience, qui dans cet état reste consciente mais fermée aux choses extérieures et ouverte seulement à l'expérience intérieure. Vous devez clairement distinguer ces deux conditions, qui sont tout à fait différentes ; l'une est nidrâ, l'autre le commencement au moins de samâdhi (pas le nirvikalpa, bien entendu !). Ce retrait à l'intérieur est nécessaire parce que le mental actif de l'être humain est tout d'abord trop tourné vers les choses extérieures ; il doit rentrer complètement au-dedans afin de vivre dans l'être interne (mental interne, vital interne, physique interne, psychique). Mais avec de l'entraînement, on peut arriver au point où l'on reste conscient extérieurement tout en vivant dans l'être intérieur et où l'on entre à volonté dans l'état de retrait ou dans celui d'expansion. Vous pourrez alors avoir la même immobilité dense et le même influx d'une
conscience plus grande et plus pure à l'état de veille autant que dans ce que vous appelez à tort le "sommeil".19
Vous êtes plus conscient quand vous dormez que lorsque vous êtes éveillé. C'est parce que la conscience physique n'est pas encore assez ouverte ; elle est tout juste en train de commencer à s'ouvrir. Quand vous dormez, l'être intérieur est actif et en lui, le psychique peut influencer plus activement le mental et le vital. Quand la conscience physique sera spirituellement éveillée, vous ne sentirez plus comme maintenant ce trouble et cette obstruction et vous serez aussi ouvert dans la conscience de veille que pendant le sommeil.
C'est la bonne attitude : avoir la foi et ne pas se préoccuper des difficultés. Des difficultés - et de graves difficultés -, il ne peut manquer d'y en avoir sur le chemin du yoga, parce qu'il n'est pas facile de changer d'un seul coup toute la conscience humaine ignorante et d'en faire une conscience spirituelle ouverte au Divin. Mais avec la foi, on n'a pas à se préoccuper des difficultés ; la Force divine est là pour les surmonter.
Le sommeil que vous décrivez où règne un silence lumineux, ou le sommeil qui donne l'Ânanda dans les cellules, sont évidemment les états les meilleurs. Les autres heures (celles dont vous êtes inconscient) peuvent être des périodes de sommeil profond où vous êtes sorti du physique pour entrer dans le mental, le vital ou d'autres plans. Vous dites que vous étiez inconscient, mais il se peut simplement que vous ne vous souveniez pas de ce qui s'est passé ; car au retour, il y a une sorte de renversement de conscience, une transition ou un changement qui fait que tout ce dont on a eu
19. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
l'expérience pendant le sommeil (sauf peut-être ce qui s'est passé en dernier ou bien un événement très impressionnant) se retire de la conscience physique, et tout devient comme vide. Il y a un autre état similaire, un état d'inertie qui n'est pas seulement vide mais lourd aussi et sans souvenir, mais il ne se produit que quand on s'enfonce profondément et épaissement dans le subconscient. Ce plongeon souterrain est très indésirable ; il obscurcit, abaisse, et souvent fatigue plus qu'il ne repose ; c'est tout le contraire du silence lumineux.20
Pendant le sommeil, on passe très souvent par une longue succession d'états de conscience de plus en plus profonds, jusqu'à ce qu'on atteigne le psychique pour s'y reposer, ou par des niveaux de conscience de plus en plus élevés jusqu'à ce qu'on atteigne un repos silencieux et paisible. Ces quelques minutes de repos constituent le vrai sommeil réparateur : sans lui, on ne se repose qu'à moitié. C'est quand on s'approche de l'un de ces domaines de repos que l'on commence à avoir ces rêves d'essence supérieure.
Selon une théorie médicale récente, le dormeur passe par de nombreuses phases jusqu'à ce qu'il parvienne à un état fait de repos et de silence absolus. Cet état ne dure qu'une dizaine de minutes ; le reste du temps, on se dirige vers cet état et on en revient vers l'état de veille. Je suppose que ces dix minutes de sommeil peuvent être appelées soushoupti dans le Brahman ou le Brahmaloka, le reste étant un swapna ou passage à travers les autres mondes (plans ou états d'existence consciente). Ce sont ces dix minutes qui restaurent les énergies de l'être, et sans elles le sommeil n'est pas réparateur.
20. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
Selon l'expérience et la connaissance de la Mère, on part de l'état de veille et on traverse une succession d'états de la conscience de sommeil qui sont en fait autant de mondes que l'on pénètre et par lesquels on passe pour arriver à l'état de pur Satchidânanda fait de repos complet, de lumière et de silence ; ensuite on revient sur ses pas jusqu'à l'état physique de veille. C'est cette période de Satchidânanda qui donne au sommeil tout son pouvoir réparateur. Ces deux descriptions - la description scientifique et la description spirituelle et occulte - sont pratiquement identiques. Mais la première n'est qu'une découverte récente de ce que la connaissance spirituelle et occulte savait depuis longtemps.
Les gens se font les idées les plus fausses au sujet du "sommeil profond". Ce qu'ils appellent un sommeil profond est simplement une plongée de la conscience extérieure dans une subconscience complète. Ils appellent cela un sommeil sans rêves ; mais ce n'est qu'un état où la conscience superficielle de sommeil, prolongement subtil de la conscience extérieure qui reste active même pendant le sommeil, est incapable d'enregistrer les rêves et de les transmettre au mental physique. En fait le sommeil tout entier est plein de rêves. C'est seulement durant le bref moment où l'on est dans le Brahmaloka que les rêves s'interrompent.
Un sommeil ininterrompu et prolongé est nécessaire parce que ce n'est que pendant une dizaine de minutes que l'on pénètre dans un vrai repos, une sorte d'immobilité de la conscience analogue à celle du Satchidânanda, et c'est cela qui a un effet vraiment réparateur sur l'organisme. Le reste du temps se passe d'abord à traverser les différents états de conscience jusqu'à celui-là, et ensuite à en sortir pour revenir à l'état de veille. Certains médecins ont constaté l'existence de ces dix minutes de véritable repos, mais évidemment ils ne savent rien du Satchidânanda !
Tout sommeil est plein de rêves. Pourquoi y aurait-il une différence entre le sommeil diurne et le sommeil nocturne ?
Durant la nuit, la conscience descend presque toujours au-dessous du niveau atteint par la sâdhanâ dans la conscience de veille, à moins que l'on n'ait des expériences spéciales d'un caractère élevant pendant le sommeil ou que la conscience yoguique acquise soit assez forte dans le physique lui-même pour contrecarrer l'attraction de l'inertie subconsciente. Dans le sommeil ordinaire, la conscience qui reste dans le corps est celle du physique subconscient, qui est une conscience diminuée ; elle n'est pas éveillée et vivante comme le reste de l'être. Le reste de l'être se retire en arrière et une partie de sa conscience sort et s'en va en d'autres plans, d'autres régions, et y a des expériences qui se traduisent par des rêves comme celui que vous avez raconté. Vous dites que vous allez en de très mauvais endroits et que vous y avez des expériences comme celle que vous relatez ; mais ce n'est pas nécessairement le signe qu'il y a quelque chose de mauvais en vous. Cela veut dire simplement que vous allez dans le monde vital, comme tout le monde ; or le monde vital est plein d'endroits et d'expériences de ce genre. Ce que vous devez faire, ce n'est pas tant d'éviter tout à fait d'y aller, car on ne peut pas complètement l'éviter, mais d'y aller avec une pleine protection, jusqu'à ce que vous obteniez la maîtrise des régions de la Nature supraphysique. C'est l'une des raisons pour lesquelles vous devriez vous souvenir de la Mère et vous ouvrir à la Force avant de vous endormir, car plus vous en prendrez l'habitude et réussirez à le faire, plus la protection sera avec vous.21
2l. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
C'est le mental de veille qui pense, exerce sa volonté et domine plus ou moins la vie à l'état de veille. Dans le sommeil, ce mental n'est pas là et aucune surveillance ne s'exerce. Ce n'est pas le mental pensant qui voit les rêves, etc., et qui est conscient - avec une certaine incohérence - pendant le sommeil. C'est en général ce que l'on appelle le subconscient qui émerge alors. Si le mental de veille était actif dans le corps, on ne pourrait pas dormir.
Vous confondez des choses complètement différentes, c'est pourquoi vous n'arrivez pas à comprendre. J'expliquais simplement la différence entre la conscience ordinaire de veille et la conscience ordinaire de sommeil, telles qu'elles fonctionnent dans l'être humain, qu'il soit ou non un sâdhak, et cela n'a rien à voir avec le vrai moi ou l'être psychique. Le sommeil et la veille sont déterminés non par le vrai moi ou l'être psychique, mais par l'état éveillé ou l'activité du mental pendant la période de veille ; quand cet état ou cette activité cessent pendant quelque temps, c'est le subconscient qui est à la surface, et l'on dort.
Là aussi c'est différent : c'est dans la conscience yoguique que l'on sent le subconscient situé sous les pieds, mais son influence ne se fait pas sentir seulement à cet endroit ; elle s'étend à tout le corps. À l'état de veille, il est supplanté par l'intellect et le vital conscients, et par le mental physique conscient, mais dans l'état de sommeil il vient à la surface.
C'est le subconscient qui est actif dans les rêves ordinaires. Mais dans les rêves où l'on sort pour aller dans d'autres plans de conscience (mental, vital, physique subtil), c'est en général une partie de l'être intérieur (mental, vital ou physique intérieurs) qui est active.
Ces rêves ne sont pas tous de simples rêves ; ce ne sont pas tous des constructions fortuites, incohérentes ou subconscientes. Beaucoup d'entre eux sont des notations ou des transcriptions d'expériences du plan vital, où l'on entre pendant le sommeil ; certains sont des scènes ou des événements du plan physique subtil. Souvent, on y subit des circonstances ou s'y livre à des activités qui ressemblent à celles de la vie physique, avec le même entourage et les mêmes gens, quoique généralement il y ait dans l'arrangement et les formes une certaine différence, parfois considérable. Mais on peut aussi entrer en contact avec d'autres entourages et d'autres personnes que l'on ne connaît pas dans la vie physique ou qui n'appartiennent pas du tout au monde physique.
À l'état de veille, vous n'êtes conscient que d'un certain champ, d'une certaine action limitée de votre nature. Pendant le sommeil, vous pouvez devenir intensément conscient de ce qui est au-delà de ce champ : une nature vitale ou mentale plus vaste derrière l'état de veille, ou un physique subtil, ou une nature subconsciente qui contient une grande part de ce qui est en vous, mais qui n'est pas active d'une façon discernable à l'état de veille. Tous ces sentiers obscurs doivent être clarifiés sinon Prakriti ne peut pas être changée. Vous ne devriez pas vous laisser troubler par la multitude de rêves du vital ou du subconscient (la plus grande part des expériences de rêve vient en effet de ces deux endroits), mais aspirer à être délivré de ces choses et des activités qu'elles révèlent, à être conscient et à rejeter tout ce qui n'est pas la Vérité divine ; plus vous toucherez cette Vérité et vous vous attacherez à elle à l'état de veille, rejetant tout le reste, plus ce tissu de rêves inférieurs s'éclaircira.22
22. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
Je parlais de votre état de conscience : plus vous deviendrez conscient, plus les rêves que vous ferez auront de valeur.
À moins qu'il ne s'agisse de rêves vraiment significatifs, l'étude des rêves est une perte de temps.
Vous semblez attacher trop d'importance aux rêves. N'encombrez pas votre mental et votre vital de veille ; plus tard, vous pourrez vous occuper des rêves qui ne seront plus alors que des souvenirs issus du subconscient.
Tous les rêves de ce genre sont évidemment des formations comme l'on en rencontre souvent sur le plan vital, et plus rarement sur le plan mental. Parfois, ce sont les formations de votre propre mental ou de votre vital ; parfois, les formations du mental d'un autre avec une transcription exacte ou modifiée dans le vôtre ; parfois viennent des formations faites par des forces ou des êtres non humains de ces autres plans. Ces formations ne sont pas vraies et ne deviennent pas nécessairement vraies dans le monde physique ; mais elles peuvent tout de même avoir de l'effet sur le plan physique si elles ont été formées avec cette tendance ou dans ce but, et si on le leur permet, elles peuvent réaliser leurs événements ou leur signification (car elles sont le plus souvent symboliques ou schématiques) dans la vie intérieure ou extérieure. Avec elles, la méthode à suivre est simplement d'observer et de comprendre, et si elles viennent d'une source hostile, de les rejeter ou les détruire.
Il y a d'autres rêves, qui n'ont pas le même caractère ; ils sont la représentation ou la transcription de choses qui se passent réellement en d'autres plans, d'autres mondes, en
d'autres conditions que les nôtres. Là aussi, il y a des rêves qui sont purement symboliques, et d'autres qui indiquent des mouvements et des propensions qui existent en nous, familiers ou inconnus du mental de veille, ou qui exploitent de vieux souvenirs, ou font surgir des choses emmagasinées passivement ou qui sont encore actives dans le subconscient - toute une masse de matériaux variés qu'il faut changer ou chasser à mesure que l'on s'élève à une conscience supérieure. Si l'on apprend à les interpréter, on peut acquérir par les rêves, une grande connaissance des secrets de sa propre nature et de la nature des autres.23
Ces personnages qui vous apparaissent et ces communications que vous recevez en rêve peuvent avoir trois origines différentes:
(1) Il peut s'agir d'êtres que vous rencontrez dans le monde supraphysique et qui s'intéressent à vous ;
(2) Il peut s'agir de Forces de la Nature - de la nature mentale ou de la nature vitale - qui revêtent ces apparences humaines et vous transmettent, par un rêve symbolique, une formation issue du Mental universel ou de la Vie universelle. Ces messages peuvent prendre la forme de communications ou d'avertissements concernant des événements futurs. La femme était sans doute l'une de ces Forces de la Nature, car son enfant et la boîte qu'elle portait sont évidemment des symboles : l'enfant représentait une de ses créations ou de ses formations qu'elle voulait vous faire accepter et conserver dans votre conscience, la boîte symbolisait certaines habitudes que cette Force voulait aussi vous faire adopter. En vous offrant de prendre soin de vous, elle ne faisait que manifester sa volonté de vous asservir. Vous avez bien fait de dissoudre tout cela.
(3) Il peut s'agir de constructions de votre propre mental
23. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
qui vous transmettait ainsi, sous forme de rêves, des communications ou des perceptions qu'il avait reçues d'une force de la nature et qu'il voulait, comme dans le dernier rêve, faire rejeter par l'être intérieur.
C'est l'exemple d'un rêve où la prémonition s'est révélée exacte dans le domaine physique. Le pouvoir de faire des rêves de ce genre est relativement rare : en général, ces prémonitions se manifestent sous forme de visions intérieures et non dans le sommeil. Il arrive souvent que des formations mentales et vitales se produisent dans les rêves et elles se réalisent parfois en essence, mais pas avec cette précision dans le détail.
[Cette indication exacte du passé et de l'avenir] n'est donnée que par une certaine catégorie de rêves. Les rêves cohérents sont pour la plupart symboliques; sinon ils indiquent des événements qui se passent sur le plan mental ou vital plutôt que sur le plan physique.
C'est le signe d'un pouvoir d'émettre consciemment des formations mentales. Les pensées ont un pouvoir effectif, en général parce qu'elles créent une atmosphère ou des tendances ; ainsi, dans l'entourage d'un malade, il ne faut pas émettre des pensées de mauvais augure, de chagrin ou de peur, car elles vont à l'encontre de la guérison; mais la faculté d'émettre consciemment des pensées formatrices est un pouvoir spécial et peu répandu. Il peut être acquis ou venir de lui-même par la sâdhanâ.
Les rêves de ce genre viennent du subconscient. On est rarement aussi embarrassé, dans la poursuite du yoga, que lorsqu'on découvre avec quelle obstination le subconscient retient ce qui, dans les régions supérieures de la conscience, a été réglé et éliminé. Mais précisément pour cette raison,
les rêves donnent souvent une indication utile, car ils nous permettent de poursuivre ces choses jusqu'à leurs obscures racines dans ce monde souterrain et de les extirper. Non, cela n'indique pas que dans une certaine partie de votre conscience, vous considérez votre poursuite actuelle du yoga comme une occupation temporaire, mais simplement que les vieilles tendances et les vieilles activités vitales sont toujours là, dans ces limbes subconscientes mystérieuses et obscures, et que leurs fantômes peuvent venir voleter à la surface quand la volonté consciente est inactive. Si c'était un rêve ordinaire, il semblerait montrer que ce fantôme n'était pas un puissant démon comme les revenants24 combatifs des sagas norvégiennes, mais une ombre sortie de quelque Hadès sans substance.
Il arrive souvent que lorsqu'un mouvement est expulsé de la conscience de veille, il continue à se produire en rêve. Cela arrive de deux façons. Dans le premier cas, le mouvement est parti, mais il a laissé dans le subconscient un souvenir et une impression qui reviennent durant le sommeil sous forme de rêve. Ces phénomènes subconscients en rêve n'ont aucune importance ; ce sont des ombres plutôt que des réalités. Dans l'autre cas, les rêves se produisent dans le vital pour vérifier ou pour témoigner jusqu'à quel point, dans une certaine partie de l'être intérieur, l'ancien mouvement persiste ou est vaincu. Car dans le sommeil, la domination de la conscience de veille et de la volonté est absente. Si, malgré cela, on est conscient pendant le sommeil et que l'on ne sent pas l'ancien mouvement lorsque les circonstances qui le déclenchaient autrefois se répètent en rêve, ou qu'il est rapidement vaincu et rejeté, on doit comprendre que là aussi, on a remporté la victoire. Votre rêve, qui semble avoir reflété quelque chose de réel, était une véritable expérience
24. En français dans le texte.
de ce genre ; l'ancien mouvement est bien venu par habitude, mais vous êtes aussitôt devenu conscient et l'avez rejeté. C'est un signe encourageant et la promesse d'une élimination complète dans très peu de temps.
Ces rêves, qui se forment à partir d'impressions subconscientes combinées au hasard (mental, vital ou physique subconscient), ou bien n'ont aucune signification, ou bien en ont une qu'il est difficile de découvrir et qui, même si on la découvre, ne vaut guère la peine d'être connue. D'autres rêves sont simplement des événements dans les mondes du mental, du vital ou du physique subtil, ou appartiennent aux plans plus vastes du mental, du vital ou du physique subtil, et ont une signification que les personnages du rêve essaient de transmettre.
Quand on est dans la conscience physique, le sommeil a plutôt tendance à être du genre subconscient, souvent lourd et peu reposant ; les rêves aussi sont du genre subconscient, incohérents, dépourvus de sens, ou s'ils ont une signification, les symboles du rêve sont si confus et si obscurs qu'il est impossible de la saisir. C'est en apportant la Lumière de la Mère dans le subconscient que cette confusion peut être dissoute ; le sommeil devient reposant ou lumineux et conscient.
Ces expériences sont normales quand la conscience intérieure se développe et devient de plus en plus la résidence naturelle de l'être ; c'est la connaissance intuitive et spontanée de cette conscience intérieure qui devient prédominante et non plus le fonctionnement ordinaire du mental extérieur qui
dépend des données sensorielles et des événements extérieurs. C'est la substance de la conscience qui commence à percevoir les choses, et non une partie extérieure qui lui sert d'instrument.
Durant le sommeil, une partie de la conscience sort pour aller dans d'autres plans de l'être où elle voit et sent ce qui s'y passe. Il est tout à fait possible que la conscience témoin suive ces événements qui, en général, se communiquent par une transcription cohérente à la partie endormie de la conscience ; celle-ci les reçoit et ils apparaissent comme des rêves clairs et pleins de sens, par opposition aux rêves incohérents du subconscient. Ou bien la conscience témoin peut se sentir là observant les événements, et en même temps ici. C'est sans doute ce qui va se développer dans quelque temps.
Le mental physique (ou bien le subconscient) intervient presque toujours dans le rêve pour donner sa propre version. C'est seulement lorsqu'une expérience claire se produit dans le plan mental ou vital qu'il n'essaie pas d'intervenir.
Dans ces rêves, qui appartiennent aux plans du mental et du vital supérieur, les événements ne se produisent pas au même rythme qu'ici et les forces agissent plus librement, mais certains sont formateurs de phénomènes et d'événements qui se produiront ici ; non que ces rêves se réalisent exactement comme des prophéties, mais ils créent des forces qui les aident à se réaliser.
Il n'y a pas de lien substantiel [entre l'état de veille et l'état de rêve], mais il peut y avoir un lien subtil. Les événements de l'état de veille influencent souvent le monde du rêve,
pourvu qu'ils aient assez de répercussion sur le mental ou le vital. Les formations et les activités des plans de rêve peuvent projeter quelque chose d'elles-mêmes ou de leur influence dans l'état physique de veille, bien qu'elles s'y reproduisent rarement d'une manière exacte. C'est seulement lorsque la conscience de rêve a atteint un très haut degré de développement qu'on peut voir fréquemment en rêve des choses qui sont ensuite confirmées par ce que d'autres pensent, disent ou font, ou par des événements dans le monde physique.
Ce sont des rêves du plan vital où ce plan s'empare de l'expérience spirituelle pour essayer d'en transformer le contenu en formes de l'ego et ensuite de suggérer une perte de pouvoir et de conscience, puis une chute. Vous ne devez attacher aucune importance à ces rêves, sauf dans la mesure où ils donnent une indication sur votre nature dans l'état de sommeil.
Ils veulent simplement dire que lorsqu'ils reviennent à eux, ils n'ont pas conscience d'avoir rêvé. Pendant le sommeil, la conscience va dans d'autres plans où elle a des expériences, et quand celles-ci sont transcrites - parfaitement ou imparfaitement - par le mental physique, on les appelle des rêves. Ces rêves se déroulent tout au long du sommeil, mais tantôt on s'en souvient, tantôt on n'en garde aucun souvenir. Il arrive aussi que l'on descende très profondément, dans le subconscient, et que les rêves s'y déroulent, mais ils sont si profondément enfouis que lorsqu'on en sort, on n'a même pas conscience d'avoir rêvé.
Il est naturel d'être tantôt silencieux, tantôt très disert lorsque l'être physique subit une action venant de l'intérieur. Quand le sommeil est, si l'on peut dire, plus éveillé, on fait des rêves de toutes sortes ; quand on ne perçoit pas les rêves, c'est que le sommeil du corps est plus profond ; les rêves se déroulent, mais la conscience corporelle ne les remarque pas ou ne se souvient pas de les avoir faits.
Cela dépend de la relation entre les deux états de conscience au moment du réveil. En général, un renversement de conscience fait disparaître plus ou moins subitement l'état de rêve et efface l'impression fugitive laissée par les événements du rêve - ou plutôt par leur transcription - sur l'enveloppe physique. Si le réveil se fait plus progressivement, est moins abrupt, ou si l'impression est très forte, on garde au moins le souvenir du dernier rêve. Dans ce dernier cas, le souvenir du rêve peut même persister longtemps, mais en général dès qu'on s'est levé les rêves s'estompent. Ceux qui veulent se souvenir de leurs rêves s'exercent parfois à rester immobiles et à remonter le cours des rêves, en les retrouvant un par un. Quand l'état de rêve est très léger, on peut se rappeler davantage de rêves que lorsqu'il est pesant.
[Pendant le sommeil,] le subconscient reste dans le corps. En réalité l'être sort pour aller dans différents plans de conscience, mais ses expériences ne sont pas conservées par la mémoire parce que la conscience qui les enregistre est trop profondément enfouie pour pouvoir en communiquer le récit au mental de veille.
Oui,certainement, les expériences en rêve peuvent être d'une grande valeur et communiquer des vérités qu'il n'est
pas si facile de recevoir dans l'état de veille.
Cela se passe souvent de la façon suivante. Un changement ou un renversement de conscience se produit et la conscience de rêve, en disparaissant, emporte avec elle ce qu'elle a vu et éprouvé. On peut parfois éviter cela si, au lieu de se précipiter dans l'état de veille ou de se lever rapidement, on reste tranquille pendant quelque temps pour voir si le souvenir du rêve subsiste ou revient. Sinon la mémoire physique doit apprendre à se souvenir.
La plupart des dormeurs se promènent surtout dans le vital parce que ce plan est le plus proche du plan physique et c'est celui où il est le plus facile de s'attarder. On pénètre en effet dans les plans supérieurs, mais on y passe rapidement ou on ne s'en souvient pas. Car en revenant à la conscience de veille, on repasse par le vital inférieur et le physique subtil, et comme c'est là qu'ont eu lieu les derniers rêves, il est plus facile de s'en souvenir. On ne se remémore les autres rêves que (1) s'ils ont fortement imprégné la conscience qui enregistre les rêves ; (2) si l'on s'éveille aussitôt après l'un d'eux ; (3) si l'on a appris à être conscient pendant le sommeil, c'est-à-dire que l'on suit consciemment le passage de plan en plan. Certains s'entraînent à se souvenir de leurs rêves en restant immobiles au moment du réveil et en remontant le fil des rêves.
Ce qui s'est exprimé venait du plan psychique, et la musique appartenait à ce domaine. Très souvent, lorsqu'on sort d'un sommeil conscient comme celui-ci, la conscience intérieure (celle qui entendait la musique) persiste pendant quelques secondes, même après le réveil, avant de s'en retourner et d'être entièrement recouverte par le mental de veille. Dans ce cas, ce que l'on a vu ou entendu pendant le sommeil
persiste pendant les quelques secondes qui suivent le réveil.
Dans les rêves du plan vital, le fait physique est toujours déformé par rapport à la norme ; cela tient parfois à ce que le vital est un domaine où les formes jouent librement, mais d'autres fois ce n'est qu'une formation fantaisiste soit dans le vital lui-même, soit dans le mental subconscient qui transcrit les incidents du rêve et parfois les modifie par ses propres adjonctions.
Les personnes que l'on rencontre en rêve sont très souvent différentes de ce qu'elles sont dans la vie. Tantôt c'est le véritable individu qui apparaît sur un autre plan, tantôt c'est une pensée, une force, etc. qui revêt son apparence par une association d'idées ou pour une autre raison.
Ce rêve, contrairement à bien d'autres, est un rêve symbolique sur le plan vital. Mais il est difficile d'interpréter ces rêves symboliques du vital à moins qu'ils ne fournissent leur propre clé ; leurs formes sont des sortes de hiéroglyphes. Une fois qu'on a la clé, certains peuvent être chargés de sens ; d'autres sont évidemment assez banals.
Très peu de rêves peuvent s'expliquer de cette façon [par des stimuli extérieurs] et souvent l'explication est tout à fait arbitraire ou ne s'appuie sur aucune preuve. Les rêves provenant d'impressions subconscientes du passé, sans aucun stimulus extérieur, sont bien plus nombreux. La grande majorité des rêves dont se souviennent ceux qui vivent principalement
dans le mental appartiennent à cette catégorie. D'autres rêves traduisent certains mouvements et certaines tendances du vital dont la nature est coutumière et sont des formations personnelles sur le plan vital. Mais quand on commence à avoir une vie intérieure, les rêves sont souvent des transcriptions d'expériences sur le plan vital ; et au-delà s'étend le vaste domaine des rêves, symboliques et autres, qui n'ont rien à voir avec la mémoire. Évidemment il a été prouvé qu'un rêve très long et plein de détails peut se dérouler en quelques secondes, de sorte que l'objection à ce que dit Bergson ne tient pas. Mais il y a aussi des rêves prophétiques et bien d'autres. La mémoire assure le lien entre toutes les expériences, mais il est absurde d'identifier la conscience (même au sens étroit qu'on donne à ce mot en Europe) à la mémoire. Cette théorie de la mémoire fait partie de la conception fondamentale de Bergson selon laquelle le Temps est tout. Quant au mot spirituel, la plupart du temps, en Europe, aucune distinction n'est faite entre le spirituel et le mental ou le vital.
Beaucoup de gens font des rêves de ce genre. C'est l'être vital qui sort pendant le sommeil et qui, en se promenant dans les mondes du vital, a cette sensation de flotter dans l'air dans son propre corps (vital). Les vagues d'un océan couleur d'éclair étaient sans doute l'atmosphère d'une certaine région vitale. Je sais que certains sâdhak, lorsqu'ils sortent du corps pour la première fois d'une manière consciente, se croient véritablement en lévitation, tant est saisissante la perception de ce mouvement, mais c'est seulement le corps vital qui sort.
Ces rêves sont des expériences sur le plan vital, des contacts véritables avec la Mère et moi dans votre être intérieur ; bien
qu'ils puissent contenir certains éléments symboliques, ils ne sont pas eux-mêmes symboliques, mais expriment des relations, des influences ou des échanges entre notre conscience et la vôtre. Le second rêve contient des éléments symboliques. L'échelle représente évidemment une ascension d'étape en étape. Le serpent indique une énergie parfois bonne, plus souvent mauvaise (vitale ou hostile). Cette énergie était peut-être assoupie et n'avait par conséquent rien d'alarmant, mais en la touchant pour voir ce qu'elle était, vous l'avez éveillée et vous vous êtes rendu compte qu'il était dangereux de la manipuler. La nature de cette énergie n'est pas clairement indiquée. Ces expériences que l'on fait en rêve ne sont pas liées aux pensées de veille comme les rêves subconscients ordinaires, qui ne sont que des rêves et non des expériences. Elles ont une vie, une structure, une organisation, des formes, des significations qui leur sont propres ; mais elles sont souvent liées à l'état intérieur et aux expériences ou aux mouvements de la sâdhanâ. Quant à la fleur que vous avez donnée, rien n'indique clairement si cet incident était symbolique ou se déroulait simplement dans le plan intérieur. Il aurait peut-être été possible de le dire si l'on avait su de quelle fleur il s'agissait.
Ces mauvaises passes sont dues à une chute (dont la cause est souvent tout à fait insignifiante) ; vous êtes tombé de l'équilibre intérieur dans la conscience extérieure. Quand cela arrive, n'en soyez pas ému, mais restez calme, appelez la Mère et retournez à l'intérieur.
Les rêves que vous décrivez sont très clairement des rêves symboliques sur le plan vital. Ces rêves peuvent symboliser bien des choses : le jeu des forces, la structure et la trame souterraines de choses faites ou éprouvées, d'événements réels ou potentiels, de mouvements ou de changements vrais ou suggérés dans la nature interne ou externe.
La timidité, exprimée par l'appréhension dans le rêve, ne correspondait probablement à rien dans le mental conscient ni dans le vital supérieur, mais à quelque chose de subconscient dans la nature vitale inférieure. Cette partie se sent toujours petite ou insignifiante, elle a très facilement peur d'être submergée par la conscience plus vaste ; une peur qui chez certains, au premier contact, va jusqu'au saisissement ou à la terreur panique.25
Ces expériences appartiennent au plan vital ; elles ont un sens, si l'on sait les interpréter. Celle-ci indique la possibilité de fortes attaques sur le plan vital, mais promet en même temps la protection. Ce sont des formations du plan vital qui essaient parfois de se réaliser, mais n'y réussissent pas forcément. On peut les observer et les comprendre, mais il ne faut pas les laisser influencer le mental : souvent les forces adverses essaient en effet d'influencer le mental au moyen de ces expériences de rêve.
J'ai dit que ce ,rêve était un incident réel sur le plan vital et non une formation. Si quelqu'un vous attaque dans la rue, ce n'est pas une formation. Mais si quelqu'un vous hypnotise et vous suggère que vous êtes malade, cette suggestion est une formation introduite par l'hypnotiseur.
Ce sont des rêves du plan vital ; ils ont sans doute un rapport avec quelque chose qui se passe dans votre vital, mais ces rêves ne peuvent être interprétés avec précision à moins qu'un indice apparaisse clairement à la surface, ou que vous puissiez vous-même établir un lien avec un incident vécu dont vous êtes conscient. Les images de l'ascension et de
25. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
l'eau qui descend (la conscience ou quelque autre don d'en haut) sont fréquentes et le sens général est toujours le même, mais ici la signification précise n'est pas claire.
C'est un rêve du plan vital. Dans ces rêves, les personnages de la vie physique prennent une autre forme et une autre signification, et la conscience qui vit et agit parmi eux n'est pas la conscience physique extérieure, mais une certaine partie vitale intérieure de l'être. L'insurrection des soldats français symbolise un certain bouleversement sur le plan vital qui veut se produire et affecter la vie intérieure. L'importance de ce rêve réside dans la promptitude avec laquelle la conscience vitale intérieure a placé sa confiance en la Mère et a pris refuge en elle contre tous les bouleversements ou tous les périls possibles de la vie intérieure.
Oui, votre sentiment au sujet de la protection est tout à fait juste.
Le rêve concernant X, où vous alliez voir la Mère, était l'expérience de quelque chose qui s'est passé sur le plan vital. Dans ce plan, des événements ont lieu qui ont un certain rapport avec la nature et la vie de ce plan-ci, mais ils se déroulent autrement parce que là, les gens ne se rencontrent pas dans leur être physique mais dans leur être vital. On peut se faire une idée de la nature de son propre être vital intérieur, souvent très différent de la personnalité physique qui agit en surface dans le corps. Grâce à la conscience qui agit dans ces rêves, les parties intérieures de l'être commencent à être plus actives et à avoir davantage d'influence sur la nature extérieure. D'après ce que vous me dites des expériences que vous avez eues en rêve, votre vital intérieur semble être très fort, fidèle, lucide, résolu, capable de faire face aux forces hostiles et à leurs activités
et d'agir à bon escient.
Quand on a l'impression d'aller quelque part, cela signifie qu'une partie de la conscience va dans un autre plan, différent du plan physique. Les hommes que vous avez vus, et aussi la vision qui a suivi, appartenaient à ces mondes supraphysiques. La vision semble être symbolique de quelque chose qui venait d'en haut, mais de quoi, ce n'est pas tout à fait clair d'après les détails. L'or est la couleur de la Vérité qui vient d'en haut.
Le monde physique n'est pas le seul ; il y en a d'autres dont nous devenons conscients par la transcription qu'en donnent les rêves, par les sens subtils, par les influences et les contacts, par l'imagination, l'intuition et la vision. Dans certains mondes la vie est plus vaste et plus subtile que dans le nôtre, ce sont les mondes du vital ; dans d'autres, le Mental construit ses formes et ses personnages, ce sont les mondes du mental ; d'autres sont des mondes psychiques qui sont la demeure de l'âme ; enfin il y en a d'autres, plus élevés, avec lesquels nous avons peu de contacts. En chacun de nous il y a un plan de conscience mental, un plan psychique, un plan vital, un plan du physique subtil, outre le plan physique et matériel. Les mêmes plans se retrouvent dans la conscience de la Nature générale. Quand nous pénétrons dans ces autres plans ou entrons en contact avec eux, nous établissons une relation avec les mondes situés au-dessus du monde physique. Quand nous dormons, nous quittons le corps physique en n'y laissant qu'un résidu subconscient, et nous entrons dans tous les plans et dans toutes sortes de mondes. Dans chacun nous assistons à des scènes, nous rencontrons des êtres, nous prenons part à des événements, nous nous heurtons à des formations, des influences, des suggestions qui appartiennent à ces plans. Même lorsque nous sommes éveillé, une partie de nous-même se meut dans ces plans, mais leurs événements ont lieu derrière un voile ; notre mental de
veille n'en est pas conscient. Souvent les rêves ne sont que des constructions incohérentes de notre subconscient, mais il y en a d'autres qui sont des récits (souvent très frelatés et déformés) ou des transcriptions d'expériences qui ont lieu dans ces plans supraphysiques. Quand nous faisons la sâdhanâ, les rêves de ce genre deviennent très fréquents ; les rêves subconscients cessent alors de prédominer.
Les forces et les êtres du monde vital ont une grande influence sur les êtres humains. Le monde vital est, par l'un de ses aspects, un monde de beauté : le poète, l'artiste, le musicien sont en contact étroit avec lui ; mais c'est aussi un monde de pouvoirs et de passions, de désirs, sexuels et autres : nos propres désirs, nos passions, nos ambitions peuvent nous mettre en relation avec les mondes vitaux, leurs forces et leurs êtres. C'est donc aussi un monde plein de choses obscures, dangereuses, horribles. Les cauchemars, comme ceux de X,sont des contacts avec cet aspect du plan vital. Ses influences sont aussi, en grande partie, à l'origine de ce qui, dans l'homme, est démoniaque, sale, cruel et bas.
Dans cette expérience, X est entrée en contact avec quelque chose qui appartient au mauvais aspect du plan vital. Ses visions de dieux, de déesses, etc., sont des expériences appartenant à l'autre aspect de ce plan. Ici, une force vitale tentait de prendre sur elle une certaine emprise en se servant pour cela de sa frayeur. Si elle n'avait pas peur, cette force ne pourrait pas l'envahir. Si, lorsqu'elle est éveillée, elle est en proie à des désirs ou à des découragements et des dépressions, cela aussi peut contribuer à la faire entrer dans ces mondes pendant son sommeil ou à entretenir un lien avec eux. Ses expériences, telles que vous les avez relatées, montrent qu'elle possède à un très haut degré le pouvoir de pénétrer dans le bon côté du plan vital ; ces expériences qu'elle a en rêve sont l'autre côté du même plan. Comme il s'agit de rêves, elles ne sont pas aussi dangereuses qu'une expérience similaire qui se produirait en méditation, mais elles sont tout de même tout à fait indésirables.
Si une tentative d'invasion comme celle-ci se produit, la
seule chose à faire est de lutter jusqu'au bout, comme elle l'a fait, tout en appelant la Mère. Elle devrait avoir pour règle d'appeler la Mère avant de s'endormir, de se concentrer sur elle, d'essayer de sentir la protection de la Mère autour d'elle et d'entrer, ainsi entourée, dans le sommeil. Il faut prendre l'habitude d'appeler la Mère pendant le rêve lui-même, lorsqu'on est en difficulté ou en danger; de nombreux sâdhak le font. Ne permettre en aucune manière à aucun pouvoir ou à aucun être, que ce soit en rêve, en méditation ou autrement, à aucune force si ce n'est la Force divine de vous envahir, c'est rejeter l'invasion, ne jamais y consentir, que ce soit en lui prêtant attention ou par faiblesse. Elle peut couper le contact par la volonté intérieure, par une volonté de rejet, par une concentration sur les choses supérieures à celles du plan vital, et aussi par le rejet des désirs vitaux, des découragements ou des dépressions, si elle en est affectée. Qu'elle aspire surtout aux expériences spirituelles supérieures : l'ouverture psychique, le calme, la paix, la pureté, l'ouverture à la lumière, à la force, à la béatitude, à la connaissance d'en haut.
Encore une chose. Elle ne devrait pas mener une vie trop retirée ; une certaine ouverture au monde physique est nécessaire, et aussi une activité intellectuelle normale et saine.
C'est du monde vital que ces rêves lui sont envoyés. Elle doit cultiver trois choses en ce qui les concerne :
(1) prendre l'habitude d'appeler la Mère immédiatement, pendant le rêve même ;
(2) ne pas avoir peur ; si l'on n'a pas peur, les forces de cet autre monde deviennent impuissantes ;
(3) ne pas croire que les formations de ce genre sont réelles et les considérer seulement comme des suggestions revêtues d'une forme, tout comme lorsqu'on imagine avec terreur que tel ou tel événement va se produire alors que
la raison sait que ce n'est rien d'autre qu'une création de l'imagination et ne s'en émeut pas.
Votre expérience de la paix dans le corps était très positive. Quant au mauvais rêve, c'était une formation hostile venue du monde vital, une suggestion envoyée sous forme de rêve pour vous troubler. Il faut chasser cela ; vous devriez vous dire en vous-même : "C'est faux, rien de tel ne peut arriver" et rejeter cela comme vous rejetteriez une suggestion fausse à l'état de veille.
Ces incidents qui vous effraient sont simplement des impressions projetées sur vous par de petites forces vitales qui veulent vous empêcher (en agissant sur vos nerfs) de faire avancer votre sâdhanâ. Ils ne peuvent en réalité vous faire aucun mal, à condition que vous rejetiez toute peur. Gardez cette pensée sans cesse présente à l'esprit lorsqu'un de ces incidents se produit : "La Mère me protège, rien de néfaste ne peut arriver", car l'ouverture psychique et la foi en la Mère suffisent à vous en protéger. De nombreux sâdhak apprennent à prononcer le nom de la Mère tout en rêvant, lorsqu'ils font des rêves angoissants, et les apparitions qui les menacent deviennent impuissantes ou se dissipent. Vous devez par conséquent refuser de vous laisser intimider et rejeter ces impressions en les traitant par le mépris. Si quelque chose d'effrayant apparaît, faites appel à la protection de la Mère.
La sensation de chaleur venait sans doute d'une difficulté qui empêchait la force de descendre au-dessous du centre situé entre les sourcils, où elle avait agi jusqu'à présent. Quand des sensations de ce genre apparaissent - ou bien un malaise comme celui que vous avez déjà eu, ou quelque chose de similaire - vous ne devez pas vous alarmer, mais
rester tranquille et laisser passer la difficulté.
L'expérience qui a précédé - le clair de lune sur le front - traduisait cette action sur le centre situé à cet endroit, entre les sourcils : centre du mental, de la volonté et de la vision intérieurs. Le clair de lune que vous avez vu est la lumière de la spiritualité ; c'est elle qui pénétrait dans votre mental par ce centre et avait pour effet d'élargir le cœur en un ciel plein de lumière lunaire. Ensuite un effort a été fait pour préparer la partie inférieure du mental - dont le centre se trouve dans la gorge - à se joindre au mental intérieur et à s'ouvrir; mais une difficulté s'est présentée, comme c'est très souvent le cas, et a produit cette chaleur. C'était sans doute le feu de tapas, Agni, qui essayait d'ouvrir la voie vers ce centre.
Cette expérience où l'on a l'impression d'être soulevé jusqu'au ciel est très fréquente et signifie que la conscience s'élève dans un monde supérieur de lumière et de paix.
L'idée que vous devez vous intérioriser de plus en plus et vous tourner totalement vers la Mère est tout à fait juste. C'est lorsqu'il n'y a pas d'attachement aux choses extérieures pour elles-mêmes, que tout n'existe que pour la Mère, et que la vie, à travers l'être psychique intérieur, est concentrée sur elle, que sont réunies les meilleures conditions de la réalisation spirituelle.
Ce rêve était de ceux que l'on a souvent dans le plan vital, où l'on s'enferre dans des difficultés inextricables jusqu'au moment où tout à coup on trouve le moyen d'en sortir. Le Gujerat du rêve n'était pas le Gujerat, mais symbolisait une région du monde vital opposée à la vie spirituelle et pleine de pouvoirs vitaux qui font obstruction par la force ou par la ruse. Ces rêves donnent des indications sur certaines parties de la nature vitale (non de la nature vitale individuelle, mais de la Nature vitale générale) qui constituent des obstacles à l'accomplissement spirituel. Quand on va dans ces régions et
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qu'on en devient le maître, on est libéré de toute possibilité d'intervention de ces parties de la Nature dans la sâdhanâ.
Ces rêves sont tout à fait symboliques des forces vitales qui viennent vous attaquer. Si vous les affrontez avec courage, elles sont réduites à l'impuissance. Je crois que ce n'est nullement votre père ou votre frère que vous rencontrez, bien que ces forces aient pu profiter de certains de leurs sentiments hostiles pour revêtir leur forme ; elles ont pu aussi le faire pour créer en vous un mouvement de sympathie et vous empêcher d'agir contre elles. Mais à part cela, les images des parents physiques, ou des proches, symbolisent très souvent la nature physique ou héréditaire, ou en général la nature ordinaire où nous sommes nés.
Dans ces rêves, les parents ou les proches représentent les forces ordinaires de la conscience physique (l'ancienne nature).
Ces rêves appartiennent au plan vital. Ceux où vous rentrez chez vous viennent d'une partie du vital qui conserve encore le souvenir des relations passées et y retourne pendant le sommeil. Les rêves concernant la Mère relatent des rencontres avec elle sur le plan vital. Vous devez rejeter les premiers dès le réveil et ne pas laisser votre vital en conserver l'empreinte. Les expériences que vous avez eues là (la Mère descendant dans le cœur et vous adressant la parole) avaient un caractère psychique et n'appartenaient pas à la catégorie des rêves du vital.
La difficulté que vous rencontrez dans votre sâdhanâ vient peut-être du mental vital ou physique qui devient actif.
Cela se produit souvent après les premières expériences de calme et de silence. Il faut se détacher de ces activités lorsqu'on médite, prendre l'attitude du témoin et rappeler le calme pour qu'il descende aussi dans ces parties de l'être. Mais cela peut prendre du temps. Si l'on peut, en méditation, s'isoler assez de l'entourage et s'intérioriser, la tranquillité vient plus vite.
Quand on pratique le yoga, la conscience s'ouvre et on commence à percevoir - surtout en dormant - des objets, des spectacles, des êtres, des événements appartenant à d'autres mondes (non physiques) où l'on pénètre soi-même pendant le sommeil pour y agir. Très souvent ces choses sont importantes pour la sâdhanâ. Vous n'avez donc pas lieu de vous affliger lorsque vous voyez tout cela pendant le sommeil ou la méditation.
Mais en aucun cas vous ne devez avoir peur. Il est bon que vous ayez été capable de détruire vos adversaires (qui étaient des êtres d'un monde vital hostile) car cela prouve que votre nature vitale contient quelque part de la force et du courage. De plus, en utilisant le nom de la Mère et revêtu de sa protection, vous ne devriez avoir peur de rien.
La fuite [en rêve] symbolise, dans une partie de l'être, l'inertie qui permet aux forces de vous envahir et fait que l'on se retire devant elles et qu'on perd du terrain au lieu de leur faire face et de les détruire.
Il est évident que l'expérience de X était simplement ce que l'on appelle un cauchemar : une attaque émanant d'une certaine force du monde vital, pendant le sommeil, à laquelle il
s'est sans doute ouvert d'une manière ou d'une autre, peut-être en répondant dans la rue à cet homme qui transportait autour de lui la pire des atmosphères vitales. L'image de la femme n'était qu'une forme donnée par son mental subconscient à cette force. Ces forces sont partout autour de nous, et pas seulement dans une pièce ou une maison en particulier, et si on leur ouvre la porte, elles entrent, où que l'on soit. Cela n'aurait aucune importance si X ne s'était pas laissé aller à cette réaction nerveuse de terreur irrationnelle. Pour qui veut faire la sâdhanâ, il n'est pas question de se laisser aller à de telles paniques ; si l'on ne peut pas se débarrasser de cette faiblesse incompatible avec les exigences du yoga, il est plus prudent de ne pas s'aventurer dans cette voie.
La dépression qui s'est abattue sur vous alors que vous dormiez est probablement due à l'une des deux causes suivantes. Il se pourrait que ce soit la trace laissée par une expérience désagréable dans une région déplaisante des mondes vitaux, et des endroits de ce genre, il y en a là des quantités. Cela ne peut guère être une attaque, car si quelque chose s'était passé, cela aurait sûrement laissé une impression plus nette, même si vous n'en aviez gardé aucun souvenir ; mais le simple fait de pénétrer dans certains endroits, de rencontrer leurs habitants ou d'entrer en contact avec leur atmosphère peut avoir un effet déprimant ou épuisant, à moins d'être un lutteur né et de prendre un plaisir agressif à affronter ces épreuves et à les surmonter. Si telle est la cause, il s'agit alors soit d'éviter ces endroits, ce que l'on peut faire par un effort de volonté une fois que l'on sait que c'est cela qui se passe, soit de s'entourer d'une protection spéciale pour se garantir du contact de cette atmosphère. L'autre cause possible est une plongée dans un sommeil trop subconscient et trop obscur ; l'effet en est parfois celui que vous décrivez. Quoi qu'il en soit, ne vous laissez pas
décourager par des incidents de ce genre ; ce sont des phénomènes fréquents auxquels on ne peut manquer de se heurter dès que l'on commence à passer derrière le voile et à entrer en contact avec les causes occultes des événements psychologiques qui se produisent en nous. Il faut apprendre quelles sont ces causes, prendre note de la difficulté et y faire face, et toujours réagir, ne jamais admettre la dépression qui s'abat sur vous, mais réagir comme vous l'avez fait la première fois. S'il y a sans cesse aux alentours des forces dont le but est de déprimer et de décourager, il y a toujours d'autres forces, au-dessus et autour de nous, auxquelles nous pouvons puiser et nous abreuver pour nous restaurer, nous emplir à nouveau de force, de foi, de joie, et de ce pouvoir qui persévère et remporte la victoire. Il faut en fait prendre l'habitude de s'ouvrir à ces forces salutaires et les recevoir passivement, ou puiser activement en elles, car on peut faire l'un ou l'autre. C'est plus facile si vous les concevez comme étant au-dessus et autour de vous, si vous avez foi en elles et si vous avez la volonté de les recevoir, car ainsi vous en avez l'expérience, vous les sentez concrètement et vous devenez capable de les recevoir quand vous voulez ou quand vous en avez besoin. Il s'agit d'habituer votre conscience à entrer en contact avec ces forces salutaires et à rester en contact avec elles, et pour cela vous devez vous accoutumer à rejeter les impressions que les autres forces cherchent à vous imposer : dépression, manque de confiance en vous, mécontentement et autres troubles similaires.
Quant à la faculté de maîtriser véritablement une situation par les pouvoirs occultes, elle ne peut venir que par la pratique et l'expérimentation, tout comme on développe la force musculaire par la culture physique, ou que l'on met au point un procédé en laboratoire ; c'est en utilisant un pouvoir que l'on découvre comment il peut et doit être appliqué au domaine dans lequel il opère. Il est inutile d'attendre d'en avoir la force avant d'essayer : elle viendra par des essais répétés. Vous ne devez pas non plus redouter l'échec ni en être découragé ; ces tentatives ne réussissent pas toujours du
premier coup. Il faut apprendre, par l'expérience personnelle, comment entrer en contact avec les forces cosmiques, comment relier notre action individuelle à la leur ou mettre les deux à l'unisson, comment devenir un instrument de cette Conscience souveraine que nous appelons le Divin.
Votre attitude a quelque chose d'un peu trop personnel ; je veux parler de votre obstination à considérer la force ou la faiblesse personnelle comme un facteur déterminant. Après tout, qu'il s'agisse des plus grands ou des plus petits d'entre nous, la vigueur n'est pas nôtre, elle nous est donnée pour le jeu qui doit se jouer, pour le travail que nous avons à faire. La vigueur peut s'être formée en nous, mais sa formation actuelle n'est pas définitive, qu'elle soit formation de pouvoir ou formation de faiblesse. À tout moment cette formation peut changer ; à tout moment l'on voit, surtout sous la pression du yoga, la faiblesse se transformer en pouvoir, l'incapable devenir capable, la conscience, lentement ou subitement, atteindre, en tant qu'instrument du Divin, une stature nouvelle ou développer ses pouvoirs latents. Au-dessus de nous, en nous, autour de nous est la Vigueur universelle et c'est à elle que nous devons nous en remettre pour notre travail, notre évolution, notre transformation. Si nous avons foi en notre travail, en notre capacité, en tant qu'instrument, à accomplir ce travail, en ce Pouvoir qui nous en a chargés, alors pendant cette mise à l'épreuve, tandis que nous affrontons et surmontons les difficultés et les échecs, la vigueur viendra et nous découvrirons notre aptitude à contenir, dans la mesure exacte de nos besoins, cette Vigueur universelle dont nous devenons des réceptacles de plus en plus parfaits.
Tout le principe de notre yoga est de se donner entièrement au~seul Divin et à personne ni à rien d'autre, et de faire descendre en nous, par l'union avec le Pouvoir de la Mère divine, toute la lumière, la force, l'ampleur, la paix, la
pureté, la conscience de vérité et l'Ânanda transcendants du Divin supramental. Par conséquent, il ne peut y avoir dans ce yoga aucune place pour des relations vitales ou des échanges vitaux avec autrui. Toute relation ou tout échange de ce genre enchaîne immédiatement l'âme à la conscience et à la nature inférieures, empêche la vraie et pleine union avec le Divin et entrave non seulement l'ascension vers la Conscience de Vérité supramentale, mais la descente de l'Îshwarî Shakti supramentale. Ce serait encore pire si cet échange prenait la forme d'une relation ou d'une jouissance sexuelles, même si elles étaient exemptes de tout acte extérieur ; par conséquent, ces choses sont absolument interdites dans la sâdhanâ. Il va sans dire qu'aucun acte physique de ce genre n'est permis ; mais même toutes les formes plus subtiles sont à éliminer. C'est seulement après nous être unis au Divin supramental que nous pouvons trouver notre vraie relation spirituelle avec les autres dans le Divin ; en l'unité supérieure, il n'y a pas de place pour ce genre de mouvement vital, inférieur et grossier.
En maîtrisant l'impulsion sexuelle - en devenant le maître du centre sexuel de telle sorte que son énergie soit tirée vers le haut au lieu d'être jetée au-dehors et gaspillée - on peut en effet changer la force de la semence en une énergie physique fondamentale qui sert de support à toutes les autres : on peut changer retas en odjas. Mais nulle erreur ne saurait être plus périlleuse que d'accepter un mélange de désir sexuel et sa satisfaction sous quelque forme subtile, et de considérer que cela fait partie de la sâdhanâ. Ce serait la façon la plus efficace de se diriger tout droit vers la chute spirituelle et de précipiter dans l'atmosphère des forces qui bloqueraient la descente supramentale et feraient descendre à leur place des puissances vitales adverses semant le désordre et le désastre. Au cas où cette déviation tenterait de se produire, il faut absolument la rejeter et l'effacer de la conscience si l'on veut que la Vérité descende et que l'œuvre s'accomplisse.
C'est une erreur également de s'imaginer que s'il faut
abandonner l'acte sexuel physique, sa reproduction interne puisse faire partie de la transformation du centre sexuel. L'action de l'énergie sexuelle animale dans la Nature est un artifice pour accomplir certain dessein particulier dans l'économie de la création matérielle dans l'Ignorance. Mais l'excitation vitale qui l'accompagne, crée dans l'atmosphère une opportunité et une vibration des plus favorables à l'irruption des forces et des êtres du vital, dont justement l'occupation principale consiste à empêcher la descente de la Lumière supramentale. Le plaisir attaché à l'acte sexuel est une dégradation et non la vraie forme du divin Ânanda. Le vrai Ânanda divin dans le physique a une qualité, une substance et un mouvement différents ; il existe par lui-même en son essence, et sa manifestation dépend seulement de l'union intérieure avec le Divin. Vous avez parlé d'Amour divin ; mais l'Amour divin, quand il touche le physique, n'éveille pas ces grossières tendances du vital inférieur ; l'assouvissement ne peut que le repousser et faire qu'il se retire de nouveau vers les hauteurs, d'où il est déjà si difficile de le faire descendre dans la grossièreté de la création matérielle que lui seul peut transformer. Cherchez l'Amour divin par la seule porte qu'il consente à franchir - la porte de l'être psychique - et rejetez l'erreur du vital inférieur.
La transformation du centre sexuel et de son énergie est nécessaire à la siddhi physique, car ce centre est le support corporel de toutes les forces mentales, vitales et physiques de la nature. Il doit se changer en une masse et un mouvement de Lumière intime, de Pouvoir créateur, de pur Ânanda divin. Seule la descente de la Lumière, de la Puissance et de la Béatitude supramentales dans ce centre peut le changer. Quant à son fonctionnement plus tard, c'est la Vérité supramentale et la vision, la volonté créatrices de la Mère divine qui le détermineront. Mais ce sera un fonctionnement de la Vérité consciente et non de l'Obscurité et de l'Ignorance auxquelles la jouissance et le désir sexuels appartiennent ; ce sera un pouvoir de conservation et une libre radiation sans désir des forces de vie, et non leur dissipation et leur gaspillage.
Gardez-vous d'imaginer que la vie supramentale sera simplement un accroissement de la satisfaction des désirs du vital et du corps. Rien ne peut être un plus grand obstacle à la descente de la Vérité que cet espoir de glorification de l'animal dans la nature humaine. Le mental voudrait que l'état supramental soit une confirmation de ses propres idées chéries et de ses préjugés; le vital voudrait que ce soit une glorification de ses propres désirs ; le physique, que ce soit une riche prolongation de son confort, de ses plaisirs et de ses habitudes. S'il devait en être ainsi, ce serait seulement le couronnement exagéré et hautement grossi de la nature animale humaine, non une transition de l'humain au Divin.
Il est dangereux de songer à abandonner "toute barrière de discernement et de défense contre ce qui essaye de descendre" en vous. Avez-vous réfléchi à ce que cela voudrait dire si ce qui descendait n'était pas en accord avec la Vérité divine, était peut-être même contraire à la Vérité divine ? Le pouvoir adverse ne saurait demander meilleure condition pour prendre possession du chercheur. C'est seulement la force de la Mère et la Vérité divine que l'on doit admettre sans barrière. Et même alors, il faut garder le pouvoir de discernement afin de déceler toutes les faussetés qui viennent en travestissant la force de la Mère ou la Vérité divine ; il faut aussi garder le pouvoir de rejet qui écartera tout mélange.
Gardez la foi en votre destinée spirituelle ; retirez-vous de l'erreur et ouvrez davantage votre être psychique à la direction directe de la lumière et du pouvoir de la Mère. Si la volonté centrale est sincère, chaque aveu d'erreur peut devenir un échelon vers un mouvement plus vrai et un progrès supérieur.26
Il est vrai que le centre sexuel et ses réactions peuvent être transformés et que l'Ânanda d'en haut peut descendre pour
26. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
remplacer la réaction sexuelle animale. L'impulsion sexuelle est une dégradation de cet Ânanda. Mais recevoir cet Ânanda avant que la conscience physique (y compris le vital physique) soit transformée peut être dangereux ; car d'autres choses, plus basses, peuvent en profiter pour s'y mêler, ce qui bouleverserait l'être tout entier et pourrait l'engager sur une fausse route en lui donnant l'impression que ces choses inférieures font partie de la sâdhanâ et reçoivent l'approbation d'en haut, ou simplement parce que les éléments inférieurs l'emportent sur la véritable expérience. Dans ce dernier cas, l'Ânanda cesserait et le centre sexuel serait possédé par les réactions inférieures.
J'ai énoncé très brièvement dans ma lettre précédente ma position à l'égard de l'impulsion sexuelle dans le yoga. J'ajouterai ici que mes conclusions ne sont fondées sur aucune opinion mentale, aucune idée morale préconçue, mais sur des faits probants et sur l'observation et l'expérience. Je ne nie pas que tant que l'on admet une sorte de séparation entre l'expérience intérieure et la conscience extérieure, celle-ci étant laissée à elle-même comme une activité inférieure contrôlée mais non transformée, il est tout à fait possible d'avoir des expériences spirituelles et de faire des progrès sans une cessation totale de l'activité sexuelle. Le mental se sépare du vital extérieur (les instruments de la vie) et de la conscience physique et vit sa propre vie intérieure. Mais très peu de gens peuvent vraiment faire cela d'une manière complète ; et dès l'instant où les expériences s'étendent aux plans vital et physique, on ne peut plus traiter le sexe de cette manière. A tout moment, il peut devenir une force qui dérange, bouleverse et déforme. J'ai observé que le sexe, au même degré que l'ego (l'orgueil, la vanité et l'ambition) et les convoitises et désirs radjasiques, est l'une des causes principales des accidents spirituels qui arrivent dans la sâdhanâ. Vouloir le traiter par le détachement, sans
l'extirper totalement, échoue tout à fait ; vouloir le "sublimer" comme le préconisent beaucoup de mystiques modernes en Europe, est une expérience tout à fait téméraire et périlleuse. Car c'est le mélange du sexe et de la spiritualité qui cause les plus grands ravages. Même vouloir le "sublimer" en le tournant vers le Divin comme dans le madhoura bhâva vishnouïte comporte de sérieux dangers ainsi que le prouvent si souvent les mauvais résultats d'une fausse tournure ou d'un mauvais usage de cette méthode.
En tout cas, dans notre yoga, qui ne recherche pas seulement l'expérience essentielle du Divin, mais la transformation de tout l'être et de toute la nature, j'ai trouvé que de viser à une complète maîtrise de la force sexuelle est une nécessité absolue de la sâdhanâ. Autrement, la conscience vitale reste un trouble mélange dont la turbidité affecte la pureté du mental spiritualisé et entrave sérieusement la poussée ascensionnelle des forces du corps. Ce yoga exige une ascension complète de toute la conscience inférieure ou ordinaire et sa jonction avec la conscience spirituelle au-dessus, et une descente complète de la conscience spirituelle (finalement, de la conscience supramentale) dans le mental, la vie et le corps afin de les transformer. L'ascension totale est impossible tant que le désir sexuel bloque le chemin ; la descente est dangereuse tant que le désir sexuel a du pouvoir dans le vital. Car à tout moment, un désir sexuel non extirpé ou latent peut être la cause d'un mélange qui repousse la vraie descente et se sert à d'autres fins de l'énergie acquise, ou tourne toutes les actions de la conscience vers de fausses expériences, troubles et trompeuses. Par conséquent, il faut se débarrasser de cet obstacle sur le chemin, sinon il ne peut y avoir ni sécurité ni libre mouvement vers l'aboutissement décisif de la sâdhanâ.
L'opinion contraire dont vous parlez, vient peut-être de l'idée que le sexe est une partie naturelle de l'ensemble vital-physique humain, une nécessité comme la nourriture et le sommeil, et que sa totale inhibition peut mener à un déséquilibre et à de sérieux désordres. C'est un fait que le sexe,
si l'on supprime son activité extérieure tout en s'y livrant d'autres manières, peut produire des désordres dans le système et des troubles cérébraux. Telle est la base de la théorie médicale qui déconseille l'abstinence sexuelle. Mais j'ai remarqué que ces désordres se produisent seulement quand une satisfaction secrète ou pervertie remplace l'activité sexuelle normale, ou quand on se laisse aller à cette activité d'une manière vitale subtile, par l'imagination ou par un échange vital invisible de genre occulte. Je ne pense pas qu'aucun mal se produise jamais quand il y a un véritable effort spirituel vers la maîtrise et l'abstinence. En Europe maintenant, bien des autorités médicales soutiennent que l'abstinence sexuelle, si elle est authentique, est bienfaisante ; car l'élément du retas qui sert à l'acte sexuel est alors transformé en l'autre élément, odjas, qui nourrit les énergies du système - mentales, vitales et physiques ; et c'est la justification de l'idée indienne du brahmatcharya : la transformation de retas en odjas et l'ascension des énergies pour les changer en force spirituelle.
Quant à la méthode de maîtrise, on ne peut pas y parvenir par une simple abstinence physique ; il faut un procédé combiné de détachement et de rejet. La conscience se détache de l'impulsion sexuelle, sent qu'elle n'est pas à elle, que c'est quelque chose d'étranger qui est jeté sur elle par la force de la Nature, et refuse de consentir ou de s'identifier ; chaque mouvement de refus la rejette de plus en plus au-dehors. Le mental reste impassible; au bout de quelque temps, l'être vital, principal support de l'impulsion sexuelle, s'en retire de la même manière ; enfin la conscience physique cesse de la soutenir. Ce processus continue jusqu'à ce que le subconscient lui-même ne puisse plus le faire surgir en rêve et qu'aucun autre mouvement ne vienne de la force de la Nature extérieure pour rallumer ce feu inférieur.
Tel est le processus quand les tendances sexuelles persistent avec obstination. Mais certains peuvent s'en débarrasser d'une façon définitive en les laissant tomber de la nature, promptement et radicalement, quoique ce soit plus
rare. Il faut dire que l'élimination totale de l'impulsion sexuelle est l'une des choses les plus difficiles de la sâdhanâ, il faut s'attendre à ce que cela prenne du temps. Mais sa totale disparition est chose faisable et il est assez commun d'en être pratiquement libéré, à part quelques mouvements de rêve de temps à autre venant du subconscient 27.
Le sexe (sur le plan occulte) se tient à peu près à égalité avec l'ambition, etc., du point de vue du danger pour la sâdhanâ, seulement son action est en général moins évidente ; par exemple, les Pouvoirs hostiles ne le présentent pas aussi ouvertement comme un objectif à poursuivre dans la vie spirituelle.
Je n'ai pas dit que l'impulsion sexuelle n'avait pas été maîtrisée dans les autres yogas. J'ai dit qu'il était difficile de s'en libérer entièrement et qu'essayer de la sublimer, comme dans la sâdhanâ vishnouïte, présentait certains dangers. Tout ce que l'on sait de ce qui est arrivé souvent, et même généralement, chez les vishnouïtes le démontre. Transcender et transformer sont deux choses différentes. Notre sâdhanâ prévoit trois sortes de transformation, ou trois étapes dans la transformation : la transformation psychique, la transformation spirituelle et la transformation supramentale. Les deux premières ont été réalisées dans d'autres yogas, à leur manière ; la dernière est une entreprise nouvelle. Les deux premières suffisent pour atteindre la réalisation spirituelle, mais la divinisation de la vie humaine n'est, à mon avis, possible que par la transformation supramentale.
27. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
Qu'est-ce que notre yoga a à voir avec le sexe et les contacts sexuels ? Je vous ai dit et répété qu'il fallait se débarrasser du sexe et surmonter l'impulsion sexuelle avant que la siddhi de notre yoga soit possible.
Transmuer les formes actuelles de la nature humaine ordinaire est une chose, les accepter en est une autre. La raison invoquée pour s'adonner à l'acte sexuel n'a rien d'impératif. Seule une minorité est appelée à mener la stricte vie yoguique et il y aura toujours quantité de gens pour perpétuer l'espèce. Le yogi n'a certes ni mépris ni aversion pour la nature humaine ; il la comprend et considère la place assignée à chacune de ses activités d'un regard calme et clair. Par ailleurs, il est préférable d'agir avec une pleine maîtrise de soi, sans désir, sous la direction d'une conscience supérieure ; on peut parfois être amené, en suivant cette ligne de conduite, à accomplir la volonté divine par des actions qui, dans d'autres circonstances, ne sauraient être entreprises par un yogi, comme la guerre et la destruction qui l'accompagne. Mais une telle règle invoquée trop à la légère pourrait aisément se convertir en un prétexte pour s'abandonner à la nature humaine ordinaire.
La Mère vous a déjà dit ce qu'il en était de cette idée. L'idée que l'appétit sexuel cessera et disparaîtra à jamais si on l'assouvit sans contrainte est un leurre que le vital présente au mental pour lui faire approuver ses désirs; elle n'a aucune autre raison d'être, aucune vérité, aucune justification. En satisfaisant de temps en temps le désir sexuel, on laisse le feu couver sous la cendre, tandis qu'en l'assouvissant complètement, on ne peut que s'enfoncer dans son bourbier. Cet appétit, comme tous les appétits, ne cesse pas par une satiété temporaire ; il se renouvelle après un assoupissement
temporaire et veut de nouveau se satisfaire. Le bon remède n'est ni la petite dose, ni la grande. Il ne peut disparaître que par un rejet psychique radical, ou par une ouverture spirituelle complète accompagnée de la descente progressive d'une conscience qui n'en veut pas et qui possède le véritable Ânanda.
Il ne s'agit pas de peur ; il s'agit de choisir entre la Paix et l'Ânanda du Divin et le plaisir dégradé du sexe, entre le Divin et votre attrait pour les femmes. La nourriture est nécessaire à l'entretien du corps ; mais la satisfaction sexuelle ne l'est pas. Même le rasa de la nourriture ne peut s'harmoniser avec l'état spirituel que si toute gourmandise et tout désir gustatif disparaît. Le plaisir intellectuel ou esthétique peut aussi être un obstacle à la perfection spirituelle si l'on y est attaché, bien qu'il soit beaucoup plus proche de la spiritualité qu'un appétit physique grossier et non transformé ; en fait, pour faire partie de la conscience spirituelle, le plaisir intellectuel et esthétique doit aussi se transformer et devenir quelque chose de plus élevé. Mais on ne peut pas garder tout ce qui a un rasa. Il y a un rasa dans le fait de blesser et de tuer : c'est le plaisir sadique ; il y a un rasa dans le fait de se torturer : c'est le plaisir masochiste ; la psychologie moderne est pleine de ces deux plaisirs-là. Le simple fait que les choses aient un rasa n'est pas une raison suffisante pour les garder et en faire une partie de la vie spirituelle.
Il n'y a aucune "extase" dans l'acte sexuel, c'est forcément - et cela ne peut être - qu'une excitation et un plaisir fugitifs qui finissent par s'user avec l'usure du corps.
Oui,dans le monde moderne, l'atmosphère sexuelle a tout envahi, d'autant plus que l'humanité a cessé de croire aux anciennes contraintes morales que rien n'est venu remplacer.
L'idée des nouveaux mystiques européens comme D.H. Lawrence, Middieton Murry, etc. est que l'activité sexuelle est la voie toute désignée pour trouver le " Moi supérieur"'- ou le "Moi inférieur", car c'est de cela, semble-t-il, qu'il s'agit en réalité. X ne s'y laisse évidemment pas prendre. Mais si l'on veut seulement le "Moi supérieur" personnel, et non le Divin, on peut admettre le sexe et toutes sortes d'autres choses. Il suffit de réaliser que l'on n'est pas le corps, pas la vie, pas le mental, mais le Moi, et de faire tout ce que le Moi supérieur vous dit de faire.
Je parlais du "Moi supérieur" personnel, c'est-à-dire de la réalisation de quelque chose en nous (le Pourousha) qui n'est ni la Prakriti, ni les mouvements du mental, du vital et du physique, mais qui est le Penseur, etc. Ce Pourousha peut donner son consentement à n'importe quel mouvement de la nature ou le refuser ; il peut aussi prescrire à la Prakriti ce qu'elle doit ou ne doit pas faire. Il peut lui permettre de s'adonner au sexe ou retirer son approbation. C'est en général le Pourousha mental (Manomaya Pourousha) que l'on réalise ainsi, mais il y a aussi un Prânamaya Pourousha ou Pourousha vital. Par ce terme "Overself 28 ils veulent sans doute désigner ce Pourousha ; ils le considèrent comme une sorte d'Âtman personnel.
28. En anglais : overself.
Dans ce cas l'unité avec tous reviendrait à satisfaire l'instinct sexuel avec tous, ce qui serait un siddhânta très surprenant, bien qu'une pratique de ce genre existe dans le Tantra "de la main gauche*". Mais les tantriques de la main gauche sont plus logiques que vous : pourquoi l'unité, si elle doit justifier l'expression par le sexe, soutiendrait-elle seulement les formes les plus bénignes et non les formes les plus crues de l'expression amoureuse ? Mais le sexe est-il vraiment fondé sur l'amour, ou est-ce l'amour sexuel qui se fonde sur l'instinct sexuel? Et l'instinct sexuel est-il une expression du sentiment spirituel de l'Un en tous? N'est-il pas en réalité fondé sur la dualité, sauf lorsqu'il recherche simplement la satisfaction et le plaisir, où il n'est nullement question d'amour ? Sommes-nous attirés vers une femme par le sentiment qu'elle est nous-même, ou par le fait qu'elle est quelqu'un d'autre et nous attire par un charme ou une beauté dont nous voulons nous délecter, que nous voulons posséder, ou encore par le simple fait qu'elle est différente de nous, qu'elle est femelle et non mâle, de sorte que l'instinct sexuel peut trouver là l'occasion de se donner libre cours ?
L'impulsion sexuelle est certes la plus grande force du plan vital ; si elle peut être sublimée et orientée vers le haut, l'odjas qui se crée aide puissamment à atteindre la conscience supérieure. Mais la simple abstinence ne suffit pas.
L'énergie sexuelle utilisée par la Nature à des fins de reproduction est, dans sa véritable essence, une énergie fondamentale de Vie. Elle peut être utilisée non pour donner plus d'envolée à la vie vitale émotive, mais dans une certaine mesure pour l'intensifier ; elle peut être maîtrisée et détournée de son objectif sexuel pour être utilisée dans la création
* Voir Glossaire.
et la production esthétiques, artistiques ou autres, ou conservée pour exalter les énergies, intellectuelles ou autres. Si elle est entièrement maîtrisée, elle peut aussi être transformée en une force d'énergie spirituelle. L'Inde antique connaissait bien ce phénomène qu'elle décrivait comme la conversion de retas en odjas par le une grande L'abus de l'énergie sexuelle conduit au désordre et à la désintégration de l'énergie de vie et de ses pouvoirs.
L'impulsion sexuelle est évidemment tout à fait naturelle et se retrouve chez tous les êtres humains. La Nature l'a introduite dans son fonctionnement à des fins de procréation, pour que l'espèce se perpétue. Les animaux l'utilisent dans ce but, mais les hommes se sont éloignés de la Nature et s'en servent surtout pour y trouver le plaisir, de sorte qu'elle s'est emparée d'eux et les harcèle à tout moment.
On doit naturellement vaincre l'impulsion sexuelle, mais cela ne peut pas se faire entièrement d'un seul coup ; il faut être persévérant, patient et fermement résolu à ne pas s'y abandonner, ni physiquement, ni mentalement. Même quand c'est fait et qu'il n'y a plus ni pensée ni désir, l'éjaculation peut continuer à se produire pendant le sommeil, mais si le mental reste détaché, cette réaction automatique finira par disparaître.
Les sensations sexuelles ne "deviennent" pas un principe de la conscience physique, elles sont déjà là, dans la nature physique ; partout où il y a une vie consciente, la force sexuelle est là. Elle est l'agent de reproduction de la Nature physique, et elle existe à cette fin.
Sur terre, le mouvement sexuel est une forme de l'énergie physique fondamentale dont la Nature se sert à des fins de procréation. Le frisson dont parlent les poètes et qui s'accompagne d'une excitation très grossière est l'appât qu'elle offre au vital pour lui faire accepter ce procédé par ailleurs déplaisant ; nombreux sont ceux qui, après l'acte, reculent avec dégoût et ressentent une répulsion pour le partenaire en raison de ce dégoût, bien qu'ils y reviennent par la suite, lorsque le dégoût a disparu, à cause de cet appât.
L'énergie sexuelle est elle-même un grand pouvoir qui, dans sa base physique, a deux composantes : l'une est destinée à la procréation et au processus qu'elle nécessite, l'autre alimente les énergies générales du corps, du mental et du vital, et aussi les énergies spirituelles du corps. Les anciens yogis appelaient ces deux composantes retas et odjas. Les hommes de science européens ont en général snobé cette idée, mais commencent maintenant à en constater eux-mêmes la vérité. Quant au frisson dont les poètes font si grand cas, c'est simplement une déformation, une dégradation très grossière de l'Ânanda physique qui peut, par le yoga, s'établir dans le corps, ce qui est impossible tant qu'il continue à être dévié par le sexe.
C'est exact; si l'on empêche le liquide séminal de se répandre, il se transforme en tedjas et odjas. C'est là-dessus que les yogis basent toute la théorie du brahmatcharya. Si ce n'était pas le cas, le brahmatcharya ne serait pas nécessaire pour produire le tedjas et l'odjas.
Ce n'est pas une question de vigueur et d'énergie en soi, mais de support physique ; dans le support physique, 1''odjas produit par le brahmatcharya compte énormément. La transformation du retas en odjas est la transformation d'une substance physique en une énergie physique (qui produit nécessairement aussi une énergie physico-vitale). L'énergie spirituelle elle-même peut seulement faire mouvoir le corps,
comme le vital et le mental, mais en le faisant mouvoir elle l'épuiserait si elle n'avait pas un support physique. (Je parle évidemment de l'énergie spirituelle ordinaire et non de l'énergie supramentale future qui devra non seulement transmuer le retas en odjas, mais aussi l'odjas en quelque chose d'encore plus sublimé).
Les hommes de science (du moins à ce que j'ai lu) considèrent que la sécrétion des glandes sexuelles transporte et fournit une grande quantité d'énergies générales. Ils considèrent même que la force sexuelle joue un grand rôle dans la production de la poésie, de l'art, etc., et dans l'activité du génie en général. Enfin, c'est un médecin qui a découvert que le liquide séminal est fait de deux parties, l'une dont la finalité est sexuelle, l'autre qui est une base de l'énergie générale, et si l'on ne s'adonne pas à l'activité sexuelle, le premier élément tend à se convertir en le second (retas en odjas ; les yogis l'avaient déjà découvert). Simples théories ? Les déclarations ou les conclusions de la partie adverse en sont aussi ; une théorie en vaut une autre. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas qu'une atrophie des glandes sexuelles due à l'abstinence soit un fait d'expérience générale. Ce que soutient X est cependant logique, si nous prenons en considération non pas les effets individuels, mais le cours de l'évolution, et si nous postulons que cette évolution se déroulera comme la précédente ; car les organes inutiles sont censés disparaître ou s'atrophier. Mais l'évolution supramentale suivra-t-elle le même cours que l'ancienne, ou se fabriquera-t-elle de nouvelles adaptations ? Rien n'est certain à cet égard.
Vous n'avez pas compris. Je disais qu'il n'est pas vrai que les hommes de science n'attachent aucune valeur à la sécrétion
des glandes sexuelles et croient qu'elle ne sert qu'à un but extérieur. De nombreux savants la considèrent au contraire comme la base d'une énergie productive ; entre autres, elle joue un rôle dans la production artistique et poétique. Non que les artistes et les poètes soient des anachorètes et des Brahmatchâri, mais leurs glandes sexuelles ont une activité puissante dont une partie est dirigée vers la création, l'autre vers la procréation (fructueuse ou non). Selon la théorie récente, comme selon celle du yoga, la partie procréatrice serait le retas, la partie créatrice serait la base de l'odjas. Or si nous supposons que le poète ou l'artiste conserve son retas et le transforme en odjas, le résultat serait une augmentation du pouvoir de productivité créatrice.
Cette idée d'impuissance est pour le moins irrationnelle ; l'impuissance vient de l'abus ou d'un mauvais usage (de certaines perversions) ; elle ne vient pas de la maîtrise de soi. La maîtrise de soi se traduit par un détournement de l'énergie vers d'autres pouvoirs, parce que le pouvoir sexuel, quand il est maîtrisé, devient une force pour les énergies de vie, les pouvoirs du mental et un fonctionnement de plus en plus puissant de la conscience spirituelle.
Chez la plupart des hommes l'impulsion sexuelle est la plus forte de toutes les impulsions de la Nature.
L'impulsion sexuelle trouve en elle-même sa propre raison d'être ; elle agit pour sa propre satisfaction et n'a pas à se chercher de raisons, car elle est instinctive et irrationnelle.
[Pourquoi l'illusion du sexe subsiste-t-elle?] Elle a trop de racines dans le vital humain. Le sexe est terriblement tenace. Par ailleurs, la nature physique universelle en a tellement besoin que même lorsque l'être humain le repousse, elle le lui renvoie le plus longtemps possible.
Tous les mouvements sont, dans leur ensemble, des mouvements des forces cosmiques de la Nature, ce sont des mouvements de la Nature universelle. L'individu en reçoit quelque chose, une vague ou une pression de quelque force cosmique qui le pousse ; il croit qu'elle vient de lui, qu'elle est engendrée en lui séparément, mais ce n'est pas le cas ; cela fait partie d'un mouvement général qui agit exactement de la même façon chez les autres. Le sexe, par exemple, est un mouvement de la Nature générale qui cherche à se satisfaire et utilise indifféremment un individu ou un autre ; un homme vitalement ou physiquement "amoureux" d'une femme, comme on dit, ne fait que répéter le mouvement universel du sexe et le satisfaire ; si ce n'avait pas été cette femme-ci, c'aurait été une autre ; il n'est qu'un instrument dans le mécanisme de la Nature, son mouvement n'est pas indépendant. Il en est de même de la colère et d'autres impulsions de la Nature.
Le mouvement sexuel est naturellement en lui-même une force impersonnelle et ne dépend d'aucun objet en particulier. Il ne s'attache à l'un ou à l'autre que pour se manifester et se donner une occasion de se satisfaire. Lorsqu'il ne peut pas s'exprimer dans l'échange vital, il tend à perdre son caractère vital et attaque par ses mouvements les plus physiques et les plus élémentaires. Il n'est vaincu que lorsqu'il a été rejeté du physique vital et du physique le plus matériel.
Le sexe existe pour sa propre satisfaction et telle ou telle personne n'est pour lui qu'un prétexte, une occasion d'agir ou un moyen d'éveiller son activité. C'est du dedans, par la paix et la pureté d'en haut descendant dans cette partie de l'être et la possédant, qu'il doit disparaître.
[Le désir d'attirer les autres par le charme physique :] C'est la vanité habituelle du vital inférieur ; c'est très répandu. N'importe quel homme peut être attiré par n'importe quelle femme, et inversement, quand les forces sexuelles sont actives, mais cette attirance ne lui est pas personnelle, c'est la pulsion de la force sexuelle.
L'attirance sexuelle appartient à une force générale qui utilise l'individu à ses propres fins et profite de la proximité d'une autre personne [...]. C'est en soi-même qu'on trouve la sécurité, en se détachant aussitôt (en prenant du recul, en n'acceptant pas cette attirance comme quelque chose de personnel) et en la rejetant.
C'est évidemment la force sexuelle universelle qui agit, mais certains en ont plus que d'autres, ont du "sex-appeal", comme on dit maintenant en Europe. Ce sont surtout les femmes qui ont du "sex-appeal", même sans aucune intention consciente de l'exercer sur quelqu'un en particulier. Elles peuvent l'orienter consciemment vers une personne en particulier, mais il peut s'exercer aussi sur beaucoup d'autres qu'elles ne tiennent pas particulièrement à séduire. Toutes les femmes ne l'ont pas, mais une certaine force d'attirance sexuelle est présente chez la plupart d'entre elles. Les
hommes exercent évidemment une attirance similaire sur les femmes.
Un sourire, un mouvement, un air, un geste de la femme peut être le point de départ de ces vibrations. Je ne pense pas que cela tienne au sourire lui-même, mais tous ces moyens ont toujours servi à stimuler le sexe chez l'homme (hâvabhâva) et la femme en use, souvent inconsciemment et par simple habitude, lorsqu'elle aborde un homme ; qu'elle ait ou non l'intention de lui plaire ou de l'émouvoir, le mouvement vient instinctivement. X est le genre de femme qui a ce mouvement instinctif de plaire à l'homme. Mais même lorsque la femme sourit sans y penser, sans même le mouvement instinctif habituel, la vibration peut pourtant se produire chez l'homme, en raison de son habitude de réagir à l'attirance féminine. Ces mouvements commencent d'une manière presque automatique. Comme je vous l'ai déjà écrit, c'est la réponse automatique du mental physique ou vital (imagination, etc.) qui les prolonge et les rend efficaces. Sinon les vibrations se dissiperaient au bout de quelque temps.
Elle peut n'avoir aucun sentiment sexuel à votre égard, mais il y a une sorte de poussée vitale, un déploiement de tentacules - je ne sais pas exactement comment l'exprimer - dont le but secret est, dans la Nature, de séduire l'homme, d'attirer son attention et de la fixer sur la femme, de l'accrocher et en quelque sorte de le tirer à elle. Le mental de la femme peut n'avoir aucune intention consciente, c'est-à-dire que l'intention peut ne pas être claire ni même présente à son esprit, elle peut être simplement instinctive ou subconsciente. Aucune intention sexuelle physique n'est nécessaire, il suffit d'un mouvement spontané du vital. Toutes les
femmes dont le tempérament est fortement vital (et c'est le cas de X) ont cette réaction ; certaines plus, d'autres moins. Il peut n'y avoir là aucune impulsion sexuelle, et cependant cela suscitera l'idée de sexe chez l'homme. Naturellement X n'a aucune connaissance psychologique et ces choses sont trop subtiles pour qu'elle puisse les percevoir ou les comprendre. Elle peut fort bien croire qu'elle se comporte d'une manière parfaitement innocente et naturelle, et ignorer complètement cette poussée de la Nature qui agit en elle.
La parure a toujours été utilisée par la femme pour rehausser son "sex-appeal", comme on dit maintenant, et l'homme y a toujours été sensible ; les femmes aussi trouvent dans le vêtement masculin un élément de séduction (par exemple, le prestige de l'uniforme). Il y a aussi une question de goût particulier en matière de costumes : il est tout à fait normal qu'un sari d'une certaine couleur soit séduisant. La séduction agit sur les sens et le vital, alors que c'est le mental qui a une aversion pour les défauts psychologiques et qui est refroidi lorsqu'ils sont mis au jour ; mais cette répugnance du mental ne peut durer face à la séduction vitale qui est plus forte.
Cette association [du sens du toucher] avec le sexe est physico-vitale ; autrement, il n'y a pas nécessairement une relation entre le sentiment sexuel et l'expression de l'affection par le contact physique. Sauf cas exceptionnels, quand une mère et son fils, une frère et sa sœur s'embrassent, ils n'ont aucun sentiment sexuel. C'est une sorte de conversion habituelle qui s'opère dans le passage de l'émotionnel au physique et comme ce n'est qu'une habitude, elle peut être transformée, même si elle est forte.
[Le toucher :] Il est physico-vital. Tout mouvement sexuel contient un élément vital, mais le simple mouvement vital n'est pas directement intéressé par le contact physique ou l'acte sexuel. Il s'intéresse plutôt au jeu des émotions, à la domination et à la sujétion, aux disputes, aux réconciliations, aux échanges de forces vitales, etc. C'est une conscience physico-vitale qui donne une telle importance au contact physique, aux baisers, à l'acte sexuel, etc.
Il vaut mieux éviter de se toucher tant que d'un côté ou de l'autre, il y a une réaction sexuelle. À un stade plus élevé, toucher ou non est indifférent. Ce qu'il en sera à l'apogée du supramental, laissons le supramental en décider.
Le contact physique peut être neutre, il peut aussi entraîner un échange de forces. Quand ce sont des forces spirituelles ou spiritualisées que l'on échange, le contact physique a un sens et c'est ce qui le justifiera dans la réalisation supramentale. Mais en attendant, mieux vaut être circonspect.
Dans la société ordinaire, les gens se touchent plus ou moins librement suivant les usages de cette société. C'est tout différent [de ce qui se passe ici], parce que l'impulsion sexuelle y est admise dans certaines limites plus ou moins larges ou étroites, et il est même fréquent de s'y adonner en secret, bien que les gens essaient d'éviter d'être découverts. Au Bengale, où le peurdha est de rigueur, on ne se touche, entre hommes et femmes, que dans le cercle de famille ; en Europe cette restriction n'existe pas tant qu'il n'y a ni familiarité excessive ni indécence ; mais en Europe la liberté sexuelle est maintenant presque totale. Ici tout abandon au sexe, dans la vie intérieure ou extérieure, est considéré comme un obstacle à la sâdhanâ - ce qu'il est, de toute
évidence - et est par conséquent indésirable. Pour cette raison, tout contact exagérément familier entre hommes et femmes doit être évité, et aussi tout genre de caresse, car cela crée ou tend à créer une tendance sexuelle ou même une forte impulsion sexuelle. Les contacts fortuits doivent être évités aussi, s'ils donnent naissance à l'impulsion sexuelle. Ce sont des règles de bon sens, si l'on admet le principe que l'on doit s'abstenir de toute activité sexuelle.
La Nature, dans le monde matériel, a commencé par instituer l'attirance sexuelle à ses fins de procréation, puis a introduit l'amour sur la base de cette attirance sexuelle, de sorte que l'un a tendance à éveiller l'autre. C'est seulement par une forte discipline, une forte volonté ou une transformation de la conscience que l'on peut éliminer cette attirance.
Le problème n'est pas qu'il est impossible de préserver à l'amour sa pureté, mais les deux [l'amour et le désir sexuel] sont si proches l'un de l'autre et ont été si étroitement liés dans l'animalité de notre espèce à son origine qu'il n'est pas facile de les maintenir complètement séparés. Dans le pur amour psychique, il n'y a pas trace de désir sexuel, mais en général l'affection vitale s'associe très fortement au sentiment psychique qui devient alors impur, même s'il continue à exclure le sexe ; l'affection vitale et l'émotion sexuelle physico-vitale sont cependant très proches l'une de l'autre, de sorte qu'à n'importe quel moment ou à la moindre occasion, l'une peut éveiller l'autre. Cette réaction devient très forte chez les individus dotés d'une grande force sexuelle, ce qui est le cas chez la plupart de ceux dont le vital est énergique. Accroître sans cesse la force du psychique, maîtriser l'impulsion sexuelle et la changer en odjas, orienter
l'amour vers le Divin sont les vrais moyens de remédier à cette difficulté. La force séminale qui n'est pas dépensée par le sexe peut toujours être transformée en odjas.
Quand le psychique met son influence sur le vital, la première chose que vous devez éviter soigneusement est le moindre mélange d'un mouvement vital faux avec le mouvement psychique. La luxure est une perversion ou une dégradation qui empêche l'amour d'établir son règne. Ainsi, quand il y a un mouvement d'amour psychique dans le cœur, la première chose qu'il faut empêcher d'entrer est la concupiscence et le désir vital, de même que la première chose à écarter quand la force descend des hauteurs est l'ambition et la vanité personnelles, car le moindre mélange de perversion corromprait l'action psychique et spirituelle et empêcherait le véritable accomplissement.29
Qu'est-ce que c'est que cette idée? Le désir du cœur qui meurt d'envie d'aimer des femmes ne serait pas un désir sexuel? Ce désir, et le désir physique, sont tous deux des formes de désir sexuel.
Pourquoi le désir vital suscite-t-il la convoitise? Parce qu'il est une forme de sexe et qu'il éveille en général un désir plus physique.
L'impulsion sexuelle ne pousse pas seulement à accomplir l'acte, comme X semble le croire, mais cherche surtout à envelopper l'autre, l'envahir, le posséder et en être possédé. C'est particulièrement vrai pour les femmes, car très souvent
29. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
l'acte sexuel les attire beaucoup moins que les hommes; mais évidement, si le physique vital arrive à un certain point, le mouvement sexuel physique a toujours tendance à suivre.
La sensation sexuelle peut commencer n'importe où. Comme l'amour vital, elle commence dans le centre vital, cœur ou nombril ; bien des garçons sentimentaux l'éprouvent et c'est le début d'une idylle (souvent à l'âge de dix ans ou même huit ans) alors qu'ils ignorent encore tout des relations sexuelles. Chez d'autres, cette sensation s'éveille dans les nerfs, ou en eux et dans l'organe sexuel lui-même. D'autres ne ressentent rien de tel. Bien des jeunes filles passeraient leur vie entière sans en avoir l'expérience si elles n'y avaient pas été initiées et incitées par des hommes. Certaines même la détestent et ne la supportent que sous une sorte de contrainte sociale, ou pour avoir des enfants.
Un certain nombre de femmes peuvent aimer avec le mental, le psychique, le vital (le cœur), mais répugnent à ce qu'on touche leur corps et même quand cette répulsion cesse, l'acte physique continue à leur faire horreur. Elles cèdent parfois à des instances pressantes, mais ne sont pas pour autant réconciliées avec l'acte qui leur semble toujours animal et dégradant. Les femmes savent cela alors que les hommes semblent avoir du mal à le croire ; mais c'est tout à fait vrai.
Anormal est un mot que l'on peut accoler à tout ce qui n'est pas ordinaire et tout à fait sans valeur. Ainsi le génie est anormal, la spiritualité est anormale, et aussi l'effort de vivre en se conformant à un idéal élevé. La tendance des femmes à la chasteté n'est pas anormale, elle est assez fréquente et se rencontre chez des femmes de type très supérieur.
Le mental est le siège de la pensée et de la perception, le
cœur est le siège de l'amour, le vital celui du désir ; mais en quoi cela empêcherait-il l'amour mental d'exister ? Le mental peut être envahi par les sentiments de l'être émotif ou du vital ; de même le cœur peut être dominé par le mental et mû par des forces mentales.
Il y a un amour vital, un amour physique. Le vital est capable de désirer une femme pour diverses raisons vitales, sans amour : pour satisfaire l'instinct de domination ou de possession, pour puiser dans les forces vitales d'une femme afin de nourrir ses propres forces, pour échanger des forces vitales, pour satisfaire sa vanité, son instinct de chasseur etc., etc. (cela, c'est le point de vue de l'homme, mais la femme aussi a ses mobiles vitaux). On appelle souvent cela l'amour, mais c'est seulement un désir vital, un genre de désir sexuel. Si, cependant, les émotions du cœur sont éveillées, cela devient un amour vital, où se mêlent tous ces mobiles vitaux ou certains d'entre eux : c'est un amour fort, mais néanmoins vital.
Il peut y avoir aussi un amour physique, une attirance pour la beauté, le sex-appeal physique ou toute autre chose de ce genre qui éveille l'émotion du cœur. Si cet éveil ne se produit pas, seul le besoin physique existe et cela, c'est le pur désir sexuel et rien de plus ; mais l'amour physique peut exister.
De la même manière il peut exister un amour mental. Il naît de la tentative de trouver son idéal dans un autre, ou d'une forte passion mentale faite d'admiration et d'émerveillement, ou encore du mental qui cherche un compagnon, un complément qui parachève sa propre nature, un sahadharmî, un guide et un soutien, un chef et un maître ; il peut aussi être motivé par toutes sortes d'autres raisons mentales. En soi ce sentiment n'est pas vraiment de l'amour, bien qu'il soit souvent si ardent qu'il s'en distingue à peine et puisse même pousser au sacrifice suprême, à un don de soi complet, etc., etc. Mais lorsqu'il éveille les émotions du cœur, il peut conduire à un amour très puissant qui est pourtant mental, par ses origines et son caractère dominant. D'ordinaire
cependant, le mental et le vital s'associent ; mais parallèlement à cette association, il peut y avoir une désaffection pour l'acte physique et ce qui l'accompagne, ou même une franche aversion. Si l'homme devient pressant, la femme cédera sans doute, mais à contre-cœur,30 comme on dit, contre ses sentiments et leurs instincts les plus profonds.
C'est une psychologie bien ignorante que celle qui réduit tout au mobile sexuel et à l'impulsion sexuelle.
Les médecins conseillent le mariage parce qu'ils croient que la satisfaction de l'instinct sexuel est nécessaire à la santé et que le refoulement est cause de désordres dans l'organisme. Ce n'est vrai que lorsqu'il n'y a pas de véritable cessation de l'activité sexuelle, mais seulement un changement dans la manière de s'y adonner. De nos jours, une nouvelle théorie a été élaborée qui confirme la théorie indienne du le front, à savoir que par la continence le retas peut se changer en odjas et la vigueur et la puissance de l'être s'en trouvent considérablement accrues.
Quant à ce que vous dites du stimulant né de l'échange vital, c'est vrai de la vie vitale. Les hommes sont sans cesse en train de dépenser l'énergie vitale et ont besoin de la renouveler ; l'une des manières de le faire est de la puiser chez les autres au cours d'un échange vital. Ce n'est cependant pas nécessaire si l'on sait puiser dans la Nature universelle ou dans le Divin, c'est-à-dire au-dessus. En outre, lorsque le psychique est actif, il y a toujours plus à perdre qu'à gagner dans l'échange vital.
Le mot célibat signifie d'abord le fait de ne pas se marier ; on peut lui donner le sens élargi de renoncement à toute relation
30. En français dans le texte.
sexuelle (physique), bien que ce ne soit pas sa vraie signification. Ce n'est pas la même chose que le le front Le la réalisation n'est pas obligatoire dans le Bhakti-marga ou le Karmayoga, mais il est nécessaire dans le Jnânayoga ascétique autant que dans le Râdjayoga et le Hathayoga. Il n'est pas non plus exigé des yogis grihastha. Dans notre yoga, le principe est que l'on doit surmonter le sexe, sinon la transformation de la nature vitale inférieure et de la nature physique ne peut se faire. Toute relation sexuelle physique doit cesser, sinon l'on s'expose à de graves dangers. L'impulsion sexuelle doit aussi être surmontée, mais il n'est pas exact qu'il ne puisse y avoir ni sâdhanâ ni expérience avant qu'elle ne le soit complètement ; seulement sans cette victoire, on ne peut pas aller jusqu'au bout ; il faut reconnaître clairement que cette impulsion est l'un des obstacles les plus sérieux et que s'y laisser aller entraîne un considérable désordre.
Le célibat est une chose, être libéré des impulsions sexuelles en est une autre. On doit les surmonter et les éliminer, mais si cet affranchissement devait déterminer l'aptitude à continuer le yoga, je me demande combien de sâdhak réussiraient à cet examen. On doit avoir la volonté de surmonter l'impulsion sexuelle, mais son élimination est l'une des choses les plus difficiles pour la nature humaine, et il est tout naturel que cela prenne du temps.
En ce qui concerne le mariage en général, nous ne considérons pas qu'il faut le conseiller à quelqu'un qui désire se consacrer à la vie spirituelle. Le mariage entraîne en général quantité d'ennuis, de lourdes charges, un asservissement à la vie du monde et de grandes difficultés à concentrer l'effort spirituel. Sa seule utilité naturelle serait de donner une satisfaction restreinte et mesurée à la tendance sexuelle,
s'il était impossible de la vaincre. Je ne vois pas en quoi il pourrait vous aider à maîtriser votre mental et à le soumettre ; un mental agité ne peut être calmé que de l'intérieur.
Si vous avez l'habitude de vous concentrer entre les sourcils et que cela vous réussit, vous pouvez continuer cette pratique, mais essayez de temps en temps de vous concentrer dans le centre du cœur (au milieu de la poitrine) et voyez si vous y réussissez.
Une fois que l'on s'est tourné vers le Divin, il n'est pas légitime de laisser le découragement, d'où qu'il vienne, s'emparer de vous. Quels que soient les difficultés et les ennuis, vous devez rester confiant que le Divin, si vous vous fiez à lui, vous fera franchir tous les obstacles. Maintenant je réponds aux questions que vous me posez dans votre lettre.
1. Si vous êtes résolu à suivre le chemin spirituel, le mariage et la vie de famille ne peuvent que s'y opposer. Le mariage ne serait opportun que si l'impulsion sexuelle était si forte qu'il n'y aurait aucun espoir de la surmonter, sinon en s'y adonnant pendant quelque temps d'une manière mesurée et rationnelle, pour l'amener peu à peu à obéir à la volonté. Mais vous dites que son emprise sur vous diminue ; cela ne paraît donc pas indispensable.
2. Quant à tout quitter et à partir de chez vous, vous ne devez le faire que lorsque votre décision sera claire et ferme. Si vous cédiez à une impulsion, vous vous sentiriez attiré, après votre arrivée ici, par tout ce que vous auriez quitté, ce qui entraînerait un grand trouble et un conflit grave dans la sâdhanâ. Quand ces liens tomberont ou seront rompus, ce sera possible. Persévérez dans votre aspiration, faites pression sur votre vital pour qu'il ait la foi et soyez plus tranquille. Le moment viendra.
Vous avez raison de penser que la protection et la grâce sont toujours là et que tout a été pour le mieux. Dans l'état où était votre femme, mieux valait qu'elle quitte son corps, ce qu'elle a pu faire dans un état d'esprit qui la mettra dans les meilleures conditions, à la fois après sa mort et par la suite, pour reprendre le développement spirituel auquel elle a commencé à aspirer. Il est bon également que vous ayez été capable de conserver votre équilibre et votre liberté d'esprit en cette circonstance.
Vous avez eu aussi tout à fait raison de décider de ne pas vous remarier ; ce serait en tout cas ouvrir la porte à des difficultés graves et sans doute insurmontables dans la poursuite de votre sâdhanâ, et comme dans notre sentier il est nécessaire d'écarter le désir sexuel, le mariage non seulement n'aurait aucun sens, mais serait de plus en contradiction complète avec votre vie spirituelle. Vous pouvez compter sur nous pour vous soutenir et vous protéger pleinement dans votre décision et si vous maintenez une volonté et une résolution sincères à cet égard, vous pouvez être certain que la Grâce divine ne vous fera pas défaut.
Si elle consentait à se marier, c'est ce qu'il y aurait de mieux. Toutes ces perturbations vitales viennent d'un instinct sexuel refoulé, refoulé mais non rejeté et surmonté.
Une acceptation mentale ou un enthousiasme mental pour la sâdhanâ n'est pas une garantie ou une raison suffisante pour encourager une personne - en particulier une personne jeune - à s'y engager. Par la suite, ces instincts vitaux surgissent et rien ne parvient à les contrebalancer ou à les contrecarrer ; il ne reste que les idées mentales qui, tout en étant incapables de prévaloir contre les instincts, s'opposent aussi au moyen naturel, admis par la société, de les satisfaire. Si elle se marie maintenant et fait l'expérience de la vie vitale humaine, elle aura peut-être par la suite une
chance de voir son aspiration mentale à la sâdhanâ se transformer en quelque chose d'authentique.
Je ne crois pas. La continence n'aurait pas par elle-même une efficacité permanente, parce que l'impulsion sexuelle serait toujours là en germe, à moins qu'elle n'ait été abolie par une transformation ; mais la continence peut contribuer à cette transformation. En Europe, les médecins après avoir dit que la continence risquait d'engendrer des complications dans l'organisme - reconnaissent maintenant qu'au contraire, une partie de la force séminale est utilisée pour entretenir la santé, la vigueur, la jeunesse, etc. (est transformée en odjas, comme disent les yogis), alors qu'une autre sert à l'activité sexuelle ; dans un individu parfaitement chaste, celle-ci se transforme de plus en plus en celle-là. Mais évidemment la continence extérieure ne contribue pas à cette transformation, si le mental se livre à des pensées sexuelles, ou le vital, ou le corps, au désir sexuel ou à la sensation sexuelle, sans les satisfaire. Si tout cela cesse, la continence est utile.
Quant au deuxième point, l'attitude juste consiste à ne pas se soucier à tout moment de sa propre faiblesse à l'égard des impulsions sexuelles et à ne pas se laisser obséder par son importance au point d'être constamment en état de lutte et de dépression, et d'autre part à ne pas la négliger au point de la laisser augmenter. C'est peut-être ce qu'il y a de plus difficile à éliminer entièrement ; on doit reconnaître tranquillement son importance et la difficulté qu'elle représente et se mettre tranquillement et fermement à la maîtriser. Si quelques légères réactions subsistent, il n'y a pas lieu d'en être bouleversé ; seulement on ne doit pas leur permettre d'augmenter au point de troubler la sâdhanâ ou de devenir si fortes que la volonté de l'être mental et vital supérieur ne pourrait plus les refréner.
Trop penser au sexe, même si c'est pour le réprimer, ne fait qu'empirer les choses. Vous devez vous ouvrir davantage à l'expérience positive. La méthode qui consiste à passer tout son temps à batailler contre le vital inférieur est très lente.
Quant à l'impulsion sexuelle, ne la considérez pas comme un péché horrible et attrayant mais comme une erreur et un faux mouvement de la nature inférieure. Rejetez-la entièrement, non pas en luttant contre elle, mais en vous retirant d'elle, en vous détachant et en refusant votre consentement ; regardez-la comme quelque chose qui n'est pas à vous mais qui vous est imposé par une force de la Nature, extérieure à vous. Refusez tout consentement à cette sujétion. Si quoi que ce soit consent dans votre vital, faites pression sur cette partie pour qu'elle retire son consentement. Appelez la Force divine pour qu'elle vous aide dans votre retrait et votre refus. Si vous pouvez faire cela tranquillement, résolument et patiemment, à la fin votre volonté intérieure l'emportera sur l'habitude de la Nature extérieure.31
Les petites tendances vitales radjasiques que vous énumérez sont d'une importance mineure. Elles doivent être éliminées dans la mesure où l'attachement à ces choses doit être abandonné ; la partie vitale de l'être doit être prête à accepter de s'en passer tranquillement et avec indifférence, en ne les acceptant que si elles sont données librement par le Divin, sans exigence, revendication ni attachement ; mais autrement rien de tout cela n'est très grave.
La seule question sérieuse est la tendance sexuelle. Elle doit être surmontée. Mais vous la vaincrez plus facilement si, au lieu d'être bouleversé par sa présence, vous détachez
31. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
d'elle l'être intérieur, vous vous élevez au-dessus d'elle et la considérez comme une faiblesse de la nature inférieure. Si vous pouvez vous en détacher avec une complète indifférence dans l'être intérieur, elle vous apparaîtra de plus en plus comme quelque chose d'étranger à vous-même qui vous est imposé par les forces extérieures de la Nature. Alors il sera plus facile de l'éliminer.
Les tourments de l'impulsion sexuelle disparaîtront sûrement si vous êtes sincère dans votre volonté de vous en débarrasser. La difficulté vient de ce que certaines parties de votre nature (spécialement le vital inférieur et le subconscient, qui sont actifs pendant le sommeil) gardent la mémoire de ces mouvements et y restent attachés, et vous n'ouvrez pas ces parties pour leur faire accepter la Lumière et la Force de la Mère qui les purifieraient. Si vous faisiez cela et si, au lieu de vous lamenter, de vous tourmenter et de vous accrocher à l'idée que vous ne pouvez pas vous libérer de ces mouvements, vous insistiez tranquillement sur leur disparition, avec une foi calme et une résolution patiente, en vous séparant d'eux, en refusant de les accepter ou de les considérer le moins du monde comme faisant partie de vous-même, au bout d'un certain temps ils perdraient de leur force et s'éteindraient.32
La difficulté que vous éprouvez à vous débarrasser du primitif en vous persistera tant que vous essaierez de changer votre vital uniquement ou principalement par la force de votre mental et de votre volonté mentale, en appelant tout au plus à votre aide quelque pouvoir divin indéfini et impersonnel. C'est une vieille difficulté, qui n'a jamais été
32. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
radicalement résolue dans la vie elle-même parce qu'on ne l'a jamais affrontée de la vraie manière. Pour beaucoup de voies de yoga, cela n'a pas une suprême importance, parce que le but n'est pas de transformer la vie mais de s'en échapper. Quand on cherche ce but-là, il peut suffire de tenir le vital la tête basse par une contrainte mentale et morale ou de l'immobiliser et de l'aplatir dans une sorte de sommeil et de quiétude. Il y a même des gens qui lui permettent de courir afin qu'il s'épuise (s'il se peut) tandis que son possesseur professe de n'être ni touché ni intéressé ; car, disent-ils, c'est simplement la vieille Nature qui poursuit son mouvement sous l'impulsion du passé et qui tombera d'elle-même avec la chute du corps.
Quand aucune de ces solutions ne réussit, le sâdhak quelquefois mène simplement une double vie intérieure, divisé jusqu'au bout entre ses expériences spirituelles et ses faiblesses vitales, donnant le plus d'importance possible à la meilleure partie de lui-même et le moins possible à son être extérieur.
Mais aucune de ces méthodes ne convient à notre but. Si vous voulez la vraie maîtrise et la transformation des mouvements du vital, cela ne peut se faire qu'à condition de laisser votre être psychique - l'âme en vous - s'éveiller pleinement, établir son règne, ouvrir tout votre être au contact permanent de la divine Shakti et imposer au mental, au cœur et à la nature vitale son attitude psychique de pure dévotion, d'aspiration ardente et d'élan total et sans compromis vers tout ce qui est divin. Il n'y a pas d'autre moyen, et il ne sert à rien de soupirer après un chemin plus confortable. Nânyah panthâ vidyaté ayanâya.33
C'est pour cette raison que la difficulté sexuelle du vital est celle dont il est le plus difficile de se débarrasser; même
33. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
ceux qui ont sincèrement abandonné le sexe sous sa forme la plus physique sont encore sujets à cette impulsion sous sa forme vitale. Mais elle est nuisible, parce qu'elle permet à certaines forces, qui font obstacle à la sâdhanâ, de s'infiltrer subtilement. On doit s'en débarrasser pour que le vital devienne complètement pur et capable de contenir l'amour divin et l'Ânanda.
Le vital physique continue à réagir à l'impulsion sexuelle longtemps après que le mental et le vital supérieur s'en sont détournés. Je l'ai constaté chez des individus qui étaient tout à fait sincères dans leur mental et leur émotivité. Quelques-uns n'ont aucun mal à s'en débarrasser, mais c'est une petite minorité. On ne doit la justifier par aucun argument du genre : "Quel mal y a-t-il..."; par là, le vital inférieur tente de s'assurer l'adhésion du mental et du vital supérieur. Le "mal" peut toujours se produire, tant que la réaction sexuelle n'est pas éliminée non seulement en vous, mais des deux côtés.
L'impulsion sexuelle essaie de s'emparer complètement de l'être de sorte qu'il n'est plus possible de l'inhiber ou de la maîtriser. Aucune passion, aucune impulsion de vie n'a autant qu'elle le pouvoir de posséder temporairement l'être, pas même la colère qui ne vient qu'en seconde position. C'est pourquoi il est si difficile de s'en débarrasser : même si le mental ou le vital supérieur refuse, le physique vital sent cette force de possession et tend obstinément à subir son impulsion d'une façon passive.
[L'intrusion de l'impulsion sexuelle :] Cela signifie qu'elle prend possession de vous, de sorte que vous êtes poussé à la
satisfaire. Ce n'est pas la même chose qu'une pression venant de l'extérieur, même fortement ressentie.
La difficulté sexuelle n'est sérieuse qu'aussi longtemps qu'elle obtient le consentement du mental et de la volonté vitale. Si elle est chassée aussi du mental, c'est-à-dire si le mental refuse son consentement tandis que l'élément vital continue d'y répondre, elle vient comme une grande vague de désir vital qui essaie d'emporter de force le mental avec elle. Si elle est chassée aussi du vital supérieur, du cœur et de la force de vie dynamique et possessive, elle se réfugie dans le vital inférieur et vient sous forme de suggestions et d'incitations plus petites. Refoulée du niveau vital inférieur, elle descend dans le physique obscur et inerte où tout est répétition et elle s'exprime sous forme de sensations dans le centre sexuel et de réponses mécaniques aux suggestions. Chassée de là aussi, elle s'enferme dans le subconscient, d'où elle remonte sous forme de rêves et d'émissions nocturnes, même sans rêves. Où qu'elle se retire, elle essaie encore pendant un temps, de cette base ou de ce refuge, de jeter le trouble et de reconquérir l'assentiment des éléments supérieurs, jusqu'à ce que la victoire soit enfin complète et qu'elle soit chassée même de la conscience environnante ou "circumconscient" qui est l'extension de nous-même dans la Nature générale ou universelle.34
Voulez-vous dire que le corps n'accepte pas les pensées et les désirs sexuels ? S'il en est ainsi, vous pouvez à juste titre rejeter le sexe comme quelque chose d'extérieur à vous, ou qui n'existe tout au plus que dans le subconscient. Car seul peut encore être considéré comme nôtre ce qui est accepté
34. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
ou soutenu par une partie de nous-même, ce à quoi elle prend plaisir ou continue de réagir automatiquement. S'il n'en est rien, cette impulsion appartient à la Nature générale, pas à nous. Naturellement elle revient et tente de rentrer en possession du territoire perdu, mais alors elle apparaît comme une invasion étrangère. La règle, en ce qui concerne ces impulsions, est qu'elles doivent être rejetées hors de la conscience individuelle. Rejetées par le mental et le vital supérieur, elles essaient encore de s'accrocher au vital inférieur et au physique. Rejetées du vital inférieur, elles continuent à tenir le corps par un désir physique. Rejetées du corps, elles se retirent dans la conscience environnante (et aussi parfois dans le subconscient d'où elles surgissent sous forme de rêves) ; par conscience environnante j'entends une sorte d'atmosphère que nous transportons avec nous et par laquelle nous sommes en communication avec les forces universelles ; de là, elles essaient de nous envahir. Rejetées de la conscience environnante, elles finissent par devenir tellement faibles qu'elles ne sont plus que des suggestions extérieures, jusqu'à ce que cela aussi se termine ; alors elles cessent et n'existent plus.
L'impulsion sexuelle est pour vous le principal obstacle. Si elle persiste, c'est parce qu'une certaine partie de votre être continue à y être attachée ; votre mental et votre volonté sont restés partagés et ont trouvé une sorte de demi-justification pour qu'elle se perpétue. Le mental et le vital supérieur doivent d'abord lui refuser tout consentement ; cela fait, elle ne se manifestera plus que sous la forme d'un automatisme agissant de l'extérieur sur le physique et finira par ne plus être qu'un souvenir actif qui disparaîtra lorsqu'aucune partie de la nature ne l'accueillera plus.
On ne peut éviter des réactions sexuelles de ce genre que si la conscience tout entière est éveillée et perçoit ses mouvements cachés. Cela ne signifie pas que vous êtes pire que les autres, mais que chez tous les êtres humains l'élément sexuel est là, actif ou assoupi, accepté ou refoulé. Il ne peut être surmonté que par un éveil spirituel dans toutes les parties de la nature.
L'impulsion sexuelle est profondément enracinée dans le subconscient et il est difficile de s'en débarrasser. Cela ne peut se faire que par la transformation complète de la conscience physique, sauf chez quelques individus sur qui elle a peu d'emprise.
C'est évidemment le physique qui réagit immédiatement aux suggestions sexuelles de la manière la plus matérielle. Votre manière d'agir est la bonne. Puisque vous maîtrisez le sexe à l'état de veille, il se manifeste la nuit. Cela aussi doit être éliminé.
Continuez à vous concentrer dans le cœur et à rester imperturbable devant les obstacles. Il ne faut jamais accepter les suggestions, car lorsqu'on les accepte on leur donne le droit de revenir ou de continuer. S'il n'y a aucune réaction sexuelle dans le mental ou le vital, et que seule la sensation se manifeste dans le centre organique, sans recevoir aucun soutien dans l'être, alors elle peut être surmontée séparément. Il ne doit par conséquent y avoir aucun assentiment mental ni aucune réaction vitale - c'est le premier pas.
Le sexe est fortement lié au centre physique, mais aussi au vital inférieur ; c'est pour une grande part au vital inférieur qu'il doit son caractère intense et passionné. Il peut être dissocié du vital inférieur ; il devient alors un mouvement purement physique et automatique qui n'a guère de force, sauf pour ceux qui réagissent à des automatismes. Si le centre physique est libéré aussi, l'impulsion sexuelle cesse d'exister.
C'est évidemment le vital qui donne au sexe son intensité et son pouvoir de s'emparer de la conscience.
C'est le centre physique ; le sexe n'est que l'un de ses mouvements. Naturellement, si le sexe est actif (au lieu de laisser la place à la Beauté et à l'Ânanda), et que les mouvements inférieurs sont actifs, la conscience supérieure ne peut pas s'établir. Mais s'il y a la moindre ouverture, la conscience supérieure peut descendre avant même que les mouvements inférieurs aient définitivement disparu ; elle doit alors finir de les évincer.
Le prânâyâma et autres pratiques physiques comme les âsana ne déracinent pas nécessairement le désir sexuel. Parfois, elles augmentent énormément la force vitale dans le corps, et elles peuvent aussi exagérer d'une façon surprenante la force de la tendance sexuelle, qui, étant à la base de la vie physique, est toujours difficile à conquérir.
La seule chose à faire est de se séparer de ces mouvements, de découvrir son moi intérieur et de vivre en lui ; alors ces mouvements n'apparaîtront plus comme nous appartenant, mais comme étant imposés par la Prakriti
extérieure au moi intérieur ou Pourousha. On peut alors plus facilement les éliminer ou les réduire à néant.35
Blesser la chair n'est pas un remède contre l'impulsion sexuelle, bien que cela puisse être une diversion temporaire. C'est le vital, et principalement le vital-physique, qui prend la perception des sens comme un plaisir ou comme son contraire.
La réduction du régime alimentaire n'a généralement pas un effet permanent. Elle peut donner un plus grand sens de pureté physique, ou vital-physique, alléger le système et réduire certaines sortes de tamas. Mais l'impulsion sexuelle peut très bien s'accommoder d'une alimentation réduite. Ce n'est pas par des moyens physiques, mais par un changement de conscience, que ces choses peuvent être surmontées. 36
La meilleure chose à faire semble être d'achever le mouvement d'ascension ; si, là-haut, vous pouvez sentir l'élargissement, la paix, le calme, le silence du Moi, s'ils peuvent descendre dans le corps en passant par tous les centres, et que, l'être physique ayant accédé à cet état, la Force peut agir en lui, on peut alors affronter la difficulté physico-vitale. Par un effort de tapasyâ personnelle, il est possible d'aller jusqu'à un certain point, d'expulser le sexe, etc., mais chez la plupart des individus, cet effort n'empêche pas les forces de revenir à l'assaut, à moins qu'elles n'aient été réduites à l'impuissance par une force de tapasyâ suffisamment intense et prolongée. Mais à mon avis, seule la descente de la conscience supérieure peut éliminer ces mouvements en apportant le calme et l'immensité absolus, la
35. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
36. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
force supérieure et l'Ânanda qui envahissent tout jusqu'aux cellules du corps. Il est certain que ces trois choses, établies ensemble dans le corps, ne peuvent laisser aucune place au sexe ; même si le sexe apparaissait, il serait aussitôt transmué au point de ne plus exister en tant que tel.
Si la paix et le silence sont établis partout, ils apportent la pureté, et la pureté met en fuite les suggestions sexuelles.
Il existe dans la substance même de l'être une force de pureté, une pureté qui n'est pas celle du moraliste, mais une pureté essentielle de l'esprit. Quand elle se manifeste, les ondes de sexe ne peuvent vous approcher, ou elles passent sans vous communiquer aucune impulsion, sans vous toucher nulle part.
Vous devez impérativement vous débarrasser de cette habitude perverse qui est l'une des causes principales de votre abattement, de votre faiblesse vitale, etc. Rien n'a autant le pouvoir de déranger l'organisme et de l'affaiblir. Si vous étiez résolu à l'abandonner, non seulement dans votre mental, mais aussi dans votre vital, elle aurait disparu depuis longtemps.
Il existe un moyen de vous débarrasser de cette habitude perverse : établir une puissante maîtrise mentale et ainsi, éliminer ce mouvement faux. Il n'est pas vrai qu'il soit invincible : au contraire, le fait que vous ayez été capable de l'interrompre pendant quelque temps prouve que
vous pouvez le vaincre. Il est revenu parce qu'il participe de certaines forces de vie universelles qui, dès lors qu'on a pris l'habitude de les laisser réagir de cette manière dans l'organisme individuel, tendent à se perpétuer sous cette forme, et même si elles sont évincées, essaient toujours de revenir. Votre mental les a rejetées, mais quelque chose dans votre nature vitale - la partie qui réagit directement aux forces de vie universelles - continue à y trouver du plaisir et a conservé la capacité et le désir d'y réagir de façon erronée. Un effort de volonté persévérant et résolu peut finir par imposer aussi à cette partie de la nature le rejet du désir et même de tout automatisme habituel. Seulement les rechutes ne doivent pas vous décourager ; votre volonté doit être plus persévérante que l'habitude et se poursuivre jusqu'à la victoire totale.
Ce qui est nécessaire, c'est un rejet intérieur complet des attirances sexuelles et vitales, un rejet par le vital inférieur lui-même dans sa totalité ; le rejet extérieur ne peut être efficace que si ce rejet intérieur vient le renforcer. On tente en général le rejet extérieur parce qu'autrement (si l'on s'adonne à ces actes), le rejet intérieur ne se fera vraisemblablement pas, puisque l'action extérieure renforce sans cesse la tendance du vital ; mais si l'acte extérieur est rejeté, le conflit se limite au désir intérieur et c'est là que la question se règle. Naturellement, un renoncement extérieur n'apporte pas à lui seul la libération.
On doit évidemment être capable de rencontrer des femmes sans avoir aucun sentiment ni aucune pensée de nature sexuelle ; mais rechercher les contacts pour se mettre à l'épreuve n'est pas une bonne méthode ; elle peut très aisément avoir l'effet contraire, si la maîtrise n'est pas complète.
Le sentiment juste et la victoire doivent venir de l'intérieur ; la méthode extérieure du Tantra n'est pas indiquée.
Tout cela arrive parce que le vital est dès l'abord conscient du sexe et adopte aussitôt l'attitude "masculine" vis-à-vis de la femme. Pour se débarrasser de cela, on doit être capable de considérer la femme comme un être humain et de ne rien ressentir de plus envers elle. C'est difficile, et cela nécessite un certain entraînement ; car même si le mental est capable d'adopter cette attitude, on ne peut se fier au vital et on doit rester sur ses gardes pour qu'il ne s'immisce pas dans cette relation, subrepticement ou soudainement, en y introduisant sa prédilection pour les échanges sexuels.
Vous feriez mieux de vous débarrasser de cette influence. Si vous êtes incapable de regarder une femme ou l'image d'une femme sans avoir des sensations sexuelles, cela n'ira pas ; vous devez vous débarrasser de cela.
Si l'on admirait sans désir tout ce qui est beau, et pas seulement les femmes, il n'y aurait aucun inconvénient. Mais si cela s'applique particulièrement aux femmes, c'est un reste d'attirance sexuelle.
Force et pureté dans le vital inférieur, sentiment d'élargissement dans le cœur, telles sont les meilleures conditions pour aborder les autres et particulièrement les femmes ; si ces conditions pouvaient régner en permanence, le sexe ne pourrait guère s'immiscer.
C'est ce qui arrive en général : lorsqu'on cesse de satisfaire l'impulsion sexuelle du vital par des échanges extérieurs, par le toucher et les contacts, l'imagination continue à travailler. Mais si l'on peut surmonter cela, alors tout est surmonté. La satisfaction extérieure entretient au contraire l'activité. C'est pour cette raison que l'on évite ces contacts extérieurs. Si l'on peut se débarrasser de quelque chose sans qu'il soit nécessaire de l'éviter, tant mieux.
Il faut veiller à ce que l'imagination sexuelle ou érotique ne s'empare pas de la conscience en se présentant comme une vérité spirituelle.
Lorsqu'on abandonne le contact, le sexe peut se réduire à deux formes : le rêve et l'imagination. Le rêve n'a pas grande importance, à moins qu'il n'affecte le mental de veille, ce qui n'est nullement inévitable ; par ailleurs on peut l'en dissuader : si rien ne l'entretient, il finit par s'estomper. On ne peut se débarrasser des imaginations que par une tapasyâ de la volonté qui ne les laisse pas se dérouler, mais y coupe court dès qu'elles commencent. Elles apparaissent très facilement lorsqu'on reste allongé après s'être éveillé d'un sommeil tamasique. Il faut les interrompre soit en secouant le tamas, soit en faisant le vide mental et en se rendormant. À d'autres moments, on devrait être capable de les arrêter en pensant à autre chose.
C'est le moment le plus dangereux pour ce qui a trait au sexe, lorsqu'on reste allongé aussitôt après le réveil : il faut soit se rendormir, si on en a le temps, soit concentrer le mental sur des pensées saines.
C'est un heureux changement. Rien n'est plus dangereux, pour stimuler l'imagination sexuelle, que de rester ainsi au lit dans un demi-sommeil ou dans un état inerte et détendu qui n'est meublé par aucune activité ou aucune expérience.
Une atmosphère d'inactivité facilite l'apparition du sexe.
C'est la difficulté. L'imagination traduit un consentement du physique ou du mental vital. Sinon la sensation sexuelle n'est souvent due qu'à des causes physiques et si elle n'était pas soutenue par ce consentement automatique d'une partie du mental, son habitude de revenir diminuerait bientôt.
Vous n'avez aucune raison d'être déprimé ou découragé. Les défauts de la nature dont vous parlez sont des habitudes du vital inférieur et de l'être extérieur ; si vous les reconnaissez pleinement, avec franchise, que vous les détectez et les rejetez chaque fois qu'ils agissent ou essaient d'agir sur vous, en temps voulu ils disparaîtront. Les désirs sexuels montrent que le subconscient garde encore les impressions, les mouvements et les impulsions du passé ; libérez complètement les parties conscientes de l'être, entretenez l'aspiration et la volonté que la conscience supérieure pénètre complètement le subconscient pour que même dans le sommeil et le rêve, quelque chose en vous soit conscient, sur ses gardes, et rejette ces choses lorsqu'elles essaient de prendre forme à ce moment-là.
Naturellement, si vos lectures portent sur ces questions, ces préoccupations entrent dans le mental et passent dans le subconscient où elles laissent leur empreinte. Si la
conscience n'est pas libérée de l'impulsion sexuelle, cette empreinte peut surgir du subconscient et agir sur le mental.
Je vous ai déjà dit de ne pas être bouleversé par ces rêves et ces accidents qui surviennent pendant le sommeil. Ils vous viennent de l'extérieur et dans le subconscient, qui conserve longtemps tout ce que rejette l'être conscient, quelque chose y répond. Cette partie subconsciente ne peut être libérée et devenir consciente que dans les stades ultérieurs du yoga. C'est de la conscience de veille que vous devez éliminer les impulsions et les suggestions sexuelles. Si vous le faites, plus tard la partie subconsciente pourra facilement se libérer.
Les rêves traduisent des impressions sexuelles qui émergent involontairement du subconscient ; la plupart des individus — même s'ils ne s'adonnent pas à l'acte sexuel — font ce genre de rêves de temps en temps, bien que leur fréquence varie d'une semaine, quinze jours ou un mois à trois ou quatre mois, ou même moins. Une fréquence plus grande indique soit qu'on se laisse aller à des imaginations qui stimulent le centre sexuel, soit que le système nerveux est faible dans cette partie de l'être parce qu'on s'est adonné au sexe dans le passé. Certains ont obtenu de bons résultats en imposant une volonté au corps le soir, avant de s'endormir, pour que ces rêves ne se produisent pas ; bien que cette méthode ne réussisse pas toujours dès le début, elle produit ses effets dans la plupart des cas au bout d'un certain temps, en fixant sur le subconscient, d'où émergent ces rêves, une force inhibitrice. Quant aux enfants qui s'adonnent au sexe, ce n'est pas héréditaire, mais ils l'ont appris par de mauvaises fréquentations et ont parfois été pervertis de cette façon à un très jeune âge.
C'est une erreur d'accorder tant d'importance aux éjaculations ; tout le monde en a. Le subconscient a son propre mouvement et on ne peut remédier à l'absence de maîtrise à cet endroit que lorsque la lumière y est descendue complètement. Tout au plus peut-on agir sur ce facteur particulier en plaçant une volonté inhibitrice dans le subconscient (dans le centre sexuel ou dans l'organe lui-même) afin que même dans le subconscient, quelque chose puisse réagir pendant le sommeil. Nombreux sont ceux qui ont pu, par ce moyen, diminuer la fréquence de ce phénomène et presque s'en débarrasser, mais d'autres ont moins bien réussi : il y a eu un cas où il se répétait tous les quinze jours et a persisté en dépit de la volonté [...] Quant à la difficulté qui apparaît à l'état de veille, n'y accordez pas trop d'importance. Continuez à avancer vers la réalisation, en insistant sur l'aspect positif de la sâdhanâ ; ces difficultés s'estomperont et disparaîtront quand la conscience supérieure sera descendue dans le centre sexuel. En attendant, il faut d'abord maîtriser cela et s'en débarrasser le plus possible.
Il n'y a aucune raison d'être à ce point déprimé et de vous imaginer que vous avez échoué dans le yoga. Ce qui vous arrive n'est pas du tout le signe que vous êtes inapte au yoga. Cela veut dire simplement que l'impulsion sexuelle, rejetée par les parties conscientes, s'est réfugiée dans le subconscient, probablement quelque part dans le vital-physique inférieur et dans la conscience la plus physique où certaines régions ne sont pas encore ouvertes à l'aspiration et à la lumière. Que les choses rejetées de la conscience de veille persistent dans le sommeil est un phénomène tout à fait commun dans le cours de la sâdhanâ.
Le remède est celui-ci :
(1) faire descendre la conscience supérieure, sa lumière et l'action de son pouvoir dans les parties obscures de la nature ;
(2) devenir progressivement plus conscient dans le sommeil en développant une conscience intérieure qui suit l'action de la sâdhanâ dans le rêve comme dans la veille ;
(3) amener la volonté et l'aspiration de veille à faire pression sur le corps durant le sommeil.
L'une des façons de procéder par cette dernière méthode est de faire au corps une forte suggestion consciente avant de s'endormir afin que l'accident ne se produise pas. Plus la suggestion est concrète et physique, et dirigée directement sur le centre sexuel, mieux c'est. Au début, l'effet ne sera peut-être pas tout à fait immédiat ni invariable ; mais généralement, si l'on sait le faire, ce genre de suggestion finit par réussir. Même quand elle n'empêche pas le rêve, elle éveille très souvent la conscience intérieure à temps pour empêcher les conséquences indésirables.
C'est une erreur de se laisser déprimer dans la sâdhanâ, même par des échecs répétés. On doit être calme, persévérant et plus obstiné que la résistance.37
Quand la conscience de veille a renoncé à céder aux désirs et aux impulsions sexuels, ceux-ci se réfugient dans le subconscient sous forme d'impressions, de souvenirs, de désirs refoulés, et apparaissent pendant le sommeil sous forme de rêves ou d'éjaculations involontaires. Si la conscience de veille elle-même n'est pas déblayée, c'est-à-dire si, bien qu'on ne cède pas au physique, il y a pourtant dans le mental des imaginations et dans le vital ou le corps des désirs, ces rêves et ces éjaculations peuvent être fréquents. Même si la conscience de veille est déblayée, ces résurgences du subconscient peuvent encore se produire pendant quelque temps, mais à la longue elles s'atténuent. Certains sont capables de s'en débarrasser en plaçant une volonté vigoureuse ou une force puissante d'inhibition sur le subconscient
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ou le centre sexuel avant de s'endormir, mais tout le monde n'y parvient pas. L'essentiel est de faire entrer de plus en plus la force du brahmatcharya dans la conscience de veille, d'expulser complètement les pensées sexuelles, les paroles, les envies ou les impulsions physiques ; les résidus du subconscient s'évanouiront ou seront déblayés plus tard, quand on sera capable d'y faire descendre la conscience supérieure.
Pour que les éjaculations pendant les rêves puissent diminuer ou cesser, il est d'abord nécessaire d'arriver au brahmatcharya complet, kâyamanovâkyéna : il faut non seulement refuser au corps toute activité sexuelle, mais aussi bannir du vital et de la conscience corporelle les impulsions sexuelles, et du mental comme de la parole les pensées et les imaginations sexuelles ; il faut aussi s'abstenir de parler du sexe. Les rêves émergent du subconscient où sont emmagasinés toutes les impressions et tous les instincts ; or toute pensée ou impulsion stimule le subconscient et augmente la quantité d'éléments qui peuvent surgir dans les rêves. Si la conscience de veille est complètement purifiée, on peut, en plaçant une volonté ou une force sur le subconscient (surtout avant de s'endormir) éliminer au bout d'un certain temps les rêves sexuels et les éjaculations.
À part le rejet total des pensées, des imaginations et des actes sexuels qui finit par agir aussi sur le subconscient, je ne connais aucun remède contre les rêves sexuels si ce n'est l'usage d'une force aussi concrète que possible que l'on place sur le centre et l'organe sexuels pour inhiber cette impulsion et sa conséquence, lorsqu'on est sur le point de s'endormir, et que l'on renouvelle chaque fois que l'on se réveille pour se rendormir. Mais cette méthode n'est pas accessible à tous, car ils utilisent une volonté mentale et non une force
concrète (la volonté mentale peut aussi être efficace, mais elle ne l'est pas toujours). Par ailleurs, elle n'agit que temporairement, elle inhibe, mais la guérison n'est que rarement définitive ; elle ne débarrasse pas le subconscient des impressions sexuelles, et elle ramène évidemment la pensée vers le sexe, même si ce n'est que d'une façon négative.
J'ai entendu dire que ces rêves reviennent, même à des yogis très avancés, au moins tous les six mois ; je ne sais pas dans quelle mesure c'est vrai, ni ce qu'en disent les yogis eux-mêmes. Mais on peut se débarrasser des impressions sexuelles dans le cœur bien avant d'atteindre la fin de la vie et même leur persistance en germe dans le subconscient - qui se révèle par les rêves - si tenace soit-elle, n'est pas aussi impossible à éliminer qu'on le dit.
Quoi qu'il en soit, il n'y a pas lieu de se préoccuper tellement de ce genre de réactions en rêve à moins qu'elles ne soient fréquentes ; c'est l'état de veille qu'il faut rigoureusement nettoyer. Si c'est fait, il arrive parfois que l'habitude de rejet s'étende au subconscient, de sorte que lorsque le rêve apparaît il s'arrête par une inhibition automatique. Soumise à un tel régime, la pression sexuelle deviendrait, je crois, sinon inexistante, du moins en permanence inactive, à l'état de germe et donc pratiquement nulle.
Dans ce genre d'affaires, il est de toute première nécessité de rester parfaitement calme et de refuser de se laisser bouleverser par ces difficultés. Si elles surgissent, on doit admettre que c'est pour être résolues. Si rien, dans la conscience de veille, n'est là pour faire naître la difficulté sexuelle, ces rêves ou ces éjaculations sans rêve ne peuvent être qu'une manifestation d'impressions anciennes assoupies dans le subconscient. Ces impressions émergent souvent lorsque la Force agit dans le subconscient pour le déblayer. Il est possible aussi que les éjaculations - en particulier lorsqu'elles ne s'accompagnent pas de rêves - soient dues à
des causes purement matérielles, par exemple la pression de l'urine ou de matières fécales dans la région de la vessie. Mais l'essentiel, en tout cas, est de ne pas être troublé et de placer une force ou une volonté sur le centre sexuel ou l'organe sexuel pour que cela cesse. On peut le faire juste avant de s'endormir. Si on le fait régulièrement, on obtient en général un résultat au bout de quelque temps. Il faut exercer sur le subconscient physique une pression générale et tranquille, à l'aide de la volonté ou de la force. Le subconscient fait souvent preuve d'une obstination tenace, mais il est capable de s'adapter à la volonté de l'être conscient et y parvient plus ou moins rapidement.
Vos rêves se déroulaient principalement sur le plan physico-vital. Là, si un contact physique quelconque, de nature sexuelle ou autre, agit fortement sur le centre sexuel ou sur un point sensible, il peut, même sans susciter aucun désir, provoquer une éjaculation par une action mécanique, aveugle et inconsciente, de nature purement physique et pas même physico-vitale. C'est seulement lorsque le centre sexuel sera devenu fort que cela deviendra impossible.
Si ces éjaculations étaient normales, pourquoi l'organisme serait-il aussi déprimé et affaibli par elles? Les gens se plaignent sans cesse de cet affaiblissement et si cela se produit souvent, ils deviennent tout à fait déprimés et tamasiques. Cette conséquence n'est évidemment pas inévitable, car si l'on réagit, on peut empêcher la dépression ou l'affaiblissement de se produire, mais la plupart le ressentent. Il est évidemment normal que cela arrive lorsqu'on a cessé toute activité sexuelle sans s'être libéré de l'imagination ou de l'impulsion sexuelle ; ou même plus tard, lorsqu'on n'est plus importuné par le sexe, ces désagréments peuvent
persister pendant quelque temps, parce que les impressions n'ont pas été extirpées du subconscient. Cela peut parfois soulager d'un excès de sécrétion, mais l'affaiblissement qui en résulte semble plus souvent indiquer la perte de quelque chose de nécessaire, qui est source de vigueur. La bonne manière de traiter cet excès est de le transformer en pure substance d'énergie, de changer le retas en odjas.
C'est évidemment une attaque qui s'abat sur votre système nerveux par l'intermédiaire du subconscient. Elle survient quand vous dormez parce que dans la conscience de veille, vous êtes davantage sur vos gardes et capable de réagir contre les attaques. En général, les rêves de ce genre, accompagnés d'éjaculations, viennent quand la conscience physique est dans un état tamasique en raison d'une fatigue, d'une tension ou de toute autre cause, dans un sommeil lourd ou sous l'emprise de l'inertie.
La première chose à faire est de rejeter les conséquences, ce que vous avez fait cette fois-ci, puisqu'à ce que vous dites, vous n'avez ressenti aucune faiblesse ; c'était au contraire comme si rien ne s'était passé. Il n'est pas du tout inévitable de se sentir faible après un rêve de ce genre et une éjaculation ; ces forces ne suscitent des réactions de faiblesse nerveuse que par une association d'idées habituelle dans le mental physique.
On peut empêcher l'éjaculation en devenant plus conscient durant le sommeil. Vous étiez conscient de tout ce qui se passait, mais vous devez en plus développer un pouvoir de volonté consciente qui voit ce qui va arriver et intervient pour l'empêcher, soit en vous éveillant à temps, soit en arrêtant le rêve ou en inhibant l'éjaculation. Tout cela est parfaitement faisable, c'est une question d'habitude et d'un peu de persévérance.
Il est souvent aussi très efficace de placer une volonté ou une force sur la conscience corporelle avant de s'endormir
pour que cela ne se produise pas ; il faut le faire surtout si l'on se sent prédisposé par un état de lourdeur et d'inertie. Cette volonté n'est pas toujours immédiatement efficace, mais au bout d'un certain temps le subconscient prend l'habitude d'obéir à la volonté ou à la force qui lui est ainsi imposée ; la perturbation s'atténue peu à peu et finit par disparaître complètement.
Ce genre d'attaque sexuelle pendant le sommeil ne dépend pas beaucoup de la nourriture ni de choses extérieures ; c'est une habitude mécanique dans le subconscient. Quand l'impulsion sexuelle est rejetée ou exclue des pensées et des sentiments de veille, elle vient sous cette forme dans le sommeil, car à ce moment-là, seul le subconscient est actif et vous n'avez pas de contrôle conscient. C'est le signe que le désir sexuel, supprimé dans le mental et dans le vital de veille, n'est pas éliminé de la substance de la nature physique.
Pour l'éliminer, il faut d'abord avoir soin de n'entretenir aucune imagination, aucun sentiment sexuels à l'état de veille ; ensuite, il faut mettre une forte volonté sur le corps, spécialement sur le centre sexuel, afin que rien de ce genre ne se produise pendant le sommeil. Il se peut que cela ne réussisse pas tout de suite, mais si l'on persévère longtemps, on obtient en général un résultat : le subconscient commence à obéir.38
Cette pression venant des reins ou des intestins, qui produit un rêve ou une imagination est la dernière forme que prend la difficulté sexuelle, et la plus physique ; elle persiste souvent alors que les autres ont disparu. L'occasion lui est donnée d'apparaître lorsque le corps est apathique et le mental à moitié endormi. Mais si cela ne dure que quelques
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minutes et n'engendre aucun effet, cette tendance devrait disparaître au bout de quelque temps.
Les attaques [de la force sexuelle] peuvent venir en plein jour comme de nuit ; elles peuvent donc venir aussi à. la lumière électrique. Seule la lumière intérieure détourne les attaques, bien qu'elle ne puisse pas les arrêter complètement à moins que la Force ne soit là aussi.
Oui, bien sûr, les maladies de peau sont souvent liées aux désirs sexuels ; pas toujours, évidemment, mais souvent.
Je suppose que l'acné provient souvent d'une sexualité refoulée ; refoulée en acte, mais toujours active à l'intérieur. Cela n'agit pas de la même manière chez tout le monde ; chez certains cela peut agir sur le sang, chez d'autres non, ou pas de la même façon. De plus je ne crois pas que le sexe soit la seule cause de l'acné ; d'autres choses aussi peuvent la provoquer.
La maîtrise de la parole est très nécessaire à la transformation physique.
Le mauna est rarement très utile. Quand il cesse, on recommence à parler comme avant. C'est en parlant qu'il faut transformer la parole.
Ce n'est pas comme cela qu'il faut faire. Le silence absolu et le bavardage immodéré sont deux extrêmes ; aucun n'est bon. J'ai vu beaucoup de gens pratiquer le maunavrata, mais ensuite ils étaient tout aussi bavards qu'avant. C'est la maîtrise de soi qu'il faut acquérir.
Dans l'ensemble, vous avez raison. Il vaut mieux éviter les conversations inutiles qui rabaissent la conscience et ressuscitent en partie une conscience passée. Les discussions qui portent sur la sâdhanâ entrent aussi dans cette catégorie, quand elles sont purement mentales et superficielles.
C'est quelque chose de très extérieur qui prend plaisir à bavarder et c'est seulement quand la tranquillité, et avec elle une certaine maîtrise de soi spontanée, s'est établie dans la nature vitale inférieure, que cette tendance peut être entièrement surmontée par ceux qui en sont affectés, c'est-à-dire presque tout le monde.
Tout cela se fera en temps opportun. Le plus important est de faire descendre la tranquillité dans l'être tout entier, et avec elle la vraie force porteuse d'énergie que vous décrivez ci-dessus.
Lorsqu'on parle, on a tendance à descendre dans une conscience inférieure et plus extérieure, parce que la parole vient du mental extérieur. Mais il est impossible d'éviter cela complètement. Il faut apprendre à revenir aussitôt après à la conscience intérieure, et cela tant que l'on n'est pas capable de faire en sorte que ce soit toujours l'être intérieur qui parle, ou du moins de toujours s'exprimer avec le soutien de l'être intérieur.
La parole est plus extérieure que l'écriture, elle dépend davantage du physique et de son état. Dans la plupart des cas, il est par conséquent plus difficile de la soustraire à l'emprise de mental extérieur.
La parole - le bavardage - peut en effet très aisément disperser l'état intérieur ou l'abaisser, parce qu'elle ne vient généralement que du vital inférieur et du mental physique et exprime cette partie de la conscience; elle a tendance à extérioriser l'être. C'est évidemment pour cette raison que tant de yogis se réfugient dans le silence.
Chez certains individus la parole coule naturellement et ceux qui ont une nature très vitale ne peuvent s'en passer. Mais ce dernier cas (où l'on est incapable de s'en passer) est visiblement une infirmité du point de vue spirituel. En outre, à certains stades de la sâdhanâ, on doit s'intérioriser et le silence devient alors très nécessaire, tandis que le bavardage inutile disperse les énergies ou extériorise la conscience. C'est, en particulier, cette tendance à bavarder pour bavarder qui doit être surmontée.
Bavarder ainsi entraîne en effet une grande fatigue, pour peu que l'on soit porté par le courant d'une expérience authentique, parce que cela dissipe inutilement l'énergie et que le mouvement mental devient un ensemble de pièces et de morceaux sans valeur, au lieu de se recueillir dans son équilibre intérieur pour recevoir.
Il y a toujours un risque qu'un élément superficiel, facteur de déséquilibre, s'introduise lorsqu'on se laisse aller à la légèreté pour elle-même. La conscience se sent un peu ébranlée dans ses assises, sinon tirée vers l'extérieur. Une fois que la conscience est bien installée au-dedans, le mouvement extérieur trouve sa source à l'intérieur et cet inconvénient disparaît.
Oui. La parole doit venir du dedans et être maîtrisée du dedans.
La difficulté que vous éprouvez vient du fait que la parole, dans le passé, a fonctionné beaucoup plus comme une expression de la volonté vitale que de la volonté mentale dans l'homme. La parole jaillit comme une expression du vital et de ses habitudes, sans se soucier d'attendre le contrôle du mental ; on a dit que la langue était l'organe indomptable. Dans votre cas, la difficulté s'est accrue du fait de votre habitude de parler des autres, de cancaner, chose à laquelle votre vital était très attaché, à telle enseigne qu'encore maintenant, il ne peut renoncer au plaisir qu'il y trouve. C'est par conséquent cette tendance qui doit disparaître dans le vital même. Ne pas être asservi à l'impulsion de la parole, être capable de s'en passer et ne plus la considérer comme un besoin, parler seulement lorsqu'on voit que c'est ce qu'il faut faire, et dans ce cas, ne dire que ce que l'on doit dire, est une partie très nécessaire de la maîtrise de soi yoguique.
C'est seulement par la persévérance, la vigilance et une forte résolution que cette maîtrise peut être obtenue, mais avec une pareille résolution, cela peut se faire en peu de temps à l'aide de la Force qui est derrière.
Il est évident que les habitudes invétérées ne peuvent s'en aller d'un seul coup. En particulier, la parole est, chez la plupart des gens, dans une large mesure automatique et échappe à leur maîtrise. C'est la vigilance qui établit la maîtrise ; on doit donc se garder du danger dont vous parlez et ne pas relâcher sa vigilance. Seulement plus cette vigilance pourra être tranquille et pure, et moins elle sera anxieuse, mieux cela vaudra.
Les habitudes de la nature physique ou physico-vitale sont toujours les plus difficiles à changer, parce que leur action est automatique et n'est pas gouvernée par la volonté mentale ; la volonté mentale a par conséquent du mal à les maîtriser ou à les transformer. Vous devez persévérer et prendre l'habitude de cette maîtrise. Si vous réussissez plus souvent à maîtriser la parole - ce qui exige une vigilance constante - vous finirez par vous apercevoir que la maîtrise laisse son empreinte et peut, à la longue, intervenir constamment. Il faut continuer tant que ce mouvement n'est pas complètement ouvert à la Lumière et à la Force de la Mère, car si l'ouverture est complète, la maîtrise peut venir plus vite et même parfois très rapidement. Le psychique aussi peut intervenir ; si l'être psychique est assez éveillé et actif pour intervenir et dire "non" chaque fois que vous êtes sur le point de parler inconsidérément, le changement devient plus facile.
Le mal de tête et la fatigue indiquent toujours que la conscience ne veut plus de cette extériorisation par la pensée et la parole et même qu'elles entraînent pour elle une tension physique. Mais c'est l'habitude subconsciente qui veut continuer. La plupart du temps, la parole et la pensée, dans la nature humaine, suivent certains automatismes qui se
répètent sans cesse et ne sont pas vraiment maîtrisés ou dictés par le mental. C'est pourquoi cette habitude peut se poursuivre pendant quelque temps, même lorsque le mental conscient lui a retiré son soutien et son consentement et est résolu à agir autrement. Mais si l'on persévère, cette habitude automatique et subconsciente s'épuise, comme tous les mécanismes qui ne peuvent continuer leur course lorsqu'ils ne sont pas remontés. On peut alors imprimer au subconscient l'habitude contraire de ne consentir à rien que l'être intérieur n'ait accepté de penser ou de dire.
C'est très fréquent. Le bavardage inutile fatigue l'être intérieur parce que la parole vient de la nature extérieure, alors que la nature intérieure doit fournir l'énergie qu'elle sent se dilapider.
Même ceux qui ont une vie intérieure fortement développée mettent beaucoup de temps à la rattacher à la parole et à l'action extérieures. La parole extérieure appartient au mental extériorisant ; c'est pourquoi il est si difficile de la rattacher à la vie intérieure.
Oui, bien sûr, la véracité complète de la parole est très importante pour le sâdhak et contribue beaucoup à introduire la Vérité dans la conscience. Il est cependant très difficile d'acquérir la maîtrise de la parole ; car on a l'habitude de dire ce qui vous vient à l'esprit, sans surveiller ni contrôler ce que l'on dit. Il y a dans la parole un élément mécanique qu'il n'est jamais facile d'amener au niveau de la partie la plus élevée de la conscience. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est utile d'être avare de paroles. Cela facilite l'acquisition d'une maîtrise plus délibérée et empêche la langue de parler toute seule en échappant a tout contrôle.
Prendre du recul signifie devenir le témoin de son mental et de sa parole, les voir comme des choses distinctes de soi-même et ne pas s'identifier à elles. En les regardant comme un témoin, en s'en détachant, on en vient à les connaître pour ce qu'elles sont, à savoir comment elles agissent et ensuite à les surveiller, à rejeter ce que l'on n'approuve pas, à ne rien penser ni dire que ce que l'on sent être vrai. C'est évidemment impossible à faire du premier coup. Il faut du temps pour établir cette attitude de séparation, et plus encore pour établir la maîtrise. Mais c'est possible, par la pratique et la persévérance.
On ne peut maîtriser la parole que si l'on se sépare de la partie qui parle et que l'on est capable de l'observer. C'est le mental extérieur qui parle ; on doit le surveiller en prenant la position du témoin dans le mental intérieur et en exerçant sur lui un contrôle.
C'est en réalité un silence intérieur qui est nécessaire : il y a au-dedans quelque chose de silencieux qui regarde la parole et l'action extérieures, mais les ressent comme des choses superficielles, autres que lui, auxquelles il est complètement indifférent et insensible. Ce quelque chose de silencieux peut faire intervenir des forces pour soutenir la parole et l'action ; il peut aussi interrompre celles-ci en s'en retirant, ou les laisser se poursuivre en les observant sans y être engagé ni s'en émouvoir.
C'est évidemment parce que la conscience se projette à l'extérieur [dans les discussions et les rires] ; on sort de l'équilibre intérieur et on a du mal à y revenir, surtout parce
qu'il se produit une sorte de dissipation de l'énergie vitale. Si l'on parvient à un état où l'on peut participer seulement en surface, en restant à l'intérieur et en observant ce qui se fait à la surface de la conscience, mais sans s'y oublier, alors l'équilibre n'est pas perdu. Mais il est un peu difficile d'arriver à se dédoubler ainsi ; on y parvient, cependant, avec le temps, surtout si la paix et le calme intérieurs deviennent très intenses et durables.
Si la paix intérieure est très forte, la parole ne l'obscurcit pas, parce que cette paix n'est pas mentale ou vitale, même si le mental et le vital en sont imprégnés ; ou alors c'est un nuage qui passe rapidement sans atteindre les profondeurs. En général, cependant, la discussion disperse la conscience et on peut y perdre beaucoup. Le seul inconvénient à ne pas parler est que l'on s'isole trop, si le silence est absolu, mais on n'a rien à perdre en s'abstenant de ce genre de discussion [sur l'actualité, etc.].
[Penser à ce qui s'est dit :] C'est une habitude du mental physique qui doit s'épuiser à la longue. Le mental doit être libre de couper court dès que la conversation est terminée.
La précipitation, en paroles et en actes (si elle est excessive, car elle existe chez tout le monde, à un degré plus ou moins grand) est une question de tempérament. Je ne crois pas que vous en soyez plus particulièrement affecté que bien d'autres ici. Évidemment il faut s'en débarrasser, mais c'est l'une des imperfections mineures sur lesquelles la Force yoguique doit agir, et non une imperfection majeure. Le mental extériorisant doit être discipliné pour qu'il ne se hâte pas trop de
conclure ou ne saute pas précipitamment de la pensée à la parole et à l'action.
Ces discussions sont parfaitement inutiles, elles ne font que dévier le mental et ouvrir la porte aux mensonges.
La maîtrise psychique désirable, dans un pareil entourage et au cœur de la discussion, consisterait, entre autres choses :
1. À ne pas trop se laisser emporter par l'impulsion à parler, à ne rien dire sans avoir réfléchi, mais à toujours exercer une maîtrise consciente sur la parole, et à ne rien dire que ce qui est nécessaire et utile.
2. À éviter tout débat, toute controverse ou toute discussion trop animée, à dire simplement ce qui doit être dit et à s'en tenir là. On ne doit pas non plus s'entêter à prouver que l'on a raison et que les autres ont tort, mais ne dire que ce que l'on a à dire pour contribuer à l'examen de la vérité de la question.
3. À conserver dans ses paroles un ton et une expression très tranquilles, calmes et sans insistance ;
4. À ne pas s'émouvoir si les autres s'échauffent et se disputent, mais à rester soi-même calme et imperturbable, et à ne dire que ce qui peut contribuer à ramener le calme.
5. À ne pas se mêler des ragots et des critiques acerbes (particulièrement au sujet des sâdhak), s'il y en a, car cela n'est d'aucune utilité et a seulement pour effet de faire descendre la conscience de son niveau supérieur.
6. À éviter tout ce qui pourrait blesser ou peiner les autres.39
39. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
Les harangues et les exhortations ne touchent que la surface du mental. Si le mental est d'accord, il est content et stimulé, mais c'est tout. S'il n'est pas d'accord, il critique ou s'impatiente et pense à autre chose. Si la harangue est très énergique, elle peut parfois toucher le vital et produire un effet momentané.
Ce n'est pas de l'hypocrisie [prêcher aux autres ce que l'on n'est pas soi-même], mais un conflit entre deux parties de la nature. L'hypocrisie n'intervient que si l'on prêche une chose en laquelle on ne croit pas, ou si l'on feint délibérément d'être ou de vouloir être ce que l'on n'est pas et que l'on n'a nullement l'intention de devenir.
La dépression est entrée en vous par le subconscient, parce que vous aviez discuté avec X. Quand on discute ainsi avec les gens, on introduit quelque chose en eux, mais quelque chose d'eux entre aussi en vous. Ainsi, comme l'état de X laissait à désirer, même s'il n'était en rien comparable à ses états dépressifs d'autrefois, vous en avez tout naturellement attrapé quelque chose et dès que le subconscient a pu trouver un de ses prétextes habituels, il l'a transmis au mental. Vous devez toujours vous garder de ces échanges automatiques. Il suffit de faire un peu attention, et aussi d'éviter les discussions inutiles.
En parlant, on devrait toujours avoir une sorte de défense instinctive, sauf avec ceux qui n'ont pas les impulsions vitales ordinaires.
C'est l'enveloppe nerveuse qui est faible ; c'est cela que vous avez vu. Le fait que vous vous sentez faible quand vous parlez avec les gens montre que l'origine du problème est une force nerveuse amoindrie. C'est elle que vous devez fortifier. Vous devez éviter de parler beaucoup avec les autres ; vous pouvez aussi vous reposer, quand vous ressentez fortement ces symptômes. Mais la foi, la tranquillité et l'ouverture à la force supérieure sont le remède fondamental.
Oui, évidemment, le pouvoir de dire "non" est indispensable dans la vie et plus encore dans la sâdhanâ. C'est le pouvoir de rejet exprimé en parole.
En toutes choses une maîtrise doit s'exercer sur la pensée et aussi sur la parole. Mais si la violence radjasique est exclue, une sévérité énergique et calme dans la pensée et la parole, là où la sévérité s'impose, est parfois indispensable.
L'habitude de critiquer - la plupart du temps, il s'agit d'une critique ignorante des autres - mêlée à toutes sortes d'imaginations, de déductions, d'exagérations, d'interprétations fausses, et même d'inventions grossières, est l'une des grandes maladies universelles. C'est une maladie du vital étayée par le mental physique qui se fait l'instrument du plaisir que l'on prend à cette activité stérile et pernicieuse du vital. Il est très nécessaire de maîtriser la parole, de refuser de se laisser contaminer par cette maladie et par cette démangeaison du vital, pour que l'expérience intérieure ait un effet véritablement transformateur sur la vie extérieure.
Mieux vaut aussi veiller plus strictement à ne pas parler des autres et à ne pas les critiquer en restant dans une conscience ordinaire. C'est nécessaire pour cultiver une conscience et une vision plus profondes qui, dans le silence, comprennent les mouvements de la Nature, en soi-même et dans les autres, et ne sont ni émues, ni perturbées, ni intéressées superficiellement par un mouvement extérieur au point de s'y laisser absorber.
Les sâdhak de cet Ashram ne sont pas parfaits ; ils sont pleins de faiblesses et de mouvements faux. Il faudrait être aveugle pour ne pas le voir ; seulement il ne faut pas pour autant adopter une attitude critique ou réprobatrice à l'égard des personnes ; il faut considérer cette situation comme un jeu de forces qui doit être surmonté.
Cette maîtrise intérieure que vous sentez vous illuminer et vous guider, et la résolution qu'elle vous a inspirée de dire la vérité, montrent très clairement que l'être psychique est éveillé en vous.
Le défaut de caractère dont vous parlez est fréquent et presque universel dans la nature humaine. L'impulsion à dire quelque chose de faux, ou du moins à exagérer, minimiser ou déformer la vérité pour flatter sa propre vanité, ses préférences ou ses désirs, pour en tirer quelque avantage ou s'assurer de l'objet d'un désir est très générale. Mais on doit apprendre à ne dire que la vérité si l'on veut vraiment réussir à transformer la nature.
Le premier pas, si l'on veut transformer la nature, est de devenir conscient de ce qui doit être transformé. Mais on doit observer tout cela sans se décourager, sans penser : "C'est sans espoir", ou "Je ne peux pas changer". Vous avez raison d'avoir confiance que le changement se fera. Car dans
la nature, rien n'est impossible si l'être psychique est éveillé et vous guide avec, à l'arrière-plan, la conscience de la Mère et sa force à l'œuvre en vous. C'est ce qui se passe en ce moment. Ayez la certitude que tout sera fait.
Inutile ou non, le mensonge doit être évité.
Si vous demandez à X de vous montrer l'original40, vous verrez que la Mère, en écrivant cette phrase, s'est placée du point de vue le plus élevé. Si vous voulez être un instrument de la Vérité, vous devez toujours dire la vérité et non mentir. Mais cela ne signifie pas que vous devez tout dire à tout le monde. Il est admissible de dissimuler la vérité par le silence ou par le refus de parler, lorsque la vérité risque d'être mal comprise ou mal utilisée par ceux qui ne sont pas prêts à la recevoir ou qui s'y opposent ; elle risque même d'être à l'origine d'une déformation ou d'un pur mensonge. Mais mentir, c'est une autre affaire. Même par plaisanterie on doit éviter le mensonge, car il tend à abaisser la conscience. Quant à votre dernière remarque, elle exprime aussi le point de vue le plus élevé : la vérité telle qu'on la connaît dans le mental ne suffit pas, car l'idée du mental peut être erronée ou incomplète ; il est nécessaire d'avoir la vraie connaissance dans la vraie conscience.
Pourquoi serait-ce un mensonge ? On n'est pas obligé de tout dire à tout le monde : cela risquerait souvent de faire plus de
40. "Si nous permettons à un mensonge, si petit soit-il, de s'exprimer par notre bouche ou notre plume, comment pouvons-nous espérer devenir les parfaits messagers de la Vérité ? Le parfait serviteur de la Vérité doit s'abstenir même de la plus petite inexactitude, exagération ou déformation." (La Mère, Quelques Paroles, Quelques Prières, 1939, p. 50)
mal que de bien. On ne doit dire que ce qui est nécessaire. Évidemment, ce que l'on dit doit être vrai et non faux, et il ne doit jamais y avoir aucune intention de tromper.
La formule "comme on veut" ne mène jamais à la vérité, elle revient à mettre le vital et ses désirs au sommet de l'échelle des valeurs ou à suivre les préférences du mental, ce qui, même dans le cas d'une discipline mentale, est considéré comme contraire au principe même de la recherche de la Vérité.
En premier lieu, il y a une grande différence entre énoncer comme une vérité ce que l'on croit ou sait être faux, et énoncer comme une vérité ce que l'on croit, en toute conscience, être vrai, mais qui en fait ne l'est pas. Dans le premier cas, on va de toute évidence à rencontre de l'esprit de vérité ; dans le second on lui rend hommage. Le premier énoncé est un mensonge délibéré, le second n'est, au pire, qu'une erreur ou une ignorance.
Cela, c'est le point de vue pratique de renonciation de la vérité. Du point de vue de la Vérité supérieure, on ne doit pas oublier que chaque plan a sa propre norme : ce qui est vérité pour le mental peut n'être que vérité partielle pour une conscience plus élevée, mais c'est par la vérité partielle que le mental doit passer pour atteindre, au-delà d'elle, la vérité plus parfaite et plus vaste. Il suffit pour cela que le mental soit ouvert et plastique, qu'il soit prêt à reconnaître la vérité supérieure quand elle vient, à ne pas s'accrocher à la vérité inférieure parce que c'est la sienne, à ne pas laisser les désirs et les passions du vital le rendre aveugle à la Lumière, déformer les choses et les pervertir. Dès que la conscience supérieure commence à agir, la difficulté s'atténue et l'on progresse clairement de vérité en vérité supérieure.
Il n'est pas exact que si quelqu'un dit la vérité (c'est-à-dire ne ment pas), tout ce qu'il dit doit arriver. Pour que ce soit possible, il doit connaître la Vérité, être en contact avec la vérité des choses, et pas seulement dire la vérité telle que son mental la connaît.
Il y a deux sortes de timidité : la première est égoïste et consiste à avoir honte d'exprimer la Vérité ou de montrer qu'on y est fidèle d'une manière qui serait incompréhensible pour les autres, la seconde est une certaine réserve, une répugnance à exposer ses sentiments profonds au regard des autres, un désir de préserver le caractère sacré et secret de ses relations d'amour avec le Divin ; c'est un sentiment psychique.
Je ne crois pas que le fait que X soit tombée malade ait un rapport quelconque avec sa transe ; jamais à ma connaissance, l'habitude d'entrer dans ce genre de transe n'a de telles conséquences ; seule l'interruption brutale d'une transe peut avoir un effet néfaste, sans toutefois forcément aboutir à une catastrophe. Mais si l'être conscient sort du corps dans une transe absolument complète, il est possible que le fil qui le relie au corps se brise ou soit rompu par une force adverse ; dans ce cas, il ne pourrait plus réintégrer le corps. Sans parler d'une éventualité aussi désastreuse, un choc pourrait se produire et entraîner un désordre temporaire ou même une sorte de lésion ; en règle générale, cependant, la seule conséquence serait un état de choc. Quant à généraliser, c'est une autre affaire. Selon une sorte de croyance traditionnelle très répandue, la pratique du yoga serait défavorable à la santé du corps, tendrait à avoir un effet néfaste d'un genre ou d'un autre et finirait même par entraîner un
abandon prématuré ou rapide du corps. Il semble que Râmakrishna ait partagé ce point de vue, si nous pouvons en juger d'après ses remarques concernant le lien entre le progrès dans la spiritualité accompli par Keshav Sen et la maladie qui le minait, l'une étant, selon Râmakrishna, l'effet désirable de l'autre, une libération qui le délivrait de la vie en ce monde : la moukti. Peut-être est-ce vrai, peut-être pas ; mais j'ai peine à croire que la maladie et la détérioration du corps soient l'effet naturel et général de la pratique du yoga, ou que cette pratique entraîne inévitablement la perte de la santé ou une maladie qui se termine par l'abandon du corps. Sur quelles bases devons nous supposer, comment peut-il être prouvé que si les non-yogis tombent malades et meurent en raison des désordres de la Nature, les yogis meurent de leur yoga? À moins de pouvoir établir une corrélation directe entre leur mort et leur pratique du yoga - et la preuve ne pourrait être apportée de façon indubitable que dans certains cas particuliers, et même alors la certitude ne serait pas absolue - il n'y a aucune raison de croire à une telle différence. Il est plus rationnel de conclure que la maladie et la mort, chez les yogis comme chez les non-yogis, ont des causes naturelles et sont soumises au même décret de la Nature; puisque la Shakti du yoga est à leur disposition s'ils choisissent d'en faire usage, on pourrait même soutenir que le yogi tombe malade et meurt non à cause de son yoga, mais en dépit de son yoga. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas que Râmakrishna (ou n'importe quel autre yogi) soit tombé malade à cause de ses transes ; rien ne prouve qu'il ait jamais souffert ainsi après une transe. Je crois qu'il a été dit quelque part - ou qu'il a dit lui-même - que le cancer de la gorge dont il est mort était dû au fait qu'il avalait les péchés de ses disciples et de ceux qui venaient à lui : là aussi, peut-être est-ce vrai, peut-être non; mais il s'agit là d'un cas bien particulier. Il est, sans aucun doute, possible de prendre sur soi les maladies des autres et même de le faire volontairement : le cas du roi grec Antigonos et de son fils Demetrios
n'est un exemple historique célèbre ; les yogis aussi le font quelquefois ; ou ce sont des forces adverses qui projettent des maladies sur le yogi, en utilisant ceux qui l'entourent comme une porte ou un passage, ou en se servant des pensées mal intentionnées de certaines personnes comme d'une force déterminante. Mais toutes ces circonstances sont particulières et bien qu'elles soient en effet reliées au fait que Râmakrishna pratiquait le yoga, elles ne permettent pas d'ériger l'hypothèse générale en une règle absolue. Une tendance comme celle de X à désirer la mort, à lui faire bon accueil ou à l'accepter comme une délivrance pourrait, à cause de sa conscience spirituelle avancée, être douée d'une force qu'elle n'aurait pas chez des individus ordinaires. Mais on peut se servir de la conscience yoguique pour obtenir un résultat opposé : on peut expulser la maladie de son propre corps ou la guérir, on peut même guérir ou chasser des maladies chroniques ou enracinées et des anomalies de constitution constatées de longue date, et même retarder longtemps une mort prédestinée. Du temps où mon nom n'était pas encore connu en politique, un astrologue de Calcutta, Narayan Jyotishi, avant de savoir qui j'étais, avait prédit ma lutte contre des ennemis mlechchha et ensuite les trois procès intentés contre moi et mes trois acquittements ; il avait aussi prédit que bien que ma mort soit fixée par avance dans mon horoscope à l'âge de soixante-trois ans, je prolongerais ma vie par le pouvoir yoguique pendant une très longue période et parviendrais à un âge avancé. En fait je me suis débarrassé, par la pression du yoga, d'un certain nombre de maladies chroniques qui s'étaient établies dans mon corps. Mais aucun de ces exemples, qu'ils confirment ou infirment la théorie, ne peut être érigé en règle ; la tendance qu'a la raison humaine de faire un absolu de ce qu'ils ont de relatif ne se justifie nullement. Je puis dire en conclusion des transes de X qu'elles sont du genre savikalpa ordinaire qui ouvre à toutes sortes d'expériences, mais les grandes réalisations permanentes du yoga ne viennent généralement pas en transe, mais par une sâdhanâ
persévérante dans l'état de veille. On peut en dire autant de l'élimination des attachements : on peut en éliminer certains par une expérience en état de transe, mais on doit plus souvent le faire par un effort persévérant de sâdhanâ dans l'état de veille.
Avant tout, cessez d'entretenir cette idée que votre corps est inapte : toutes les suggestions de ce genre sont des attaques subtiles dirigées contre votre volonté d'atteindre la siddhi, et elles sont particulièrement dangereuses lorsqu'elles s'appliquent au domaine physique. Cette idée a surgi chez plusieurs personnes qui font le yoga et la première chose à faire est de l'expulser avec armes et bagages. Elle peut être étayée par les faits et les apparences, mais justement pour devenir un yogi - ou d'ailleurs pour accomplir quoi que ce soit de grand ou d'inhabituel - la première condition est d'être supérieur aux faits et de refuser de croire aux apparences. Ayez la volonté de vous libérer de la maladie, si formidables, si multiformes ou si constantes que soient ses attaques, et repoussez toutes les suggestions contraires.
Il est évident que toutes les maladies ont pour origine l'imperfection du corps et de la nature physique. Le corps ne peut être immunisé que s'il est ouvert à la conscience supérieure, pour que celle-ci puisse descendre en lui. En attendant, ce qu'écrit X est le remède ; la force, s'il peut aussi l'appeler pour qu'elle pénètre en lui et expulse la maladie, est l'aide la plus puissante qui soit.
Le corps humain a toujours eu l'habitude d'accueillir toutes les forces qui choisissent de s'emparer de lui, et la maladie
est le prix qu'il paie pour son inertie et son ignorance. Il doit apprendre à ne réagir qu'à la seule Force unique, mais il ne lui est pas facile d'apprendre à le faire.
Les attaques de maladies sont des attaques de la nature inférieure ou des forces adverses qui profitent d'une faiblesse, d'une ouverture ou d'une réponse dans la nature ; comme tout le reste, elles viennent du dehors et doivent être rejetées. Si on peut les sentir quand elles s'approchent et si on a la force et l'habitude de les rejeter avant qu'elles puissent entrer dans le corps, on peut rester exempt de toute maladie. Même si l'attaque semble venir du dedans, cela veut dire seulement qu'elle n'a pas été perçue avant son entrée dans le subconscient ; une fois qu'elle est dans le subconscient, la force qui l'a amenée la pousse tôt ou tard, et elle envahit l'organisme. Si vous la sentez juste après son entrée, c'est parce que, bien qu'elle soit venue directement et non à travers le subconscient, vous n'avez pas pu la détecter pendant qu'elle était encore dehors. Très souvent elle vient ainsi, de face (ou plus souvent de côté, tangentiellement) et force son passage à travers l'enveloppe vitale subtile qui est notre principale armure de défense ; mais on peut l'arrêter dans l'enveloppe même, avant qu'elle ne pénètre le corps matériel. Alors on peut éprouver quelque effet, par exemple un état fiévreux ou une tendance au rhume, mais il n'y a pas un envahissement complet de la maladie. Si on peut l'arrêter plus tôt, ou si l'enveloppe vitale résiste d'elle-même et reste forte, vigoureuse et intacte, alors il n'y a pas de maladie ; l'attaque ne produit pas d'effet physique et ne laisse aucune trace.41
41. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
Toutes les maladies passent par l'enveloppe nerveuse (ou vitale-physique) du corps subtil avant d'entrer dans le physique. Si l'on est conscient du corps subtil ou si on a la conscience subtile, on peut arrêter une maladie en cours de route et l'empêcher d'entrer dans le corps physique. Mais elle peut venir inaperçue, ou pendant le sommeil, ou à travers le subconscient, ou par une brusque poussée quand on n'est pas sur ses gardes ; dans ce cas, il n'y a rien d'autre à faire qu'à lutter pour la déloger du terrain déjà gagné dans le corps. L'auto-défense par ces moyens intérieurs peut devenir si puissante que le corps acquiert pratiquement l'immunité, comme l'ont beaucoup de yogis. Cependant, ce "pratiquement" ne veut pas dire absolument. L'immunité absolue ne peut venir qu'avec la transformation supramentale. Car au-dessous du supramental, l'immunité est le résultat de l'action d'une Force parmi beaucoup d'autres forces, et elle peut être dérangée par une rupture de l'équilibre établi ; dans le supramental, l'immunité est une loi de la nature : dans un corps supramentalisé, l'immunité contre la maladie sera automatique, inhérente à sa nouvelle nature.
Il y a une différence entre la Force yoguique sur les plans inférieurs (mental et autres) et la Nature supramentale. Ce qui, dans la conscience mentale et corporelle, doit être acquis et gardé par la Force du yoga, est inhérent au supramental et y existe, non par acquisition mais par nature, absolument et indépendamment.42
C'est ainsi que les maladies essaient de se propager d'une personne à une autre ; elles attaquent l'être nerveux par une suggestion comme celle-ci, ou d'une autre manière, pour essayer d'y pénétrer. C'est souvent le cas, même si la maladie n'est pas contagieuse, mais cela se produit plus
42. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
facilement lorsqu'elle l'est. La suggestion ou le contact doit être rejeté aussitôt.
Il y a, autour du corps, une sorte de protection que nous appelons l'enveloppe nerveuse ; si elle conserve sa résistance et refuse de laisser entrer la force de maladie, on peut rester en bonne santé même au milieu d'une épidémie, peste ou autre ; si l'enveloppe est percée ou faible, la maladie peut pénétrer.
L'attaque que vous avez sentie n'était pas en réalité dirigée contre le corps physique, mais contre cette enveloppe nerveuse et contre le corps nerveux (prânakosha) dont elle est une extension ou un revêtement.
Les forces subtiles de maladie commencent par affaiblir l'enveloppe nerveuse - l'aura - ou la transpercer. Si elle résiste et reste intacte, mille millions de microbes ne pourront rien contre vous. L'enveloppe une fois percée, elles attaquent le mental subconscient dans le corps, parfois aussi le mental vital ou le mental proprement dit ; elles préparent la maladie par la peur ou la pensée de la maladie. Les médecins eux-mêmes disent qu'en Extrême-Orient, quatre-vingt dix pour cent des gens atteints de grippe ou de choléra tombent malades sous l'effet de la peur. Rien ne sape la résistance autant que la peur. Mais c'est pourtant le subconscient qui joue le rôle essentiel.
Si la Force qui s'oppose à la maladie est vigoureuse dans le corps, on peut se promener au milieu d'une épidémie de peste ou de choléra sans être jamais contaminé.
Les souffrances physiques sont dues aux attaques des forces de l'Ignorance. Mais si l'on sait s'y prendre, on peut en faire un moyen de purification. Il y a cependant d'autres moyens de purification plus efficaces et moins pénibles.
Votre théorie de la maladie est une croyance plutôt périlleuse, car la maladie est une chose à éliminer, non à accepter ni à goûter. Il y a quelque chose dans l'être qui jouit de la maladie ; il est même possible de transformer les douleurs de la maladie, comme toute autre douleur, en une forme de plaisir ; car la douleur et le plaisir sont l'un et l'autre des dégradations d'un Ânanda originel et peuvent se réduire l'un à l'autre, ou se sublimer en leur principe originel d'Ânanda. Il est vrai aussi que l'on doit être capable de supporter la maladie avec calme, équanimité, endurance, et même, puisqu'elle est venue, de reconnaître que cela fait partie des expériences à traverser. Mais l'accepter et en jouir, c'est l'aider à durer, et il ne le faut pas ; car la maladie est une déformation de la nature physique, de même que la luxure, la colère, la jalousie, etc., sont des déformations de la nature vitale, et l'erreur, les préjugés, l'habitude du mensonge, sont des déformations de la nature mentale. Toutes ces choses doivent être éliminées, et le refus est la première condition de leur disparition, tandis que l'acceptation a un effet totalement contraire.43
C'était le mental qui n'en voulait pas; ce vital [le vital physique], lorsqu'il est livré à lui-même, souhaite souvent la maladie : il la trouve dramatique, pense qu'elle le rend intéressant pour son entourage, aime à s'abandonner au tamas, etc., etc.
Cette faiblesse constante du corps est aussi du tamas. Si vous rejetiez l'idée de faiblesse, la vigueur reviendrait. Mais. il y a toujours dans le vital physique quelque chose qui se complaît
43. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
à devenir de plus en plus faible et de plus en plus malade, afin de sentir le tragique de son cas et de s'en plaindre.
En parlant de volonté d'être malade, je voulais dire qu'il y a dans le corps quelque chose qui accepte la maladie et réagit de telle façon que cette acceptation produit son effet ; il doit donc y avoir sans cesse, dans les parties conscientes de l'être, une volonté contraire de se débarrasser de cette acceptation très physique.
Ce que je voulais dire, c'est que la conscience corporelle, par une habitude ancienne, accepte la force de maladie et subit les phénomènes qui l'accompagnent (par exemple, congestion des poumons par les mucosités, sensation d'étouffement, difficulté à respirer, etc.). Pour s'en débarrasser, on doit éveiller dans le corps lui-même une volonté et une conscience qui refusent de laisser ces symptômes s'imposer à lui. Mais il est difficile d'y parvenir et plus encore d'y parvenir complètement. On peut commencer par établir une séparation entre la conscience intérieure et le corps, par sentir que l'on n'est pas soi-même malade, mais que quelque chose se passe dans le corps qui affecte la conscience. Il devient alors possible d'observer séparément cette conscience corporelle, ce qu'elle sent, comment elle réagit aux symptômes, comment elle fonctionne. On peut ensuite agir sur elle pour transformer la conscience et les réactions du corps.
A mesure que la conscience corporelle s'ouvrira davantage à la Force (c'est toujours elle qui s'ouvre en dernier et qu'il est
le plus difficile d'ouvrir complètement), ces accès fréquents de la maladie iront en diminuant et finiront par disparaître.
Tout malaise physique vient d'une inertie, d'une faiblesse, d'une résistance ou d'un mouvement à l'endroit qu'il affecte, mais tantôt il est plutôt physique que psychologique et tantôt c'est l'inverse. Les médicaments peuvent contrecarrer les effets physiques.
La maladie est le signe d'une imperfection ou d'une faiblesse, ou bien d'une ouverture à des contacts adverses dans la nature physique, et souvent aussi elle est liée à quelque obscurité ou quelque manque d'harmonie dans le vital inférieur, le mental physique ou ailleurs.
C'est très bien si l'on peut se débarrasser de la maladie uniquement par la foi et le pouvoir du yoga, ou par l'influx de la Force divine. Mais très souvent, ce n'est pas tout à fait possible parce que la nature n'est pas entièrement ouverte ou capable de répondre à la Force. Le mental peut avoir la foi et répondre, mais il se peut que le vital inférieur et le corps ne suivent pas ; ou bien, même si le mental et le vital sont prêts, il se peut que le corps ne réponde pas ou réponde seulement partiellement parce qu'il a l'habitude d'obéir aux forces qui produisent un certain genre de maladie, et l'habitude est une puissance très obstinée dans la partie matérielle de la nature. Dans ce cas, on peut avoir recours à des moyens physiques, non comme moyen principal mais comme une aide et un support matériel pour l'action de la Force. Pas de remèdes forts ni violents mais ceux qui font du bien sans déranger le corps.44
44. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
Oui, si l'on a la foi et l'ouverture, les médicaments ne sont pas indispensables.
Le conseil de la Mère à X était plutôt une directive concernant son séjour à l'Ashram qu'une règle absolue pour l'avenir. Si un sâdhak peut faire descendre la Force pour qu'elle le guérisse sans qu'un traitement médical soit nécessaire, c'est toujours préférable, mais ce n'est pas toujours possible tant que la conscience tout entière, mentale, vitale, physique, jusqu'au subconscient le plus profond, n'est pas ouverte et éveillée. Il n'y a aucun mal à ce qu'un médecin qui est en même temps un sâdhak exerce son métier et utilise ses connaissances médicales ; mais il doit le faire en se reposant sur la Grâce divine et la Volonté divine ; s'il peut recevoir la véritable inspiration pour étayer son savoir, tant mieux. Aucun médecin ne peut guérir tous les malades. Vous devez faire de votre mieux pour obtenir les meilleurs résultats possibles.
Certainement, on peut agir du dedans sur une maladie et la guérir. Seulement ce n'est pas toujours facile car la Matière oppose une grande résistance : la résistance de l'inertie. Une persistance infatigable est nécessaire ; au début, on peut échouer complètement, ou les symptômes peuvent s'aggraver, mais graduellement la maîtrise du corps ou d'une maladie particulière devient plus forte.
Aussi, il est relativement facile de guérir une attaque fortuite de maladie par des moyens intérieurs ; mais immuniser le corps contre toute attaque future est plus difficile. Une maladie chronique est plus difficile à manier, plus récalcitrante à disparaître qu'un désordre accidentel du corps. Tant que la maîtrise du corps est imparfaite, toutes ces imperfections et ces difficultés, et bien d'autres, entravent l'usage de la force intérieure.
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Si par l'action intérieure vous réussissez à empêcher une aggravation, c'est déjà quelque chose ; vous devez alors, par abhyâsa, fortifier ce pouvoir jusqu'à ce qu'il devienne capable de guérir. Notez que tant que le pouvoir n'est pas entièrement là, il n'est pas nécessaire de rejeter complètement l'aide des moyens physiques.45
Vous devez vous séparer de la maladie et faire appel à la Force de la Mère pour qu'elle la guérisse, ou bien utiliser la force de votre volonté en ayant foi en son pouvoir de guérison, avec le soutien de la Force de la Mère derrière vous. Si vous ne pouvez utiliser ni l'une ni l'autre de ces méthodes, vous devez vous en remettre à l'action des médicaments.
Quand la maladie devient aiguë et chronique dans le corps, il est souvent nécessaire de recourir à un traitement physique qui est alors utilisé pour soutenir la Force. Le Dr X, lorsqu'il soigne un malade, ne se fie pas seulement aux médicaments, mais les utilise comme des instruments au service de la Force de la Mère.
Les médecines sont un pis-aller dont on doit se servir quand quelque chose dans la conscience ne répond pas ou ne répond que superficiellement à la Force. Très souvent, c'est une partie de la conscience matérielle qui n'est pas réceptive ; d'autres fois, c'est le subconscient qui barre le chemin, même quand tout le mental, le vital et le physique éveillés acceptent l'influence libératrice. Si le subconscient aussi répond, alors même un léger contact de la Force peut non
45. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
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seulement guérir une maladie particulière, mais aussi rendre cette forme ou ce genre de maladie pratiquement impossible à l'avenir.46
Pas nécessairement, mais si une forte résistance se tient derrière la maladie, ou si quelque chose se cache derrière elle, cela peut sortir sous sa pression. Cette règle n'est cependant pas invariable. Souvent l'effet de la Force est immédiat et sans réaction, ou il y a une oscillation, mais pas d'aggravation, pas d'augmentation.
Les suggestions qui créent la maladie ou la mauvaise santé dans l'être physique sont en général transmises par le subconscient, car la plus grande partie de l'être physique - sa partie la plus matérielle - est subconsciente, c'est-à-dire que cet être physique a une conscience obscure qui lui est propre, mais elle est si obscure et si repliée sur elle-même que le mental ignore ses mouvements et ce qui se passe en elle. Mais c'est tout de même une conscience et elle peut, tout comme le mental et le vital, recevoir des suggestions émanant des Forces de l'extérieur. Si ce n'était pas le cas, il serait impossible de l'ouvrir à la Force et la Force ne pourrait pas non plus la guérir ; car sans cette conscience en lui, l'être physique serait incapable de réagir. Beaucoup de gens en Europe et en Amérique reconnaissent ce fait et soignent leurs maladies en faisant au corps des suggestions mentales conscientes qui contrecarrent les suggestions obscures et secrètes de maladie dans le subconscient. En France, un médecin célèbre a guéri des milliers de malades en les faisant placer sur le corps, avec persévérance, des contre-suggestions de ce genre. Cela prouve que les causes de la
46. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
maladie ne sont pas purement matérielles, mais que celle-ci est due à une désorganisation de cette conscience corporelle secrète.
Supporter le chagrin tranquillement et en silence aide en effet à se libérer de cette réaction, si l'on tranquillise le vital ; mais il faut en même temps offrir le chagrin à la Mère. Il ne suffit pas que la Mère sache par le contact intérieur ; il faut aussi placer le chagrin devant elle et le lui abandonner pour que la réaction disparaisse.
La morphine insensibilise localement ou autrement la conscience et l'empêche de réagir à la pression du subconscient ; elle interrompt ainsi la douleur ou l'endort. Et même cela, elle ne le fait pas toujours ; X a reçu des piqûres de morphine cinq fois de suite sans que cela soulage ses douleurs du foie. Qu'est devenu, dans son cas, le pouvoir du médicament sur son subconscient? La résistance était trop forte, comme la résistance du subconscient de Y à la Force.
L'action des médicaments est très analogue au système de suggestion par lequel Coué a guéri la plupart de ses malades, mais le moyen est physique au lieu d'être mental. La conscience corporelle réagit à la suggestion du médicament et l'on est temporairement guéri, ou elle ne réagit pas et il n'y a pas de guérison. Comment se fait-il que le même médicament, employé contre la même maladie, réussisse sur un malade et non sur un autre, ou réussisse sur un certain malade à un certain moment et ensuite échoue complètement? Pour guérir parfaitement d'une maladie au point qu'elle ne puisse plus revenir, il faut que le mental, le vital et la conscience corporelle soient débarrassés de la réaction psychologique à la Force qui apporte la maladie. Parfois cela se fait par une sorte d'ordre d'en haut (quand la conscience est prête, mais cela ne peut pas toujours se faire de cette façon). L'immunité complète à l'égard de toutes les maladies, à laquelle notre yoga s'efforce de parvenir, ne pourra
venir que d'en haut, par une illumination totale et permanente de l'être inférieur, dont l'effet sera d'extirper les racines psychologiques de la mauvaise santé ; cela ne peut pas se faire autrement.
Pourquoi les gens font-il de tels pronostics ? On ne devrait jamais émettre des idées de ce genre, pas même mentalement ; elles peuvent agir comme des suggestions et faire plus de mal que les médicaments ne peuvent faire de bien.
Il ne faut pas faire de pronostics de ce genre à la légère, que ce soit en pensée ou en paroles, surtout lorsqu'il s'agit de la Mère ; dans d'autres cas, même s'il y a une possibilité ou une probabilité, celles-ci ne doivent pas être portées à la connaissance de la personne concernée, à moins qu'il ne soit nécessaire de l'en informer. La raison en est le rôle important joué par l'état de conscience et la suggestion dans la maladie.
L'impression d'être malade n'est d'abord qu'une suggestion : elle devient une réalité parce que votre conscience physique l'accepte. C'est comme une suggestion fausse dans le mental : si le mental l'accepte, il se voile, s'embrouille et doit lutter pour retrouver l'harmonie et la clarté. De même pour la conscience corporelle et la maladie. Vous ne devez pas accepter la suggestion, mais la rejeter avec votre mental physique et aider ainsi la conscience corporelle à la rejeter. Au besoin, faites une suggestion contraire : "Non, je me porterai bien, tout va bien et tout ira bien." Et dans tous les cas, faites appel à la Force de la Mère pour rejeter la suggestion et la maladie qu'elle apporte.
Par suggestion je n'entends pas simplement des pensées ou des mots. Quand l'hypnotiseur dit : "Dormez", c'est une suggestion ; mais s'il ne dit rien et ne fait qu'imposer sa volonté silencieuse pour vous endormir ou agite ses mains devant votre visage, c'est aussi une suggestion.
Quand une force ou une vibration de maladie se projette sur vous, elle apporte au corps cette suggestion. Une onde contenant une certaine vibration entre dans le corps qui se rappelle : "Ah, c'est un rhume", ou sent les vibrations d'un rhume et se met à tousser, à éternuer ou à sentir des frissons ; la suggestion vient au mental sous la forme : "Je suis faible, je ne me sens pas bien, je suis en train de m'enrhumer."
Hostile, ici, signifie hostile au yoga. Une maladie qui survient de la manière ordinaire, sous l'effet de causes physiques - même si les forces adverses universelles en sont la cause première - est une maladie ordinaire. Une maladie apportée par les forces hostiles au yoga pour déséquilibrer l'organisme et empêcher ou troubler le progrès - sans aucune raison physique suffisante - est une attaque hostile. Elle peut revêtir l'apparence d'un rhume ou de n'importe quelle autre maladie, mais pour le regard qui voit l'action des forces et pas seulement les symptômes ou les résultats extérieurs, la différence est claire.
C'est la partie subconsciente de la conscience corporelle qui reçoit la suggestion de faiblesse; le plus souvent, par conséquent, le mental n'en est pas conscient. Si le corps lui-même était vraiment conscient, les suggestions pourraient être détectées à temps et rejetées avant de produire leurs effets. Le rejet par la conscience centrale serait soutenu en outre par un rejet conscient dans le corps et agirait plus rapidement.
Une suggestion n'est pas une pensée ou un sentiment qui vous est propre, c'est une pensée ou un sentiment qui vient du dehors, des autres, de l'atmosphère générale ou de la Nature extérieure ; si on l'accepte, elle s'incruste et agit sur l'être, et on la prend pour sa propre pensée ou son propre sentiment. Si on la reconnaît pour ce qu'elle est, il est plus facile de s'en débarrasser. Ce sentiment de doute, ce manque de confiance en soi, cette impression que tout est perdu se promène dans l'atmosphère, essaie d'entrer dans les sâdhak et de se faire admettre ; je veux que vous le rejetiez, car sa présence non seulement vous dérange et vous fait souffrir, mais vous empêche aussi de recouvrer la santé et de revenir à l'activité intérieure de la sâdhanâ.
Quant au traitement médical, c'est parfois une nécessité. Si l'on peut se guérir par la Force, comme vous l'avez souvent fait, c'est ce qu'il y a de mieux ; mais si, pour une raison quelconque, le corps n'est pas capable de répondre à la Force (par exemple par doute, lassitude ou découragement, ou par une incapacité à réagir contre la maladie), il faut alors se faire aider par un traitement médical. Non que la Force cesse d'agir et laisse tout faire aux médicaments : elle continuera à agir par l'intermédiaire de la conscience, mais prendra appui sur le traitement pour agir directement sur la résistance du corps qui, dans sa conscience ordinaire, répond plus volontiers aux moyens physiques.
C'est la force hostile qui vient par vagues pour essayer de toucher quelqu'un. Quand vous vous sentez ainsi attaqué, vous devez comprendre que l'attaque vous vient du dehors et touche en vous un point faible, et vous devez rester aussi tranquille que possible, la rejeter et vous ouvrir. À en juger d'après ce que vous m'avez écrit, l'attaque a perturbé la conscience physique et physico-vitale et l'a incitée à la révolte, sans s'emparer de la totalité de la conscience. Si vous pouvez limiter ainsi son action quand elle intervient, garder
un mental et un cœur tranquilles et la rejeter, il vous sera plus facile de l'expulser. Il faut appeler la paix et la force pour qu'elles descendent dans cette partie physico-vitale (nerveuse) et dans tout le corps, jusqu'à ce que vous sentiez l'atmosphère et la force vous imprégner et demeurer en vous, dans tout le corps et pas seulement au-dessus et autour de vous. Si une difficulté subsiste, c'est que l'être nerveux garde l'habitude de réagir et qu'il y a en lui une certaine faiblesse ; mais persévérez, ne consentez pas à vous laisser envahir par les forces du passé. L'habitude se relâchera et disparaîtra, et la vraie Force emplira le corps et chassera la faiblesse.
C'est le physique vital non régénéré qui revient ainsi vers vous et ces résurgences sont certainement la cause de toutes ces impressions de maladie, de faiblesse et de tamas que vous ressentez. Il est indispensable, pour votre sâdhanâ, que cette partie de l'être soit purifiée par une descente de la conscience supérieure.
Le physico-vital non régénéré peut se retirer en deux endroits : dans le vital subconscient en bas, ou dans la conscience environnante autour de vous. Quand il revient, dans le premier cas il surgit d'en bas, dans le deuxième il s'approche de vous et vous envahit du dehors.
Il n'y a aucun mystère. Ces forces ont longtemps été violentes et obstinées en vous et vous vous y abandonniez ; par là elles ont acquis un grand pouvoir de revenir, même après que vous avez commencé à les rejeter, d'abord parce que vous y êtes habitué, ensuite parce qu'elles croient avoir
acquis un droit sur vous, et en troisième lieu parce que votre habitude de les accepter, d'y réagir passivement ou de les tolérer reste gravée dans la conscience physique. Cette conscience physique n'est pas encore libérée, elle n'a pas commencé à réagir aussi positivement que le vital à la conscience supérieure et ne peut par conséquent résister à leur invasion. Ces forces, lorsqu'elles sont rejetées, se retirent donc dans la conscience environnante, y restent cachées et profitent de la moindre occasion pour s'attaquer aux centres qui ont l'habitude de les recevoir (le centre mental extérieur et le centre émotif extérieur) et les pénètrent. C'est ce qui arrive à la plupart des sâdhak. Deux choses sont nécessaires : (1) ouvrir complètement le physique aux forces supérieures ; (2) arriver à un point où même si les forces attaquent, elles ne peuvent tout envahir, l'être intérieur demeurant calme et libre. Alors même si une difficulté subsiste en surface, ces attaques ne seront plus irrésistibles.
Toutes ces suggestions qui vous sont venues faisaient évidemment partie de l'attaque lancée contre la conscience physique ; l'attaque contre le corps fait naître ces idées, et ces idées font qu'il est plus difficile au corps de guérir. À un certain stade, les attaques s'abattent lourdement sur le corps parce que les forces contraires ont plus de mal qu'auparavant à déséquilibrer directement le mental et le vital ; elles attaquent donc le physique dans l'espoir qu'ainsi le tour sera joué, le physique étant plus vulnérable. Mais le fait que le corps soit sensible aux attaques ne prouve pas son incapacité - pas plus que la sensibilité plus subtile du mental et du vital aux attaques n'impliquait une incapacité - celle-ci peut, à la longue, être surmontée. Quant aux sentiments concernant la Mère et à l'idée qu'elle ne donne son amour qu'en échange d'un travail ou à ceux qui font bien la sâdhanâ, c'est l'idée habituelle du mental physico-vital; elle est absurde et ne vaut rien.
Il n'y a aucun mal à prendre soin de la santé du corps et quand le foie est déréglé, l'instinct qui porte à refuser les aliments trop sucrés, trop gras ou trop lourds est un instinct juste. La Mère n'a pas d'objection à ce que vous restiez à la diète tant que durera la maladie ; elle n'a pas non plus insisté pour que vous mangiez du dal. Elle s'élevait simplement contre l'attitude de beaucoup de gens qui se font des idées sur cet aliment-ci ou celui-là et s'en abstiennent, même en l'absence d'une maladie aiguë. Durant une crise de foie, la diète est souvent nécessaire. Seulement il ne faut pas qu'une idée fausse suscite une incapacité nerveuse de l'estomac ou une dyspepsie nerveuse chronique. La Mère ne voulait rien dire de plus.
J'espère que vous serez bientôt rétabli. Si le corps ne se remet pas de lui-même, tenez-moi au courant.
Il semble que la difficulté physique qui pèse sur vous comporte deux éléments. Le premier est la maladie de foie qui vous affaiblit ; elle vous affaiblira plus encore si elle vous pousse à réduire votre ration alimentaire en deçà de la quantité dont le corps a besoin pour avoir la force de réagir. Cette réduction pourrait aussi engendrer une tendance nerveuse à l'insomnie, avec toutes ses conséquences. Le deuxième élément est une inertie de la conscience physique et vitale inférieure qui l'empêche de rejeter la lassitude, de réagir contre les attaques et de s'ouvrir progressivement à la Force qui les éliminerait. Tout cela est dû à une rupture de l'équilibre que vous avez si longtemps conservé, au trouble vital qui a engendré cette rupture et à la réaction du vital inférieur devant votre insistance à rejeter les causes de ce trouble. Il semble que le vital inférieur, constatant qu'il perdait les choses auxquelles il tenait encore, ait réagi par l'agitation ; une réaction de ce genre entraîne toujours l'inertie de la conscience physique, alors que la réaction juste, dans le vital inférieur, apporte au contraire un sentiment de
paix, de libération, de tranquillité qui ouvre définitivement les parties physiques inférieures à la conscience et à la force supérieures. Si vous pouvez surmonter cette crise et retrouver l'équilibre antérieur, tout cela pourra être amené à disparaître.
Il faut certes prendre soin du corps, c'est-à-dire veiller à ce qui est nécessaire pour le maintenir en forme : repos, sommeil, nourriture convenable, exercice en quantité suffisante ; ce qui est mauvais, c'est de trop s'en préoccuper : anxiété, découragement lorsqu'on est malade, etc., car cela tend seulement à prolonger la mauvaise santé ou la faiblesse. Pour les crises de foie, etc., on peut toujours suivre un traitement si c'est nécessaire.
Mais les vrais moyens de guérison sont toujours le juste équilibre intérieur, la tranquillité intérieure et extérieure, la foi, l'ouverture de la conscience corporelle à la Mère et à sa Force ; les autres moyens ne peuvent être que des soutiens accessoires.
La cause de tous les ennuis de X est la volonté d'affirmer son ego, les idées, les revendications, les désirs, les intentions de son ego, et son agressivité à les exprimer qui le conduit à se disputer avec tout le monde. Cette manie l'ouvre à toutes sortes de forces du plan vital et à leurs attaques. C'est pour cela aussi que son foie et ses organes digestifs se sont détériorés, car l'agressivité et la colère finissent toujours par abîmer le foie et par répercussion l'estomac et les intestins. Comme son agressivité est colossale, la détérioration de son foie et de sa digestion est, elle aussi, considérable. Il doit se débarrasser de son égoïsme, de sa hargne et des mauvais sentiments qu'il nourrit à l'égard des autres s'il veut recouvrer la santé et sa sâdhanâ.
Si vous ne vous sentez plus déprimé quand le corps subit une attaque, c'est un grand progrès.
Il ressort évidemment de votre description que la douleur est d'origine nerveuse et si vous vous ouvrez sur les plans les plus physiques de l'être, l'action de la Force pourra toujours l'éliminer, ou bien vous deviendrez capable d'utiliser vous-même la Force pour la repousser» Il s'agit de donner à la conscience corporelle l'habitude de s'ouvrir.
La conscience ou l'inconscience - vous l'avez vu à l'occasion de votre étude du français - dépend de votre état. Vous n'êtes pas inconscient, mais l'être physique a tendance à entrer dans un état tamasique (un état d'inertie) ; il devient alors soit inactif, soit obscur, stupide et inconscient ; quand le tamas s'éloigne, son état s'éclaircit et ce qui était auparavant difficile devient naturel et facile. Toute la question est de faire perdre au physique cette habitude de retomber dans le tamas ou inertie, et vous pouvez le faire en l'ouvrant et en l'accoutumant à l'action de la Force. Quand l'action de la Force deviendra constante, le tamas disparaîtra.
C'est une dépression du vital (ou d'une partie du vital, pas du vital tout entier) et non quelque chose de physique, qui empêche le corps de retrouver sa souplesse. Une certaine partie du vital résistait à une transformation radicale et essayait même, à l'insu de votre mental, de se perpétuer sous couvert du changement qui s'opérait dans le reste de l'être. L'incident récent a porté un coup à cette partie du vital qui est tombée dans la dépression, et quand le vital est ainsi déprimé, le corps en subit les conséquences. Vous dites, à juste titre, que cela fait partie d'une transformation ou d'un tournant qui est en train de se produire. Mais l'inertie et la faiblesse qui en découlent ne devraient pas se prolonger ; dès que la partie vitale consentira de bon cœur à ce tournant ou à cette transformation, la souplesse et l'énergie reviendront.
Les douleurs dans le corps ont la même origine que l'agitation dans la nature vitale ; les unes comme l'autre proviennent des attaques de la même force extérieure qui veut vous égarer ou, quand elle ne peut y réussir, vous agiter et vous troubler. Lorsque vous serez capable de vous débarrasser de cette invasion vitale et de l'empêcher de revenir, il vous sera plus facile de vous débarrasser aussi des ennuis de santé d'origine nerveuse (physico-vitale) ; bien que les symptômes semblent dénoter une maladie physique, la douleur provient généralement d'une attaque sur la partie nerveuse qu'elle affaiblit temporairement.
Restez toujours calme et persistez à vous ouvrir. La Force qui vous délivre de cette agitation vitale peut éliminer aussi la perturbation dans la partie nerveuse et le corps physique.
C'est ce que font les douleurs, en premier lieu ; quand on les chasse d'un endroit, elles se réfugient ailleurs. Cela vaut mieux que si elles se fixaient quelque part.
Ces maladies ne sont contenues ni dans le vital, ni dans le corps : elles sont créées par une force venant de l'extérieur, et l'être nerveux (vital physique) et le corps les accueillent par habitude ou par incapacité à les rejeter. Il vaut toujours mieux s'abstenir de dire : "Je ne serai plus malade" ; cela attire l'attention de ces pouvoirs malveillants et ils veulent aussitôt prouver qu'ils sont encore capables de déranger le corps. Quand ils viennent, contentez-vous de les rejeter.
C'est en attaquant votre conscience physique que les anciennes forces vous font retomber dans cet état indésirable.
Vous aviez autrefois le pouvoir de vous retirer du mouvement vital et de le circonscrire, alors que le reste de votre conscience observait sans être réduit à l'impuissance ; vous devez de même apprendre à vous détacher de la douleur ou du malaise physique et à le circonscrire. Si vous y arrivez, et si vous le faites complètement, l'élimination de la douleur ou du malaise sera plus facile et plus tranquille, et vous ne serez pas ainsi accablé par cette sensation de faiblesse. Vous pouvez constater que la Force a le pouvoir de faire disparaître les douleurs ; mais vos nerfs se laissent dominer et il lui est par conséquent difficile d'avoir une efficacité constante. Ce qui avait été fait à cette époque dans le vital doit être fait aussi dans le physique. C'est la seule façon de se libérer de ces attaques.
Vous devez arriver à séparer complètement votre conscience des sensations du corps et de son acceptation de la maladie, et agir sur le corps en vous tenant dans cette conscience séparée. C'est le seul moyen de vous débarrasser de ces sensations ou du moins de les neutraliser.
Si la conscience est séparée, elle ne devrait pas souffrir de ces douleurs. Même si le corps souffre, la conscience ne doit pas sentir la douleur, ni se laisser dominer par elle.
La cause de la douleur est que la conscience physique dans l'Ignorance est trop limitée pour supporter les contacts qu'elle subit. Sinon, pour la conscience cosmique dans son état de complète connaissance et de pleine expérience, tous les contacts sont ressentis comme Ânanda.
pour supporter la chaleur et le froid extrêmes, il faut d'abord avoir la paix dans les cellules, et ensuite une force consolidée. La douleur et l'inconfort viennent d'une conscience physique qui n'est pas assez énergique pour déterminer ses propres réactions.
C'est le corps, naturellement [qui ressent la douleur physique], mais il la transmet au vital et au mental. Dans la conscience ordinaire, le vital se trouble, se désole et voit ses forces diminuer, le mental s'identifie à la douleur et en est bouleversé. Le mental doit rester impassible, le vital ne doit pas être affecté, et le corps doit apprendre à supporter la douleur dans l'égalité pour que la Force supérieure puisse agir.
Le Moi n'est jamais affecté par la souffrance, quelle qu'elle soit. Le psychique l'accepte avec calme et l'offre au Divin pour qu'il fasse le nécessaire.
C'est en se détachant de la douleur jusque dans le mental physique que l'on peut continuer à agir comme st de rien n'était, mais ce détachement du mental physique n'est pas si facile à acquérir.
Votre principale difficulté, semble-t-il, est que vous laissez trop facilement vos nerfs prendre le dessus ; c'est seulement en apportant la tranquillité et le calme dans l'être tout entier que vous serez assuré d'un progrès régulier dans la sâdhanâ. La première chose à faire, pour vous rétablir, est de
cesser de céder à vos nerfs ; plus vous y cédez, plus vous vous identifiez à ces idées et à ces sentiments et plus ils augmentent. Vous devez prendre du recul et retrouver en vous-même quelque chose qui n'est pas affecté par les douleurs et les dépressions; de là, vous pourrez vous débarrasser des douleurs et des dépressions.
Si vous écoutez ce que disent les autres et que vous agissez conformément à leurs idées, comment pourrez-vous garder l'attitude juste qui seule peut vous soutenir dans votre travail ? C'est pour la Mère que vous devez travailler, pour la trouver en vous-même par le travail, et non pour vous protéger des critiques des autres.
Je suis heureux de savoir que cette perturbation a été expulsée hier soir ; maintenant il faut veiller à ce que le corps reste réceptif, pour qu'elle ne puisse plus revenir ou soit aussitôt expulsée si elle tente de le faire. Vous devez essayer de conserver sans cesse la tranquillité, de ne pas laisser des pensées ou des sentiments dépressifs ou troublants pénétrer en vous ou s'emparer de votre mental ou de vos paroles ; lorsqu'on a acquis la tranquillité et l'élargissement intérieurs, il n'y a pas de raison de les perdre et de laisser entrer ces éléments perturbateurs. Et si le mental reste tranquille et réceptif aux seules forces supérieures, il n'a aucun mal à communiquer cette quiétude et cette réceptivité à la conscience corporelle et même aux cellules matérielles du corps.
La maladie, quelle qu'elle soit, ne doit pas avoir le pouvoir d'arrêter la sâdhanâ. La conscience yoguique et ses activités doivent demeurer, que l'on soit malade ou en bonne santé.
Cesser le travail pour cause de rhumatisme est inutile (sauf si ce rhumatisme est de nature à vous rendre inapte au travail) ; cela ne fait qu'empirer les choses.
C'est parce que vous aviez ouvert votre conscience que la douleur a disparu. Si elle est revenue pendant que vous dormiez, c'est sans doute parce que vous avez perdu le contact et que vous êtes retombé dans la conscience ordinaire. Cela arrive souvent.
Oui. Si l'on ne dort pas assez, l'organisme physique s'ouvre davantage à ces attaques [de la maladie]. S'il est maintenu en bonne forme, en général il les repousse automatiquement et on ne s'aperçoit même pas qu'il y a eu une attaque.
J'ai dit que si le corps est en forme, il repousse automatiquement toute attaque d'une maladie qui est dans l'air, sans que le mental ait même besoin de s'apercevoir qu'une attaque a eu lieu. Si l'attaque est repoussée automatiquement, à quoi bon s'en occuper?
C'est une pression hostile qui crée une habitude dans le corps, ce qui provoque des crises à heure fixe. Cette habitude tend fortement à faire durer la maladie, car la conscience corporelle s'attend à la crise, et cette attente favorise son retour.
C'est surtout cette attente dans le mental qui contribue à maintenir le rythme de l'attaque. Si vous pouviez vous en débarrasser, le rythme aussi pourrait être rompu.
Je ne crois pas que le bégaiement soit lié à une insuffisance respiratoire ; il n'a pas non plus pour cause une malformation des organes vocaux ; il est le plus souvent d'origine nerveuse (physico-nerveuse) et peut parfaitement se guérir. Je ne connais pas vraiment de méthode particulière ; on a utilisé différentes méthodes pour le vaincre, mais toutes exigeaient d'être soutenues par la volonté et de patients exercices d'élocution.
Vous devez surveiller votre vue. Il n'est pas bon de lire trop longtemps le soir. Cet homme qui soigne par la lumière solaire donne deux conseils que j'ai trouvé assez fondés. D'abord il faut cligner des yeux souvent en regardant ou en lisant et éviter de regarder fixement. Ensuite il indique un exercice très utile pour reposer les yeux, qui consiste à faire l'obscurité en croisant les doigts et en maintenant les paumes des mains sur les yeux fermés (sans appuyer).
Ce que vous décrivez arrive très souvent quand on a un rhume de cerveau, puisqu'on général la pensée mentale se transmet par les cellules du cerveau. Quand le mental est moins dépendant des cellules cérébrales, l'obscurcissement causé par le rhume n'empêche pas la vision et la pensée d'être claires et on ne retombe pas dans le mental mécanique.
I a fièvre est évidemment, le plus souvent, une lutte du corps pour éliminer les impuretés qui y ont pénétré, mais parfois le remède est aussi mauvais, sinon pire, que le mal. Il en est de même des difficultés : une maladie a souvent pour effet de rejeter certaines impuretés, mais elle peut aussi faire plus de mal que de bien.
[Après une grippe :] La première chose à faire est de conserver en tout temps une égalité parfaite et de ne laisser entrer en vous aucune pensée agitée qui vous inquiète ou vous déprime. Après une forte grippe de ce genre, il est tout naturel que vous vous sentiez faible et que votre convalescence ait des hauts et des bas. Vous devez rester calme et confiant et ne pas vous inquiéter ni vous agiter ; soyez parfaitement tranquille et prêt à vous reposer aussi longtemps que ce sera nécessaire. Vous n'avez aucune raison de vous inquiéter ; reposez-vous, la santé et la force reviendront.
La sciatique n'est pas seulement nerveuse, elle agit aussi sur les mouvements musculaires par l'intermédiaire des nerfs. Il est cependant possible de s'en débarrasser immédiatement, si l'on peut diriger la Force sur le point douloureux.
Il n'y a pas de remède extérieur. La sciatique ne cède qu'à une force intérieure concentrée, ou bien elle s'en va d'elle-même et revient d'elle-même. Les remèdes extérieurs n'apportent au mieux qu'un soulagement passager.
L inertie vient de ce que votre être extérieur a toujours été en proie à une grande force de tamas, et c'est d'elle que se
sert la résistance. De plus, la volonté du mental extérieur a toujours manqué de fermeté, ce qui fait que la Force a plus de mal à descendre que la Connaissance. Quand vous êtes entièrement ouvert, la Force peut agir sur la sciatique qui diminue ou disparaît, mais quand la conscience est bloquée par l'inertie, ces difficultés s'y opposent.
Nous avons toujours remarqué que la sciatique ne peut résister à la force appliquée tranquillement et avec persistance. D'autres maladies peuvent résister, mais pas la sciatique, car elle est entièrement tamasique. Vous n'arrivez sans doute pas encore à appliquer la force, c'est pourquoi vous avez l'impression d'une lutte et non d'une domination tranquille ; d'où l'agitation, etc.
Si vous ne pouvez pas vous débarrasser de la sciatique par des moyens intérieurs, le remède médical (non pour la guérir, mais pour espacer le plus possible les crises) est de ne pas vous fatiguer. La sciatique vient périodiquement et peut parfois durer des semaines, puis tout à coup s'en va. Si vous restez tranquille physiquement et que vous n'êtes pas trop actif, il se peut qu'elle vous épargne pendant de longues périodes. Mais évidemment, cela signifie que vous devrez mener une vie inactive, que vous serez incapable de rien faire physiquement. C'est ce que je voulais dire par éterniser la sciatique... et aussi l'inertie.
La tuberculose résulte d'une forte dépression vitale et psychique. Le sexe ne peut en être une cause directe, bien qu'il puisse y contribuer en provoquant un effondrement des forces vitales et un retrait des forces psychiques qui soutiennent l'être, et engendrer ainsi la tuberculose. Le manque de vitalité que favorise la civilisation moderne est par conséquent un facteur secondaire très puissant. L'homme
moderne n'a pas le solide système nerveux de ses ancêtres, ni leur joie de vivre naturelle (qui chez lui est devenue artificielle et morbide). En ce qui concerne les soldats, je ne sais pas ; l'horrible guerre des tranchées et les circonstances effroyables dans lesquelles elle s'est déroulée ont été, j'imagine, bien plus difficiles à supporter que les marches et les batailles au grand air de l'époque napoléonienne.
D'après tous les rapports, les décès prématurés sont beaucoup moins nombreux en Europe et la vie y est en général plus longue. Mais certaines maladies ont beaucoup augmenté malgré les progrès de l'hygiène : grippe, tuberculose et maladies vénériennes. On voit aussi apparaître de nouvelles maladies qui n'existaient guère autrefois. Il semble évident que ce soit l'œuvre des Êtres hostiles.
On peut, bien sûr, guérir du cancer par le yoga, à condition d'avoir la foi, ou l'ouverture, ou les deux. Même une suggestion mentale peut guérir le cancer, avec de la chance, bien sûr ; c'est ce qui a été démontré dans le cas de cette femme qui avait été opérée sans succès d'un cancer ; les médecins lui avaient menti et lui avaient dit que l'opération avait réussi. Résultat : les symptômes du cancer ont tous disparu et elle est morte de longues années plus tard d'une tout autre maladie.
La médecine n'est pas précisément une science. C'est un mélange de théorie, de tâtonnement expérimental et de chance.
(La médecine allopathique] est, en théorie, imposante, mais quand on passe à l'application, elle comporte trop de tâtonnements et de conjectures pour que l'on puisse la ranger parmi les sciences exactes. Bien des hommes de science (et d'autres) grognent quand ils entendent dire que la médecine est une science. L'anatomie et la physiologie sont, bien entendu, des sciences.
Les piqûres sont très à la mode ; à tout propos c'est "piquez, piquez, piquez encore". La médecine a connu trois étapes dans les temps modernes : d'abord (au début, du temps de Molière), c'était : "saignées et lavements", puis : "médicaments et régimes", et maintenant : "sérum et piqûres". Le Ciel soit loué ! non pour les maladies, mais pour les médecins. Chacune de ces formules cache cependant une vérité partielle, avec ses avantages et ses inconvénients. De même que toutes les religions et toutes les philosophies sont tournées vers le Suprême, mais chacune dans une direction différente, de même toutes les vogues médicales sont autant de chemins vers la santé, bien qu'elles ne l'atteignent pas toujours.
Vous pouvez dire ce que vous voulez sur les théories homéopathiques, j'ai vu X les appliquer point par point à des cas où il avait toute sa liberté d'action, la confiance de ses patients, et leur stricte obéissance ; j'ai vu les résultats correspondre exactement à ce qu'il disait, et ses prédictions - basées sur ces théories - se réaliser non seulement à la lettre, mais exactement dans le temps prévu, et cela non pas selon ses propres rapports, mais selon les longs rapports détaillés et précis du médecin allopathe qui l'assistait. Après cela, je refuse de croire, même si tous les allopathes se mettent à brailler en chœur, que la théorie homéopathique ou l'interprétation et l'application qu'en fait X ne sont que
sottises et absurdités. Quant aux erreurs, tous les médecins en font, et même de graves erreurs, et ils tuent autant qu'ils guérissent... Une théorie, qu'elle soit bonne ou mauvaise, en vaut une autre, selon l'application qui en est faite dans chaque cas particulier. Mais c'est quelque chose à l'arrière-plan qui décide du résultat.
J'ai jeté ces quelques commentaires sur le papier pour éteindre l'incendie allumé par votre ardeur allopathique. Mais toutes ces furieuses disputes me semblent maintenant de peu d'utilité. J'ai vu les deux systèmes [allopathie et homéopathie] à l'œuvre, et d'autres aussi, et je ne puis croire qu'aucun d'entre eux détienne à lui seul la vérité. Ceux qui sont en totale contradiction avec l'opinion orthodoxe, et sont à ses yeux les plus condamnables, ont leur vérité et leur part de réussite ; il arrive aussi que les deux systèmes - orthodoxe et hétérodoxe - mènent à l'échec. Une théorie n'est que la transcription schématique d'une série de processus que suit ou peut suivre la Nature, processus imparfaitement observés par l'homme ; une autre théorie transcrit un schéma différent, représentant d'autres processus que la Nature suit ou peut suivre également. Allopathie, homéopathie, naturopathie, ostéopathie, Kavirâjî, Hakîmî, toutes se sont emparées de la Nature et l'ont soumise à certaines méthodes ; chacune remporte des succès et subit des échecs. Que chacune fasse son travail à sa manière. Je ne vois pas pourquoi elles devraient se battre et s'accuser mutuellement. Pour moi, toutes ces méthodes ne sont que des moyens extérieurs et ce sont en réalité des forces invisibles qui œuvrent derrière elles ; le moyen extérieur marche ou ne marche pas selon qu'elles agissent ou non ; si l'on peut faire du procédé un bon moyen de canaliser la force appropriée, alors il prend tout son dynamisme, voilà tout.
Il ne suffit pas qu'un médicament soit spécifique. Certains médicaments ont ou peuvent avoir des effets secondaires que le médecin peut négliger s'il ne cherche qu'à guérir une certaine maladie, mais qui ne peuvent être ignorés dans une vue d'ensemble de l'organisme et de ses réactions. L'opinion médicale elle-même admet qu'il existe des réactions indésirables à la quinine et en Europe, les médecins lui cherchent depuis longtemps un produit de remplacement.
Le traitement des tumeurs, de la syphilis, etc. est une spécialité, mais au cours de mon expérience psycho-physique je me suis aperçu que la plupart des désordres physiques ont un lien entre eux, comme s'ils constituaient des familles, mais il y a aussi un lien entre les familles. Si l'on peut les attaquer à leur racine psycho-physique, on peut les guérir même sans connaître la situation pathologique dans son ensemble, en se servant des symptômes comme d'une indication possible. Certains médicaments inventés par des demi-mystiques ont ce pouvoir. Je me demande maintenant si l'homéopathie a une base psycho-physique. Son fondateur était-il un demi-mystique? Sinon, certaines particularités dans la manière d'agir des médicaments de X seraient pour moi incompréhensibles.
Vous retardez considérablement. Ne savez-vous pas que de nombreux médecins admettent maintenant, par écrit et en public, que les médicaments ne sont qu'un élément de guérison et que le facteur psychologique compte tout autant et même plus ? J'ai souvent entendu des médecins le dire, et je l'ai lu sous des signatures médicales de grand renom. Et parmi les facteurs psychologiques, l'un des plus importants, disent-ils, est l'optimisme du médecin et sa confiance en lui-même (sa foi, n'est-ce pas ? ce n'est qu'un autre terme pour
désigner la même chose) et la confiance, l'espoir, l'atmosphère mentale salutaire qu'il peut inspirer au patient ou à son entourage. J'ai entendu affirmer catégoriquement que le médecin qui peut inspirer cette confiance est beaucoup plus efficace que celui qui ne le peut pas, même s'il connaît mieux la médecine [...] Je ne voulais pas dire que la guérison ne pouvait pas être obtenue sans médicaments, mais si elle doit l'être avec leur aide, le bon médicament y contribuera tandis que le mauvais risque évidemment d'être dangereux.... Comment cette connaissance empêcherait-elle l'intuition de s'exercer ? Même un médecin allopathe doit souvent se fier à son intuition pour déterminer quel médicament ou quelle préparation pharmaceutique il doit administrer à son patient, et ceux dont l'intuition est la plus sûre réussissent le mieux. Dans tout cela rien ne se fait selon une règle unique, un livre ou une méthode empirique uniques, même dans la Science orthodoxe.
Quelle absurdité ! La confiance en soi est innée ; elle ne repose pas sur la connaissance et l'expérience... Qui a dit cela ? Jamais je n'ai entendu dire que Napoléon ait échoué à Waterloo par manque de confiance en lui-même. D'après tout ce que j'ai lu, il a échoué parce qu'en raison de sa récente maladie, il n'avait plus la même rapidité et la même sûreté de décision, et ses ressources mentales n'étaient plus aussi déliées qu'auparavant. Je vous prie de ne pas récrire l'histoire, à moins de pouvoir étayer votre nouvelle version par des faits.
Vous n'avez qu'à admettre que le mental et le vital peuvent influencer le corps ; alors plus aucune difficulté ne subsiste. Dans cette action du mental et du vital sur le corps, la foi et l'espoir ont une immense importance. Je ne veux nullement
dire qu'ils sont omnipotents ou d'une efficacité infaillible ; ce n'est pas le cas. Mais ils soutiennent l'action de toute force que l'on peut appliquer, même s'il s'agit en apparence d'une force purement matérielle; quand il s'agit d'objets matériels, l'action peut être purement matérielle. En revanche, quand on a affaire à la vie, ou au mental, ou aux deux, on ne peut isoler ainsi l'aspect matériel de l'action. D'autres forces entrent toujours en jeu, au moins chez celui qui reçoit la force, et, aussi et surtout, chez celui qui l'émet et la dirige.
Les miracles sont possibles, mais il n'y a pas de raison qu'ils soient tous instantanés, qu'ils viennent des Dieux ou des médecins.
Ces faits ont été démontrés et les preuves de succès de Coué sont surabondantes. Nombre de grands guérisseurs47 dans le monde entier ont aussi obtenu des succès dûment constatés. Les guérisons par la foi et la psychothérapie sont aussi des faits.
Ces auto-suggestions - il s'agit, en réalité, d'une forme mentale de la foi - agissent en même temps sur le subliminal et le subconscient. Dans le subliminal, elles déclenchent les pouvoirs de l'être intérieur, son pouvoir occulte, pour rendre efficace l'action de la pensée, de la volonté ou simplement de la force consciente sur le corps ; dans le subconscient elles réduisent au silence ou à l'immobilité les suggestions de mort ou de maladie (exprimées ou non) qui empêchent le retour de la santé. Elles aident aussi à combattre les
47. En français dans le texte.
gestions adverses dans la conscience mentale, vitale et corporelle. Lorsque tout cela est fait complètement ou presque, les effets peuvent être très remarquables.
Tant que la transformation supramentale n'est pas entièrement achevée, jusque dans le subconscient, lia nature inférieure garde toujours une emprise sur l'une om l'autre partie de l'être.
C'est dans le subconscient que réside maintenant la difficulté majeure, parce que dans le cours général de la sâdhanâ c'est là que se livre maintenant toute la bataille. Ce m'est plus dans le vital ou le physique conscient, mais dans le subconscient que s'est massée toute la résistance.
L'être intérieur n'est pas assujetti au subconscient, mais l'être extérieur y a été soumis pendant des milliers de vies ; c'est pourquoi l'être extérieur et la conscience physique ont l'habitude d'obéir au subconscient, ce qui peut (être - et constitue, pour la plupart des sâdhak - un obstacle formidable au progrès. Le subconscient entretient la répétition des anciens mouvements, empêche l'ascension d'être continue et oppose à la descente l'obstacle de l'ancienne nature ou du tamas (absence d'illumination et d'activité).. Ce n'est qu'en vivant totalement, dynamiquement dans l'être intérieur, et en sentant l'être extérieur comme quelque; chose de tout à fait superficiel, que vous pourrez vous débarrasser de l'obstruction ou la réduire au minimum en attendant que la transformation de l'être extérieur soit achevée.
La région subconsciente est sombre et ignorante ; il est donc naturel que les mouvements obscurs de la Nature y soient plus puissants. C'est le cas de toutes les parties inférieures de la nature, depuis le vital inférieur jusqu'en bas. Mais le subconscient envoie aussi des choses positives, bien que ce soit plus rare. Au cours de la sâdhanâ, il doit être illuminé et devenir le soutien de la conscience supérieure dans la nature physique, au lieu d'être la base des mouvements inférieurs instinctifs.
Le subconscient doit être pénétré par la lumière et devenir une sorte de soubassement de vérité où s'accumulent les impressions justes, les justes réactions physiques à la Vérité. À vrai dire il ne sera plus du tout subconscient ; il deviendra une sorte de banque où les vraies valeurs seront conservées, prêtes à l'emploi.
Ce travail [de la sâdhanâ dans le subconscient] est d'une nature générale et non individuelle, mais chacun ici en est forcément plus ou moins affecté. Si la conscience et la lumière ne sont pas introduits dans le subconscient, la transformation ne pourra pas se faire. Car c'est dans le subconscient que se trouvent en germe tous les vieux instincts, tous les vieux mouvements du vital inférieur, et même s'ils ont été en grande partie éliminés du vital inférieur lui-même, ils peuvent resurgir d'en bas. Le subconscient est aussi la base cachée de la conscience corporelle. Il doit accepter de recevoir en lui la conscience supérieure et la lumière de la Vérité.
C'est seulement lorsque le mental est silencieux que le subconscient peut être vide. Ce qu'il faut faire, c'est
expulser du subconscient tout le vieux fatras ignorant et anti-yogique"
Si le subconscient s'est vidé, cela pourrait signifier que vous avez dépassé la conscience ordinaire et que le subconscient lui-même est prêt à devenir un instrument de la Vérité.
[Premiers effets de la lumière pénétrant le subconscient pour le transformer :]
1. Le subconscient commence à laisser apparaître plus aisément ce qu'il contient.
2. Le mental perçoit ce qui en émerge avant que la conscience en soit atteinte ou affectée.
3. Le subconscient est. de moins en moins un refuge pour les mouvements ignorants et obscurs et devient plutôt un pouvoir de réaction automatique de la conscience matérielle à la conscience supérieure.
4. Les suggestions des forces hostiles y trouvent moins facilement un gîte ou un lieu de passage.
5. Il devient plus facile d'être conscient pendant le sommeil et d'avoir en rêve des expériences d'une forme supérieure. On devient capable de s'opposer aux rêves hostiles - par exemple, aux suggestions sexuelles - et de les interrompre pendant le rêve lui-même, en évitant ainsi toute conséquence (par exemple l'éjaculation).
6. La volonté de la conscience éveillée, imposée à l'état de rêve avant de s'endormir, devient de plus en plus efficace.
Il faut d'abord préparer les parties conscientes : auparavant il est impossible d'agir avec succès sur le subconscient, si ce
n'est sur des points de détail. On est comme le musicien qui doit d'abord apprendre correctement le principe et l'exécution de sa musique à l'aide de la perception et de la volonté (esthétiques) du mental et du vital, et entraîner ses doigts à l'exécuter ; ensuite le subconscient dans ses doigts apprendra sa tâche et exécutera de lui-même le mouvement juste, par exemple en frappant les bonnes touches sans avoir besoin de les regarder.
C'est parce que le subconscient est juste au-dessous du physique : le physique illuminé peut agir sur lui plus directement et plus complètement que le mental et le vital, et en agissant ainsi directement il peut aider le mental et le vital à se libérer aussi.
Il n'est pas exact que les choses sans forme n'ont aucun pouvoir : il suffit qu'elles contiennent une force. Le subconscient influence le corps parce que tout, dans le corps, a évolué à partir du subconscient, et tout en lui n'est encore qu'à moitié conscient ; son action peut. pour une grande part, être qualifiée de subconsciente. Le corps, par conséquent, subit bien plus aisément l'influence du subconscient que le mental conscient et la volonté consciente, ou même que le mental vital et la volonté vitale, sauf dans les domaines où l'on a établi une maîtrise consciente, mentale ou vitale, que le subconscient a acceptée. S'il n'en était pas ainsi, la maîtrise de l'homme sur ses actions et ses états physiques serait complète, la maladie n'existerait pas ou, si elle apparaissait, serait aussitôt guérie par l'action du mental. Mais il n'en est rien. C'est pourquoi il faut faire descendre la conscience supérieure, en illuminer le corps et le subconscient et les habituer à obéir à son action.
Ce que vous m'écrivez est exact. Quand la conscience physique doit être transformée, il est évidemment essentiel d'agir dans le subconscient, puisque celui-ci a une grande influence sur le physique qui lui est très largement soumis. Il se produit naturellement une perte de conscience lorsqu'on commence à agir sur le subconscient. Vous devez veiller à ce qu'elle ne devienne pas une habitude. Si vous réagissez par une volonté de transformer cette tendance (inutile de batailler), elle passera au bout de quelque temps.
Le subconscient physico-vital n'a aucun contact avec le psychique. Il est plein d'obscurité, inconscient, totalement ignorant.
Le physique matériel est en majeure partie subconscient ; sa conscience à l'état de veille est fonction des parties subtiles de l'être.
C'est bien. Le vide et le silence de la conscience préparent l'être à vivre au-dedans et non exclusivement à l'extérieur, la conscience extérieure n'étant qu'un moyen de communiquer avec le monde physique et d'agir sur lui.
De même qu'il existe un supraconscient (quelque chose de supérieur à notre conscience actuelle) au-dessus de la fête, d'où la conscience supérieure descend pour pénétrer dans le corps, de même il y a aussi un subconscient (quelque chose d'inférieur à notre conscience) sous les pieds. La matière est soumise à ce pouvoir, parce que c'est de lui qu'elle est issue ; c'est pourquoi la matière nous paraît tout à fait inconsciente. Le corps matériel est, pour la même raison, très soumis à l'influence de ce pouvoir ; c'est pourquoi
la plupart du temps, nous ne sommes pas conscients de ce qui se passe dans le corps. La conscience extérieure descend dans le subconscient pendant notre sommeil et ne perçoit par conséquent rien de ce qui se passe en nous quand nous dormons, à part quelques rêves. Nombre d'entre eux émergent du subconscient et sont faits de vieux souvenirs, d'impressions anciennes, etc., assemblés d'une manière incohérente. Car le subconscient reçoit des impressions de tout ce que nous faisons ou subissons dans la vie, les conserve et nous en envoie souvent des fragments pendant le sommeil. C'est une partie très importante de l'être, mais nous ne pouvons pas en faire grand-chose par la volonté consciente. C'est la Force supérieure à l'œuvre en nous qui, par son mouvement naturel, ouvrira le subconscient et y fera descendre sa domination et sa lumière.
Il est bon que le mental ne parle pas. En général, à ce stade, cela facilite la concentration de l'être.
Dans ce rêve, ce sont en réalité des formations ou des impressions du passé qui ont surgi de votre subconscient. Toutes nos actions, tous nos sentiments, toutes nos expériences dans la vie laissent dans le subconscient une empreinte, une sorte de souvenir essentiel qui peut surgir dans les rêves même si ces sentiments, ces mouvements ou ces expériences ont depuis longtemps cessé dans l'être conscient, et plus encore s'ils sont récents et viennent tout juste ou tout dernièrement d'être expulsés du mental ou du vital. Ainsi, on peut continuer à rêver de parents ou d'anciens amis longtemps après avoir cessé de penser à eux ; c'est de là que proviennent ces rêves. Il en est de même du sexe ou dé la colère : lorsqu'ils ne troublent plus le vital conscient, des rêves de sexe ou des rêves de colère et de conflits peuvent encore surgir. Ils ne cessent que lorsque le subconscient est tout à fait déblayé ; dans l'intervalle, ils n'ont pas beaucoup d'importance (à condition que l'on comprenne ce qu'ils sont
et que l'on n'en soit pas affecté) tant que l'on ne permet pas aux mouvements anciens de revenir ou de subsister dans l'état de veille.
L'insincérité dans le vital subconscient ne peut être dangereuse que si elle est acceptée par le mental de veille. Tant qu'elle subsiste dans le subconscient, elle conserve tout de même en germe une possibilité ; il faut donc l'expulser complètement.
Ce qui se passe actuellement est un grand soulèvement du subconscient qui contient en germe ou sous forme de résidus puissants les difficultés habituelles de la nature. Mais ce soulèvement se caractérise par une confusion et une obscurité désordonnées ou dépourvues d'une structure claire, mentale ou autre ; c'est un ensemble confus de dépression, de découragement, d'incapacité à progresser ; on se demande : "Que faisons-nous ? Pourquoi sommes-nous ici ? Comment continuer? Arriverons-nous jamais à quelque chose?" ; en même temps, d'anciennes difficultés reviennent d'une manière confuse et fortuite, mais souvent violente et pénible.
Vous ne pouvez pas "recommencer" ; ce serait trop difficile dans cette confusion. Vous devez retourner au point où vous avez dévié. Si vous pouvez retrouver la Paix qui venait, et en elle aspirer à la liberté et à l'immensité de la conscience du Pourousha qui constitue un point d'appui1 d'où l'on peut se détacher et se séparer de toute cette confusion de la Prakriti subconsciente, vous trouverez un terrain solide d'où vous pourrez repartir. Mais pour cela, votre choix doit être ferme : vous devez refuser de vous laisser bouleverser à tout moment et ne pas vous en laisser détourner.
1. En français dans le texte.
Il y a toujours beaucoup à faire dans le subconscient ; mais si vous ressentez particulièrement ce besoin [de nettoyer le subconscient], c'est sans doute parce que le moment en est venu. Si les autres parties restent ouvertes et prêtes à réagir positivement, cela ne devrait pas être trop difficile.
Tout cela émerge sans doute du subconscient ; ou le subconscient lui-même est peut-être soumis à une action dont le but est de l'amener à un état de lumière et de paix. Il entre tantôt dans un état de bonheur, tantôt dans un état neutre, et parfois suscite une tristesse sans cause. Les mouvements du subconscient apparaissent même sans la moindre raison, de leur propre chef, par une habitude inhérente à la Nature ; c'est pourquoi il vous est impossible de découvrir la cause de votre tristesse. C'est seulement parce qu'elle est dans le subconscient que vous ne pouvez pas la localiser. Quand cette tristesse apparaît, vous devez vous en dissocier et la rejeter, ne pas la considérer comme vôtre, jusqu'à ce qu'elle cesse de venir, et appeler la paix et l'Ânanda de la Mère pour qu'ils descendent et la remplacent.
C'est bien; nous vous apporterons assurément notre aide, sous la forme que vous demandez.
L'humeur qui vous est venue provient du subconscient, où les choses de l'ancienne nature s'enfoncent quand elles sont rejetées. Lorsque ces humeurs apparaissent ainsi, vous devez rester calme et appeler la Mère jusqu'à ce qu'elles s'en aillent. Au bout d'un certain temps, leur faculté de se répéter automatiquement et sans raison, qui vient du subconscient, s'usera et disparaîtra ; alors ces humeurs ne se reproduiront plus.
C'est très probablement quelque chose qui est venu du dehors et a été recouvert. Cela arrive, à ce stade, lorsque l'action se poursuit dans le physique et le subconscient, car telle est la nature de ces parties de l'être : elles vivent à l'extérieur, l'être intérieur étant caché par une sorte de voile naturel d'obscurité. Lorsqu'on parvient à déchirer ce voile, il a par conséquent tendance à se reconstituer. Quand cela se produit, on doit rester imperturbable et appeler la Force et la Lumière pour qu'elles descendent et éliminent l'obstacle. Il faut continuer jusqu'à ce que l'ouverture devienne permanente et complète, et que rien ne puisse plus se cacher.
Il en est toujours ainsi des impressions laissées dans le physique subconscient. Un jour elles semblent pâles et lointaines, dénuées de vie ; un autre jour elles paraissent acquérir une certaine force. Cela dépend de leur origine, selon qu'elles sont prises dans un courant de force venant du plan universel, ou qu'elles surgissent d'elles-mêmes, sans aucune force si ce n'est celle que leur a laissée le passé.
Puisque c'est sur la conscience physique que l'action s'exerce en ce moment, toutes les impressions du passé (qui d'habitude restent dans la subconscience pour émerger de temps en temps, et dans l'intervalle influencent à notre insu la pensée, l'action et les sentiments) se sont sans doute levées en masse et jetées sur la conscience. Cela se produit en général pour que le sâdhak puisse les voir et les rejeter, afin de s'affranchir complètement (dans les parties subconscientes comme dans les parties conscientes) de son passé physique. C'est pourquoi vous avez eu ensuite ce sentiment de libération. La gorge est le centre du mental extériorisant (du mental physique).
Cela vient très probablement du subconscient. Quand ces souvenirs apparaissent, il faut considérer qu'ils sont apparus pour être dissous et écartés, et agir sur eux en conséquence, afin que, grâce à leur dissolution définitive, on ne soit plus attaché au passé par les impressions laissées dans le subconscient (ce qui est le mécanisme du karma), mais libre d'aborder l'avenir sans entrave de l'esprit.
Si vous arrivez à savoir véritablement pourquoi c'est arrivé et à quoi cela a servi, c'est ce qu'il y a de mieux ; ainsi cela disparaît facilement.
Cette récapitulation du passé est un très bon signe : elle vient en général lorsque la conscience physique et le subconscient s'apprêtent à changer. Il ne faut pas regretter les fautes du passé, mais porter sur elles un regard serein et les comprendre, car tout ce qui est arrivé, y compris les fautes, fait partie de l'expérience par où l'être doit nécessairement passer pour apprendre sa leçon et avancer à travers l'erreur vers la Lumière, et à travers les imperfections de la Nature vers la divine perfection.
Ce que vous décrivez semble être, par nature, une irruption incontrôlée du subconscient sous la forme d'une répétition automatique des pensées, des intérêts ou des désirs du passé qui préoccupent en général le mental physique. Si ce n'était rien de plus, vous n'auriez qu'à les rejeter, vous en détacher et les laisser passer jusqu'à ce qu'ils s'apaisent. Mais d'après ce que vous écrivez, je soupçonne qu'il s'agit là d'une attaque, d'une force obscure qui se sert de ces répétitions pour envahir le mental et le corps et les harceler. Il serait utile que vous me fournissiez une description exacte des principales caractéristiques des pensées qui viennent, des objets et des idées auxquels elles se rapportent, etc. En tout cas, la seule
chose à faire est de vous ouvrir à la force de la Mère par l'aspiration, en pensant à la Mère ou par tout autre moyen, et de la laisser repousser l'attaque. Nous vous enverrons constamment la Force jusqu'à ce que ce soit fait. Il serait préférable de nous faire savoir tous les deux ou trois jours comment vous allez, car cela nous aidera à faire agir la Force avec plus de précision.
Ces envies et ces désirs sont de vieilles habitudes du physique qui lui sont venues de la Nature universelle, et qu'il a acceptées en les considérant comme une partie de lui-même et de sa vie. Quand ces choses sont rejetées par la conscience de veille, elles essaient de se réfugier dans le subconscient ou dans ce que l'on peut appeler la conscience environnante, et de là font pression sur la conscience en tentant de recouvrer leur emprise ou simplement de revenir pendant quelque temps. Si elles sont dans le subconscient, elles émergent le plus souvent dans les rêves, mais elles peuvent aussi surgir dans la conscience de veille. Si elles viennent d'alentour, elles prennent la forme de suggestions mentales, d'impulsions, ou d'une vague pression agitée ou gênante. C'est probablement cette pression environnante que vous sentez. Quand le corps est empli par la nouvelle conscience, faite à la fois de Paix et de Pouvoir, cette pression extérieure se fait sentir, mais elle cesse d'être gênante et finit par s'éloigner ; elle ne s'exerce plus directement sur le mental physique ou le corps et disparaît plus ou moins rapidement.
Par conscience environnante, j'entends quelque chose que chaque individu porte autour de lui, hors de son corps, même lorsqu'il n'en est pas conscient, par quoi il est en contact avec les autres et avec les forces universelles. C'est à travers cette conscience que passent les pensées, les sentiments, etc., des autres avant d'entrer en nous, à travers elle aussi que les vagues de la force universelle : désir, sexe, etc.,
pénètrent en nous et prennent possession du mental, du vital ou du corps.
Ces pensées qui vous attaquent pendant le sommeil ou dans l'état intermédiaire entre le sommeil (et le réveil n'appartiennent à aucune partie de votre être (conscient, mais viennent soit du subconscient, soit, par son intermédiaire, de l'atmosphère environnante. S'il s'agit de pensées que vous aviez autrefois et que vous avez rejetées; loin de vous, ce sont les impressions qu'elles ont laissées dams le subconscient qui apparaissent ; car tout ce que l'on a pensé, senti ou subi laisse des impressions comme celles-ci qui, de là, peuvent émerger pendant le sommeil. Ou les pensées vous ont peut-être quitté pour aller dans la conscience' environnante, c'est-à-dire dans une atmosphère de conscience que nous portons autour de nous et qui nous relie à la Nature universelle ; de là, elles peuvent tenter de revenir en vous. Comme il leur est difficile d'y réussir quand vous êtes éveillé, elles profitent de l'absence de contrôle due au sommeil et apparaissent quand vous êtes endormi. Si c'est quelque chose de nouveau qui ne vous appartient pas, alors le cas est .différent et il s'agit de l'attaque d'une Force extérieure.
Puisque vous avez rejeté ces pensées, il faut espérer qu'elles ne reviendront plus ; si, cependant, elles reviennent, vous devez, avant de vous endormir, exercer consciemment votre volonté pour les en empêcher. Une formation de ce genre adressée au subconscient est souvent efficace, sinon aussitôt, du moins au bout d'un certain temps ; car le subconscient apprend à obéir à la volonté qui lui a été imposée dans l'état de veille.
Ce qui se passe, cet apaisement de l'éruption des pensées et des mouvements subconscients et de leur pression sur le mental, est exactement ce qui doit être. Ils ne sont ni
refoulés, ni renvoyés dans le subconscient, mais expulsés du moi conscient dans lequel ils avaient surgi. Il est vrai que d'autres choses pourront surgir du subconscient, mais ce seront des choses qui n'ont jamais surgi auparavant. Si ce nue vous venez de rejeter n'a pas été anéanti, cela ira non pas dans le subconscient, mais dans la conscience environnante que l'on porte autour de soi ; une fois que c'est là, cela ne vous appartient plus en aucune manière et si cela essaie de revenir, ce sera comme un corps étranger que vous ne serez plus obligé d'accepter ou de laisser subsister. Tels sont les deux derniers stades du rejet par lequel on se débarrasse des anciens éléments de la nature : ils descendent dans le subconscient d'où l'on doit les chasser, ou ils sortent dans la conscience environnante où ils ne font plus partie de nous.
L'idée de laisser ce qui s'élève du subconscient se répéter jusqu'à épuisement n'est pas juste. L'état de trouble en serait inutilement prolongé, ce qui pourrait être néfaste. Quand ces choses apparaissent, il ne faut pas les garder, mais les observer, puis les expulser.
Sri Aurobindo n'a pu répondre plus tôt à votre lettre [...] ; il vous répond cependant point par point ci-dessous, car il pense que ces commentaires pourront vous être utiles à l'avenir dans votre sâdhanâ :
1. "Des scènes horribles", etc. :
C'est sans doute quelque chose qui vient du subconscient, car celui-ci contient bien des choses étranges de ce genre ; ou alors ce sont des formations projetées sur la conscience vitale inférieure qui émanent du plan correspondant de la Nature universelle où se trouvent des forces qui prennent plaisir à la saleté, à la laideur et à toutes sortes de perversions. Dans un cas comme dans l'autre, il faut réagir par un rejet ferme et détaché.
2. Il n'y a pas d'inconvénient à utiliser son lit comme âsana.
3. Problème sexuel :
Ce phénomène est fréquent lorsqu'on cesse d'avoir une activité sexuelle et qu'on la rejette du mental et du vital conscients. L'impulsion sexuelle se réfugie dans le subconscient où le mental n'exerce pas directement sa maîtrise et apparaît sous forme de rêves qui causent une éjaculation. Cela se poursuit tant que le subconscient lui-même n'a pas été nettoyé. On peut parfois l'éviter en plaçant une forte volonté ou, si possible, un courant concret de Force sur le centre sexuel avant de s'endormir pour que cela ne se produise pas. Le succès n'est pas toujours immédiat, mais si cette intervention est efficace, elle tend d'abord à réduire la fréquence du phénomène et finit par le faire cesser.
Ces facteurs (urine accumulée, nourriture épicée et échauffante, etc.) y prédisposent, ou sont, ou peuvent être des causes accessoires. Ce besoin subconscient suit souvent un certain rythme ; il apparaît à une date particulière du mois, ou selon une période fixe (semaine, quinzaine, mois, six mois).
4. Les classifications du samâdhi dans le Védanta :
Dans notre yoga, ces divisions ne sont pas très importantes.
5. Expérience du samâdhi :
Elle n'est pas indispensable à ce stade; si elle vient d'elle-même, on peut la laisser se dérouler. Mais dans notre yoga, l'expérience de veille est plus importante. Le samâdhi aide à atteindre les profondeurs intérieures de la conscience. Grâce à lui, on peut plus aisément pénétrer davantage sous l'être de surface pour avoir un contact direct avec d'autres plans d'expérience supraphysiques, pour entrer dans d'autres mondes et en revenir, pour avoir accès à des événements éloignés dans l'espace et dans le temps, pour voir ce qui est dans le supraconscient et pénétrer dans ce qui, à notre niveau mental, est supraconscient.
6. La Conscience cosmique, le psychique :
Ces sujets ne peuvent être traités d'une manière satisfaisante dans des limites aussi étroites. La conscience ordinaire
de l'homme se borne à sa propre individualité, il ne peut pénétrer dans la conscience des autres et de l'univers que par des moyens indirects ou en les appréhendant d'une manière superficielle et incomplète, par l'expérience sensorielle, par une affinité émotive, par les concepts du mental, par une analogie avec ses propres mouvements, par la déduction. À un certain stade du yoga, cette limitation éclate, la conscience s'élargit, perçoit directement le Moi cosmique et reconnaît l'unité du moi individuel avec lui ; elle perçoit le mental, la vie, la matière cosmiques et sent d'abord le contact de son mental, de sa vie, de son corps individuels avec eux, puis une unité où sa mentalité, sa vitalité, sa nature physique individuelles ne sont plus ressenties que comme une partie de l'universel, une vague de l'océan, une dynamo qui reçoit et formule les forces universelles. L'individu finit par se fondre dans la Conscience cosmique, on sent le monde entier en soi-même et soi-même diffus dans le monde : c'est la Conscience cosmique, le Mental, la Vie, l'Énergie matérielle cosmiques qui s'expriment par l'intermédiaire de la fonction individuelle. L'ego séparé n'existe plus ou n'est qu'un instrument commode pour l'Esprit universel et son action. Telle est la Conscience cosmique dans toute sa perfection, mais une pareille plénitude est rare et appartient en propre à ce que l'on pourrait appeler la réalisation surmentale ; mais une expérience partielle constante et sans cesse grandissante de cette Conscience cosmique, ou un contact de plus en plus étroit avec elle, fait normalement partie du yoga.
Le psychique, dans la terminologie de notre yoga, est l'élément d'âme dans la nature, la pure psyché, le noyau divin qui se tient derrière le mental, la vie et le corps (ce n'est pas l'ego), mais que nous ne percevons que faiblement. C'est une parcelle du Divin qui se perpétue de vie en vie, recueillant l'expérience de la vie au moyen de ses instruments extérieurs. À mesure que cette expérience grandit, elle manifeste de plus en plus une personnalité psychique qui préconise toujours le beau, le bien et le vrai, et finit par
devenir assez mûre et assez forte pour orienter la nature vers le Divin. Le psychique peut alors venir complètement au premier plan, briser l'écran mental, vital et physique, dominer les instincts et transformer la nature. La nature ne s'impose plus à l'âme, c'est le Pourousha qui impose ses édits à la nature.
Votre pratique de la psychanalyse était une erreur ; pour le moment du moins, cela a rendu le travail de purification moins facile, plus compliqué. La psychanalyse de Freud est la dernière chose que l'on devrait associer au yoga. Elle se saisit d'une certaine partie de la nature, la plus sombre, la plus périlleuse, la plus malsaine, telles les couches subconscientes du vital inférieur, isole quelques-uns de ses phénomènes les plus morbides et leur attribue une action hors de toute proportion avec leur vrai rôle dans la nature. La psychologie moderne est une science dans l'enfance, à la fois imprudente, maladroite et grossière. Comme toutes les sciences primitives, c'est un débordement du mental humain et de son habitude universelle de s'emparer d'une vérité partielle ou locale et de la généraliser indûment en voulant expliquer toute l'étendue de la Nature par ses termes étroits. En outre, l'exagération de l'importance des complexes sexuels réprimés est une dangereuse fausseté qui peut avoir une influence néfaste et contribuer à rendre le mental et le vital, non pas moins mais plus foncièrement impurs qu'auparavant.
Il est vrai que le subliminal est la partie la plus importante de la nature humaine et qu'il contient le secret des dynamismes invisibles qui expliquent nos activités de surface. Mais le subconscient vital inférieur, et c'est tout ce que la psychanalyse de Freud semble connaître (et encore n'en connaît-elle que quelques coins mal éclairés), n'est rien de plus qu'une portion restreinte et très inférieure de l'ensemble subliminal. Le moi subliminal se tient en arrière et
soutient tout l'homme superficiel ; il contient un mental plus large et plus efficace derrière le mental de surface, un vital plus vaste et plus puissant derrière le vital de surface, une conscience physique plus subtile et plus libre derrière l'existence corporelle de surface. Et au-dessus d'eux, il s'ouvre à des régions supraconscientes supérieures, de même qu'au-dessous il s'ouvre à des régions subconscientes inférieures. Si l'on veut purifier et transformer la nature, c'est au pouvoir de ces régions supérieures qu'il faut s'ouvrir et s'élever, et, par elles, changer à la fois l'être subliminal et celui de surface. Même cela doit être fait avec soin, ni prématurément ni imprudemment, en suivant une direction supérieure et en gardant toujours l'attitude vraie, sinon la force attirée peut être trop forte pour l'obscure et faible charpente de notre nature. Mais commencer par ouvrir le subconscient inférieur et risquer ainsi de soulever tout ce qui est malpropre et obscur en lui, c'est s'écarter de son chemin et inviter les ennuis. D'abord on doit rendre le mental supérieur et le vital forts, solides et pleins de la lumière et de la paix d'en haut ; après cela, on peut ouvrir le subconscient et même y plonger avec plus de sécurité et quelque chance de changement rapide et heureux.
Le système de vouloir se débarrasser des choses par anoubhava est également dangereux ; car sur cette voie, on peut facilement s'enliser davantage au lieu d'arriver à la liberté. Cette méthode repose sur deux mobiles psychologiques bien connus. L'un, le mobile d'épuisement volontaire, n'est valable que dans quelques cas, spécialement quand certaines tendances naturelles ont une emprise ou une poussée trop fortes pour que l'on puisse s'en débarrasser par vitchâra ou par le procédé du rejet en mettant le vrai mouvement à la place. Quand la poussée est excessive, le sâdhak est parfois même obligé de retourner à l'action ordinaire de la vie ordinaire et d'en avoir la vraie expérience avec une mentalité et une volonté nouvelles derrière ; puis il revient à la vie spirituelle une fois que l'obstacle est éliminé, ou en tout cas sur le point de l'être. Mais cette méthode de
laisser-aller intentionnel est toujours dangereuse, bien que parfois inévitable. Elle ne réussit que quand l'être possède une très forte volonté de réalisation ; car alors, l'assouvissement des désirs amène un grand mécontentement, une forte réaction, le vaïrâgya, et la volonté de perfectionnement peut alors passer dans la partie récalcitrante de la nature.
L'autre mobile de l'anoubhava s'applique d'une façon plus générale ; en effet, pour rejeter quoi que ce soit de l'être, il faut d'abord devenir conscient de la chose à rejeter, avoir une claire expérience intérieure de son action et découvrir sa place réelle dans le fonctionnement de la nature. Alors on peut agir sur elle pour l'éliminer si c'est un mouvement entièrement mauvais, ou la transformer si c'est seulement la dégradation d'un mouvement supérieur et vrai. C'est cela, ou quelque chose d'approchant, que l'on a essayé grossièrement et abusivement avec une connaissance rudimentaire et insuffisante, dans le système de la psychanalyse. Soulever les mouvements inférieurs jusque dans la pleine lumière de la conscience afin de les connaître et de les manipuler est un procédé inévitable ; car un changement complet ne peut pas se faire sans cela. Mais ce procédé ne peut vraiment réussir que si une lumière et une force supérieures interviennent suffisamment pour surmonter, plus ou moins vite, la force de la tendance offerte à la transformation. Bien des gens, sous prétexte d'anoubhava, non seulement soulèvent le mouvement adverse, mais le soutiennent de leur consentement au lieu de le rejeter, trouvent des justifications pour le prolonger ou le répéter et ainsi jouent avec lui, se plaisent à son retour et l'éternisent ; ensuite, quand ils veulent s'en débarrasser, il a une telle emprise sur eux qu'ils se découvrent impuissants entre ses griffes et ne peuvent être libérés que par un terrible conflit ou une intervention de la Grâce divine.
Certains le font par déformation ou perversité vitales, d'autres par simple ignorance ; mais dans le yoga, de même que dans la vie, la Nature n'accepte pas l'ignorance comme une excuse justificative. Ce danger est là chaque fois que
l'on manipule maladroitement les parties ignorantes de la nature ; mais aucune partie n'est plus ignorante, plus périlleuse, plus déraisonnable, plus obstinée dans ses répétitions nue le subconscient vital inférieur et ses mouvements. Le soulever prématurément ou sans la connaissance du procédé, pour en faire l'anoubhava, c'est risquer d'inonder aussi de ce flot sombre et sale les parties conscientes de notre être, et ainsi d'empoisonner toute la nature vitale et même toute la nature mentale. Par conséquent, on doit toujours commencer par une expérience positive, et non par une expérience négative, et faire descendre d'abord quelque premier reflet de la nature divine, de la tranquillité, de la lumière, de l'équanimité, de la pureté et de la solidité divines dans les parties de l'être conscient qui doivent être changées ; c'est seulement quand ceci a été fait suffisamment et qu'il y a une base positive solide, que l'on peut avec sécurité soulever les éléments adverses cachés dans le subconscient afin de les détruire ou de les éliminer par la puissance de la tranquillité, de la lumière, de la force et de la connaissance divines. Même ainsi, il y aura toujours assez d'éléments inférieurs qui se lèveront d'eux-mêmes pour vous procurer autant d'anoubhava qu'il vous en faut afin de vous débarrasser des obstacles; mais dans ce cas, on peut les manipuler avec beaucoup moins de danger et sous une direction interne supérieure.2
Je trouve difficile de prendre ces psychanalystes au sérieux quand ils essayent de sonder l'expérience spirituelle à la lueur clignotante de leurs lampes de poche ; et pourtant, on le devrait peut-être, car le demi-savoir est une chose puissante qui peut être un grand obstacle à l'émergence de la vraie Vérité. Cette nouvelle psychologie me fait l'effet d'enfants qui apprendraient un alphabet sommaire et pas très adéquat,
2. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
exultant quand ils additionnent l'ABC du subconscient et le mystérieux super-ego" souterrain, et qui s'imaginent que leur premier livre de débutants obscurs, leur b-a ba, est le cœur même de la vraie connaissance. Ils regardent de bas en haut et expliquent les lumières supérieures par les obscurités inférieures ; mais le fondement des choses est en haut, non en bas, oupari boudhna éshâm. C'est le Supraconscient, et non le subconscient, qui est le vrai fondement des choses. Ce n'est pas en analysant les secrets de la boue où il pousse qu'on explique le lotus ; le secret du lotus est dans l'archétype divin du lotus, qui fleurit à jamais en haut dans la Lumière. En outre, le domaine que ces psychologues se sont choisi est pauvre, obscur et limité ; il faut connaître le tout avant de pouvoir connaître la partie, et ce qui est tout en haut avant de pouvoir comprendre vraiment ce qui est tout en bas. Telle est la promesse de la psychologie future, et quand son heure sera venue, ces pauvres tâtonnements s'évanouiront, réduits à rien.3
L'incapacité à changer qui affecte en général les sâdhak en ce moment a aussi une autre cause. La sâdhanâ, d'une manière générale, est maintenant, et depuis longtemps, descendue dans l'Inconscient ; la pression, l'appel à la transformation porte sur cette partie de la nature qui dépend directement de l'Inconscient : habitudes ancrées, automatismes, répétitions mécaniques de la nature, réactions involontaires à la vie, tout ce qui semble appartenir au caractère immuable de l'homme. Il faut que cela soit fait pour qu'il y ait la moindre chance d'une transformation spirituelle totale. La Force (en général et non individuellement) est à l'œuvre pour que cette transformation devienne possible, sa pression agit à cette fin ; car aux autres niveaux, la transformation a déjà été rendue
possible (ce qui ne veut pas dire, notez-le bien, qu'elle soit assurée pour tout le monde). Mais ouvrir l'Inconscient à la lumière est une tâche herculéenne; la transformation à d'autres niveaux est beaucoup plus facile. À présent ce travail ne fait que commencer et il n'est pas surprenant que rien ne semble avoir changé dans les choses et les gens. Cela viendra à son heure, mais ce ne sera pas rapide.
Les expériences sont une bonne chose, mais l'ennui est qu'elles ne semblent pas transformer la nature, elles ne font qu'enrichir la conscience ; même la réalisation du Brahman, au niveau mental, semble laisser la nature presque telle quelle, sauf chez quelques-uns. C'est pourquoi nous répétons que la transformation psychique est la première nécessité, car elle a vraiment le pouvoir de transformer la nature ; et ses principaux instruments sont la bhakti, la consécration, etc.
On ne peut suivre le chemin ensoleillé que si le psychique est constamment ou habituellement au premier plan, ou si l'on est naturellement enclin à la foi et à la consécration ; si l'on a tendance à se tourner habituellement vers le soleil, ou si l'on a une prédisposition psychique (par exemple, si l'on a foi en sa destinée spirituelle) ; ou encore, si l'on a acquis l'attitude psychique. Non que le sâdhak du sentier ensoleillé ne rencontre aucune difficulté ; il peut en rencontrer beaucoup, mais il les contemple avec bonne humeur et comme allant de soi. S'il reçoit une bonne correction, il est capable de dire : "Bon, c'était plutôt bizarre, mais le Divin est évidemment d'humeur bizarre et si c'est là sa manière de faire, il faut croire que c'est la bonne ; je suis moi-même encore plus bizarre, et c'était sans doute le seul moyen de m'amender." Mais tout le monde ne peut pas avoir cette tournure d'esprit, et la consécration qui mettrait tout en place est, comme vous le dites, difficile à réaliser. Du moins c'est difficile de la réaliser complètement. C'est pourquoi nous n'exigeons pas dès l'abord une totale consécration ; nous nous contentons
d'un petit commencement, le reste se développera au fur et à mesure.
Je vous ai expliqué pourquoi tant de sâdhak (mais pas tous, loin de là) se trouvent ainsi dans le marasme, apathiques et découragés. C'est le tamas, l'inertie de l'Inconscient qui s'est emparée d'eux. Mais c'est aussi le petit vital physique qui ne s'intéresse qu'aux petites futilités de la vie ordinaire, quotidienne et mondaine, et à rien d'autre. Autrefois, quand la sâdhanâ se déroulait aux niveaux supérieurs (mental, vital supérieur, etc.), tous étaient pleins de vigueur, de verve et d'intérêt pour le moindre incident survenant dans le travail et la vie de l'Ashram, ainsi que pour la vie intérieure ; le vital physique était emporté par ce courant. Mais maintenant, chez beaucoup de sâdhak, tout cela est retombé ; ils vivent dans le physique vital insatisfait et trouvent tout désespérément monotone, morne, sans intérêt, sans objet. Dans leur vie intérieure, le tamas venu de l'Inconscient a créé un blocage ou un goulet d'étranglement et ils ne trouvent aucune porte de sortie. Si l'on peut se maintenir dans l'état approprié et l'attitude juste, avec un vif intérêt pour le travail ou la sâdhanâ, alors cela s'apaise. Voilà pour la maladie. Son remède consiste à se maintenir dans cet état et à apporter aussi dans cette partie de l'être, petit à petit ou rapidement si l'on en est capable, la lumière de l'aspiration supérieure, afin que quelles que soient les conditions qui vous entourent, elle puisse elle aussi garder le bon équilibre. Alors le sentier ensoleillé paraîtrait moins irréel.
L'acuité extrême de vos difficultés vient du fait qu'en descendant, le yoga s'est heurté au soubassement d'Inconscience qui est, dans l'individu et dans le monde, le fondement de toute résistance à la victoire de l'Esprit et à l'Œuvre divine qui mène à cette victoire. Les difficultés elles-mêmes sont générales, dans l'Ashram comme dans le monde extérieur.
Le doute, le découragement, la diminution ou la perte de la foi, l'affaiblissement de l'enthousiasme vital pour l'idéal, la perplexité et lia négation de l'espoir en l'avenir sont les caractères généraux de cette difficulté. Dans le monde extérieur, les symptômes sont bien pires : le cynisme se répand, on refuse de croire en quoi que ce soit, l'honnêteté diminue, la corruption est immense, on se préoccupe de nourriture, d'argent, de confort, de plaisir, à l'exclusion de choses plus élevées, et on s'attend généralement à ce que les affaires mondiales aillent de mal en pis. Quelle que soit l'acuité de ce phénomène, il est temporaire et ceux qui connaissent tant soit peu les fonctionnements de l'énergie universelle et ceux de l'Esprit s'y attendaient. Je prévoyais moi-même que ce pire viendrait, l'obscurité de la nuit avant l'aurore ; je ne suis donc pas découragé. Je sais ce qui se prépare derrière l'obscurité, et je peux voir et sentir les premiers signes de sa venue. Ceux qui cherchent le Divin doivent rester fermes et persévérer dams leur quête ; dans quelque temps l'obscurité se dissipera et commencera à disparaître, et la Lumière viendra.
Je sais que c'est une période troublée, pour vous et pour tout le monde. Il en est de même dans le monde entier. Partout la confusion, le trouble, le désordre, les bouleversements ; telle est la situation générale. Les choses meilleures à venir se préparent ou grandissent derrière un voile, et les pires prévalent partout. La seule chose à faire est de tenir bon et de tenir jusqu'au bout, jusqu'à l'heure où la lumière sera venue.
Je crains bien de ne pouvoir offrir qu'une maigre consolation - au moins pour le moment - à ceux de vos correspondants qui se lamentent sur l'état actuel des choses. Les choses vont mal, elles vont de pire en pire, et peuvent d'un moment à
l'autre devenir pires encore et même pires que pires si c'est possible, et rien - si paradoxal que ce soit - ne semble impossible dans le monde actuel si perturbé. Pour eux, la meilleure chose à faire est de comprendre que tous ces événements étaient nécessaires, parce que certaines possibilités devaient émerger et être éliminées pour que naisse un monde nouveau et meilleur : les retarder n'aurait servi à rien. C'est comme dans le yoga, lorsque certains éléments dans l'être doivent être amenés soit à se manifester activement en pleine lumière, pour que l'on puisse les affronter résolument et les expulser, soit à émerger de leur état latent dans les profondeurs, dans le même but de purification. Ils peuvent aussi se souvenir que, comme dit le proverbe, c'est avant l'aube que la nuit est le plus sombre, et que l'aurore viendra, inévitablement. Mais ils doivent aussi se rappeler que le monde nouveau dont nous envisageons la venue ne sera pas fait de la même texture que l'ancien, qu'il n'en différera pas seulement en son plan, et qu'il doit venir par d'autres moyens, du dedans et non du dehors ; la meilleure chose qu'ils aient à faire est donc de ne pas trop se préoccuper des lamentables événements du dehors, mais de grandir eux-mêmes intérieurement pour se préparer au monde nouveau, quelle que soit la forme qu'il puisse revêtir.
Restez imperturbable pour franchir cette obscurité : la lumière est là et remportera la victoire.
Tous ceux qui s'engagent sur le chemin spirituel doivent faire face aux difficultés et aux épreuves de ce chemin, qu'elles viennent de leur propre nature ou du monde extérieur. Les difficultés de la nature continuent à se répéter jusqu'à ce qu'on les ait surmontées ; pour les affronter, il faut user à la fois de force et de patience. Mais la partie vitale a tendance à se décourager lorsque des épreuves et des difficultés se présentent. Cette tendance ne vous est pas particulière, elle affecte tous les sâdhak ; elle n'indique pas une inaptitude à la sâdhanâ, pas plus qu'elle ne justifie un sentiment d'impuissance. Mais vous devez vous entraîner à surmonter cette réaction de découragement en appelant la Force de la Mère pour qu'elle vous vienne en aide.
Tous ceux qui demeurent résolument fidèles au sentier peuvent être assurés de leur destinée spirituelle. Si certains échouent, ce ne peut être que pour l'une des deux raisons suivantes : ou bien ils abandonnent le chemin, ou bien, appâtés par l'ambition, l'orgueil, la vanité, le désir, etc., ils s'en écartent et cessent de s'en remettre sincèrement au Divin.
On peut dire, d'une manière générale, qu'il n'est pas sage de mettre trop d'empressement à attirer les gens, en particulier les très jeunes gens, vers la sâdhanâ. Le sâdhak qui vient à ce yoga doit ressentir un véritable appel, et même si l'appel est réel, le chemin est souvent déjà assez difficile. Mais quand on attire les gens dans un esprit de propagande enthousiaste, on risque d'allumer une flamme factice qui n'est qu'une imitation du véritable Agni, ou un feu éphémère bientôt submergé par l'assaut des vagues vitales. C'est particulièrement le cas chez les jeunes gens, car ils sont influençables et se laissent aisément prendre à la contagion
d'idées et de sentiments qui leur sont étrangers ; par la suite, le vital se lève avec ses exigences insatisfaites et ils sont ballottés entre deux forces contraires, ou bien ils se laissent rapidement attirer par la vie et l'action ordinaires et par la tendance à satisfaire les désirs qui est naturelle à l'adolescence. Ou encore le réceptacle humain (âdhâr), inapte, tend à souffrir sous la tension d'un appel pour lequel il n'était pas prêt, ou du moins pas encore prêt. Quand on a en soi la vraie flamme, on passe à travers toutes les embûches et on finit par s'engager tout entier dans la sâdhanâ, mais seule une minorité en est capable. Mieux vaut ne recevoir que ceux qui viennent d'eux-mêmes, et parmi ceux-là, seulement ceux en qui l'appel est durable et vient authentiquement d'eux-mêmes.
Une telle souffrance n'est pas obligatoirement de règle. Ce n'est pas l'âme qui souffre ; le Moi est calme et égal envers toutes choses et le seul chagrin de l'être psychique a pour cause la résistance de la Nature à la Volonté divine, ou la résistance des choses et des gens à l'appel du Vrai, du Beau et du Bien. La souffrance n'affecte que la nature vitale et le corps. Quand l'âme attire l'être vers le Divin, il peut y avoir une résistance dans le mental et la forme la plus fréquente en est la négation et le doute qui peuvent engendrer une souffrance mentale et vitale. La nature vitale peut aussi opposer une résistance qui se traduit principalement par le désir et l'attachement aux objets du désir, et si, dans ce domaine, un conflit se déclare entre l'âme et la nature vitale, entre l'Attirance pour le Divin et l'attraction de l'Ignorance, les parties mentales et vitales peuvent évidemment en souffrir beaucoup. La conscience physique peut, elle aussi, offrir une résistance qui est en général celle d'une inertie fondamentale, une obscurité dans la substance même du physique, une incompréhension, une incapacité à répondre à l'appel de la conscience supérieure, une habitude d'obéir passivement et
mécaniquement à la conscience inférieure, même contre sa propre volonté ; une souffrance à la fois vitale et physique peut en être la conséquence. En outre, la Nature universelle résiste parce qu'elle ne veut pas que l'être échappe à l'Ignorance pour entrer dans la Lumière. Cette résistance peut prendre la forme d'une véhémente insistance à perpétuer les anciens mouvements qui se jettent par vagues sur le mental, le vital et le corps pour que les idées, impulsions, désirs, sentiments, réactions d'autrefois continuent, même après avoir été rejetés et expulsés, et puissent revenir comme une armée d'envahisseurs venue du dehors, jusqu'à ce que la nature tout entière, s'étant donnée au Divin, refuse de les admettre. C'est la forme subjective de la résistance universelle, mais celle-ci peut aussi prendre une forme objective : opposition, calomnie, attaques, persécutions, infortunes de toutes sortes, conditions et circonstances adverses, douleur, maladie, assauts venant des hommes ou des forces. Là aussi la possibilité de souffrir est évidente. Il y a deux manières de faire face à tout cela : la première est celle du Moi, le calme, l'égalité, un esprit, une volonté, un mental, un vital, une conscience physique qui demeurent résolument tournés vers le Divin et ne se laissent ébranler par aucune suggestion de doute, de désir, d'attachement, de dépression, de chagrin, de douleur, d'inertie. C'est possible lorsque l'être intérieur s'éveille, lorsqu'on devient conscient du Moi, du Mental intérieur, du Vital intérieur, du Physique intérieur, car il leur est plus facile de se mettre au diapason de la Volonté divine ; alors l'être se divise en deux, et c'est comme s'il y avait deux êtres, l'un au-dedans, calme, fort, égal, imperturbable, véhicule de la Conscience et de la Force divines, l'autre sur lequel la Nature inférieure continue à empiéter ; mais alors les ennuis de celui-ci deviennent superficiels et ne sont plus qu'une ride à la surface, jusqu'à ce qu'ils s'estompent et disparaissent sous la pression intérieure et que l'être extérieur reste lui aussi calme, concentré, insensible aux attaques. Il y a aussi la manière du psychique : le psychique émerge, et avec lui son pouvoir intrinsèque, sa
consécration, son adoration, son amour pour le Divin, son don de soi, sa soumission ; il les impose à la conscience mentale, vitale et physique et l'oblige à orienter tous ses mouvements vers Dieu. Si le psychique est fort et domine tout l'être, la souffrance subjective est faible ou nulle et la souffrance objective ne peut affecter ni l'âme, ni les autres parties de la conscience ; le chemin est ensoleillé, une grande joie et une grande douceur donnent le ton à toute la sâdhanâ. Quant aux attaques extérieures et aux circonstances adverses, elles subissent l'action de la Force qui transforme les relations de l'être avec la Nature extérieure ; à mesure que la victoire de la Force progressera, elles seront éliminées ; mais quelle que soit leur durée, elles ne peuvent retarder la sâdhanâ, car même les incidents et les circonstances adverses deviennent alors des instruments de son progrès et de la croissance de l'esprit.
Les difficultés qui subsistent, bien qu'elles ne soient pas identiques, s'apparentent dans leur cause et leur nature essentielle à celles que vous avez en grande partie ou complètement surmontées, et elles peuvent être vaincues de la même manière ; c'est une question de temps, et il s'agit aussi pour vous de consentir intérieurement à la pression du Divin qui transforme l'être humain.
La nature humaine et le caractère de l'individu sont une formation issue de l'inconscience du monde matériel où elle a pris naissance, et elle ne peut jamais se libérer tout à fait de la pression de cette Inconscience. À mesure que la conscience grandit dans l'être né dans ce monde matériel, elle prend la forme d'une Ignorance qui admet lentement la connaissance ou s'efforce avec difficulté de l'atteindre ; la nature humaine est constituée de cette Ignorance, et le caractère de l'individu est constitué d'éléments de cette Ignorance. Comme tout ce qui existe dans la Nature matérielle, la nature humaine est plus ou moins une mécanique,
et la résistance y est presque inévitable ; c'est, la plupart du temps, une résistance énergique et obstinée qui s'oppose à tout changement que l'on exige d'elle. Le caractère est fait d'habitudes auxquelles il se cramponne ; il est enclin à les considérer comme la loi même de son être, et l'amener tant soit peu à changer exige un dur labeur, à moins que les circonstances ne le soumettent à une forte pression. Cette résistance se manifeste particulièrement dans les parties physiques : corps, mental physique, mouvements de la vie physique ; l'élément tamasique dans la Nature y est puissant ; c'est ce que la Guîtâ qualifie d'aprakâsha, absence de lumière, et apravritti, tendance à l'inertie, à l'inactivité, à refuser l'effort, ce qui a pour conséquence, même quand l'effort se fait, une constante aptitude à douter, à se décourager, à désespérer, à abandonner, à renoncer au but de l'entreprise, à s'effondrer. Heureusement, la nature humaine contient aussi un élément sattwique qui se tourne vers la lumière, et un élément radjasique ou dynamique qui désire l'action et en a besoin, et que l'on peut amener à désirer non seulement le changement, mais le progrès continu. Mais ces deux éléments, en raison des limitations de l'ignorance humaine et des obstructions de l'ignorance fondamentale, sont eux aussi sujets à l'étroitesse et à la division et peuvent résister à l'entreprise spirituelle autant qu'y contribuer. La transformation spirituelle que le yoga exige de la nature humaine et du caractère individuel est par conséquent pleine de difficultés : c'est, pourrait-on dire, la plus exigeante de toutes les aspirations et le plus ardu de tous les efforts de l'homme. Tant qu'elle peut s'assurer le concours de l'élément sattwique et de l'élément radjasique (dynamique), son chemin en est facilité ; mais l'élément sattwique lui-même peut résister par son attachement aux idées anciennes, aux préjugés, aux préférences mentales et aux jugements partisans, aux opinions et aux raisonnements qui barrent la route à la vérité supérieure, et dont il ne peut s'affranchir ; l'élément dynamique résiste par son égoïsme, ses passions, ses désirs, ses attachements profonds, sa vanité,
son amour-propre, son habitude constante de revendiquer et bien d'autres obstacles. La résistance du vital est plus violente que les autres et vient à la rescousse avec sa violence et sa passion, et c'est la source de toutes les difficultés intenses, de toutes les révoltes et de tous les bouleversements, de tous les désordres qui altèrent le cours du yoga. Le Divin est là, mais Il respecte les conditions, les lois, les modalités de la Nature ; ce sont les conditions mêmes de Son œuvre, de Son œuvre dans le monde et en l'homme, et aussi, par conséquent, dans le sâdhak, l'aspirant et même en ceux qui L'ont approché par la Connaissance et l'Amour ; même le sage et le saint continuent à souffrir des difficultés et des limites de leur nature humaine. Il est possible d'atteindre une libération et une perfection complètes, ou de posséder complètement le Divin et d'en être complètement possédé, mais en général cela ne se produit pas par miracle, ni même par une série de miracles. Le miracle existe, mais il se produit seulement lorsque l'appel est total, la consécration de l'âme complète et l'ouverture de la nature entière et vaste.
Pourtant, s'il y a un appel de l'âme, même s'il est encore incomplet, l'échec ne peut en aucun cas être définitif et irréparable, si grandes et si obstinées que soient les difficultés ; même quand le fil est rompu, il est repris, renoué et suivi jusqu'au bout. La nature elle-même obéit à la nécessité intérieure qui finit, si lentement que ce soit, par porter ses fruits. Mais un certain consentement intérieur est nécessaire ; le progrès que vous avez remarqué en vous-même est dû à ce consentement qui était là, dans l'âme, et aussi dans une partie de la nature ; le mental insistait pour que le changement s'opère et une partie du vital le désirait ; la résistance, dans une partie du mental et une partie du vital, le ralentissait et l'entravait, mais ne pouvait l'empêcher de se produire.
Vous me demandez ce que je veux que vous fassiez. Je veux que vous persévériez et que vous donniez de plus en plus ce consentement intérieur qui vous a fait progresser, afin qu'ici aussi la résistance puisse diminuer et à la longue disparaître.
Et cessez d'attacher tant d'importance à l'usage de la
raison, à l'exactitude de votre raisonnement personnel et à son droit de décider de tout. La raison a sa place, surtout en ce qui concerne certains problèmes matériels et les questions extérieures en général - bien que même dans ce domaine elle soit un juge bien faillible - ou dans la formulation de conclusions et de généralisations métaphysiques ; mais sa prétention à être l'autorité décisive en matière de yoga ou de choses spirituelles est insoutenable. Dans ce domaine, l'activité de l'intellect extérieur ne conduit qu'à la formation d'opinions personnelles et non à la découverte de la Vérité. En Inde, il a toujours été entendu que la raison et sa logique ou son jugement ne peuvent mener à la réalisation des vérités spirituelles, mais peuvent tout au plus contribuer à la présentation intellectuelle des idées ; la réalisation vient par l'intuition et l'expérience intérieure. La raison et l'intellectualité ne peuvent vous faire voir le Divin, c'est l'âme qui voit. Le mental et les autres facultés ne peuvent que participer à la vision, quand elle leur est dispensée par l'âme, lui faire bon accueil et s'en réjouir. Mais le mental peut aussi l'empêcher de venir ou du moins s'opposer longtemps à la réalisation ou à la vision. Car ses préjugés, ses opinions préconçues et ses préférences mentales peuvent élever un mur d'arguments contre la vérité spirituelle qui doit être réalisée et refuser de l'admettre si elle se présente sous une forme qui ne s'accorde pas à ses idées antérieures ; elle peut de même vous empêcher de reconnaître le Divin, si le Divin se présente sous une forme à laquelle l'intellect n'est pas préparé ou qui, par un détail, va à l'encontre de ses préjugés et de ses idées préconçues. On peut se fier à sa raison dans d'autres domaines, pourvu que le mental essaie d'être ouvert, impartial, dégagé de toute passion abusive, et prêt à concéder qu'il n'a pas toujours raison et peut se tromper ; mais se fier à lui seul dans des domaines qui échappent à sa juridiction n'est pas sans danger, surtout dans les domaines de la réalisation spirituelle et du yoga qui appartiennent à un autre ordre de connaissance.
Il n'y a pas de contradiction entre ce que j'avais dit au sujet du sentier ensoleillé et ce que j'ai dit des passages difficiles et désagréables que doit traverser le yoga dont le développement normal suit celui de la nature humaine. Le chemin ensoleillé peut être emprunté par ceux qui sont capables de pratiquer la soumission, d'abord une soumission centrale et ensuite un don de soi plus complet dans toutes les parties de l'être. S'ils peuvent parvenir à cette attitude de soumission centrale et la conserver, s'ils peuvent se reposer entièrement sur le Divin et accepter joyeusement tout ce qui vient du Divin, alors leur sentier devient ensoleillé et peut même être direct et aisé. Ils n'échapperont pas à toutes les difficultés, aucun chercheur n'en est capable ; mais ils pourront y faire face sans chagrin ni abattement, comme en vérité la Guîtâ nous recommande de pratiquer le yoga : anirvinnacetasâ, en se fiant à la direction intérieure et en la percevant de plus en plus, ou en se fiant à la direction extérieure du Gourou. Cette voie peut aussi être suivie même si l'on ne sent ni lumière ni direction, lorsqu'il existe, ou que l'on peut acquérir, une foi lumineuse et ferme et une bhakti heureuse, ou si l'on est d'une nature spirituelle optimiste, ou encore si l'on s'en tient à la foi ou au sentiment que tout ce qui est fait par le Divin est fait pour le mieux, même lorsqu'on ne comprend pas son action. Mais tous n'ont pas cette nature, beaucoup en sont très éloignés ; la soumission complète ou même centrale n'est pas facile à atteindre, et la garder sans cesse est bien difficile pour notre nature humaine. Quand nous n'avons rien de tout cela, l'âme n'atteint pas la liberté et nous devons au contraire subir la loi ou nous plier à une difficile et pénible discipline.
Cette loi nous est imposée par l'Ignorance qui est la nature de toutes les parties de notre être ; notre être physique est visiblement une masse d'ignorance, l'être vital est plein de passions et de désirs ignorants, le mental est aussi un instrument de l'Ignorance qui s'efforce vers une sorte de connaissance imparfaite, en grande partie inférieure et extérieure. Le chercheur se fraie un chemin à travers cette
ignorance ; pendant longtemps, il ne trouvera aucune lumière d'expérience solide ou de réalisation, mais seulement les espoirs, les idées, les croyances du mental qui ne lui donnent pas la vraie vision spirituelle ; ou il perçoit des rais de lumière, ou traverse des périodes de lumière, mais souvent la lumière s'éteint et les périodes lumineuses sont suivies de longues ou fréquentes périodes d'obscurité. Il y a de constantes fluctuations, des déceptions persistantes, des chutes et des échecs innombrables. Aucun sentier du yoga n'est vraiment facile ou exempt de ces difficultés ou de ces fluctuations ; même sur la voie de la bhakti, réputée la plus facile, on entend constamment les plaintes de celui qui cherche toujours mais ne trouve jamais, et même dans les meilleures conditions le mouvement de flux et de reflux, de milana et de viraha, de joie et de pleurs, d'extase et de désespoir est constant. Si l'on a la foi ou, en l'absence de foi, la volonté d'aller jusqu'au bout, on passe outre et on entre dans la joie et la lumière de la réalisation divine. Si l'on prend une certaine habitude de vraie soumission, alors tout cela n'est pas nécessaire ; on peut entrer dans la voie ensoleillée. Ou si l'on peut obtenir ne serait-ce qu'une goutte de ce qui s'appelle la pure bhakti, shouddhâ bhakti, alors quoi qu'il arrive cela suffit ; le chemin devient facile, ou bien c'est un début suffisant pour nous soutenir jusqu'au bout sans les souffrances et les chutes qui adviennent si souvent au chercheur ignorant.
Dans tout yoga le chercheur doit atteindre trois objectifs essentiels : l'union ou le contact permanent avec le Divin, la libération de l'âme ou du Moi, de l'esprit, et une certaine transformation de la conscience, la transformation spirituelle. C'est cette transformation nécessaire pour atteindre les deux objectifs - ou du moins nécessaire jusqu'à un certain point - qui est la cause de la plupart des luttes et des difficultés ; car elle n'est pas facile à réaliser ; une transformation du mental, une transformation du cœur, une transformation des habitudes de la volonté est requise, et notre nature ignorante y résiste obstinément. Notre yoga a pour
but une transformation complète de la nature, car celle-ci est nécessaire à l'union complète et à la complète libération, non seulement de l'âme et de l'esprit, mais aussi de la nature elle-même. C'est aussi un yoga des œuvres et de la vie divine intégrale : pour cela, la transformation intégrale de la nature est évidemment nécessaire ; l'union avec le Divin doit permettre de plonger dans la conscience divine et la nature divine ; il doit y avoir non seulement sâyoujya ou sâlokya, mais aussi sâdrishya ou, comme dit la Guîta, sâdharmya. Le yoga complet, Pourna Yoga, est un quadruple sentier : un Yoga de la Connaissance pour le mental, un Yoga de la Bhakti pour le cœur, un Yoga des Œuvres pour la volonté et un Yoga de la Perfection pour la nature entière. Mais d'ordinaire, si l'on peut se donner entièrement à l'une de ces voies, on aboutit au résultat auquel elles arrivent toutes les quatre. Au moyen de la bhakti, par exemple, on entre dans l'intimité du Divin, on devient intensément conscient de lui, et on parvient à la connaissance, car le Divin est Vérité et Réalité ; en le connaissant, disent les Oupanishads, on arrive à tout connaître. Par la bhakti, la volonté est amenée, elle aussi, à prendre le chemin des œuvres d'amour et du service du Divin, et à faire régner le Divin sur la nature et ses actions ; et c'est le Karma Yoga. Par la bhakti vient aussi la spiritualisation de la conscience et de l'action de la nature, qui est le premier pas vers sa transformation. Ainsi en est-il de toutes les autres voies du quadruple sentier. Mais dans l'être, beaucoup d'obstacles peuvent s'opposer à la domination du mental, du cœur et de la volonté par la bhakti et au contact avec le Divin qui en découle. Un mental intellectuel trop actif, orgueilleusement attaché à ses propres conceptions, à ses préjugés, à ses idées rigides et à sa raison ignorante, peut fermer les portes à la lumière intérieure et empêcher le flot de la bhakti de tout submerger ; il peut s'en tenir à une activité mentale de surface et refuser d'aller au-dedans pour se laisser guider par la vision psychique et les sentiments du cœur intérieur, bien que ce soit par cette vision et ce sentiment que la bhakti s'accroisse et remporte
la victoire. Les passions et les désirs de l'être vital et de son ego peuvent aussi barrer la route et empêcher le don de soi du mental et du cœur au Divin. L'inertie, l'ignorance et l'inconscience de la conscience physique, son attachement à des habitudes rigides de pensée, de sentiment et d'action, son obstination à suivre les vieilles ornières peuvent s'opposer fâcheusement au changement nécessaire. Il se peut que, dans de telles circonstances, le Divin soit obligé d'attendre son heure ; mais s'il y a dans le cœur une soif véritable, tous ces obstacles ne peuvent s'opposer à la réalisation finale ; cependant, il peut être nécessaire d'attendre que les obstacles soient éliminés ou du moins suffisamment déblayés pour que le Pouvoir divin soit admis à agir sans entraves sur la nature de surface. En attendant, il peut y avoir des périodes de bien-être intérieur et une certaine lumière dans le mental, des périodes aussi où l'on sent la bhakti ou la Paix, des périodes de joyeuse consécration de soi par les œuvres et le service ; car il faudra du temps pour que tout cela devienne permanent, et il faudra beaucoup de luttes, d'agitation et de souffrance. Mais l'action du Divin finira par se révéler et l'on sera capable de vivre en sa présence.
J'ai décrit les difficultés du yoga dans leur pire aspect, telles qu'elles peuvent retarder et affliger ceux mêmes qui sont prédestinés à la réalisation, mais tout aussi souvent, il y a une alternance ou un mélange de lumière et d'obscurité, un premier accomplissement peut-être, suivi de grosses difficultés, un progrès suivi d'attaques et de retards, de grands progrès après lesquels on patauge dans les marais de l'Ignorance. Il peut même venir de grandes réalisations, de hautes splendeurs de lumière et d'expérience spirituelle, et pourtant le but n'est pas atteint ; car selon l'expression du Rig Veda, "à mesure que l'on monte de cime en cime se découvre tout ce qu'il reste à faire". Mais toujours quelque chose nous porte en avant ou nous oblige à poursuivre. La forme peut en être quelque chose de conscient vers lequel on va, une idée spirituelle dominante, une aspiration indestructible ou une foi inébranlable ; celles-ci peuvent
parfois sembler entièrement voilées ou même anéanties dans les périodes d'obscurité ou de violent bouleversement, mais elles réapparaissent toujours quand la tempête s'est éloignée ou quand les ténèbres de la nuit se dissipent, et elles reprennent leur influence. Mais ce peut être aussi, dans l'essence même de l'être, quelque chose de plus profond que toutes les idées et toutes les volontés du mental, plus profond et plus permanent que l'aspiration du cœur, mais caché au regard. Celui qui est poussé vers le yoga par une curiosité intellectuelle ou même par un désir de connaissance peut se détourner du chemin à cause d'une déception ou pour toute autre raison. Ceux qui s'y consacrent par ambition intérieure ou désir vital risquent plus encore de s'en détourner par révolte, par dépit ou parce qu'ils auront été découragés par des interruptions et des échecs fréquents. Mais si l'on a en soi ce quelque chose de plus profond, on ne peut plus abandonner définitivement le sentier de l'effort spirituel : on peut décider de quitter le sentier, mais l'être intérieur ne le permet pas ; ou on le quitte, mais on est contraint d'y revenir par le besoin spirituel caché au-dedans.
Ces écueils sont communs à tous les sentiers du yoga ; ce sont les difficultés, les fluctuations et les luttes que l'on rencontre normalement sur le chemin de l'effort spirituel. Mais dans notre yoga, les opérations de la Force cachée se succèdent dans un ordre dont les détails peuvent varier grandement d'un sâdhak à un autre, tout en suivant la même ligne générale. Notre évolution a fait sortir l'être de la Matière inconsciente pour le soulever vers l'Ignorance du mental, de la vie et du corps, tempérée par une connaissance imparfaite ; elle s'efforce de nous mener jusqu'à la lumière de l'Esprit, de nous élever dans cette lumière et de faire descendre la lumière en nous, tant dans le corps et la vie que dans le mental et le cœur, et d'en emplir tout ce que nous sommes. C'est cette évolution, avec ses conséquences, dont la plus grande est l'union avec le Divin et la vie dans la conscience divine, qui donne sa signification à la transformation intégrale. Le mental est actuellement notre plus haute
faculté ; c'est par le mental pensant et le cœur - soutenus par l'âme, l'être psychique à l'arrière-plan - que nous devons croître dans l'Esprit, car ce que la Force essaie d'abord de faire, c'est de concentrer le mental sur l'idée centrale, la foi ou l'attitude mentales justes, de concentrer le cœur sur l'aspiration et l'attitude justes, et de renforcer, de raffermir suffisamment tous ces éléments pour qu'ils persistent en dépit de tous les autres qui, dans le mental et le cœur, en diffèrent ou sont en conflit avec eux. La Force apporte en même temps autant d'expériences et autant de réalisations, fait croître ou descendre autant de connaissances que le mental de l'individu est prêt à en recevoir à ce moment-là, ou autant qu'il en faut, si peu que ce soit, pour son progrès futur; tantôt ces réalisations et ces expériences sont très grandes et très abondantes, tantôt elles sont peu nombreuses, petites ou négligeables ; certaines, à ce stade initial, semblent ne contenir que peu de chose ou rien de décisif ; la Force semble se concentrer seulement sur une préparation du mental. Dans bien des cas, la sâdhanâ semble commencer et se poursuivre par des expériences dans le vital ; mais en réalité cela se produit rarement sans préparation mentale, même si ce n'est qu'une certaine orientation du mental ou une sorte d'ouverture qui rend possible les expériences vitales. Il est en tout cas périlleux de commencer par le vital ; les difficultés y sont plus nombreuses et plus violentes que sur le plan mental et les traquenards innombrables. L'âme - l'être psychique - est moins facile d'accès parce qu'elle est cachée par un épais voile d'ego, de passion et de désir. On risque de s'engouffrer dans un dédale d'expériences vitales pas toujours stables, de se laisser séduire par de petites siddhi, par l'attraction qu'exercent sur l'ego les pouvoirs des ténèbres. On doit franchir ces épaisseurs pour atteindre l'être psychique et l'amener au premier plan ; alors seulement la sâdhanâ dans le plan vital sera sans danger.
Quoi qu'il en soit, la descente de la sâdhanâ, de l'action de la Force dans le plan vital de notre être, devient nécessaire au bout d'un certain temps. La Force ne change pas l'être mental
et la nature en bloc, encore moins les transforme-t-elle intégralement, avant de s'être engagée dans ce plan ; si c'était possible, le reste de la sâdhanâ serait relativement facile et sans danger. Mais le vital est là et fait sans cesse pression sur le mental et le cœur, troublant la sâdhanâ et la mettant en péril, et il ne peut être longtemps abandonné à lui-même. Il faut agir sur l'ego et les désirs du vital, ses dérèglements et ses bouleversements, et s'ils ne sont pas immédiatement expulsés, ils doivent être au moins dominés et devenir prêts à être modifiés, changés, illuminés progressivement, sinon rapidement. Cela ne peut être fait sur le plan vital que par une descente à ce niveau. L'ego vital lui-même doit devenir conscient de ses propres imperfections et vouloir s'en débarrasser ; il doit décider de rejeter ses vanités, ses ambitions, ses désirs, ses envies, ses rancœurs, ses révoltes et tout ce qu'il reste en lui de substance impure et de mouvements troubles. C'est la période des difficultés majeures, des révoltes et des dangers les plus grands. L'ego vital déteste que l'on s'oppose à ses désirs, s'indigne des déceptions, se déchaîne contre les atteintes à son amour-propre et à sa vanité ; il hait le processus de purification et peut très bien proclamer le satyâgraha contre lui, refuser de coopérer, justifier ses exigences et ses penchants, exercer de nombreuses formes de résistance passive, retirer le soutien vital nécessaire à la vie comme à la sâdhanâ et essayer de détourner l'être du chemin de l'effort spirituel. À tout cela il faut faire face jusqu'à la victoire, car le temple de l'être doit être rendu parfaitement propre pour que le Seigneur de notre être puisse y prendre place et y recevoir notre adoration.
La question que vous posez soulève l'un des problèmes les plus ardus et les plus compliqués qui soient, et pour le traiter comme il le mérite, ma réponse devrait être aussi longue que le plus long chapitre de La Vie divine. Je ne puis qu'affirmer ma propre connaissance, fondée non sur le raisonnement,
mais sur l'expérience : il y a en effet quelque chose qui guide l'univers et rien ne s'y fait en vain.
Si nous ne regardons que les faits extérieurs sous leur apparence superficielle, ou si nous considérons les événements autour de nous comme définitifs et non comme des processus momentanés au sein d'un tout en évolution, le fait que l'univers soit guidé n'est pas apparent ; tout au plus pouvons-nous voir certaines interventions plus ou moins fréquentes. Cela ne peut devenir évident que si nous pénétrons derrière les apparences et commençons à comprendre les forces à l'oeuvre, leur manière d'agir et leur signification secrète. Après tout, la vraie connaissance - et même la connaissance scientifique - s'acquiert en allant chercher derrière les phénomènes de surface leurs processus et leurs causes cachés. Il est tout à fait évident que notre monde est plein de souffrance et frappé de précarité à un degré qui semble justifier la Guîta lorsqu'elle le qualifie de "monde malheureux et éphémère", anityam asoukham. Il s'agit de savoir s'il est une pure création du Hasard, s'il est gouverné par une Loi mécanique et inconsciente, ou s'il a une signification et s'il y a, au-delà de son apparence actuelle, quelque chose vers quoi nous nous dirigeons. S'il a un sens, s'il y a quelque chose vers quoi tout évolue, ce monde doit inévitablement être guidé ; et cela signifie qu'il existe une Conscience et une Volonté qui le soutiennent et avec lesquelles nous pouvons entrer intérieurement en contact. S'il existe une telle Conscience-Volonté, il est peu probable qu'elle s'annulerait elle-même en déniant au monde toute signification, ou en le transformant en un échec perpétuel ou final.
Notre monde présente un double aspect. Il paraît fondé sur une Inconscience matérielle et sur un mental et une vie ignorants et pleins de cette Inconscience : erreur et chagrin, mort et souffrance en sont l'inéluctable conséquence. Mais il est évident qu'il représente aussi un effort, en partie couronné de succès, et une croissance imparfaite vers la Lumière, la Connaissance, la Vérité, le Bien, le Bonheur, l'Harmonie, la Beauté, ou du moins leur partielle floraison.
La signification de notre monde doit évidemment se trouver dans cette contradiction ; il ne peut être qu'une évolution conduisant ou s'efforçant vers des états supérieurs, ayant pour origine une apparence initialement plus sombre. Ce quelque chose qui le guide doit donc agir dans ces conditions de contradiction et de lutte, et doit conduire à cet état supérieur. L'individu est certainement guidé, et probablement le monde, vers cet état supérieur, mais à travers les dualités de la connaissance et de l'ignorance, de la lumière et de l'obscurité, de la mort et de la vie, de la douleur et du plaisir, du bonheur et de la souffrance ; aucun de ces termes ne peut être exclu tant que le statut supérieur n'est pas atteint et établi. Ce qui nous guide ne rejette pas, et en général ne peut pas rejeter dès l'abord les termes obscurs ; moins encore peut-il s'agir de quelque chose qui nous apporte, uniquement et invariablement, le bonheur, la réussite et la bonne fortune. Son souci principal est la croissance de notre être et de notre conscience, la croissance vers un moi plus grand, vers le Divin, et finalement vers une Lumière, une Vérité, une Béatitude plus grandes; le reste est secondaire, tantôt moyen tantôt résultat, et non objectif primordial.
La véritable signification de cette direction apparaît plus clairement lorsque nous devenons capables de nous intérioriser profondément, de voir de plus près le jeu des forces et de recevoir des indications de la Volonté qui les dirige. Le mental de surface ne peut en avoir qu'un aperçu imparfait. Quand nous sommes en contact avec le Divin ou avec une connaissance et une vision intérieures, nous commençons à voir tous les événements de notre vie sous un jour nouveau, et nous pouvons discerner comment ils tendaient tous, à notre insu, vers la croissance de notre être et de notre conscience, vers l'œuvre que nous avons à réaliser, vers quelque progrès qui devait se faire : non seulement ceux qui semblaient un bien, une chance ou un succès, mais aussi les conflits, les échecs, les obstacles, les catastrophes. Mais chacun est guidé différemment selon sa nature, les circonstances
de sa vie, la forme de sa conscience, le stade de son évolution, les expériences dont il a besoin. Nous ne sommes pas des automates, mais des êtres conscients, et notre mentalité, notre volonté et ses décisions, notre attitude devant la vie et ce que nous exigeons d'elle, nos motivations et nos mouvements contribuent à déterminer notre chemin ; ils ont beau entraîner quantité de souffrances et de mal, ce qui nous guide à travers eux s'en sert pour nous faire grandir par l'expérience et par conséquent faire évoluer notre être et notre conscience. Nous avançons tous, si détournés que soient les chemins, en dépit même de ce qui semble un recul ou un égarement, en accumulant toute l'expérience nécessaire à la destinée de l'âme. Quand nous sommes en contact étroit avec le Divin, une protection peut venir nous aider, ou nous guider, ou nous faire agir directement : elle n'écarte pas toutes les difficultés, toutes les souffrances ou tous les dangers, mais nous porte à travers eux et nous en délivre, sauf si, pour une raison particulière, c'est le contraire qu'il nous faut.
À plus grande échelle et d'une manière plus complexe, le mouvement du monde est guidé de la même façon. Ce mouvement semble obéir aux conditions et aux lois ou aux forces du moment, et passer par de continuelles vicissitudes, mais il y a pourtant en lui quelque chose qui le pousse vers le dessein évolutif, bien que cette évolution soit plus difficile à discerner, à comprendre et à suivre que dans le domaine plus étroit et plus familier de la conscience et de la vie d'un individu. Un événement qui se produit dans une conjoncture particulière de l'action mondiale ou de la vie de l'humanité, si catastrophique soit-il, ne détermine pas l'avenir. Ici aussi, il faut voir non seulement le jeu des forces extérieures dans un cas particulier ou à un moment particulier mais aussi le jeu intérieur et secret, le résultat ultime, l'événement plus lointain qui se prépare et la Volonté à l'œuvre derrière tout cela. Le Mensonge et l'Obscurité sont puissants partout sur la terre, l'ont toujours été et par moments semblent prévaloir ; mais il y a eu aussi des lueurs et même des flambées de
Lumière. Dans la masse des événements et la longue course du Temps, quel qu'ait pu être en apparence telle ou telle époque ou tel ou tel mouvement, la Lumière grandit et la lutte pour un meilleur état de choses se poursuit sans relâche. Actuellement le Mensonge et l'Obscurité ont rassemblé leurs forces et sont extrêmement puissants ; pourtant, même si nous refusons de croire les mystiques et les prophètes qui, depuis les temps les plus reculés, ont annoncé qu'un tel état de choses doit précéder la Manifestation et est même un signe de son avènement, cela n'indique pas forcément une victoire décisive - ou même temporaire - du Mensonge. Cela signifie seulement que la lutte entre les Forces est à son paroxysme. Le résultat pourra fort bien être l'émergence plus assurée du meilleur état de choses possible : car c'est souvent ainsi que va le monde. J'en resterai là et ne dirai rien de plus.
Notre yoga est certes difficile, mais existe-t-il un yoga vraiment facile? Vous parlez de l'appât de la libération dans l'Absolu extra-cosmique, mais parmi ceux qui s'embarquent sur le Chemin du Nirvana, combien l'atteignent durant cette vie-ci ou sans un effort pénible, ardu et prolongé ? Quel est le sentier qui n'oblige pas à traverser le désert aride pour atteindre la terre promise ? Même le chemin de la Bhakti, réputé le plus facile, retentit des lamentations des bhakta qui se plaignent que le Bien-Aimé échappe à leur étreinte en dépit de leurs appels, que Krishna ne vient pas, même quand le lieu de la rencontre est prêt. Même la joie d'avoir un instant aperçu le Bien-Aimé, ou la passion du milana, est suivie de longues périodes de viraha. C'est une erreur de croire qu'un yoga puisse être facile, qu'il existe une voie royale ou un raccourci pour rejoindre le Divin, ou qu'il peut y avoir une méthode de "yoga sans peine" ou de "yoga sans larmes", comme il y a un "français sans peine" ou un "français sans larmes". Quelques grandes âmes, préparées
par leurs vies antérieures ou ayant de quelque autre manière dépassé les capacités spirituelles ordinaires, peuvent atteindre plus rapidement la réalisation ; certaines peuvent avoir dès les débuts des expériences exaltantes, mais pour le plus grand nombre la siddhi du chemin, quel qu'il soit, ne peut être que l'aboutissement d'un effort prolongé, ardu et persévérant. On ne peut gagner la couronne de la victoire spirituelle sans la bataille, ni atteindre les hauteurs sans l'ascension et son labeur. De tous les yogas on peut dire : "Difficile est cette route et tranchante comme le fil du rasoir." 1
Vous trouvez le chemin aride précisément parce que vous n'y avez pas encore posé le pied. Mais tous les chemins ont leurs périodes d'aridité et pour la plupart des sâdhak, sinon pour tous, il en est ainsi au début. Une longue période de préparation est nécessaire pour parvenir à l'état psychologique intérieur où les portes de l'expérience peuvent s'ouvrir et où l'on peut cheminer en découvrant sans cesse de nouveaux horizons, bien que même à ce stade on puisse rencontrer d'autres portes qui refusent de s'ouvrir avant que tout soit prêt. Cette période peut être aride et désertique, à moins que l'ardeur à se connaître et à se conquérir soit telle que l'on trouve à chaque pas un intérêt dans l'effort et la lutte, ou à moins que l'on possède ou découvre le secret de la confiance et du don de soi qui voit la main du Divin à chaque étape du sentier, sa grâce et ses conseils jusque dans la difficulté. Le yoga est, dit-on, "à ses débuts amer comme le poison", à cause des obstacles et des luttes, mais "doux comme le nectar à la fin",2 à cause de la joie de la réalisation, de la paix de la libération, ou de l'Ânanda divin ; les descriptions que font souvent les sâdhak et les bhakta de leurs périodes d'aridité sont une preuve suffisante qu'elles
1. Katha Oupanishad, I, 3, 14.
2. Bhagavad-Guîtâ, XVIII, 36-37 : "Le bonheur de l'homme qui parvient à la joie par la discipline de soi et met fin à la douleur ressemble à un poison au début et au nectar à la fin."
ne sont pas spéciales à notre yoga. Toutes les anciennes disciplines l'ont constaté, et c'est pourquoi la Guîtâ dit que l'on doit pratiquer le yoga avec patience et régularité, en refusant de se laisser abattre par le découragement. Cette recommandation peut s'appliquer à notre sentier, mais aussi à celui de la Guîtâ et au dur "fil de rasoir" du Védânta comme à tous les autres. Il est tout naturel que plus l'Ânanda qui doit descendre est élevé, plus le commencement risque d'être difficile, plus les déserts à traverser sur le chemin sont arides.
La manifestation supramentale n'apporte certes pas seulement la paix, la pureté, la force, le pouvoir ou la connaissance ; ceux-ci procurent les conditions nécessaires à la réalisation finale et en font partie, mais l'Amour, la Beauté et l'Ânanda sont l'essence de son accomplissement. Et bien que l'Ânanda suprême vienne avec le suprême accomplissement, il n'y a pas vraiment de raison que l'on ne trouve pas aussi, chemin faisant, l'Amour, l'Ânanda et la Beauté. Certains les ont même rencontrés aux premiers stades, avant toute autre expérience. Mais le secret s'en trouve dans le cœur et non dans le mental, dans le cœur qui ouvre ses portes intérieures et laisse apparaître le rayonnement de l'âme resplendissante de confiance et de don de soi. À la chaleur de ce feu intérieur, les débats du mental et ses difficultés se flétrissent et le sentier, si long ou si ardu soit-il, devient une route ensoleillée non seulement vers l'amour et l'Ânanda, mais à travers eux.
Même si, néanmoins, cela ne vient pas au début, on peut y parvenir par une patiente persévérance ; la transformation psychique est en vérité le préliminaire indispensable à toute approche du chemin supramental et au cœur même de cette transformation se trouve l'épanouissement de l'amour, de la joie et de la bhakti intérieure. Certains commencent par l'ouverture mentale qui peut apporter la paix, la lumière, un premier début de connaissance, mais cette ouverture par le haut est incomplète si elle n'est pas suivie d'une ouverture du cœur vers l'intérieur. Croire que le yoga est aride et sans
joie parce que les conflits de votre mental et de votre vital l'ont rendu aride au premier abord est une incompréhension et une erreur. Les sources cachées de la douceur se révéleront si vous persévérez, même si elles sont, pour le moment, défendues par les dragons du doute et du désir insatisfait. Grommelez, si votre nature vous y contraint, mais persévérez.
Le supramental n'est pas, comme vous l'imaginez, froid et dur comme un roc. Il porte en lui la présence de l'Amour divin aussi bien que la Vérité divine, et son règne ici-bas signifie, pour ceux qui l'acceptent, le chemin direct et sans épines, sans murs et sans obstacles, dont les anciens Rishis avaient vu la lointaine promesse.
Le sentier obscur existe et beaucoup, comme par exemple les Chrétiens, font de la souffrance spirituelle un évangile ; beaucoup la considèrent comme l'inévitable prix de la victoire. Il peut en être ainsi dans certaines circonstances, comme il en fut au début durant de nombreuses existences ; on peut aussi choisir qu'il en soit ainsi. Mais il faut alors en payer le prix par la résignation, la force d'âme, ou une résistance tenace. J'admets que les attaques des forces obscures ou les épreuves qu'elles imposent ont un sens, si on les endure ainsi. Après chaque victoire remportée sur elles, l'avance est sensible ; souvent, elles semblent révéler en nous les obstacles que nous devons surmonter et dire : "C'est ici qu'il faut vaincre" ; mais ce chemin est tout de même par trop sombre et trop difficile et nul ne devrait le suivre à moins d'y être contraint.
Nombreux sont ceux qui ont fait le yoga en se reposant sur la tapasyâ ou autre chose, mais sans être persuadé qu'il existe une Grâce divine. Ce n'est pas cette croyance qui est indispensable, c'est l'exigence de l'âme qui aspire à une Vérité ou une vie plus haute. Si l'on a cette exigence, la Grâce divine, que l'on y croie ou non, interviendra. Si vous
croyez, cela hâte et facilite les choses ; si vous ne pouvez pas encore croire, l'aspiration de l'âme trouvera sa justification, quelles que soient les difficultés et les luttes.
Vous avez raison d'adopter une attitude optimiste et non pessimiste dans la sâdhanâ : une foi et une confiance assurées contribuent énormément au progrès de la sâdhanâ. Cette confiance aide à la réalisation, car elle est dynamique et tend à s'accomplir.
Quant aux sceptiques... ma foi, l'optimisme, même injustifié, trouve pourtant une justification parce qu'il donne à la fois une chance d'aboutir à un résultat et la force de l'atteindre, alors que le pessimisme, en dépit de toutes les justifications que les apparences peuvent lui donner, n'est qu'un boulet au pied qui vous empêche de faire le moindre pas. Le vrai mouvement consiste à aller de l'avant et à faire tout ce que l'on peut, si possible tout ce qui doit être fait ; au minimum, il faut en faire assez pour que tout ce qui devrait être fait soit obligé de se faire en conséquence de ce que nous avons fait. C'est la loi et les prophètes.
Si ces mouvements faux avaient déjà disparu, ce serait déjà la victoire. Je voulais parler3 de la certitude de la victoire finale qui est une question de foi et de confiance intérieure en le soutien du Divin. La paix née de cette certitude vous portera à travers toutes les difficultés, persistantes ou répétées.
3. "Vous devez faire croître en vous la paix qui est née de la certitude de la victoire."
Je suis bien d'accord avec vous : la perspective d'une nouvelle attaque de cette nature n'est pas réjouissante. Si je suis moi-même un héros, c'est, je crois, plutôt par nécessité que par choix ; les tempêtes et les batailles n'exercent sur moi aucun attrait, du moins sur le plan subtil. Le chemin ensoleillé est peut-être une illusion, bien que ce ne soit pas mon avis, car j'ai vu bien des gens le parcourir pendant des années ; mais il est certes possible de trouver un chemin où l'on ne rencontre que des passages normaux ou même modérés de gros temps ; il existe sûrement une route sans typhons : il y en a quantité d'exemples : dourgam pathastat est peut-être vrai, en général, et le chemin du Laya ou du Nirvana est certes extrêmement difficile pour la plupart (bien qu'en ce qui me concerne, je sois entré dans le Nirvana sans le faire exprès, ou plutôt le Nirvana est entré en moi comme en passant, peu après le début de ma carrière yoguique et sans me demander la permission). Mais le sentier n'est pas forcément entrecoupé de bourrasques périodiques, bien qu'il faille reconnaître à l'évidence qu'il en est ainsi pour la plupart des sâdhak. Mais même pour ceux-ci, s'ils tiennent bon, je m'aperçois que passé un certain point, les tempêtes perdent de leur force, sont moins fréquentes et durent moins longtemps. C'est pourquoi j'insiste tant pour que vous persévériez, car si vous tenez bon, le tournant viendra sûrement. J'ai eu récemment des exemples étonnants où ces typhons ont commencé à s'espacer après avoir fait rage pendant de longues années.
Ces incidents ne font pas partie des difficultés normales de la nature, si aiguës soient-elles, mais sont des formations spéciales, des tornades qui se forment (en général en un point particulier, parfois variable) et vont tourbillonnant en tournant toujours en rond jusqu'à leur terme [...] Il devrait être possible de les dissoudre, si on les reconnaît pour ce qu'elles sont et que l'on est résolu à s'en débarrasser : ne leur accordez jamais aucune justification mentale, si logique, légitime et plausible qu'elle puisse paraître; à tous les arguments du mental ou à tous les sentiments du vital
en leur faveur, répondez invariablement, comme Caton aux orateurs: "Delenda est Carthago" Carthage doit être détruite", Carthage étant, dans ce cas, la formation et sa ronde néfaste.
De toute façon, l'idée par laquelle vous concluez votre lettre est juste. "Le Divin vaut bien la peine qu'on le déniche, même si pour cela il faut traverser des océans de ténèbres." Si vous pouvez toujours affronter cette formation avec cette ferme résolution, cela devrait apporter la victoire.
La soif du Divin est une chose, la dépression en est une autre ; la dépression n'est pas non plus une conséquence nécessaire de cette soif insatisfaite qui peut donner lieu à une soif plus ardente encore ou à une ferme résolution et à un effort persévérant, un appel plus intense ou un chagrin psychique qui n'a rien à voir avec la dépression et le désespoir. La dépression est, par nature, un état grisâtre et brumeux, et la lumière a plus de mal à percer à travers les nuages et la grisaille qu'à travers une atmosphère de clarté. Que la dépression obstrue la lumière intérieure est un fait d'expérience générale. La Guîtâ dit expressément : "Le yoga doit être pratiqué avec persévérance et sans jamais céder au découragement", anirvinnacetasâ. Bunyan, dans le Voyage du Pèlerin, lui donne pour symbole le Bourbier du Désespoir ; c'est l'un des périls qu'il faut surmonter sur le chemin. Il est nul doute impossible d'échapper à des attaques de dépression, presque tous les sâdhak doivent en passer par là, mais en principe on doit réagir et non les laisser se perpétuer ou devenir chroniques en les encourageant mentalement ou en acceptant leurs suggestions.
Il n'est pas vrai que le chagrin soit nécessaire pour que l'âme se mette en quête du Divin. C'est l'appel intérieur de l'âme vers le Divin qui la fait se tourner vers lui, et cela peut venir dans n'importe quelle circonstance : dans la prospérité et la jouissance, au plus haut de la victoire et de la conquête
extérieures, sans chagrin ni déception, mais par une illumination soudaine ou progressive, par un éclair de lumière jailli en pleine passion sensuelle, comme c'est arrivé à Bilwamangal, par la perception qu'il existe quelque chose de plus grand et de plus vrai que cette vie extérieure vécue dans l'ego et l'ignorance. Aucun de ces retournements n'a besoin de s'accompagner de chagrin ou de dépression. Souvent, on se tourne dans une nouvelle direction en disant : "La vie, c'est très bien, c'est un jeu très intéressant, mais ce n'est qu'un jeu, la réalité spirituelle dépasse la vie du mental et des sens." Quelle que soit la manière dont il vient, c'est l'appel du Divin ou l'appel de l'âme au Divin qui importe, et l'attraction qu'il exerce est bien plus grande que tout ce qui d'ordinaire retient la nature. Certes, si la vie nous satisfait, nous séduit au point d'exclure tout sentiment de l'âme au-dedans ou de contrarier l'attirance vers le Divin, une période de vairâgya, de chagrin, de dépression, une rupture douloureuse des liens vitaux peut être nécessaire, et beaucoup sont passés par là. Mais une fois que l'on s'est tourné vers le Divin, on doit rester dans cette direction et un vairâgya perpétuel n'est pas nécessaire. Lorsque nous disons que la bonne humeur est le meilleur état, nous n'entendons pas non plus par là une joyeuse poursuite de la vie vitale, mais une joyeuse poursuite du chemin vers le Divin, ce qui n'est pas impossible si le mental et le cœur adoptent la bonne attitude et le point de vue qui convient. En tout cas, si, pour ce qui est de soi-même, on ne peut adopter une attitude positive de bonne humeur, on ne doit pas pour autant accepter une dépression et une tristesse constantes, ni leur accorder son soutien mental. Ce n'est nullement indispensable pour rester tourné vers le Divin.
En citant, parmi d'autres, l'exemple du bouddhiste qui avait passé neuf ans devant un mur, la Mère voulait seulement apporter un démenti à l'opinion selon laquelle le fait de ne pas avoir réussi en sept ou huit ans prouve que l'on est inapte et que tout espoir vous est à jamais refusé. Cet homme devant son mur est l'une des grandes figures du bouddhisme
japonais et la longue stérilité de son effort ne traduisait pas son incapacité ou son inaptitude spirituelle ; mais à part lui, nombreux sont ceux qui ont persévéré pendant de longues périodes et ont fini par remporter la victoire. Cette expérience est fréquente et n'a rien d'exceptionnel.
Je ne crois guère en cette Nuit divine. C'est une conception chrétienne. Pour nous, le Divin est Paix, Pureté, Immensité, Lumière, Ânanda.
Le bouddhisme se détourne du douhka et de ses causes pour se tourner vers le côté séduisant du Nirvana. Le douhkhavâda n'existait pas en Inde, sauf dans la théorie du viraha vishnouïte ; autrement, il n'était pas considéré comme un moyen ni même une étape de la sâdhanâ. Mais cela ne signifie pas que le doukha n'apparaît pas au cours de la sâdhanâ ; il vient et doit être rejeté et surmonté, dépassé, contrairement au chagrin psychique qui ne dérange pas, ne déprime pas, mais libère plutôt le vital. Il est dangereux de faire du chagrin un vâda ou un évangile, parce que le chagrin, si l'on s'y abandonne, devient une habitude, s'incruste, et peu de choses, une fois incrustées, sont aussi tenaces.
La souffrance n'est pas infligée en punition du péché ou de l'hostilité : c'est là une idée fausse. La souffrance vient comme le plaisir et la chance, elle fait inévitablement partie de la vie dans l'ignorance. Les dualités du plaisir et de la peine, de la joie et du chagrin, de la bonne et de la mauvaise fortune sont les conséquences inévitables de l'ignorance qui nous sépare de la vraie conscience et du Divin. Ce n'est qu'en revenant à cette vraie conscience que nous pouvons
nous débarrasser de la souffrance. Le karma des vies passées existe, bien des événements en découlent, mais pas tous. Car nous pouvons corriger notre karma par notre conscience et nos efforts. Mais la souffrance est simplement une conséquence naturelle des erreurs passées, non une punition, tout comme une brûlure découle naturellement du fait de jouer avec le feu. C'est une partie de l'expérience par laquelle l'âme, à travers ses instruments, apprend et grandit jusqu'à ce qu'elle soit prête à se tourner vers le Divin.
Parfois la peine et la souffrance sont des moyens par lesquels l'âme est éveillée et poussée vers le Divin. C'est une expérience sur laquelle X revient sans cesse, car il a beaucoup souffert dans sa vie, mais tous ne sentent pas les choses de la même façon.
L'attitude qui s'exprime dans votre lettre est tout à fait juste : quelles que soient les souffrances qui viennent sur le sentier, ce n'est pas payer trop cher la victoire qui doit être remportée, et si on les accueille avec l'attitude juste, elles deviennent même un instrument de la victoire.
L'idéaliste se demande pourquoi la douleur existe, même si elle est compensée par le plaisir fondamental de vivre. La véritable énigme, c'est de savoir pourquoi l'imperfection, la limitation et la souffrance font obstacle à ce plaisir naturel de vivre. Cela ne signifie pas que la vie soit, par sa nature même, essentiellement misérable.
Je ne puis affirmer que je saisis parfaitement la logique de vos doutes. Comment la souffrance d'un ami noble et désintéressé peut-elle infirmer l'espoir du yoga ? Le monde offre bien des spectacles affligeants, mais c'est là, après tout, la raison même pour laquelle il faut faire le yoga. Si le monde était entièrement beau, heureux et idéal, qui voudrait le changer ou jugerait nécessaire de faire descendre une conscience supérieure dans le Mental et la Matière terrestres? Votre second argument est que le travail du yoga est lui-même difficile et non facile, que l'on n'est pas porté dans un fauteuil jusqu'au but. C'est entendu, le monde et la nature humaine étant ce qu'ils sont Jamais je n'ai dit que c'était facile, ni que cet effort n'était pas entravé par des difficultés opiniâtres. Je ne comprends pas non plus ce que vous voulez dire lorsque vous m'accusez de vouloir faire naître une espèce nouvelle en passant dix heures chaque jour à écrire des lettres "insignifiantes". Évidemment non ; pas plus d'ailleurs qu'en écrivant des lettres importantes ; même si je devais passer mon temps à écrire de beaux poèmes, cela ne créerait pas une espèce nouvelle. Chaque activité est importante à sa place : un électron, une molécule, un grain de sable ont beau être minuscules, ils sont, à leur place, indispensables à la construction d'un monde ; ce monde ne peut être fait uniquement de montagnes, de couchers de soleil, de ruissellements d'aurores boréales, bien que ceux-ci y aient aussi leur place. Tout dépend de la force qui est derrière ces choses et du dessein qui anime leur action, et celui-ci est connu de l'Esprit cosmique qui est à l'œuvre ; et j'ajouterais qu'il opère, non selon le mental ou les normes humaines, mais par une conscience plus grande qui, partant de l'électron, peut bâtir un monde et, utilisant un entrelacs de ganglions, peut en faire ici la base des œuvres du Mental et de l'Esprit dans la Matière, produire un Râmakrishna, un Napoléon ou un Shakespeare. La vie d'un grand poète n'est-elle faite que d'événements sublimes et importants? N'a-t-il pas dû venir à bout d'une multitude de petits riens avant de pouvoir produire un "Roi Lear" ou un "Hamlet" ? Selon
votre raisonnement, les gens n'auraient-ils pas raison de se moquer du tintouin que vous vous donnez - ce n'est pas moi qui emploierais cette expression - pour scander un vers et déterminer la valeur métrique d'une syllabe? Pourquoi, diraient-ils, perd-il son temps avec ces menus détails prosaïques, alors qu'il pourrait le consacrer à produire un beau poème lyrique ou de la belle musique ? Mais le travailleur connaît la matière qu'il doit travailler et la respecte, il sait pourquoi il se préoccupe de "bagatelles" et de petits détails, et quelle est leur place dans la perfection de son labeur.
Quant à la foi, vous en parlez comme si jamais je n'avais eu le moindre doute ou la moindre difficulté. J'ai eu des doutes et des difficultés pires que tous ceux que le mental humain peut imaginer. Ce n'est pas parce que je n'ai pas connu de difficultés, mais parce que je les ai vues plus clairement, que je les ai expérimentées sur une plus large échelle que tous mes contemporains et tous mes prédécesseurs que, les ayant affrontées et mesurées, je suis sûr des résultats de mon travail. Mais même si je devais m'apercevoir qu'il risque de n'aboutir à rien (ce qui est impossible), je le poursuivrais imperturbablement, parce que j'aurais tout de même fait, au mieux de mes capacités, le travail que j'avais à faire, et que ce que l'on fait ainsi compte toujours dans l'économie de l'univers. Mais pourquoi devrais-je penser que tout cela pourrait n'aboutir à rien, alors que je vois chaque pas ainsi que le but vers lequel il conduit, et que chaque semaine, chaque jour - autrefois c'était chaque année, puis chaque mois, et plus tard ce sera chaque jour et chaque heure - me rapproche de mon but ? Sur le chemin que l'on parcourt avec la grande Lumière d'en haut, la moindre difficulté apporte son aide et a sa valeur, et la Nuit est porteuse de la Lumière qui doit être.
Et les coups, sont-ils tous donnés par le yoga? N'est-ce pas parfois le sâdhak du yoga qui se frappe lui-même ? Dans la
vie ordinaire, on reçoit quantité de coups, selon mon expérience. Les coups sont dans l'ordre de l'existence : notre propre nature et la nature des choses nous les assènent jusqu'à ce que nous apprenions à leur présenter un dos qu'elles ne peuvent toucher.
La vie nous enseigne que tout dans ce monde trahit toujours l'homme : seul le Divin ne le trahit point, s'il se tourne entièrement vers le Divin. Ce n'est pas parce qu'il y a en vous quelque chose de mauvais que vous recevez des coups : tous les êtres humains reçoivent des coups, car ils désirent des choses qui ne peuvent pas durer et les perdent, ou s'ils les obtiennent, elles les déçoivent et ne peuvent les satisfaire. Se tourner vers le Divin est la seule vérité dans la vie.
Tous les ennuis de X sont dus pour une part au karma d'une vie antérieure, et pour l'autre à son caractère qui ne peut ni s'harmoniser avec les circonstances qui l'entourent, ni les maîtriser par une forte volonté et une compréhension claire, ni leur faire face d'une manière calme et équilibrée. La vie est faite pour l'expérience et la croissance, et tant qu'on n'a pas appris sa leçon, il se produit sans cesse des événements qui sont le résultat d'un manque d'harmonie avec la Nature ou d'imperfections intérieures. Dire que tout ce qui arrive est pour le mieux n'est vrai que si nous avons la vision cosmique qui tient compte de l'évolution passée et future à laquelle contribuent la mauvaise fortune comme la bonne, le danger, la mort, la souffrance et les calamités autant que le bonheur, le succès et la victoire. C'est faux si l'on veut dire par là que seuls se produisent des événements heureux ou visiblement bons pour l'individu au sens humain.
Il faut faire face à toutes ces difficultés avec un esprit plus tranquille et moins égoïste.
Notre yoga est une bataille spirituelle; le seul fait de l'entreprendre soulève toutes sortes de forces adverses et l'on doit être prêt à faire face aux difficultés, aux souffrances, aux revers de toutes sortes avec un esprit calme et stoïque.
Les difficultés rencontrées sont des épreuves, et si on les affronte avec la bonne attitude, on en sort plus fort et spirituellement plus pur et plus grand.
Aucune infortune ne peut vous advenir, les forces adverses ne peuvent ni vous atteindre, ni vous vaincre si vous n'avez pas, en vous, une impureté, une faiblesse ou, à tout le moins, une ignorance. Vous devez alors rechercher en vous-même cette faiblesse et la corriger.
Quand une attaque vient d'êtres humains qui sont les instruments de forces adverses, on doit essayer de la repousser non dans un esprit de haine personnelle, de colère ou d'égoïsme blessé, mais avec un esprit calme, plein de force et d'équanimité, et en appelant la Force divine pour qu'elle agisse. Le succès ou l'échec dépend alors du Divin.
Il y a, dans les rapports avec les autres, une manière de parler et d'agir qui est très offensante et ouvre à coup sûr la porte aux malentendus ; il y a aussi une manière tranquille et ferme, mais conciliante à l'égard de ceux qui peuvent être conciliés - de ceux qui ne sont pas tout à fait de mauvaise volonté. Mieux vaut utiliser la seconde que la première. Ni faiblesse, ni arrogance, ni violence : telle est l'attitude qu'il faut prendre.
Les difficultés vitales échoient à tous les êtres humains et tous les sâdhak. Il faut y faire face avec une détermination tranquille et une calme confiance en le Divin.
Un yoga, quel qu'il soit, comporte toujours des difficultés. De plus son action s'exerce différemment selon les chercheurs. Certains doivent d'abord surmonter les difficultés inhérentes à leur nature avant d'avoir des expériences dignes de ce nom ; d'autres prennent un brillant départ et ne se heurtent que plus tard à toutes les difficultés ; d'autres encore alternent longtemps entre la crête de la vague et le fond de l'abîme, et ainsi de suite jusqu'à ce que la difficulté soit épuisée ; d'autres enfin suivent un chemin sans heurts, ce qui ne signifie pas qu'ils ne rencontrent aucune difficulté ; ils en ont des quantités, mais s'en moquent parce qu'ils sentent que le Divin les aidera à atteindre le but, ou qu'il les accompagne même s'ils ne sentent pas sa présence : leur foi les rend imperturbables.
Il faut soit une volonté calme et résolue gouvernant tout l'être, soit un très grand samatâ pour que la transformation s'effectue sans heurts. Dans ce cas, il n'y a pas de révoltes, bien que des difficultés puissent se présenter ; pas d'attaques, mais seulement une action consciente sur les défauts de la nature ; pas de chutes, mais seulement une rectification des actes ou des mouvements faux.
Le mal de tête, s'il apparaît, n'est dû qu'à la pression à laquelle le corps n'est pas accoutumé, ou à une résistance à cet endroit. Les difficultés surviennent évidemment, mais pas toujours au début. Quelquefois, le premier effet du yoga est tel qu'on a l'impression qu'il n'y a aucune difficulté ; elles surviennent par la suite, quand l'exultation fléchit et que la conscience normale a l'occasion de s'affirmer en s'opposant au pouvoir ou à la lumière qui se déverse d'en haut. Il faut combattre ou éliminer cette résistance : la combattre si la nature est instable ou s'impose avec violence, l'éliminer si la
volonté est stable et si la nature sait modérer ses réactions. D'autre part, si la préparation a été longue et que le psychique ou la volonté mentale illuminée ont déjà en grande partie surmonté la résistance de la nature, aucune aggravation ne se produira, ni au début, ni par la suite, mais la transformation se poursuivra stable et tranquille et les difficultés qui subsistent tomberont d'elles-mêmes à mesure que la nouvelle conscience se développera ; ou bien aucune difficulté n'apparaîtra, seuls se produiront la réadaptation et le changement nécessaires.
Souvent, au début, l'expérience fait irruption avec une telle puissance que les éléments qui résistent demeurent assoupis ; ils se réveillent plus tard. Il faut alors faire descendre aussi l'expérience dans ces autres parties de l'être et l'y établir.
Jamais je n'ai dit que le chemin du yoga, que ce soit celui-ci ou un autre, était facile et sans danger. Ce que j'ai dit, c'est que tous ceux qui ont la volonté d'aller jusqu'au bout peuvent le faire. Pour le reste, si vous visez haut, vous courez toujours le danger de piquer au sol si vous conduisez mal votre avion. Mais ce danger n'existe que pour ceux qui se permettent d'avoir un être double, en visant haut tout en s'abandonnant à leur vision inférieure et à leurs passions. Que peut-on espérer lorsque les gens agissent ainsi ? Vous devez concentrer tous vos efforts sur un but unique, alors les difficultés du mental et du vital seront surmontées. Ceux qui, au contraire, oscillent entre leurs sommets et leurs abîmes seront toujours en danger tant qu'ils n'auront pas fait converger leurs efforts sur un seul but. Cela s'applique au sâdhak "avancé" tout autant qu'au débutant. Ce sont des réalités de la nature ; je ne puis, pour rassurer quiconque,
feindre de croire le contraire. Mais il est vrai aussi que nul n'est obligé de se maintenir dans cette dangereuse position. La concentration sur un but unique, la consécration au Divin, la foi, un amour véritable pour le Divin, une complète sincérité de la volonté, l'humilité spirituelle (authentique et non de pure forme), il y a tant de choses qui peuvent protéger contre le risque d'une chute. Tout le monde est sujet aux dérapages, aux faux pas, aux difficultés, aux déséquilibres ; on ne peut être sûr d'y échapper, mais si l'on est protégé, ils sont transitoires, aident la nature à apprendre sa leçon et sont suivis d'un plus grand progrès.
Oui, mais c'est davantage l'absence d'une aspiration concentrée qu'un manque de force de volonté : certains sâdhak sont partis parce qu'ils ont succombé à un désir incompatible avec l'aspiration ferme et unique vers la Réalisation divine.
Si le Bouddha n'avait pas eu de volonté avant sa tapasyâ, comment se fait-il qu'il n'a eu aucune hésitation à tout abandonner pour chercher la Vérité sans jamais regarder en arrière, sans jamais avoir de regrets ni de conflits intérieurs ? Sa seule difficulté était de savoir comment trouver la Vérité ; sa détermination de la trouver n'a jamais chancelé ; même l'intensité de sa tapasyâ n'aurait pas été possible sans cette force de volonté. Ceux qui sont moins forts que le Bouddha devront sans doute la cultiver par l'effort. Ceux qui en sont incapables doivent trouver la force en s'en remettant à la Mère divine.
Un cœur sincère vaut tous les pouvoirs extraordinaires du monde.
Si X s'est laissée aller dans sa conscience et son action à une chute qui retarde sa sâdhanâ, et qu'elle n'est pas encore entièrement capable de surmonter sa faiblesse, ce n'est pas une raison pour que vous permettiez à sa difficulté de triompher de votre foi et de votre effort. Il n'y a aucun lien naturel entre les deux, aucune raison pour qu'il y en ait un : c'est seulement votre mental qui crée ce lien. Chaque sâdhak a une sâdhanâ distincte, ses propres difficultés, sa propre voie à suivre. Sa sâdhanâ ne concerne que lui et le Divin ; personne d'autre n'y a aucune part. Aucune raison non plus pour que, si A tombe ou échoue, B se tourmente, perde sa foi et abandonne son chemin. Le combat de X, quelles que soient sa nature et ses limites, n'appartient qu'à elle seule et ne concerne qu'elle-même et la Mère. Ce n'est pas le vôtre, et cela ne devrait ni vous toucher ni vous concerner ; si vous vous laissez toucher et bouleverser par cela parce qu'il se trouve qu'elle est votre sœur, vous ajoutez inutilement une difficulté supplémentaire aux vôtres et vous entravez votre propre progrès. Restez fidèle à votre chemin, concentrez-vous sur vos obstacles pour les surmonter. Quant à elle, tout au plus pouvez-vous prier le Pouvoir divin de l'aider, et vous en tenir là.
Il n'y a pas de raison d'entretenir quant à l'avenir des doutes confus qui n'ont d'autre raison d'être que l'échec des autres. C'est ce que font sans cesse X et Y, et cela trouble énormément leur progrès. Pourquoi, au contraire, s'il faut s'inspirer des autres, ne pas trouver espoir dans l'exemple de ceux qui sont satisfaits et progressent ? Il est vrai que ceux-ci n'exhibent pas leur succès comme ceux-là leurs échecs. Pourtant, cela mis à part, l'échec découle d'erreurs très précises et surtout de l'absence d'une aspiration ou d'un effort invariable et inlassable. L'effort exigé du sâdhak est fait d'aspiration, de rejet et de don de soi. S'il fait ce triple effort, tout le reste viendra de soi-même par la Grâce de la
Mère et l'action de sa force en vous. Mais des trois, le plus important est le don de soi, dont la forme la plus nécessaire est la confiance et la patience dans les difficultés. Ce n'est pas une règle que la confiance ne puisse pas demeurer s'il n'y a pas d'aspiration. Au contraire, même quand l'aspiration disparaît sous la pression de l'inertie, la confiance et la patience peuvent demeurer. Si la confiance et la patience disparaissaient quand l'aspiration est inactive, cela signifierait que le sâdhak compte seulement sur son propre effort, cela voudrait dire : "Oh, mon aspiration a disparu, il n'y a donc plus d'espoir pour moi. Si mon aspiration disparaît, que peut la Mère ?" Au contraire, le sâdhak devrait se dire : "Peu importe, mon aspiration reviendra. En attendant, je sais que la Mère est avec moi, même quand je ne la sens pas ; elle me guidera, même à travers la période la plus sombre." Telle est la seule attitude à adopter. Contre ceux qui l'ont, le découragement ne peut rien ; même s'il vient, il doit s'en retourner déconfit. Ce n'est pas là une consécration tamasique. La consécration tamasique consiste à dire : "Je ne ferai rien ; que Mère fasse tout. L'aspiration, le rejet, la consécration même ne sont pas nécessaires. Qu'elle fasse tout cela en moi." Ces deux attitudes sont très différentes. L'une est celle d'un tire-au-flanc qui ne veut rien faire, l'autre celle du sâdhak qui fait de son mieux, mais quand il en est réduit momentanément à l'inaction et que les circonstances sont contraires, il garde toujours sa confiance en la force et la présence de la Mère derrière toutes choses, et par cette confiance déconcerte la force d'opposition et rappelle l'activité de la sâdhanâ.
Les raisons de la chute de X,après un an de progrès rapide, sont évidentes ; elles se trouvent dans son caractère et n'existent pas chez les autres. Tous les yogis savent bien qu'une chute est possible et la Guîtâ en parle à plusieurs reprises. Mais comment la chute prouverait-elle que l'expérience
spirituelle n'est pas véritable et authentique ? Si un homme tombe d'un sommet, cela ne signifie pas qu'il ne l'a jamais atteint.
Un homme qui est monté très haut peut tomber très bas, surtout si ses expériences sont venues seulement par l'intermédiaire du mental spirituel, alors que le vital et le physique restent tels quels. Mais dire qu'il tombera sûrement très bas est une absurdité.
Tous ceux que leur être psychique appelle à suivre le chemin spirituel en sont capables et peuvent arriver au but s'ils entretiennent ou acquièrent une volonté dirigée vers lui seul. Mais tout sâdhak est aussi en présence de deux éléments en lui : l'être intérieur qui veut le Divin et la sâdhanâ, et l'être extérieur, principalement vital et physique, qui n'en veut pas et reste attaché aux choses de la vie ordinaire. Le mental est conduit tantôt par l'un, tantôt par l'autre. L'une de ses tâches les plus importantes est par conséquent de trancher fondamentalement la querelle entre ces deux parties et de persuader ou de contraindre, par l'aspiration psychique, par la fermeté de la pensée et de la volonté du mental, par le choix du vital supérieur dans son être émotif, les éléments antagonistes d'abord à se calmer, puis à donner leur consentement. Tant qu'il ne sera pas capable de le faire, son progrès sera soit très lent, soit fluctuant ou en zigzag, puisque l'aspiration au-dedans ne peut pas avoir une action continue ni un résultat durable. Par ailleurs, tant qu'il en sera ainsi, il est probable que le vital se révoltera périodiquement, se plaindra de la lenteur du progrès, se désespérera, sera en proie au découragement, déclarera que l'âdhâr est inapte ; des appels de la vie d'autrefois viendront, attirant des circonstances qui
sembleront les justifier; des suggestions viendront d'êtres humains, mais aussi de pouvoirs invisibles, pressant le sâdhak de s'éloigner de la sâdhanâ en lui rappelant sa vie passée. Et pourtant, de cette vie, il ne tirera vraisemblablement aucune véritable satisfaction.
Les circonstances dans lesquelles vous vous trouvez ne diffèrent pas de celles que les autres ont rencontrées au début et pendant longtemps par la suite. Vous avez quitté la vie de famille, mais par habitude quelque chose dans votre vital y reste encore sensible et c'est cela qui est employé pour vous éloigner d'ici. L'impatience du vital y contribue, parce que le progrès spirituel n'est pas rapide et que vous n'êtes pas continuellement en bonne condition; toutes choses que même les plus grands sâdhak mettent du temps à acquérir. Les circonstances se combinent pour contribuer à vous attirer : par exemple, la maladie de X ou les appels de votre mari qui, quand il vous apaise, vous flatte et vous prodigue supplications et promesses au lieu de vous attaquer, réussissent à vous amadouer et à saper vos défenses. Par ailleurs la Nature vitale et ses pouvoirs suggèrent ceci et cela, que vous êtes inapte, que vous manquez d'aspiration, que la Mère et Sri Aurobindo ne vous aident pas, sont mécontents, indifférents, et qu'il vaut mieux rentrer à la maison.
Tout cela, la plupart des sâdhak l'ont éprouvé et en sont sortis, ont laissé derrière eux les liens du passé. Il n'y a pas de raison que vous n'en fassiez pas autant. Notre aide est toujours là, nous ne la donnons pas à un moment pour la retirer à un autre, nous ne la donnons pas non plus à certains pour la refuser à d'autres. Elle est là pour tous ceux qui font l'effort et ont la volonté d'arriver au but. Mais vous devez être ferme dans votre volonté et ne pas vous laisser duper ou abuser par les suggestions du dehors, ni par celles qui revêtent la forme de vos propres pensées adverses et de vos dépressions ; vous devez les combattre et les surmonter. Cela prendra plus ou moins longtemps selon l'énergie que vous mettrez à les combattre et à les vaincre. Mais chacun
doit faire cet effort de maîtrise et triompher de la vieille nature vitale.
Quant à retourner là-bas, vous devez regarder en vous-même et voir clairement ce qui veut vous y mener. Votre incapacité à faire la sâdhanâ n'est qu'un prétexte sans valeur avancé par les éléments antagonistes du vital et renforcé par la suggestion des forces adverses. Si vous dites que vous sentez pour votre mari, votre fils ou d'autres personnes un attachement si fort que votre âme et votre aspiration ne peuvent rien contre lui, et que votre vraie place est dans votre foyer, alors évidemment, votre départ est inévitable ; mais dans votre cas il est difficile d'admettre que ce soit vrai. Ou si vous dites que l'attirance est encore si grande que vous jugez préférable de partir quelque temps pour vous mettre à l'épreuve et la laisser s'épuiser, alors cela peut à la rigueur être temporairement vrai, si le vital s'est violemment révolté, et nous ne dirions pas non, pas plus que nous n'avons refusé quand vous avez voulu partir pour soigner X. Mais même dans ce cas, il serait plus sage que vous examiniez sérieusement cette éventualité et que vous ne preniez aucune décision sous l'effet d'un état qui, autrement, serait passager. Les lettres de votre mari n'ont pas de valeur pour nous ; il a toujours écrit de cette façon chaque fois qu'il a eu l'espoir de vous voir partir d'ici ; à d'autres moments son ton est tout différent.
Je vous ai exposé toute la question en détail. Pour nous, la bonne manière d'avancer est toujours de poursuivre son chemin quelles que soient les difficultés, jusqu'à ce que l'on ait acquis la maîtrise et que le chemin s'aplanisse. Mais au fond la décision doit être laissée au sâdhak lui-même : on peut le presser de faire le bon choix, non lui ordonner de le faire.
Il y a d'ordinaire, dans l'être humain, deux tendances différentes dans deux parties distinctes de l'être : l'une,
psychique, ou mentale et soutenue par le psychique, cherche le bon chemin et les choses élevées ; l'autre, située principalement dans la partie vitale de l'être, est faite d'instincts et de désirs vitaux, est attachée aux choses de la nature inférieure ou orientée vers elles, et est asujettie aux passions, à la colère, au sexe, etc. Si la partie supérieure domine, la partie inférieure est maîtrisée et ne cause guère d'ennuis. Mais elle est souvent encouragée du dehors par des forces et des pouvoirs de la Nature inférieure universelle qui parfois font intrusion dans la partie la plus vile de l'être et lui confèrent une personnalité distincte et une indépendance qui lui est propre. Cela explique peut-être le rêve où vous avez vu ce monstre horrible, et aussi la résistance de cette autre personnalité. Si c'est bien cela, il ne faut pas considérer cette partie de l'être comme une partie de soi-même, mais comme un élément étranger à l'être véritable. C'est seulement en choisissant systématiquement d'obéir aux édits de la personnalité supérieure et en rejetant systématiquement l'autre personnalité que celle-ci perdra du terrain et finira par se retirer. Ces incidents doivent être affrontés aussi calmement que possible, sans permettre à aucune chute ou aucun échec de troubler le mental, avec une vigilance tranquille et constante et une volonté résolue.
Il n'est pas nécessaire de poser tant de questions et d'en recevoir séparément les réponses. Vos dix questions se résument toutes à une seule. Chaque être humain contient deux parties : d'une part le psychique avec tout ce qui, dans le mental pensant et le vital supérieur, le vital plus vaste, émotif et dynamique, est ouvert au psychique, s'attache aux objectifs de l'âme et accepte les expériences supérieures, et d'autre part le vital inférieur et l'être physique ou extérieur (mental et vital extérieurs inclus) qui sont attachés à la personnalité et à la nature ignorantes et ne veulent pas changer. C'est le conflit entre ces deux parties qui fait toute la
difficulté de la sâdhanâ. Toutes les difficultés que vous énumérez proviennent de cela et de rien d'autre. C'est seulement en éliminant cette dualité que l'on peut les surmonter. Il faut pour cela devenir capable de vivre au-dedans, être conscient de son être intérieur et s'identifier à lui, et considérer le reste comme étranger à soi, comme une création de la Nature ignorante dont on s'est détaché et qui doit disparaître ; il faut aussi, en s'ouvrant constamment à la Lumière et la Force divines, ainsi qu'à la présence de la Mère, toujours maintenir l'action dynamique de la sâdhanâ qui repousse avec fermeté les mouvements de l'ignorance et leur substitue, jusque dans le vital inférieur et l'être physique, les mouvements de la nature intérieure et supérieure. 11 n'y a plus alors de conflit ; les éléments divins se développent automatiquement et les éléments non divins s'estompent. La dévotion du cœur et une activité de plus en plus intense de l'être psychique, favorisée par la dévotion et le don de soi plus que par toute autre chose, sont les moyens les plus puissants de parvenir à cet état.
Tout être humain a une double nature s'il n'est pas né Asoura, Râkshasa ou Pishâtcha, et même ceux-ci, s'ils sont incarnés, ont un être psychique dissimulé quelque part, du fait de leur humanité latente. Mais par être double (ou double nature, dans ce sens particulier), on entend ceux dont l'être est nettement divisé en deux parties fortement contrastées et qui sont encore incapables d'exercer sur elles une maîtrise qui les relierait l'une à l'autre. Tantôt ils sont attirés vers les sommets et alors tout va bien, tantôt ils sont attirés par les abîmes et indifférents aux sommets ou n'ont même pour eux que sarcasmes et railleries et lâchent la bride à l'homme inférieur. Ou encore ils substituent aux sommets un volcan qui fume dans l'abîme. Ce sont des exemples extrêmes, mais d'autres, sans aller jusque là, sont tantôt une chose tantôt le contraire. S'ils convertissent l'homme
inférieur ou découvrent leur être central, un tout harmonieux et vrai pourra se créer.
La difficulté est que dans chaque individu il y a deux personnes au moins : l'une, dans le vital et le physique extérieurs, est attachée au moi passé et tente de gagner ou de retenir l'assentiment du mental et de l'être intérieur ; l'autre - qui est l'âme - réclame une nouvelle naissance. Ce qui a parlé en vous et a formulé cette prière, c'est l'être psychique qui s'exprimait à l'aide du mental et du vital supérieur, et c'est cela qui, par vos prières et par votre orientation vers la Mère, doit toujours se manifester en vous et vous donner l'idée juste et l'impulsion juste.
Il est exact que si vous repoussez sans cesse l'action qui vous est suggérée par le vieil Adam, vous aurez fait un grand pas. Le combat se porte alors sur le plan psychologique où il sera beaucoup plus facile de venir à bout du problème. Je ne nie pas qu'il y aura des difficultés pendant quelque temps ; mais si l'action est maîtrisée, la maîtrise de la pensée et des sentiments ne pourra que venir aussi. Si, au contraire, vous cédez, vous donnez au vieux moi une nouvelle jeunesse.
Ces humeurs changeantes ont pour cause les deux éléments différents qui sont en vous. D'un côté, il y a l'être psychique qui essaie de se développer en vous ; lorsqu'il s'éveille, il vous donne ce sentiment de proximité ou d'union avec la Mère et ce sentiment d'Ânanda ; de l'autre, il y a votre nature vitale d'autrefois, agitée, pleine de désirs et malheureuse à cause de cette agitation et de ces désirs. Cette ancienne nature vitale, parce que vous l'avez acceptée et vous y êtes abandonné, vous a fait sortir du droit chemin et vous a empêché de progresser. Quand le désir et l'agitation du vital sont rejetés, le psychique en vous vient au premier
plan, le vital lui-même change et se sent plein de joie et proche de la Mère. Quand ce vital malheureux et agité réapparaît, vous vous sentez inapte et n'avez de goût pour rien. Ce qu'il faut faire, alors, c'est ne pas y consentir, appeler la Mère pour qu'elle redevienne proche et laisser l'être psychique grandir en vous. Si vous le faites avec persévérance, en rejetant l'agitation et le désir, la partie vitale en vous changera et deviendra apte à la sâdhanâ.
Ces mouvements différents viennent de différentes parties de l'être. C'est, comme vous le dites, quelque chose en vous, quelque chose dans le vital qui a cette "insincérité" ou qui est attiré vers cet état de confusion et de mensonge ; vous ne devriez cependant pas considérer cette partie de votre être comme vous-même, mais comme une partie de l'ancienne nature qui doit être transformée. L'obscurité et l'inconscience appartiennent de même à quelque chose dans le physique ; mais cela non plus, vous ne devriez pas le considérer comme vous-même, mais comme quelque chose qui s'est formé dans la nature extérieure qui doit être transformée et le sera. Le vrai "vous" est l'être intérieur, l'âme, l'être psychique, celui qui appelle la paix, la tranquillité et l'action de la force.
Discuter avec les autres, surtout s'ils sont en mauvaise condition, est toujours une erreur. Le dérangement qui les affecte peut très facilement s'abattre sur vous pendant que vous leur parlez, sans même que vous vous en aperceviez ; vous ne le sentez que plus tard. C'est pourquoi je vous ai dit de ne pas faire attention à X et à ce qu'il dit quand il est dans une mauvaise passe.
L'être se compose de plusieurs parties. L'une peut avoir la connaissance alors que l'autre ne s'en soucie pas ou n'agit
pas en conformité avec elle. Il faut unifier l'être tout entier dans la lumière, pour que toutes ses parties agissent en harmonie et selon la Vérité.
Tout individu est un amalgame non de deux, mais de nombreuses personnalités. Dans notre yoga, la perfection yoguique consiste, entre autres choses, à les harmoniser et à les transmuer afin d'"intégrer" la personnalité.
Je ne crois pas que l'on puisse dire que vous n'avez pas de personnalité. Chez beaucoup de gens les différentes parties de l'être ne sont pas coordonnées et harmonisées ; c'est un état qu'il faut atteindre ou construire. En outre, à un certain stade de la sâdhanâ, il y a presque toujours une disparité ou une opposition entre les parties qui sont déjà tournées vers la Vérité et capables de recevoir l'expérience, et d'autres qui ne le sont pas et vous tirent à un niveau inférieur. Cette opposition n'a pas toujours la même acuité, mais à un degré plus ou moins grand, elle est presque universelle. La coordination et l'organisation ne peuvent s'effectuer de manière satisfaisante que lorsque cette disparité est surmontée. Jusque là, les oscillations sont inévitables [...] Ces difficultés ne doivent pas vous empêcher de regarder plus loin, vers l'ultime accomplissement spirituel qui vous fera sortir de ce tourbillon de forces antagonistes de la Nature.
Vous devez vous rappeler que votre être n'est pas un tout unique et simple, homogène et d'une seule pièce, mais qu'il est complexe, fait de nombreux éléments. Il y a les parties intérieures de l'être qui prennent facilement conscience de la Vérité du Divin ; quand elles viennent au premier plan, tout
va bien. Il y a l'être extérieur qui est plein de l'ignorance, des défauts et des faiblesses du passé, mais qui a commencé à changer. Il n'est pas encore assez transformé, ou n'est pas transformé dans toutes ses parties. Quand une partie quelconque, partiellement transformée, s'ouvre résolument à la paix et à la force, tout le reste devient soit tout à fait tranquille, soit peu actif, et vous percevez la paix et la force, vous vous sentez bien, ou du moins vous n'avez qu'une vague perception de confusion, etc., quelque part. Mais si quelque chose d'ignorant émerge d'en bas ou est un peu en évidence (ou encore si quelque ancien mouvement de conscience, qui avait été rejeté, revient vous obscurcir), vous sentez la paix, la force comme quelque chose qui vous est étranger ou n'existe pas, qui est extérieur à vous ou se trouve à une certaine distance. Si vous persévérez dans la tranquillité, cette instabilité ira en diminuant ; la Force de la Mère pénétrera partout et même s'il reste encore beaucoup à faire, une solide fondation aura été construite pour que ce soit fait.
Je vous ai expliqué qu'il y a une division entre votre être intérieur et votre être extérieur, comme c'est le cas chez la plupart des gens. Votre être intérieur veut et a toujours voulu la Vérité et le Divin ; quand la paix et le pouvoir se font sentir, il vient au premier plan, vous le sentez comme vous-même, vous comprenez les choses, votre connaissance augmente, votre bonheur s'accroît et votre sentiment devient plus vrai. La nature extérieure se transforme sous l'influence de l'être intérieur, mais ce qui est expulsé revient sans cesse par l'effet d'une vieille habitude ; alors vous sentez cette ancienne nature comme si elle était vous-même. Cette nature extérieure, comme celle de presque tous les êtres humains, comme celle de la plupart des sâdhak ici, était égoïste, pleine de désirs ; elle voulait obtenir ce qu'elle désirait et non la Vérité et le Divin. Quand elle revient ainsi
et vous submerge, toutes ces idées et ces sentiments anciens, qui sont toujours les mêmes, s'emparent de vous et essaient de vous pousser au désespoir ; car c'est une force ennemie qui veut les réintroduire en vous. La difficulté est que votre conscience physique ne sait pas encore rejeter ce mouvement quand il apparaît. L'être intérieur le rejette, mais comme la conscience physique le laisse entrer, l'être intérieur est, pour un moment, rejeté en arrière. Vous devez absolument apprendre à ne pas laisser entrer ce mouvement, à ne pas vous y abandonner, à ne pas l'encourager quand il vient. C'est un mensonge et cela ne peut être rien d'autre, et par mensonge j'entends non seulement qu'il est contraire à la sâdhanâ et contraire à la Vérité divine, mais contraire aussi à la vérité de votre être intérieur, à l'aspiration de votre âme et au désir de votre cœur. Comment une telle chose pourrait-elle être vraie ? Elle existe, mais elle n'est pas pour autant la vérité de votre être. C'est l'âme, l'être intérieur qui, en chacun, est le vrai moi. C'est cela que vous devez reconnaître comme votre moi, et le reste doit être rejeté, comme quelque chose de faux qui vous est imposé par la Nature inférieure ignorante.
Il y a deux ou trois choses que je crois nécessaire de vous dire au sujet de votre vie spirituelle et de vos difficultés.
Premièrement, je voudrais que vous vous débarrassiez de l'idée que ce qui est la cause de vos difficultés fait tellement partie de vous-même qu'il vous est impossible d'avoir une véritable vie intérieure. La vie intérieure est toujours possible s'il y a, dans la nature, une possibilité divine qui, si cachée qu'elle soit par d'autres choses, permet à l'âme de se manifester et de prendre sa vraie forme dans le mental et dans la vie : une parcelle du Divin. Cette possibilité divine existe en vous à un degré marqué et exceptionnel. Il y a en vous un être intérieur fait de lumière spontanée, de vision intuitive, d'harmonie et de beauté créatrice qui s'est révélé
d'une manière caractéristique chaque fois qu'il a pu disperser les nuages qui s'accumulent dans votre nature vitale. C'est lui que la Mère a toujours cherché à faire croître en vous et à amener au premier plan. Quand on possède cela, il n'y a pas lieu de se désespérer, aucune raison valable de parler d'impossibilité. Si vous pouviez un jour vous convaincre que c'est votre vrai moi (ce qu'il est en fait, car l'être intérieur est votre vrai moi et l'être extérieur, auquel appartient la cause de vos difficultés, est toujours quelque chose d'acquis et d'impermanent et peut être changé), et si vous pouviez faire de son développement votre objectif fixe et permanent dans la vie, la voie serait libre et votre avenir spirituel ne serait pas seulement une forte possibilité, mais une certitude.
Très souvent, lorsque la nature est dotée ainsi d'un pouvoir exceptionnel, l'être extérieur renferme un certain élément contradictoire qui l'ouvre à une influence tout à fait opposée. C'est ce qui fait que la recherche de la vie spirituelle est si souvent un difficile combat : mais une contradiction de ce genre, même si elle est intense, n'empêche pas de mener la vie spirituelle. Le doute, le conflit, les efforts suivis d'échecs, les chutes, les alternances d'états heureux et malheureux, bons et mauvais, les états de lumière et les états d'obscurité sont le partage de tous les êtres humains. Ils ne sont pas engendrés par le yoga ou la quête de la perfection ; seulement dans le yoga, on devient conscient de leurs mouvements et de leurs causes au lieu de les sentir confusément et on finit par en sortir pour pénétrer dans une conscience claire et heureuse. La vie ordinaire reste jusqu'au bout une succession de problèmes et de conflits, mais le sâdhak du yoga en émerge et finit par trouver une base de sérénité fondamentale que les bouleversements superficiels peuvent encore toucher, mais ne peuvent plus détruire, et tous les bouleversements finissent par cesser complètement.
Même cette expérience qui vous inquiète tant, ces états de conscience où vous parlez et agissez contrairement à votre vraie volonté, n'est pas une raison de désespérer. Sous
une forme ou une autre, elle est fréquente chez tous ceux qui essaient de dépasser la nature ordinaire. Non seulement ceux qui font le yoga, mais les pratiquants d'une religion, et même ceux qui ne cherchent qu'à se discipliner moralement, à devenir meilleurs, se heurtent à cette difficulté. Là non plus, ce n'est pas le yoga ou l'effort vers la perfection qui crée ces conditions : il y a, dans leur nature humaine et dans chaque être humain, des éléments contradictoires qui le font agir d'une manière que réprouve son mental plus éclairé. Cela arrive à tout le monde, aux hommes les plus ordinaires dans la vie la plus ordinaire. Ce phénomène ne se dégage et ne devient évident pour notre mental que lorsque nous cherchons à nous élever au-dessus de notre moi ordinaire et extérieur, parce que nous voyons alors que ce sont les éléments inférieurs qui sont contraints de se révolter consciemment contre la volonté supérieure. Pendant un certain temps, la nature semble alors divisée, parce que l'être vrai et tout ce qui le soutient reculent et se séparent de ces éléments inférieurs. Tantôt l'être vrai envahit toute la nature, tantôt la nature inférieure, utilisée par quelque Force contraire, le repousse et s'empare du terrain ; et maintenant nous le voyons, alors qu'auparavant l'événement se produisait sans que sa nature nous apparaisse clairement. Si la volonté de progrès est ferme, cette division est surmontée et dans la nature unifiée - unifiée autour de cette volonté - d'autres difficultés peuvent se produire, mais ce genre de discorde et de bataille disparaîtra. J'ai longuement écrit sur ce sujet parce que je crois qu'on vous a donné l'idée fausse que c'est le yoga qui engendre cette difficulté, et aussi que cette contradiction ou cette division dans la nature est le signe d'une inaptitude ou d'une impossibilité à le mener à bien. Ces deux idées sont complètement fausses et tout deviendra plus facile si vous les rejetez totalement de votre conscience.
Mais il est vrai que dans votre cas, comme dans d'autres, cette contradiction prend une intensité particulière et très déconcertante en raison d'une faiblesse congénitale du système nerveux qui s'est toujours traduite chez vous par des
accès de mélancolie, de tristesse, d'agitation, d'une obscurité pleine de tourments et vous a empêché d'apprécier la vie. Votre erreur est de penser que vous êtes asservi à cela, que vous ne pouvez y échapper, que c'est une fatalité qui rend impossible une transformation spirituelle de votre nature. J'ai connu d'autres familles affectées de ce genre de faiblesse nerveuse héréditaire qui s'accompagnait très souvent de dons exceptionnels d'intelligence, de sens artistique ou de possibilités spirituelles. Un ou deux individus, comme X, ont pu y succomber, mais d'autres, parfois après une période de graves difficultés, ont surmonté les déséquilibres causés par cette faiblesse ; elle a disparu ou a pris une forme mineure ou inoffensive qui ne s'opposait pas au développement de leur vie et de ses capacités. Pourquoi, par conséquent, désespérer de vous-même ou vous ancrer sans raison valable dans la conviction que vous ne pouvez pas changer et que vous ne vous en débarrasserez jamais? Cette mélancolie, cette conviction antagonique est pour vous le vrai danger; elle vous rend incapable d'une résolution ferme et tranquille et d'un effort permanent et efficace ; à cause d'elle, cet état obscur se renouvelle et vous fait rapidement abdiquer, ce qui permet à la Force extérieure hostile de profiter de cette déficience pour jouer avec vous et vous manipuler à son gré. C'est cette idée fausse qui est responsable de plus de la moitié de vos ennuis.
Il n'y a aucune véritable raison que vous ne surmontiez pas ce défaut de votre être extérieur, comme beaucoup d'autres l'ont fait. Seule une partie de votre nature vitale en est affectée, même si elle obscurcit souvent le reste ; les autres parties de votre être peuvent aisément devenir de bons instruments au service de la possibilité divine dont j'ai parlé. D'autant plus que vous avez une intelligence claire et subtile qui, lorsqu'elle est bien utilisée, devient un instrument prêt à servir la lumière et peut vous être très utile pour surmonter cette faiblesse vitale. Et cette possibilité divine, cette vérité de votre être intérieur, si vous l'acceptez, peut à elle seule assurer votre libération et la transformation de
votre nature extérieure.
Acceptez cette divine possibilité en vous ; ayez foi en votre être intérieur et en sa destinée spirituelle. Ayez pour but dans la vie de développer cet être intérieur qui est une parcelle du Divin ; car un but élevé et sérieux dans la vie est une aide très puissante pour se débarrasser de ce genre de faiblesse nerveuse déséquilibrante ou paralysante ; elle donne à tout l'être une fermeté, un équilibre, un soutien solide, et à la volonté une puissante raison d'agir. Acceptez aussi l'aide que nous pouvons vous donner, et ne vous y fermez pas par incrédulité, par désespoir ou par une révolte sans fondement. À présent, vous ne pouvez pas vaincre, parce que vous n'avez pas établi en vous une foi, un but, une confiance résolue : l'humeur sombre a donc pu obscurcir toute la conscience. Mais quand vous aurez établi cette foi en vous et que vous pourrez vous y tenir, le nuage ne pourra plus demeurer longtemps, l'être intérieur pourra vous venir en aide. Cette meilleure partie de vous-même pourra même rester à la surface, préserver votre ouverture à la lumière et garder à l'âme son terrain intérieur, même si le terrain extérieur est partiellement obscurci ou troublé. Quand cela se produira, la victoire sera acquise et pour éliminer complètement la faiblesse vitale, il suffira d'un peu de persévérance.
Je réponds brièvement aux questions que vous m'avez posées. (1) Pour vous rétablir, vous devez amender votre nature et vous rendre maître de votre être vital et de ses impulsions ; (2) Votre situation dans la société est ou peut devenir celle de bien d'autres qui, dans leur jeune âge, ont commis des excès de toutes sortes, puis sont parvenus à se maîtriser et ont pris dans la vie la place qui leur revenait. Si vous connaissiez mieux la vie, vous sauriez que votre cas n'a rien d'exceptionnel, mais est au contraire très fréquent, et que bien des gens qui en ont fait autant que vous sont devenus par la suite des citoyens utiles et même des hommes
de premier plan dans divers domaines de l'activité humaine. (3) Il vous est parfaitement possible de dédommager vos parents et de combler les espoirs que, me dites-vous, ils avaient placés en vous, si c'est là le but que vous vous fixez. Seulement vous devez d'abord recouvrer la santé et équilibrer correctement votre mental et votre volonté. (4) C'est à vous qu'il appartient de choisir l'objectif que vous vous fixerez dans la vie ; le moyen de l'atteindre dépendra de sa nature. De même, votre situation sera ce que vous en ferez. Mais vous devez avant tout retrouver la santé ; et ensuite, avec un mental tranquille, déterminer votre but dans la vie selon vos capacités et vos préférences. Il ne m'appartient pas de décider pour vous. Je ne puis que vous indiquer ce que je considère moi-même comme les buts et les idéaux dignes d'être poursuivis.
Toute considération extérieure mise à part, un homme a le choix entre deux idéaux intérieurs possibles. Le premier est l'idéal le plus élevé dans la vie humaine ordinaire, et le second l'idéal divin du yoga. (Je dois ajouter, étant donné ce que vous semblez avoir dit à votre père, que le but du premier n'est pas de devenir un grand homme, ni celui du second de devenir un grand yogi). L'idéal de la vie humaine est d'établir sur l'être tout entier la maîtrise d'un mental clair, puissant et rationnel et celle d'une volonté juste et rationnelle, de maîtriser l'être émotif, vital et physique, d'harmoniser le tout et de développer ses capacités, quelles qu'elles soient, puis de les exercer pleinement dans la vie. Dans la terminologie de la pensée hindoue, il consiste à instituer le règne de la bouddhi purifiée et sattwique, à suivre le dharma, à accomplir son propre swadharma et à travailler conformément à ses capacités, à satisfaire kâma et artha sous la domination de la bouddhi et du dharma. Par ailleurs, le but de la vie divine est de réaliser le moi le plus élevé ou de réaliser Dieu, et d'accorder l'être tout entier à la vérité du moi supérieur, ou à la loi de la nature divine, de découvrir ses propres capacités divines, petites ou grandes, et de les exercer dans la vie comme un sacrifice à ce qu'il y a de
plus haut, ou comme un fidèle instrument de la divine Shakti. Je vous écrirai peut-être plus tard au sujet du deuxième idéal. Pour le moment, je ne parlerai que de la difficulté que vous éprouvez à vous conformer à l'idéal ordinaire.
Cet idéal implique la formation du mental et du caractère et il s'agit toujours d'un processus long et difficile, qui exige des années de labeur patient, parfois la plus grande partie d'une vie entière. La principale difficulté que presque tout le monde rencontre sur ce chemin est de maîtriser les désirs et les impulsions de l'être vital. Dans de nombreux cas, comme dans le vôtre, certaines impulsions vigoureuses persistent à aller à rencontre de l'idéal et des exigences de la raison et de la volonté. La cause en est presque toujours une faiblesse de l'être vital lui-même, car lorsqu'il en est affecté, il est incapable d'obéir à ce que lui dicte le mental supérieur et est au contraire forcé d'agir sous l'influence des impulsions qui lui viennent par vagues de certaines forces de la nature. Ces forces sont en réalité extérieures à la personne, mais trouvent dans cette partie d'elle-même une sorte de disposition automatique à les satisfaire et à leur obéir. La difficulté s'aggrave si la faiblesse a son siège dans le système nerveux. Il y a alors ce que la science européenne appelle une tendance à la neurasthénie qui, dans certaines circonstances, peut conduire à des dépressions nerveuses et à des effondrements. C'est ce qui arrive lorsque les nerfs sont soumis à une trop grande tension, ou lorsqu'on s'adonne avec excès au sexe ou à d'autres tendances, parfois aussi lorsque le conflit entre la contrainte de la volonté mentale et ces tendances devient trop aigu et trop prolongé. C'est la maladie dont vous souffrez, et si vous observez ces faits, vous y verrez la vraie raison de la dépression que vous avez eue à Pondichéry. Votre système nerveux était faible ; il ne pouvait obéir à la volonté et résister aux exigences des forces vitales extérieures, et dans cette lutte le mental et les nerfs ont subi une tension trop forte ; un effondrement s'en est suivi, qui a pris la forme d'un accès aigu de neurasthénie. Ces difficultés ne signifient pas que vous êtes incapable de vaincre et de
maîtriser peu à peu vos nerfs et votre être vital pour harmoniser le mental et le caractère. Seulement vous devez comprendre correctement les choses, et non vous laisser aller à des idées fausses et malsaines à leur sujet ; vous devez aussi employer la bonne méthode. Ce qui vous manque, c'est un mental tranquille, une volonté tranquille, patiente, persévérante, qui refuse de céder à l'exaltation comme au découragement, mais insiste tranquillement et sans cesse pour obtenir la transformation nécessaire dans l'être. Une volonté tranquille de ce genre ne peut à la longue échouer. Son effet est inéluctable. Elle doit d'abord rejeter à l'état de veille non seulement les actions habituelles de l'être vital, mais les impulsions qui les provoquent ; elle doit comprendre que celles-ci sont extérieures à la personne, même si elles se manifestent en elle, et rejeter aussi les suggestions qui sont derrière les impulsions. Ainsi rejetées, les pensées et les mouvements naguère habituels peuvent encore se manifester en rêve, parce que selon une loi psychologique bien connue, s'ils sont refoulés ou rejetés dans l'état de veille, ils peuvent continuer à revenir dans le sommeil et le rêve, puisqu'ils existent toujours dans l'être subconscient. Mais si l'état de veille en est tout à fait débarrassé, ces mouvements oniriques disparaîtront peu à peu, faute d'être alimentés, et les impressions s'effaceront graduellement du subconscient. Telle est la cause de ces rêves qui vous effraient tant. Vous devriez voir qu'ils ne sont qu'un symptôme subsidiaire dont vous n'avez pas à vous alarmer, pourvu que vous puissiez acquérir la maîtrise de votre état de veille.
Mais vous devez vous débarrasser dès idées qui vous ont empêché d'arriver à la maîtrise de soi :
1. Comprenez que ces mouvements en vous n'ont pas pour origine une véritable dépravation morale, car celle-ci ne peut exister que si le mental lui-même est corrompu et soutient les impulsions perverses du vital. Quand le mental et la volonté les rejettent, l'être moral est sain et il ne s'agit plus que d'une faiblesse ou d'une maladie des parties vitales ou du système nerveux.
2. Ne ressassez pas le passé, mais tournez-vous vers l'avenir avec une espérance et une confiance patientes. Ressasser les échecs du passé vous empêchera de recouvrer la santé et affaiblira votre mental et votre volonté en les empêchant de participer à votre conquête de vous-même et à la reconstruction de votre caractère.
3. Ne cédez pas au découragement si le succès tarde à venir, mais continuez avec patience et ténacité jusqu'à ce que le nécessaire soit fait.
4. Ne vous torturez pas la tête en vous appesantissant constamment sur vos faiblesses. Ne vous imaginez pas qu'elles vous rendent incapable d'affronter la vie ou de réaliser l'idéal humain. Quand vous aurez reconnu leur existence, cherchez les sources de votre force et appuyez-vous plutôt sur elles et sur la certitude de la victoire.
Votre premier souci doit être de retrouver la santé mentale et physique, et pour cela vous avez besoin de tranquillité d'esprit et, pendant quelque temps, d'une vie tranquille. Ne vous torturez pas la cervelle avec des questions que vous n'êtes pas encore prêt à résoudre. Ne ressassez pas toujours la même chose. Occupez le plus possible votre mental par des activités saines et normales et donnez-lui le plus de repos possible. Plus tard, lorsque l'état et l'équilibre de votre mental seront satisfaisants, vous aurez un jugement clair pour décider de la forme à donner à votre vie et de ce que vous devrez faire à l'avenir.
Ce sont là les meilleurs conseils que je puisse vous donner et je vous ai dit ce qui me semble essentiel pour vous, à présent. Mieux vaut ne pas venir tout de suite à Pondichéry. Je ne puis rien vous dire de plus que ce que je vous ai écrit. Tant que vous serez malade, il vaudra mieux rester auprès de votre père pour qu'il prenne soin de vous ; et surtout, dans les maladies comme la vôtre, la règle de prudence est de ne revenir sur les lieux et dans le milieu où l'on a eu sa crise que lorsqu'on est parfaitement rétabli et que les souvenirs qui s'y associent ont perdu leur intensité, ont relâché leur emprise sur le mental et ne peuvent plus produire
sur lui aucune impression trop vive ou perturbatrice.
Oui, la solution est certes la Grâce divine ; elle vient d'elle-même, tout à coup ou progressivement, quand tout est prêt. En attendant, elle est présente derrière tous les conflits, et l'"invincible aspiration à la lumière" dont vous parlez est le signe visible de son intervention future. Quant à la double nature, ce n'est que l'une des formes de la dualité perpétuelle de la nature humaine à laquelle nul n'échappe, si universelle que de nombreux systèmes la reconnaissent comme un fait établi dont ils doivent tenir compte dans leur discipline : deux Personnes, l'une lumineuse et l'autre obscure, dans chaque être humain. Si cela n'existait pas, le yoga ne serait qu'un jeu d'enfant et il n'y aurait pas de conflit. Mais l'existence de cette double personnalité n'est nullement une raison de croire à une incapacité ; l'obstination de l'élément profane n'en est pas non plus une raison, car il est toujours, par nature, obstiné. C'est comme les Allemands dans leurs tranchées : ils reculent et se retranchent de nouveau en vue d'une nouvelle attaque en niasse chaque fois qu'ils sont mis en déroute. Mais en dépit de tout cela, si la Personne lumineuse est tout aussi déterminée à ne se satisfaire de rien si ce n'est la couronne de lumière, si elle est assez forte pour rendre l'être incapable de se contenter de voler moins haut, c'est le signe que l'être est appelé, qu'il est parmi les élus maigre les apparences extérieures, malgré ses propres doutes et ses désespoirs - nul n'y échappe, pas même un Christ et un Bouddha - et que l'esprit intérieur finira sûrement par triompher. Il n'y a aucune crainte à avoir à cet égard.
Ce que vous dites au sujet du "Double Mauvais" m'intéresse au plus haut point, car cela vient confirmer mon expérience
réitérée qu'un individu exceptionnellement doué pour notre œuvre a toujours, ou presque toujours (mieux vaut peut-être ne pas établir de règles rigides en ces matières) un être qui lui est attaché et apparaît parfois comme une partie de lui-même, et qui est l'exacte contradiction de l'essence même de ce qu'il représente dans l'œuvre à accomplir. Ou si cet être n'est pas là au début, s'il ne s'est pas attaché à la personnalité, une force de ce genre pénètre dans l'atmosphère de cette personne dès qu'elle se met en route vers la réalisation. Ce double semble avoir pour objet de susciter des faux pas et de mauvaises conditions, en un mot de placer devant elle tout le problème de l'œuvre qu'elle a entreprise. C'est, semble-t-il, comme si le problème ne pouvait, dans l'économie occulte des choses, se résoudre autrement qu'au moyen d'un instrument prédestiné qui s'approprie la difficulté. Cela expliquerait bien des choses qui pourraient paraître très déconcertantes à la surface.
Je vous ai déjà fait savoir que j'acceptais les deux personnes dont vous m'avez envoyé les photographies. Pour A, vous avez raison de penser qu'il est un yogi né. Son visage est celui d'un mystique soufi ou arabe ; il l'a certainement été dans une vie passée, et il a dû transporter dans cette existence-ci une grande part de la personnalité qui était alors la sienne. Son être n'est pas exempt de défauts et de limitations. Le mental physique étroit dont vous parlez est visible sur la photographie, bien qu'il ne ressorte pas dans son expression, et pourrait le pousser vers un dénuement ascétique au lieu de le laisser s'élargir et s'ouvrir aux abondantes richesses du Divin. Il pourrait aussi le mener, dans d'autres circonstances, à un certain fanatisme. Mais si, au contraire, il est bien dirigé et s'ouvre aux pouvoirs bénéfiques, ces défauts pourraient se transformer en éléments précieux ; sa capacité pour l'ascétisme se transformerait en une force contre les dangers du vital physique et sa tendance au fanatisme en une intense
dévotion pour la Vérité qui lui serait révélée. Certains problèmes dans l'être vital physique sont aussi à prévoir, mais je ne saurais dire de quelle nature. Dans son cas, l'évolution ne se poursuivra pas entièrement sans danger, ce qui ne peut être assuré que si la base vitale et physique est forte et s'il règne un certain équilibre naturel entre les différentes parties de l'être. Ici, cet équilibre doit être créé, et c'est tout à fait possible. Quel que soit le risque, il faut le prendre, car cette nature est née pour le yoga et l'occasion ne devrait pas lui en être refusée. Il faut lui faire bien comprendre le caractère et les exigences du Yoga intégral.
Passons à B. Il représente sans aucun doute, comme vous le dites, un certain type d'homme riche et heureux en affaires, mais dans cette catégorie il est parmi les meilleurs et présente un caractère solide et magnanime. Par ailleurs, son visage et son expression indiquent un raffinement et une capacité d'idéal peu communs. Nous ne devons certes pas accepter les candidats au yoga parce qu'ils sont riches, mais d'autre part nous ne devons pas non plus être enclins à les rejeter à cause de leurs richesses. La richesse peut être un grand obstacle, mais elle est aussi une grande opportunité, et notre travail a en partie pour but non pas de rejeter, mais de conquérir, pour la manifestation divine, le pouvoir vital et le pouvoir matériel - y compris celui de l'argent - qui sont maintenant détenus par d'autres influences. Si, par conséquent, un homme comme celui-ci manifeste une volonté réelle et sincère de passer dans notre camp et d'y apporter son pouvoir, il n'y a aucune raison de ne pas l'accepter. Il ne s'agit évidemment pas d'un homme né pour le yoga comme C, mais d'un individu qui a en lui la capacité de s'ouvrir à un éveil spirituel, et, je crois, d'une nature qui pourrait échouer à cause de certains manques, mais non à cause d'un élément adverse dans l'être. La seule nécessité est qu'il comprenne et accepte ce que le yoga exige de lui : d'abord la quête d'une Vérité plus grande, ensuite la consécration de lui-même, de ses pouvoirs et de sa fortune au service de cette Vérité, et enfin la transformation de toute sa vie pour qu'elle devienne une expression de cette
Vérité ; il ne lui suffira pas non plus de donner avec enthousiasme une nouvelle tournure à son idéalisme, mais il lui faudra une volonté ferme et délibérée tendue vers le but. Ces hommes riches ont particulièrement besoin de se rendre compte que dans notre yoga, il ne suffit pas de déployer d'un côté un effort spirituel alors que de l'autre le reste des énergies s'adonnent aux motivations ordinaires, mais que la vie et l'être doivent être tout entiers consacrés au yoga. C'est probablement parce que leur vie s'est trouvée partagée ainsi que des hommes comme D n'ont pu progresser, malgré un don inné. Si cela est bien compris et admis, la consécration dont il parle est évidemment, dans sa situation, le premier pas sur le chemin. S'il s'y engage, il sera sans doute bien avisé de venir à bref délai me voir à Pondichéry. Mais cela devra évidemment se décider plus tard...
P.S. J'avais fini d'écrire cette lettre quand j'ai reçu la vôtre du 12. Ce que vous dites de E correspond à ce que j'avais déjà compris à son sujet, avec seulement davantage de précisions. Je ne crois pas que tout cela ait beaucoup d'importance. Toutes les natures vigoureuses ont en elles cette force d'extériorisation active et radjasique, et si cela suffisait à rendre inapte au yoga, très peu d'entre nous auraient eu une chance de pouvoir le faire. Quant au mental physique qui doute que ce yoga soit possible, qui n'en a pas eu l'expérience ? En ce qui me concerne, ce doute m'a poursuivi pendant des années et c'est seulement au cours de ces deux dernières années4 que l'ultime trace de doute, qui ne portait plus vers la fin sur la possibilité théorique du yoga, mais sur la certitude pratique de sa réalisation dans l'état actuel du monde et de la nature humaine, m'a entièrement quitté. On peut dire la même chose de l'attitude égoïste : presque toutes les fortes personnalités sont fortement égoïstes. Mais à en juger par sa photographie, je ne crois pas que son attitude - mi-taureau, mi-bouledogue - soit la même que celle de F. Ces traits de caractère ne peuvent disparaître qu'avec le développement et
4. Cette lettre est datée du 16 avril 1923.
l'expérience spirituels ; alors la force qui est derrière devient un atout. Il ressort évidemment aussi de ce que vous dites au sujet de son expérience (la voix, l'immensité) qu'il a en lui, comme je le pensais, un élément psychique en attente, sur le point de s'éveiller spirituellement. J'ai cru comprendre qu'il attendait d'être convaincu intellectuellement et que cette conviction ne pourrait lui être assurée que par une expérience intérieure. À cela non plus il n'y a rien à redire. Mais la question - qui me semble cruciale dans son cas - est de savoir s'il sera prêt à apporter dans le yoga la volonté et la consécration fermes, entières et absolues qui lui permettront de surmonter tous les conflits et toutes les crises de la sâdhanâ. La disparité entre son attitude mentale et son action est toute naturelle, parce qu'il s'agit précisément d'une attitude mentale. Cette attitude doit devenir spirituelle pour que la vie et l'idéal ne fassent plus qu'un. A-t-il été gâté par le luxe, comme vous le dites, la vie du monde a-t-elle sapé en lui la possibilité de diriger complètement sa volonté vers le Divin ? Si ce n'est pas le cas, on peut lui donner sa chance. Je ne puis dire avec certitude qu'il est ou sera adhikârî. Tout ce que je puis dire, c'est qu'il en a la capacité dans la meilleure partie de sa nature. Je ne puis pas dire non plus qu'il est parmi les "meilleurs". Mais il me semble avoir à l'origine plus de capacité que certains - sinon la plupart - de ceux qui ont été acceptés. En parlant des "meilleurs", je ne voulais pas dire que son âdhâr était sans défauts et à l'abri des dangers, car je ne crois pas qu'un tel âdhâr existe. Mon impression se fonde évidemment sur le sentiment général favorable produit par la physionomie et l'apparence, sur certaines observations bien déterminées que j'ai faites à leur sujet et sur certaines indications psychiques qui, sans être tout à fait sans mélange, étaient dans l'ensemble favorables. Je n'ai pas, comme vous, vu cet homme. Acceptez l'argent qu'il offre, ne lui en demandez pas plus pour le moment, et pour le reste, faites-lui comprendre clairement non seulement ce qu'est le yoga, mais aussi tout ce qu'il exige de la nature. Voyez comment il réagit et si oui ou non on peut lui donner sa chance.
Il n'y a que trois obstacles fondamentaux qui puissent barrer le chemin :
1. L'absence de foi ou une foi insuffisante.
2. L'égoïsme : le mental qui s'accroche à ses idées, le vital qui préfère ses désirs à une vraie consécration, le physique qui tient à ses habitudes.
3. Une inertie ou une résistance fondamentale dans la conscience qui ne veut pas changer parce que l'effort est trop grand, ou parce qu'elle ne veut pas croire en sa capacité ou au pouvoir du Divin - ou pour une autre raison plus subconsciente.
À vous de voir de quel obstacle il s'agit dans votre cas.
La principale difficulté, dans la sâdhanâ, vient des mouvements de la nature inférieure - idées du mental, désirs et attirances du vital, habitudes de la conscience corporelle - qui font obstacle à la croissance de la conscience supérieure ; il y a d'autres difficultés, mais celles-ci constituent le plus gros de la résistance.
Sous une forme ou sous une autre, la résistance du mental et le Prâna qui prend prétexte de la réalisation spirituelle pour rechercher son indépendance et l'épanouissement de l'ego sont des obstacles fréquents dans le yoga.
Chaque partie de la nature veut continuer ses vieux mouvements et refuse autant qu'elle peut d'admettre un changement et un progrès radicaux, parce que cela la soumettrait à quelque chose de plus haut qu'elle et la priverait de sa
souveraineté dans son propre domaine, de son empire séparé. C'est cela qui fait de la transformation une opération si longue et si difficile.
Le mental devient lourd parce que sa base inférieure repose sur le mental physique et sur son principe d'inertie, tannas ; car dans la matière, l'inertie est le principe fondamental. Si les expériences supérieures se poursuivent longtemps ou constamment, cela produit dans cette partie du mental une sensation d'épuisement ou une réaction de malaise ou de lourdeur.
L'extase, samâdhi, est un moyen d'échapper: le corps est tranquillisé, le mental physique est dans un état de torpeur, la conscience interne est alors libre de poursuivre ses expériences. L'inconvénient est que l'extase devient indispensable et que le problème de la conscience de veille n'est pas résolu : elle reste imparfaite.5
La rigidité venait de l'obstination avec laquelle votre mental et votre vital restaient attachés à leurs idées et à leurs habitudes vitales et ne voulaient pas changer. Mais le résultat était plutôt un laisser-aller, une mollesse générale qui refusait d'accorder la nature à l'effort spirituel, mais permettait à toutes sortes de choses de venir jouer leur note sur elle. La plasticité de la conscience est nécessaire, mais une plasticité au véritable Pouvoir, et non aux forces ordinaires de la Nature. Tout mettre en harmonie avec le Très-Haut, tel devrait être votre but ; alors toute la poésie de l'esprit s'exprimera non seulement par écrit, mais dans la vie.
La présence d'imperfections, et même d'imperfections nombreuses et sérieuses, ne saurait être un empêchement
5. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
permanent au progrès du yoga (je ne parle pas de retrouver l'ouverture antérieure, car, suivant mon expérience, ce qui vient après une période d'obstruction ou de lutte, est généralement une ouverture nouvelle et plus large, une conscience plus vaste et un progrès par rapport à ce que l'on avait gagné auparavant et qui pour un temps semblait perdu - mais ne l'était qu'en apparence). Le seul empêchement qui puisse être permanent - mais qui ne l'est pas nécessairement, car cela aussi peut changer - c'est l'insincérité, et elle n'existe pas en vous.
Si l'imperfection était un empêchement, nul homme ne pourrait réussir dans le yoga, car tous sont imparfaits, et je ne suis pas sûr d'après ce que j'ai vu que ce ne soient pas ceux qui ont la plus grande capacité pour le yoga qui n'aient aussi le plus souvent, ou n'aient eu, les plus grandes imperfections.
Vous connaissez, je suppose, le commentaire de Socrate sur sa propre nature. Beaucoup de grands yogis pourraient en dire autant de leur propre nature initiale. Dans le yoga, la seule chose qui compte finalement, c'est la sincérité, et avec elle la patience de persister sur le chemin. Beaucoup, même sans cette patience, vont jusqu'au bout, car en dépit de la révolte, de l'impatience, de la dépression, du découragement, de la fatigue, de la perte temporaire de la foi, c'est une force plus grande que leur moi extérieur - la force de l'Esprit, l'élan du besoin de l'âme - qui les pousse à travers les nuages et les brouillards, vers le but devant eux. Les imperfections peuvent être des pierres d'achoppement et faire faire de mauvaises chutes momentanées, mais elles ne peuvent pas être un empêchement permanent. Les obscurcissements qui viennent de quelque résistance de la nature peuvent être des causes de retard plus sérieuses, mais eux non plus ne durent pas toujours.
La longueur de votre période de marasme n'est pas non plus une raison suffisante pour que vous perdiez foi en votre capacité ou en votre destinée spirituelle. Je crois que les alternances de périodes sombres et brillantes sont
l'expérience presque universelle des yogis et que les exceptions sont très rares. Si l'on cherche les raisons de ce phénomène, tellement désagréable pour notre nature humaine impatiente, on en trouvera, je pense, deux principales. La première est que la conscience humaine ne peut pas supporter une descente constante de Lumière, de Pouvoir ou d'Ânanda, ou bien elle ne peut pas à la fois les recevoir et les absorber ; elle a besoin de périodes d'assimilation. Mais cette assimilation se poursuit derrière le voile de la conscience de surface ; l'expérience ou la réalisation qui sont descendues, se retirent derrière le voile et laissent en jachère la conscience extérieure, de surface, pour qu'elle se prépare à une nouvelle descente. Aux stades plus mûrs du yoga, ces périodes sombres ou ternes deviennent plus courtes, moins pénibles, et elles sont aussi allégées par le sentiment d'une conscience plus grande qui. bien qu'elle n'agisse pas pour un progrès immédiat, demeure cependant et soutient la nature extérieure.
La seconde cause est une résistance, quelque chose dans la nature humaine qui n'a pas senti la descente antérieure, qui n'est pas prêt et peut-être ne veut pas changer - souvent, une forte formation habituelle du mental ou du vital, ou bien une inertie momentanée de la conscience physique, mais pas exactement une partie de la nature - et ceci, ouvertement ou secrètement, fait surgir l'obstacle. Si l'on peut détecter en soi-même la cause, la reconnaître, voir son fonctionnement et appeler le Pouvoir qui la fera disparaître, les périodes d'obscurité peuvent être grandement raccourcies et leur acuité diminue. Mais dans tous les cas, le Pouvoir divin poursuit son travail par derrière, et un jour, peut-être au moment où l'on s'y attend le moins, l'obstacle se brise, les nuages s'évanouissent et de nouveau la lumière et le soleil sont là. La meilleure attitude dans ces circonstances, si l'on peut la prendre, est de ne pas se tourmenter, de ne pas se décourager, mais de persévérer tranquillement et de se garder ouvert, étalé à la Lumière, en attendant avec foi sa venue. J'ai constaté que cela raccourcissait la durée de
l'épreuve. Après, quand l'obstacle a disparu, on s'aperçoit qu'un grand progrès s'est accompli et que la conscience est bien plus capable qu'auparavant de recevoir et de retenir. Il y a une compensation à toutes les épreuves et les tribulations de la vie spirituelle. 6
Le yogi parvient à une sorte de division dans son être où le Pourousha intérieur contemple, calme et inébranlable, les perturbations de l'individu extérieur comme on regarde les passions d'un enfant déraisonnable ; une fois cette attitude stabilisée, il peut commencer à maîtriser aussi l'individu extérieur, mais cette maîtrise complète de l'individu extérieur exige une tapasyâ longue et ardue.
Même d'un yogi réalisé, on ne peut cependant pas toujours attendre une absolue perfection : nombre d'entre eux ne s'intéressent même pas à la perfection de la nature extérieure, ce qui n'invalide en rien leur réalisation et leur expérience. Si vous n'admettez pas cela, vous devez récuser la grande majorité des yogis d'autrefois et aussi tous les Rishis de l'antiquité.
Je reconnais que l'idéal de mon yoga est différent, mais je ne puis l'imposer à d'autres personnalités spirituelles, ni les obliger à y conformer leurs réalisations et leur discipline. J'ai pour idéal la transformation de la nature extérieure, une perfection aussi absolue que possible. Mais vous ne pouvez pas dire que ceux qui ne l'ont pas atteinte ou ne s'en souciaient pas n'avaient aucune spiritualité. Une belle manière de se comporter - non la politesse, qui est quelque chose d'extérieur, bien qu'elle ait sa valeur - fait certainement partie de la parfaite harmonie dès lors que sa beauté se fonde sur la réalisation spirituelle de l'unité et de l'harmonie projetée dans la vie.
6. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
Mais depuis quand la politesse et les bonnes manières en société sont-elles considérées comme une partie ou comme une preuve de l'expérience spirituelle ou de la véritable siddhi yoguique ? Ce n'est pas plus une preuve que la capacité de bien danser ou de s'habiller avec élégance. De même que certains hommes bons et bienveillants se conduisent comme des rustres et des malotrus, de même certains hommes très spirituels (par homme spirituel, j'entends ceux qui ont eu des expériences spirituelles profondes) n'ont aucune prise sur la vie ou l'action physiques (et aussi bon nombre d'intellectuels, soit dit en passant) et ne surveillent nullement leurs manières. Je suppose qu'on m'accuse d'être impoli et arrogant parce que je refuse de voir les gens, parce que je ne réponds pas aux lettres et parce que je me rends coupable de toutes sortes d'autres méfaits. J'ai entendu parler d'un célèbre reclus qui jetait des pierres à tous ceux qui approchaient de sa retraite, parce qu'il ne voulait pas de disciples et n'avait pas trouvé d'autre moyen de se protéger de la foule des postulants. En ce qui me concerne, j'hésiterais à déclarer que des yogis comme celui-ci n'avaient aucune expérience et aucune vie spirituelles. Je préfère certes que les sâdhak se traitent mutuellement avec un minimum d'égards, mais il s'agit là d'une règle d'harmonie dans la vie collective et non d'une siddhi du yoga ou d'un signe indispensable d'expérience intérieure.
À ce que vous dites, dès l'instant où l'on a une expérience ou une réalisation spirituelle, quelle qu'elle soit, on devrait aussitôt devenir parfait, sans défaut ni faiblesse. C'est là une exigence impossible à satisfaire, et c'est méconnaître le fait que la vie spirituelle est une croissance et non un miracle soudain et inexplicable. On ne peut juger un sâdhak comme s'il était un yogi réalisé, et moins encore ceux qui n'ont parcouru que le quart, ou moins encore, d'un très long chemin. Même les grands yogis ne revendiquent pas la perfection et vous ne pouvez dire que, puisque leur perfection n'est pas absolue, leur spiritualité est fausse ou sans utilité pour le monde. Par ailleurs, les hommes spirituels
sont de toutes sortes : certains se satisfont de l'expérience spirituelle et ne recherchent pas une perfection ou un progrès extérieurs, d'autres sont des saints, d'autres encore ne recherchent pas la sainteté ; d'autres enfin se contentent de vivre dans la conscience cosmique, en contact ou en union avec le Tout, mais permettent à toutes sortes de forces de les traverser : c'est, par exemple, la description typique du Paramhansa. L'idéal que je propose à notre yoga est une chose, mais il n'engage pas toute vie et tout effort spirituels. La vie spirituelle ne peut pas se formuler en une définition rigide, ni être liée par une règle mentale fixe, c'est un vaste champ d'évolution, un royaume immense, potentiellement plus vaste que tous ceux qui s'étendent au-dessous de lui, qui possède des centaines de provinces et où l'on trouve des milliers de modèles, d'étapes, de formes, de chemins, de variations dans l'idéal spirituel, de degrés d'avancement spirituel. C'est du point de vue de cette vérité que l'on doit juger de tout ce qui concerne la spiritualité et ses chercheurs, si l'on veut les juger en toute connaissance de cause. C'est seulement en la comprenant ainsi que l'on peut vraiment comprendre la spiritualité, passée ou à venir, donner aux hommes spirituels, passés et présents, la place qui leur revient ou relier entre eux les divers idéaux, les différents stades, etc. qui ont marqué l'évolution spirituelle de l'être humain.
Je réponds à votre lettre, car Mère est encore trop occupée pour écrire.
Ce qu'elle avait dans l'idée, à l'époque, était ce qui, dans la psychologie du yoga indien, s'appelle une perfection "sattwique", perfection qui se traduit en qualités et en actions propres à satisfaire un idéalisme mental, et que les autres peuvent très bien voir et apprécier. Cette perfection engendre souvent un certain genre d'orgueil et de pharisaïsme. un égoïsme "sattwique" qui rend la conscience rigide et non
souple et malléable à la Volonté divine. La vraie perfection spirituelle n'est pas tellement une question de forme ; elle appartient à la substance même de la conscience et a comme elle pour base une harmonie complète avec la Conscience divine, et une faculté de s'adapter à tout instant d'une manière libre et souple à la Volonté divine ; ses formes et les formes de son action ne sont pas si faciles à voir ou à apprécier. Le mot "vertueux" ne s'applique pas à ses mouvements : ils sont justes simplement parce qu'ils sont à l'unisson du Divin.
Il ne faut évidemment pas se laisser entraîner par les véritables imperfections ; adopter ce principe serait dangereux ; les imperfections "apparentes" sont celles qui pourraient apparaître comme telles à une vision purement extérieure. Une colère "vertueuse" pourrait très bien faire partie du pharisaïsme auquel Mère faisait allusion, et il est spirituellement indésirable de s'identifier à un mouvement de colère, vertueux ou non. Mais un mouvement du genre de celui dont elle voulait parler peut, pour un point de vue extérieur, avoir une apparence identique aux mouvements d'imperfection dans la nature, et pourtant être juste au sens que j'ai indiqué plus haut. Il ne s'agit pas d'accomplir une action ou d'adopter une attitude particulière, mais que la conscience intérieure donne à la Volonté divine agissant à travers elle une expression libre et souple.
Çâkya-Mouni est l'un des noms du Bouddha : "le sage des Çâkya", Çâkya étant le clan auquel le Bouddha appartenait de par sa naissance et dont son père était le "roi".
Peu importent les défauts que vous pouvez avoir dans votre nature ; la seule chose qui importe est de vous garder ouvert à la Force. Personne ne peut se transformer par ses propres efforts et sans aide. C'est la Force divine seule qui peut vous
transformer. Si vous vous gardez ouvert, tout le reste sera fait pour vous.7
Toutes les limitations peuvent être surmontées, mais si elles sont gravées dans la constitution de l'être, on ne peut les vaincre qu'en faisant appel à un pouvoir et à une conscience supérieurs au mental et à la volonté personnels. La conscience supérieure peut, par son apport, rectifier ou reconstruire ce qui est défectueux dans la nature personnelle.
Presque personne n'est assez fort pour surmonter sans aide, par sa propre aspiration et sa propre volonté, les forces de la nature inférieure. Même ceux qui le font n'obtiennent qu'une certaine sorte de contrôle et non la maîtrise complète. La volonté et l'aspiration sont nécessaires pour faire descendre l'aide de la Force divine et pour que l'être se range de son côté pendant qu'elle agit sur les pouvoirs inférieurs. La Force divine, accomplissant la volonté spirituelle et l'aspiration psychique du cœur, peut seule effectuer la conquête.8
Comme je vous l'ai dit, il n'est plus d'aucune utilité de se préoccuper de la bonne compréhension ou des mouvements faux et de se mettre dans tous ses états lorsqu'on sent que l'une est absente ou que les autres sont imparfaits. Nul ne peut se transformer lui-même ; même les plus forts parmi les sâdhak de l'Ashram le reconnaissent. Leur effort a pour but de laisser entrer et de développer en eux la Paix, la Force, la Lumière, l'Ânanda de la Mère, car ils savent que c'est cela
7. Les Bases du Yoga, chapitre Il Traduction de la Mère.
8. Les Bases du Yoga, chapitre Il Traduction de la Mère.
qui les transformera. Tant qu'ils n'ont pas acquis cela, qu'ils n'en ont pas encore été touchés, tant que cela n'a pas encore commencé à se développer en eux, ils sont aux prises avec le mental et le vital, parce qu'ils ne peuvent pas s'en empêcher et que c'est nécessaire pour préparer un peu la conscience à recevoir la Paix et la Force. Mais une fois qu'on est en contact avec la Paix et la Force, elles seules doivent compter et l'on doit s'en remettre à elles, se consacrer et se donner à elles - car on a trouvé alors la route directe, on a senti le vrai pouvoir et la vraie conscience.
Je veux que vous soyez ouvert à la Paix, à la Présence et à la Force et en contact avec elles. Tout le reste viendra par surcroît et l'on n'aura plus alors à se soucier du temps que prennent les péripéties9 de la sâdhanâ.
La seule vérité dans votre autre expérience - qui vous paraissait, dites-vous, si vraie sur le moment - est qu'il est impossible pour vous, ou pour quiconque, de sortir de la conscience inférieure par l'effort personnel et sans aide. C'est pourquoi, quand vous sombrez dans cette conscience inférieure, tout vous semble désespéré, car pour un temps vous perdez le contact avec la vraie conscience. Mais cette suggestion est mensongère, parce que vous avez une ouverture au Divin et que vous n'êtes pas obligé de rester dans la conscience inférieure.
Quand vous êtes dans la vraie conscience, vous voyez que tout est possible, même si pour le moment il n'y a qu'un petit commencement ; mais un commencement suffit une fois que la Force et le Pouvoir sont là. Car en vérité, ils peuvent tout ; seuls le temps et l'aspiration de l'âme sont
9. En français dans le texte.
nécessaires pour le changement total et l'accomplissement de l'âme.10
Tout ce que l'on fait par le pouvoir du mental est toujours difficile quand ce que l'on tente va à l'encontre de la tendance de la nature humaine ou de la nature personnelle. Une forte volonté, dirigée avec patience et persévérance sur son objet, peut effectuer un changement, mais d'habitude cela prend longtemps, et au commencement le succès peut n'être que partiel et mitigé de bien des échecs.
Changer automatiquement toute action en acte d'adoration ne peut se faire par le seul pouvoir de la pensée ; il faut dans le cœur une forte aspiration qui amène une certaine perception ou sentiment de la présence de Celui à qui l'adoration est offerte. Le bhakta ne se fie pas à son seul effort, mais à la grâce et au pouvoir du Divin qu'il adore. 11
Ces obstacles sont courants aux premières phases de la sâdhanâ. Ils viennent de ce que la nature n'est pas encore assez réceptive. Il faut découvrir où se situe l'obstacle, dans le mental ou le vital, et essayer d'élargir la conscience en ce point, d'y apporter plus de pureté et de paix, et dans cette paix et cette pureté, offrir cette partie de votre être sincèrement et totalement au Pouvoir divin.12
La véritable raison de cette difficulté et de cette constante oscillation se trouve dans la lutte entre l'être intérieur vrai,
10. Les Bases du Yoga, chapitre Il Traduction de la Mère.
11. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
12. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
qui est voilé, et la nature extérieure, en particulier le vital inférieur plein de désirs et le mental physique plein d'obscurité et d'ignorance. Ce conflit est inévitable dans la nature humaine et aucun sâdhak n'y échappe ; chacun doit affronter cette obscurité et cette résistance, leur obstination et leur constante réapparition ; car ce n'est pas seulement la nature inférieure qui revient et se répète obstinément ; même lorsqu'elle est sur le point de changer, les Pouvoirs généraux de ce plan de la Nature universelle essaient de prolonger la résistance en rappelant à chaque pas les anciens mouvements, pour empêcher le progrès de se confirmer pour de bon et de devenir définitif. Il est par conséquent vrai qu'une sâdhanâ constante, persévérante et ininterrompue est nécessaire, si l'on veut avancer vite, bien qu'il soit possible d'arriver même en s'y prenant autrement, si l'âme au-dedans est appelée ; car l'âme persévérera et après chaque obscurcissement, chaque faux pas, elle fera revenir la lumière et vous fera revenir sur le chemin jusqu'à ce qu'elle se sente enfin assurée d'une marche aisée jusqu'au but.
Une difficulté ou une interruption survient, alors que vous veniez d'amorcer un mouvement ou que vous le poursuiviez depuis quelque temps. Comment l'affronter? - car les interruptions de ce genre sont inévitablement assez fréquentes, non seulement pour vous, mais pour tous les chercheurs ; on pourrait presque dire que chaque pas en avant est suivi d'un arrêt ; du moins c'est une expérience très fréquente, sinon universelle. Il faut d'abord devenir de plus en plus tranquille, de plus en plus ferme dans sa volonté d'aller jusqu'au bout, en s'ouvrant de plus en plus pour que toute absence de réceptivité qui fait obstacle dans la nature puisse diminuer ou disparaître, en affirmant sa foi même au milieu de l'obscurité, une foi en la présence d'un Pouvoir agissant derrière le nuage et le voile, en la direction du Gourou, et en s'observant soi-même pour découvrir la cause de cet arrêt, non dans
un esprit de découragement ou d'abattement, mais avec la volonté de trouver cette cause et de l'éliminer. C'est la seule attitude juste et si on l'adopte avec persévérance, les périodes d'arrêt ne seront pas éliminées - à ce stade, c'est impossible - mais deviendront considérablement plus courtes et plus faciles à supporter. Tantôt ces arrêts sont des périodes plus ou moins longues d'assimilation ou de préparation invisible, et leur apparence d'immobilité stérile est trompeuse ; dans ce cas, en adoptant la bonne attitude, on peut, au bout d'un certain temps, en s'ouvrant, en s'observant, en accumulant les expériences, commencer à sentir, à entrevoir ce qui se prépare ou se fait. Tantôt c'est une vraie période d'obstruction où le Pouvoir à l'œuvre doit lutter contre les obstacles qui se présentent : ceux que l'on porte en soi, ceux qui viennent des forces cosmiques adverses, d'autres forces, ou de toutes ces forces à la fois, et ce genre d'interruption peut être longue ou brève selon l'ampleur, l'obstination ou la complexité des obstacles que l'on rencontre. Mais ici aussi, l'attitude juste peut alléger ou raccourcir l'épreuve, et si l'on persévère, elle peut contribuer à éliminer plus radicalement les difficultés, de sorte que les interruptions totales soient par la suite beaucoup moins nécessaires.
Si, au contraire, vous êtes déprimé, si vous n'avez pas foi en l'aide et en la direction, ou en la certitude de la victoire du Pouvoir qui vous guide, si vous vous enfermez dans vos difficultés, cette attitude nuit à votre rétablissement, prolonge les difficultés, tend à faire revenir en force les obstructions au lieu de les espacer peu à peu. Vous devez écarter résolument cette attitude, soit qu'elle persiste, soit qu'elle revienne, si vous voulez surmonter cette obstruction que vous ressentez si intensément et que votre découragement, tant qu'il dure, ne fait que rendre plus aiguë.
Je ne crois pas qu'aucun sâdhak, si avancé soit-il, puisse être toujours pleinement conscient. Ces fluctuations se produisent
et l'on n'y peut rien, parce que quelque chose, dans la conscience ordinaire, subsiste et apparaît pour qu'on s'en occupe. Il faut le comprendre et ne pas en être bouleversé, car cela ne fait que retarder le processus. Si la vraie conscience était pleinement établie et permanente, la sâdhanâ serait terminée et ce serait la siddhi. Cela ne peut pas venir d'un seul coup.
Je ne cesse de vous le répéter : vous ne pouvez vous attendre à ce que tout s'illumine d'un coup. Même les plus grands yogis ne peuvent procéder que par étapes, et c'est seulement à la fin que toute la nature participe à la vraie conscience qu'ils commencent par établir soit dans le cœur ou derrière lui, soit dans la tête ou au-dessus d'elle. Cette conscience descend ou se répand lentement, prenant possession successivement de chaque plan de l'être, mais chaque étape prend du temps.
Vous devriez comprendre que ces périodes d'obscurcissement ne sont pas dues à une incapacité ou à une perversité qui vous serait particulière : elles atteignent même les meilleurs sâdhak. C'est le problème de la nature humaine qui ne veut pas se laisser transformer. Cette difficulté prend parfois la forme d'une mauvaise volonté quelque part dans le vital, ou d'une tendance du physique à rester attaché aux vieilles erreurs et aux vieilles habitudes, ou à reculer devant l'effort exigé par la transformation, mais sous ce rapport vous avez fait de grands progrès. Ce qui reste, c'est l'habitude automatique de la nature inférieure en général - automatique et non volontaire - de répéter les anciens mouvements auxquels elle s'est accoutumée par le passé ou tout récemment, quand ils viennent de la Nature universelle environnante par vagues puissantes. C'est ce qui fait que vous retombez constamment
dans des états que le progrès spirituel voudrait éliminer, et il n'est pas facile d'empêcher ces rechutes. L'essentiel est de ne pas se laisser affliger ou bouleverser lorsqu'elles se produisent, de comprendre de quoi il s'agit et de rester très tranquille, tout en appelant la Force de la Mère pour qu'elle écarte la difficulté. Ainsi, ces rechutes deviennent moins fréquentes, leur force et leur intensité diminuent aussi et d'autre part on arrive de plus en plus facilement et rapidement à ramener l'état lumineux, heureux, paisible et ouvert. On peut alors poursuivre sur une base assurée un progrès de plus en plus positif.
Ces périodes de difficulté sont inévitables ; nul n'y échappe, car la nature inférieure est présente en chacun. Ce que vous devez faire, c'est garder la fermeté dont vous parlez et persévérer jusqu'à ce que le Pouvoir divin et votre volonté, agissant de concert, en finissent avec ce qui vient d'en bas. Pourquoi considérez-vous ce qui émerge au grand jour comme si cela vous était particulier ? Ces choses font partie de la substance même du vital inférieur de l'être humain, et nul n'en est exempt. Leur présence ne signifie donc pas que vous ne pouvez pas atteindre la Mère. Quand le mental et l'âme ont choisi ce but, les autres parties de l'être ne peuvent que suivre ; seulement comme elles sont plus obscures, la résistance est en elles plus aveugle et plus obstinée. Mais la volonté d'atteindre le but s'est maintenant fixée jusque dans votre vital; seule une partie inférieure a pris l'habitude d'obéir à ces mouvements faux, et par conséquent lorsqu'ils viennent par vagues, elle ne sait pas comment les éviter et se trouve submergée pendant quelque temps. Cela ne peut durer longtemps, car ces mouvements ne sont pas vraiment vôtres, puisque l'être central et la plus grande partie de la nature ne les désirent plus. Vous n'avez qu'à poursuivre fermement votre chemin et un temps viendra où les vagues ne s'élèveront plus.
C'est sans aucun doute la pression de votre psychique que vous exprimez dans cette lettre. L'être psychique veut qu'il en soit ainsi. Mais c'est une erreur d'écouter tout ce qui vous incite à manquer de confiance en vous, à croire en votre incapacité, sous prétexte qu'il n'en est pas encore ou pas toujours ainsi. Cela prend toujours du temps : même une fois commencé, cela prend toujours du temps. On ne peut s'attendre à ce que la nature humaine impure et confuse soit toujours dans un état d'ardente aspiration, de foi et d'amour parfaits ou d'ouverture pleine et constante à la Force divine. Il y a le mental, sa connaissance limitée et ses hésitations ; il y a le vital, ses désirs, sa mauvaise volonté et ses luttes ; il y a le physique, son obscurité, sa lenteur et son inertie. Déblayer le terrain, ne serait-ce que pour avoir un début d'expérience, est en général un labeur très long. Mais ensuite, si la paix ou un autre état favorable survient, il subsiste pendant un certain temps ; alors ce qui reste de la nature inférieure se soulève sous un prétexte quelconque - ou sans aucun prétexte - et voile cet état. La paix et l'ouverture peuvent être si fortes que toutes les difficultés semblent avoir disparu pour de bon, mais ce n'est qu'une indication, une promesse qui montre ce qu'il en sera lorsque la paix et l'ouverture se seront établies irrévocablement dans toute la nature. Pour cela, il faut de la persévérance : continuer sans se décourager, en reconnaissant que le processus de la nature et l'action de la force de la Mère sont à l'œuvre, même au milieu des difficultés, et feront tout le nécessaire. Notre incapacité n'a aucune importance - il n'est aucun être humain qui ne soit incapable, dans quelque partie de sa nature - mais la Force divine est là aussi. Si l'on s'en remet à elle, l'incapacité se transformera en capacité ; la difficulté et la lutte deviendront alors elles-mêmes un moyen d'arriver à la réalisation.
Votre expérience est juste. Tout est préparé en haut, puis mis en œuvre par l'être intérieur jusqu'à ce que les résultats
soient acquis et portés à leur perfection dans la personnalité extérieure. Le sâdhak ne doit donc pas se laisser alarmer, perturber, chagriner ou décourager par les difficultés apparentes du moment. Il doit savoir que tout a été préparé au-dessus et, dans le calme et la confiance, en observer le développement dans son être et y participer.
En général, l'action de la conscience supérieure ne commence pas par transformer la nature extérieure : elle s'exerce sur l'être intérieur, le prépare, puis passe à la nature extérieure. Auparavant, tout changement accompli dans la nature extérieure doit être effectué par le psychique.
Ne vous laissez pas ébranler ni troubler par ces choses. Ce qu'il faut toujours faire, c'est rester ferme dans votre aspiration vers le Divin et affronter avec équanimité et détachement toutes les difficultés et toutes les oppositions. Pour ceux qui veulent mener la vie spirituelle, le Divin doit toujours passer d'abord ; tout le reste doit être secondaire.
Restez détaché et regardez ces choses avec la calme vision interne de celui qui est profondément consacré au Divin.13
On ne peut pas dire si la victoire est proche ou non ; il faut poursuivre régulièrement et méthodiquement la sâdhanâ, sans se préoccuper de ce qui est proche ou lointain, sans dévier du but, sans exaltation s'il semble se rapprocher, ni dépression s'il semble encore lointain.
13. Les Bases du Yoga, chapitre I. Traduction de la Mère.
Le Pouvoir ne descend pas dans le but de soulever les forces inférieures, mais étant donné la façon dont il doit travailler à présent, ce soulèvement arrive par réaction contre le travail. Ce qu'il faut, c'est établir à la base de la Nature entière une conscience calme et vaste ; ainsi, lorsque la nature inférieure apparaîtra, ce ne sera pas comme une attaque ni un conflit, mais comme si un Maître des forces était là, qui voyait les défauts du mécanisme actuel et faisait pas à pas le nécessaire pour y porter remède et le changer.14
La méthode dont vous parlez consiste, à ce que je comprends, à susciter les difficultés afin de les connaître et de les épuiser ou de les détruire. Une fois que l'on a entrepris le yoga, il est inévitable que les difficultés apparaissent et continuent à surgir tant qu'il en reste la moindre trace dans l'être. On peut alors croire qu'il vaut mieux les susciter soi-même en bloc, afin d'en finir une fois pour toutes. Mais bien que cette méthode puisse réussir dans certains cas, elle n'est pas du tout sûre et certaine, même dans le mental et le vital. Épuiser les difficultés est évidemment impossible ; elles sont engendrées par des forces cosmiques, des forces de l'Ignorance cosmique qui ne peuvent être épuisées. Les gens parlent de difficultés qui s'épuisent parce qu'au bout d'un certain temps, elles perdent de leur force et diminuent, mais cela ne peut se faire que par la force de rejet exercée par le Pourousha et par la force d'une intervention divine qui contribue à ce rejet et dissout ou détruit la difficulté chaque fois qu'elle se présente. Même dans ce cas, il est rare que l'on puisse se débarrasser en bloc des difficultés ; quelque chose demeure et revient jusqu'à ce que soudain se produise une intervention divine qui y met fin, ou un changement de conscience qui rend impossible le retour de la difficulté.
14. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
Dans le mental et le vital, on peut cependant le faire.
Dans le physique, c'est beaucoup plus dangereux, parce que là, c'est l'âdhâr physique lui-même qui est attaqué, et une trop grande masse de difficultés physiques peut le détruire, le mutiler ou l'endommager définitivement. Ici la seule chose à faire est d'ouvrir la conscience physique, jusque dans ses parties les plus matérielles, au Pouvoir, et ensuite de l'habituer à y réagir, à y obéir, et devant chaque difficulté physique, dès qu'elle se présente, à exercer ou à appeler le Pouvoir divin afin qu'il expulse la force qui l'assaille. La nature physique est faite d'habitudes : c'est par habitude qu'elle obéit aux forces de la maladie ; on doit lui inculquer l'habitude contraire de n'obéir qu'à la Force divine. Cela, bien entendu, tant que la conscience supérieure, inaccessible à la maladie, n'est pas descendue.
Il est certainement possible de tirer des forces d'en bas. Il se peut que ce soient les forces divines cachées en bas qui montent à votre appel ; en ce cas, ce mouvement ascendant complète le mouvement et l'effort de la force divine d'en haut, particulièrement en l'aidant à faire descendre sa force dans le corps. Il se peut aussi que ce soient les forces obscures d'en bas qui répondent à l'invitation ; en ce cas, les tirer ainsi amène le tamas ou le désordre - quelquefois de grandes masses d'inertie ou un soulèvement et une confusion formidables.
Le vital inférieur est un plan très obscur, et il n'est avantageux de l'ouvrir pleinement que quand les autres plans au-dessus ont déjà été largement ouverts à la lumière et à la connaissance. Celui qui se concentre sur le vital inférieur sans cette préparation supérieure et sans la connaissance, tombera vraisemblablement dans bien des confusions. Cela ne veut pas dire que les expériences de ce plan ne puissent pas venir plus tôt, ni même dès le début ; elles viennent d'elles-mêmes, mais on ne doit pas leur donner une trop grande place.15
15. Les Bases du Yoga, chapitre V. Traduction de la Mère.
Si vous descendez dans les parties ou les zones inférieures de la nature, vous devez toujours avoir soin de garder une connexion vigilante avec les niveaux supérieurs de conscience déjà régénérés et de faire descendre à travers eux la Lumière et la Pureté dans ces régions d'en bas encore non régénérées. Sans cette vigilance, on est absorbé par les mouvements non régénérés des couches inférieures et il se produit un obscurcissement et des difficultés.
Le plus sûr chemin est de demeurer dans la partie supérieure de la conscience et, de là, faire pression sur la partie inférieure afin qu'elle change. On peut travailler de cette façon, seulement il faut attraper le coup et avoir l'habitude. Si vous obtenez le pouvoir de le faire, votre progrès sera beaucoup plus facile, plus égal et moins pénible.16
Vous pouvez sans aucun doute en venir à bout ; ces conflits n'épargnent personne ; ce qui est nécessaire pour s'en sortir, c'est d'avoir de la patience et de la persévérance.
Il est inutile de provoquer ces conflits, comme beaucoup le font, ou même de les accepter quand ils se produisent, dans le seul but d'en finir avec eux, car ils se répètent indéfiniment. Quand on ne peut les éviter, il faut y faire face ; on ne peut y échapper complètement, surtout au stade initial du yoga ; mais si vous pouvez les éviter tranquillement, c'est déjà un progrès. Devenir tranquille et tranquillement, rappeler le véritable état psychique jusqu'à ce qu'il devienne l'état normal et élimine le conflit ou le réduise au minimum, telle est la meilleure manière de progresser.
La meilleure méthode consiste à rejeter tranquillement ces conflits, tout en augmentant la conscience, au lieu de les
provoquer ; cependant, si un conflit s'impose à vous, vous devez y faire face avec calme et courage.
C'est la vieille habitude de la conscience extérieure qui refuse de s'en libérer. Tant que cette volonté de répéter l'ancien mouvement n'est pas rejetée, la Force poursuit son œuvre, mais avec difficulté et à l'arrière-plan, au lieu d'agir à l'avant de la conscience comme elle pourrait le faire si elle avait le consentement de la nature extérieure. Il y a aussi la vieille habitude qui s'obstine à faire naître les difficultés et à les amplifier, au lieu de les rejeter : l'idée fausse que la seule manière de s'en débarrasser est d'accepter leur présence, de l'approuver et de lui donner de l'importance. Je vous ai dit que cette méthode n'était pas la bonne et ne faisait que prolonger le conflit.
Il n'y a pas d'objection à faire la sâdhanâ, mais il faut la faire tranquillement, sans ces conflits et ces inquiétudes continuels, sans se préoccuper du temps que cela prendra, sans entrer dans un cycle constant de "lutte contre les difficultés". C'est là-dessus que j'insiste.
Aucune objection : il est très bon de faire la sâdhanâ dans la conscience supérieure. C'est plus efficace que de lutter tout le temps en bas contre les forces inférieures.
Il y a des forces supérieures et des forces inférieures ; il faut agir sur celles-ci en les mettant en contact avec les forces supérieures, et au cours de ce processus, elles se soulèvent
ou disparaissent, jusqu'à ce qu'elles soient éliminées. Le fait qu'elles se soulèvent n'est pas forcément la conséquence d'une faute ou d'une erreur.
Jamais je n'ai eu connaissance d'un cas où les forces inférieures ne s'étaient pas soulevées. Si pareil cas se présentait, j'imagine que ce serait bien la première fois dans l'histoire de l'humanité.
Toutes les difficultés ne peuvent que disparaître avec le temps, sous l'action de la Force. Elles apparaissent parce que si elles ne le faisaient pas, l'action ne serait pas complète ; car il faut faire face à tout et triompher de tout pour que rien ne puisse subsister et réapparaître par la suite. L'être psychique peut lui-même projeter la lumière grâce à laquelle la pleine conscience apparaîtra et plus rien ne restera dans l'obscurité.
Tout vient en son temps. On doit continuer tranquillement et régulièrement à faire croître la conscience supérieure jusqu'à ce qu'elle prenne possession de la partie physique et vitale.
L'apparition d'une faiblesse doit être considérée comme une occasion de découvrir ce qu'il reste à accomplir et de faire descendre la force dans cette partie de l'être. Le découragement n'est pas la bonne manière d'y faire face.
Ce que vous voyez ne doit pas être une cause de trouble ou d'abattement. Si l'on constate un défaut, on doit le regarder avec le maximum de tranquillité et faire descendre encore plus de force et de lumière pour s'en débarrasser.
Les erreurs sont toujours possibles tant qu'une partie quelconque du mental (même sa partie subconsciente) n'est pas complètement transformée. Il est inutile d'en être troublé.
On ne doit évidemment pas commettre une erreur dans l'intention de la faire apparaître, ni l'accepter une fois qu'elle a été commise ; mais si elle se produit, il faut en profiter pour se transformer.
Un incident comme celui-ci doit toujours être considéré comme une occasion de se maîtriser. Qu'il en aille de votre fierté et de votre dignité : ne soyez pas dominé par les passions, mais devenez-en le maître.
Ne vous laissez pas inquiéter ou bouleverser pour un rien. Regardez les choses d'un point de vue intérieur et essayez de tirer profit de tout ce qui arrive. Si vous commettez une erreur, ne vous en affligez pas : profitez-en plutôt pour en découvrir la raison, afin de trouver à l'avenir le mouvement juste. Et vous n'en serez capable que si vous l'observez tranquillement avec le regard de l'être intérieur, sans en être affligé ni troublé.
Pourquoi vous énerver pour des bagatelles ou vous laisser troubler par elles ? Si vous restez tranquille, tout ira beaucoup mieux, et si une difficulté se présente, vous aurez plus de chance de vous en sortir si votre mental est tranquille, ouvert à la Paix et au Pouvoir. C'est le secret du progrès : ne pas laisser les choses et les événements, pas même les véritables erreurs, vous bouleverser, mais rester tranquille, en vous en remettant au Pouvoir pour qu'il vous guide et rectifie les choses progressivement. Si l'on agit ainsi, tout va effectivement de mieux en mieux et même les difficultés et les erreurs deviennent des moyens d'apprendre et des étapes sur le chemin du progrès.
Nous souhaitons vous voir toujours ainsi, de bonne humeur. C'est la joie du psychique qui a trouvé sa voie et qui est assuré, quelles que soient les difficultés, d'être conduit jusqu'au but. Quand un sâdhak est en permanence dans cet état, nous savons qu'il a surmonté les difficultés majeures et avance d'un pas ferme sur le bon chemin.
Vous demandez comment réparer le tort que vous paraissez avoir fait. En admettant qu'il en soit comme vous le dites, il me semble que la réparation consiste justement à faire de vous-même un réceptacle de la Vérité divine et de l'Amour divin. Et les premiers pas dans ce sens sont une consécration et une purification complètes, une complète ouverture de soi au Divin et un rejet dé tout ce qui en soi peut barrer le chemin de cet accomplissement. Dans la vie spirituelle, il n'y a pas d'autre manière de réparer une faute, quelle qu'elle soit, aucune autre qui soit pleinement efficace. Au commencement on ne doit demander aucun autre fruit ni résultat, seulement cette croissance et ce changement intérieurs, sinon l'on s'expose à de sévères désillusions. C'est seulement
quand on est libre que l'on peut libérer les autres, et dans le yoga, c'est de la victoire intérieure que sort la conquête extérieure.17
Vous vous débarrasserez plus aisément des mouvements faux lorsque vous ferez descendre une paix et une équanimité inébranlables dans cette partie de l'être. Le rejet de ces mouvements deviendra alors plus automatique et la tapasyâ sera moins nécessaire.
Si une partie de vous-même - l'être intérieur - conserve sa tranquillité, vous pourrez alors vous occuper du reste. L'essentiel est par conséquent de ne pas laisser la perturbation vous envahir et voiler le moi intérieur. Rejetez-la toujours.
Il suffit de rejeter fermement et tranquillement, et d'appeler tranquillement et fermement la vraie Force pour qu'elle descende. Toute cette émotivité excessive doit s'apaiser; c'est cela qui fait que le vital s'ouvre à ces forces. Si ce n'était pas le cas, tous les défauts de la nature seraient observés avec calme et rectifiés tranquillement.
Certainement, nous vous accorderons toute notre aide. Quant à la méthode, il y a toujours deux possibilités : l'une consiste à surmonter la difficulté sur son propre terrain, l'autre à développer la réalisation intérieure jusqu'à ce qu'elle devienne si forte que les racines dont vous parlez
17. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
ne pourront plus s'accrocher à rien et céderont facilement par une transformation psychique spontanée.
C'est la vraie conscience qui, en se développant au-dedans, donne le pouvoir. À mesure qu'elle grandit, ces forces vitales s'extériorisent de plus en plus et deviennent étrangères à la nature. C'est seulement par la force de l'habitude qu'elles apparaissent.
Reconnaître ses faiblesses et ses faux mouvements et s'en retirer est le chemin qui mène à la libération.
Ne juger personne que soi-même, jusqu'à ce que l'on puisse voir les choses avec un mental et un vital calmes est une règle excellente. De plus, ne permettez pas à votre mental de se former des impressions hâtives sur la foi de quelque apparence extérieure, ni à votre vital d'agir en conséquence.
Il y a un endroit dans l'être intérieur où l'on peut toujours rester calme et de là regarder avec équilibre et jugement les perturbations de la conscience de surface et agir sur elle pour la changer. Si vous pouvez apprendre à vivre dans ce calme de l'être intérieur, vous aurez trouvé votre base stable.18
Ce que vous écrivez est vrai, sans aucun doute, et il faut s'en apercevoir pour être capable de comprendre et de saisir l'attitude vraie qui est nécessaire pour pratiquer la sâdhanâ. Mais comme je vous l'ai dit, il ne faut pas s'affliger ou se décourager lorsqu'on prend conscience des faiblesses
18. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
inhérentes à la nature humaine et que l'on perçoit à quel point elles sont difficiles à extirper. Cette difficulté est naturelle, puisque ces faiblesses existent depuis des milliers de vies et constituent la nature même de l'ignorance vitale et mentale de l'homme. Qu'elles aient le pouvoir de tenir bon et mettent du temps à disparaître n'a rien de surprenant. Mais il y a en nous, cachés par les formations de surface de la nature, un être vrai et une conscience vraie qui, en émergeant, peuvent nous en débarrasser. En adoptant l'attitude vraie, faite de dévotion intérieure non égoïste, et en la gardant sans se laisser importuner par les interventions réitérées de la nature de surface, on donne à cet être et à cette conscience intérieurs la possibilité d'émerger et, grâce à la Force de la Mère qui agit en eux, de délivrer l'être en empêchant les mouvements de l'ancienne nature de réapparaître.
Que la paix et le don de soi augmentent jusqu'à ce qu'ils prennent possession aussi des parties de l'être où se trouvent des imperfections, et les éliminent. Il est exact que l'on ne doit pas être troublé par les imperfections, mais seulement en être conscient et avoir la volonté ferme et tranquille qu'elles disparaissent.
Si vous restez dans un état pleinement conscient, il ne devrait pas vous être difficile de purifier la nature ; ensuite, vous pourrez entreprendre le travail positif qui consiste à vous transformer en un instrument parfait.
La conscience grandit évidemment à mesure que l'on s'ouvre de plus en plus et l'un des effets de la conscience est que l'on
devient capable de voir en soi-même ; de voir non seulement les faiblesses, mais aussi le jeu des forces dans son ensemble. Seulement, dans la conscience juste, même les faiblesses ne sont pas envisagées d'une manière trop personnelle, ce qui serait décourageant. Vous devez les considérer comme le jeu de la nature - de la nature mentale, de la nature vitale, de la nature physique - commune à tous les êtres humains ; vous devez les voir ainsi et rester calme et détaché, appeler la Force et la Lumière de la Mère pour que cette nature imparfaite se transforme en la vraie nature, sans vous impatienter si tout ne se fait pas d'un seul coup, mais en persévérant et en laissant à la transformation le temps de se produire. La transformation complète ne peut en effet s'opérer avant que tout soit prêt pour la descente d'une conscience plus grande, plus calme et plus vaste, et cela n'est possible que lorsque la conscience ordinaire y a été complètement préparée.
L'amour et la bhakti intenses ne viennent pas dès le début. Ils viennent à mesure que le pouvoir du psychique augmente dans l'être. Mais il est juste d'y aspirer et l'aspiration sincère se réalisera à coup sûr. Cherchez sans cesse à progresser en tranquillité, en bonheur et en confiance, c'est l'attitude la plus efficace. N'écoutez pas les suggestions contraires qui vous viennent du dehors.
Il est vrai que de reconnaître le Pouvoir divin et d'harmoniser sa nature avec lui ne peut se faire sans reconnaître en même temps les imperfections de cette nature ; cependant, c'est une mauvaise attitude d'insister trop sur les imperfections ou sur les difficultés qu'elles créent, ou de manquer de confiance en l'action divine à cause des difficultés que vous éprouvez, ou d'attacher trop d'importance au côté sombre des choses. Ce faisant, vous augmentez la force des difficultés et vous donnez aux imperfections un plus grand droit de persistance. Je ne demande pas un optimisme à la manière
Coué, quoiqu'un optimisme excessif aide davantage qu'un pessimisme excessif ; la méthode Coué tend à recouvrir les difficultés et, de plus, il faut toujours garder une mesure en toute chose. Mais pour vous, le danger n'est pas de recouvrir vos difficultés et de vous illusionner par une perspective trop brillante ; tout au contraire, vous insistez toujours trop sur les ombres, et ainsi vous les épaississez et vous obstruez vos portes de sortie sur la Lumière. De la foi, toujours plus de foi ! La foi en vos possibilités, la foi en le Pouvoir qui travaille derrière le voile, la foi dans l'œuvre qui est à faire et dans la direction qui s'offre à vous.
Il ne peut y avoir de grande tentative (dans le domaine spirituel moins qu'en tout autre) qui ne rencontre ou ne soulève de graves obstacles d'un caractère très persistant. Ces obstacles sont internes et externes, et bien que dans l'ensemble ils soient essentiellement les mêmes pour tous, leur intensité relative et la forme extérieure qu'ils prennent peuvent varier beaucoup. Mais la seule difficulté réelle est de mettre la nature à l'unisson de l'action de la Lumière et du Pouvoir divins. Cette difficulté une fois résolue, les autres disparaîtront ou prendront une place subordonnée ; et même celles qui sont d'un caractère plus général, plus durable - parce que inhérentes au travail de transformation - ne pèseront plus si lourdement, car il y aura le sentiment de la Force qui soutient et un plus grand pouvoir de suivre son mouvement.19
Eh oui, c'est exact. Les difficultés engendrent elles-mêmes la difficulté, c'est un nœud de l'Ignorance ; lorsqu'une certaine perception intérieure relâche le nœud, le plus gros de la difficulté est passé.
19. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
Il est nécessaire d'observer et de connaître les mauvais mouvements en vous, car ils sont la source de votre difficulté et ils doivent être rejetés avec persistance si vous voulez être libéré. Pourtant, ne pensez pas toujours à vos défauts et à vos mauvais mouvements. Concentrez-vous plutôt sur ce que vous devez être, sur l'idéal, avec la foi que le but doit venir et viendra puisqu'il est devant vous.
Observer constamment ses fautes et ses mauvais mouvements, amène la dépression et décourage la foi. Tournez plutôt vos yeux vers la lumière qui arrive, et moins vers une obscurité présente. La foi, la bonne humeur, la confiance en la victoire finale sont des aides : elles rendent le progrès plus facile et plus rapide.
Faites plus de cas des bonnes expériences qui viennent à vous. Une expérience de ce genre a plus d'importance que les faux pas et les insuccès. Et quand elle cesse, ne vous plaignez pas et ne vous laissez pas aller au découragement, mais restez tranquille au-dedans et aspirez à ce qu'elle se renouvelle, plus forte, vous menant à une autre expérience, plus profonde et plus pleine encore.
Aspirez toujours, mais avec plus de tranquillité, en vous ouvrant au Divin simplement et complètement.20
Les défauts doivent être notés et rejetés, mais la concentration doit être positive : vous devez vous concentrer sur ce que vous deviendrez, c'est-à-dire sur le développement de la nouvelle conscience plutôt que sur le côté négatif.
Vous devez être conscient des mouvements faux, mais ils ne doivent pas être votre préoccupation exclusive.
20. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
Si vous avez été projeté du mental dans le vital, c'est que vous étiez trop préoccupé par les difficultés de la nature. Il vaut toujours mieux insister sur le bon côté des choses en vous. Je ne veux pas dire d'une manière égoïste, mais dans la foi, et avec une confiance joyeuse, en appelant l'état positif dont la nature a déjà eu l'expérience pour qu'une croissance positive et constante puisse vous aider à rejeter tout ce qui doit l'être. Le fait est, cependant, qu'aux premiers stades, on est souvent projeté dans les difficultés vitales ; alors au lieu d'aller du mental au psychique (par l'intermédiaire du cœur) on est obligé de passer par le vital perturbé.
On peut revenir sur ses pas pour aller du vital au psychique, si l'on refuse de se préoccuper des difficultés et que l'on se concentre sur des choses positives qui apportent une aide véritable. Soyez confiant et plein de bonne humeur. Doute, Désir et Cie existent, assurément, mais le Divin est là aussi, en vous. Ouvrez les yeux et regardez, regardez jusqu'à ce que le voile se déchire et qu'il - ou Elle - vous devienne visible !
Il est impossible de se débarrasser des difficultés et des perplexités en les ressassant mentalement et en essayant ainsi d'en sortir ; cette habitude du mental ne fait que les amener à se répéter sans apporter de solution et plus on rumine, plus l'imbroglio se prolonge. La solution doit venir de quelque chose de supérieur et d'extérieur aux perplexités. La difficulté du mental physique - et non du véritable intellect pensant - est qu'il ne veut pas croire en cette conscience plus vaste, extérieure à lui, parce qu'il ne la perçoit pas ; et il reste enfermé en lui-même comme dans une boîte, n'acceptant pas la lumière qui l'entoure de toutes parts et fait pression pour entrer. L'action de la conscience
obéit à une loi subtile : si vous donnez de l'importance aux difficultés (vous devez les observer, bien sûr, mais sans leur donner d'importance, car elles s'en accorderont suffisamment elles-mêmes) ces difficultés tendent à s'incruster ou même à s'accroître ; au contraire, si vous insistez exclusivement sur la foi et l'aspiration et que vous vous concentrez fermement sur l'objet de votre aspiration, il tendra tôt ou tard à se réaliser. C'est ce déplacement, ce changement dans la position et l'attitude du mental, qui sera le plus efficace.
Quant aux détails, la méthode qui consiste à concentrer sur eux le mental en essayant de les rectifier est très lente ; il faut le faire, mais d'une manière accessoire ; ce ne doit pas être la méthode principale. S'il lui arrive de réussir, c'est parce qu'après une certaine période de lutte et de tension, quelque chose se libère, une ouverture se produit et la conscience plus vaste dont je parle émerge et entraîne un certain effet général. Mais le progrès est beaucoup plus rapide si l'on peut donner à l'ouverture le rôle essentiel et maintenir les rectifications de détail dans un rôle subalterne, comme une conséquence. Quand on s'ouvre, un progrès essentiel (et par conséquent général) peut être fait et, comme vous le dites vous-même, "s'exprimer et se traduire dans les détails". Le mental essaie toujours de manipuler les détails et de construire avec eux un résultat général ; mais ce qui est au-dessus du mental, et même les plus grands pouvoirs des régions supérieures du mental, tendent plutôt à opérer une transformation essentielle et à l'amener à s'exprimer ou à la laisser se traduire dans tous les détails nécessaires.
Je puis cependant ajouter que l'on peut sentir le changement essentiel sans qu'il s'exprime dans les détails ; par exemple, on peut sentir une paix vaste et silencieuse, ou un état de liberté et de joie, et y demeurer silencieux et en sécurité, sans avoir besoin de le traduire en toutes sortes de détails afin de sentir le progrès accompli.
Ce n'est pas une théorie, mais une expérience constante - et très tangible quand elle vient - qu'au-dessus de nous,
au-dessus de la conscience qui est dans le corps physique, se trouve une vaste étendue qui en quelque sorte lui sert de soutien, faite de paix, de lumière, de pouvoir, de joie ; que nous pouvons en devenir conscients, la faire descendre dans la conscience physique ; et que cette conscience élargie peut, d'abord pendant un moment, puis plus fréquemment et plus longtemps, et enfin en permanence, demeurer et transformer toute la base de notre conscience quotidienne. Même avant de la percevoir au-dessus, nous pouvons soudain la sentir descendre et nous pénétrer. Pour arriver à cela, il faut y aspirer et tranquilliser le mental, afin de rendre possible ce que nous appelons l'ouverture. Un mental calmé (pas forcément immobile ou silencieux, bien qu'il soit bon de pouvoir obtenir cela à volonté ) et une aspiration persévérante dans le cœur sont les deux clés principales du yoga. L'activité du mental est un processus beaucoup plus lent qui ne mène pas à lui seul à ces résultats décisifs. C'est la différence entre une route directe et un chemin qui tourne et vire constamment.
Les moyens négatifs ne sont pas mauvais, ils sont utiles à leur fin qui est de s'évader de la vie. Mais du point de vue positif, ils sont défavorables, parce qu'ils éliminent les pouvoirs de l'être au lieu de les diviniser pour transformer la vie.21
Par moyens négatifs, j'entends ceux qui se contentent de réprimer les désirs, les mouvements faux et l'égoïsme ; par moyens positifs ceux qui tendent à faire descendre la lumière, la paix et la pureté d'en haut dans ces parties de l'être. Je ne veux pas dire que ces mouvements ne doivent pas être
21. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
rejetés ; mais l'énergie ne doit pas être utilisée uniquement à rejeter. Il faut aussi la diriger vers une action positive qui remplace ces mouvements par la conscience supérieure. Plus cette conscience viendra, plus facile aussi sera le rejet.
Cette phrase22 a un caractère général et, comme toutes les généralités, elle a besoin d'être nuancée selon les circonstances. Je m'adressais à ceux qui sont toujours en train de s'appesantir uniquement sur leurs difficultés et leurs points faibles, et mon intention était de les en dissuader, car cette attitude les fait tourner sans arrêt, comme un écureuil en cage, dans le même cercle de difficultés sans laisser filtrer la moindre lumière à travers les nuages. Cette phrase serait plus exacte ou d'une portée plus générale, si j'avais écrit : "pas trop s'appesantir" ou "ne pas s'appesantir uniquement." Rien ne peut évidemment se faire sans rejet. Et dans les périodes ou les moments difficiles, il est impossible de ne pas se concentrer sur les difficultés. Dans les premiers stades, on doit aussi se livrer à un gros travail de déblayage pour avancer tant soit peu sur le chemin.
Si l'imperfection existe, il faut la voir. Ce qu'il faut faire, c'est vivre dans le moi intérieur et de là, voir l'imperfection et la transformer.
Ne pas être touché par les difficultés, ne pas en être troublé, s'en sentir détaché, tel est le premier pas vers la liberté.
22. "Il ne faut pas s'appesantir sur la nature inférieure ou ses obstacles."
Dans votre manière d'agir vis-à-vis de vos difficultés et des mauvais mouvements qui vous assaillent, vous faites probablement l'erreur de trop vous identifier à eux et de les considérer comme faisant partie de votre propre nature. Vous devriez au contraire vous en retirer, vous en détacher et vous en dissocier, les considérer comme des mouvements de la nature inférieure universelle, imparfaite et impure, comme des forces qui entrent en vous et essaient de faire de vous leur instrument d'expression. En vous détachant et en vous dissociant ainsi, il vous sera plus aisé de découvrir la partie de vous - votre être intérieur ou psychique - qui n'est pas attaquée ni troublée par ces mouvements, et de vivre en elle de plus en plus ; ces mouvements lui sont étrangers, elle leur refuse automatiquement tout assentiment et se sent toujours tournée vers les Forces divines et les régions supérieures de conscience, ou en contact avec elles. Trouvez cette partie de votre être et vivez en elle. Être capable de le faire, c'est la vraie base du yoga.
En vous tenant ainsi en arrière, il vous sera plus facile aussi de découvrir derrière le conflit de surface un équilibre tranquille en vous, d'où vous pourrez plus efficacement faire appel à l'aide qui vous délivrera. La présence divine, la tranquillité, la paix, la pureté, la force, la lumière, la joie et la largeur divines sont au-dessus de vous, prêtes à descendre en vous. Trouvez cette tranquillité qui est derrière, et votre mental aussi se tranquillisera, et par ce mental tranquille, vous pourrez appeler et faire descendre, d'abord la pureté et la paix, puis la Force divine. Si vous pouvez sentir cette pureté et cette paix descendre en vous, vous pourrez les faire descendre encore et encore, jusqu'à ce qu'elles commencent à s'établir en vous ; vous sentirez aussi la Force travailler en vous pour changer les mouvements et transformer la conscience. Dans ce travail, vous percevrez la présence et le pouvoir de la Mère. Ceci fait, tout le reste est une question de temps et de développement progressif de votre vraie nature divine.23
23. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
Il peut poursuivre son effort et nous faire savoir s'il obtient un résultat. Les difficultés qui se sont soulevées en lui sont des réactions tout à fait normales et naturelles étant donné l'effort qu'il est en train de faire. Il est de règle que ces résistances apparaissent, car elles doivent se manifester pour que l'on puisse agir sur elles et les rejeter. S'il persévère, c'est ce qui se produira tôt ou tard. Mais au lieu de lutter contre ces résistances, mieux vaut prendre du recul, les observer comme un témoin, rejeter ces mouvements et appeler le Pouvoir divin pour qu'il les élimine. La consécration de la nature n'est pas facile et peut prendre longtemps ; la consécration du moi, si l'on peut la réaliser, est plus facile, et une fois qu'elle est accomplie, celle de la nature se fera tôt ou tard. Mais pour y parvenir, il faut se détacher de l'action de la Prakriti et se considérer comme étant extérieur à elle. Observer les mouvements comme un témoin, sans se laisser décourager ou bouleverser, est la meilleure manière d'effectuer le détachement et la séparation nécessaires. Cela l'aiderait aussi à devenir plus réceptif à tout soutien qui pourrait lui être apporté, et à compter de plus en plus sur ce soutien.
Pour transformer la nature, la première chose à faire est de devenir conscient de l'ancienne nature de surface et de se séparer d'elle. Car cette nature vitale radjasique est une création superficielle de la Prakriti, ce n'est pas l'être vrai ; si permanente qu'elle puisse paraître, elle n'est qu'un amalgame provisoire de mouvements vitaux. Derrière elle se trouve l'être vrai, vital et mental, soutenu par le psychique. L'être vrai est calme, vaste, plein de paix. En prenant du recul et en se détachant, on acquiert la capacité de vivre dans la paix de ce Pourousha intérieur et de ne plus s'identifier à la Prakriti de surface. Il sera ensuite beaucoup plus facile, par la force de la perception psychique et par la Paix, le Pouvoir et la Lumière d'en haut, de transformer l'être de surface.
Ces choses apparaissent soit parce qu'elles sont là, dans la partie consciente de l'être, sous forme d'habitudes de la nature, soit parce qu'elles se tiennent cachées et risquent d'apparaître à tout moment ; ou bien ce sont des suggestions de la Nature universelle ou générale qui viennent du dehors, et auxquelles l'être personnel obéit. Quoi qu'il en soit, elles apparaissent afin que l'on puisse y faire face, les expulser et en fin de compte les rejeter pour qu'elles ne troublent plus la nature. Elles apportent plus ou moins de trouble selon la manière dont on les affronte. Le premier principe est de s'en détacher, de ne pas s'identifier à elles, de ne plus les accepter comme une partie de sa véritable nature, mais de les regarder comme des choses qui vous sont imposées, et auxquelles on dit : "Ce n'est pas moi, cela ne m'appartient pas ; c'est quelque chose que je rejette entièrement". On commence à sentir au-dedans une partie de l'être qui ne s'identifie pas, qui demeure ferme et dit : "Cela me causera peut-être des ennuis à la surface, mais ne me touchera pas." Si l'on peut sentir cet être séparé au-dedans, la moitié du problème est résolu, pourvu que l'on ait la volonté non seulement de se séparer de l'imperfection, mais d'en débarrasser aussi la nature de surface.
Vous devez toujours être conscient du moi et ne pas sentir la nature obscure comme le moi, mais comme un instrument qui doit être mis en harmonie avec le moi.
L'égoïsme, les désirs, les défauts de la nature sont à peu près les mêmes chez tout le monde. Mais dès que l'on commence à en devenir conscient et à vouloir s'en libérer, il suffit d'entretenir cette volonté pour que tout véritable danger disparaisse. Car lorsqu'on commence à devenir conscient - c'est ce qui vient de vous arriver - et que quelque chose
au-dedans fait surgir tout ce qui était caché, c'est le signe que la grâce de la Mère est sur vous, que sa force est à l'œuvre et que votre être intérieur aide la force de la Mère à vous débarrasser de tout cela. Vous ne devez donc ni vous affliger, ni vous décourager, ni avoir peur de quoi que ce soit, mais regarder en face tout ce qui émerge et vouloir que cela s'en aille complètement et pour toujours. Si la force de la Mère est à l'œuvre et que l'être psychique soutient la force, tout peut être fait et tout sera sûrement fait. Cette purification n'a pour but que d'empêcher l'apparition ultérieure d'ennuis semblables à ceux qui sont advenus à certains sâdhak, parce qu'ils ne s'étaient pas purifiés; la conscience supérieure doit en effet descendre dans une nature purifiée pour que la transformation intérieure s'opère en toute sécurité. Poursuivez donc avec foi et courage, en vous en remettant à la Mère.
Tout ce que vous avez écrit ici est parfaitement exact. C'est ainsi, en prenant du recul, en n'étant ni attiré, ni troublé par ces forces, que l'on se libère, que l'on perçoit leur fausseté ou leur imperfection et que l'on devient capable de s'élever au-dessus d'elles et de les surmonter. La conscience qui vient au premier plan peut être soit le psychique, soit le mental spiritualisé ; c'est sans doute le psychique.
La Mère ne parlait pas d'auto-analyse ou de dissection : ces méthodes relèvent du mental et s'appliquent à ce qui est inanimé ou font mourir ce qui est vivant ; ce ne sont pas des méthodes spirituelles. La Mère parlait non d'une analyse, mais d'une vision de soi-même et de tous les mouvements vivants de l'être ou de la nature, d'une vive observation des personnalités et des forces qui animent la scène de notre être, de leurs motifs, de leurs impulsions, de leurs potentialités,
une observation tout aussi intéressante que le fait de voir et de comprendre une pièce de théâtre ou un roman, une vision et une perception vivantes de la manière dont les choses se font en nous, qui apporte aussi une maîtrise vivante sur cet univers intérieur. Tout cela ne devient aride que si l'on y applique le mental analytique et ratiocineur, au lieu de le percevoir intuitivement comme un mouvement de la vie. Si vous aviez cette capacité d'observer du point de vue spirituel intérieur, et non éthique et intellectuel extérieur, il vous serait relativement facile de sortir de vos difficultés ; par exemple, vous trouveriez aussitôt d'où venait cette impulsion irrationnelle de fuir, et elle n'aurait plus aucune emprise sur vous. Tout cela se fait évidemment beaucoup mieux lorsque vous prenez du recul vis-à-vis des mouvements de votre nature et devenez le Maître-Témoin ou le Spectateur-Acteur-Directeur. C'est précisément ce qui se passe quand vous vous placez dans cette position où vous vous observez vous-même.
La crainte que cette méthode soit aride ou douloureuse est une idée de l'intellect qui ne la comprend pas.
Vous vous en tenez à votre version éthico-intellectuelle de la vision intérieure de soi ? Aride ? Policière ? Criminelle ? Grand Dieu ! S'il en était ainsi, elle cesserait tout à fait d'être une vision de soi, car dans la vraie vision de soi il n'y a ni police, ni crime. Tout cela appartient à l'opposition éthico-intellectuelle entre péché et vertu ; ce n'est qu'une construction mentale qui a une valeur pratique dans la vie extérieure, mais ne correspond à aucune véritable valeur intérieure. Dans la vraie vision de soi, nous ne voyons qu'harmonies et désaccords et nous remplaçons les fausses notes par des notes justes. Mais ce que j'en dis n'a pour but que de rétablir la vérité et non de vous persuader d'entreprendre cet effort de vision de soi ; car si vous le faisiez tout en conservant ces idées, vous démarreriez inévitablement sur une base policière et vous vous attireriez des ennuis. Par ailleurs, il
est évident que dans le yoga, vous préférez être le piano plutôt que le pianiste, ce qui est fort bien mais implique un don de soi total et l'intervention du musicien et harmoniste suprême. Qu'il en soit ainsi.
Tout être humain est plein de ces contradictions parce que bien qu'il soit une personne unique, celle-ci est faite de personnalités différentes (les psychologues commencent maintenant à bien percevoir cette personnalité multiple) qui sont très souvent en désaccord. Tant que l'on ne s'est pas fixé pour but d'unifier son être en vue de réaliser un seul objectif majeur, comme de rechercher le Divin et de se consacrer à lui, elles s'entendent plus ou moins, prédominent tour à tour, se querellent ou se débrouillent tant bien que mal ; ou encore l'une d'elles prend la tête et contraint les autres à un rôle subalterne ; mais lorsqu'on essaie de les unir dans un objectif commun, le conflit devient évident.
Vous ne devriez pas être aussi asservi aux choses extérieures; par cette attitude, vous donnez une importance excessive aux circonstances. Je ne dis pas que les circonstances ne peuvent pas aider ou gêner, mais ce ne sont que des circonstances et non la chose fondamentale qui est en nous ; l'aide ou la gêne ne devrait pas avoir une importance primordiale. Dans le yoga, comme dans tout effort humain lorsqu'il est grand ou sérieux, il y aura toujours nombre d'interventions adverses et de circonstances défavorables qui devront être surmontées. Leur accorder une trop grande importance, c'est augmenter leur importance et leur faculté de se multiplier, leur donner, pour ainsi dire, confiance en elles-mêmes et les habituer à revenir. Les affronter avec équanimité - si l'on ne peut pas s'arranger pour y faire face avec une inlassable bonne humeur et une volonté confiante et résolue - diminue, au contraire, leur importance et leurs effets et finit, même si ce n'est pas immédiat, par les
empêcher de persister et de se répéter. C'est par conséquent un principe, dans le yoga, de reconnaître le pouvoir déterminant de ce qui est en nous - car c'est cela, la vérité profonde - de mettre bien en place et de faire prévaloir la force intérieure par opposition au pouvoir des circonstances extérieures. La force est présente même chez les plus faibles ; il faut la trouver, la dévoiler et la maintenir au premier plan, tout au long du voyage et de la bataille.
Rallier une organisation de défense, c'est admettre qu'il y a une guerre civile.24 Du point de vue de la sâdhanâ, on ne doit pas admettre la possibilité d'une guerre civile. Un sâdhak devrait toujours se souvenir que tout dépend de l'attitude intérieure; s'il a une foi parfaite en la Grâce divine, il s'apercevra qu'à chaque pas la Grâce divine lui fera faire ce qu'il faut. Quelque chose le fera sortir de la maison, par exemple, s'il est dangereux d'y rester, et il restera dans la maison s'il y a un danger pour lui au dehors. La Grâce le poussera à faire exactement la chose qui le fera échapper au danger. Mais pour qu'il en soit ainsi, il faut que votre foi soit profondément enracinée, qu'elle imprègne tout votre être et que rien en vous ne la contredise. Et naturellement c'est difficile. Mais il se peut aussi que vous ayez vous-même la foi et que ceux qui vous entourent ne partagent pas votre attitude. Étant au milieu d'eux, vous pouvez être obligé d'admettre des mesures extérieures, de "rallier une organisation de défense", comme vous dites. Même dans ce cas, vous devez vous souvenir que c'est seulement votre attitude intérieure et votre foi qui comptent. Tous les moyens extérieurs ne signifient rien, ils peuvent se révéler absolument inutiles et ne mener à rien, seule la Grâce divine vous protège.
24. Cette lettre a été écrite durant les troubles du Bengale, avant la partition de l'Inde.
C'est l'inconvénient de fuir devant une difficulté : elle vous court après, ou plutôt on l'emporte avec soi, car en réalité la difficulté est en soi et non à l'extérieur. Les circonstances extérieures ne font que lui donner l'occasion de se manifester et tant que la difficulté intérieure ne sera pas vaincue, les circonstances surviendront toujours, d'une manière ou d'une autre.
C'est la vraie raison de tout ce qui arrive à X. Quand, dans la nature, quelque chose doit être surmonté, celle-ci s'attire toujours des incidents qui la mettent à l'épreuve jusqu'à ce que le sâdhak ait vaincu et se soit libéré. Du moins cela se produit souvent, surtout quand la personne fait un effort sincère pour surmonter l'obstacle. On ne sait pas toujours si ce sont les êtres hostiles qui s'efforcent de briser la résolution ou la mettent à l'épreuve (car ils revendiquent le droit de le faire), ou si ce sont, disons, les dieux qui le font pour forcer et accélérer le progrès, ou encore insistent pour que la transformation à laquelle on aspire soit assurée et parfaite dans le détail. Peut-être est-il plus profitable d'adopter ce dernier point de vue.
Vous avez tout à fait raison : c'est ainsi que vous devez considérer cela, comme une occasion qui vous est offerte d'éliminer cette pierre d'achoppement dans la nature. Quand on fait la sâdhanâ, on ne cesse de s'apercevoir que tant qu'il y a, quelque part, un défaut important, les circonstances s'organisent pour donner au défaut l'occasion de se manifester jusqu'à ce qu'il soit rejeté de l'être. Si l'on peut considérer ces circonstances avec clairvoyance lorsqu'elles surviennent et les accepter comme une incitation à vaincre le défaut et une occasion de le faire, on peut progresser très rapidement.
En ce qui concerne l'autre question, il est très bon que vous ayez été capable de critiquer les autres en adoptant une attitude juste et en percevant correctement leurs défauts ; mais cette attitude, il faut aussi l'étendre à leurs erreurs, s'ils en commettent. Car si leurs défauts découlent de leur nature, qui est semblable à celle de tous les êtres humains, leurs actions proviennent de la même source, et il suffit de voir et de comprendre ; la même règle doit s'appliquer dans les deux cas.
On ne peut pas surmonter une difficulté en s'enfuyant devant elle.
Tout cela vient de ce que vous n'avez pas su vous prendre en main comme il le fallait. Ce n'est pas en vous torturant par des remords et des pensées tracassantes que vous pouvez vaincre. C'est en vous regardant en face, très tranquillement, avec une résolution tranquille et ferme, et ensuite en avançant avec bonne humeur, courageusement, en pleine confiance, en vous fiant à la Grâce, avec sérénité et vigilance, en vous ancrant à votre être psychique, en faisant descendre de plus en plus l'amour et l'Ânanda, en vous tournant de plus en plus exclusivement vers la Mère. C'est la vraie manière, et il n'y en a pas d'autre.
Vous avez agi sagement aussi en vous réconciliant avec cet endroit, et en vous sentant assez fort pour régler la situation qui y règne. Une certaine faculté de s'adapter et de s'harmoniser au milieu est nécessaire ; elle était très forte en vous et en conséquence vous réussissiez partout où vous alliez. Votre régression vous a rendu nerveux, vous a déprimé, et a empêché pendant un certain temps cette faculté d'agir aussi bien en vous. Maintenant, grâce à votre nouvelle attitude, j'espère qu'elle redeviendra aussi active et vous aidera
à résoudre toutes vos difficultés.
Nous vous envoyons nos bénédictions. Gardez-vous toujours ouvert au Pouvoir d'en haut et à l'aide que nous vous envoyons d'ici, et restez ferme et fort face à toutes les difficultés qui peuvent encore subsister soit dans la vie extérieure, soit dans la sâdhanâ. Si ces conditions sont réunies, la victoire est toujours assurée.
Le désespoir est absurde et parler de suicide est tout à fait hors de propos. Aussi souvent qu'un homme puisse tomber, la Grâce divine sera là tant qu'il y aspirera et elle finira par le mener à bon port.
Le suicide est une solution absurde. Cette personne se trompe tout à fait en pensant que cela lui donnera la paix ; elle ne fera qu'emporter ses difficultés au-delà, en des conditions de vie plus misérables, et les rapportera dans une. autre vie sur terre. Le seul remède est de se débarrasser de ces idées morbides et de faire face à la vie avec la volonté claire d'accomplir un travail déterminé dont elle fera le but de la vie avec un courage tranquille et actif.25
La sâdhanâ doit se faire dans le corps ; elle ne peut pas se faire par l'âme sans un corps. Quand le corps tombe, l'âme s'en va errer en d'autres mondes, et finalement revient à une autre vie dans un autre corps. Et dans la vie nouvelle, elle retrouve toutes les difficultés qu'elle n'avait pas résolues. Alors à quoi sert-il de quitter le corps ?
De plus, si l'on rejette son corps volontairement, on
25. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
souffre beaucoup dans les autres mondes, et quand on renaît, c'est en des conditions pires et non en de meilleures. La seule chose sensée est d'affronter les difficultés et de les conquérir dès cette vie et dans ce corps.26
La mort n'est pas un moyen de réussir dans la sâdhanâ. Si vous mourez ainsi, vous ne ferez que retrouver les mêmes difficultés, dans des circonstances probablement moins favorables.
Le moyen de réussir dans la sâdhanâ est de refuser de se décourager, d'aspirer avec simplicité et sincérité pour que la force de la Mère puisse agir en vous et fasse descendre ce qui est au-dessus. Nul n'a jamais réussi dans la sâdhanâ par ses propres mérites. S'ouvrir et devenir plastique à la Mère est la seule chose nécessaire.
Ce n'est pas exact. Rejeter la vie n'améliore pas les chances de réussir la prochaine fois. C'est dans cette vie-ci, dans ce corps-ci que l'on doit réaliser ce que l'on a à faire.
Ce n'est pas une bonne tranquillité. La paix du Nirvana aurait un certain sens, mais mourir pour entrer dans la tranquillité par l'extinction de la Prakriti n'est nullement une libération.
Le vrai repos se trouve dans la vie intérieure fondée sur la paix, le silence et l'absence de désirs. Il n'y a pas d'autre repos, car sans cela la machine continue à tourner, que l'on s'y intéresse ou non. La moukti intérieure est le seul remède.
26. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
Il n'y a aucune raison d'abandonner l'espoir de réussir dans le yoga. L'état de dépression que vous sentez en ce moment est temporaire et il s'abat même sur les plus forts sâdhak à un moment ou à un autre, et même revient fréquemment. La seule chose à faire est de tenir ferme avec la partie éveillée de l'être, de rejeter toutes les suggestions contraires et d'attendre en vous ouvrant autant que vous le pouvez au vrai Pouvoir jusqu'à la fin de la crise ou du changement dont cette dépression est une étape. Les suggestions qui assaillent votre mental et vous disent que vous n'êtes pas apte et que vous devez retourner à la vie ordinaire sont des incitations de source hostile. Les idées de ce genre doivent toujours être rejetées comme des inventions de la nature inférieure, et même si elles reposent sur des apparences qui semblent convaincantes pour le mental ignorant, elles sont fausses, parce qu'elles exagèrent un mouvement passager et le présentent comme une vérité exacte et définitive. Il y a une seule vérité en vous, à laquelle vous devez vous accrocher constamment : la vérité de vos possibilités divines et l'appel de la Lumière supérieure à votre nature. Si vous vous tenez à cela toujours ou si vous y retournez constamment quand vous lâchez prise un moment, la vérité se justifiera à la fin en dépit de toutes les difficultés, tous les obstacles et tous les faux pas. Tout ce qui résiste disparaîtra à la longue avec le développement progressif de votre nature spirituelle.
Ce qui est nécessaire, c'est la conversion et la soumission de la partie vitale. Elle doit apprendre à ne demander que la plus haute vérité et à abandonner toute insistance à satisfaire ses impulsions et ses désirs inférieurs. C'est cette adhésion de l'être vital qui apporte la pleine satisfaction et la joie de toute la nature dans la vie spirituelle. Quand cette adhésion est là, il devient impossible même de penser à retourner à l'existence ordinaire. En attendant, la volonté mentale et l'aspiration psychique doivent être votre soutien ; si vous insistez, le vital finira par céder, se convertir et se soumettre.
Fixez dans votre mental et dans votre cœur la résolution de vivre pour la Vérité divine et pour elle seule ; rejetez tout ce qui est contraire ou incompatible avec elle et détournez-vous des désirs inférieurs ; aspirez à vous ouvrir au Pouvoir divin et à nul autre. Faites-le en toute sincérité et l'aide vivante et présente dont vous avez besoin ne vous manquera pas.27
La volonté doit être fixée sur la vie spirituelle ; c'est le seul moyen de surmonter tous les obstacles.
Aucun cas n'est désespéré, à moins que la volonté ne choisisse le plus mauvais chemin.
Pourquoi n'êtes-vous pas capable de voir que cet état n'est pas une vraie conscience, mais seulement un obscurcissement de la vérité, obscurcissement dont vous pouvez toujours vous affranchir si vous choisissez fermement de le faire? Ce que vous exprimez ici n'est pas un manque de compréhension, mais un manque de volonté, et ce manque de volonté n'est pas vôtre, il vous est imposé par une conscience inférieure qui vous domine et vous oblige à renverser toutes les vraies valeurs du sentiment et de la connaissance. Votre être ne demande qu'à être libre, en paix et heureux dans la lumière ; c'est ce Mensonge qui, en s'emparant de votre mental extérieur, vous fait souhaiter d'être plus sombre, plus malheureux, plus révolté, de vous haïr, de quitter la vie. De tels sentiments, une volonté aussi pervertie sont entièrement à l'opposé des sentiments normaux de la nature et ne peuvent être "vrais" et justes. Personne ne vous demande de faire semblant : ce que nous vous demandons,
27. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
c'est de rejeter les perversions du mensonge, les sentiments erronés et l'ignorance, et de ne pas continuer à les soutenir, comme ils veulent que vous le fassiez. Les accepter comme la loi de votre nature, ce n'est pas du courage et de la noblesse, pas plus que ce n'est de la mesquinerie et de la lâcheté d'aspirer à une Vérité plus haute et d'essayer d'agir en accord avec elle et d'en faire la loi de votre nature.
Il y a peu d'espoir qu'il surmonte ses difficultés et ses ennuis s'il ne comprend pas qu'ils viennent de lui-même et non du dehors. C'est la faiblesse de sa nature vitale, l'incapacité déplorable de son être nerveux qui toujours pleurniche, se plaint et se lamente au lieu de regarder la vie en face et de surmonter ses difficultés, c'est l'attitude larmoyante et sentimentale que prend cet être nerveux qui l'empêche de résoudre ses problèmes et les maintient en vie. C'est un tempérament que les dieux n'aideront pas, parce qu'ils savent que leur aide est inutile, car ou bien il ne la recevra pas, ou bien il la répandra et la gaspillera ; et tout ce qu'il y a de radjasique et d'asourique dans le monde méprise et piétine ce genre de nature.
S'il avait acquis une calme vigueur et un courage tranquille et sans faiblesse, sans agitation ni violence, fondés sur une confiance en l'aide qu'il aurait pu recevoir d'ici et sur une ouverture à la force de la Mère, tout aurait déjà été réglé dans le bon sens. Mais il est incapable de profiter de l'aide qui lui est donnée parce que sa nature vitale chérit sa propre faiblesse et est sans cesse en train de s'y abandonner et d'en faire tout un roman au lieu de la rejeter avec mépris, comme une chose indigne d'un être humain et impropre à un sâdhak. C'est seulement s'il la rejette ainsi qu'il pourra recevoir la force qu'il lui faut pour se tenir debout dans la vie ou progresser dans la sâdhanâ.
C'est parce que vous êtes vous-même agité, nerveux, partagé et indécis que nous sommes incapables de prendre une décision définitive.
Si vous acceptez votre faiblesse - ce qui signifie que vous acceptez la chose qui vous tente - une certaine partie de votre nature l'accepte et vous lui cédez ; alors à quoi bon vous dire ce qu'il faut faire? Cette partie de votre vital pourra toujours dire : "J'étais trop faible pour faire ce que vous m'avez dit." La seule façon de vous en sortir est de cesser d'être faible, de congédier cette partie sentimentale de vous-même, d'appeler la force pour qu'elle descende et la remplace, et de le faire avec une résolution ferme et déterminée. Si nous ne pouvons pas vous amener, vous qui avez établi certaines bases de la sâdhanâ, à surmonter cet élément en vous, comment pouvez-vous vous attendre à ce que nous amenions X à le faire, lui qui dit n'avoir aucune base mais au contraire être encore flottant ?
La Mère et moi sommes toujours là pour vous aider. Vous n'avez qu'à vous tourner résolument vers cette aide et elle agira sur vous.
Ce sont des idées fausses qui sont venues s'interposer : idées que vous êtes inapte, que de mauvais éléments en vous vous empêchent de recevoir la grâce de la Mère, que votre manque d'aspiration vous empêche d'accéder à la réalisation et à l'expérience. Ces pensées sont complètement erronées et contraires à la vérité ; elles ne viennent même pas de vous, ce sont des suggestions qui sont jetées sur vous comme sur les autres sâdhak, dans l'intention de vous déprimer. Vous n'avez aucune inaptitude, rien de mauvais au-dedans qui fasse obstacle, aucun manque d'aspiration qui provoque l'arrêt de l'expérience. C'est la dépression, le manque de
confiance en soi, la tendance au désespoir qui sont la seule cause ; il n'y en a pas d'autre. Tous les sâdhak, je vous l'ai dit, même les meilleurs et les plus forts, subissent des interruptions dans le cours de la sâdhanâ ; ce n'est pas une raison pour croire que l'on est inapte et vouloir partir en pensant que tout espoir est perdu. Avec un peu de tranquillité, la sâdhanâ reprendrait son cours. Vous aviez les expériences nécessaires, le progrès nécessaire, et seule l'apparition de certaines difficultés de la conscience physique les a arrêtés pendant un moment. Cela arrive à tout le monde et ne vous est pas particulier, comme je vous l'ai expliqué. Ces difficultés se présentent toujours et doivent être surmontées. Quand l'action de la Force les a surmontées, la sâdhanâ se poursuit comme auparavant. Mais vous commencez à entretenir cette idée fausse que la cause en est votre inaptitude et votre manque d'aspiration, et vous sombrez dans la dépression. Vous devez rejeter tout cela et refuser de croire à ces suggestions. Aucun sâdhak ne devrait se laisser aller à des pensées d'inaptitude et de désespoir : elles sont tout à fait hors de propos, parce que nul ne réussit par son aptitude et sa valeur personnelles, mais par la grâce et le pouvoir de la Mère et par l'assentiment de l'âme à Sa grâce et à l'action de Sa force.
Détournez-vous de ces sombres pensées et regardez uniquement vers la Mère, non dans l'impatience d'obtenir un résultat et dans le désir, mais avec foi et confiance, et laissez son action vous apporter la tranquillité et de nouveaux progrès vers l'ouverture psychique et la réalisation. Cela vous apportera, certainement et sans aucun doute, la foi plus entière et l'amour que vous cherchez.
Par changement, j'entendais un grand progrès dans votre attitude et vos réactions mentales et vitales aux choses extérieures et à la vie, qui ressort très clairement des lettres où vous relatez ces événements et leur donnez une atmosphère nouvelle, chaleureuse, claire et psychique. Naturellement,
le changement n'est pas encore absolu et intégral, mais il semble vraiment fondamental. De plus il est dû sans aucun doute à une bhakti de plus en plus intense au-dedans, et surtout au fait que vous avez accepté le chemin de la bhakti et aux conséquences qui en découlent. Le mental a adopté une nouvelle attitude moins intellectuelle et plus psychique. Ce qui vous empêche de voir augmenter la bhakti (parfois vous l'avez vu et avez écrit dans ce sens), c'est le mental physique qui se remet à brasser ses idées fixes en un tourbillon perpétuel chaque fois qu'il est tant soit peu atteint par la dépression. L'une de ces idées est que vous ne progressez pas, que vous ne ferez jamais et ne pourrez jamais faire aucun progrès ; c'est elle qui disait : "Le yoga n'est pas fait pour les gens comme moi", etc. Après l'activité intempestive du vital, c'est l'activité du mental physique qui maintient la conscience à la surface et l'empêche d'être active intérieurement et de percevoir ce qui se poursuit au-dedans ; elle voit un peu ce qui se passe à la surface de la nature, les effets du mouvement intérieur, mais non la cause des événements qui est le mouvement intérieur lui-même. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'aime voir le mental physique occupé par la poésie, la musique, etc., et d'autres activités salutaires et favorables à la croissance intérieure, où la bhakti intérieure trouve à s'exprimer, car cela occupe le mental physique et le sort de sa ronde mécanique, ce qui permet et favorise la croissance intérieure. Il tourne déjà moins qu'avant et je m'attends à ce qu'un jour ou l'autre il se lasse et abandonne ta partie.
Ces idées ne sont que des suggestions qui apparaissent toujours lorsque vous vous laissez envahir par cette tristesse ; au lieu de vous y abandonner, vous devriez les rejeter immédiatement loin de vous. Il n'y a pas lieu de demander pourquoi vous sentez cet éloignement et cette indifférence, car ceux-ci n'existent pas, et ce sentiment surgit automatiquement, sans aucune raison véritable, en même temps que cette vague de
conscience fausse. Dès que ce sentiment apparaît, vous pouvez être sûr que vous prenez un mauvais tournant ; vous devez le faire cesser et rejeter toutes ses suggestions si caractéristiques. C'est ce que vous avez su faire pendant longtemps et vous avez fait alors un grand progrès, votre conscience et vos idées sont devenues plus justes et vous avez pris la véritable attitude psychique. Vous ne nous gênez pas dans notre travail, pas plus que vous n'empêchez d'autres sâdhak de venir ici ; en vous accrochant à la sâdhanâ en dépit de toutes les difficultés, vous ne vous trompez pas vous-même ; vous faites au contraire ce qu'il faut, et vous ne trompez certainement pas le Divin qui connaît très bien à la fois votre aspiration et vos difficultés. Il n'y a donc pas la moindre raison que vous partiez. Si vous voulez "sincèrement faire le yoga" - et à cela il ne peut y avoir aucun doute - c'est une raison suffisante pour que vous soyez ici. Peu importe que vous n'ayez eu jusqu'à présent aucune expérience occulte telle que la montée de la Koundalinî, etc. : à certains ces expériences viennent tout au début, à d'autres plus tard ; et par ailleurs chacun a des expériences qui se développent différemment selon sa nature. Vous ne devez pas en être avide, ni être déçu et découragé parce qu'elles n'ont pas encore eu lieu. Si on les laisse faire, elles viennent d'elles-mêmes quand la conscience est prête. C'est à la bhakti, à la purification de la nature, à la conscience psychique juste et à la consécration que vous devez aspirer. Aspirez à la bhakti et elle grandira en vous. Elle est déjà là, au-dedans, et c'est elle qui s'exprime dans vos poèmes, dans votre musique et dans les sentiments qui s'élèvent en vous comme dans le temple de la Mère au Cap [Comorin]. À mesure que la bhakti et la pureté grandiront dans la nature, la conscience psychique juste augmentera aussi et vous mènera à la consécration complète. Mais restez ferme et ne vous laissez pas aller à ces idées d'incapacité, de déception et de départ ; elles sont faites de tamas et bonnes tout juste à être jetées de côté.
Rien de ce qui vous est demandé ne dépasse vos capacités : vous l'avez déjà fait, et par conséquent vous en êtes capable. On ne vous demande pas de transformer votre nature par votre propre effort, mais seulement de prendre du recul vis-à-vis de ces idées et de ces pensées, de refuser de vous y abandonner et de rester tranquille au-dedans en laissant la Force, que vous avez sentie à plusieurs reprises, vous transformer. Répéter sans cesse : "Je suis faible, je suis inapte, je ne vaux rien" ne vous mènera nulle part.
Rappelez-vous constamment que la Force divine est là, que vous l'avez sentie, et que même si, pendant un moment, vous avez l'impression de ne plus en être conscient, qu'elle vous paraît lointaine, elle est pourtant là et triomphera certainement. Car ceux que la Force a touchés et pris sous sa protection appartiennent dès lors au Divin.
C'est bien. Plus vous gardez ce sentiment dominant de la Force et du calme et plus vous le laissez s'amplifier, plus l'autre sentiment diminuera et s'estompera. Il en est toujours ainsi au début : le Pouvoir et la Paix ne font qu'exercer leur pression, entrer en contact, envahir par endroits, jusqu'au moment où une partie de l'être se sent constamment dans cet état, si intense que soit la perturbation qui l'assaille à la surface. Ensuite la perturbation est de plus en plus poussée au-dehors, jusqu'à ce qu'on la sente non plus au-dedans de l'être, mais à l'extérieur. Quand cela disparaît aussi, la paix est complète et la sâdhanâ est pleinement établie.
C'est là la question : il est inévitable qu'au cours de l'a sâdhanâ, certaines parties de l'être soient moins ouvertes,
moins avancées, demeurent moins conscientes de la Paix et de la Force, moins proches d'elles que les autres. Il faut agir sur ces parties de l'être et les transformer, mais cela ne peut se faire sans heurts que si vous en êtes détaché, capable de ne pas les considérer comme votre vrai moi, bien qu'elles fassent partie de la nature que vous devez transformer. Alors quand elles apparaîtront avec leurs défauts, vous n'en serez pas bouleversé, vous ne vous laisserez pas emporter par leurs mouvements, vous ne perdrez pas le sentiment de la Paix et de la Force ; vous pourrez agir sur elles (ou plutôt laisser agir la Force) comme si elles constituaient un mécanisme qui doit être mis au point ou un travail qui a été mal fait et doit être repris. Si l'on s'identifie à ces parties de l'être, on a toutes sortes d'ennuis. Le travail se fera tout de même, la transformation s'opérera, mais avec des retards, de graves bouleversements, d'une manière pénible et non en douceur. C'est pourquoi nous conseillons toujours aux sâdhak de rester calmes et détachés et de regarder tout cela non comme leur véritable moi, mais comme une partie extérieure sur laquelle il faut agir tranquillement pour qu'elle devienne ce qu'elle doit être.
Évidemment, c'est souvent une fluctuation de la volonté mentale qui empêche une connaissance acquise d'être systématiquement mise en pratique. Si la volonté n'est pas assez forte, il faut faire appel à la Volonté plus grande qui se tient à l'arrière-plan, et qui est celle de la Mère, sa Force consciente en laquelle connaissance et volonté ne font qu'un, pour qu'elle la renforce et la soutienne. Très souvent, cependant, même si l'on a la volonté et la connaissance, la nature vitale fait revenir par habitude les anciennes réactions. Seule une aspiration régulière que rien ne décourage pourra surmonter cela et faire émerger progressivement le psychique et ses vrais mouvements pour qu'ils expulsent et délogent les mouvements faux. La transformation qui doit
s'accomplir dans le yoga consiste à remplacer graduellement, progressivement la vieille conscience ignorante et ses mouvements par la vraie conscience psychique et spirituelle. Mais cela prend du temps et ne peut se faire facilement ni d'un seul coup. On ne doit par conséquent pas s'inquiéter ni se décourager si, chemin faisant, on s'aperçoit que les anciens mouvements reviennent en dépit de la connaissance que l'on a acquise. On doit seulement se tenir de plus en plus séparé d'eux, afin que s'ils reviennent, l'être ne leur accorde plus son consentement.
Les difficultés du caractère persistent tant que l'on y cède en acte lorsqu'elles apparaissent. On doit se faire une règle stricte de ne pas agir sous l'impulsion de la colère, de l'ego ou de toute faiblesse dont on veut se débarrasser, ou si on s'est laissé emporter à agir, on ne doit ni justifier ni poursuivre son action. Si l'on suit cette règle, au bout de quelque temps la difficulté s'atténue ou se réduit à un mouvement subjectif que l'on peut observer et dont on peut se détacher pour le combattre.
On est toujours ouvert [aux forces ignorantes de la Nature] tant que la transformation n'est pas achevée. Si rien ne pénètre, c'est parce que la conscience est vigilante ou que le psychique est au premier plan, mais dès que la vigilance cesse ou se relâche, quelque chose peut entrer.
On ne doit pas se tracasser, mais il ne faut pas non plus être négligent ; c'est-à-dire qu'on ne doit pas accorder à ces mouvements le consentement de sa volonté ou de sa raison. Car tout assentiment les fait se prolonger ou se répéter. S'ils ne
disparaissent pas lorsqu'ils sont rejetés par le mental et la volonté, c'est que les parties moins conscientes de la nature réagissent à leur manière habituelle. Celles-ci doivent devenir conscientes grâce à la Lumière et à la Force qu'elles reçoivent et finir par refuser d'obéir aux appels de la nature inférieure.
C'est tout à fait juste. Si vous vous maintenez dans cet état, sans lui permettre de s'obscurcir entièrement ou de rester longtemps voilé, vous pourrez avancer rapidement et votre nature connaîtra une nouvelle naissance ; votre vie, toutes vos pensées, tous vos actes et tous vos mouvements auront pour fondement votre être vrai, votre être psychique. Ne donnez jamais votre assentiment aux idées, aux suggestions, aux sentiments qui ramènent l'obscurité, la confusion et la révolte. C'est le consentement qui leur donne la force de revenir. Refusez votre assentiment et ils seront obligés de se retirer aussitôt ou un peu plus tard.
Demeurez dans la lumière ensoleillée de la vraie conscience, car là seulement se trouvent le bonheur et la paix. Ceux-ci ne dépendent pas d'événements extérieurs, mais d'elle seule.
C'est ainsi que se déroule en général le processus par lequel la conscience se transforme. Les forces inférieures abandonnent rarement le terrain sans livrer une longue bataille et souvent plusieurs. Ce qui a été gagné peut se voiler, mais n'est jamais perdu.
Pourquoi vous laisser aller à ces sentiments de remords et de désespoir excessifs quand ces mouvements surgissent du
subconscient ? Cela ne vous aide en rien et rend plus difficile l'élimination, au lieu de la faciliter. L'ancienne nature expulsée depuis longtemps des parties conscientes de l'être revient toujours ainsi dans la sâdhanâ. Cela ne signifie .nullement que la nature soit immuable. Essayez de retrouver la tranquillité intérieure, détachez-vous de ces mouvements et regardez-les avec calme en les réduisant à leurs vraies proportions. Votre vraie nature est celle où vous trouvez la paix, l'Ânanda et l'amour du Divin. L'autre n'est jamais que la périphérie de votre personnalité extérieure qui, en dépit de ces assauts réitérés, est destinée à tomber à mesure que l'être vrai s'étend et s'accroît.
Vous n'avez aucune raison d'être aussi abattu ou de désespérer de votre progrès. Évidemment, vos anciens mouvements ont resurgi, mais cela peut toujours arriver tant que l'ancienne nature n'est pas entièrement transformée, dans la conscience comme dans les parties subconscientes. Quelque chose est apparu qui vous a fait perdre votre équilibre et vous a replongé dans le tourbillon de vos sentiments d'autrefois. La seule chose à faire est de vous calmer et de revenir à la vraie conscience et au véritable équilibre.
La libération que vous ressentez a de bonnes chances d'être fondamentale et définitive. Mais en ces matières, on doit rester vigilant, même après la libération, car souvent ces mouvements se retirent et se tiennent à bonne distance, pour voir s'ils ne pourraient pas, dans certaines conditions, profiter des circonstances pour lancer une attaque et reconquérir leur royaume. Si la purification est complète jusque dans les profondeurs, et que rien n'est là pour leur ouvrir la porte, ils seront impuissants. Mais c'est seulement longtemps
après avoir été libéré que l'on peut dire : "Maintenant tout ira bien, c'est fini, pour toujours."
Votre attitude intérieure doit rester la même. La règle est de ne pas être énervé ou tiré au-dehors par ces "incidents" de la vie extérieure ou par l'apparition d'éléments nouveaux ; ceux-ci doivent entrer comme des vagues dans une mer calme, se mêler à elle et devenir eux-mêmes calmes et sereins.
Votre état actuel est ce qu'il doit être ; seulement vous ne devez pas relâcher votre vigilance. Car lorsqu'on est en bonne condition, les mouvements inférieurs ont pour habitude de s'apaiser et de s'assoupir, d'aller se cacher pour ainsi dire ; ou ils sortent de la nature et restent à une certaine distance. Mais s'ils voient que le sâdhak relâche sa vigilance, ils commencent tout doucement à se soulever ou à s'approcher, invisibles la plupart du temps, et quand il n'est plus du tout sur ses gardes, soudain ils surgissent ou font tout à coup irruption. Cela continue jusqu'à ce que toute la nature, mentale, vitale, physique et même subconsciente, soit illuminée, consciente, emplie du Divin. Tant qu'on n'en est pas arrivé là, on doit toujours rester sur le qui-vive.
L'attitude que vous avez adoptée - conserver le calme intérieur et transformer peu à peu ce qui doit être transformé, en remettant certaines choses à plus tard - bien qu'elle ne soit pas mauvaise en elle-même, vous a peut-être rendu quelque peu négligent, et vous avez laissé s'ébattre à la surface certaines choses (désirs, etc.) qui auraient dû être refrénées. Ce parti pris a pu ouvrir la porte aux vieux mouvements qui sont réapparus à travers cette partie de l'être qui n'était encore nullement prête à se transformer, et les forces hostiles, constatant que vous n'étiez plus sur vos
gardes, en ont profité pour mener à fond leur attaque. Elles sont toujours en éveil, à l'affût d'une occasion que de son côté, le sâdhak doit être suffisamment vigilant pour leur refuser. Il est possible aussi qu'en descendant dans l'atmosphère générale et en exerçant une certaine pression sur la conscience des sâdhak pour les obliger à être plus alertes, plus éveillés, moins absorbés par les mouvements de la nature ordinaire qu'ils ne le sont actuellement, la Force soit tombée sur cette partie de l'être et que la résistance qui s'y trouvait, et depuis longtemps restait surtout passive, soit soudain devenue active sous l'effet de cette pression.
Tous ces mouvements signifient simplement qu'une certaine partie de la nature, pleine de mouvements émotifs habituels, est restée refoulée, et que vous n'en êtes pas encore venu à bout ; elle s'est maintenant soulevée avec le maximum de force, en profitant du fait que la conscience est descendue de ses hauteurs de paix et d'Ânanda. C'est une vieille habitude du vital égoïste qui revient. Vous l'aviez refoulée en bas, dans le subconscient, et reléguée à la périphérie de votre nature, de sorte que celle-ci n'en était pas entièrement débarrassée. Il n'est pas surprenant que ce mouvement ait, pour le moment, repoussé à l'arrière-plan le moi intérieur et ses expériences; s'il ne l'avait pas fait, il ne pourrait pas durer un instant. Mais il n'y a aucune raison pour que vous parliez de cela comme d'une chute irrémédiable : il n'en est rien, malgré la gravité de ce faux pas. Vous devez le reconnaître pour ce qu'il est, sortir de cette vague et rejeter cela loin de vous. Retrouvez votre équilibre et regardez en face ce qui s'est passé, sans en exagérer l'importance ; alors cela passera plus vite.
Mais en réalité, ce ne sont pas là des raisons suffisantes pour tomber dans la tristesse et la dépression. Il est tout à fait
normal que les difficultés reviennent ainsi, et cela ne prouve pas qu'aucun progrès n'a été fait. Ce retour des difficultés (alors qu'on croit avoir triomphé) n'est pas inexplicable. J'ai décrit dans mes ouvrages ce qui se passe. Quand une habitude ancrée depuis longtemps dans la nature est rejetée, elle se réfugie dans une partie moins éclairée de la nature, et quand elle est rejetée du reste de la nature, elle se réfugie dans le subconscient ; de là, elle surgit au moment où vous vous y attendez le moins, réapparaît en rêve ou tout à coup dans des mouvements inconscients ; ou elle sort et reste en attente dans l'être environnant à travers lequel agit la Nature universelle, et de là attaque comme une force venue du dehors qui essaie de recouvrer son empire par une suggestion ou une répétition des anciens mouvements. Il faut tenir bon jusqu'à ce qu'elle ait perdu le pouvoir de revenir. On ne doit pas considérer ces retours ou ces attaques comme des parties de soi-même, mais comme des invasions, et il faut les repousser sans céder à la dépression ou au découragement. Si le mental ne les laisse pas faire, si le vital refuse de les accueillir, si le physique demeure ferme et refuse d'obéir au besoin physique, la pensée, l'impulsion vitale, la sensation physique commenceront à lâcher prise et à ne plus pouvoir se répéter et finiront par devenir trop faibles pour être gênantes.
Il n'y a pas de raison de se décourager. Quand on a progressé aussi loin que vous, c'est-à-dire assez loin pour sentir le calme et le faire durer, et pour avoir autant de discrimination psychique et de sentiment psychique, on n'a pas le droit de désespérer de son avenir spirituel. Vous n'avez pas encore pu passer de la discrimination à la transformation psychique complète, parce qu'une grande partie de la conscience physique extérieure prenait encore plaisir aux anciens mouvements, et leurs racines sont par conséquent restées vivantes dans le subconscient. À un moment où vous n'étiez
plus sur vos gardes, tous ces mouvements sont réapparus en provoquant momentanément une rechute brutale. Mais cela ne veut pas dire que la nature est incapable de se transformer. Seulement le calme équilibre intérieur conscient, la discrimination psychique et surtout une volonté de changer plus forte et plus ferme qu'auparavant doivent s'établir de sorte qu'aucun soulèvement, aucune invasion ne pourra voiler même en partie la discrimination ou suspendre la volonté. Vous avez vu la vérité, mais cette partie de l'ancienne nature qui s'est soulevée refusait de la reconnaître ; elle voulait agir à sa guise et vous a imposé sa volonté. Cette fois-ci, vous devez exiger de tout l'être une sincérité complète qui refusera de démentir ce que voit la discrimination psychique et qui n'accordera ni soutien, ni consentement, dans aucune partie de l'être, à ce qu'elle réprouve ; vous devez exiger l'humilité spirituelle, refuser d'être content de vous, de vous justifier, de chercher à vous imposer, de juger les autres, etc. Tous ces défauts, vous savez qu'ils sont en vous ; les rejeter peut prendre du temps, mais si la volonté d'être en toutes choses fidèle au moi intérieur est forte, persévérante et vigilante, et si elle fait constamment appel à la Force de la Mère, cela pourra se faire plus vite qu'il ne semble possible actuellement.
Tant que vous n'aurez pas appris la leçon que le passé avait à vous enseigner, elle se répétera. Notez soigneusement quel genre de souvenirs vous reviennent, vous verrez qu'ils ont trait à certains mouvements psychologiques en vous dont vous devez vous débarrasser. Vous devez donc être prêt à reconnaître tout ce qui n'était pas parfait en vous et n'a pas encore été corrigé, ne laisser aucune vanité, aucun pharisaïsme voiler votre vision.
Notre aide sera là. Elle peut être efficace en dépit de votre mental physique, mais elle sera plus efficace si la volonté ferme et active peut lui servir d'instrument. Il y a toujours deux éléments dans la réussite spirituelle : la fermeté de la volonté et de l'effort personnels, et le Pouvoir qui, d'une manière ou d'une autre, apporte son aide et permet à l'effort d'aboutir.
Vous aviez tendance à monter et à laisser la conscience supérieure s'occuper de la nature inférieure sans faire aucun effort personnel à cette fin. Cela aurait pu très bien marcher à condition : (1) que la paix et la force soient descendues et aient tout occupé, jusqu'au physique ; (2) que vous ayez réussi à empêcher la nature extérieure de voiler l'être intérieur. Le physique n'a pas réussi à absorber la paix et à sa place l'inertie est apparue ; la force n'a pas pu descendre ; les suggestions de la nature extérieure se sont révélées trop fortes pour vous, et les suggestions et l'inertie, agissant ensemble, ont interrompu la sâdhanâ.
Je n'ai pas dit que vous aviez commis une erreur. J'ai simplement décrit ce qui s'était passé et les causes. Si vous aviez été capable de demeurer au-dessus et de laisser la Force descendre et agir, tandis que vous restiez détaché de la nature extérieure, cela aurait été très bien. Vous avez pu monter parce que la Paix descendait. Vous n'avez pas pu rester en haut parce que la Paix ne pouvait pas occuper suffisamment le physique et que la Force ne descendait pas assez. Entre temps l'inertie est apparue, vous avez été de plus en plus troublé à cause des suggestions vitales dans la nature inférieure et de l'irruption de l'inertie, de sorte que vous n'avez pas pu rester détaché et laisser la Force descendre ou la faire
descendre progressivement. Vous êtes donc descendu dans la conscience physique. En vous disant tout cela, je ne formule aucun blâme, pas plus que je ne dis que vous avez commis une erreur ou agi à rencontre de la Volonté de la Mère. Ces idées - commettre une faute, contrevenir à la Volonté - sont les vôtres, non les miennes.
Quand le mental et le vital s'emparent du physique pour en faire un instrument, il n'y a pas d'inertie. Mais ici c'est de la conscience physique qu'il s'agissait. Si elle avait pu recevoir en elle la paix du moi, sans le recouvrir d'inertie, tout serait allé très bien. Mais pour une raison ou une autre, le vital est intervenu, avec son exigence et son mécontentement, ce qui a engendré cette obstruction et cette incapacité de progresser. Ce phénomène se produit souvent dans la sâdhanâ et on doit avoir le pouvoir soit de le rejeter dynamiquement, soit de rester détaché jusqu'à ce qu'il soit épuisé. Alors le vrai mouvement repart.
Vous vous attendez toujours à ce que la Mère fasse tout, et voilà revenus la paresse et le tamas : c'est un esprit de soumission tamasique. Si la Mère vous remet en état, votre vital vous tire à nouveau vers le bas. Comment cela pourrait-il s'arrêter tant que vous direz oui au vital et que vous vous identifierez à son découragement, à ses violences et à tout le reste ? Le détachement est absolument nécessaire.
Je voulais faire ressortir deux choses, c'est pourquoi j'ai tant écrit à leur sujet.
1. La soumission à la Mère ne doit pas être tamasique (inerte, passive), car la réaction sera une impuissance passive et inerte face aux forces ou aux suggestions inférieures
ou hostiles dont les incursions seront acceptées ou subies sans résistance ou avec une résistance inefficace. Un état passif peut apporter beaucoup de paix, de tranquillité et même de joie, mais disperse l'être au lieu de la concentrer dans l'immensité, et la volonté s'atrophie. La soumission doit être lumineuse, active, offrande volontaire à la Mère, réceptivité à sa force et soutien à son action, accompagnés d'une volonté forte et vigilante de rejeter tout ce qui ne vient pas d'elle. Trop de sâdhak s'écrient, devant les attaques de leur nature inférieure : "Je suis impuissant, je ne peux pas réagir, elles viennent et me font faire ce qu'elles veulent." C'est une mauvaise passivité.
2. On ne doit pas s'habituer à un état de lutte continuelle contre les suggestions et les forces. Les gens tombent très facilement dans ce travers et en font une habitude. La partie vitale trouve une sorte de satisfaction enthousiaste à s'écrier : "On m'attaque, je suis submergé, je souffre, malheur à moi ! Quel destin tragique ! Pourquoi ne m'aides-tu pas, ô Divin ? N'y a-t-il aucune aide, aucune Grâce divine? Je suis abandonné dans mon malheur, dans ma déchéance, etc., etc." Je ne veux plus voir un seul sâdhak tomber dans cet état, c'est pourquoi je vous dis : "Halte !" avant que vous ne soyez empêtré dans cette sorte d'habitude de lutter sans cesse. C'est ce que veulent ces forces : que vous vous sentiez impuissant, battu, submergé. Vous ne devez pas les laisser faire.
Tout cela vient du mental physique qui refuse de se donner le mal d'entreprendre le labeur et de livrer la bataille nécessaire à l'accomplissement spirituel. Il veut parvenir aux cimes, mais désire parcourir tout le chemin en douceur : "Pourquoi diable se donner tant de peine pour conquérir le Divin?" Tel est, au fond, son sentiment. L'obstacle des pensées est l'un de ceux que tous les yogis ont dû surmonter - d'où le piètre résultat obtenu après plusieurs jours d'effort. C'est seulement lorsqu'on a déblayé, labouré, semé et
entretenu le terrain que l'on peut espérer les grandes moissons.
On doit soit utiliser l'effort (et alors il faut être patient et persévérant), soit se reposer sur le Divin en l'appelant et en aspirant sans cesse. Mais dans ce cas, la confiance doit être authentique et ne pas exiger de fruits immédiats.
Le Pouvoir peut tout faire, tout transformer, et le fera, mais il ne pourra le faire parfaitement, aisément et durablement que lorsque votre volonté mentale, vitale et physique aura pris parti pour la Vérité. Si vous vous rangez aux côtés de l'ignorance vitale et que vous voulez lutter contre votre propre transformation spirituelle, vous livrerez un combat pénible et difficile avant que le travail ne soit terminé. C'est pourquoi j'insiste sur la tranquillité - c'est la moindre des choses - et la confiance patiente, dans la mesure où vous en êtes capable, pour que le progrès se fasse par un mouvement tranquille et régulier, et non pénible, tourmenté, plein de rechutes et de conflits.
Notez aussi que la Force n'apporte pas de résultats définitifs et durables, à moins que le sâdhak n'ait en lui la volonté et la résolution d'atteindre le but.
Vous m'avez écrit : "Je n'ai pas à m'en préoccuper ; si la paix est nécessaire, elle viendra d'elle-même." C'est certes à la Force qu'il faut accorder le plus d'importance, mais le consentement actif du sâdhak est nécessaire ; dans certains cas, sa volonté aussi peut être un instrument nécessaire à la Force.
L'action supérieure n'exclut pas l'usage de la volonté : la volonté est un élément de l'action supérieure.
Les choses ne peuvent pas se faire ainsi. Pour que la transformation soit authentique, l'obstacle doit être rejeté par toutes les parties de l'être. La Force peut seulement les aider à le faire ou les en rendre capables, mais elle ne peut remplacer cette action nécessaire par un processus sommaire. Votre mental et votre être intérieur doivent communiquer leur volonté à tout l'être.
Tant qu'il n'y a pas une action constante de la Force venant d'en haut, ou une volonté profonde venant du dedans, la volonté mentale est nécessaire.
La Force peut faire venir la volonté au premier plan et l'utiliser.
Il y a une volonté dans le mental, et pas seulement le pouvoir de penser.
Pour surmonter la difficulté, le premier pas est d'être conscient ; mais la force est nécessaire et aussi le détachement et la volonté de surmonter.
L'énergie qui dicte l'action ou empêche l'action fausse est la volonté.
Il ne peut y avoir ni persistance ni persévérance sans volonté.
La volonté peut s'obliger elle-même à agir : elle est, par nature, force ou énergie.
Une volonté inerte et passive, cela n'existe pas. La volonté est dynamique par nature. Même si elle n'est pas en train de lutter ou de faire effort, sa présence même est dynamique et agit dynamiquement sur la résistance. Ce dont vous parlez est une velléité : j'aimerais que ce soit comme cela, je voudrais que ce soit comme cela. Ce n'est pas de la volonté.
Dans ce cas, ce n'est pas cette volonté-là qu'il faut : ils emploient sans doute une certaine volonté combative ou laborieuse, au lieu d'une volonté tranquille, mais vigoureuse qui fait descendre la conscience et la force supérieures.
La paix n'est pas un préalable nécessaire à l'action de la volonté. Quand l'être est troublé, c'est souvent le rôle de la volonté de lui imposer la tranquillité.
La volonté est la volonté, qu'elle soit calme ou agitée, qu'elle s'exerce d'une manière yoguique ou non yoguique, dans un but yoguique ou non yoguique. Croyez-vous que Napoléon et César n'avaient pas de volonté, ou qu'ils étaient des yogis? Vous avez des idées bizarres. Vous pourriez aussi bien dire que la mémoire n'est mémoire que quand elle se
rappelle le Divin, et qu'elle n'est pas la mémoire quand elle se souvient d'autres choses.
Il n'y a pas de processus. La volonté agit d'elle-même quand le mental et le vital sont d'accord, comme dans le cas d'un désir. Si le désir n'est pas satisfait, le vital s'acharne, s'efforce d'obtenir ce qu'il veut, insiste, réitère son exigence, se sert de cette personne-ci ou de celle-là, de cet artifice ou de cet autre, engage le mental à le soutenir par ses arguments, dépeint l'objet de son désir comme un besoin qui doit être satisfait, etc., etc., jusqu'à ce que le désir soit satisfait. Tout cela est la preuve d'une volonté à l'œuvre. Quand vous devez utiliser la volonté pour la sâdhanâ, vous n'avez pas la même persévérance, le mental trouve des prétextes pour ne pas poursuivre l'effort ; dès que la difficulté s'intensifie, l'effort est abandonné, il n'y a pas de continuité, la volonté ne reste pas fixée sur son objet.
En se développant, la volonté devient capable de se fondre à la volonté de la Mère. Une volonté qui n'est pas forte est un grand obstacle dans la sâdhanâ.
Si la volonté est utilisée constamment, le reste de l'être apprend, si lentement que ce soit, à obéir à la volonté ; alors les actions se conforment à la volonté et non aux impulsions et aux désirs du vital. Pour le reste (les sentiments, désirs, etc. eux-mêmes), si l'on ne s'y abandonne pas en acte ou en imagination, et qu'ils ne sont pas soutenus par la volonté, si l'on ne fait que les regarder et les rejeter quand ils viennent, après une période de lutte ils commencent à perdre leur force et s'amenuisent peu à peu.
Je crois que c'est parce que vous n'avez pas pris l'habitude d'utiliser votre volonté pour contraindre les autres parties de la nature ; quand vous voulez le faire, elles refusent d'obéir à une autorité à laquelle elles ne sont pas accoutumées, et celle-ci n'a pas non plus établi sur elles son emprise.
La volonté fait partie de la conscience et devrait, chez les êtres humains, être le principal moyen de maîtriser les activités de la nature.
C'est l'inertie physique qui vous suggère que vous manquez de volonté. Elle a recouvert votre volonté et vous a persuadé que vous n'en avez plus, que vous êtes devenu incapable d'en avoir.
Vous ne pouvez vous attendre à ce qu'une inertie aussi tenace disparaisse en trois jours, sous prétexte que vous avez timidement commencé à faire un effort pour y résister.
[L'origine de l'incapacité à tenir tête aux forces d'opposition :] Elle se trouve dans l'indolence de la volonté qui ne veut pas soutenir son effort pendant une période prolongée. C'est comme une personne qui allongerait la jambe à moitié pendant une seconde et puis se demanderait pourquoi elle n'a pas déjà avancé de cent kilomètres vers le but après avoir fourni un effort aussi gigantesque.
Cela signifie simplement que votre volonté est faible et n'est pas une vraie volonté. Drôle de volonté ! Un peu comme une automobile qui ne veut pas démarrer, il faut la pousser.
Quand vous vous sentez en meilleure condition, que la paix et la force sont à l'œuvre, mieux vaut laisser agir la force en restant silencieux et tranquille, sans essayer d'agir par le mental.
Quand règne la confusion ou une mauvaise condition, vous devez faire appel au calme pour qu'il descende en vous et essayer de retrouver l'attitude vraie, sans écouter les pensées fausses, mais au contraire en les rejetant. Si vous ne pouvez pas le faire tout de suite, restez cependant aussi tranquille que possible et aspirez en vous offrant. La Force divine peut toujours plus que l'effort personnel ; l'essentiel est donc, après avoir retrouvé la tranquillité, de l'appeler et de la faire descendre ou revenir au premier plan, car elle est toujours là, à l'arrière-plan ou au-dessus de vous.
X a toujours été comme cela. C'est son mental qui est toujours en train de s'agiter; parfois il a une ouverture psychique et tout va bien ; puis le mental s'interpose et X s'embrouille et se sent malheureux. Il ne guérira pas en s'en allant ; "réfléchir à tout cela" ne fera que l'embrouiller et l'égarer davantage. Il est de ceux qui ne peuvent être sauvés de tout cela que par une ouverture psychique complète et permanente, par le cœur et non par le mental.
Toute résistance dans l'être extérieur partira; seulement cela prendra du temps. Il est toujours préférable de se baser sur cette certitude et de demeurer tranquille et ferme, en la gardant présente à l'esprit, même lorsqu'on est incapable de réagir activement contre la difficulté. Car la résistance passive et tranquille la fera partir plus tôt, même si l'on est troublé et anxieux.
Même lorsqu'on ne peut pas faire appel activement à la Force de la Mère, on doit avoir confiance qu'elle viendra.
La manière dont les douleurs sont parties vous indique comment il faut s'y prendre avec toute la nature ; car la méthode est la même, que le malaise ou la perturbation ait des causes mentales ou vitales, ou que ces causes soient physiques : rester intérieurement tranquille, demeurer convaincu, par la foi et l'expérience, que la seule manière est de rester tranquille et ouvert et de laisser agir la Force. Naturellement, vous ne pouvez pas encore en être pleinement conscient, mais la sentir, s'ouvrir, la laisser agir, observer son effet, c'est la première chose. C'est le commencement de la conscience et la voie vers la conscience totale.
Accrochez-vous à l'aide, toujours : quand vous ne la sentez pas, appelez-la et restez tranquille jusqu'à ce que vous recommenciez à la sentir. C'est seulement le voile dont vous avez parlé qui s'interpose entre vous et le sentiment de sa présence, car elle est toujours là.
Si vous ne pouvez rien faire d'autre, vous devez au moins rester détaché ; il y a toujours dans l'être une partie qui peut rester détachée et continuer à persévérer, en appelant la force d'en haut.
La vérité dans le cœur, la sincérité et la foi dans l'effort peuvent en effet rendre facile tout ce qui est difficile ; même ce qui est impossible peut devenir possible. On constate souvent aussi qu'après une certaine période de pratique et d'effort sincère, une intervention du dedans se produit, et ce qui aurait pu prendre très longtemps se fait, définitivement et rapidement.
Votre prière recevra sûrement une réponse, car c'est vers cela que vous vous dirigez.
L'aide est accordée de toutes les manières nécessaires ou possibles. Elle ne se limite pas à la Force, à la Lumière, à la Connaissance. Évidemment, si par Force, etc., vous voulez dire tout ou n'importe quoi, la formule tient.
Cela dépend. Si la conscience est développée dans son aspect de connaissance, elle ne fera que vous avertir. Si c'est dans son aspect de volonté ou de pouvoir, elle vous aidera à réaliser.
Le besoin d'appeler à l'aide diminue à mesure que l'on s'élève de plus en plus haut, ou plutôt à mesure que s'accroît la plénitude, car il est progressivement remplacé par l'action automatique de la Force.
Il n'y a aucune raison que vous cessiez de nous écrire : il n'était question que d'une certaine catégorie de lettres, celles qui ne sont pas un bon moyen de rester en contact ; vous avez senti vous-même que la réaction n'était pas favorable. Je vous ai demandé de m'écrire parce que vous aviez grand besoin, à cette époque, de vous décharger des éléments périlleux en vous, et bien que cela ne vous ait pas soulagé aussitôt, j'ai été tenu informé avec exactitude de la tournure prise par votre combat ; cela m'a aidé à exercer une certaine pression, à un moment critique, sur les forces qui vous attaquaient. Mais je ne crois pas qu'aucune de ces
nécessités subsiste. Vous avez plutôt besoin maintenant d'inhiber, par des moyens intérieurs, la source de ces mouvements ; mais les traduire en mots tendrait, comme je vous l'ai dit, à leur donner plus de corps et de substance.
C'est un fait indubitable, démontré par des centaines d'exemples, que pour beaucoup de gens, nous faire part avec exactitude de leurs difficultés est le meilleur moyen de s'en délivrer, et souvent - sinon toujours - les effets en sont immédiats et même instantanés. C'est ce que bien des sâdhak ont constaté, non seulement ici, mais au loin, et non seulement lorsqu'ils luttaient contre des difficultés intérieures, mais aussi contre des maladies et contre la pression de circonstances extérieures défavorables. Mais pour cela une certaine attitude est nécessaire : soit une foi intense dans le mental et le vital, soit une habitude de recevoir l'aide et d'y réagir positivement dans l'être intérieur. Là où cette habitude s'est établie, j'ai vu qu'elle était d'une efficacité presque absolue, même quand la foi était incertaine ou l'expression extérieure du mental vague, ignorante ou, dans sa forme, fautive ou inexacte. De plus, cette méthode a les meilleurs résultats quand le sâdhak peut écrire comme un témoin de ses propres mouvements et les décrire avec une précision exacte et presque impartiale, comme un phénomène survenu dans sa nature ou le mouvement d'une force qui l'affecte et dont il cherche à se libérer. Au contraire, si, lorsqu'il écrit, son vital est saisi par ce dont il parle et prend la plume à sa place - exprimant le doute, la révolte, la dépression, le désespoir, et souvent les soutenant - cela de- vient une tout autre affaire. Même dans ce cas, le fait de s'exprimer agit parfois comme une purge ; mais la description de cet état peut aussi donner de l'énergie à l'attaque, du moins pour un moment, et peut paraître la renforcer et la prolonger ; elle peut aussi l'épuiser temporairement par sa violence même, ce qui finit par apporter un répit, mais à un prix très élevé : bouleversement, cataclysme, risque que le mouvement se perpétue indéfiniment parce que ce répit est dû à un épuisement temporaire des attaquants et non à un
rejet et une purification par l'intervention de la Force divine agissant avec le soutien et le consentement sans réserve du sâdhak. Il y a eu une lutte confuse, une intervention tumultueuse, et non un clair alignement des forces ; et l'intervention de la force salvatrice passe inaperçue dans la confusion et le tourbillon. C'est ce qui arrivait en général pendant vos crises ; le vital en vous était profondément affecté et commençait à soutenir et à exprimer les arguments de la force attaquante : au lieu que le mental vigilant observe et exprime clairement la difficulté en étalant les choses au grand jour, pour que la Lumière et la Force supérieures agissent sur elles, il y avait une véhémente plaidoirie en faveur de l'Opposition. De nombreux sâdhak (et même des sâdhak "avancés") ont pris l'habitude d'exprimer ainsi leurs difficultés, et certains continuent à le faire ; même maintenant ils n'arrivent pas encore à comprendre que ce n'est pas la bonne manière. À une certaine époque, c'était une sorte d'évangile à l'Ashram ; on disait que c'était cela qu'il fallait faire - je ne sais pas pour quels motifs, car cela n'a jamais fait partie de mon enseignement yoguique - mais l'expérience a montré que cela ne marche pas : on se retrouve dans le mouvement indéfiniment perpétué, dans un cycle sans fin de conflits. Cela n'a rien à voir avec le mouvement d'ouverture de soi qui réussit, mais pas forcément non plus en un instant, et pourtant d'une manière sensible et progressive, et auquel pensent ceux qui insistent pour que tout soit ouvert au Gourou afin que l'aide soit plus efficace.
Il est inévitable que des doutes et des difficultés se soulèvent dans une entreprise aussi ardue que la transformation de la nature normale de l'homme en une nature spirituelle, où son système de valeurs extériorisées et son expérience de surface doivent être remplacés par des valeurs et une expérience intérieures plus profondes. Mais on ne peut surmonter les doutes et les difficultés en leur donnant leur pleine force ; on le fera plutôt en apprenant à prendre du recul et en refusant de se laisser emporter par eux ; il y a alors quelque chance que la petite voix tranquille qui s'élève du
dedans se fasse entendre et repousse les vociférations et les mouvements du dehors. C'est à la lumière du dedans que vous devez faire place ; la lumière du mental extérieur est loin de suffire à la découverte des valeurs intérieures, ou pour juger de la vérité de l'expérience spirituelle.
Il ne faut pas trop en demander à la Protection divine, car étant donné notre constitution et celle du monde, la Protection divine est obligée d'agir dans d'étroites limites. Il y a évidemment des miracles, mais ce n'est pas un dû.
L'attitude que vous avez prise est la bonne. C'est ce sentiment et cette attitude qui vous aident à surmonter si rapidement les attaques qui parfois tombent sur vous et vous jettent hors de la vraie conscience. Comme vous le dites, prises ainsi, les difficultés deviennent des opportunités. Quand on a fait face à la difficulté dans le bon esprit et qu'on l'a conquise, on s'aperçoit qu'un obstacle a disparu et que l'on a fait un premier pas en avant. Questionner et résister dans quelque partie de l'être augmente le désordre et les difficultés. C'est pourquoi les anciens yogas de l'Inde déclaraient indispensables une soumission sans réserve et une obéissance sans discussion aux directives du gourou. C'était exigé, non pour le bien du gourou, mais pour celui du shishya.28
Ce genre de conflit intense apparaît très souvent chez un sâdhak lorsqu'il veut faire un progrès complet et décisif au lieu de procéder par élimination lente comme dans le cours ordinaire de la nature ; à l'élan qui le pousse vers le haut
28. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
s'oppose une résistance véhémente qui le tire vers le bas. Mais l'avantage est que lorsqu'on persévère et que l'on triomphe, on s'est beaucoup enrichi par la lutte, et dans cette partie de l'être qui a résisté, l'avantage est décisif. Persévérez donc et ne vous laissez pas affliger par les vacillements ou les faux pas qui peuvent aisément se produire de temps en temps dans un aussi rude combat. Le sâdhak devrait toujours avoir pour règle de ne pas s'arrêter à cela, mais de se relever et d'aller résolument de l'avant.
Notre aide, notre force, nos bénédictions seront toujours avec vous pour vous soutenir à chaque pas jusqu'à la victoire finale.
La grâce et la protection sont toujours avec vous. Quand une difficulté ou un ennui, intérieur ou extérieur, se présente, ne les laissez pas vous oppresser ; réfugiez-vous dans la Force protectrice du Divin.
Si vous le faites toujours, avec foi et sincérité, vous vous apercevrez que quelque chose s'ouvre en vous, qui restera toujours calme et paisible en dépit de toutes les perturbations à la surface.
Oui, c'est ainsi. Chaque victoire remportée sur soi-même donne davantage de force pour remporter de nouvelles victoires.
Il est vrai, en effet, que lorsqu'on triomphe d'une difficulté ou que l'on avance, un courant favorable se crée dans l'atmosphère. De plus, chaque fois qu'une ouverture se produit, on peut la faire durer plus longtemps.
Oui, un grand progrès devrait seulement vous inciter à un progrès plus grand auprès duquel le premier paraîtra insignifiant.
Oui, on devrait toujours tourner son regard vers l'avenir ; la rétrospection est rarement saine, car elle vous ramène à une conscience passée.
Emportez avec vous la paix, la tranquillité et la joie, et gardez-les en vous par le souvenir constant du Divin.
Si les pensées concernant le passé et l'avenir ne viennent que comme des souvenirs et des imaginations, elles sont inutiles et vous devriez en détourner tranquillement votre mental et le ramener vers le Divin et le yoga. Si elles peuvent servir à quelque chose, référez-en au Divin, placez-les dans la lumière de la Vérité afin de voir ce qu'il y a de vrai en elles, ou, s'il faut prendre une décision, afin de prendre la bonne décision ou de faire une formation juste pour l'avenir.
Les larmes dont vous parlez n'ont rien de mauvais ; elles viennent de l'âme, de l'être psychique ; elles sont une aide et non un obstacle.29
On ne peut pas revenir en arrière, on doit toujours aller vers l'avenir.
Il vaut toujours mieux être tourné vers l'avenir que vers le passé.
Le passé ne doit pas être conservé ; on doit aller vers la réalisation future. Tout ce qui, dans le passé, est nécessaire pour l'avenir sera recueilli et recevra une forme nouvelle.
29. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
Le fait a toujours été connu de tous les yogis et de tous les occultistes depuis le commencement des temps, en Europe et en Afrique comme en Inde : partout où l'on pratique le yoga ou le yajna, les Forces hostiles se rassemblent pour le faire cesser par tous les moyens. On sait qu'il existe une nature inférieure et une nature spirituelle supérieure, on sait que chacune tire de son côté, que d'abord la nature inférieure est la plus forte, puis c'est la nature supérieure qui prend le dessus. On sait que les Forces hostiles profitent des mouvements de la nature inférieure pour tenter de détériorer, d'anéantir ou de retarder la siddhi. On le disait déjà au temps des Oupanishads ("Rude est le chemin à parcourir et tranchant comme le fil du rasoir") ; le Christ l'a dit plus tard : "Dur est le chemin et étroite la porte par où l'on entre dans le royaume des cieux", et aussi: "II y a beaucoup d'appelés et peu d'élus" - précisément à cause de ces difficultés. Mais on a toujours su aussi que ceux qui sont sincères et fidèles dans leur cœur et le demeurent, et ceux qui s'en remettent au Divin, parviendront au but en dépit de toutes les difficultés, de tous les faux pas, de toutes les chutes.
Les défauts normaux de la nature humaine sont une chose : ils sont la conséquence de la nature inférieure de l'Ignorance. L'action des forces hostiles est une intervention spéciale qui suscite de violents conflits intérieurs, des dépressions anormales, des pensées et des impulsions où l'on peut aisément reconnaître leurs suggestions, par exemple : quitter l'Ashram, abandonner le yoga, se révolter contre le Divin ; suggestions de calamités et de catastrophes en apparence irrésistibles, impulsions irrationnelles et ainsi de suite. Elles ne sont pas du même ordre que les
faiblesses humaines ordinaires.
La résistance normale de la Nature inférieure dans les êtres humains et l'action des Êtres hostiles sont deux choses différentes. La première est naturelle et tout le monde en est affecté ; la seconde est l'intervention d'un monde non humain. Mais cette intervention peut revêtir deux formes : (1) Les êtres hostiles utilisent les forces de la Nature inférieure et font pression sur elles, les obligent à résister alors qu'autrement elles resteraient tranquilles, renforcent cette résistance ou la rendent violente alors qu'autrement elle aurait été faible ou modérée, et l'exaspèrent quand elle est violente. Par ailleurs, les Êtres hostiles, lorsqu'ils agissent sur ces forces de la Nature inférieure, font preuve d'une habileté diabolique, d'une organisation concertée et consciente qui n'apparaissent pas lorsque la résistance de ces forces est normale. (2) Ce sont parfois leurs propres forces qui envahissent l'être. Dans ce cas, il se produit souvent une possession temporaire ou du moins une influence irrésistible qui fait que les pensées, les sentiments, les actions de la personne deviennent anormaux : obnubilation du cerveau, tourbillon dans le vital, tout se passe comme si la personne n'y pouvait rien et était entraînée par une force toute-puissante. Par ailleurs, il peut y avoir, au lieu d'une possession, une forte influence ; alors les symptômes sont moins marqués, mais celui qui connaît les manières d'agir de ces forces n'a aucun mal à voir ce qui s'est passé. Enfin il peut s'agir d'une simple attaque, et non d'une possession ou d'une influence ; la personne est alors divisée, elle n'est pas dominée, elle résiste.
Certains ne sont jamais atteints par les forces hostiles.
C'est un mouvement naturel de la nature humaine ordinaire dans la conscience matérielle ; il faut du temps pour s'en
débarrasser. Nous disons évidemment que ce sont des forces de la nature inférieure, mais il ne faut pas les considérer comme hostiles ; ce sont des forces ordinaires. Elles doivent être transformées, ce qui prend en général du temps et peut être fait tranquillement. Il faut se préoccuper davantage du côté positif de la sâdhanâ que de ces forces. Il n'est pas bon d'y penser sans cesse comme s'il s'agissait d'éléments hostiles ou de se troubler quand elles se manifestent et de considérer leur intervention comme une possession par un être hostile.
Les éléments véritablement hostiles sont peu nombreux et il faut les distinguer des mouvements ordinaires de la nature. Il faut repousser les premiers et agir sur les autres avec calme, sans être troublé ni découragé lorsqu'ils font leur apparition.
Les défauts de la nature ne sont rien, on peut y remédier progressivement. C'est à ces attaques extérieures, à ces suggestions et à ces incursions de forces mauvaises que le sâdhak doit se fermer complètement.
La nature inférieure est ignorante, elle est non divine; en elle-même, elle n'est pas hostile à la Lumière et à la Vérité, mais elle leur est fermée. Les forces hostiles ne sont pas seulement non divines, mais antidivines. Elles se servent de la nature inférieure, la pervertissent, l'emplissent de mouvements dévoyés, et par ce moyen influencent l'homme et essayent même d'entrer en lui et de le posséder, ou en tout cas de le gouverner complètement.
Débarrassez-vous de toute mauvaise opinion exagérée de vous-même et de l'habitude d'être déprimé par le sens du péché, de la difficulté ou de l'échec. Ces sentiments n'aident pas vraiment ; au contraire, ils sont un immense obstacle et
entravent le progrès. Ils appartiennent à la mentalité religieuse, non à la mentalité yoguique. Le yogi devrait considérer tous les défauts de la nature comme des mouvements de la Prakriti inférieure, communs à tous, et les rejeter avec calme, fermeté et persistance, avec une entière confiance en le Pouvoir divin, sans faiblesse ni dépression ni négligence, et sans excitation, impatience ni violence.1
L'ego vital fait partie de la nature humaine ordinaire ; tout le monde en a un. Il doit être purifié et transformé ; l'ego doit être remplacé par l'être vital vrai dont il est une ombre déformée. Les forces de la nature inférieure sont souvent rebelles et résistent à la transformation par attachement aux mouvements habituels de l'Ignorance : désir, vanité, orgueil, luxure, opiniâtreté, etc., mais ils ne sont pas par nature hostiles. Les forces hostiles sont celles dont la seule raison d'être est de se révolter contre le Divin, contre la Lumière et la Vérité, d'agir en ennemis de l'Œuvre divine.
Les forces de l'Ignorance sont une perversion de la nature terrestre, et les Pouvoirs adverses s'en servent. Elles n'abandonnent pas leur domination sur les hommes sans livrer bataille.
Les forces hostiles ont une certaine fonction qu'elles se sont assignée : c'est de mettre à l'épreuve la condition des individus, du travail, de la terre elle-même, et leur état de préparation à la descente et à l'accomplissement spirituels.
1. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
À chaque pas du voyage, elles sont là, attaquent furieusement, critiquent, suggèrent, imposent le découragement ou poussent à la révolte, soulèvent le doute et accumulent les difficultés. Certainement elles interprètent d'une façon très exagérée les droits que leur donne leur fonction, faisant même des montagnes de ce qui nous semble être une taupinière. Un petit faux pas, une faute insignifiante, les fait apparaître sur la route et dresser tout un Himalaya comme une barrière.
Mais cette opposition a de tout temps été permise, non seulement pour nous mettre à l'essai ou à l'épreuve, mais pour nous contraindre à chercher une force plus grande, une connaissance de soi plus parfaite, une pureté et un pouvoir d'aspiration plus intenses, une foi que rien ne peut écraser, une descente plus puissante de la Grâce divine.2
Le contact avec le monde et les forces hostiles est toujours, bien évidemment, l'une des principales difficultés du sâdhak, mais la transformation du monde et des forces hostiles est une tâche trop lourde et la transformation personnelle ne peut attendre qu'elle soit achevée. Ce qu'il faut, c'est en arriver à vivre dans le Pouvoir où ces éléments perturbateurs ne peuvent pas pénétrer ou même s'ils le font, ne peuvent susciter aucun trouble, en arriver à être purifié et même revigoré par lui de sorte que plus rien dans l'être ne réagira aux éléments hostiles. Si une protection vous enveloppe, qu'une descente intérieure vous purifie et qu'en conséquence la conscience supérieure s'établit dans l'être intérieur et finit par se substituer à l'ancienne conscience ignorante jusque dans les parties les plus extérieures qui sont actives au dehors, alors le monde et les forces hostiles n'auront plus d'importance, du moins pour votre âme ; car un travail plus vaste, qui dépasse l'individu, reste à accomplir pour en venir
2. Les Bases duYoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
à bout ; mais au stade actuel il n'est pas utile d'en faire une préoccupation majeure.
Une pression s'exerce toujours sur les forces de la nature inférieure pour les obliger à changer; les êtres hostiles sentent cette pression à travers elles, mais il semble bien qu'ils aient toute latitude de choisir entre la transformation et la destruction.
C'est exact. Dans l'état actuel des choses, le mensonge vital semble temporairement l'emporter sur la nature sattwique supérieure.
Il est tout à fait exact que le mensonge règne en ce monde ; c'est la raison pour laquelle ces difficultés se manifestent. Mais vous ne devez pas vous laisser ébranler. Vous devez rester calme et fort, et marcher droit en utilisant le pouvoir de Vérité et la Force divine qui vous soutiennent pour surmonter les difficultés et redresser ce que le mensonge a distordu.
Oui, je crois. Chaque fois que quelque chose doit être accompli, il y a toujours des forces qui cherchent à intervenir. Je suppose qu'elles veulent démontrer que le cheminement en douceur et le sentier "large, sans obstacle et sans épines" n'appartient qu'au ritam satyam brihat du Véda, et que nous devons nous élever jusque-là... si nous en sommes capables.
Quel que soit le point que les forces adverses choisissent d'attaquer, si petit qu'il apparaisse au mental humain extérieur, il devient un point crucial et le concéder, c'est peut-être concéder l'une des voies d'accès à la forteresse. Même si c'est une petite poterne, cela leur suffit, du moment qu'elles peuvent entrer.
Rien n'est vraiment petit et sans importance sur le Grand Chemin. C'est surtout quand le conflit descend au niveau physique que ces distinctions cessent d'avoir la moindre valeur, car à ce niveau il n'est pas facile d'établir un barème pour ces "petites" choses qui sont d'une grande importance. À ce niveau, perdre une position mineure, c'est peut-être assurer la défaite dans la grande bataille.
Tous doivent en passer par les épreuves que vous subissez actuellement. Nous vous les aurions évitées si cela avait été possible, mais puisqu'elles vous sont imposées, nous comptons sur vous pour persévérer jusqu'à la victoire. La patience, une endurance tranquille, une calme résolution d'aller jusqu'au bout et de triompher, telles sont désormais les qualités requises ; ce sont, parmi les vertus guerrières, les moins spectaculaires, mais les plus substantielles.
Et aussi la perspicacité et la vigilance. Ne fermez pas les yeux sur la difficulté qui est en vous, ne lui tournez pas le dos, mais ne la laissez pas non plus vous décourager. La victoire est certaine si nous persévérons ; quel prix ne paierait-on pas, sous forme de difficulté et d'effort, pour une pareille conquête ?
Oui, c'est certain. Les hommes sont envahis sans arrêt par les forces hostiles et un grand nombre d'entre eux sont, en partie ou totalement, sous leur influence. Certains en sont possédés et d'autres (peu nombreux) sont des incarnations d'êtres hostiles. À l'heure actuelle ces forces sont très actives partout sur la terre. Évidemment, dans le monde extérieur, les hommes n'ont pas la conscience qui se développe par le
yoga et qui leur permettrait soit de percevoir les attaques, soit de les repousser consciemment ; en eux, le conflit entre le psychique et la force hostile se poursuit surtout derrière le voile ou s'il a lieu à la surface, le mental ne le comprend pas.
Lorsqu'une entité prend possession d'une personne, elle tente tout d'abord de la séparer de son psychique, et c'est ce qui crée le conflit. Tout dépend de l'étendue et de la durée de la possession, dans quelle proportion elle envahit l'être et si elle est constante ou non.
Ne connaissez-vous pas l'histoire de l'éléphant Brahman? Tout est le Brahman, mais dans l'action, vous devez traiter l'éléphant comme le Brahman éléphant et l'Asoura comme le Brahman Asoura ; vous ne devez traiter ni l'un ni l'autre comme le Brahman pur et simple. Il faut soit éviter le Râkshasa, soit le vaincre ; sinon le Râkshasa risque de dévorer l'homme, tout Brahman qu'ils soient l'un et l'autre. La réalisation du Brahman restera une réalisation intérieure statique, tant que l'on ne sera pas devenu l'instrument dynamique de la Conscience et de la Force divines ; alors le problème de l'éléphant et du Râkshasa ne se posera plus, car dans chaque cas la Conscience divine saura ce qu'il faut faire et la Force divine l'exécutera. Le vaïra intérieur n'est pas nécessaire, mais il n'est pas prudent d'entretenir une relation amicale avec le Râkshasa, car le Râkshasa est imperméable à ce genre de chose : il en profitera pour poursuivre ses desseins.
Voir les mouvements est une chose ; les laisser entrer en vous en est une autre, très différente. On doit avoir l'expérience
de bien des choses, les voir et les observer, les amener dans le champ de la conscience et connaître ce qu'elles sont. Mais il n'y a aucune raison de leur permettre d'entrer en vous et de vous posséder. Seul le Divin ou ce qui vient du Divin doit être admis à pénétrer en vous.
Dire que toute lumière est bonne est comme dire que toute eau est bonne ou même que toute eau limpide et claire est bonne : ce n'est pas vrai. On doit voir quelle est la nature de la lumière, d'où elle vient, ce qu'elle contient, avant de pouvoir affirmer que c'est la vraie Lumière. Il existe de fausses lumières et des éclats trompeurs, des lumières inférieures aussi qui appartiennent aux régions basses de l'être. Il faut donc être sur ses gardes et distinguer ; le vrai discernement viendra par la croissance du sentiment psychique, par la purification du mental et l'expérience.3
Le simple fait qu'une force soit intense n'implique pas qu'elle soit mauvaise ; la Force divine agit souvent avec une grande intensité. Tout dépend de la nature de la force et de son action : que fait-elle, quelle semble être son intention? Si son action a pour effet de purifier ou d'ouvrir l'être, apporte la lumière ou la paix, ou prépare la transformation de la pensée, des idées, des sentiments, du caractère, en les orientant vers une conscience supérieure, alors c'est une force bénéfique. Si elle est sombre ou obscure, si elle perturbe l'être par des suggestions radjasiques ou égoïstes, ou si elle excite la nature inférieure, c'est une force adverse.4
Je ne vois pas comment j'ai pu dire que vous n'étiez pas fait pour le yoga, alors que les expériences que vous avez eues et
3. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
4. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
que vous avez encore sont caractéristiques de ce yoga. Ni les obstacles qui se dressent dans la conscience, ni les attaques ne prouvent qu'un individu est inapte au yoga. Aucun sâdhak n'y échappe et même ceux qui sont devenus de grands siddha yogis les ont rencontrés au cours de leur sâdhanâ.
Il n'est pas exact que les Râdjayogis ou autres ne sont pas attaqués pas les forces environnantes. Qu'ils aient pour but le moksha ou la transformation, tous subissent des attaques, parce que les forces vitales ne veulent ni la libération, ni la transformation. Seulement les yogis en parlent en termes généraux : Râkshasî Maya ou attaques de kâma, krodha, lobha ; ils ne se soucient pas d'en rechercher l'origine ni d'observer comment elles entrent en eux, mais le phénomène est connu de tous.
Les forces hostiles attaquent tous les sâdhak; certains en sont conscients, d'autres non. L'objectif de ces forces est soit d'influencer la personne, soit de s'en servir, soit de détériorer sa sâdhanâ ou son travail, ou tout autre motif du même genre. Elles n'ont pas pour but de mettre le sâdhak à l'épreuve, mais leur attaque peut fort bien être utilisée à cette fin par le pouvoir qui guide la sâdhanâ.
Chacun a toujours, dans sa nature, cette voix hostile et critique qui questionne, raisonne, nie même l'expérience, incite à douter de soi et du Divin. On doit reconnaître en elle la voix de l'Adversaire qui s'efforce d'entraver le progrès et ne lui accorder aucun crédit.
Aucun sâdhak n'est à l'abri d'une attaque des forces mauvaises ; mais si la foi et la consécration sont complètes, on peut repousser l'attaque sans trop de difficulté.
Si la foi et la consécration sont totales dans toutes les parties de l'être, il ne peut y avoir aucune attaque. Si, au centre de l'être, il y a à tout moment une foi et une consécration puissantes, des attaques pourront se produire, mais elles n'auront aucune chance de réussir.
Deux choses font qu'il est impossible aux forces hostiles de mener à bien, même temporairement, une attaque contre le mental ou le vital : d'abord un amour, une dévotion, une confiance parfaites que rien ne peut ébranler, et en second lieu un calme et une égalité qui sont devenus, dans le vital comme dans le mental, les caractéristiques fondamentales de la nature intérieure. Alors même s'il se produit encore des suggestions contraires, même si tout va mal à l'extérieur, l'être demeure invulnérable. Que l'on adopte l'une ou l'autre voie, à mesure que croissent l'amour et la dévotion ou le calme et l'égalité, l'existence même des forces hostiles devient de moins en moins un phénomène de la vie intérieure, quoiqu'elles puissent encore subsister dans l'atmosphère extérieure.
Ceux dont la nature est très sattwique - surtout si leur consécration à la Mère est ardente - échappent à l'invasion ou aux attaques des Forces hostiles dans le mental et le vital. Cela ne signifie pas qu'ils échappent aux difficultés de la nature humaine inférieure ou de la sâdhanâ, mais les forces hostiles ne viennent pas compliquer ces difficultés en leur
apportant un soutien positif. Non que ces forces ne puissent trouver en eux aucun point sur lequel exercer leur pression, mais c'est un fait qu'elles n'ont pas accès à ces points, leur nature étant, de par sa constitution, armée contre elles, en raison de la grande proportion de prakâsh et de soukha (c.f. la Guîtâ) qu'apporte le sattwa. Par ailleurs il y a dans l'être une clarté intérieure, un équilibre, une heureuse disposition qui reflète aisément la lumière du soleil, est moins sensible aux nuages et à la tempête, ne laisse aucune prise aux forces hostiles. La nature refuse de se laisser violemment agiter, troubler ou bouleverser. Les forces hostiles peuvent tout au plus attaquer le corps, justement parce que, l'être nerveux étant calme, elles ne peuvent faire porter leur attaque que sur la partie la plus matérielle.
La pureté vitale est très nécessaire, mais il n'est pas facile de la rendre invulnérable aux attaques, à moins qu'elle ne soit vaste et accompagnée d'une pureté et d'une paix spirituelles solides qui descendent dans cette immensité. L'immensité à elle seule ne suffit évidemment pas.
Les forces hostiles viennent parce qu'elles ont eu toute latitude de le faire autrefois ; elles veulent donc reprendre leur action et la poursuivre. Le seul moyen de s'opposer à elles est de les rejeter entièrement et de se tourner complètement vers le Divin.
Les forces mauvaises peuvent toujours attaquer, soit aux moments où l'on est inconscient ou semi-conscient, soit en passant par le subconscient ou le physique extérieur, tant que la transformation supramentale n'est pas entièrement
achevée. Mais avec l'aide de la Force, on peut les repousser aussitôt.
Les forces hostiles n'ont pas besoin d'un motif pour attaquer : elles attaquent tous ceux qu'elles peuvent, à chaque occasion qui se présente. Il faut veiller à ce que rien ne leur obéisse ni ne les laisse entrer.
Vous me demandez si la Force adverse est plus forte que la Force divine. Cela voudrait dire que l'homme n'est pas responsable de ses actes et que, quoi qu'il fasse, quelles que soient les erreurs et les chutes qui découlent de ses actions, c'est la Force divine qu'il faut blâmer. Il en est peut-être ainsi, mais dans ce cas la pratique de la sâdhana n'est ni nécessaire, ni utile. On n'a qu'à rester tranquillement assis et laisser la Force hostile ou la Force divine faire ce qu'il lui plaît ! Selon cette théorie, le Démon a eu raison de dire au Christ : "Jette-toi du haut de cette montagne et que Ses anges viennent te soutenir", et le Christ a eu tort de rejeter cette suggestion et de répondre : "II est écrit : tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu (c'est-à-dire : tu ne le mettras pas à l'épreuve) !" Il aurait dû sauter, et s'il s'était écrasé en bas, la preuve aurait été faite que les forces adverses sont plus puissantes que la Force divine !
Si une Force adverse apparaît, on ne doit pas admettre ses suggestions et leur faire bon accueil, mais se tourner vers la Mère et refuser de se détourner d'elle. Que l'on soit ou non capable de s'ouvrir, on doit être loyal et fidèle. On n'a pas besoin de pratiquer le yoga pour être loyal et fidèle. Ce sont des qualités très simples que tout homme et toute femme qui aspire à la Vérité doit pouvoir acquérir.
C'est ce que tous devraient comprendre. C'est la fidélité psychique qui apporte le pouvoir de se dresser contre les Asoura, et qui permet à la Protection d'agir.
À propos des attaques et de l'action des forces cosmiques : très souvent, ces attaques deviennent violentes lorsque le progrès s'accélère et approche, de sa phase définitive ; si, en particulier, elles s'aperçoivent qu'elles ne peuvent mener à bien une agression dans l'être intérieur, elles essaient d'ébranler celui-ci par des assauts extérieurs. On doit accepter cela comme une épreuve de force, un appel à rassembler toutes ses capacités de calme et d'ouverture à la Lumière et au Pouvoir, afin de se transformer en un instrument de victoire pour le Divin contre le non-divin, pour la Lumière contre l'obscurité de ce monde en désordre. C'est dans cet esprit que vous devez faire face à ces difficultés, en attendant que les éléments supérieurs se soient suffisamment consolidés en vous pour que ces forces ne puissent plus vous attaquer.
Il a tout à fait raison de dire que si les attaques se sont abattues si lourdement sur vous, c'est que vous aviez décidé de pratiquer sérieusement la sâdhanâ et que vous vous approchiez, pourrait-on dire, des portes du Royaume de Lumière. Cela met toujours ces forces en rage et elles font tout ce qu'elles peuvent contre le sâdhak, suscitent ou utilisent toutes les occasions de le tirer en arrière ou, si possible, de l'éloigner définitivement du chemin par leurs suggestions, par leurs influences violentes et en exploitant les incidents de toutes sortes qui ne manquent pas de se multiplier dans de telles circonstances, afin de l'empêcher d'accéder aux portes. J'ai plus d'une fois fait allusion à ces forces dans les lettres que je vous ai adressées, mais je n'ai pas insisté, constatant que, comme la plupart de ceux dont le mental est devenu rationaliste sous l'effet d'une éducation européenne moderne, vous n'étiez pas enclin à ajouter foi à cette connaissance ou du moins à y attacher une importance
quelconque. De nos jours, les gens cherchent à tout expliquer par leur raison ignorante, leur expérience de surface et les événements extérieurs. Ils ne voient pas les forces cachées et les causes intérieures familières à la tradition indienne et yoguique qui en avait eu la vision et la connaissance. Ces forces trouvent bien sûr leur point d'appui dans le sâdhak lui-même, dans les parties ignorantes de sa conscience et dans leur assentiment à ces suggestions et à ces influences ; sinon elles ne pourraient pas agir, ou du moins leur action ne saurait réussir. Dans votre cas, les points d'appui principaux étaient un ego vital inférieur extrêmement sensible auquel s'ajoutent maintenant la conscience physique et ses opinions arrêtées ou coutumières, ses préjugés, ses partis pris, ses réactions habituelles, ses préférences personnelles, son attachement aux vieilles idées et aux vieilles associations d'idées, ses doutes obstinés, toutes choses qu'elle dresse comme un mur d'obstruction et d'opposition contre la lumière plus vaste. C'est cette activité du mental physique que les gens appellent intellect et raison, bien qu'elle ne soit rien de plus qu'une machine qui tourne en rond dans ses habitudes mentales, et ne s'apparente guère à la raison véritable et libre - la Bouddhi supérieure qui est capable d'illumination - et moins encore à la lumière spirituelle supérieure ou à la perception ou au sens intérieurs de la conscience psychique qui voit instantanément ce qui est vrai et juste et le distingue de ce qui est erroné et mensonger. Cette perception intérieure, vous l'aviez constamment quand tout allait bien et surtout chaque fois que la bhakti se renforçait en vous. Lorsque le sâdhak descend dans la conscience physique et quitte les régions du mental ou du vital supérieurs où il avait commencé à se tourner vers le Divin, ces éléments contraires deviennent très forts et très tenaces, et étant donné que les états ou les expériences plus encourageants que l'on a eus auparavant disparaissent derrière le voile, à tel point que l'on se demande presque si on les a jamais eus, il devient difficile d'en sortir. Comme X vous l'a déjà dit et comme je vous l'ai répété moi aussi, la seule
chose à faire est alors de s'accrocher et de tenir jusqu'au bout. Dès que l'on est à tout jamais résolu à rejeter les suggestions de ces forces, si plausibles qu'elles paraissent, le trouble diminue plus ou moins rapidement ; ensuite il sera surmonté et disparaîtra. Abandonner le yoga n'est pas une solution.
Vous avez raison. Les forces hostiles, leurs attaques, leurs suggestions devraient maintenant être surannées, démodées, hors de propos ici, dans notre sâdhanâ. Si quelqu'un pouvait comprendre cela et le réaliser dans sa sâdhanâ, les autres trouveraient peut-être la force de suivre le mouvement. Actuellement ces choses subsistent parce que les sâdhak s'ouvrent à elles par habitude, par désir, par attirance pour le drame vital, par peur, par une acceptation passive et une obéissance inerte. Mais leur présence ici n'a plus de véritable nécessité ni de vraie justification ; quant au monde extérieur, c'est une autre affaire. La sâdhanâ pourrait fort bien et même devrait se poursuivre comme un épanouissement, une atténuation naturelle des défauts et des difficultés, une progression de plus en plus grande de la lumière, du pouvoir et de la transformation.
En disant que leur action "n'est plus nécessaire", je ne voulais pas dire qu'elle ne pouvait pas se poursuivre ; je crois avoir dit expressément que si les sâdhak s'obstinaient à s'ouvrir à elle, elle continuerait. L'action des pouvoirs hostiles diffère de l'action ordinaire de la nature inférieure. Celle-ci se poursuit évidemment tant que la nature inférieure n'est pas transformée, mais elle ne se manifeste pas obligatoirement sous forme d'attaques et de bouleversements hostiles ; on peut la traiter comme un mécanisme qui doit être réglé et qui peut l'être, à l'aide de la Lumière et du
Pouvoir d'en haut. Quelques-uns, attaqués jadis par des pouvoirs hostiles, ont maintenant avancé au point de pouvoir appliquer cette méthode ; d'autres en sont proches ; certains, évidemment, l'ont toujours suivie et n'ont jamais été attaqués, du moins dans leur mental et leur vital. Mais beaucoup en sont encore très loin et par conséquent, l'action des Pouvoirs hostiles se poursuit.
J'ai écrit cela parce que la Lumière et le Pouvoir sont maintenant suffisamment descendus pour que l'on n'ait pas à subir les épreuves que les Pouvoirs hostiles sont autorisés à imposer lorsqu'on ne dispose, pour soutenir le progrès, que du mental ou des forces spirituelles ordinaires sur le plan mental. Si vous regardez de près, vous verrez que maintenant, quand ces Forces agissent, c'est d'une manière parfaitement instinctive et irrationnelle, en répétant sans cesse les mêmes mouvements, sans être soutenues par aucun pouvoir intellectuel ou vital supérieur. Leur méthode est devenue irrationnelle et mécanique, ce sont plutôt les régions inférieures du physique et le subconscient qu'elles obscurcissent. Cela signifie que leur présence n'est plus vraiment justifiée.
Les facteurs que vous énumérez ne sont pas la cause des attaques, mais ils en sont l'occasion ; c'est la faiblesse des sâdhak qui permet ces attaques alors qu'elles pourraient fort bien être repoussées. Les forces hostiles sont présentes dans le monde pour entretenir l'Ignorance ; elles étaient présentes dans la sâdhanâ parce qu'elles avaient le droit de mettre à l'épreuve les sâdhak, pour voir si leur faculté et leur volonté de s'accrocher au Divin et de surmonter toutes les difficultés étaient sincères. Telle était la situation tant que la Lumière supérieure n'était pas descendue dans le physique ; mais maintenant elle descend, elle est suffisamment
présente pour que tous puissent la recevoir de mieux en mieux afin que le chemin s'aplanisse et s'ouvre, qu'il devienne un développement progressif et ne soit plus une bataille.
Ce n'est pas la pression d'en haut qui crée les difficultés. C'est une forte résistance au changement dans les plans inférieurs, et certaines Forces en profitent pour jeter des pavés dans la mare et essayer de bouleverser le plus de gens possible. La Pression d'en haut sur ces Forces ne fait que les expulser de l'atmosphère de la personne qu'elles ont touchée, ou de l'atmosphère en général. Au bout d'un certain temps, elles sont expulsées de l'atmosphère de la personne et ne peuvent plus agir sur elle, sinon à distance avec un effet très minime. Lorsque cela pourra se faire d'une manière générale, afin qu'elles soient repoussées à une certaine distance de l'atmosphère de l'Ashram, alors tous ces ennuis cesseront.
Ils n'ont pas quitté l'Ashram à cause de la pression du yoga, mais à cause de la pression de quelque chose en eux qui nie le yoga. Si l'on suit son être psychique et l'appel du mental supérieur, la pression du yoga, si forte soit-elle, ne peut avoir de telles conséquences. Les gens parlent du yoga comme s'il contenait une force maléfique capable de produire ces résultats. C'est au contraire la résistance au yoga qui les produit.
Souvent le fait qu'un progrès ait été accompli réveille l'activité des forces adverses ; elles veulent le plus possible en atténuer l'effet. Quand vous avez une expérience décisive comme celle-ci, vous devez rester en concentration et
l'assimiler, en évitant de vous disperser et d'extérioriser si peu que ce soit votre conscience.
Très souvent, après une bonne expérience ou un progrès décisif, les êtres du monde vital essaient d'attaquer et deviennent menaçants... Ils espèrent toujours pouvoir détourner le sâdhak de son chemin par des attaques et des menaces.
C'est souvent le cas. Lorsqu'un progrès a été fait (ici, l'ouverture de la vision intérieure), les forces hostiles attaquent avec furie. Vous devez être particulièrement sur vos gardes quand vous faites un progrès, afin de repousser les attaquants avant qu'ils ne puissent pénétrer en vous.
C'est exact. Le reste est un résidu de l'attaque, d'une attaque soudaine et violente, comme il en vient souvent lorsqu'on est en plein progrès et sur le point d'atteindre le chemin direct et ouvert. Elle ne peut dévier en permanence le progrès et lorsqu'elle disparaît, on a en général une chance d'avancer plus fermement et plus rapidement vers le but. C'est ce que nous devons faire maintenant.
Naturellement, les forces hostiles sont toujours aux aguets pour dérober le maximum de ce que le sâdhak a reçu ; non qu'elles en tirent un profit, mais elles l'empêchent de s'en servir pour construire la vie divine.
La lutte se poursuit sans cesse entre les forces de Lumière et les forces d'opposition ; dès qu'il y a un mouvement vrai et un progrès authentique, celles-ci tentent d'arrêter le progrès ou de le retarder en le contrariant par un mouvement faux. Tantôt cette intervention réveille en vous d'anciens mouvements qui ont gardé le pouvoir de se reproduire, tantôt elles se servent de mouvements ou de pensées qui sont présents dans l'atmosphère, de paroles prononcées par les autres, pour troubler la conscience. Quand on peut établir dans le physique une paix durable et y rendre permanente l'action du Pouvoir et la consécration de l'être, alors la base devient sûre ; les fluctuations de ce genre ne peuvent plus se produire, même s'il subsiste des difficultés superficielles.
Ou bien c'est la conscience supérieure qui doit descendre dans le vital et le physique, ou bien l'on doit détecter, à l'aide de la conscience psychique venant au premier plan, toutes les imperfections du vital et les rejeter.
Il y a toujours des forces hostiles qui tentent d'arrêter l'expérience ou de la détruire. Si elles viennent, c'est un signe que quelque chose dans l'être - vital ou physique - répond à leurs sollicitations ou est trop inerte pour s'y opposer.
Votre lettre est trop vague. La réaction que vous décrivez pourrait tout aussi bien être celle qui suit souvent une expérience : la force adverse pénètre en apportant un mouvement contraire. Tantôt les épreuves viennent des forces hostiles, tantôt elles sont apportées par le cours naturel des choses. Je suppose qu'elles sont nécessaires, puisqu'elles ne manquent jamais d'apparaître dans la sâdhanâ.
Il est inutile de se soumettre à des épreuves : toutes les épreuves nécessaires viennent d'elles-mêmes de la manière la plus ordinaire, par le simple fait d'utiliser une faculté et à mesure que l'on progresse ; aucune autre épreuve n'est nécessaire. En dehors de celles-ci, les forces hostiles en imposent d'autres ; mais leur méthode consiste soit à profiter d'un point faible sur lequel elles exercent un maximum de pression pour briser la sâdhanâ, soit à déchaîner toutes les forces adverses sur la conscience alors qu'elle est encore dans une phase de transition et qu'elle manque encore de maturité, afin d'anéantir tout ce qui a été fait. Ce n'est pas véritablement une épreuve, mais une destruction pure et simple qui se substitue à la méthode constructive. En se soumettant inutilement à des épreuves, on attire dangereusement cette pression hostile et on suscite des choses qu'il faudrait rejeter. Il est certes nécessaire d'être conscient, mais pour cela une introspection tranquille suffit ; la méthode qui consiste à susciter les difficultés pour se mettre à l'épreuve est foncièrement mauvaise.
La Manifestation divine procède par le calme et l'harmonie, non par des bouleversements catastrophiques. Ceux-ci sont le signe d'un conflit, généralement entre des forces vitales contraires, mais dans tous les cas, d'un conflit sur le plan inférieur.
Vous pensez trop aux forces adverses. Ce genre de préoccupation cause beaucoup de tourments inutiles. Fixez votre mental sur le côté positif. Ouvrez-vous au pouvoir de la Mère ; concentrez-vous sur sa protection ; appelez la lumière, le calme, la paix, la pureté et la croissance en la conscience et en la connaissance divines.
L'idée d'épreuve n'est pas non plus une idée saine et ne doit pas être poussée trop loin. Les épreuves sont infligées, non par le Divin, mais par les forces des plans inférieurs - mental, vital et physique - et tolérées par le Divin parce
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qu'elles font partie de l'éducation de l'âme et l'aident à se connaître elle-même, à connaître ses pouvoirs et les limitations qu'elle doit dépasser. La Mère ne vous met pas à l'épreuve à chaque instant ; au contraire, elle vous aide à chaque moment à vous élever au-dessus de la nécessité des épreuves et des difficultés, nécessité qui appartient à la conscience inférieure. Être toujours conscient de cette aide sera votre meilleure sauvegarde contre toutes les attaques, qu'elles viennent des forces adverses ou de votre propre nature inférieure.5
Si l'on sait profiter de l'expérience, même les Forces hostiles et leurs attaques peuvent être utiles ; ce qui ne signifie évidemment pas que l'on doive susciter les attaques. Ces Forces hostiles pressent tant qu'elles peuvent sur un point faible de notre nature et si nous sommes vigilants, nous pouvons voir cette faiblesse et la rejeter. Seulement la méthode d'attaque de ces Forces est trop violente et catastrophique et risque de détruire aussi ce que l'on a de bon en soi : foi, paix, etc. ; on doit donc veiller à préserver cela de toutes les attaques.
Lorsque les pouvoirs hostiles ne peuvent interrompre le yoga par des moyens positifs - tentations ou crises vitales - ils ne demandent pas mieux que de le faire par des moyens négatifs : d'abord en jetant le sâdhak dans la dépression, puis en l'incitant à refuser à la fois la vie ordinaire et la sâdhanâ.
Les attaques indirectes n'ont pas ce caractère d'invasion violente et d'obscurcissement par les forces hostiles ; elles
5. Les Bases du Yoga. chapitre III. Traduction de la Mère.
procèdent par suggestions voilées, moitié vraies, moitié fausses, en essayant de présenter le mensonge sous les atours de la Vérité divine ou de mêler adroitement la conscience inférieure à la conscience supérieure. Elles tentent de détourner le sâdhak de son chemin par la ruse plutôt que de le vaincre par la force.
Lorsque les forces ou les êtres du vital projettent une influence, elles lui donnent certaines formes de pensée et d'action qu'elles implantent dans le mental et le vital des individus pour les faire sentir, penser, agir et parler d'une manière particulière. Quiconque s'ouvre à l'influence de ces forces agit selon cette formation, en la modifiant peut-être par son propre tempérament vital.
Le nombre d'êtres vitaux qui s'attachent à un individu n'est pas fixe - mais parfois certains êtres vitaux particuliers s'attachent à un individu, s'il les accepte.
Les attaques sont incessantes et ces temps-ci elles se sont abattues sur bien des sâdhak. Mais si la foi est puissante et fondée sur la Mère, et si l'aspiration est ardente, aucune attaque ne pourra laisser de traces durables.
Il y a habituellement deux manières de faire face aux attaques : les rejeter par des moyens dynamiques, ou rester indifférent et les laisser passer.
Cet état qui essaie de s'abattre sur vous et de vous saisir n'appartient pas à votre vrai moi ; c'est une influence étrangère. Si vous y cédiez, si vous l'exprimiez, ce ne serait pas une preuve de sincérité, mais l'expression de quelque chose de faux par rapport à votre être intérieur, quelque chose qui, à mesure que vous progresserez, vous deviendra de plus en plus étranger. Rejetez cet état chaque fois qu'il vient, même si vous en ressentez fortement le contact ; ouvrez votre mental et votre âme à la Mère, gardez votre volonté et votre foi, et vous le verrez reculer. Même s'il s'obstine à revenir, soyez aussi obstiné et même plus obstiné à le combattre et ferme dans votre rejet ; cela le découragera et l'épuisera ; à la fin, il s'affaiblira, il ne sera plus que l'ombre de lui-même et disparaîtra.
Soyez toujours fidèle à votre vrai moi ; c'est cela, la vraie sincérité. Persévérez et triomphez.
Les forces inférieures espèrent vous lasser par leur persévérance, ou pénétrer en vous par pure obstination... ou tout au moins retarder la réalisation par leurs attaques. C'est leur méthode. Si elles parviennent à ébranler la foi, la paix et la samatâ, elles se considèrent comme largement récompensées.
La seule erreur serait de vous laisser déborder par les forces adverses. Si vous conservez votre fermeté intérieure, vous pourrez repousser l'attaque, ou elle s'épuisera et passera. Dans de telles circonstances, il faut être comme une falaise : attaquée, par la mer déchaînée.
Ce n'est pas être sincère que de n'exprimer que ce que 168 forces adverses vous suggèrent ou ce que vous ressentez
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quand vous êtes dans une mauvaise passe, que vous êtes plein d'obscurité, et que votre vision est faussée. Quand vous êtes dans la Vérité, c'est exactement le contraire que vous sentez et ce n'est pas de l'insincérité que de se cramponner à cet état et de chercher à le faire revenir. C'est seulement lorsque vous l'aurez fait revenir que la Vérité pourra grandir en vous.
La douleur dans la poitrine provient seulement d'une résistance vitale ; elle persiste parce que vous vous identifiez à cette résistance. C'est seulement par la tranquillité et l'ouverture à la Mère que ces ennuis peuvent disparaître. Il n'y a pas d'autre moyen de progresser.
Si vous n'avez plus la tranquillité, vous pouvez toujours commencer par y aspirer ; une aspiration sincère la fera revenir.
Je ne vois pas quelles raisons peuvent être assez subtiles pour justifier ou même paraître justifier quelque chose qui s'oppose à la sâdhanâ et essaie de la détruire. Tout obstacle au progrès spirituel ne peut être qu'un mensonge, quelles que soient les raisons qu'il donne pour se faire valoir. La meilleure chose à faire est de ne pas prêter l'oreille à ses raisons.
D'après votre dernière lettre, il est clair que ce n'est pas votre propre volonté qui vous pousse à partir, mais quelque chose qui s'est emparé de votre mental, l'emprise d'une certaine Force qui utilise un ancien mouvement du mental et du vital extérieurs pour vous y pousser. Raison de plus pour rejeter cette impulsion, puisqu'elle est contraire au vrai sentiment de l'âme et du cœur. C'est un piètre orgueil que celui qui dit : "Je suis de ceux qui se rompent, mais ne plient Pas" ; il dissimule le fait que c'est devant les forces et les impulsions ignorantes et obscures que l'on plie. Le résultat
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en est, comme vous le constatez vous-même à la fin de votre lettre, que l'on s'incline devant les forces inférieures de la nature, mais que l'on refuse de s'incliner devant le Divin.
Si votre sâdhanâ doit être un conflit entre la Volonté supérieure et les vieilles forces de la nature qui apportent la souffrance et les tourments intérieurs, nous ne voulons pas que vous pratiquiez une sâdhanâ de ce genre. Ce n'est pas l'esprit de notre yoga. Ce que nous voulons, c'est que vous retrouviez votre tranquillité et qu'en elle, vous poursuiviez votre chemin. Il est toujours préférable d'avoir une base de tranquillité et de laisser la Force divine agir en vous fermement et calmement ; il n'est pas nécessaire, pour avancer, de déployer un énorme effort personnel dans le bouleversement et la lutte. Retrouvez cette tranquillité ; ouvrez-vous de nouveau comme autrefois - vous retrouviez alors le sommeil ou la santé en un jour ou deux, et vous vous développiez intérieurement sans ennuis excessifs - et laissez le Pouvoir et la Grâce de la Mère vous conduire.
Je ferai tout pour vous aider et vous tirer d'affaire, mais ce qui s'est fermé en vous doit se rouvrir pour que l'aide agisse aussi rapidement qu'autrefois. Sinon elle pourra toujours vous tirer d'affaire, mais s'il existe une forte obstruction qui doit être détruite, il y faudra du temps. Je crois qu'un renversement d'attitude mentale changerait tout ; cela a déjà été le cas.
Vous devriez comprendre que ces incidents sont des attaques qui vous viennent d'une Force adverse à laquelle votre nature a répondu, en raison du désir vital et de l'ego vital - de ce que vous appelez l'égoïsme. Quand cela arrive, vous devez comprendre que c'est une attaque et la repousser au lieu de la laisser entrer ; et pour cela, vous devez toujours écarter de vous le désir, l'égoïsme et tout ce qui en découle : jalousie, exigence, colère, etc. Inutile d'invoquer les bonnes raisons qu'elles ont d'apparaître : même si toutes les raisons
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invoquées étaient justes, elles ne justifieraient pas le fait que vous vous y laissiez aller, car rien, dans un sâdhak, ne justifie cela. Il est inutile de comprendre : il n'y a rien à comprendre, si ce n'est qu'avec ou sans raison, le désir, l'égoïsme, la jalousie, l'exigence, la colère n'ont aucune place dans la vie spirituelle.
Si vous vous en tenez à votre résolution, tout ira bien ; et la connaissance juste viendra non du mental et de ses raisonnements, mais de l'âme et de sa vraie vision des choses.
Oui, la difficulté est qu'il y a toujours, dans la nature, une partie qui donne prise à l'attaque. Elle continue à se laisser faire, elle y prend plaisir ou, même si elle veut s'en libérer, elle est trop habituée à recevoir les sentiments, les pensées, les suggestions du passé et à y réagir ; elle ne sait pas encore comment ne pas y réagir. L'être mental doit d'abord prendre du recul, refuser d'accepter, dire : "Cela ne m'appartient plus." Même si l'être vital est consentant, une partie de la nature peut alors être libre, observer l'attaque et la faire cesser. Puis cette partie libérée doit imposer la même volonté de détachement au vital, afin qu'au bout d'un certain temps, il sente lui aussi, quand vient l'attaque, qu'elle lui est étrangère, ne lui appartient pas : comme si un inconnu était entré dans la pièce et cherchait à imposer ses idées ou sa volonté aux occupants. Ensuite il devient plus facile de s'en débarrasser complètement. La Force de la Mère est évidemment à l'œuvre, mais ce consentement du mental et du vital permet d'obtenir rapidement et facilement un résultat ; sans lui, il faut du temps et davantage d'effort et de lutte.
Si, en présence d'une attaque ou d'une obstruction, on pelle la Mère ou on pense à elle, le succès n'est pas forcément immédiat; même la volonté de se débarrasser de
l'attaque ou de l'obstruction peut ne pas être aussitôt efficace, mais il faut persévérer jusqu'à ce que l'on obtienne un résultat, et si l'on persévère, le résultat ne peut manquer de se produire.
Durant ces attaques, on ne voit que le côté négatif des choses, parce que l'attaque ou l'obstruction essaie en tout premier lieu de voiler l'intelligence du mental. Si elle n'y arrive pas, il lui est difficile à ce moment-là de s'imposer complètement. Car si le mental reste alerte et s'accroche à la vérité, l'attaque ne peut que bouleverser le vital et bien que cela puisse être fort pénible, l'attitude juste du mental agit comme un correctif ; le retour à l'équilibre en est facilité et le vital revient plus vite à son état normal. Si le vital garde son équilibre, l'attaque n'affecte que la conscience physique et seulement par ses suggestions ; elle est bien plus superficielle, ou même ne fait que susciter temporairement une agitation, un malaise ou une maladie dans le corps, alors que le reste de la conscience n'en est pas affecté. Il est par conséquent très important de s'accoutumer à garder l'attitude mentale juste, même pendant une attaque, si forte soit-elle. Dans ce cas, ce qui aide le plus, c'est de garder Sa foi : la foi que le Divin est toujours là, la foi qui me fait dire : "J'arriverai jusqu'à lui quelles que soient les épreuves par lesquelles il me faudra passer." Cela permet de voir aussi les autres choses sous leur vrai jour.
Par ego tamasique, on désigne l'ego qui est faible, se déprécie, se décourage, ne croit à rien. L'ego radjasique est gonflé d'orgueil et d'amour-propre et cherche obstinément à s'imposer à chaque pas ou partout où il le peut ; l'ego tamasique, au contraire, ne cesse d'exprimer des sentiments comme ceux-ci : "Je suis faible, je suis misérable, je n'ai aucune capacité, le Divin ne m'aime pas, ne m'a pas choisi, je ne vaux rien, je suis incapable ; que peut le Divin pour moi ?" Ou encore : "C'est toujours sur moi que s'acharnent le malheur et la souffrance, de tous je suis le moins aimé, tous progressent, je reste seul en arrière, je suis délaissé de toutes parts, il ne me reste plus que la fuite, la mort ou
la catastrophe", etc., etc. ; tels sont, exprimés en partie et pêle-mêle, les sentiments de l'ego tamasique. Parfois l'Ahankâr radjasique et l'Ahankâr tamasique se combinent pour s'étayer subtilement l'un l'autre. Dans un cas comme dans l'autre, c'est le "je" qui se joue un drame et obscurcit la vraie vision. La vraie vision spirituelle ou psychique est celle-ci : "Quoi que je puisse être, mon âme est un enfant du Divin qui doit tôt ou tard parvenir au Divin. Je suis imparfait, mais je recherche la perfection du Divin en moi, et cette perfection, ce n'est pas moi, mais la Grâce divine qui l'accomplira ; si je suis persévérant, la Grâce divine elle-même fera tout." Le "je" doit prendre la place qui lui revient, celle d'une petite parcelle et d'un instrument du Divin, d'un quelque chose qui n'est rien sans le Divin mais qui, à l'aide de la Grâce, peut devenir tout ce que le Divin veut qu'il soit.
L'aide de la Mère est toujours là, mais vous n'en êtes pas conscient, sauf lorsque le psychique est actif et que la conscience n'est pas obscurcie. Le fait que les suggestions apparaissent ne prouve pas que l'aide n'est pas là. Tous reçoivent des suggestions, même les plus grands sâdhak ou les Avatars : le Bouddha et le Christ en ont reçu. Des obstacles, il y en a : ils font partie de la Nature et doivent être surmontés. Il faut arriver à ne pas écouter les suggestions, à ne pas les considérer comme la vérité ou comme émanant de sa propre pensée, à les voir pour ce qu'elles sont et à se tenir à distance. Il faut considérer les obstacles comme des pièces défectueuses dans le mécanisme de la nature humaine qui doivent être changées ; il ne faut pas les considérer comme de mauvaises actions ou des péchés qui vous feraient désespérer de vous-même et de la sâdhanâ.
Mais quand les suggestions viennent, il est sûrement possible de déterminer, par leur caractère même, ce qu'elles sont, et leur nature montre qu'elles ne peuvent venir que de Forces vitales mauvaises. Il n'y a rien à en dire, sinon que vous
devez les rejeter immédiatement et refuser de les laisser entrer dans votre mental et votre vital, c'est-à-dire que vous ne devez pas les accepter ni leur permettre de vous influencer. Très peu de gens ont la perception occulte et directe des Forces qui sont derrière la suggestion, du moins tant que la conscience cosmique n'est pas entièrement ouverte ; lorsqu'elle l'est, il devient plus facile de la percevoir directement. Mais la compréhension mentale peut aussi s'avérer efficace.
Ne laissez pas ces suggestions prendre le dessus. Si vous tenez ces pouvoirs en échec chaque fois qu'ils vous attaquent, vous accumulez davantage de force pour progresser. Ils vous attaquent en vous suggérant une fausse interprétation, dans l'espoir de prolonger un peu, si vous l'acceptez, leur pouvoir de vous envahir de nouveau. Ne les laissez pas prendre le dessus, si brièvement que ce soit.
Il suffit que vous restiez en contact avec la Force et que vous rejetiez la confusion chaque fois qu'elle vous assaille. Le reste sera fait par la Force divine elle-même, car nul n'est vraiment assez fort pour se transformer, c'est la Force divine qui le fait, lorsqu'on l'appelle.
Oui, le Pouvoir, l'aide qu'il apporte et son action sur l'être intérieur sont et seront toujours avec vous. Dans les attaques les plus fortes, dans les heures les plus sombres, il était voilé et caché, mais jamais absent : il ne s'était pas retiré et ne le fera jamais.
Toutes ces difficultés trouvent naturellement leur origine dans les espérances de toutes sortes que nourrit le vital. Quand on veut s'en débarrasser, le vital résiste et refuse de s'en séparer ; cela ne représenterait rien de plus qu'un travail de transformation, d'ajustement, de réaménagement qui pourrait prendre du temps, mais n'engendrerait pas de conflits ou de bouleversements sérieux. Car dès l'instant où le mental et la volonté intérieure seraient bien décidés à se débarrasser de ces mouvements, la volonté du vital supérieur se rangerait à leurs côtés et le reste de l'être serait incapable de résister indéfiniment ou violemment à la pression de la volonté supérieure de l'être, bien qu'il soit plus obstinément opposé au changement parce qu'il est fait d'habitudes, qu'il est soutenu par le subconscient et non dirigé par la raison ou la connaissance ; sa force de résistance diminuerait et les réactions habituelles s'estomperaient ou disparaîtraient. Mais la prolongation de la difficulté et son acuité tiennent au fait qu'il y a, dans la Nature, des Forces qui ne sont pas personnelles ou individuelles, mais universelles, qui se nourrissent de ces mouvements et Ont longtemps dominé, grâce à eux, la nature individuelle. Elles ne veulent pas perdre leur empire et par conséquent, lorsque ces mouvements sont expulsés, elles les renvoient sur le sâdhak en vagues puissantes ou avec une grande violence. Ou elles créent dans le vital une grande dépression, un grand découragement, un grand désespoir - c'est leur arme favorite - parce qu'il est en train de perdre son ancienne capacité à ressentir le désir et n'est pas encore assuré d'avoir quelque chose pour la remplacer, c'est-à-dire un état ou un sentiment psychique ou spirituel, sûr et continu. Tout l'effort de ces Forces vise à empêcher cela. Elles créent donc ces bouleversements et le vital les accepte parce qu'il a l'habitude d'obéir aux Forces inférieures. Elles introduisent en même temps dans le mental des suggestions qui l'incitent à accepter, lui aussi, le trouble, le découragement et la dépression. C'est de cela que je voulais parler en disant qu'il s'agit d'attaques venant de l'extérieur qui doivent être rejetées. Si l'on ne
peut pas les rejeter complètement, on doit cependant essayer de garder consciente une partie du mental qui refusera d'accepter les suggestions et de se laisser gagner par la dépression et le trouble, qui dira avec fermeté : "Je sais ce que c'est, et je sais que cela passera, que je pourrai reprendre mon chemin vers le but que rien ne peut m'empêcher d'atteindre, puisque telle est et sera toujours la volonté de mon âme." Vous devez parvenir à un point où vous serez à tout moment capable de le faire ; alors le pouvoir perturbateur des Forces commencera à diminuer et à disparaître. Notre Force est là avec vous et ne manquera pas de vous soutenir et de vous revigorer. L'idée que nous sommes indifférents vous est évidemment suggérée pour contribuer à la dépression et la fortifier. Considérez-la comme telle et ne l'acceptez pas comme une vérité ou une pensée émanant de vous-même ; car il est impossible que ce soit vrai. Que vous réussissiez à atteindre la paix et la lumière est notre souci autant que le vôtre, et même plus.
Il y a presque toujours dans l'être certaines parties qui refusent de fournir l'effort exigé d'elles, ou s'en sentent incapables. En général, le psychique, le mental et le vital supérieur s'unissent pour pratiquer le yoga, car si ces trois parties de l'être ne sont pas unies, le yoga ne progressera guère au-delà de quelques expériences de temps en temps. Mais le vital inférieur contient presque toujours quelque chose de récalcitrant, et le physique est dans l'ensemble trop obscur. Si le sâdhak était laissé à lui-même, il ne serait pas trop difficile de remédier à cela, mais c'est là qu'intervient l'hostilité des forces universelles (inférieures) ; elles veulent conserver leur empire sur l'être. Il en résulte une résistance exacerbée du vital inférieur et une obstruction exagérée (inertie, résistance passive) dans le physique qui accepte alors les suggestions de suicide, de dépression ou de désespoir.
[Les attaques des forces hostiles contre l'être extérieur :] On les ressent comme des suggestions, ou comme un contact à la surface du mental, du vital, du physique, ou encore comme des mouvements dans l'atmosphère (dans la conscience environnante personnelle ou générale), mais pour l'être intérieur elles sont comme des rafales ou des tempêtes au-dehors. S'il leur arrivait d'entrer dans la maison, elles seraient bientôt expulsées ; portes et fenêtres claqueraient derrière elles ; rien à l'intérieur ne les accepte ni ne les tolère.
C'était sans doute une indication sur l'origine et la localisation de la suggestion ou de l'influence. On sent très concrètement pénétrer, plus ou moins violemment, les pensées, les vibrations ou la pression émanant d'une force mauvaise, lorsque la conscience est ouverte. Quand elle ne l'est pas, elles entrent sans qu'on s'en aperçoive et on ne sent que le résultat.
Dans le mental supérieur et au-dessus, rien n'est soumis à l'action des forces hostiles. Car là tout appartient à la conscience spirituelle, plus ou moins complètement, avec plus ou moins de lumière et de pouvoir.
Les forces vitales peuvent attaquer le mental et le font. Nombreux sont ceux qui en reçoivent des suggestions par l'intermédiaire du cerveau ; il est donc tout à fait possible que vous ayez senti celle-ci venir d'en haut, à travers la tête. Cela ne signifie pas qu'elle soit venue des régions supérieures
au mental (mental supérieur, intuition ou surmental). Un raisonnement correct n'est rien de plus qu'une argumentation cohérente basée sur un certain point de vue : il ne saurait ni justifier un accès de colère, ni indiquer que celui-ci n'est pas d'origine adverse.
Vous étiez en train de faire descendre la vraie conscience dans le vital, mais comme l'ancienne difficulté est revenue dans le physique, l'attaque vitale se renouvelle. Vous saurez que la libération est complète lorsque votre vital pourra invariablement affronter cette attaque sans bouleversement ni cris, en repoussant la force d'attaque par une calme force intérieure de rejet.
Toutes ces parties de l'être ont progressé, mais elles semblent encore susceptibles d'obéir aux suggestions des forces hostiles. Ces suggestions, tout le monde en reçoit, mais on ne devrait pas les laisser entrer, surtout dans le cœur, ni permettre au vital de les accepter. Elles entrent évidemment par le mental physique (c'est ce que j'entendais par "la gorge et au-dessus") et affectent le vital de surface et l'être émotif. Vous devez acquérir le pouvoir de les en expulser en niant et en rejetant constamment et fermement leurs suggestions. Tant qu'il y a en vous quelque chose qui dit "oui" ou accepte, elles ont toujours la possibilité de revenir.
Comme je vous l'ai dit. c'est par habitude que le mental physique et le vital obéissent à ces forces. Dès qu'elles touchent l'un ou l'autre, vous êtes bouleversé et vous ne vous contrôlez plus. Le moyen de s'en débarrasser est de se
concentrer dans le cœur, mais la conscience doit aussi se détacher pour pouvoir se tenir à l'écart de l'attaque et s'en sentir séparée.
Si grâce à la concentration dans le cœur les attaques des forces hostiles sont devenues moins fortes ou moins fréquentes, vous devez poursuivre cette concentration jusqu'à ce que vous soyez capable d'effectuer la jonction entre la tête et le cœur, le psychique et la conscience supérieure. Tout dépend de cela. Le psychique doit être assez fort pour contraindre le vital et le physique à se donner au Divin ; ou la conscience supérieure doit descendre et tout occuper de sorte que les anciens mouvements soient capables tout au plus de s'agiter à la surface, sans pouvoir pénétrer dans le calme intérieur ni même l'atteindre; ou encore, les deux ensemble, psychique et conscience supérieure, doivent occuper tout l'être. Telles sont les trois voies par lesquelles progresse le yoga. Si la concentration dans le cœur - c'est-à-dire l'éveil du psychique -, est plus efficace contre les attaques, c'est elle que vous devez pratiquer.
Si même durant ces attaques et en dépit des souffrances et de l'obscurité, vous pouvez sentir cette partie de vous-même où la Paix est constante et la retrouver à tout moment, c'est un immense progrès. Ce quelque chose en vous qui ne la sent pas constamment, qui reste à mi-chemin, hésitant, doit maintenant, lui aussi, prendre la décision de se consacrer tout entier. C'est seulement une partie de votre mental physique qui ne comprend pas, qui recommence à accueillir les idées anciennes ; elle doit être convertie. Peu importent la faiblesse et les incapacités ; elles s'en iront quand la Paix et le Pouvoir seront complètement descendus dans le physique. Votre nouvelle naissance est certaine, vous en avez
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senti les premiers signes dans le psychique éveillé ; le reste ne peut que suivre.
Je crois que c'est plutôt le manque de sommeil qui est cause de cela, et aussi un conflit intérieur trop intense dû à la pression constante de l'agitation vitale et au tamas physique, qui par là affaiblissent les nerfs.
L'inertie physique et tous ses symptômes viennent, comme l'agitation vitale, des forces hostiles qui vous attaquent pour interrompre l'ouverture vers le haut et l'empêcher de se produire. Les idées qui apparaissent pour justifier cette inertie sont sans valeur : il est faux que le travail manuel soit inférieur à la culture mentale ; c'est l'arrogance de l'intellect qui le prétend. Les travaux exécutés pour le Divin sont tous également divins ; le labeur manuel accompli pour le Divin est plus divin qu'une culture mentale ayant pour objectif le développement personnel, la notoriété ou la satisfaction intellectuelle.
L'inertie, l'engourdissement, la douleur doivent être rejetés avec la même résolution que les troubles du vital. Leur seule particularité, en ce qui vous concerne, est la violence persistante de l'attaque, comme c'était le cas pour le vital ; autrement c'est ce que les autres ressentent aussi; mais chaque fois ils rejettent tout cela, font appel à la Mère et sont libérés, peu après si l'attaque est violente, aussitôt si elle est plus bénigne.
Lorsqu'on est temporairement incapable d'accomplir un effort physique, on peut se reposer, mais uniquement dans le but de recouvrer l'énergie physique. L'idée d'abandonner le travail physique pour se cultiver mentalement est une invention de l'ego mental.
L'inertie donne aux forces hostiles l'occasion et le pouvoir d'agir.
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Les attaques dont vous parlez peuvent survenir n'importe où. Ce sont des forces vitales contraires qui attaquent les centres nerveux et l'être nerveux. Le fait que cette attaque vous empêchait de venir ici et qu'elle a commencé à céder lorsque vous vous êtes plongé dans l'atmosphère et les idées du livre "Le yoga et son objectif"6 est caractéristique de son origine. Quant aux autres symptômes, ils s'étaient accumulés dans l'être nerveux jusqu'à porter l'agitation à son paroxysme et sont très fréquents dans les cas de ce genre. Le désir de s'enfuir quelque part est un symptôme très courant. L'hystérie aussi vient d'une attaque émanant de forces similaires, mais elle n'en est que l'une des formes ; l'attaque ne revêt pas forcément l'apparence d'une maladie. Les médecins la considèrent comme une forme de ce qu'ils appellent neurasthénie, faiblesse des nerfs ; mais cela ne fait que localiser le phénomène sans en expliquer la vraie nature ni la véritable cause. Dans les deux cas, ici comme là-bas, les forces tentaient d'entraver votre vie spirituelle en créant une infirmité et un état de trouble dans la partie physico-vitale de l'être. Quoi qu'il en soit, le fait est que vous n'avez pas pu partir d'ici, et que nous avons pu éliminer la chose entièrement et sur-le-champ, dès que ce sentiment de chagrin à l'idée de partir a provoqué en vous une ouverture : tout cela démontre que la vie spirituelle est plus forte et plus profonde en vous, même lorsqu'elle est voilée, que les forces hostiles à leur paroxysme. Et c'est le principal.
Ce qui subsiste en vous est la capacité de répondre à ces suggestions, à cause de l'empreinte laissée sur le physique et surtout sur le physique subconscient par les habitudes passées. Je vous ai expliqué comment cela se passe : ces mouvements, lorsqu'ils sont rejetés par le mental et le vital,
6. The Yoga and its Object : court ouvrage de Sri Aurobindo publié à Chandernagor en 1921.
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descendent dans le subconscient ou vont dans la conscience environnante, et de là peuvent revenir s'ils sont poussés par les forces hostiles. C'est par ces deux moyens que les forces hostiles essaient de recouvrer leur emprise. Les mouvements qui émergent du subconscient n'ont pas tant d'importance, si ce n'est qu'ils persistent longtemps ; ils viennent en rêve, ou par fragments dans la conscience de veille. Mais quand « ils viennent de la conscience environnante, l'attaque peut être violente et c'est évidemment ce qui vous arrive en ce moment.
Je crois que ce qui renforce ces attaques et tend à vous déséquilibrer, c'est, quelque part en vous, un sentiment d'impatience devant le fait que les choses n'avancent pas, qu'il n'y a pas de progrès décisif, et que ces mouvements ne sont pas encore définitivement éliminés. Ce qui peut apparaître comme une pause n'est pas nécessairement d'origine adverse ; ce peut être une étape préparatoire à un nouveau progrès plus décisif ; c'est fréquent dans la sâdhanâ ; mais vous devez veiller à conserver l'avance que vous avez prise malgré les attaques. Le prochain progrès devrait être la descente du calme et de la paix spirituels complets et l'ouverture de la conscience dans l'immensité. En attendant, restez ferme et ne laissez aucune de ces attaques ébranler la base de votre sâdhanâ.
La conscience extérieure peut être envahie par des éléments sortant du subconscient ou venant du dehors et y répondre, parce qu'une habitude acquise réveille une vibration, mais cela ne signifie pas que la volonté du vital ou du mental physique y soit favorable. Si ces éléments contenaient quelque chose qui normalement favorise le sexe ou la violence, vous pourriez alors parier d'impuretés. Mais si tel était le cas, vous ne seriez pas seulement attaqué de temps en temps : le combat contre la colère et le désir serait quotidien.
Si l'on devait attendre la pureté absolue, celle que les
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attaques de ce genre ne peuvent toucher, avant de commencer à réaliser le Divin, nul n'en serait jamais capable. C'est à mesure que la réalisation progresse que la transformation fondamentale se fait.
Ces attaques ne devraient pas vous décourager. Tant que la base n'est pas complètement établie dans le physique, il y a toujours des moments où les mouvements anciens semblent revivre. Mais tant qu'il ne s'agit que d'une force extérieure qui fait irruption, baratte le subconscient et ne dure pas, cela ne signifie pas qu'aucun progrès n'a été fait. Nous avons affaire à la conscience humaine dans toute sa complexité, dans ses parties cachées autant qu'à sa surface, et cette conscience est faite de couches superposées où des résidus d'anciennes réactions peuvent encore rester tapis, mais chaque victoire renforce la maîtrise et rapproche de la complète purification.
Vous n'avez pas à être bouleversé au sujet de cet incident : il vous suffit de prendre note des mouvements comme celui-ci et de veiller à ce qu'ils ne trouvent plus de raison de se produire en vous. C'est probablement le contact avec le monde extérieur qui a réveillé en vous certaines tendances assoupies depuis longtemps. Quand la conscience s'abaisse, diminue ou se détériore dans l'une de ses parties, l'Adversaire - ou le Censeur - qui est toujours à l'affût presse tant qu'il peut partout où un point faible se dissimule à notre vue, et soudain un mouvement faux jaillit avec une force inattendue. Devenez conscient et rejetez la possibilité que cela se renouvelle ; c'est tout ce qu'il y a à faire.
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Ces forces [d'inertie, de dépression, etc.] se promènent dans l'atmosphère et vous sautent dessus à l'improviste. Il est souvent difficile de voir exactement d'où elles viennent ; souvent aussi, elles viennent sans la moindre raison ou sans que rien en soi-même ne les y invite. Il suffit de se secouer pour s'en débarrasser, comme d'un objet matériel qui serait tombé sur vous.
Les choses se passent de la même manière pour tout le monde tant que l'on n'a pas atteint la siddhi positive de la transformation, grâce à laquelle il devient contraire à la nature même de l'instrument de répondre à ces vibrations, parce qu'elles lui sont devenues étrangères. Tant qu'on n'en est pas là, tout dépend de la vigilance de la conscience et de sa volonté. Le fait que la réaction se répète n'augmente pas la difficulté ; cela ne fait que retarder le moment où les forces envahissantes seront expulsées.
Le mécanisme qui déclenche la réaction est le même chez tout le monde. Ce n'est pas par un choc, mais par quelque chose qui élargit ou élève l'être qu'il peut sortir de son ornière.
Mieux vaut ne pas se préoccuper des forces hostiles. Entretenez en vous une aspiration forte et sincère, appelez le Divin en toute occasion et à tout moment pour qu'il vous soutienne, et dans tout ce que vous sentez, restez ouvert à notre influence. C'est le chemin le plus facile pour atteindre le Divin. Si vous commencez à vous préoccuper des forces hostiles, vous ne ferez que le rendre plus difficile.
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C'est ainsi qu'il faut considérer les suggestions hostiles : sans y prêter intérêt, avec indifférence. Ainsi on supprime la nécessité de lutter sans cesse - qui est en elle-même une forme d'intérêt - et pour ces suggestions c'est tout aussi dissuasif, sinon plus.
C'est tout à fait vrai. En parlant de ses expériences, on leur fait perdre une partie de leur pouvoir. De même, à trop penser aux Pouvoirs hostiles, on attire leur atmosphère. Il faut les reconnaître quand ils viennent et les repousser, mais trop penser à eux, les craindre, les attendre ou les guetter est une erreur.
La pire chose que l'on puisse faire pour la sâdhanâ est d'entrer dans un état morbide et de penser sans arrêt aux "forces inférieures" et aux "attaques". Si la sâdhanâ s'arrête pendant quelque temps, laissez-la donc s'arrêter : restez tranquille, poursuivez des activités ordinaires, reposez-vous quand vous en avez besoin ; attendez que la conscience physique soit prête. Ma propre sâdhanâ, alors qu'elle était bien plus avancée que la vôtre, s'arrêtait parfois pendant six mois d'affilée. Je n'en faisais pas un drame, je restais tranquille jusqu'à la fin de cette période de vide ou d'inertie.
Oui,les forces adverses profitent de toutes les perturbations de ce genre, qui ouvrent pour ainsi dire une voie à leur action. La peur est la dernière chose à ressentir devant elles, car elle les enhardit et les rend agressives.
De plus la peur, comme vous le dites à juste titre, appelle l'objet de la peur ; on doit par conséquent la rejeter entièrement.
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C'est très intéressant, car c'est conforme à ce que dit et répète la Mère : ressentir de la compassion ou une émotion vaguement philanthropique envers ceux qui sont possédés par des forces vitales est très dangereux, car on risque par là de s'attirer une attaque sous une forme ou une autre. Il faut faire le nécessaire, mais s'abstenir de toute faiblesse de ce genre.
Un "simple accident", cela n'existe pas. Les accidents sont dus à une inconscience, même très légère, dans le physique, dont profitent ces petits êtres du plan vital physique qui sont plus malicieux que consciemment hostiles.
Ce n'est pas une shakti mauvaise qui entre en vous et provoque cela de l'intérieur ; ce sont de petites forces de l'extérieur qui s'amusent à créer de menus accidents de ce genre, en profitant d'une inattention, d'un oubli, etc.
Pour les accidents, vous avez raison. C'est surtout l'inconscience du mental physique qui fait que ces accidents ou interventions de forces malveillantes surviennent facilement.
C'est exact. Ces accidents n'arrivent que pour vous troubler. Vous ne devez pas vous laisser troubler.
Oui, les forces hostiles savent que la Paix est la base, et que si elle règne absolument, tout le reste viendra. C'est pourquoi tous les moyens leur sont bons pour l'empêcher de s'établir.
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Oui, c'était une attaque ; les forces hostiles prennent souvent la forme d'une personne ou d'une autre pour s'assurer, grâce au lien physique que l'on a avec elle, une emprise plus concrète sur la conscience physique.
Il arrive parfois que les forces hostiles, en se servant d'une formation soigneusement construite comme celle-ci et en utilisant comme instrument une tierce personne dont elles dirigent les mouvements, parviennent à tromper la vigilance de la conscience et à provoquer un accident comme celui-ci. C'est par le subconscient qu'elles y arrivent, car le subconscient n'a pas encore accumulé en quantité suffisante la force d'en haut qui, elle, aurait pu repousser la bicyclette qui survenait et la détourner de son chemin ; il n'a pas encore acquis non plus la sûreté instinctive qui aurait pressenti le mouvement du cycliste et fait exactement ce qu'il fallait pour l'éviter. Mais quand la protection est là, de tels accidents, même graves, n'ont en général que des conséquences mineures.
On a souvent remarqué que lorsqu'un accident a eu lieu dans un endroit particulier, d'autres accidents ont tendance à se produire au même endroit pendant quelque temps. C'était le cas dans un lieu proche de Villianour, il y a quelques années. Les suicides ont aussi tendance à se reproduire à un endroit déterminé. C'est une sorte de formation puissante qui reste sur place ; il n'est pas nécessaire qu'un être vital (un esprit) soit chargé de cette formation.
Je dois dire, cependant, que ce n'est ni la volonté ardente de s'unir au Divin, ni la Force divine qui rend les gens fous ;
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c'est leur manière d'agir lorsqu'ils prétendent s'être unis au Divin ou posséder la Force divine. Pour être plus précis, jamais je n'ai rencontré un seul cas d'effondrement dans le yoga (je ne parle pas d'une simple difficulté ou d'un échec négatif), un cas désastreux et dramatique, où n'apparaissait pas l'une au moins des trois causes suivantes. D'abord une aberration sexuelle (je ne parle pas de la simple sexualité qui peut être très forte dans la nature sans mener à l'effondrement) ou une tentative de sexualiser l'expérience spirituelle sur une base animale ou grossièrement matérielle ; ensuite une ambition, un orgueil ou une vanité exagérés qui essaient de s'emparer de la force ou de l'expérience spirituelle pour s'en glorifier, ce qui aboutit à la mégalomanie ; troisièmement, un vital déséquilibré et un système nerveux faible, enclin à se laisser guider par ses propres imaginations et ses impulsions déréglées, sans qu'il y ait de volonté mentale véritable ou de volonté mentale assez forte pour le calmer ou le réfréner, de sorte qu'il est à la merci des imaginations et des suggestions du monde vital adverse lorsqu'est franchie la frontière de la zone intermédiaire dont j'ai parlé dans un récent message.7 Les effondrements étaient tous dus à ces trois causes et surtout aux deux premières. Seuls trois ou quatre d'entre eux se sont terminés par la folie, et dans ces cas-ci l'aberration sexuelle était invariablement présente ; une chute violente qui fait que le chemin est abandonné en est généralement la conséquence. X ne fait pas exception à la règle. Ce n'est pas parce qu'il recherchait ardemment l'union avec le Divin qu'il est devenu fou, mais parce qu'il a abusé de ce qui descendait aux fins d'une sexualité mystique et pour satisfaire son orgueil de mégalomane, en dépit de mes avertissements insistants et réitérés.
Il y a d'habitude derrière cela une prédisposition héréditaire ou natale (due à certaines circonstances de la naissance) ou
7. Cf. volume IV, pages 281-90.
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basée sur un équilibre nerveux déficient. Souvent le vital contient un excès d'ambition, de désir ou d'un autre violent adversaire. Mais ceux-ci, même s'ils déforment ou brisent la sâdhanâ en l'ouvrant à des Forces indésirables, ne peuvent conduire à la folie (mégalomanie, érotomanie ou ce que l'on appelle folie mystique) à moins qu'il n'y ait une tare ou un manque d'équilibre nerveux. Sauf dans le cas où une faiblesse de ce genre crée un terrain favorable, l'angoisse ou une tension excessive en méditation ne saurait pas non plus engendrer la folie. Dans certains cas, la possession par des êtres des mondes vitaux, sans aucune prédisposition de ce genre, est possible, mais la guérison est alors plus facile. Il y a cependant des gens qui détruisent leur équilibre nerveux par des pratiques pernicieuses ; là, la folie n'a vraiment rien à voir avec la sâdhanâ.
La gratitude est un sentiment psychique et tout ce qui est psychique aide l'âme à s'épanouir. Du point de vue spirituel, l'émotion n'a rien de mauvais. Seulement il ne faudrait pas qu'elle devienne un lien qui vous asservisse sur le chemin.
Il est tout à fait impossible que la descente de la Grâce divine provoque une nausée et un accès de nervosité ; c'est une contradiction dans les termes. Lorsqu'on a "tiré" la Force ou que l'on s'est trop tendu à l'attendre, on a parfois un mal de tête ou une sensation analogue ; si l'on tire trop la Force, on peut aussi avoir des vertiges, mais il suffit de rester tranquille et tout s'arrange soit parce qu'on a assimilé ce qui est descendu, soit autrement. Il n'y a jamais aucun contrecoup néfaste ou gênant.
L'idée que X est devenu fou à cause d'une Force divine est une aberration et une superstition irrationnelle. Les gens deviennent fous parce qu'ils ont une prédisposition physique due à l'hérédité ou à une cause organique, à une maladie secrète comme la syphilis, la crise étant souvent déclenchée par un facteur psychologique (ambition tournant à la mégalomanie,
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hypochondrie, mélancolie, etc.) Tout cela arrive dans la vie quotidienne et pas seulement dans le yoga : les mêmes causes ont ici les mêmes effets. Seulement il peut aussi arriver que l'on soit envahi par une Force étrangère qui engendre le déséquilibre, mais ce n'est pas la Force divine qui vous envahit, c'est une Force vitale. La Force divine ne peut, par sa descente, causer la folie, pas plus que l'apoplexie ou n'importe quelle autre maladie physique. Si l'on n'a aucune prédisposition, on peut subir toutes sortes d'attaques de la plus extrême violence, venant des forces, vitales ou autres, ou des mouvements de la nature inférieure individuelle, mais il n'y aura pas de folie.
Il est impossible qu'une descente produise des nausées, des vomissements, etc. En tirant trop de force, on peut provoquer un mal de tête ou un vertige qui disparaissent si l'on reste tranquille un instant pour assimiler au lieu de tirer. 11 est impossible qu'une descente entraîne une poussée de tension artérielle, la folie, l'apoplexie, une crise cardiaque ou n'importe quelle autre maladie.
La maladie ne surgit pas par la descente de la Force, pas plus qu'une tare héréditaire ou la folie. Elles viennent d'elles-mêmes, comme chez X qui n'a jamais eu la moindre parcelle de descente ou de Force nulle part. C'est seulement après qu'il a perdu la tête que nous avons envoyé la Force (non sous la forme de descente, mais pour le soulager) pour qu'il conserve autant que possible son équilibre et sa santé.
Un Ânanda trop intense, si on le laisse se manifester avant que la pureté et la paix se soient établies dans la nature, peut fort bien déranger l'organisme ; j'ignore cependant si cela a jamais eu pour conséquence la folie. En tout cas, c'est un fait que, normalement, l'Ânanda ne vient (j'entends dans le
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cours naturel de la sâdhanâ et non parce qu'on le tire) que sporadiquement tant qu'une base de paix et de pureté ne s'est pas encore formée. Il est sans doute bon qu'il en soit ainsi.
Ceux qui sombrent dans la folie ont perdu le vrai contact et se sont mis en relation avec des forces mauvaises. La cause en est soit une impureté ou un désir non spirituel que le chercheur portait en lui en abordant le chemin, soit une insincérité, un égoïsme, une attitude fausse, soit encore une faiblesse qui rend le système cérébral ou nerveux incapable de supporter le Pouvoir qu'il a appelé en lui.
Pour éviter ces dangers, il faut se laisser guider par quelqu'un qui a atteint la maîtrise dans le chemin. Seulement on doit se laisser guider complètement et sincèrement ; on ne doit pas permettre à son propre mental, à ses idées et à ses fantaisies d'intervenir. Il va sans dire que l'on doit avoir pour guide un véritable instructeur et non un débutant ou un imposteur.8
L'épilepsie n'est pas une possession, c'est une attaque ou tout au plus une emprise temporaire. La folie est toujours un signe de possession. L'hérédité crée une prédisposition. Il est impossible qu'une Force ou un Être du vital envahisse quelqu'un ou en prenne possession à moins qu'il n'y ait une porte ouverte pour le laisser entrer. La porte peut être un assentiment ou une affinité dans le vital, ou un défaut physique dans l'être.
8. Nouvelles Lumières sur le yoga, chapitre III.
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L'épilepsie est le signe d'une attaque vitale, même si elle a une cause physique ; la force qui attaque, ne parvenant pas à troubler le mental et le vital proprement dits, s'abat sur le corps et se sert d'une cause physique (latente ou en cours de développement) comme base de son action. Car tout ce qui se manifeste dans le physique doit avoir un support ou un moyen physiques pour s'exprimer.
La folie est toujours la conséquence d'une attaque vitale ou plutôt d'une possession, bien qu'elle ait souvent aussi une cause physique. L'hystérie est due à une pression venant du monde vital ; elle peut donner lieu aussi à une possession temporaire. On ne peut pas en dire autant du délire ordinaire dont la cause est purement physique, sauf dans la mesure où toute maladie est une attaque des forces inférieures de la Nature ; mais ces forces inférieures ne sont pas des êtres vitaux, ni ce que nous appelons spécifiquement des forces hostiles; elles jouent simplement leur rôle dans la nature et évidemment, il est possible et même probable qu'un être d'un genre ou d'un autre préside à telle ou telle maladie ; au Bengale, les gens donnent un nom spécial à certains d'entre eux et les adorent comme des divinités pour les empêcher d'entrer chez eux. Mais comme je l'ai dit, il s'agit en réalité de Forces et non d'êtres hostiles du vital. Quant à l'intérêt qu'ont les êtres vitaux à posséder les humains, les êtres du monde vital ne sont pas constitués comme les hommes ; ils se délectent dans les conflits, la souffrance et la discorde ; c'est leur atmosphère normale. En outre, ils veulent goûter au monde physique sans être dans l'obligation de naître, d'élaborer un être psychique et d'évoluer vers le Divin. Ils souhaitent rester ce qu'ils sont tout en continuant à se divertir avec le monde physique et le corps physique.
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En général, dans ces cas d'hystérie, on ne gagne rien à ménager le malade ; la fermeté est d'habitude plus payante, parce que le plus souvent quelque chose, dans la personne, veut se rendre intéressant, s'attirer la sympathie, être entouré de toutes sortes d'attentions, etc. Quant à en guérir, c'est une autre affaire ; il faut éliminer la cause subjective et ce n'est pas facile.
La perte de l'équilibre produit un désordre dans la conscience ; les forces adverses se servent de cette perte d'équilibre pour attaquer l'organisme et le bouleverser entièrement. C'est l'origine de l'hystérie, de la folie, du désir de mourir et de s'en aller.
[Pertes d'équilibre :] Plus facilement chez les femmes que chez les hommes, mais chez certains d'entre eux aussi. La perte d'équilibre a pour cause une incapacité à maîtriser les mouvements du vital par la raison, et une instabilité du vital lui-même qui le fait osciller d'un sentiment à un autre, d'une impulsion à une autre, sans ordre ni harmonie.
Je voudrais faire observer que X ne me paraît pas fou : il ne présente aucun signe de dérangement du mental pensant dû à une lésion, un accident ou une maladie. Il a une idée fixe et ce que l'on appelle la manie de la persécution, mais ce n'est pas dû à la folie ; certains en sont atteints, qui ont par ailleurs une intelligence perspicace et parfaitement ordonnée. D'après sa photographie, il semblerait que X a en lui un élément médiumnique et qu'il est, par malchance, entré en contact avec des pouvoirs du plan vital qui ont pu introduire des suggestions dans cette partie de la conscience que nous
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appelons le mental vital ; il est en conséquence incapable de voir les choses sous leur vrai jour et tourmenté par les suggestions qui ont creusé leurs sillons dans son mental vital sous la forme d'idées habituelles qui le tyrannisent et qu'il est incapable d'adopter comme de refuser. C'est malheureusement une maladie de la conscience qu'il est très difficile de guérir, parce que le patient lui-même ne coopère nullement, attaché qu'il est à son idée fixe, et même quand l'influence est retirée, il la rappelle à lui. Nous pourrions certes lui dire qu'il n'est pas fou et que Dieu ne l'a pas maudit, mais il se pourrait bien que cela ne suffise pas à le guérir.
Je vous écris aujourd'hui au sujet de votre fils X et de sa maladie (si l'on peut appeler cela ainsi). J'exposerai d'abord en termes généraux la nature de la maladie et le cours qu'elle suit habituellement, c'est-à-dire son cours normal lorsqu'aucune force psychique ou spirituelle n'est mise en œuvre pour l'éliminer. Ensuite j'indiquerai les deux méthodes possibles pour la guérir.
Je crois qu'il vaut mieux que j'envisage ici le pire et non seulement le meilleur, car il est nécessaire que vous sachiez toute la vérité pour avoir le courage d'y faire face. Dans les cas comme celui-ci, il ne s'agit pas d'une maladie véritablement physique, mais d'une tentative de possession par un être du monde vital, et les crises et autres symptômes physiques sont des signes non de la maladie elle-même, mais de la lutte de l'être naturel contre la pression de l'influence hostile. Un cas de ce genre, chez un enfant de cet âge, indique qu'une accumulation de facteurs, dans l'hérédité physique, crée une occasion ou une prédisposition dont profite l'envahisseur vital. C'est, en particulier, la conscience physique et physico-vitale qui contient les germes ou les matériaux de cette prédisposition. Or, la constitution de l'être physique change sans cesse et tous les sept ans, elle est
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entièrement renouvelée. Si l'on détecte des symptômes de cette prédisposition de la nature et que les parents utilisent leur bonne influence et l'éducation pour les extirper, et si cette action est assez efficace pour qu'aucun germe de la maladie n'apparaisse plus au bout des sept premières années, en général il n'y a plus de danger. Si, au contraire, ces symptômes apparaissent vers la septième année, les sept années suivantes sont critiques et d'ordinaire la question est réglée, dans un sens ou dans l'autre, avant la quatorzième année.
Normalement, la situation peut évoluer dans trois directions. La difficulté, lorsqu'on a affaire à un enfant aussi jeune, est que le mental n'est pas développé et ne peut en rien contribuer à la guérison. Mais à mesure que le mental se développera durant la deuxième période de sept ans, s'il n'est pas anormalement faible - ce que je ne crois pas, dans le cas présent - il pourra réagir de plus en plus contre l'influence. Bien guidé et soumis à une bonne influence, il est fort possible qu'il réussisse à rejeter tout à fait l'intrusion hostile et sa pression. Dans ce cas, les crises et les autres signes du conflit physique passeront, l'enfant se défera de ses tendances morales et vitales bizarres et deviendra, mentalement, moralement et physiquement, un être sain et normal.
La deuxième possibilité est que la lutte entre l'être naturel et l'intrus ne tourne pas d'une manière décisive à l'avantage du psychique, c'est-à-dire que l'intrus ne pourra ni prendre complètement possession de l'être naturel, ni être rejeté complètement. Dans ce cas, tout peut arriver : mental et santé dévastés, mort corporelle ou nature dérangée, divisée et à tout jamais anormale.
La troisième possibilité, et la pire, est que l'intrus réussisse à prendre entièrement possession de l'être naturel. Dans ce cas, les crises et autres symptômes violents disparaîtront, l'enfant semblera physiquement guéri et en bonne santé, mais il sera devenu un être anormal et des plus dangereux, incarnant une force vitale mauvaise avec tous ses penchants redoutables, et doué de pouvoirs anormaux pour les satisfaire.
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Dans le cas de X il n'y a pas encore de possession au plein sens du terme, mais une pression et une influence très fortes que révèlent les habitudes bizarres dont vous m'avez parlé. Ces habitudes sont suggérées et dictées par l'intrus et n'appartiennent pas à l'enfant lui-même. L'intrépidité et le sentiment de sécurité qu'il manifeste dans son état anormal proviennent de la même source. Mais les crises montrent qu'il n'y a pas encore de possession. Elles indiquent un conflit ainsi qu'une emprise temporaire qui disparaît pour revenir. X est évidemment dans la première phase de la période critique. J'ai décrit le cours normalement suivi par la maladie, mais il n'est pas indispensable d'en passer par là et d'en encourir les dangers. D'autres moyens peuvent lui venir en aide et le guérir complètement.
Le premier de ces moyens, et le plus facile, est de le soigner par l'hypnose. Avec cette méthode, si elle est correctement appliquée, la guérison est absolument certaine. Mais il faut tout d'abord qu'elle soit pratiquée par une personne qui n'est pas elle-même sous l'influence de pouvoirs maléfiques, comme le sont certains hypnotiseurs. Car de toute évidence, les choses ne pourraient alors qu'empirer. De plus, il faut que cette personne ait subi la formation nécessaire et sache parfaitement ce qu'elle fait ; car une erreur pourrait être désastreuse. La meilleure solution serait que quelqu'un comme vous, qui a une relation naturelle avec l'enfant et exerce déjà une influence sur lui, prenne les choses en main après avoir acquis la pratique et la connaissance nécessaires.
L'autre remède fait appel au pouvoir et à l'influence spirituels. Si certains moyens psycho-spirituels pouvaient être utilisés, ce remède serait aussi sûr et efficace que l'autre. Mais comme personne, là-bas, n'a la connaissance appropriée, ce n'est pas possible. L'influence spirituelle peut être opérante, à elle seule, mais son action serait probablement lente. En général elle doit être transmise par une personne sur place, et vous seriez évidemment vous-même l'instrument approprié. Vous devez garder présente à l'esprit l'idée
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que je vous envoie du pouvoir à cette fin, vous y rendre réceptif et en même temps faire de votre volonté et de l'influence naturelle que vous avez sur l'enfant un véhicule direct pour ce pouvoir. La volonté doit être tranquille, calme et confiante, tendue vers son but, mais sans attachement ; elle ne doit pas se laisser ébranler par la résistance, si forte soit-elle, ni alarmer ou décourager par les manifestations de la maladie. Votre attitude envers l'enfant doit être faite d'affection calme, ferme et protectrice, sans faiblesse ni troubles émotifs. La première chose à acquérir est une influence suffisante pour repousser l'attaque quand elle se produit et, si elle trouve à s'agripper, pour en atténuer peu à peu la force et apaiser la violence de sa manifestation. D'après votre lettre, je vois que vous avez déjà pu commencer à établir une telle influence. Mais celle-ci doit pouvoir travailler à distance autant qu'en sa présence. De plus vous devez acquérir le pouvoir de laisser une protection autour de lui quand vous vous absentez. Ensuite, vous devez être capable de lui communiquer, constamment entretenue, une suggestion qui inhibera peu à peu les habitudes bizarres et indésirables dont vous parlez dans votre lettre. Je puis ajouter que contre cela, les moyens extérieurs de coercition sont inefficaces. Ils ne feraient sans doute que rendre ces pulsions plus violentes. La volonté, la suggestion et l'influence doivent être silencieuses. Si vous vous apercevez que la maîtrise augmente et que ces habitudes diminuent, vous comprendrez que la guérison est en bonne voie. Il faudra sans doute du temps pour qu'elle soit complète, parce que ces êtres vitaux sont très tenaces, très obstinés, et reviennent toujours à l'attaque. La seule chose qui pourrait accélérer la guérison serait que l'enfant lui-même cultive mentalement une volonté de changer, ce qui ferait que l'influence hostile n'aurait plus prise sur lui. C'est parce que quelque chose, en lui, trouve amusante et agréable la force qui accompagne l'influence hostile, que ces phénomènes peuvent se répéter et persister. Ce quelque chose rappelle l'envahisseur, même quand, au centre de l'être, sa présence a été rejetée.
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J'essaierai, bien sûr, d'agir sur lui directement autant que par votre intermédiaire, mais si l'on a sur place quelqu'un qui peut servir d'instrument, l'action en est considérablement renforcée ; cela lui est même parfois indispensable.
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GLOSSAIRE
Pour les consonnes, le principe est le suivant : en début de mot, le ch a la valeur du ch anglais (tch), Chit se prononce Tchit ; le j a de même en début de mot la valeur du j anglais (dj), jîva se prononce djîva ; le s est toujours dur, asoura se prononce assoura, rasa se prononce rassa. Toutes les consonnes, redoublées ou non, se prononcent fortement ; et le h est toujours aspiré, qu'il soit placé au début, au milieu ou à la fin d'un mot, ou encore après une autre consonne. Ainsi, dans Bouddha, le d et le dh se prononcent-ils distinctement.
Pour les voyelles, il faut noter que le e est toujours fermé (é), même suivi d'une valeur consonantique qui, en français, en ferait un è ouvert; Maheshwarî, par exemple, se prononce Mahéshwarî. Le o est toujours long et fermé (ô), même suivi d'une valeur consonantique qui, en français, en ferait un o ouvert ; ainsi, Pouroushottama se prononce Pouroushô-ttama. Le a, selon qu'il est accentué (à) ou non (a), se prononce comme un a long (Maya) ou comme le e français ; sâdhanâ se prononce donc sâdhenâ. Le i accentué (î), ainsi que le où indiquent les autres syllabes longues : lîlâ, vibhoûti.
Enfin, les règles du pluriel sanskrit étant complexes, la pratique suivante a été adoptée : tout mot sanskrit figurant dans une phrase française reste invariable au pluriel, exception faite de ceux qui sont passés dans le langage courant (ex : yoga, yogas).
abhyâsa (n.m.) : pratique constante (d'une méthode).
âdhâr (n.m.) : un vase, un support ; la combinaison du mental, de la vie et du corps considérée comme un réceptacle de la conscience et de la force spirituelles.
adhikârî (n.m.) : celui qui a l'adhikâra pour une voie particulière de yoga, c'est-à-dire un ensemble de traits particuliers, dans son
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caractère, qui le rend apte à ce yoga.
Agni (n.m.) : le dieu du feu ; la Volonté divine, inspirée par la divine sagesse et une avec elle, qui est le pouvoir actif et réalisateur de la Conscience-de-Vérité.
ahankâr (n.m.) : sens de l'ego, égoïsme ; c'est, dans la bouddhi, le principe subjectif qui incite le Pourousha à s'identifier à la Prakriti et à ses activités.
Ânanda (n.m.) : la félicité, la béatitude divine ou spirituelle.
annirvinnatcheetasâ : avec une conscience libre de découragement (Guîtâ, 6.13.).
anityam asoukham : transitoire et sans bonheur (Guîtâ, 9.33.).
anoubhava (n.m.) : expérience (au sens d'expérience pratique et non d'expérience spirituelle).
aprakâsha (n.m.) : absence de lumière, obscurité.
apravritti (n.f.) : absence d'impulsion à l'action.
artha (n.m.) : besoins et objectifs matériels, économiques, etc., du mental et du corps.
âsana (n.m.) : posture fixe, position du corps dans le hatha-yoga ou en méditation. Peut désigner aussi un siège où l'on prend place pour la méditation.
asoura (n.m.) : être hostile appartenant au vital mentalisé. De ce nom dérive un adjectif, asourique : qui a la qualité de l'asoura, ou qui appartient à l'asoura
âtman (n.m.) : le Moi ou Esprit sous ses deux aspects : suprême (paramâtman) et individuel (jivâtman).
Bhagavad-Guîtâ : litt., Le Chant du Bienheureux ; cet épisode du Mahâbhârata expose la doctrine de l'action dans la soumission parfaite au Divin.
bhakta (n.m.) : celui qui suit le chemin de la dévotion.
bhakti (n.f.) : dévotion, adoration, amour pour le Divin (bien que généralement traduit par "dévotion", le sens est beaucoup plus proche d'"amour pour le Divin" que d'attachement à la religion et aux pratiques rituelles).
bhaktimarga (n.m.) : le chemin de la bhakti.
bouddhi (n.f.) : intelligence, raison, entendement, pensée rationnelle, compréhension.
brahmaloka (n.m.) : le monde du Brahman, où l'âme est une avec
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l'existence infinie et pourtant demeure capable de jouir de la différenciation dans l'unité ; c'est le plus haut état de pure existence, conscience et béatitude que l'âme puisse atteindre sans s'annihiler complètement dans l'Indéfinissable.
Brahman (n.m.) : la suprême Réalité spirituelle.
brahmatchâri (n.m.) : celui qui pratique le brahmatcharya.
brahmatcharya (n.m.) : pureté sexuelle.
dal (n.f., hindi) : diverses sortes de lentilles brisées, comestible d'usage courant en Inde.
dharma (n.m.) : étym., "ce dont on peut se saisir et qui maintient les choses ensemble", donc : la loi, la norme, la règle naturelle, la règle de conduite et de vie, le devoir; la loi intrinsèque de l'être.
doukha (n.m.) : chagrin, douleur morale.
doukhavâda (n.m.) : l'évangile de la souffrance.
dourgam pathastat : difficile à suivre est ce chemin (Katha Oupanishad, 1.3.14.).
gouna (n.m.) : mode de la nature (Prakriti). Ils sont trois : sattwa (n.m.), le principe de l'équilibre et de la lumière, radjas(n.m.), le principe du mouvement, de l'effort et de la passion, et tamas (n.m.), le principe de l'ignorance et de l'inertie. De ces noms dérivent trois adjectifs : sattwique, radjasique et tamasique.
gourou (n.m.) : guide, instructeur spirituel.
grihastha (adj.) : qui mène la vie de famille.
Guîtâ : v. Bhagavad-Guîtâ.
hakîmî (n.f., hindi) : médecine d'origine grecque, introduite en Inde par les Arabes.
hatha-yoga (n.m.) : le yoga du corps.
hatha-yogi (n.m.) : celui qui pratique le hatha-yoga.
hâvabhâva (n.m.) : gestes, en particulier attitudes coquettes.
Îshwarî Shakti (n.f.) : la Shakti de l'îshwara (Seigneur), la Force consciente du Divin, la Mère universelle.
jnâna-yoga (n.m.) : le yoga de la connaissance.
kâma (n.m.) : désir.
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karma (n.m.) : l'action, les œuvres ; principe de causalité qui détermine la nature des vies successives de l'âme ; force résultant des actions accomplies dans le passé, surtout dans les vies antérieures.
karma-yoga (n.m.) : le yoga de l'action, des œuvres, le travail offert au Divin étant utilisé comme moyen de réalisation et d'union avec Lui.
kavirâdjî (n.f., bengali) : médecine hindoue.
kayamanouvâkyena : en actes, en pensées et en paroles.
koundalinî (n.f.) : lovée à la base de la colonne vertébrale, dans le corps subtil, c'est l'Énergie divine en l'homme. Son éveil, recherché dans les yogas traditionnels, entraîne l'ouverture des différents centres de conscience jusqu'au plus élevé, situé au-dessus de la tête, là où l'individu s'unit au Divin.
krodha (n.m.) : colère.
laya (n.m.) : la dissolution de l'être individuel, sa fusion dans l'unique Existence.
lobha (n.m.) : convoitise, cupidité, avarice.
madhoura bhâva : sentiment doux et tendre.
maïdan (n.m., hindi) : esplanade.
manomaya pourousha : personne mentale,l'être mental.
maouna (n.m.) : silence.
maounavrata (n.m.) : vœu de silence.
milana (n.m.) : contact, union.
mleccha (n.m.) : barbare, étranger.
moksha (n.m.) : libération de l'ignorance, de l'illusion, qui entraîne la libération du cycle des naissances et des morts.
moukti (n.f.) : libération.
nânya panthâ vidyaté ayanâya : aucune autre route ne mène au grand passage (Svetâsvatara Oupanishad, 3.8, 6.15.).
nidrâ (n.f.) : sommeil.
Nirvana (n.m.) : étym., "extinction" du Moi personnel, immersion du Moi personnel dans l'Existence infinie.
nirvikalpa samâdhi (n.m.) : transe yoguique complète où la conscience ne fait plus la distinction entre le connaissant et l'objet de la connaissance.
nishva (adj.) : sans possessions.
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odjas (n.m.) : énergie essentielle.
Oupanishad (n.f.) : ensemble de brefs textes sacrés qui font suite au Véda, dont ils diffèrent par leur caractère métaphysique. Les premières Oupanishads datent du 8° au 6e siècles avant J.-C.
oupari boudhna esham : leur fondement est au-dessus. (Rig-Véda, 1.24.7.).
Paramahansa (n.m.) : grande personnalité spirituelle.
peurdhah (n.m.) : déformation de l'ourdou pardâ : (a) voile, rideau ; (b) existence recluse des femmes.
pishâtcha (n.m.) : démon appartenant au vital inférieur.
pourna-yoga (n.m.) : le yoga intégral qui embrasse les trois voies : jnâna, bhakti et karma.
Pourousha (n.m.) : l'âme, le moi ou être conscient qui, par sa présence et son assentiment, soutient les activités de la nature (Prakriti).
prakâsha (n.m.) : lumière, rayonnement.
Prakriti (n.f.) : la Nature, l'énergie active et exécutrice du cosmos, par opposition à l'âme ou être conscient qui est le témoin et le soutien (Pourousha).
prâna (n.m.) : vitalité, souffle.
prânakosha (n.m.) : enveloppe vitale ou nerveuse ; le corps nerveux.
prânamaya pourousha : l'être vital.
prânâyâma (n.m.) : maîtrise de la respiration ; maîtrise des courants d'énergie vitale dans le corps par la respiration.
pravritti (n.f.) : l'impulsion vers l'action et les œuvres.
radjasique (adj.) : v. gouna.
râdja-yoga (n.m.): litt., yoga royal; méthode qui repose sur la méditation.
râdja-yogi (n.m.) : celui qui pratique le râdja-yoga.
radjo-tamasique (adj.) : qui tient à la fois du radjas et du tamas (v.gouna).
râkshasa (n.m.) : puissance hostile du vital intermédiaire.
râkshasî maya (n.f.) : illusion créée par les pouvoirs des râkshasa.
rasa (n.m.) : goût, saveur.
retas (n.m.) : sperme.
Rishi (n.m.) : voyant, sage.
ritam satyam brihat : le Juste, le Vrai, le Vaste (cf. Védas).
sâdhak (n.m.) : celui qui suit une discipline yoguique.
sâdhanâ (n.f.) : (a) la méthode de yoga et la discipline qui en dérive ; (b) la pratique du yoga et de sa discipline.
sâdharmya (n.m.) : état d'unité avec le Divin dans la loi de l'être (dharma).
sâdrishya (n.m.) : état de ressemblance parfaite (avec le Divin).
sahadharmî (n.m.): celui qui a le même dharma; compagnon, époux.
sâlokya (n.m.) : état de l'âme qui réside, demeure dans le même plan que le Divin.
samâdhi (n.m.): extase ou transe yoguique; plus exactement, concentration de la volonté et de la pensée poussée jusqu'à l'identification avec l'objet, la perte de la conscience extérieure n'étant pas essentielle.
samatâ (n.f.) : égalité, équanimité.
sannyâsî (n.m.) : moine errant, ascète.
Satchidânanda (n.m.) : l'Être divin en sa formulation triple : Être (Sat), Conscience (Chit), Béatitude (Ânanda), les trois termes étant concomitants et se contenant les uns les autres.
sattwa (n.m.), sattwique (adj.) : v. gouna.
satyâgraha (n.m.) : litt., "force de Vérité" ; nom donné à la résistance passive dans le mouvement nationaliste indien.
savikalpa samâdhi : transe où persiste la distinction entre le connaissant et l'objet de la connaissance.
sâyoudjya (n.m.) : union absolue de l'âme humaine avec le Divin.
Shakti (n.f.) : l'Énergie consciente, le Pouvoir du Seigneur (Îshwara), la Force par laquelle Il s'exprime dans la Nature ; la Mère universelle.
shavâsana (n.m.) : "la posture du cadavre", où le hatha-yogi est étendu sur le dos dans un état de complète relaxation.
shishya (n.m.) : élève, disciple.
shouddhâ bhakti (n.f.) : pure bhakti.
siddha (adj. et n.m.) : accompli, parfait ; celui qui a réalisé le yoga.
siddhânta (n.m.) : la conclusion d'une argumentation logique.
siddhi (n.f.): accomplissement, perfection, réalisation; et aussi pouvoir occulte.
soukha (n.m.) : bonheur.
soushoupti (n.f.) : sommeil profond ; tant que notre corps causal ou enveloppe gnostique n'est pas développé, que ses facultés ne sont pas actives, nous ne pouvons être en relation avec les plans
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swadharma (n.m.) : loi personnelle d'action ; véritable loi de l'être ; vérité intérieure.
swapna (n.m.) : l'état de rêve. conscience correspondant au plan de vie subtile.
tamas (n.m.), tamasique (adj.) : v. gouna.
Tantra (n.m.) : au pluriel : textes sacrés de l'hindouisme ; au singulier : système yoguique reposant sur la connaissance de la Nature et non sur son rejet, ainsi que sur le culte dynamique de la Mère divine sous l'un de ses multiples aspects, afin de spiritualiser la nature.
tapas (n.m.) : principe essentiel de l'énergie.
tapasyâ (n.f.) : concentration de la volonté ou des énergies de l'âme sur un but spirituel ; ascèse, austérités.
tedjas (n.m.) : lumière d'énergie, force, puissance; force et énergie de l'âme.
vâda (n.m.) : doctrine.
vaïra (n.m.) : hostilité, haine.
vaïragya (n.m.) : dégoût, dégoût du monde; cessation complète du désir et de l'attachement.
Védânta (n.m.) : étym., "la fin, ou la culmination, des Védas" ; ce terme désignait à l'origine les Oupanishads. Par extension, le Védânta désigne l'un des six systèmes de la philosophie indienne.
viraha (n.m.) : séparation d'avec l'être aimé.
vitchâra (n.m.) : réflexion intellectuelle.
yadjna (n.m.) : sacrifice.
youktâhâri youktanidrah : "celui qui, étant en état d'union avec le Divin, mange et dort (suffisamment)."
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Abhimâna. III, 326; V, 307
Absolu, critique de la conception de McTaggart,III, 314-15
Accidents, VI, 414-15
Action, définition, III, 202
divine et a. agressive, III, 166
doit venir de l'intérieur, 178;III,219; IV, 248-49
psychique,III, 221
sans attachement, sans désir, sans ego, III, 210
travail et service, III, 202 Activité, libre. 153, 154, 155
Âdesh(a), 49; III, 320; IV, 302 Âdhâr, V, 47
seul le Divin doit être appelé à y pénétrer,IV, 276
Adoration, extérieure et intérieure, 111,317-18
v. aussi Culte Adwaita, 52-53
réaliste (dans La Vie Divine), 53
Affection, humaine,IV, 9-11
n'est pas exclue du yoga. IV, 21-22
vitale. IV, 24
Agni. V, 37-43
Ahimsâ. i-t destruction, II, 304
Aide. VI, 364-66
Ajna Chakra, II, 158, 159, 166;
V, 16 v. aussi Centre(s), Chakra
et folie, VI, 416
Âme. 54-55; II, 59-60, 61-62, 68-89
à. de désir et être psychique, II, 68, 82; III, 51-52
contact intérieur entre à. différentes, II, 270-71 des défunts, II, 239-42
des plantes, II, 73, 75 emploi du mot à.. II, 68, 69, 181
et Âtman, II, 243-44 et corps, II, 260 et être central, II, 64-65 et être psychique, II, 43. 44, 59-60, 61-62, 63, 70-77, 82-83;V, 10, 14
n'est ni le mental, ni le vital, III, 51-52; V. 17
passage immédiat vers le monde
psychique après la mort, II, 242-43
sa nature dépasse mental, vie et corps,II. 99
Amitié. IV, 10
Amour. V, 238 Ânanda de l'amour, III, 300
de l'âme. III, 297
et sexe, VI, 114. 124-28
mental, VI, 127-28
physique, VI, 127
pour l'homme, la patrie, la Vérité et le Divin, III, 13-14 respect de soi et respect, III, 311-12
spirituel et psychique, et mental, vital ou physique. IV, 112
transcendant, III, 311
vital, IV, 11-12,25-26
vital et a. psychique, IV, 20-21, 23-24
et a. psychique, III, 301-02, 303
et sexe, VI, 105
et vital.III, 68, 295-96 véritable, III, 294-95
Amour vital, III, 298-99, 300; V,
371;VI, 127 de deux sortes, III, 293
Ânanda, 202-03; III. 15-16, 181, 327; IV, 235, 331 ;V, 272-74
descente d'Â., V, 97-98, 124; VI, 418-19
plaisir sexuel, dégradation de l'A., VI, 105, 106-07 reflété dans le plaisir instinctif de vivre, V, 174
âme de l'a.,II, 73, 75
tuer un a., II, 252, 257-58
Antahkarana. II, 70-71
Art, au service du Divin,III, 205
Aryaman, pouvoir psychologique,II, 186
Asat. 77
aux plans supérieurs et descentes, 121, 128-30, 138; III, 315-16; IV, 124. 224-25
indispensable dans le yoga intégral, II, 50-51; V, 46
Ascensions et descentes, V, 44-47, 49-50. 140-41
asc. du vital et desc. dansle vital, V, 236-37
nécessaires à la transformation complète, VI. 13
excessif. 208-09
de deux sortes. II, 190 dans le Véda, II, 192
Aspiration, 176, 190-92, 195 de deux sortes. II, 190 dans le Véda, II, 192 >III, 57, 72-79; IV, 144-45; VI, 35
à la rencontre du Pouvoir d'en haut. III. 216
et desir, III, 75; V, 363, 371
et experience, V, 194
pendant le someil, IV, 253
Assentiment, du sâdhak, III, 111
a., destinée et karma, II, 275-76
Âtman. II,81;V,48,77
et être central. II, 43, 56
réalisation de l'A., 11,47-48
Attachement, absence d'à.,IV, 237
action sans a.,III, 209-10
du "petit singe",;,III, 139
deux aspects,II, 208
éléments humains et divins de l'A., II, 209
et évolution, II, 200
et Vibhoûti,II, 201, 206-07
symbole et historicité, II, 231-32
v. aussi Incarnation
Avenir, VI, 370
théorie de la mémoire, VI, 90
Bhagavad-Guîtâ. v. Guîtâ
Bhajan, vishnouïte, IV, 130
pure, VI, 243
Bhakti Yoga, VI, 243
n'est pas sans difficulté, VI, 243, 252
v. aussi Dévotion
Blavatsky, Mme. J. P., II, 295
Bonne humeur, V, 319-21, 327-28; VI, 259, 317
et Ahimsa, II, 304
l'Avatar, II, 200, 201, 202, 203
Bouddhi, et Manas, II, 117, 118
Brahmatcharya, IV, 173-74; VI, 109, 115, 116-17, 129
mental, spirituel, supramental,IV, 114
négatif ou positif,III, 162-63
Capacité, II, 111, 231;III, 55-59, 66; VI, 271
v. aussi Adhikâra
Castes, commentaire sur les opinions du Mahatma Gandhi, II, 298-99
Causalité, commentaire sur l'opinion de Planck. II, 280-82
Célibat, IV, 173-74; VI, 128-29
de la gorge, II, 158-62, 168-71; IV, 257, 273;V, 108. 210; VI, 217
du mental, II, 161, 164-65;IV, 257; V, 64, 104, 106, 108
entre les sourcils, II, 158, 159,
164-65, 169, 183, 184, 257, 259-60; V, 16, 33, 63
moûlâdhâra, II, 130, 158-59, 162, 172;V, 64
pour la concentration (méditation), III, 18; V, 64 psychique, IV, 257; V, 64;
v. aussi c.du cœur
relie l'être intérieur et la personnalité extérieure, V, 91 sahasrâdala, sahasrara,II, 159, 165, 166
sa qualité de Vibhoûti,II, 210
Chagrin, psychique, V, 18, 98, 135, 305;VI, 236
et envie vitale, VI, 10
et recherche du Divin, VI, 258-59
son école. 95
Chaïtya Pourousha,
leur ouverture dans le yoga intégral et dans le Tantra, 88 processus de montée et de descente dans le yoga intégral, 88
Changement, de nature, 114, 126; III, 28; VI, 329, 330
psychique, première nécessité,IV, 120
pureté et calme de c. essentiels à la méditation,III, 255
Chittashouddhi, 66-67 et transformation de la nature dans le yoga intégral, III, 28
Chittavritti, II, 119, 121;III, 271
Colonne vertébrale, et Koundalinî,V, 70
Communisme, "245
Concentration, III, 18-19, 36-37, 256-64
crainte de la c.. IV, 325-26
dans la tête ou au-dessus, III, 18-19, 119, 257, 259, 260, 261, 283; IV, 129; V. 26, 64, 94, 248
dans le cœur, II, 160; V, 64, 94, 105, 249
entre les sourcils, III, 119, 257, 259; IV, 165; VI, 130
et attaques des forces hostiles, VI, 406-07
de l'être intérieur (subliminale), II,45
descente de c., V, 138
et Ignorance, V, 203
silence intérieur, III, 174
mentale, et vraie c., V, 203
sacrifice de la c., II, 300-01
unité de la c., 235-36; 11,4
yoga de la c., 134-39
corporelle, II, 109-10, 137; IV, 115; VI, 28
et maladie, VI, 177
double, III, 39, 214-15; IV, 239, 243-44, 265, 269, 301; V, 144-45
environnante. II, 97-98; VI, 219-20
environnante, et rejet des choses indésirables, II, 148, 151-52;
VI, 219, 221, 352-53, 409-10
et énergie, définitions et distinctions, III, 212
intérieure et c. extérieure, II, 9091; IV, 230, 235-36, 238, 239, 252
c. intérieure et difficultés de la nature extérieure, V, 55-56
expériences de la c. intérieure, IV, 223-319
vivre dans la c. intérieure, IV, 248-49, 265
physique, IV, 137-38; VI, 31-36, 38-39
attaques de la c.p., VI, 187, 191-92
défauts de la c.p., VI, 14-15
descente et pression de la Mère dans la c. p., V, 266
et douleur, VI, 192, 193
et nourriture, VI, 62-63, 65
et psychique, VI, 41-42
et sommeil, VI, 73-74, 84
et transformation du subconscient, VI, 213
individuelle et universelle, II, 137
nature de la c.p., VI, 47 7
ouverture de la c.p., VI, 311-12
résistance de la c.p., VI, 236
s
subtile, III, 277
vivre dans la c.p., VI, 13-14
y faire naître l'aspiration, III, 79
terrestre, 20; VI, 16
Conscience cosmique, II, 99-102;III, 60; V, 3; VI, 222-23 et c. humaine, II, 226-27
et douleur, VI, 192
et vie dans le plan de l'Intuition, V,82
expériences de la c. c.,IV, 319-41
ouverture à la c. c.quand la conscience supérieure descend, V,49
Conscience-de-Vérité, 14-15, 50, 126; IV, 314
ne peut se manifester que quand ego et désir sont surmontés, IV, 339
et transformation de la nature inférieure, V, 65, 66-67
jonction entre l'être psychique et lac. s., V, 94
point de rencontre entre forces ascendantes et descendantes, V,52
Consécration, III, 91, 97-117, 195; IV, 127; V, 96, 214 absolue, III, 104-05
active et passive, III, 103
au Gourou, III, 129-30, 131
centrale, III, 113, 116
centrale et complète, VI, 242
chacun a sa manière, IV, 67-68
complète, III, 104, 113; VI, 242
dans l'expérience du mental supérieur et dans celle du psychique, III, 112
définition, 226
de la conscience terrestre, 19
de la nature, et du moi, VI, 329
de la vie, III, 20-21
de l'être central, V, 14
du mental non illuminé et du vital, V, 19
du vital, III, 114
du vital dans l'action, III, 194
essence de la c., III, 110-11
et amour (bhakti), III, 112
et âtmajnâna, III, 112
et attitude du témoin, IV, 242
et dissimulation, III, 111, 140
et effort personnel, III, 27-28, 100-09
et liberté, III, 111
et ouverture, III, 117
et tapasyâ, III, 108, 127-28
et travail, III, 204, 229-30
et voie ensoleillée, VI, 242-44
extérieure et intérieure, III, 98
méthode (principe, pouvoir...) du yoga intégral, III, 27
obstacles intérieurs et extérieurs à lac., III, 114
par l'amour, et par le mental et la volonté, 225-26 psychique dans le physique, III, 116
tamasique, VI, 270
vitale, V, 277
Contact, IV, 233
Continence, v. Brahmatcharya
Contemplation, III, 253
Conventions, sociales, II, 213
Conversion, III, 58
et aspiration, III, 72
et consécration, III, 72
être psychique et c.,III, 72-73; V, 9
psychique, spirituelle,V, 20
Corps, ascension de la conscience
au-dessus du c., V, 47
entraînement du c. au travail, VI, 49-50
et âme, II, 260
et descente de la conscience supérieure, V, 153-57
et immortalité, 23
et mental, II, 109-10
influence du subconscient sur le c., VI, 212-13, 214 libération du sens du c., IV, 326; V, 53, 56-57, 58, 59 lumineux (corps glorieux),V, 175, 176, 177
ne peut être transformé en quelque chose de non physique, IV, 316
ne peut pas monter, V, 59
n'est pas le moi, II, 57
oubli du c., non-identification, IV, 327
sa transformation, 13; V, 172-78
s'identifier au c. est une erreur, 68-69
subtil, IV, 255
supramental, V, 177
symbole de notre être réel, IV, 181
Coué, Emile, VI, 182, 204
Couleurs, IV, 110, 177, 184, 187-95, 219, 228, 254, 258, 268; V, 42, 63, 80, 112, 140, 144, 385
divers ordres de signification,IV, 177-78
et lumières, IV, 187
indiquent un jeu de forces, IV,
182-83 symbolisme exact difficile à définir, IV, 187
Création, IV, 111 intellectuelle, 179
n'a ni commencement ni fin, II, 24
nouvelle, 39
par la Shakti cosmique, IV, 333
signification, 50
supramentale, 20, 96; V, 264-65
Croyance, 269
et foi, III, 80, 83, 132; V, 355
Culte, religieux, et spirituel, 162 transformer toutes les actions en c., VI,304
D
Darshan, III, 320;IV, 164
David-Néel, Alexandra, 252-53
Démon, de Socrate,II, 283
Dépression, V, 300-10, 377; IV, 235, 258
peut être évitée, III, 85 survenant dans le sommeil, VI, 101
transmise par la parole, VI, 164
v. aussi Chagrin
Descente, III, 325; IV, 224-25; V, 65, 88-166
absence d'expérience de d. dans les anciens yogas, 129-30 "courant" descendant, IV, 95-96
d'Ânanda, V, 97, 124
dangereuse avant que le vital soit
de connaissance, V, 138
de feu, V, 140
de force, III, 181; V, 123
de Force (divine), V, 93, 97-166
de la conscience supérieure, III, 183; V, 3, 88-89, 98-166
de lumière, V, 69, 97, 138-39
de paix, III, 172, 181; V, 3, 97, 102, 114, 122-32
de Pouvoir (divin), V, 16, 97-98
de silence, III, 271-72; V, 124, 125, 126, 127, 130
de tranquillité, 209; V, 129
d'êtres supérieurs, 11
d'immensité, V, 97, 124
du monde vital, 5-6
du supramental, 17, 120
et expérience de la conscience cosmique, V, 125-26
et importance du Gourou, V, 96
et purification, IV, 124-25
influx du Divin, IV, 97
n'est pas cause de maladie, VI, 418
pression de la d.,V, 105-15, 143
résistance à la d., V, 99, 111, 119, 153
supramentale, et ouverture psychique, IV, 296
v. aussi Ascension, Supramental
Désir(s), II, 32, 104, 131; V, 362-79
détachement du d., VI, 52
et Ânanda psychique ne vont pas ensemble, V, 376-77
et aspiration, III, 75; V, 363
rejet des d., 366-79
vient de l'extérieur, V, 366, 367-68
Désobéissance, du vital inférieur, V, 259
Destin, II, 276-78
et Grâce divine, II, 285
et libre arbitre, II, 275
individuel, II, 269-70
Destinée, spirituelle, II, 285
spirituelle n'est jamais abolie,III, 55
Destruction, et Ahimsa, II, 304
et création, 41 ni bonne ni mauvaise, II, 305
Détachement, des faiblesses de la nature, V, 148
et conscience, III, 213
et maîtrise, IV, 248
Déterminisme, II, 275, 279-80
et liberté suprême, II, 284
Dévotion, dans l'expérience du mental supérieur et dans l'expérience psychique, III, 112
émotionnelle, et d. psychique, III, 322
ne doit pas être seulement mentale, IV, 114
ne peut être mécanique et artificielle, III, 324-25 sâdhanâ par l'amour et la d.,III, 289-343
v. aussi Bhakti
Dharma, et Adharma, 173
inférieur et D. spirituel, 173
Dhyâna, définition, III, 46
formes de d., III, 253
Dieu, conception chrétienne, 67, 203
conceptions humaines, II, 227
dans l'Adwaïta, 65
Dieux, II, 178-79
à plusieurs têtes et plusieurs bras, IV, 173
formes des d., II, 185, 227
Difficultés, VI, 235-370
personnelles, et celles de la transformation, IV, 94
vitales et mentales, 228-29
Direction intérieure, III, 19-20; VI, 248-52
dans le karmayoga, III, 195, 196
Discernement, IV, 266 de la vérité de l'expérience, IV, 291-92
Discipline, III, 18-20; VI, 25
dans le travail, III, 241, 242
définition, IV, 73; V, 279
mépris du vital inférieur
pour la
d.,V, 258-59
Discorde, but et origine, 35
Discrimination, indispensable à l'expérience spirituelle, 225 non intellectuelle, V, 81
psychique, III, 19-20, 101
Divin, 34, 218; II, 65
Ànandamaya, III, 12
au-dessus mais aussi ici-bas, 34
certitude concrète, 196
conception indienne du D., 40
cosmique, III, 9-11
cosmique, et D. transcendant, 128; III, 88-89
diverses manières de l'approcher, 94-95
en tout, au-dessus et au-delà de tout, 31
et Ânanda, Paix, Lumière, etc., 202-03
et le monde, IV, 332
être gouverné par le D., III, 221
et Science, 241
et toute-puissance, II, 211
individuel, III, 9
le rechercher pour ce qu'on peut en obtenir, 162-63; III, 11
ne peut être compris ni jugé par la raison, II, 210
nombreux niveaux de conscience dynamique, 138
personnel, 23; III, 324
personnel et impersonnel,III, 324
personnel et impersonnel, et au-delà des deux, IV, 245
peut être réalisé sur n'importe quel plan, 126
plus grand, non moins grand que le mental, 199
relation indirecte avec le D., V, 55
réponse du Divin, 227-28
Suprême, 23; IV, 332-33
Transcendant. Universel, Individuel, III, 9-11
vivre dans le D., IV, 335
Divinisation, crainte de la d., 106-07
ne peut se faire en un moment, IV, 314-15
un plus grand art de vivre, 148
Divinités, et pourousha, II, 186
védiques, 131
Don de soi, III, 15, 316; V, 62, 337, 338
à la Mère, et lutte contre l'ignorance de la nature, III, 54 chacun a sa propre manière, IV, 67-68
condition de la transformation complète, III, 120
dans le monde et à l'Ashram, IV, 56
et état du Brahman, III, 112
intérieur et extérieur, IV, 106-07
n'a pas d'exigences vitales, III, 114-15
Doute(s), 145-46, 190, 195-201
essentiel, et le mental européen, III, 64-65
et foi, 194-95, 201
existe pour lui-même, 196
qui vient du vital, V, 283
rejet du d., V, 197-98
Dualité(s), dans l'individu, 157
et forces cosmiques, 140-41
Dynamisme, V, 157
E
Échange vital, et amour,V, 371
Eddington. sir Arthur, 242
Effort, et inspiration, III, 225
personnel, III, 100-09
Égalité, III, 176, 183-89
définition, III, 183-84
endurance et persévérance,III,184
principe mental d'é., III, 188-89
Ego, 55-56;II, 55-57; V,330-62
dans le bouddhisme, 78-79
et amertume, 177
et chute dans l'ignorance, 34
et être central, IV, 276;V, 14
et être vrai, II, 55-56; III, 60; V, 127-28
et expérience spirituelle, V, 348, 349-50
extinction de l'e., V, 92
instrumental, IV, 340
magnifié, II, 233; V, 351
mur de l'ego entre la conscience extérieure et intérieure, IV, 265
radjasique, V, 330, 346, 347
rend la soumission impossible, III, 38
se perd dans le silence et la paix du Moi, V, 127
son élimination, 154; III, 60
tamasique, V, 345-46; VI, 400-01
vérité dans les plans inférieurs, mensonge dans les plans supérieurs, II, 31-32
vital, III, 69-70
Egocentrisme, V, 334-38
Égoïsme, V, 330-62
de l'instrument, V, 351
développement de l'é. dans le yoga, III, 43
élimination de l'é., III, 60
fait partie du mécanisme de la Nature universelle, IV, 340
le plus grand danger de la sâdhanâ, IV, 292-93
l'obstacle fondamental, VI, 294
Égypte, ancienne, et occultisme, 1
Einstein, Albert, 237, 247-48
Élan vital (Bergson), 251
Élargissement, de la conscience, IV, 324-25, 328
Élémentaux, II, 192
Éléments, 55
Émotion, III, 84, 320-22; VI, 417
différente des mouvements du vital inférieur, II, 132
et Amour divin, III, 290
et Jnâna, III, 324
l'homme émotif et l'intellectuel, V, 190
psychique et é. vitale, III, 322
psychique, spirituelle, IV, 90
v. aussi Centre(s), Être, Vital émotif(s)
Énergie, définition, V, 137
différentes formes (mentale, matérielle, spirituelle), 254
et conscience, définition et distinction, III, 212 "inconsciente". Conscience-force du Divin, 53
Enfer, II, 242
Engourdissement, III, 144, 181;IV, 255
Énigme de ce monde, L', 27-39, 39-40, 205
Enveloppe(s), et processus de la renaissance, II, 73-74 fragments abandonnés de l'e. vitale,e,II, 73, 253, 268
mentale et processus de la renaissance, II, 73-74
nerveuse (vitale), II, 143
nerveuse, et maladie, VI, 174-75
physique (matérielle, de nourriture), II, 143
vitale, II, 73
Équanimité, III, 89; IV, 237
foi qui donne l'é., III, 89
principe de l'action dans le karmayoga, III, 206
Équilibre, 114
Esprit, II, 56, 107-08; IV, 89
cosmique, V, 92
cosmique, et forces universelles, IV, 329-30
derrière l'idée, la force et le mot, V, 204
et Matière, 262-63
et mental, II, 107-08
et Moi, V, 126
réalisation de l'E., 125
substance originelle de l'E., IV, 321
Essence, II, 65
Éternité, du Temps et sans Temps, 264-65
Étincelle du Divin, II, 56, 58-59, 61, 76, 78, 82; V, 4
Être, apparence dans les différents plans, II, 144
éléments qui le composent, II, 83
parties de l'e., II, 1-172
sa divisibilité est normale, IV, 257
systèmes d'organisation de l'é., II, 23
Être central, II, 44-45, 46, 83
en tant que moi individuel,II, 57-58
et âme, II, 285
et Âtman, II, 56
et ego, IV, 276; V, 14
ses deux formes: jîvâtman et être psychique, II, 40-41, 42
soumission de l'e. c., V, 14
vivre dans l'é. c., IV, 247
Être émotif, II, 129-30, 131
et être psychique, II, 127-28; IV, 8-9
et vital supérieur, II, 127-28
ouverture de l'é. é. dans le Divin universel, IV, 326-27
Être extérieur, de surface, II, 95, 150-51
descente de force et de paix dans l'ê. e., III, 181
doit changer pour manifester la nature intérieure, IV, 229-30
et dépression, V, 303-04
et être psychique, IV, 226-27; V, 15, 29; VI, 274-75
Être intérieur, II, 90-97; III, 20; V, 29. 90-92, 107, 143, 380
abattement du mur entre ê.i. et être extérieur, IV, 223-28
connaissance de l'ê. i. II, 45
ê i., ê. extérieur et paix, III, 170-71
et attaques hostiles, VI, 405
et ê. extérieur, II, 87, 89, 94;III, 217; IV, 230-31, 233, 258-59
et inertie. V, 133
et psychique, II, 44-45, 46, 72-73, 91; IV, 228, 234, 240
n'a pas de centre, II, 168
problème de la division entre ê. i. et ê.extérieur, VI, 271, 278-84
relie le psychique à l'être extérieur, V, 29
sa composition, IV, 240, 243
s'élève à la rencontre de; la conscience supérieure, V, 16 s'ouvre aisément à la Véirité, IV, 228
s'ouvre intérieurement aiu psychique, au-dessus au Moi ou Esprit, IV, 259
stade de la sâdhanâ où l"ê. i. commence à s'éveilleir, IV, 236-37
tout lui est possible, III,, 57
vivre dans l'ê. i., IV, 248-49, 265-66
Être intuitif, V, 81
Être mental. II, 84, 85
ê. m. essentiel, II, 112
et être psychique, II, 83i
et vital, IV, 258
n'est pas neutre ou vide, IV, 260
survie après la mort, II, 74, 237, 263
vrai, II, 111-12
Être psychique, II, 67-83; BV, 259; V, 4-43, 83; VI, 223-24
action du p. et des régions supérieures du mentail, V, 26 amené au premier plan par la concentration dans le; cœur ou par une descente d'em haut, III, 258-59
aspiration de l'ê. p., II, 60, 62
bien-être, paix et ê. p., III, 274
caché par l'ignorance dm mental, du vital et du physique, II, 92
caractéristiques les plus visibles, 11,72
centre (localisation) du p., V, 31, 64
choix de sa naissance suuvante,II, 249-50
contact avec le supramesntal, II, 67,68
contribution à la sàdharnà, II, 80
conversion et réalisatioln, III, 72
créatures non évolutives n'en ont pas, II, 181
derrière la surface émotive, III, 323
émergence p., V, 9-15, 21-24
et âme, II, 43, 44-45, 60, 61, 63, 70-71,82; V, 14
et Âtman,II, 55-56, 243-44; V, 28, 129
physique, VI, 2-3
et ego, V, 331, 340, 341,342
et être émotif, II, 128; IV, 8-9
et être extérieur, IV, 226-27; V, 15-16, 99
et être intérieur, II, 45, 46, 72-73, 91; IV, 228, 234, 240
et être mental, II, 83
et forces universelles, IV, 340
et jivâtman. II, 41, 42, 53-54, 56, 58-62, 182
et moi ou Esprit, V, 126
et rejet des désirs, V, 367
et renaissance, II, 237-39, 260
et souffrance, VI, 193
et soumission, III, 100
et transformation, IV, 246-47
et vital, II, 81; V, 237; VI, 274-75
et zone intermédiaire, IV, 286
forme de l'ê. p., II, 89, 90; V, 31, 41,
impossible à discerner au début, IV, 228
influence de l'ê. p. sur le mental supérieur, V, 212 manière p. de faire le yoga, III, 107
mental, vital et ê. p., III, 51-52
ne peut revêtir plus d'un corps, II, 248
n'est pas au-dessus, mais derrière, II, 45
peut pénétrer la conscience mentale, vitale, physique, II, 128
principe d'harmonie, 29
réalisation de l'ê. p., II, 130-31
repos dans le monde psychique après la mon, II, 237, 239, 240-41,242
sans défaut, IV, 125
sans exigence ni désir, V, 364-65
signes de l'émergence du p., V, 19
soumission de l'ê. p., V, 15
support de l'évolution individuelle, IV, 328
unification de l'ê. p. et de la conscience supérieure, V, 6-7, 94
vivre dans l'ê. p., III, 79
voix de l'ê. p., III, 52
Être vital, et être mental, IV, 258
et renaissance, II, 73-74, 262-63
ê. v., être mental et être psychique, II, 81-82
ê. v. vrai, II, 92-93
quatre parties, II, 122
survie après la mort.II, 73-74, 237, 263
trois niveaux,IV, 256
Être vrai, II, 92-93, 111-12; III, 60; IV, 241; VI, 329
et ego, II, 55-56; V, 128
peut être réalisé comme l'Âtman, comme l'être psychique, ou les deux, II. 55
Être(s), descente d'êtres supérieurs, supramentaux, 11
individuels, existent partout dans l'univers, IV, 338
typaux (non évolutifs), II, 181, 182
vitaux, 91-92 et possession, VI, 419-20
Être et Devenir, II, 44
Europe, et spiritualité, V, 197
matérialiste, 240-41
Evans-Wentz, W.Y., Yoga tibétain et doctrines secrètes, 79-81
Étude, et sâdhanâ, V, 215-24
Évolution, 1-5, 8, 31-40, 56-57
conversion de la conscience, inévitable dans l'ê., 25
cycles d'é., 1
donne son sens à l'existence ici-bas, 54
double (extérieure et intérieure), 53
et âme, II, 243 3
et Avatar, II, 200
et descente du supramental, 1-43
et involution, 10-11, 41
et montée-descente de la conscience, 4
pourrait être une floraison lente et belle du Divin, 27
qui prépare l'être spirituel et supramental, 2-3
spirituelle, 9, 32, 56-57
terre, lieu de l'ê., 12, 19,79-80; II, 183; IV, 338
Exercice physique, VI, 48-49
et appétit, VI, 54-55
Expérience(s), IV, 89-149, 223-341
abondance d'e., IV, 98, 103-04
commencent forcément par le plan mental, IV, 104
la conscience cosmique, IV, 319-341
de la conscience intérieure, IV, 223-319
de rêve, IV, 96-97; VI, 90-91
description de l'ê., 212-16
du plan vital, III, 127
épreuve de la raison, V, 223-25
et activité mentale, V, 192-95
et amour pour le Divin, III, 98-99; IV, 92
et changement de nature, IV, 107-08, 121-122, 125-26; VI, 229
et connaissance mentale, IV, 117-18
et discrimination, 225
et ego, V, 348, 350
et foi, III, 81, 83
et intellect raisonnant, 212-16
et perfection, VI, 299-300
et philosophie de l'Orient et de l'Occident, 185-86
et purification, IV, 100-01, 102, 104, 119-20, 124-25 et réalisation, IV, 89, 91,1, 98-99, 100-01, 165
et sentiments, IV, 90-91
et siddhi, IV, 89
et silence, IV, 231-32
et transformation, 21
et travail, importance égale, IV, 91
et vision, IV, 166, 167
e. imitées, IV, 309
e. intérieure réelle à sa manière, IV, 226
généralisations fondées sur l'expérience, 217-18
ne pas sous-estimer les petites expériences,III, 143-44;IV, 93-94
parler des e., IV, 147-49; VI, 413
partout similaire, 222
permanence de l'ê., 216-17
peut être intense et pourtant impure, IV, 106
psychique, II, 128; V, 29-30
spirituelle, 220-21
spirituelle, et substance de la conscience, IV, 117
spirituelle, se traduit en sentiments et visions, IV, 90-91
subjectives, IV, 108-09
subjectives et objectivisation, IV, 108-11
successives et différentes, IV, 105-06
suivie d'attaque des forces hostiles, VI, 390-91
toutes ne s'accompagnent pas de joie, IV, 144
trois conditions pour les traverser en sécurité, IV, 101-02
usage des métaphores, 210-11
vitale et psychique, mentale et spirituelle, V, 64
yoguique, 223-24
Expression, V, 231-32
Extériorisation, (sortir du corps), IV,V, 237; V, 56
F
Famille,
et vie spirituelle, IV, 13-14, 84-86
Fanatisme, II, 302
Fantômes,
Fatigue, III, 230-32; IV, 136; V, 116-17, 131-32
Femme, et vie spirituelle, IV, 84-86
Feu, comme symbole de la purification, IV, 218
descente de f., V, 140
psychique, IV, 218; V, 37-43
v. aussi Agni
Fleurs, II, 313-14; III, 60
Foi, III, 80-96, 132
absence de f., obstacle fondamental, VI, 294
"aveugle", III, 81, 82
centrale, complète, III, 85
dans les cellules, III, 87
de deux sortes; celle qui fait descendre la paix et celle qui fait descendre la réalisation, III, 88-89
et connaissance, III, 86
et croyance, III, 80, 83, 132;V, 355
et doute, 189-90, 194-95, 201
et expérience, III, 81-82, 83
et raison, 191-94
et visions et voix, IV, 160
mentale et f. de l'âme, III, 80-81
mentale, vitale, physique et psychique, III, 80
moyen nécessaire à la réalisation, 25
nécessaire pour recevoir le Pouvoir divin, III, 223-24 non ignorante, mais lumineuse, 194
signification de la f., 195
tâmasique, III, 92
Folie, II, 294; VI, 415-22
Force, III, 80-96, 132; V, 60-61, 135-37
action de la f. dans l'Ashram et à l'extérieur, IV, 81 action de la f. et volonté, VI, 358-60
assimilation de la F.,V, 115
caractère concret de la f., 259; V, 146
cosmique, et dualités, 139-42
descente de F., III, 181
divine, conditions pour la recevoir et la laisser agir, III, 223
divine et effort personnel, III, 101
divine et forces adverses, VI, 380-81
du Divin, IV, 224-25
du sâdhak, III, 33
du sâdhak, et Grâce, III, 126
du yoga, III, 93
étapes du travail de la F., VI, 246-48
et élimination de la douleur, VI, 190, 191
et maladie, VI, 172, 173
et tranquillité mentale, III, 156
et travail, III, 226, 229
fluctuations dans l'action de la f., 121
n'est pas liée par les limitations de l'instrument, III, 226 physique et yoguique, III, 230
pression de la f., V, 105-13, 143
réalité de la f., 260-61
réceptivité à la f., IV, 81
résistance à la f., V, 111, 118-19
signes de son action, V, 108-14
son action ne supprime pas la nécessité de la tapasyâ, de la concentration et de la sâdhanâ, III, 136
spirituelle, 254-59
supramentale, 257-58
sur les plans inférieurs, et la Nature supramentale, VI, 174
"tirer" la F., III, 74, 75; V, 67, 322-23
usage volontaire de la f. subtile, 259-60
yoguique, 260
Forces, adverses, antidivines, III, 9, 153-54
adverses, deviennent actives lorsqu'il y a une ouverture à la Lumière, IV, 280
complexité des jeux de f.,II, 287-88
danger des F. mentales,V, 196
de la Nature sont conscientes, IV, 339
de maladie, II, 141
et déterminisme, II, 279
hostiles, II, 176, 189-95; III, 153-54; IV, 373-426
attaques indirectes des f.h., IV, 394-95
et détection des défauts de la Nature inférieure, VI, 376-77
faire face aux attaques des f.h., IV, 389
fonction des f.h., VI, 376-77
ne peuvent atteindre l'être psychique, V, 11
jeu de t.. Il, 103, 187-88; III, 121
jeu de f. et travail de la Volonté cosmique, III, 88, 89-90 universelles, III, 177
agissent souvent au moyen du subconscient, IV, 340-41
définition, IV, 338
et Esprit cosmique,IV, 329-30
et transformation, IV, 115
Formateurs, II, 180
Formations, de la zone intermédiaire, IV, 281-82
et intuitions, IV, 306
mentales, III, 174; IV, 163; VI, 82
pouvoir des f., IV, 110
Forme(s), des dieux, II, 185, 226-27
et Sans-Forme, 98
sur les plans supraphysiques, II, 184
Fraternités, occultes, 92
Gâyatri, III, 284
Gloutonnerie, VI, 52-54
Gopî, II, 16, 229; III, 338. 340-41
Gorge, centre de la g., II, 158-61, 168-71
Goswami. yogi Bejoy, 113
Gouna, création par inégalité des g., V, 135
et action dans l'homme libéré, III, 210; IV, 330
et nourriture, VI, 62-63
Gourou, III, 129-40 conceptions bouddhiste et adwaïtiste, III, 136
et disciple (shishya), 103-04, 146; III, 130-31, 134-35, 139 -40; IV, 68
et dissimulation, 92; III, 140
et yoga intégral, III, 130-31; IV, 289, 297; V, 96
grâce du g. et abolition des difficultés. III, 137-39
Grâce, 204;III, 86, 122-29, 329-31, 333;VI, 289, 417
du gourou, et abolition des difficultés, III, 137-39
et assentiment du sâdhak, III, 93-94
et destin, II, 285
et force, III, 126 6
et protection, VI, 334
n'est pas admise dans certains yogas,III, 122-23
n'est pas le but de la réalisation spirituelle,II, 224, 226
Guérison(s), miraculeuses,II, 294, 296
par la foi dans les cellules, III, 87
Guerre, II. 302-03
Guîtâ, et yoga intégral, 82-87;III, 90-91
ne mentionne pas la Mère divine, 85-86
réconcilie des vérités apparemment opposées, 84-85 samatâ et indifférence, III, 188-89
Habitudes, dans le physique, VI, 24-25
du physique vital, V, 378-79
et subconscient, II, 144-45, 148, 149, 153, 154; IV, 115
Hallucinations, et visions, IV, 156, 160
Harmonie, IV, 334 avec les autres dans la vie spirituelle, IV, 16
centralisatrice de la conscience, III, 67
des mondes non évolutifs,II, 182-83
périodes d'h. dans l'évolution, 10
Harmonisation, de la personnalité, 63-64
Hatha-yoga, 4; V, 105-06, 175
Hindouisme, 163
Hiranyagarbha, V, 158-59
Homme, effets du supramental sur l'h. ordinaire, 18
personnalité double, VI, 273-77
personnalité multiple, II, 85
Hostile(s), création d'êtres h.,II, 175-76
et destinée spirituelle, II, 285
êtres h., II, 175-76; IV, 338
êtres h., danger de la zone intermédiaire, IV, 285
êtres h. et forces universelles, IV, 338
forces h.,II, 176, 189-95;III, 153-54
forces h. deviennent actives lorsqu'il y a ouverture à la lumière, IV, 280
forces h. ne doivent pas être admises au même titre que les forces divines, IV, 293
influence des forces h., IV, 292
réalité des forces et des êtres h., 27
utilité des forces et des êtres h., II, 193
Housman, A. E., 207
Humain, conscience h., 100
éléments h. dans le yoga, 147
Humanitarisme, 175-76; III, 30, 31
v. aussi Philanthropie
Humanité, et le yoga intégral, 174-78
et progrès, 176-77
histoire spirituelle de l'h., 163-64
ordinaire, effet de la descente du supramental, 18
Humilité, devant le Divin, III, 59
et réalisation du Très-Haut,III, 2
spirituelle, V, 353
Humour, II, 316
Huxley, Aldous, 149-50
Hystérie, VI, 409, 420, 421
I
Idéalisme, 179 et orientation vers la lumière spirituelle, III, 50-51
Idée, V, 204
Ignorance. 22, 26; II, 175; VI, 238-39, 242-43
cause réelle de la chute dans l'i., 34
cosmique, II, 105
et inconscience, 10, 34; II, 57
et plans supérieurs, V, 79
et surmental, V, 87
subjective et objective, IV, 109-10
transcender l'i., 26
Illusion, cosmique, 47, 60
Image(s), dans la description des expériences spirituelles, 210-11
Imagination(s), du mental vital, II, 123, 125, 126
et expérience, IV, 118, 326
sexuelle, VI, 145, 146
Immensité, 129; III, 170; V, 41, 76, 77, 144 descente d'i., V, 97, 124
Immobilité, III, 162, 163. 209-12; V, 128,153
descente d'immobilité, 209; V, 129 i. du mental, 209-12
Immortalité, du corps, 23; V, 166-78
Impérialisme, II, 303, 304
Impersonnel, III, 129;IV, 322;V, 352
Divin i., IV, 289, 322
et yoga intégral, 127
Moi i., IV, 245-46
n'affecte pas les faits matériels sur terre, 128; IV, 289
Incarnation, 131-32; II, 199
en accepter la réalité historique est un gain spirituel, II, 230
et yoga intégral, 132
non de la vie, mais de la conscience, 25
ses difficultés, 105
v. aussi Avatar
Inconscience, 53
conscience dans l'i., 1-2
et Ignorance, 10, 33; II, 57
Inconscient, base du monde matériel, 10
conscience involuée dans l'i., 25-26
transformation de l'i., VI, 228-32
Inde, divinité (la Mère), II, 227
histoire spirituelle de 1'!., 3-4, 163-64
spiritualité de l'i., III, 62-63; V, 197
survivance de l'atmosphère de recherche spirituelle, III, 64-65
n'est pas limité au corps physique, II, 97
universalisé. 67; IV, 322
véritable, 55-56; III, 157
véritable, est l'être central, non le corps,II, 57
véritable, est une parcelle du Moi transcendant et cosmique,II, 64
et ego, V, 331
Inertie, III, 212; V, 158; VI, 7, 17-21,47, 48-49, 190, 197-98
et action des forces hostiles, IV, 408
et descente de paix, V, 131-33
et méditation, III, 275
obstacle fondamental, VI, 294
primordiale, VI, 18
Infini, impressions à son approche, 75
Initiation, et yoga intégral, IV, 58
Inspiration, et descente de paix, V, 131-34
dans la poésie et dans d'autres activités, III, 228
Intellectuel, homme i. et homme émotif, V, 190 Intelligence, et intellect, V, 187-88
Intériorisation, divers modes d'i., IV, 223-26
souhaitable et nécessaire, IV, 265-66
Intuition,n, bergsonienne, 250-51
et formations mentales,IV, 305-06
yoguique, et faculté de "sentir" la personnalité des autres, II, 290 Involulion. 41
Isha Oupanishad, et la loi de la relativité, 247
Ishwarakôti, 70, 85
Japa, III, 37-38, 281-85
et résistance vitale, IV, 253
pranava japa, III, 284-85
pur de l'Adwaita et jivâtman, II, 47-52
Jeûne, 91, 92; VI, 52 note, 57, 59, 62
et rédemption. II, 406
Jîva, v. Jîvàtman
Jîvakoti. 70, 85; II, 247
Jîvàtman, II, 40-42, 51-52, 83-84
et être psychique, II, 42, 43, 53-54. 55, 56-57, 182
et "je" pur de l'Adwaita, II, 47 7
"jiva" et "j.", II, 41-42, 52
pràrabdha karma, 68; IV, 244
réconcilie déterminisme et libre
Koundalini, et yoga intégral, 87-88;
Koûtastha, II, 58
Krishna, III. 336-43
Anandamaya K., II, 204
Avatar, II, 200-201
conscience de K., II, 228
de la Guîtâ et de Brindâvan, II, 188
Lumière de K., III, 342; IV, 174,
reconnaissance de la divinité de
Seigneur de l'Ânanda, de l'Amour
Kshara Pourousha. II, 71
et sâdhanâ,V, 217, 230
dans l'Adwaita, le Vishishtadwaïta
dans le bouddhisme et chez les
état ressenti lorsque se produit la
Liberté, et le déterminisme de la
et déterminisme, II, 275, 280-82,
des gopî. II, 229-30
Littérature, deux éléments dans la
Lotus, aux mille pétales, II, 158, 159, 165; IV, 257;V, 16
couleurs et nombre de pétales, II, 159
Lumière(s). 77; III, 342; IV, 159-60, 179, 182-84, 188-95; V, 106, 138-40
de la conscience supérieure et 1. spirituelle, II, 162
descente de L., V, 69, 97, 138
en masse ou en forme, IV, 183
indique l'illumination de la
indiquent l'action ou le mouvement de forces subtiles, IV, 159
manifestation de diverses forces, IV, 189
toute 1. n'est pas forcément
ne fait pas partie du yoga, II,
Mahâbhârata, et historicité de Krishna. II, 228
Mahat. II, 121
Maîtrise mentale, VI, 304
et maîtrise psychique, VI, 22
et maîtrise spirituelle, V, 246
et soumission à l'être supérieur au
Maladie, VI, 169-205
attaques de m., VI, 173
doit être expulsée, non gardée, V,
et descente de la Force, VI, 418
et équanimité, III, 187
et la Force (spirituelle, de la
et médicaments, et la Force,
force de m., II, 141; VI, 312
suggestions de m., VI, 181-87
Manas. II, 117, 118
Manifestation, bases de la m.
Manomaya Pourousha, II, 84; IV,
Mantra, III, 281-85
dans la sâdhanâ du yoga intégral,
et phénomène de la "double
répétition spontanée du m., IV,
Matière, descente de l'Esprit dans la
dominée par le subconscient, VI,
n'existe pas, 263-64
dans la philosophe de Shankara,
Médecine, VI, 178-83
Médicaments, et la Force, 255-56
Méditation, III, 38, 39, 253-85; IV,
et lecture, dans la sâdhanâ, V, 215,216
et sâdhanâ dans la conscience physique, VI, 11
sa place dans le yoga intégral, III,
se passe dans la tête, III, 38
des rêves, VI, 86-88
subconsciente (passive), II, 156, 157
théorie de Bergson, VI, 90
Mensonge. II, 175-76
comment se débarrasser de son
deux fonctions du m. physique, II,
développement du m. dans la sâdhanâ, V, 214-20
et corps,II. 109-10
et fonctionnement de la Force, VI, 247
et habileté dans les œuvres, III, 235
fusion du vital avec le m.
incapable de certitude ultime, 197-98
intérieur, II, 111; IV, 259
intérieur, est très vaste, IV,
mécanique, II, 113, 115, 117; III,
moindre, non égal ou supérieur au
ouverture au m. cosmique, IV,
pensant, capable de recevoir, V,
pensant, m. vital et m. physique,
physique, II, 112-18, 137-38, 142; V, 21, 209-13; VI, 25-31
difficultés du m. p., VI, 324-26
et expérience, III, 144
et raison, VI, 387
et suggestions hostiles, VI, 405-06
et vital inférieur, VI, 27
rejet de son "bourdonnement", III, 268
réalisation m. et réalisation surmentale ou supramentale, III, 6
silencieux, v. Silence
spirituel, spiritualisé, II, 110-11;
tranquille, 211; III, 119, 153, 154,
transformation du m., de la vie et
triple: physique (matériel,
usage du terme "m." dans le yoga
vital, II, 113, 116, 122-27
vital et volonté raisonnante, II,
voie d'approche du Suprême,
Mère, 85-86
appeler la M. pendant le sommeil,
comprendre l'attitude de la M., III, 108; IV, 69
descente de la conscience de la M., III, 325
descente de la Force de la M., V, 108
descente et présence de la M. dans la conscience physique, V,266
et ouverture de l'être psychique, III, 155
expérience d'être une forme de la
expérience du contact avec la M., V,60
Force de la M., III, 141; IV, 232; V, 3
ouverture à la M., III, 117-18
porter un problème à son attention. IV, 71-72
Présence de la M. dans l'action,
Présence de la M. dans le cœur,
Présence de la M., seule expérience nécessaire, IV, 313
Protection de la M., IV, 71-72,
relation de M. à enfant dans le
sa Force donne l'énergie nécessaire au travail, III, 229-30
volonté de la M., VI, 347
Métaphore, dans la description de
européenne, 183-87
Moi, 139; V, 90-93, 125-27
cosmique, III, 9; IV. 336; V, 91,
et Esprit. V, 126
et Nature, II, 79; IV, 328-29, 335
et souffrance, VI. 193
intuitif. V, 81
réalisation de toutes choses dans
réalisation du Moi, 115, 116, 139; II, 47-48
silencieux (statique, passif, pur),
subliminal, VI, 224-25
un en tous et multiple, II, 42
universel, et individualisé, IV,
Môksha, de l'Adwaïta et Nirvana
dans la Guîtâ, 84
gardiens du m. psychique, II, 245, 248
manifestation du Pouvoir divin, III,3
psychique, II, 245; VI, 94
psychique, sans communication avec la terre, II, 266
expédient en attendant une
attitude du chercheur spirituel
devant la m. des proches, 271-72
Mots, et pensées, 206-07: V, 202
v. aussi Libération, Moksha
Moûlâdhâra, II, 130, 158, 162-63,
Mouvement, cosmique et individuel,
Mystique, 216
Napoléon, II, 309-10, 311
Nârâyana,IV, 207
Nation, divinité de la N., II,
défauts de la n., distincts de
l'action des forces hostiles, VI, 373-76
générale, source de notre action, II, 150-51
individuelle et universelle, VI, 15-16
résistance de la N. universelle, V,
supérieure (divine, etc.) et inférieure (phénoménale, etc.), II, 43-44; III, 9; VI, 373
terrestre, VI, 15
et nature individuelle, VI, 15-16
source des pensées et des activités, IV, 295
Nerfs. V. 151
attaque sur les n., VI, 193-94
conduits nerveux, ascendants et
maladie nerveuse, V, 301
physiques et subtils, II, 143
Neurasthénie, VI, 286-87, 409
Nigraha. V, 372
Nirvana, 55-56, 58-65, 80, 81-82; II, 16-17; V, 60
Nom, et japa, III, 283
et respirations. IV, 95
sensation sexuelle et japa du n.,
Nourriture. III. 241; IV, 70, 318-19;
attitude juste à l'égard de la n., V, 16
sattwique, radjasique, tamasique, VI, 62-63
v. aussi Jeûne
Nouveauté, du message de Sri
Obéissance, IV, 73, 74-75, 315; VI, 368
paix, pureté, silence peuvent être
valeur des o. dans le yoga, III,
vus d'un autre plan de conscience,
Occident, dominé par le mental
des pouvoirs adverses et des
fraternités ou sociétés occultes,
pouvoirs occultes et yoga, II, 291-96; IV, 120
Odeur subtile, IV, 178, 180; V, 41, 43, 131
Œil, troisième œil. II, 167
Offrande, III. 111
de soi, 41, 120
Omnipotence. II, 211
Ordre, dans le domaine matériel, III,
Orient-Occident, pensée philosophique. 185-86
Orientaux et Occidentaux, leur aptitude au yoga, 61-67
Ouspensky, P. D., 185
Oupanishad. critique des commentaires sur, V, 226
contient en germe l'idée du supramental. 82
à l'influence divine, III, 117, 118, 119
conditions de l'o. psychique, V, 12-13
psychique, III, 155; V, 3, 4, 6, 9,
suivie de fermeture apparente, V,
vers le dedans et vers le haut, V,
vers le haut, et o. psychique, V,
dans le yoga,IV, 254
du Brahman, du Moi ou du Divin, V, 60
mentale, vitale, et p. de la nature
passive, III. 166
Panthéisme, II. 30
vital, II. 182-84
Parâshakti. et Pouroushottama, 48
Parole, VI. 155-69
contrôle de la p., 158; VI, 155-69
et chakra, II, 169-70
parler des expériences, II, 169-70;
parler mentalement à quelqu'un, II, 126-27
une partie de l'être parle à une
vérité en p., III, 172; V, 259; VI, 160, 166-68
Passé, et avenir, VI, 369-70
souvenirs du p., VI, 354
visions concernant le p., IV, 170
Passivité, à la conscience supérieure et non à tout ce qui vient, III, 121
du mental à la seule Vérité, III, 153
Pâtâla, II, 155
Pâtanjali, 123
et plans supérieurs. II, 116-17
et réalisation. V, 205
ne donne pas la connaissance, V,
philosophique en Orient et en
Pensée Paraclet, La, poème, V, 80
Pères, II. 249
sattwique, et spirituelle, VI, 300-01
Personnalité, complexe, II, 85, 264;
et renaissance. II, 260, 261
multiple. II, 110
psychique, VI, 223
Personnel et Impersonnel, 96, 127; II, 32-33; III, 129, 324; IV, 339
Peur, III, 56; IV, 268, 274; V, 71, 72, 120, 388; VI. 413
et maladie, VI, 175
et rêves du monde vital, VI, 95-101
Philanthropie. 174-75; III, 30, 31
Philosophie, étude de la p. et
Photographies, contiennent une expression de la conscience, II, 89
peuvent être un moyen de contact,
Physique, VI, 1-205
conscience p. habituellement
descente de la conscience
et descente supramentale, V,
mental, vital, matériel, II, 142
nature p.. 93
ouverture du p.,VI, 27-28
résistance du p., V, 27; VI, 239
transformation du p., VI, 1-205
n'était pas le but de Krishna, Bouddha, etc., 111
Plan(s). astral, 91
vivre dans le p. de l'Intuition,
expérience sur divers p.. III, 6
expériences sur le p. vital, III, 127; IV, 273, 274; V, 248-49; VI, 69
pendant le sommeil, VI, 89-101
mental. II, 24-25; IV, 327
rencontres sur le p. vital, IV, 271
rêves du p. vital, IV, 172; VI, 86,
sâdhanâ sur le p. vital, VI, 247-48
supérieurs (au-dessus de la tête),
supérieurs, et connaissance, II, 116-17
Plasticité, VI, 295
et résistance, II, 129
Poésie, et sâdhanâ, III, 40, 282; V, 214, 251
force yoguique et pouvoir poétique, littéraire, II, 293
technique de la p., III, 226
Possession, par des forces hostiles ou vitales. 277-278; VI, 374, 379-80, 419, 420, 422-26
Pourâna, II. 228-29
et les dix Avatar, II, 200-02
Pourousha, Chaitya P., II, 69
donneur de sanction, Anoumanta
Pourousha, IV, 245
impersonnel, se fait une
et libération dans l'action, III,
séparation de P. et P., III, 27, 39, 198; IV, 240; V, 95
Pouroushottama, conscience du P., 86
descente de p., V, 97
divins, sont faits pour être utilisés,
emploi du terme p. dans "La Mère", II, 176
Prâjna, II, 29, note; V, 159
Prakriti, III, 211; V. 352
double: supérieure (parâprakriti) et inférieure (aparâpraknti) II, 43-44. 57, 65-66
Prânapratisthâ. III, 317
et-tendances sexuelles, VI, 140-41
de la Mère, dans l'Ashram et
de la Mère, seule expérience
divine, II, 179; III, 182, 219, 319-
sentiment de la P. dans le travail,
Pression, de la descente de la Force, V, 105-13, 143
Prière, III, 37, 78; IV, 119; V, 251-52
et forces hostiles, VI, 390-91, 392
première condition du p., III, 185
Protection, VI, 251
de la Mère, IV, 71-72, 73
divine, VI, 368
pendant le sommeil, VI, 96, 97
Psychanalyse, V, 246; VI, 224,
Psychique, emploi du terme "p.", II, 61-62, 70, 72-73, 75-76
monde p., v. Monde(s)
sentiment p., II, 69
v. aussi Être psychique, Transformation
Psychologie, V, 227; VI, 224, 227-28
moderne, occidentale, 260; II, 106-07
essentielle, de l'Esprit, VI, 142
vient d'un contact de la conscience
vitale, et spirituelle, VI, 384
et expérience, IV, 100-01, 102-03,
par l'effort personnel et par
Questionner, dans la sâdhanâ, 190;
culte de R.-Krishna, III, 340
Raison, des hommes politiques et
distincte de l'activité du mental physique, VI, 386-87
place de la r., VI, 240-41
et la conscience de l'Avatar, II,
Râmdas, Swâmi, III, 342
Rasa, dans le travail, III, 227
et expérience, IV, 89, 91-92,
et perfection de la nature, VI,
mentale, et r. surmentale et
mentale, et transformation de la nature, VI, 229
mentale, prépare l'expérience spirituelle, IV, 111, 112
spirituelle, deux formes opposées, III, 303
n'est pas liée par mrgouna et
Recherche du Divin, pour ce que
pour l'Ânanda, III, 11-16
pour Lui-Même, III, 13-15
ne s'appliquent pas à tous de la
Rejet, 114, 148-49, 167; III, 78; V,
entre homme et femme, IV, 18,
"spirituelles" ou "psychiques",
Religion(s), changer de r., 164-65
et science, 242
vie religieuse, vie ordinaire et vie
Remémoration, du Divin dans le Yoga des Œuvres, III, 32-33, 217, 218-19
Renaissance, 53; II, 237-72
en un corps animal, II, 252, 253
époque où l'âme entre dans un
punition, II, 246-47, 251, 256-57
et personnalité, II, 260, 261
mémoire des vies passées, II, 238-39, 242, 262, 266
passage d'un sexe à l'autre, II, 246, 254-55
Répression, V, 371-72; VI, 52
du désir de manger, VI, 57-58
de l'impulsion sexuelle, VI,
et rejet, V, 366, 371-72
Résistance, à la descente de la conscience supérieure, etc., II, 129; V, 99, 111, 118-19, 153
de la Nature générale
du physique, V, 27; VI, 14-15, 47, 229, 236-37
du vital, V, 27; VI, 236, 240
passive, n'est pas une vérité
Résolution, III, 81, 141
et danger de la zone
et fréquentation des autres, IV, 38-41
Révélation, V, 81
Rêves, II, 148, 152, 154; IV, 262-63;
cauchemars, VI, 95, 100-01
du plan vital, IV, 172; VI, 86, 89-
et prémonitions vérifiées, VI, 82
et retour des mouvements rejetés,
expériences en rêve, IV, 96-97, 263, 264; VI, 91
mémoire des r., VI, 86-88
r. sexuels, VI, 147-54, 211, 222
symboliques, VI, 80-81, 89-91
Rishi, 115, 121-22, 131
Royaume, de Dieu, des Cieux, 99,
du Pourousha (le grand Sacrifice),
Sâdhak. attitude complète du s., IV,
Sâdhanâ. action divine et tapasyâ
avec le psychique au premier plan, V, 24
dans la conscience physique, IV, 133; VI, 1-6, 9-10, 17, 20-21, 36, 39, 43, 387
dans l'Ashram et dans le monde, IV, 85
dans le subconscient, VI, 209-28
et lecture, développement mental,
et poésie, littérature, etc., III, 40, 41; V, 214, 251
et sommeil, VI, 70-74
par l'amour et la dévotion, III, 289-343
par le travail, III, 27-43, 191-250
périodes de vide dans la s., III,
sur le plan mental et sur le plan
trois étapes, V, 145-46
Saint Paul, V, 176
Samâdhi, III, 7, 276-81; IV, 224,
et expériences à l'état de veille, V, 17
Samatâ, III, 184-89
et ego, V, 332
et fonctionnement de la Force,
et principe mental d'égalité, IV, 288
Sannyàsa. 169
Santé, et pratique du yoga, VI, 169-71
Sat, et Asat, 77
Satchidânanda. II, 12
et supramental, II, 8-11
expérience du S., II, 110-11
réalisation du S. dans le travail, III, 209
repos dans le S. durant le sommeil, VI, 76
et procédés, 230-31, 241, 243
Sens, dans l'état de libération, IV,
intérieur (subtil, psychique), IV,
ouverture des s. au Divin, IV, 335
Sentiment(s), et expériences, IV,
Service, définition, III, 201-02
et réalisation, tous deux nécessaires, III, 202
Sexe, VI, 103-55, 222
aberration sexuelle et folie, VI, 416
attitude juste à l'égard du s., IV, 319
centre sexuel, II, 172
dans la renaissance, II, 246,
éjaculation, VI, 148, 150-54, 222
et amour, VI, 114, 124-28
et culte de Râdhâ-Krishna, III,
occulte, VI, 110
sensations sexuelles dans la sâdhanâ, V, 147-48, 157; VI, 46
Shakespeare, II, 310, 311
Shakti, chez les Tantriques, et Snankara, 47
de l'Avidyâ (Prakriti inférieure), II, 66-67
descente de S.,III, 145
Shankara. 64-66
Shiva, II, 186, 187; V, 28-29
Silence, III, 161, 162, 167, 168; V, 191, 192, 193
absolu et fondamental, III, 167, 168
absolu, n'est pas indispensable, III, 272
complet. V, 195-96
descente du s., 128; III, 271-72;
et tranquillité, III, 154, 155-56
et tranquillité, calme, paix
et transformation supramentale, III, 223-24
mental, III, 153, 154, 161-62, 167,
île doit pas engendrer la lassitude,
Sincérité, III, 56-57, 67-71, 126; V,
centrale, III, 70, 142-43
Sommeil, IV, 262; VI, 12-13, 66-76
attaques durant le s., VI, 220
conscient, VI, 69, 70, 72-73, 74
et sâdhanâ, VI, 71-72
et samâdhi, IV, 96, 146, 251, 252,
éveil de l'être intérieur durant le
manque de s. et maladie, VI,
obstacle à la méditation, III, 275,
survivance d'habitudes perverses
dans le s., IV, 115
transformer le s. en samâdhi, IV,
yoga ne peut se faire sans s., VI, 58
Sons, subtils, entendus dans la sâdhanâ, IV, 179, 180, 188, 335; V, 54, 110
Sorley, Prof., 205, 209.212
Souffrance, VI, 175, 190-95, 236-38,
causes et cessation, II, 246-47
évangile de s. spirituelle, VI, 255
quelque chose dans le vital aime la s.,V, 314, 316,317
Soumission, III, 92, 97-117, 195
Spiritisme, 236-37, 239; II, 266-69,
Sri Aurobindo, et le doute, VI, 263,
et l'expérience védântique, 142
expériences et réalisations, V,
son enseignement, public ou aux
Subconscient, II, 144-48; IV, 115; VI, 209-28
et conscience corporelle, VI, 28
et habitudes. II, 144-45; VI, 215-21, 352-53, 409-10
et maladie, VI, 174, 181
et réapparition de ce qui a été rejeté, II, 148, 149, 151-52, 154; V, 276; VI, 83, 221, 353, 409-10
et subliminal. II, 145; VI, 224-25
et supraconscient. II, 148; VI, 213-14
n'est pas transporté par l'âme
rêves, II, 148,152,154; V, 276;
siège dus., II, 149
transformation du s., VI, 209-28
Subliminal, et subconscient, II, 145;
peut faire des choses impossibles
Suicide, VI, 337-38
Suggestion, définition, VI, 185
Supraconscient, II, 148; VI, 213
Supracosmique, et supramental, II,
Supramental, 7,14-15,22,77; II, 21-24; V, 158-66
définition, II, 12-13,30-31
descente du S. dans le physique, V,164
descente nécessaire pour que la transformation soit complète, V,45
et surmental, II, 10,22,30-31, 34-35, 37-38; IV, 339; V, 84, 85,88
n'est pas froid et dur, VI, 255
n'est pas grandiose, lointain,
transformation s., 21 ; V, 5,
Véda et Oupanishad, 82,
Supramentalisation, 11-12,111-12;
Suprême, aspects statique et
l'objectif du yoga intégral n'est
Surmental, 22; II, 13-15,22-24,
descente du s. et transformation
et conscience cosmique, II, 34;
et supramental, 22-23; II, 10,
expérience et influence du s., V,
Surmoi. 134
dans la description de l'expérience
vus couramment dans la sâdhanâ, IV, 182-83; V, 33,35,41-43, 62-63,112,140,144,385
Tamas, IV, 136; VI, 176
dégradation de la paix, VI, 166
élimination du t., VI, 48-49
et ego, V, 346
et shama (paix divine), IV, 144; V, 131, 133
Tanmâtràs, II, 121
Tantra, et Védânta, 47, 86, 87
définition, III, 46, 109
et consécration, III, 108, 109,
et volonté, VI, 268
pas toujours nécessaire, III,
Témoin, attitude du t., IV, 236-37, 247, 329; V, 193, 198-99, 220; VI, 329
et rêves, VI, 85
Pourousha t., IV, 241, 244-45, 246
Temps, absence de t. dans le silence
lieu de l'évolution, 12, 19, 80; II, 183; IV, 338; V, 44-45
Yoga tibétain et doctrines secrètes (W. Evans-Wentz), 79-81
Tranquillité, III, 154-62, 172; V, 105,106, 144
et calme, paix, silence (définitions), III, 161-62
mentale, 209, 211; IV, 183; VI,
nécessaire pour recevoir le
et Divin cosmique, III, 88-89
Transe, III, 278-79; VI, 171-72, 295
et santé, VI, 169-71
réalisation en t. et en état de
Transformation, 12; III, 23
définition, 116-18, 136-37; V. 65
dé l'être extérieur, V, 304
de l'inconscient, VI, 228-32
deux t. dans le yoga intégral, III, 325-26
du corps, V, 172-78
du physique, VI, 1-205
du subconscient, VI, 209-28
ne peut être faite
personnelle, et forces hostiles, II, 194
psychique, III, 258, 325; V, 3-44;
première nécessité, VI, 254
spirituelle, III, 259; V, 5; VI,
et t. morale, III, 83-84
supramentale, conditions
supramentale), 113, 135-36; V, 3-178; VI, 110
Trâtak, IV, 161, 177
Travail, III, 27-43, 191-250
absorption dans le t., 215, 216
aussi important que l'expérience, IV, 91
dans la vie ordinaire et dans le
définition, III, 30-31, 202
de l'Ashram, IV, 55, 59-63
entraînement du corps au t., VI, 50
erreurs dans le t., 234-35, 236, 238
esprit dans lequel le t. est fait, III,
et défauts de la nature extérieure, III, 236
et fatigue, III, 230-32; VI, 50
et la Force, III, 226, 229-30
et utilité. IV, 62
maintenir la paix, le silence, etc.
manuel, et culture mentale, VI, 408
mental, et sâdhanâ, V, 214, 220
motifs ordinaires et motifs
psychiques ou spirituels, III, 193
ouverture à la Mère dans le t., III,
sâdhanâ par le t., III, 27-43,
tension dans le t., III, 230-31, 233
Tristesse, psychique, V, 18, 28, 35,
et Multiples, 39-40, 52, 265; II, 43
complète, but final du yoga
Univers, 77; III, 3
selon la science et selon le
Universalisation!. II, 102
Vaïkountha, III, 16
Vaïragya, 165-(68
sâttwique,III, 299
tâmasique, râdjasique, III, 334
vital. 63
Vampirisme, III, 76; IV, 48
Vanité, II, 312i; III, 59; V, 257,
Varouna, pouwoir psychologique, II,
Vâyou, pouvoiir psychologique, II,
Véda, divinités, du V., 131
Védânta, expérience védântique,
Vérité, aucune; n'est complète au-dessous de la v. supramentale, :22
Conscience-de-Vérité, 126
cosmique, 1H, 105
en paroles est en pensée, III,
réalisation die la V. suprême, III,
supramentalle, III, 28
et péché,III, 59
Vibhôuti, II, 200, 206
n'a pas plus, de connaissance qu'il
n'est nécessaire à son œuvre, II, 210
Vice, et grandteur, II, 310-12
et vertu. II,. 310-11
Vie, comme moyen de la sâdhanâ,
organisation d'une v. humaine,
signification de la v., II, 278; III,
vue comme un jeu de possibles,
Vie Divine, La, 52, 145
Vigilance, III, 122; VI, 352
descente de v., V, 122
universelle, VI, 103
et bouddhi, II, 40
Vishnou, II, 186
religion, 97-99, 101-03
yoga, 151
et descente de la conscience
supérieure, IV, 166
et hallucinations, IV, 156, 160
importance de la faculté de v., IV,
intérieure, IV, 167-71, 234, 236
mentale(s), IV, 167
signes de l'ouverture du pouvoir
utilité des v., IV, 157, 158-59
valeur du pouvoir de v., IV,
aspiration du v. inférieur, V, 278
bon instrument et mauvais maître,
consécration du v. dans l'action, III, 194
conversion et soumission du v., VI, 339
détermine d'ordinaire les actions
et les choix des hommes, III, 22
doit acquérir la paix parfaite, IV,
doit être constamment maîtrisé, IV, 281
échanges vitaux, II, 288; IV, 41, 48, 49, 50; VI, 104
échanges vitaux et vampirisme, IV, 48-49
et amour pour le Divin, III, 68, 294-96
être émotif et v. supérieur, II,
Être v., v. Être
exacerbation et répétition des
fonctions et nature du v., II,
forces vitales, pouvoirs vitaux,
habitudes du v. physique, V,
inférieur, II, 122; IV, 256; V, 254-92
et mental physique, VI, 27
et paix stable, III, 169
et sexe, VI, 140
mondes vitaux, IV, 272-73; VI,
mouvements supérieurs du v., IV, 12
nécessaire à n'importe quel
non-coopération du v. dans la sâdhanâ, V, 249-53; VI, 248
ouverture du v. inférieur, VI, 312
périodes d'aridité, V, 252, 253-54
petites habitudes du v. inférieur,
petits égoïsmes du v. inférieur, V, 345
physique, V, 241. 242, 278-79; VI, 26, 28-29
et forces perturbatrices, V, 151-52
et maladie, VI, 174
plan v., v. Plan
quelque chose dans le v. aime la
résistance du v., 148; IV, 253; VI,
révolte et opposition du v., V, 305
s'approprie l'amour, la beauté,
trois obstacles à surmonter dans le v.,330
vivre dans le v.. V. 244-45
vrai, III, 76; V, 238, 239, 240
Vivékânanda. 175-76; II, 206; III,
Vivisection, II. 304-06
Voie ensoleillée. III, 333; V, 319,
324; VI, 229, 237-38. 242-43, 254, 255, 257
Voix, IV, 218, 302. 307, 309
intérieures. IV. 179. 180
utiles quand elles sont vraies, IV, 153
Volonté, VI, 359-62
cosmique, II. 104; III, 88-89
de la Mère. VI, 347, 361
divine, 23. 203; III, 220
et destin. II, 275
et l'action de la Force, VI, 358-59
et tapasyâ, VI. 268
faible, VI, 20-21
manque de v., VI. 340
Volonté-Connaissance, IV, 331; V,
Vrindâvan, II,229
Wordsworth, William, son expérience, IV, 111
Yoga(s), anciens, III, 6, 28-29
chute hors du sentier, II, 285; VI,
de la connaissance, 134, 139 des œuvres, III, 29-30, 30-31, 195-97; IV, 59-60
expérience yoguique partout
force yoguique et pouvoir poétique, II, 293
orienté vers Dieu, non l'homme, 174-75
trois objectifs essentiels, VI, 243
Yoga intégral, aptitude au y.i., V,
base du y.i., 82-83; III, 38, 153-89
but du y.i., 16, 50, 132-33; II, 50-51; III, 1-23, 49-50, 69; IV, 3
difficultés sur le chemin, VI,
étapes du travail de la Force, VI,
et Tantra, 87-89; V, 70
méthode du y.i., 221; III, 119,
nouveauté du y.i., 83, 118-20; III, 39
place de la méditation, de la
bhakti, des œuvres dans le y.i., III, 27- 46
principe du y.i., 5; III, 7-8, 118;
quadruple sentier, VI, 243-44
relations humaines et y.i., IV,
sâdhanâduy.i., III, 3-4; IV, 116-17
Zone intermédiaire, IV, 259, 276, 282-90, 298-302; VI, 417
définition, IV, 298, 299
y passer n'est pas obligatoire, IV, 290, 297, 298, 300
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