Les textes publiés dans ce volume sont, pour l’essentiel, des écrits de la Mère sur Sri Aurobindo et sur elle-même, sur l’Ashram, Auroville, l’Inde et le monde.
Les textes publiés dans ce volume sont, pour l’essentiel, des écrits de la Mère sur Sri Aurobindo et sur elle-même, sur l’Ashram, Auroville, l’Inde et le monde. Ce livre comporte en outre une sélection de ses messages, de sa correspondance avec les disciples et de ses notes personnelles.
Note de l'Éditeur
Les textes publiés dans ce volume ont déjà paru en 1980 dans l'édition anglaise des œuvres de la Mère (The Mother's Collected Works, Volume 13). Ce sont pour l'essentiel des écrits de la Mère sur Sri Aurobindo et sur elle-même, sur ses relations avec d'autres personnes ainsi que sur l'Ashram de Sri Aurobindo, Auroville, l'Inde et le monde. Ce livre comporte en outre une sélection de ses messages, de sa correspondance avec les sâdhaks et de ses notes personnelles.
La plupart de ces textes ont été publiés dans différents ouvrages et revues associés à l'Ashram. La majorité a été écrite en anglais, le reste en français. En règle générale, les traductions reproduites ici sont inédites. Quelques-unes, déjà publiées, ont été révisées. Toutes les traductions sont indiquées par une étoile (*) à la fin de chacune d'elles, à l'exception de celles qui sont de la Mère. Ces dernières, au nombre de quatre seulement, sont indiquées par deux étoiles (**). Dans chaque section les textes datés sont présentés par ordre chronologique, ceux qui ne portent pas de date ont été insérés à la place qui semblait le mieux appropriée.
Outre des documents écrits, nous avons ajouté plusieurs transcriptions de conversations enregistrées au magnétophone, en particulier dans la section sur Auroville. Certaines sont publiées ici pour la première fois. Sauf au cours d'une de ces conversations, la Mère parlait toujours en français.
Enfin, quelques commentaires oraux ont été transcrits de mémoire par les sâdhaks ; la Mère en a approuvé ultérieurement la publication. Ces conversations sont identifiées par un signe (‡), et (†) lorsqu'il s'agit d'une traduction.
Le lecteur trouvera des détails complémentaires sur les textes dans les Notes en fin d'ouvrage.
Enfin, nous attirons l'attention du lecteur sur le fait que seuls certains messages et paroles de la Mère étaient destinés à faire l'objet d'une diffusion générale. La plupart d'entre eux — et les conseils qu'ils contiennent — s'adressent à des individus dans des circonstances particulières.
La Mère et Sri Aurobindo le 24 avril 1950
(Extrait d’une prière de la Mère écrite le lendemain de sa première entrevue avec Sri Aurobindo.)
Peu importe qu’il y ait des milliers d’êtres plongés dans la plus épaisse ignorance, Celui que nous avons vu hier est sur terre; sa présence suffit à prouver qu’un jour viendra où l’ombre sera transformée en lumière, et où effectivement, Ton règne sera instauré sur la terre.
Ô Seigneur, Divin Constructeur de cette merveille, mon cœur déborde de reconnaissance et de joie lorsque je pense à elle et mon espoir est sans limite.
Mon adoration dépasse toute parole, mon respect est silencieux.
30 mars 1914
Dans l’histoire du monde, ce que Sri Aurobindo représente, ce n’est pas un enseignement, ni même une révélation, c’est une action décisive venue tout droit du Suprême.
14 février 1961
(Message envoyé pour diffusion à All India Radio, Tiruchirappalli.)
Dans l’histoire du progrès spirituel de la terre, ce que Sri Aurobindo représente, ce n’est pas un enseignement, ni même une révélation, c’est une action puissante venue tout droit du Suprême.
15 août 1964
(Message à l’occasion de l’émission d’un timbre en commémoration de Sri Aurobindo.)
Il est venu dire à la terre de se préparer à un avenir lumineux.
Sri Aurobindo a apporté au monde l’assurance d’un avenir divin.
Sri Aurobindo est venu sur terre non pas pour apporter un enseignement ou une foi en concurrence avec des fois ou des enseignements antérieurs, mais pour montrer comment surmonter le passé et ouvrir un chemin concret à un avenir imminent et inéluctable.
22 février 1967
Sri Aurobindo n’appartient pas au passé et à l’histoire.
Sri Aurobindo est l’avenir en marche vers sa réalisation.
Il nous faut donc nous revêtir d’une jeunesse éternelle pour pouvoir avancer avec la rapidité voulue et ne pas être des retardataires sur le chemin.
2 avril 1967
Seigneur, Tu m’as donné l’assurance, ce matin, que Tu resteras avec nous jusqu’à ce que Ton œuvre soit achevée, non pas seulement comme une conscience qui guide et illumine, mais aussi comme une Présence active et agissante. En termes clairs et précis, Tu m’as promis que tout de Toi resterait ici et ne quitterait pas l’atmosphère de la terre jusqu’à ce que la terre soit transformée. Permets que nous soyons toujours dignes de cette merveilleuse Présence et que dorénavant tout en nous soit concentré sur l’unique volonté d’être de plus en plus parfaitement consacrés à l’accomplissement de Ton Œuvre sublime.
7 décembre 1950
Le manque de réceptivité de la terre et des hommes est en grande partie responsable de la décision que Sri Aurobindo a prise au sujet de son corps. Mais une chose est certaine : ce qui vient de se produire sur le plan physique n’altère en rien la vérité de son enseignement; tout ce qu’il a dit est parfaitement vrai et le demeure. Le temps et le cours des événements le prouveront abondamment.
8 décembre 1950
À Toi qui fus le revêtement matériel de notre Maître, à Toi notre infinie gratitude. Devant Toi qui as tant fait pour nous, Toi qui as tant travaillé, lutté, souffert, espéré, enduré, Toi qui as tout voulu, tout tenté, tout préparé, tout accompli pour nous, devant Toi nous nous inclinons en implorant afin que nous n’oubliions jamais, même pour un moment, tout ce que nous Te devons.
9 décembre 1950
S’affliger c’est insulter Sri Aurobindo qui est ici avec nous, conscient et vivant.
14 décembre 1950
Nous ne devons pas nous laisser troubler par les apparences. Sri Aurobindo ne nous a pas quittés. Il est ici, aussi vivant et présent que jamais, et c’est à nous de réaliser son œuvre avec toute la sincérité, l’ardeur et la concentration nécessaires.
15 décembre 1950
J’ai eu un choc douloureux lorsque j’ai entendu la traduction de la brochure que vous distribuez ici à l’Ashram. Jamais je n’aurais imaginé que vous pourriez avoir un tel manque de compréhension, de respect et de dévotion pour notre Seigneur qui s’est totalement sacrifié pour nous. Sri Aurobindo n’était pas infirme. Quelques heures avant de quitter son corps, il s’est levé, est resté longtemps assis dans son fauteuil et a conversé librement avec tous ceux qui l’entouraient. Il n’était pas obligé de quitter son corps. Il a choisi de le faire pour des raisons si sublimes qu’elles échappent à l’entendement humain.
Et quand on ne comprend pas, la seule chose à faire, c’est d’observer un silence respectueux.
26 décembre 1950
Les gens ignorent quel énorme sacrifice Sri Aurobindo a fait pour le monde. Il y a environ un an, au cours d’une de nos discussions, je lui ai dit que j’avais envie de quitter mon corps. Il m’a dit d’une voix ferme ce qu’il en pensait : « Non, cela ne doit pas être. Mahâsamâdhi S’il devient nécessaire pour cette transformation que je parte, il vous faudra accomplir notre yoga de descente supramentale et de transformation. »
1950
Seigneur, nous sommes sur terre pour accomplir Ton œuvre de transformation. C’est notre seule volonté, notre seule préoccupation. Permets que cela soit aussi notre seule occupation et que toutes nos actions ne tendent que vers ce seul but.
1er janvier 1951
Nous nous tenons en la Présence de Celui qui a sacrifié sa vie physique, afin de contribuer plus complètement à son œuvre de transformation.
Il est toujours avec nous, conscient de ce que nous faisons, de toutes nos pensées, de tous nos sentiments et de toutes nos actions.
18 janvier 1951
Le 8 décembre 1950, lorsque je lui ai demandé de ressusciter son corps, Il m’a répondu clairement : « J’ai délibérément quitté ce corps. Je ne le reprendrai pas. Je me manifesterai à nouveau dans le premier corps supramental, construit à la manière supramentale. »
11 avril 1952
Sri Aurobindo a fait l’abandon de son corps dans un acte suprême d’impersonnalité, renonçant à sa réalisation corporelle, afin de hâter le moment de la réalisation collective. Sûrement si la terre était plus réceptive cela n’aurait pas été nécessaire.
12 avril 1953
Vous avez dit que la naissance de Sri Aurobindo est une naissance « éternelle » dans l’histoire de l’humanité. Que voulez-vous dire exactement par « éternelle » ?
Cette expression peut se comprendre de quatre manières différentes, sur quatre plans ascendants de la conscience :
1) Physiquement, les conséquences de cette naissance seront d’une importance éternelle pour le monde.
2) Mentalement, c’est une naissance dont le souvenir durera éternellement dans l’histoire de l’univers.
3) Psychiquement, c’est une naissance qui se répétera éternellement, d’âge en âge sur la terre.
4) Spirituellement, c’est la naissance de l’Éternel sur la terre.
1957
Depuis le commencement de l’histoire de la terre Sri Aurobindo a toujours présidé aux grandes transformations terrestres, sous une forme ou une autre, sous un nom ou un autre.
On dit que dans une vie antérieure Sri Aurobindo a participé activement à la Révolution française. Est-ce vrai?
Vous pouvez dire que tout au long de l’histoire Sri Aurobindo a joué un rôle actif. Il était là surtout au cours des mouvements les plus importants de l’histoire — il a joué le rôle le plus important, il était à leur tête. Mais il n’était pas toujours visible.
23 janvier 1960
Sri Aurobindo est sans cesse avec nous et il se révèle à ceux qui sont prêts à le voir et à l’entendre.
Pendant la meditation 1 , Sri Aurobindo immense et concret (dans le physique subtil) se tenait au-dessus de tout l’Ashram.
28 août 1962
La nuit dernière nous (toi et moi et quelques autres) avons été ensemble pendant assez longtemps dans la demeure permanente de Sri Aurobindo qui se trouve dans le physique subtil (ce que Sri Aurobindo appelait « the true physical »).
1er février 1963
Sri Aurobindo est dans le physique subtil, vous pouvez le rencontrer lorsque vous dormez, si vous savez comment y aller.
13 août 1964
(Au cours de son sommeil, un sâdhak avait eu une vision de Sri Aurobindo dans son corps subtil, vivant dans le L’éternelle présence monde du physique subtil. Il envoya une description de sa vision à la Mère qui fit cette réponse :)
Sri Aurobindo se montre à chacun selon ses besoins et dans le physique subtil les choses ne sont pas aussi fixes qu’ici.
Attachez davantage d’importance au sentiment produit par la vision qu’aux détails de ce que vous avez vu.
De très bonne heure le matin, et pendant toute la journée, Sri Aurobindo était tellement présent, si vivant, que par moments j’avais du mal à rester tranquille, j’étais intérieurement en ébullition. Ce n’était pas correct d’être ainsi aujourd’hui, n’est-ce pas, Mère? Mais Sri Aurobindo était si proche et si vivant.
Au contraire, c’est tout à fait correct, il n’a jamais été aussi vivant que maintenant!
5 décembre 1967
Sri Aurobindo est constamment dans le physique subtil, et il y est très actif. Je le vois presque tous les jours, et la nuit dernière j’ai passé des heures avec lui.
Si vous devenez conscient dans le physique subtil vous le rencontrerez sûrement, c’est ce qu’il appelait le véritable physique — cela n’a rien à voir avec le psychique.
21 décembre 1969
L’aide de Sri Aurobindo est constante. À nous de savoir la recevoir.
Sri Aurobindo est toujours avec nous, il nous illumine, nous guide et nous protège. Nous devons répondre à sa grâce par une fidélité parfaite.
(Message envoyé pour diffusion à All India Radio, Pondichéry.)
C’est aujourd’hui que commence l’année du centenaire de Sri Aurobindo. Quoiqu’il ait quitté son corps, il est toujours parmi nous, vivant et agissant.
Sri Aurobindo appartient à l’avenir; il est le messager de l’avenir et nous montre toujours le chemin pour hâter la réalisation d’un glorieux avenir façonné par la Volonté Divine.
Tous ceux qui veulent collaborer au progrès de l’humanité et au vrai destin de l’Inde doivent s’unir dans une clairvoyante aspiration et un travail éclairé.
15 août 1971
Que peuvent faire les personnes en contact avec Mère et Sri Aurobindo pour célébrer au mieux le centenaire de Sri Aurobindo ?
Aspirer, et être sincères et persévérants dans votre effort.
D’une façon générale, qu’est-ce que les gens peuvent faire pour célébrer le mieux possible le centenaire de Sri Aurobindo ?
Faire effort pour que leur compréhension progresse.
14 septembre 1971
Ouvre-toi à la conscience de Sri Aurobindo et laisse-la transformer ta vie.
26 septembre 1971
Sri Aurobindo est toujours présent. Sois sincère et fidèle. C’est la première condition.
Bénédictions.
29 septembre 1971
Sri Aurobindo est venu dire au monde la beauté de l’avenir qui doit se réaliser.
Il est venu donner, non pas un espoir mais une certitude de la splendeur vers laquelle le monde va. Le monde n’est pas un accident malheureux, c’est une merveille qui va vers son expression.
Le monde a besoin d’une certitude de beauté future. Et Sri Aurobindo en a donné l’assurance.
27 novembre 1971
Sri Aurobindo est venu nous dire comment Te trouver et comment Te servir.
Permets qu’en cette année de son centenaire nous comprenions vraiment ce qu’il nous a enseigné et que nous le mettions en pratique en toute sincérité.
6 décembre 1971
Le lotus rouge est la fleur de Sri Aurobindo, mais spécialement pour son centenaire nous choisirons le lotus bleu qui est de la couleur de son aura physique, pour signifier le centenaire de la manifestation du Suprême sur la terre.
21 décembre 1971
Sri Aurobindo a donné sa vie pour nous faire naître à la Conscience Divine.
24 décembre 1971
1972
Bonne Année
C’est l’année consacrée à Sri Aurobindo.
Comprendre mieux son enseignement et nous efforcer de le mettre en pratique, est certainement la meilleure façon de lui exprimer notre gratitude pour toute la lumière, la connaissance et la force qu’il a si généreusement apportées à la terre.
Que son enseignement nous éclaire et nous guide, et ce que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui, nous le pourrons demain.
Prenons la bonne attitude en toute sincérité, et ce sera vraiment UNE BONNE ANNÉE.
31 décembre 1971
Sans le Divin, nous sommes des êtres limités, incapables et impuissants; avec le Divin, si nous nous donnons entièrement à Lui, tout est possible et notre progrès est sans limite.
Une aide spéciale est venue sur la terre en cette année du centenaire de Sri Aurobindo ; sachons en profiter pour surmonter l’ego et jaillir dans la lumière.
1er janvier 1972
Sri Aurobindo n’appartient pas à un pays mais à la terre entière.
Son enseignement nous mène vers un avenir meilleur.
En quittant son corps, Sri Aurobindo a dit qu’il ne nous abandonnerait pas. Et en fait, durant ces vingt et une années, il a toujours été avec nous, guidant et aidant ceux qui sont réceptifs et ouverts à son influence.
En cette année de son centenaire, son aide sera encore plus forte. À nous d’être plus ouverts et de savoir en profiter. L’avenir est à ceux qui ont des âmes de héros. Plus notre foi est forte et sincère, plus l’aide reçue est puissante et efficace.
2 janvier 1972
Sri Aurobindo est venu sur la terre pour annoncer la manifestation du monde supramental. Et non seulement il a annoncé cette manifestation mais aussi il a incarné en partie cette force supramentale et nous a donné l’exemple de ce qu’il faut faire pour se préparer à la manifester. Que pouvons-nous faire de mieux que d’étudier tout ce qu’il nous a dit et de nous efforcer de suivre son exemple et de nous préparer à la nouvelle manifestation.
Ceci donne le vrai sens à la vie et nous aidera à surmonter tous les obstacles.
Vivons pour la nouvelle création et nous serons de plus en plus forts en restant jeunes et progressifs.
30 janvier 1972
(Message aux participants des compétitions d’éducation physique de l’Ashram en 1972.)
Cette année, offrons toutes les activités de notre corps en consécration à Sri Aurobindo.
1er avril 1972
(Message pour le livre « Guirlande d’hommages à Sri Aurobindo ».)
Sri Aurobindo est une émanation du Suprême qui est venue sur terre pour annoncer la manifestation d’une nouvelle race et d’un nouveau monde, le monde supramental.
Préparons-nous à cette manifestation en toute sincérité et avec ardeur.
20 juin 1972
Sri Aurobindo nous a donné l’enseignement spirituel qui nous apprend à entrer en rapport direct avec le Divin.
Juillet 1972
Sri Aurobindo nous a montré le chemin vers un glorieux avenir.
Août 1972
(Message de Darshan.)
Le message de Sri Aurobindo est la lumière d’un soleil immortel qui rayonne sur l’avenir.
15 août 1972
Sri Aurobindo a été envoyé sur la terre par le Suprême pour annoncer la manifestation d’une nouvelle race et d’un nouveau monde, le monde supramental.
Préparons-nous en toute sincérité et avec ardeur.
L’homme est la création d’hier.
Sri Aurobindo est venu annoncer la création de demain, la venue de l’être supramental.
Le meilleur hommage que nous puissions rendre à Sri Aurobindo à l’occasion de son centenaire est une soif de progrès et une ouverture de tout notre être à l’Influence divine dont il est le messager sur terre.
15-8-72
Un pas de plus dans l’Éternité.
(Message adressé à un séminaire international sur « Sri Aurobindo et l’Unité Humaine », New Delhi, 5-9 décembre 1972.)
Le meilleur hommage que nous puissions rendre à Sri Aurobindo est de nous préparer à l’avènement de l’espèce supramentale.
Novembre 1972
L’œuvre de Sri Aurobindo est une transformation terrestre unique en son genre.
Sri Aurobindo, incarnant dans un corps humain la conscience supramentale, nous a non seulement révélé la nature de la route à suivre et les moyens de la suivre pour atteindre le but, mais il nous a lui-même donné l’exemple par sa réalisation personnelle; il nous a fourni, pour ainsi dire, la preuve que la chose peut être faite et que le moment est venu de la faire.
Que pas un instant ne vacille votre foi dans le succès final de cette œuvre puissante de transformation entreprise par Sri Aurobindo. Car, à dire vrai, c’est un fait : l’aboutissement de ce travail qui est le nôtre ne fait pas l’ombre d’un doute... La transformation aura lieu : rien ne pourra jamais l’arrêter, rien ne peut contrecarrer le décret du Tout-Puissant. Rejetez tout manque de confiance et toute faiblesse et prenez la décision d’être brave et endurant jusqu’à ce qu’arrive ce grand jour où le long combat se changera en une victoire éternelle.
Nous avons foi en Sri Aurobindo.
Il représente pour nous quelque chose que nous nous formulons à nous-mêmes avec les mots qui nous paraissent les plus propres à exprimer notre expérience. Ces mots sont évidemment les meilleurs pour nous pour formuler notre expérience.
Mais si, dans notre enthousiasme, nous étions convaincus qu’ils sont les seuls appropriés pour exprimer correctement ce qu’est Sri Aurobindo et l’expérience qu’il nous a donnée, alors nous deviendrions dogmatiques et serions sur le point de fonder une religion.
Celui qui a une expérience spirituelle et une foi se la formule avec les mots les plus appropriés pour lui-même.
Mais s’il est convaincu que cette expression est la seule exacte et vraie pour cette expérience et cette foi, il devient dogmatique et a tendance à créer une religion.
Chacun a son idée et trouve dans les écrits de Sri Aurobindo les phrases appropriées pour étayer ses opinions. Ceux qui sont contre ces opinions peuvent aussi trouver des phrases appropriées dans ses écrits. C’est ainsi que fonctionne l’opposition mutuelle. Rien ne pourra être vraiment fait tant que tous les aspects de la vision totale de Sri Aurobindo ne seront pas pris en considération.
10 octobre 1954
Dans l’éternité du devenir, chaque Avatâr n’est que l’annonciateur, le précurseur d’une réalisation future plus parfaite.
Et pourtant, les hommes ont toujours tendance à déifier l’Avatâr du passé, par rapport à l’Avatâr de l’avenir.
Et maintenant encore, Sri Aurobindo est venu annoncer au monde la réalisation de demain; et une fois de plus, son message rencontre la même opposition que celui de tous ceux qui l’ont précédé.
Mais demain prouvera la vérité de ce qu’il a révélé et son œuvre s’accomplira.
21 février 1959
L’erreur essentielle a été de considérer l’enseignement de Sri Aurobindo comme un enseignement spirituel parmi d’autres — et l’œuvre accomplie en ce moment ici comme l’un des nombreux aspects des œuvres divines.
Ceci a faussé votre attitude fondamentale et a été la cause de toutes les difficultés et de toutes les confusions.
Si cette erreur est corrigée dans votre mental et dans votre attitude, toutes les autres difficultés disparaîtront facilement.
Il vous faut comprendre que dans l’histoire du monde, ce que Sri Aurobindo représente, ce n’est pas un enseignement, ni même une révélation, c’est une action décisive venue tout droit du Suprême.
Et j’essaie simplement d’accomplir cette action.
En critiquant l’étude d’un ami sur Gandhi, j’ai cité les idées de Sri Aurobindo sur la non-violence et sur d’autres principes qui sont devenus des « absolus » du Gandhisme. Mon ami a protesté, disant que l’admiration pour Sri Aurobindo ne doit pas nous rendre aveugles à d’autres grands hommes : selon cet ami, tous ont des aperçus de la Vérité. J’ai senti que c’était une erreur de placer Sri Aurobindo sur le même pied que les autres et je veux répondre en détail sur ce point. Mais je ne le ferai que si vous l’approuvez. Et je serais plus heureux si vous donniez vous-même la réponse.
Dans l’effort de l’humanité pour atteindre la Vérité et la manifester, tous ceux qui ont fait une découverte, si petite soitelle, ont leur place, et Gandhi est l’un d’entre eux.
Mais la grande erreur a toujours été de mettre en opposition ces découvertes partielles, au lieu de les unir en une harmonie suprême. C’est pourquoi l’humanité tâtonne encore dans l’obscurité.
Sri Aurobindo est venu révéler l’existence de cette harmonie suprême et nous montrer comment la découvrir.
Mars 1970
(À propos d’un problème.)
On devrait lire Sri Aurobindo et on connaîtrait la réponse.
19 octobre 1972
Si on lit soigneusement Sri Aurobindo, on trouve la réponse à tout ce que l’on veut savoir.
25 octobre 1972
Par l’étude attentive de ce que Sri Aurobindo a dit sur tous les sujets on peut aisément acquérir une connaissance complète des choses de ce monde.
Lisez Sri Aurobindo et suivez sa discipline.
Savitri révélation suprême de la vision de Sri Aurobindo
(À propos de Savitri.)
1) La notation quotidienne des expériences spirituelles de la personne qui a écrit.
2) Un système de yoga intégral qui peut servir de guide à ceux qui veulent la transformation totale.
3) Le yoga de la terre dans son ascension vers le Divin.
4) Les expériences de la Mère Divine qui a revêtu un corps terrestre et fait effort pour s’adapter au monde dans lequel elle vit.
(Message pour l’exposition de tableaux : « Méditations sur Savitri » par une artiste de l’Ashram, réalisés en collaboration avec la Mère.)
L’importance de Savitri est immense.
Son sujet est universel.
Sa révélation est prophétique.
Le temps passé dans son atmosphère ne peut pas être perdu.
Passez le temps qu’il faut pour voir cette exposition. Ce sera une heureuse compensation à la hâte fébrile que les hommes mettent maintenant à tout ce qu’ils font.
10 février 1967
Qu’est-ce que le Divin?
Le Divin, c’est ce que tu adores dans Sri Aurobindo.
28 mars 1932
Qu’il est beau le jour où l’on peut offrir sa dévotion à Sri Aurobindo !
Vous devez sentir que Sri Aurobindo vous regarde.
Il ne s’agit pas de désobéissance. Je ne sais rien de vos additions à l’« Esquisse de la Vie » ni des sources dont elles proviennent. Mon point de vue est le suivant : tout ce qui est écrit par un sâdhak, de nature à faire descendre Sri Aurobindo à un niveau ordinaire et à admettre le lecteur dans Son intimité par une sorte de commérage, est un manque de loyauté envers Lui et Son œuvre. Les bonnes intentions ne suffisent pas, il faut que tous comprennent bien cela.
3 juin 1939
Sri Aurobindo dit qu’il lui est impossible de reprendre une action politique : entrer dans l’arène politique entraînerait le sacrifice de son œuvre spirituelle.
Il accorde son aide spirituelle au pays et individuellement à tous ceux qui y aspirent. Il est prêt à continuer d’accorder cette aide et même à l’accroître si c’est nécessaire. Mais il est convaincu que de simples messages écrits ne suffisent pas pour obtenir un effet permanent ou même suffisamment large.
(Message pour la Durgâ pûjâ de 1957.)
Pour exprimer notre gratitude à Sri Aurobindo nous ne pouvons rien faire de mieux que d’être la démonstration vivante de son enseignement.
30 septembre 1957
Symbole de Sri Aurobindo
Le triangle descendant représente Sat-Chit-Ânanda.
Le triangle ascendant représente l’aspiration et la réponse de la matière sous forme de vie, de lumière et d’amour.
La jonction des deux, le carré central, est la manifestation parfaite, dont le centre est l’Avatâr du Suprême — le lotus.
L’eau, à l’intérieur du carré, représente la multiplicité, la création.
4 avril 1958
Sa Grâce est toujours avec ceux qui veulent progresser et réaliser la Vérité de demain.
10 janvier 1959
Quelqu’un veut revenir dans la chambre de Sri Aurobindo pour y méditer pendant quelque temps.
Quels sont ses qualifications et ses titres pour avoir droit à un tel privilège?
Y revenir, ça va. Les gens peuvent venir dans la chambre de Sri Aurobindo. Mais pour être autorisé à s’y asseoir et à y méditer, on doit avoir fait beaucoup pour Sri Aurobindo.
11 juin 1960
Douce Mère, tu as dit que pour pouvoir s’asseoir en méditation dans la chambre de Sri Aurobindo, « on doit avoir fait beaucoup pour Sri Aurobindo ». Qu’entendstu par là, Mère? Que peut-on faire pour le Seigneur qui soit ce « beaucoup » ?
Faire quelque chose pour le Seigneur, c’est Lui donner quelque chose de ce que l’on a, ou de ce que l’on fait, ou de ce que l’on est. C’est-à-dire Lui faire l’offrande d’une partie de nos biens ou de toutes nos possessions, Lui consacrer une partie de notre travail ou toutes nos activités, ou nous donner à Lui totalement et sans réserve pour qu’Il puisse prendre possession de notre nature pour la transformer et la diviniser. Mais il y a beaucoup de gens qui, sans rien donner, veulent toujours prendre et recevoir. Ceux-là sont des égoïstes et ne sont pas dignes de méditer dans la chambre de Sri Aurobindo.
17 août 1960
Un jour viendra, je l’espère, où on pourra dire librement et véridiquement, tout ce que la Présence de Sri Aurobindo a signifié pour la ville de Pondichéry...
12 janvier 1961
Il y a quelque temps, tu m’as conseillé de « passer pardelà toutes les représentations humaines, et de m’adresser directement au Suprême ».
J’avais l’habitude de m’adresser à Sri Aurobindo. Je déposais devant lui mes difficultés et lui adressais mes prières; j’avais presque toujours une réponse. Maintenant, je ne pense plus à lui, je ne m’adresse plus à lui. Je m’adresse directement au Seigneur, mais ma voix semble crier dans le désert.
Ai-je raison de couper cette relation avec Sri Aurobindo ?
Il n’est pas question et il ne peut jamais être question de couper la relation avec Sri Aurobindo. Si tu as le privilège d’être conscient de sa réponse, garde-la comme un trésor précieux ; et fais-en le meilleur usage. À travers Sri Aurobindo tu entreras en rapport avec le Suprême en ayant la certitude de ne pas t’égarer.
21 mai 1970
Comment puis-je rendre l’influence de Sri Aurobindo vivante et dynamique dans mes activités quotidiennes?
Sois parfaitement sincère et Il répondra à ton appel.
Juillet 1970
Comment devons-nous être le jour de la fête de Sri Aurobindo ?
Sincères et progressifs.
(À propos du buste en bronze de Sri Aurobindo par Elsa Fraenkel.)
Au point de vue artistique, c’est certainement un chef-d’œuvre. C’est aussi une œuvre inspirée, inspirée par un contact intérieur avec Sri Aurobindo, ou plutôt avec l’un de ses aspects, avec un côté de son être, le côté intellectuel, celui de la connaissance, le Voyant.
(À propos d’un buste en bronze de Sri Aurobindo par Erna R. King, exécuté en 1964.)
Simplicité vaste et calme du front, qui reflète la paix parfaite de la totale connaissance.
Souvenir de Sri Aurobindo : faire effort pour réaliser l’idéal de vie qu’Il nous a tracé.
(La Mère a désigné le lotus rouge comme la fleur de Sri Aurobindo et le lotus blanc comme la sienne.)
Lotus rouge : symbole de la manifestation du Suprême sur la terre.
Lotus blanc : symbole de la Conscience Divine.
2 février 1930
Notre Amour est une Vérité éternelle.
7 avril 1934
Sans moi Il ne serait pas manifesté. Sans Lui je n’existerais pas.
6 mai 1957
Lorsque dans votre cœur et dans votre pensée vous ne ferez plus aucune différence entre Sri Aurobindo et moi, lorsque penser à l’un sera penser à l’autre et penser à moi voudra dire penser inévitablement à Sri Aurobindo, lorsque voir l’un voudra dire inévitablement voir l’autre, comme une seule et même Personne, — alors vous saurez que vous commencez à vous ouvrir à la force et à la conscience supramentales.
4 mars 1958
est mon refuge
Depuis le commencement du monde, à tout moment et partout où il y a eu pour la conscience divine la possibilité de s’exprimer, j’étais là.
Ce qui vous parle en ce moment est un fidèle serviteur du Divin.
De tout temps, depuis les débuts de la terre, en fidèle serviteur du Divin, il y a parlé au nom de son Maître. Et tant qu’il y aura une terre et des hommes, il y sera dans un corps pour prêcher la parole divine.
Partout donc où on me demande de parler, je le fais de mon mieux, comme serviteur du Divin.
Mais parler au nom d’une doctrine particulière ou d’un homme si grand soit-il, cela je ne le puis :
L’Éternel Transcendant me le défend.
1912
Moi et ma foi
Je n’appartiens à aucune nation, aucune civilisation, aucune société, aucune race, mais au Divin.
Je n’obéis à aucun maître, aucun souverain, aucune loi, aucune convention sociale, mais au Divin.
À Lui, j’ai tout abandonné, la volonté, la vie et le moi; pour Lui je suis prête à donner tout mon sang, goutte à goutte, si telle est Sa Volonté, avec une joie totale; et à Son service rien ne saurait être un sacrifice, car tout est parfaite félicité.
Japon, février 1920
Comment je suis devenue consciente de ma mission
Quand et comment je suis devenue consciente d’une mission à accomplir sur terre? Et quand et comment j’ai rencontré Sri Aurobindo ? Vous m’avez posé ces deux questions et je vous ai promis d’y répondre brièvement.
En ce qui concerne la connaissance de la mission, il m’est difficile de dire quand elle s’est présentée à moi. C’est comme si j’étais née avec elle et, à mesure que se développaient le mental et le cerveau, se développaient également la précision et la plénitude de cette conscience.
Entre 11 et 13 ans, une série d’expériences psychiques et spirituelles me révéla non seulement l’existence de Dieu, mais la possibilité de s’unir à Lui, de Le réaliser intégralement en conscience et en action, de Le manifester sur terre dans une vie divine. Ceci me fut donné — en même temps qu’une discipline pratique pour l’accomplir — pendant le sommeil de mon corps, par plusieurs maîtres dont j’ai ensuite rencontré un certain nombre sur le plan physique.
Plus tard, tandis que se poursuivait le développement intérieur et extérieur, la relation psychique et spirituelle avec l’un de ces êtres se fit de plus en plus claire et fréquente et, bien que connaissant fort peu à cette époque les philosophies et les religions de l’Inde, je fus conduite à le nommer Krishna, et j’eus dorénavant conscience que ce serait avec lui (que je savais devoir un jour rencontrer sur terre), que l’œuvre divine s’accomplirait.
En 1910, mon mari vint seul à Pondichéry, où dans des circonstances étranges et très intéressantes, il fit la connaissance de Sri Aurobindo. À partir de ce moment-là, nous eûmes tous les deux un grand désir de revenir en Inde — pays que j’avais toujours chéri comme ma vraie mère patrie. Et en 1914, cette joie nous fut accordée.
Aussitôt que je vis Sri Aurobindo, je reconnus en lui l’être que je connaissais bien et que j’avais coutume d’appeler Krishna... Et ceci suffit à expliquer pourquoi je suis pleinement convaincue que ma place et mon œuvre sont auprès de lui, en Inde.
Pondichéry, 1920
Ô mon Seigneur, mon Seigneur!
Ce que Tu veux que je sois, que je le sois.
Ce que Tu veux que je fasse, que je le fasse.
20 juin 1931
Ô Seigneur, je n’essaierai pas d’échapper au travail que Tu m’as donné. Où que Tu places ma conscience, elle y restera sans tenter de s’élever à des hauteurs pleines de félicité. Même si Tu la veux dans la boue de la nature la plus matérielle, elle restera là, en paix et au repos. Mais où qu’elle soit, elle ne pourra qu’aspirer à Toi, s’ouvrir à Ton influence et T’appeler à descendre en elle, Toi seule réalité de l’existence.
7 mars 1932
Avec quelle ardeur la conscience aspire à s’évader de la prison des vibrations matérielles, pour s’envoler vers Toi, Seigneur, dans les hauteurs immaculées!
Mais l’envol est impossible... Ta Volonté s’y oppose. Il faut rester engluée dans la boue de la nature obscure et ignorante. C’est bien : la joie d’être et de faire ce que Tu veux dépasse toutes les autres joies, même les plus sublimes.
Cependant, la conscience crie : « Je Te veux, je Te veux ; sans Toi je ne suis rien, je n’existe même pas! » Et la vibration de l’appel est si forte que la lourde matière elle-même en est toute secouée. « Je Te veux, je Te veux. Puisque Tu ne me permets pas de m’élancer vers Toi, de tout quitter pour Te rejoindre, c’est ici que je T’appellerai et je T’implorerai tant et tant que Tu descendras T’infuser en un monde enfin éveillé à l’absolu besoin de Ta Présence. » Et l’invocation vibra si intense que la masse amorphe et ténébreuse fut traversée par le premier frémissement annonciateur de l’approche du Bien-Aimé.
8 mars 1932
Ô mon Dieu! tu m’as dit : « Plonge dans la matière et identifietoi à elle : c’est là que je veux me manifester. »
Et ta volonté a été faite — mais la matière a méconnu le don et s’obstine à vouloir chercher en des activités et des relations obscures et mensongères, une satisfaction qu’elle ne peut y trouver.
Et cependant Tu m’as promis la Victoire...
Ô Seigneur, éveille mon être tout entier, afin qu’il puisse être pour Toi l’instrument nécessaire, le parfait serviteur.
27 mars 1936
Ce que je veux effectuer dans le monde matériel, sur la terre.
1) La Conscience parfaite.
2) La Connaissance intégrale, l’omniscience.
3) Le Pouvoir invincible, irrésistible, inéluctable, l’omnipotence.
4) La Santé parfaite, invariable, inébranlable, l’énergie perpétuellement renouvelée.
5) La Jeunesse éternelle, la croissance constante, le progrès ininterrompu.
6) La Beauté parfaite, l’harmonie complexe et totale.
7) Les Richesses inépuisables, inégalables, le contrôle sur tous les biens de ce monde.
8) Le Don de guérir et de rendre heureux.
9) L’immunité contre tout accident, l’invulnérabilité à toute attaque adverse.
10) Le Pouvoir d’Expression parfaite dans tous les domaines et toutes les activités.
11) Le Don des langues, le pouvoir de se faire parfaitement comprendre de tous.
12) Et toute autre chose nécessaire à l’accomplissement de Ton Œuvre.
23 octobre 1937
Je souhaite
1) personnellement, être éternellement l’expression parfaite du Divin Suprême.
2) que la victoire, la manifestation et la transformation supramentales aient lieu sans délai.
3) que toute souffrance disparaisse à jamais du monde présent et à venir.
Déclaration
Je veux marquer ce jour par l’expression d’un désir entretenu depuis longtemps : celui de devenir citoyenne de l’Inde. Dès ma première venue en Inde, en 1914, je sentis que l’Inde était ma vraie patrie, le pays de mon âme et de mon esprit. J’avais décidé de réaliser ce désir aussitôt que l’Inde serait libre. Mais j’ai dû attendre en raison des lourdes responsabilités que j’exerce ici, à Pondichéry, en liaison avec l’Ashram. Maintenant le moment est venu pour moi de me déclarer.
Mais conformément à l’idéal de Sri Aurobindo, j’ai l’intention de montrer que la vérité réside dans l’union plutôt que dans la division. Rejeter une nationalité pour en adopter une autre n’est pas une solution idéale. J’espère donc être autorisée à adopter une double nationalité, c’est-à-dire rester Française tout en devenant Indienne.
Je suis Française de naissance et de première éducation. Je suis Indienne par choix et prédilection. Dans ma conscience, il n’existe aucun antagonisme entre les deux, au contraire, ils se combinent très bien et se complètent mutuellement. Je sais aussi que je pourrai être également utile aux deux pays, car mon seul but dans la vie est de donner une forme concrète au grand enseignement de Sri Aurobindo et, dans son enseignement, il nous révèle que toutes les nations sont essentiellement une et destinées à exprimer l’Unité divine de toute la terre à travers une diversité organisée et harmonieuse.
15 août 1954
Douce Mère,
L’administrateur qui prépare les listes électorales veut inclure le nom de la Mère dans ces listes. Si la Mère le permet, je donnerai son nom.
Oui.
Et s’ils demandent la nationalité, mettez Indienne.
12 avril 1955
Ne remplis pas le formulaire pour mon ou mes livres — je ne réclame aucun droit d’auteur — et je refuse de répondre à la question posée.
Il est vrai que ce corps est né à Paris et que son âme a déclaré qu’elle était Indienne, mais je n’appartiens à aucune nation en particulier. Et comme les administrations ne peuvent comprendre cela, je refuse d’avoir à faire avec elles.
14 février 1968
Les réminiscences seront courtes.
Je suis venue dans l’Inde pour rencontrer Sri Aurobindo ; je suis restée dans l’Inde pour vivre avec Sri Aurobindo. Quand il a quitté son corps, j’ai continué à vivre ici pour faire son œuvre : servir la vérité et éclairer l’humanité, afin de hâter le règne sur la terre de l’Amour Divin.
21 février 1968
Ne me posez pas de questions sur les détails de l’existence matérielle de ce corps; ils n’ont en eux-mêmes aucun intérêt et ne doivent pas retenir l’attention.
À travers toute ma vie, sciemment ou sans le savoir, j’ai été ce que le Seigneur a voulu que je sois et j’ai fait ce que le Seigneur a voulu que je fasse. C’est cela seul qui compte.
En regardant le Samâdhi :
Je ne veux pas être adorée. Je suis venue pour travailler, non pour être adorée. Qu’ils T’adorent, Toi, autant qu’ils le veulent et qu’ils me laissent silencieuse et cachée, faire mon travail sans être dérangée. Et de tous les voiles, le corps est le meilleur.
Que ce soit la dernière fois que quelque chose de ma vie passée est mentionné en public ! — ce corps ne veut pas qu’on parle de lui — il veut être tranquille et, autant que possible, ignoré.
Si c’est Ta volonté, Seigneur, que ceux qui m’entourent n’aient pas confiance en moi, qu’ai-je à y dire? Je suis responsable seulement de la perfection de ma sincérité.
14 décembre 1932
N’y a-t-il aucun moyen d’unir ma volonté à la Tienne? Peut-être n’as-Tu pas de volonté particulière parce que Tu ne veux rien avoir.
Je sais parfaitement bien ce que je veux ou plutôt ce qu’est la Volonté divine, et c’est cela qui triomphera avec le temps.
11 mai 1934
J’espère et je crois que Ton travail ne dépend pas des êtres humains.
Non, il ne dépend pas du tout des êtres humains. Ce qui doit se faire, se fera en dépit de toutes les résistances possibles.
Il n’y a qu’une chose dont je sois absolument sûre, c’est de qui je suis. Sri Aurobindo le savait aussi et l’a déclaré. Les doutes de l’humanité entière ne changeraient rien à ce fait.
Mais un autre fait n’est pas aussi certain : c’est l’utilité d’être ici dans un corps et de faire le travail que je suis en train de faire. Ce n’est pas par une nécessité personnelle que je le fais. Sri Aurobindo m’a dit de le faire et c’est pourquoi je le fais comme un devoir sacré et pour obéir aux ordres du Suprême.
Le temps révélera jusqu’à quel point la terre en aura bénéficié.
24 mai 1951
Réponse à une lettre
Au point de vue objectif :
Si la conscience suprême est incarnée et se manifeste dans ce corps, toutes les négations du monde ne pourront empêcher que cela soit.
Et dans tous les cas, mon existence physique ne peut être intéressante que pour ceux qui ont la foi et qui, grâce à cette foi, peuvent, à travers moi, entrer en contact avec la suprême conscience.
La question n’a d’importance que pour ceux-là et les autres n’ont nul besoin de s’en préoccuper. Car une telle foi, pour être sincère et efficace, ne peut être l’objet d’aucune propagande, ni pour ni contre. Sa naissance doit être libre et spontanée. On ne peut l’obtenir par la coercition, ni la détruire par la négation.
Celui qui sent le besoin de lutter violemment contre une conviction ou une foi quelconque, prouve par cela même que quelque partie de son être, si minime soit-elle, est touchée par cette conviction, tandis qu’une autre partie de lui-même, plus importante et plus extérieure en général, refuse complètement d’accepter une foi qui lui paraît d’autant plus dangereuse qu’il y est plus sensible, et sa volonté de nier avec force vient de la nécessité de se convaincre lui-même.
Au point de vue subjectif, je sais ce que je suis. Mais cette connaissance vécue ne trouve sa valeur que dans ma sincérité; et de cette sincérité seul le Suprême peut être juge.
7 novembre 1951
Je sais que je ne peux pas grand-chose — je ne puis satisfaire le besoin humain de merveilles et de miracles. Il fut un temps où je le pouvais et je le faisais. Mais pour cela il faut vivre dans la conscience vitale et utiliser les forces vitales, ce qui n’est pas très recommandable.
23 janvier 1952
On dira de moi : « Elle était ambitieuse, elle voulait transformer le monde. » Mais le monde ne veut pas être transformé, sinon par un très long et lent processus, si lent que le changement ne peut être perceptible d’une génération à l’autre.
Je trouve la Nature nonchalante et gaspilleuse. Mais elle me trouve trop pressée, agaçante et exigeante.
Laissez-moi écrire tout ce que j’ai à dire; laissez-moi prédire tout ce qui sera fait, et ensuite, si personne ne trouve que je le fais bien, je m’en irai et laisserai à d’autres le soin de le faire.
31 mars 1953
Je ne nie pas que vous soyez en relation avec quelque chose de Sri Aurobindo, ce quelque chose qui s’intéressait à vous et à ce que vous faites. Ce quelque chose est peut-être auprès de vous pour vous inspirer et vous aider dans votre travail, en Amérique et ailleurs. Mais c’est seulement une partie, une très, très petite partie de Sri Aurobindo, que je connais et avec qui j’ai vécu dans le physique pendant 30 ans, et qui ne m’a pas quittée, même pour un instant — car Il est toujours avec moi, jour et nuit, il pense par mon cerveau, écrit par ma plume, parle par ma bouche et agit par mon pouvoir d’organisation.
5 mai 1953
Croire ou ne pas croire à la possibilité de l’incarnation divine (avatâr) ne peut faire aucune différence en ce qui concerne le fait. Si Dieu choisit de se manifester dans un corps humain, je ne vois pas comment la pensée humaine — approbation ou désapprobation — peut le moins du monde affecter sa décision. Et s’il prend naissance dans un corps, le démenti des hommes ne peut empêcher le fait d’être un fait. Y a-t-il là sujet de s’émouvoir? Ce n’est que dans le calme et le silence parfaits, que la conscience, affranchie de tout préjugé et de toute préférence, peut percevoir la vérité.
24 septembre 1953
Quant à savoir si je suis un avatâr, comment l’opinion des gens pourrait-elle avoir la moindre importance?
Si je ne suis pas un avatâr, la foi de centaines d’adeptes ne peut faire en sorte que j’en sois un. D’autre part, si au contraire j’en suis un, le démenti du monde entier ne peut m’empêcher de l’être.
25 septembre 1953
Il y a une justice inéluctable.
Ici, une Conscience est à l’œuvre. Celui qui va à l’encontre de cette Conscience divine perd quelque chose de cette conscience chaque fois qu’il le fait. Il rétrograde chaque fois qu’il va à l’encontre de cette conscience. Chacun gagne en conscience chaque fois qu’il agit selon cette Conscience divine.
Le monde continue comme il est. Quand ni vous ni moi ne pouvons rien y changer, nous n’avons plus qu’à rester tranquille, témoin silencieux comme Brahman. Ainsi va le monde et ici il en est de même. Il se passe tant de choses : chacun essaie de prouver sa supériorité; il y a toutes sortes de politicailleries, de la propagande. Je ne peux qu’en être témoin comme Brahman; je ne suis ni pour ni contre, n’approuve ni ne condamne.
26 avril 1955
Pour moi, dans la vie humaine, tout est mélangé, rien n’est complètement bon, rien n’est complètement mauvais. Je ne peux donner mon soutien entier et exclusif à cette idée-ci ou cette idée-là, à une cause ou une autre. La seule chose qui m’importe, dans l’action, c’est l’œuvre de Sri Aurobindo, automatiquement mon soutien conscient va à tout ce qui l’aide et proportionnellement à cette aide. Quant au travail qui doit se poursuivre comme il le faut, j’ai besoin de toutes les collaborations et de toutes les aides, je ne peux accepter seulement celle-ci ou celle-là et rejeter les autres. Je ne puis appartenir à l’un ou l’autre parti. J’appartiens au Divin seul et mon action sur terre est et sera toujours pour le triomphe du Divin, indépendamment de toute secte ou parti.
29 février 1956
Pendant la méditation en commun du mercredi
Ce soir, la Présence Divine était là, présente parmi vous, concrète et matérielle. J’avais une forme d’or vivant, aussi grande que l’univers, et je me trouvais devant une immense porte d’or massif — la porte qui séparait le monde du Divin.
Regardant la porte, j’ai su et voulu, dans un unique mouvement de conscience, que le temps est venu (the time has come); et soulevant un énorme marteau d’or que je tenais à deux mains, j’en assenai un coup, un seul, sur la porte et la porte a été mise en miettes.
Alors la lumière, la force et la conscience supramentales se répandirent en flots ininterrompus sur la terre.
1956
Quand le Seigneur Suprême t’a dit de faire le monde, comment as-tu su ce qu’il fallait faire?
Je n’ai rien eu à apprendre pour cela, parce que le Seigneur Suprême contient toute chose en Lui-même : le monde tout entier, la connaissance du monde et le pouvoir de le faire. Quand Il a décidé qu’il y aurait un monde, Il a d’abord fait sortir la connaissance du monde et le pouvoir de le faire et cela c’est moi et alors Il m’a commandé de faire le monde.
25 septembre 1957
Pourquoi es-tu venue comme nous sommes? Pourquoi n’es-tu pas venue comme tu es vraiment?
Parce que si je n’étais pas venue comme vous êtes, je n’aurais jamais pu être proche de toi et je n’aurais pas pu te dire : « Deviens ce que je suis. »
27 septembre 1957
Mère, quelle est votre réponse à la question : « Êtes-vous Dieu ? »
Cette question peut être posée à tout être humain. Et la réponse est :
Oui en puissance.
Et la tâche de chacun est d’en faire un fait réel.
Août 1966
Je ne sais pas si je suis puissante ou non (parce qu’on ne sait pas trop où est le je) mais le Seigneur, Lui, est tout-puissant, à cela il n’y a aucun doute, et Il s’occupe de cette affaire.
Tu mets avec Tes mots quelque chose qui nous fait voir la Vérité qui échappe aux mots. Qu’est-ce qui accompagne Tes mots?
La Conscience.
27 décembre 1967
Lorsque je parle, je vis ce que je dis et je communique l’expérience en même temps que les mots — cela aucune machine ne peut l’enregistrer. C’est pourquoi à l’audition ou à la lecture le texte paraît tout différent, le principal est parti, car il dépasse toute notation. Même lorsqu’on imprime dans un livre ou un article ce que j’ai moi-même écrit, l’intensité d’expérience que j’ai eue en écrivant échappe et le texte paraît plat, quoique les mots soient identiques.
Ceci est la raison réelle de la Présence physique, son importance incontestable. * Son œuvre et son enseignement
Ne prenez pas mes paroles pour un enseignement. Mes paroles sont toujours une force en action; elles sont prononcées dans un but défini, et perdent leur pouvoir véritable quand elles sont séparées de la circonstance qui les avait motivées.
Ce corps n’a ni l’autorité incontestée du Dieu ni le calme imperturbable du sage. Il n’est encore qu’un apprenti en surhumanité.
Ô mon doux Seigneur, Suprême Vérité, j’aspire à ce que cette nourriture que j’absorbe infuse dans toutes les cellules de mon corps Ta toute-connaissance, Ta toute-puissance, Ta toutebonté.
21 septembre 1951
C’est seulement quand ce ne sera plus nécessaire, pour faire progresser les hommes, que mon corps soit semblable au leur, qu’il sera libre de se supramentaliser.
2 août 1952
C’est un fait que la Divinité a toujours pris un corps physique avec l’intention de transformer ce corps et d’en faire un instrument propre à Sa manifestation sur terre. Mais c’est aussi un fait que, jusqu’à présent, Elle n’y est pas parvenue et que, pour une raison ou pour une autre, Elle a dû quitter ce corps physique en laissant le travail de transformation inachevé.
Pour que le Divin puisse conserver jusqu’à la transformation totale le corps dans lequel Il se manifeste sur terre, il faut que, pour un individu au moins — sinon plus — remplissant les conditions requises d’harmonie, de force, de sincérité, d’endurance, d’oubli de soi et d’équilibre physique, ce corps dans lequel le Divin s’incarne soit non seulement la chose la plus importante, mais même la chose exclusivement importante, plus importante que l’œuvre divine elle-même, ou plutôt que ce corps devienne le symbole et la concrétisation de l’Œuvre divine sur terre.
3 octobre 1952
Ce n’est jamais le travail qui me fatigue; mais quand je suis obligée de travailler dans une atmosphère d’insatisfaction, de découragement, de doute, d’incompréhension et de mauvaise volonté, chaque pas en avant représente un énorme effort et marque le corps plus que dix ans de travail normal.
20 septembre 1953
Depuis quelques jours, je me réveille le matin avec la sensation bizarre d’entrer dans un corps qui n’est pas le mien : mon corps est fort et en bonne santé, plein d’énergie et de vie, souple et harmonieux, tandis que celui-ci ne possède aucune de ces qualités; son contact devient douloureux ; j’éprouve une grande difficulté à m’y adapter et il me faut un long moment pour arriver à surmonter ce malaise.
14 janvier 1954
Cette expérience a suivi et confirmé celle que j’ai eue la nuit dernière en regardant le film. J’ai très fortement senti que mes enfants sont émancipés et n’ont plus besoin de mon intervention physique pour bien faire leur travail. Il suffit que ma présence parmi eux soit une inspiration et une direction pour les aider à garder une vision claire du but et à ne pas s’égarer en chemin. Cela conduit tout naturellement à se retirer en soi-même pour se concentrer matériellement sur le travail de transformation du corps. Je peux maintenant les laisser faire les choses extérieurement selon les idées qu’ils en ont pour les exécuter, réduisant ainsi ma présence à un rôle plus ou moins invisible d’inspiration et de conscience créatrices.
10 mai 1954
Le corps répète constamment et avec une sincérité poignante : « Que suis-je pour exiger quoi que ce soit de qui que ce soit? Laissé à moi-même, je ne suis rien, je ne sais rien, je ne puis rien. À moins que la vérité ne me pénètre et ne m’ordonne, je serais incapable de prendre même la plus minuscule décision et de savoir ce qui est le mieux à faire et à vivre, même dans la plus insignifiante circonstance. Suis-je vraiment capable d’être transformé au point de devenir ce que je dois être et de manifester Ce qui veut se manifester sur terre? mais pourquoi cette réponse vient-elle toujours des profondeurs, de Toi, Seigneur, avec une certitude indiscutable : “Si tu ne peux pas le faire, aucun corps sur terre ne peut le faire.” Une seule conclusion s’impose : je persisterai dans mon effort, sans faiblir, jusqu’à la mort, ou jusqu’à la victoire. »
8 septembre 1954
Mon Seigneur, ce que Tu as voulu que je fasse, je l’ai fait. Les portes du Supramental ont été ouvertes toutes grandes et la Conscience, la Lumière, la Force supramentales inondent la terre.
Mais ceux qui m’entourent en sont encore peu conscients; aucun changement radical n’a eu lieu dans leur conscience, et c’est seulement parce qu’ils me croient sur parole qu’ils ne disent pas que rien ne s’est vraiment passé. De plus, les circonstances extérieures sont encore plus dures qu’auparavant et les difficultés semblent surgir, plus insurmontables que jamais.
Maintenant que le Supramental est ici — car de cela je suis absolument certaine, même si je suis seule sur terre à en avoir connaissance — la mission de cette forme est-elle terminée, et une autre forme doit-elle prendre la suite du travail à sa place? Je Te pose la question et Te demande une réponse — un signe par lequel je serai sûre que c’est toujours mon travail et que je dois continuer en dépit de toutes les contradictions, de tous les démentis.
N’importe quel signe, cela m’est égal, mais il doit être évident.
Je ne peux pas encore dire « moi », car lorsque je dis « moi » les gens pensent à mon corps, et mon corps n’est pas encore vraiment moi, il n’est pas encore transformé, et cela produit une confusion dans leur esprit. De plus, j’ai toujours considéré cette attitude de mon corps percevant son imperfection, comme indispensable pour garder l’humilité vivante et constante dans la conscience physique.
Quand la transformation sera totale, alors je pourrai parler, pas avant.
21 octobre 1955
Ô divine Lumière, Réalité supramentale :
avec cette nourriture, pénètre le corps totalement, entre dans toutes les cellules, installe-Toi dans tous les atomes; que tout devienne parfaitement sincère et réceptif, libre de tout ce qui fait obstacle à la manifestation, en somme, ouvre à Toi toutes les parties de mon corps qui ne sont pas déjà Toi-même.
16 janvier 1958
Et le corps dit au Seigneur Suprême : « Ce que Tu veux que je sois, je le serai, ce que Tu veux que je sache, je le saurai, ce que Tu veux que je fasse, je le ferai. »
3 octobre 1958
Mais ce corps a besoin d’exercice et monter et descendre les escaliers est en vérité un très bon exercice. De plus, il a l’habitude d’apporter sa collaboration à mon travail et serait désolé si l’on changeait quoi que ce soit à cause de ses difficultés.
Donc, les choses vont continuer comme d’habitude et quand le temps sera venu de sortir des difficultés, les difficultés disparaîtront.
17 février 1961
S’il Te plaît, me permettras-Tu de Te voir dans Ton nouveau corps? Je crois que cela devrait être possible avec Ton aide.
L’aide est toujours là, mais elle sera intensifiée, car tu dois être prêt à attendre fort longtemps.
Janvier 1963
Je voudrais beaucoup Te voir dans Ton nouveau corps. Jusque-là, accorde-moi d’être capable de recevoir et d’assimiler ce que Tu me donnes.
Je suppose que tu veux dire mon apparence nouvelle ou mon corps transformé. Parce que s’il s’agit d’un nouveau corps, je ne connais personne qui puisse fabriquer un corps complet et vivant, dans lequel je puisse entrer sans perdre, au moins en partie, ma conscience actuelle. Bien entendu, ce pourrait être un processus relativement plus rapide, mais peut-être pas loyal vis-à-vis des cellules de ce corps, si pleines d’enthousiasme, qui se prêtent avec tant de bonne volonté au processus quelque peu astreignant de la transformation.
En tout cas, comme je te l’ai déjà dit, tu dois être prêt à attendre longtemps et à voir passer beaucoup d’anniversaires. Ce qui, bien entendu, est très bon, et que j’approuve tout à fait.
25 janvier 1963
À chacun de mes enfants
Chaque fois qu’ils pensent, parlent ou agissent sous l’impulsion du mensonge, c’est comme si mon corps recevait un coup.
16 juillet 1972
À dire vrai, je peux absorber n’importe quel aliment sans goût ni dégoût, mais comme il y a ample choix sur la table, je préfère prendre ce que le corps accepte et digère aisément.
Il n’est pas de maladie dont je n’aie souffert. J’ai accepté toutes les maladies pour observer leur cours dans mon corps et en avoir la connaissance par l’expérience dans le physique, afin d’être à même de travailler sur elles. Mais, comme mon corps physique n’a pas peur et qu’il obéit à la pression supérieure, il m’est plus facile de m’en débarrasser.
Chaque jour, à chaque instant mes bénédictions sont avec vous.
Mon enfant :
Mes bénédictions sont avec toi pour que ta conscience s’élargisse et se purifie afin que la paix soit toujours en toi.
Que les mots soient écrits ou non, toujours je t’envoie mes bénédictions.
23 avril 1934
Mes bénédictions sont toujours là pour t’éveiller, mais il faut vouloir t’en servir.
21 octobre 1935
Les bénédictions sont une manifestation de la grâce divine, en faveur d’un individu, ou d’une collectivité.
22 octobre 1935
Mon amour et mes bénédictions sont avec vous. Comprenez que ces bénédictions visent au meilleur résultat spirituel possible et ne se conforment pas nécessairement aux souhaits humains.
Mes bénédictions sont très dangereuses. Elles ne peuvent être en faveur de celui-ci ou de celui-là, contre cette personne ou contre cette chose. C’est pour... ou, eh bien, je vais l’exprimer d’une façon mystique :
C’est pour que la Volonté du Seigneur soit faite, avec toute sa force et toute sa puissance. Il n’est donc pas nécessaire que cela se traduise toujours par une réussite. Il peut aussi y avoir un échec, si telle est la Volonté du Seigneur. Et la Volonté du Seigneur est pour le progrès. Je veux dire le progrès intérieur. Aussi, quoi qu’il arrive ce sera pour le mieux.
21 janvier 1960
Mon visage est devenu comme un miroir dans lequel chacun peut voir se refléter l’image de sa condition interne.
28 juin 1931
J’ai envie de répondre : je vis tellement en dehors de toutes ces conventions que je n’y avais même pas pensé.
16 mai 1932
(À propos du 24 avril 1920.)
Jour anniversaire de mon retour à Pondichéry qui fut le signe tangible de la victoire certaine sur les forces adverses.
24 avril 1937
« Qu’es-tu? » dit la force adverse.
« Je suis le miroir impartial et véridique dans lequel chacun retrouve son image réelle. »
25 mars 1952
Le Supramental est descendu depuis longtemps — fort longtemps — dans le mental et même dans le vital : il était à l’œuvre dans le physique aussi, mais indirectement par leur intermédiaire. La question concernait l’action directe du Supramental dans le physique. Sri Aurobindo a dit qu’elle ne serait possible que si le mental physique recevait la lumière supramentale : le mental physique était l’instrument d’une action directe sur le plan le plus matériel. C’est ce mental physique, qui reçoit la lumière supramentale, que Sri Aurobindo a appelé Mental de Lumière.
29 juin 1953
Aussitôt que Sri Aurobindo s’est retiré de son corps, ce qu’il a appelé le Mental de Lumière s’est trouvé réalisé en moi.
Le Symbole de la Mère
Le cercle central représente la Conscience Divine.
Les quatre pétales représentent les quatre pouvoirs de la Mère.
Les douze pétales représentent les douze pouvoirs de la Mère qui se manifestent pour Son travail.
Le cercle central représente Mahâshakti, la Mère Suprême.
Les quatre pétales du centre sont les quatre aspects de la Mère, et les douze pétales ses douze attributs.
1955
C’est le dessin symbolique du Lotus blanc de la Conscience suprême, avec la Mahâshakti (la Mère sous la forme de la création universelle) au centre, dans ses quatre aspects et ses douze attributs.
Sri Aurobindo dit : « La base véritable de l’éducation est l’étude du mental humain chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte. » Mais comment étudier? Où commencer? Quelles sont les étapes dans cette étude?
Ne me pose pas de questions sur le mental ; je ne m’en occupe plus. Je suis concentrée sur l’union avec le Supramental.
9 décembre 1972
Comment apprendre à recevoir la solution à un problème?
Je ne peux pas la donner mentalement, il faut la recevoir intérieurement.
17 février 1973
Signature de la Mère
(Traduction du texte anglais. Lire de haut en bas : la queue; l’autre aile; la tête; une aile. L’oiseau de la Grâce, messager du Suprême.)
Mon aide est toujours avec vous, toujours aussi active; mais je ne réponds plus mentalement.
5 mars 1973
Pourquoi voulez-vous que je dise quelque chose?
Dans le silence est le plus grand pouvoir.
« Je Suis Avec Vous »
Mère donne toujours à chacun l’amour dont il a besoin.
11 janvier 1933
Je suis toujours présente dans ton cœur, consciemment vivante en toi.
2 septembre 1935
Ouvre ton cœur et tu me trouveras déjà là.
Ne t’agite pas, reste tranquillement concentré dans ton cœur et tu m’y trouveras.
Avec mes bénédictions.
1er octobre 1935
Entre profondément dans le temple et là tu me trouveras.
11 février 1938
De toutes les âmes qui aspirent, je prends toujours soin personnellement.
27 décembre 1957
Mère est avec tous ceux qui sont sincères dans leur aspiration à une vie divine.
26 mars 1971
Mère, de temps en temps je sens cette vibration nouvelle qui arrive, qui descend en moi, elle apporte avec elle de la vigueur, de la Force, de la joie, de la... je ne sais pas quoi, c’est si joli. Voilà, ma Mère.
Je suis toujours avec toi intérieurement.
19 mai 1971
Maman, je m’offre à Toi sans cesse. Me voilà, Maman.
Je te prends sur mon cœur et te garde là.
5 juin 1971
Je suis toujours présente près de toi — en toi — et mes bénédictions t’accompagnent.
Soyez assurés que je suis toujours présente parmi vous pour vous guider et vous aider dans votre travail et votre sâdhanâ.
Paroles de la Mère 68 Pour le moment, ce qui est important c’est de cultiver cet élargissement et cet approfondissement de la conscience qui te permettront de sentir ma présence constante auprès de toi, la sentir d’une façon permanente et concrète qui t’apportera une paix immuable.
Gardez toujours cette perception de ma constante présence d’amour, et tout sera bien.
Aie confiance, je suis près de toi.
Avec toute ma tendresse et mon amour.
Aujourd’hui, pendant le pranâm, j’ai pu pénétrer le cœur de X. pour la première fois et une émanation de moi s’y est établie
14 juin 1932
Je suis heureuse de cet éveil de ta conscience. Il faut la laisser se développer de plus en plus afin que la lumière puisse pénétrer partout, même dans les coins les plus sombres.
Mon aide et ma protection sont toujours avec toi.
17 juin 1935
Mon aide est toujours avec toi pour t’aider dans ton progrès et ton travail.
Les difficultés que tu ne peux pas surmonter aujourd’hui seront surmontées demain ou plus tard.
Je regarde toujours vers le haut. La Beauté, la Paix, la Lumière sont là. Elles sont prêtes à descendre. Alors aspire toujours et regarde là-haut, afin de les manifester sur cette terre.
Ne regarde pas en bas la laideur des choses de ce monde.
Chaque fois que tu te sens triste, regarde toujours avec moi vers le haut.
Sois très tranquille et tu sentiras mon aide.
Enfant, tu te plains de ne voir en moi qu’un ami... mais qu’y a-t-il de meilleur que d’avoir un ami qui sait, qui peut et qui aime.
21 septembre 1945
Mon enfant, je n’ai sûrement aucune intention de te quitter et tu n’as pas besoin de t’inquiéter; tu dois savoir une chose, et ne jamais l’oublier : tout ce qui est vrai et sincère sera toujours préservé. Seul ce qui est mensonger et sans sincérité disparaîtra.
Dans la mesure où tu as sincèrement et véritablement besoin de moi, ce besoin sera satisfait.
5 octobre 1955
Mon très cher enfant,
Nous, te quitter? Tous ces propos sont simplement absurdes.
Ce que tu es ou ce que tu n’es pas, je le sais mieux que toi; et je sais quels trésors se cachent derrière ce que tu appelles ton vital inférieur.
La seule chose vraie dans ce que tu dis, c’est que l’amour est dépourvu d’égoïsme et ne pose pas de conditions. Tel est l’amour que Sri Aurobindo et moi te portons.
C’est pourquoi nous n’écouterons jamais toutes ces absurdités et nous t’aimerons sûrement.
Viens à moi sans crainte. Je ne te gronderai pas et je ne te ferai pas « les gros yeux ».
Je m’en doutais, bien que tu n’en aies pas parlé, et la seule chose que j’ai regrettée c’est que tu n’aimes pas assez ta Maman et que tu ne lui fasses pas assez confiance pour lui parler franchement. Comment as-tu pu croire que cela pourrait changer quelque chose à mon amour pour toi?
Maintenant, rien ne fait plus obstacle entre nous, entre X. et sa Maman, et si mon amour pour toi pouvait être plus grand, il le serait maintenant que tu m’as prouvé que tu avais pleinement confiance en moi.
Rappelle-toi ce que Sri Aurobindo t’a écrit. Quand ces humeurs te viennent, pourquoi te sauver loin de Mère? Au contraire, viens à elle et elle te guérira facilement. C’est en substance ce qu’il a dit.
Ma très chère petite enfant,
Comme c’est triste que ma jolie ne soit pas bien! J’espère que cela va mieux maintenant, mais reste tranquille et ne te soucie ni du travail ni de rien — tu ne dois pas bouger tant que ce n’est pas complètement fini... Si tu te sens tout à fait bien cet après-midi, viens et je serai très heureuse.
Avec tout mon amour et toute mon affection je suis près de toi et je te tiens dans mes bras et je prie pour que tu ailles bien, très, très bientôt.
Mon amour demeure près de vous avec toute son intensité. Et dans l’intensité de cet amour, j’ai ardemment prié, encore et encore, le Seigneur, en Lui demandant de déverser sur vous Sa Grâce et de vous rendre conscient de la Lumière et de l’Âme Divines qui sont en vous, de vous donner la réalisation suprême de Sa Présence.
Que tous les nuages se dispersent, que toutes les attaches disparaissent, que tous les obstacles s’évanouissent, afin que vous puissiez goûter dans leur plénitude la paix et la joie d’être ici, si près de moi, dans la demeure du Seigneur
Je vous écris pour vous dire qu’il vous est sûrement possible de sentir chaque jour ma présence. Je suis avec vous si concrètement, je vous vois si clairement, nous parlons ensemble, nous contemplons ensemble l’harmonie d’un beau parc ; je vous explique et je vous montre comment toujours garder au-dedans de soi cette grande paix qui vous fait vivre dans l’éternité, au-delà de toutes les détresses humaines, dans la Présence (la Vérité) du Seigneur
J’ai reçu votre lettre. Ma sympathie la plus profonde est avec vous.
Nous devons prier pour que vienne le jour où la Lumière de Vérité réapparaîtra dans la conscience. En attendant, mon amour et mes bénédictions sont toujours avec vous
Mon amour demeure près de toi. Je prie constamment le Seigneur qu’Il te rende conscient de Sa Présence en toi et, par là même, un avec moi.
Toujours avec vous dans une paix et une lumière grandissantes.
En avant, toujours en avant dans l’amour et la joie et une paix qui s’élève toujours plus haut.
Je me souviens de tous mes enfants également et je les aime également, même quand ils ne m’écrivent jamais — et il est répondu à toute prière sincère, même quand je n’écris pas moimême. Aussi, ne t’afflige pas et garde ta bonne humeur
21 novembre 1962
Je pense que toujours, à tout moment, il y a quelqu’un, l’un ou l’autre, qui T’appelle et Tu réponds. Est-ce que cela ne dérange pas Ton sommeil ou Ton repos?
Nuit et jour c’est par centaines que les appels viennent — mais la conscience veille toujours et répond.
Ce n’est que matériellement que l’on est limité par le temps et l’espace.
3 janvier 1968
X. est toujours présent dans nos pensées et vivant dans nos cœurs.
Pour la pensée le monde est petit, pour le cœur la distance n’existe pas.
Les jours où il fait froid et l’on aime se couvrir les épaules avec l’amour de Mère.
S’il vous plaît, pensez à moi de temps en temps.
Pas plus que cela ? Je pense sûrement à vous plus souvent! ! Avec mon amour et mes benedictions
1970
« Je suis avec vous. » Qu’est-ce que cela veut dire exactement?
Quand nous prions ou débattons intérieurement un problème, sommes-nous réellement entendus, toujours, malgré nos maladresses et nos imperfections, malgré même nos mauvais vouloirs et nos erreurs? Et qui entend ? Toi qui es avec nous?
Est-ce toi dans ta conscience suprême, une force divine impersonnelle, la force du yoga, ou toi, Mère dans un corps, avec ta conscience physique? Une présence personnelle qui est réellement au courant de chaque pensée et de chaque acte, et non quelque force anonyme? Peux-tu nous dire comment, de quelle façon tu es présente avec nous?
On dit que Sri Aurobindo et toi formez une seule et même conscience, mais y a-t-il une présence personnelle de Sri Aurobindo, et ta présence personnelle, deux choses distinctes jouant chacune un rôle particulier?
Je suis avec vous parce que je suis vous ou vous êtes moi.
Je suis avec vous, cela veut dire un monde de choses, parce que je suis avec vous à tous les niveaux, sur tous les plans, depuis la conscience suprême jusque dans ma conscience la plus physique. Ici, à Pondichéry, vous ne pouvez pas respirer sans respirer ma conscience. Elle imprègne l’atmosphère presque matériellement, dans le physique subtil, et s’étend jusqu’au lac, à dix kilomètres d’ici. Au-delà, ma conscience peut se faire sentir dans le vital matériel, puis sur le plan mental et les autres plans plus élevés, partout. Quand je suis venue ici pour la première fois j’ai senti l’atmosphère de Sri Aurobindo, senti matériellement, à dix milles de la côte, des milles marins, pas des kilomètres. Ce fut soudain, très concrètement, une atmosphère pure, lumineuse, légère, légère, qui vous soulève.
Il y a longtemps Sri Aurobindo a fait afficher partout dans l’Ashram ce rappel que vous connaissez tous : « Agis toujours comme si la Mère te regardait, car en vérité elle est toujours avec toi. »
Ce n’est pas une simple phrase, ce ne sont pas des mots, c’est un fait. Je suis avec vous d’une façon très concrète, et ceux qui ont la vision subtile peuvent me voir.
D’une façon générale, il y a ma Force qui est là constamment à l’œuvre et qui constamment déplace les éléments psychologiques de votre être pour les mettre en de nouvelles relations et vous préciser à vous-même les diverses faces de votre nature afin que vous puissiez voir ce qui doit être changé, développé, supprimé.
Mais en dehors de cela, il y a un lien particulier, personnel, entre vous et moi, entre tous ceux qui sont tournés vers l’enseignement de Sri Aurobindo et moi — et les distances ne comptent pas bien entendu, vous pouvez être en France, à l’autre bout du monde, ou à Pondichéry, ce lien est aussi vrai et vivant. Et chaque fois qu’il y a un appel, chaque fois qu’il est nécessaire que je sois au courant pour envoyer une force, une inspiration, une protection ou autre chose, il y a comme un message qui me vient, tout d’un coup, et je fais le nécessaire. Ces communications m’arrivent à n’importe quel moment, évidemment, et vous m’avez peut-être vue plus d’une fois m’arrêter soudain au milieu d’une phrase, d’un travail, c’est que quelque chose m’arrive, une communication, alors je fais une concentration.
Avec ceux que j’ai acceptés comme disciples, à qui j’ai dit « oui », il y a plus qu’un lien, il y a une émanation de moi. Cette émanation m’avertit chaque fois qu’il est nécessaire pour me dire ce qui se passe. En fait je suis tenue constamment au courant, mais toutes ces choses ne s’inscrivent pas dans ma mémoire active, je serais débordée, la conscience physique agit comme un filtre; les choses sont enregistrées sur un plan subtil, elles sont là à l’état latent, un peu comme une musique qui serait enregistrée sans être jouée, et lorsque j’ai besoin de savoir avec ma conscience physique, je me branche sur ce plan subtil et le disque se déroule. Alors je vois comment sont les choses, leur développement dans le temps, le résultat actuel.
Et si pour une raison quelconque vous m’écrivez pour demander mon aide et que je réponds « je suis avec vous », cela veut dire que la communication avec vous devient active, que vous êtes même dans ma conscience active, pour un temps, le temps nécessaire.
Et ce lien entre vous et moi n’est jamais coupé. Il y a des gens qui ont quitté l’Ashram il y a longtemps, en état de révolte, et pourtant je continue à être au courant, à m’occuper d’eux. Vous n’êtes jamais abandonné.
En vérité, je me sens responsable de tout le monde, même des gens que je n’ai rencontrés qu’une seconde dans ma vie.
Maintenant rappelez-vous une chose, c’est que Sri Aurobindo et moi nous sommes toujours une seule et même conscience, une seule et même personne. Seulement, quand cette force, ou cette présence qui est la même, passe à travers votre conscience individuelle, elle se revêt d’une forme, d’une apparence différente selon votre tempérament, vos aspirations, vos besoins, la tournure particulière de votre être. Votre conscience individuelle est comme un filtre, un orientateur si je puis dire, elle fait un choix et fixe une possibilité dans l’infini des possibilités divines. Au fond, le Divin donne exactement à chaque individu ce qu’il attend de lui. Si vous croyez que le Divin est lointain et cruel, il sera loin et cruel, parce que pour votre bien suprême il sera nécessaire que vous sentiez la colère de Dieu; il sera Kâlî pour les adorateurs de Kâlî, et la béatitude pour le bhakta. Et il sera la Toute-Connaissance de ceux qui cherchent la Connaissance, l’Impersonnel transcendant de l’Illusionniste, il sera athée avec l’athée, et l’amour de celui qui aime. Il sera fraternel et proche, un ami toujours fidèle, toujours secourable, pour ceux qui le sentent comme le guide intérieur de chaque mouvement, de chaque minute. Et si vous croyez qu’il peut tout effacer, il effacera toutes vos fautes, toutes vos erreurs, inlassablement, et à chaque instant vous pourrez sentir sa Grâce infinie. En vérité le Divin est ce que vous attendez de lui dans votre aspiration profonde.
Et quand on entre dans cette conscience où l’on voit toutes les choses d’un seul regard, l’infinie multitude des rapports du Divin et des hommes, on voit comme tout est merveilleux, dans tous les détails. On peut regarder l’histoire des hommes et voir combien le Divin a évolué selon ce que les hommes ont compris, voulu, espéré, rêvé, et comme il était matérialiste avec le matérialiste, et comme il grandit chaque jour et se fait plus proche, plus lumineux, à mesure que s’élargit la conscience humaine. Chacun est libre de choisir. La perfection de cette variété sans fin des relations de l’homme à Dieu à travers l’histoire du monde est une merveille ineffable. Et tout cela ensemble, c’est une seconde de la manifestation totale du Divin.
Le Divin est avec vous selon vos aspirations. Ceci ne veut pas dire naturellement qu’il se plie aux caprices de votre nature extérieure — je parle ici de la vérité de votre être. Et encore, il se modèle parfois sur vos aspirations extérieures, et si comme les dévots vous vivez dans ces alternances d’éloignement et d’embrassement, d’extase et de désespoir, le Divin aussi s’éloignera de vous ou se rapprochera, selon ce que vous croirez. L’attitude est donc très importante, même l’attitude extérieure. Les gens ne savent pas à quel point la foi est importante, comme la foi est miracle, créatrice de miracles. Car si vous vous attendez à chaque instant à être soulevé et tiré vers le Divin, il viendra vous soulever et il sera là, tout proche, de plus en plus proche.
« Être Près De Moi »
Pour être toujours près de moi, réellement, effectivement, vous devez devenir de plus en plus sincère et franc, vous ouvrir à moi de plus en plus. Rejetez toute dissimulation et décidez de ne rien faire que vous ne puissiez me dire immédiatement.
Ne fais jamais que ce que tu pourrais faire devant Moi sans te sentir gêné, ne dis jamais que ce que tu pourrais Me répéter sans peine.
Sois très sincère et franc, n’entretiens rien en toi-même que tu ne pourrais me montrer sans crainte, ne fais rien dont tu aurais honte devant moi.
Essaie d’être spontané et simple comme un enfant dans ta relation avec moi — cela t’épargnera beaucoup de difficultés.
Sois simple,
Sois heureux,
Sois calme,
Fais ton travail aussi bien que tu le peux.
Demeure constamment ouvert à moi —
C’est tout ce qui t’est demandé.
Proximité Physique
Que je te voie ou non, cela ne change rien à l’aide. Elle sera toujours là.
Vous devez débarrasser votre mental de deux mensonges :
1) Ce que vous recevez de moi n’a rien à voir avec ce que les autres ont ou n’ont pas. Ma relation avec vous dépend de vous seul ; je vous donne selon vos besoins véritables et selon votre capacité. Même ici, vous étiez déjà seul avec moi ; s’il n’y avait pas les autres, vous ne recevriez pas davantage.
2) C’est une grosse erreur de croire que la proximité physique est la seule chose indispensable au progrès. Elle ne fera rien pour vous si vous n’établissez pas le contact intérieur, car sans cela, vous pourriez rester avec moi du matin au soir sans jamais me rencontrer vraiment. C’est seulement par une ouverture et un contact intérieurs que vous pouvez réaliser ma présence.
Le retrait de la Mère 2 a soulevé une question très importante pour nous. Est-ce que cela va accroître la distance physique qui existait déjà entre elle et la plupart des Ashramites? Et comment les affaires de l’Ashram vontelles être administrées sans sa direction constante? Les intérêts véritables des sâdhaks ne vont-ils pas en souffrir pendant son retrait? Va-t-elle continuer à prendre le même soin de nous qu’auparavant?
Vous ne devriez pas oublier que chacun rencontre dans la vie l’expression exacte de ce qu’il est. La Grâce et les bénédictions sont toujours avec vous. Pas un seul jour, je ne me suis arrêtée de prendre soin comme d’habitude de ceux qui dépendent de ma force.
22 mai 1962
Faites votre travail — je continuerai à vous inspirer et à vous guider sans cesse, et quand ce sera nécessaire, je vous verrai physiquement. Mais je travaille à réduire de plus en plus cette nécessité. Parce qu’il est indispensable, pour la perfection du travail, d’être capable de recevoir intérieurement cette direction.
21 décembre 1964
Maintenant que vous êtes ici, la seule chose à faire est d’oublier le passé et de vous concentrer sur votre travail ici. Il est vrai que, pour le moment, je ne peux pas vous voir régulièrement, mais vous devez apprendre à obtenir le contact intérieur (c’est l’une des raisons principales de mon retrait); alors vous saurez que je suis toujours avec vous pour vous guider et vous aider, et que nulle part ailleurs vous ne pourriez être dans de meilleures conditions qu’ici pour bien faire votre sâdhanâ.
Il serait plus exact de dire que certaines pensées, certains sentiments et certaines actions éloignent les gens de moi, ou créent une séparation entre une personne et moi, en dépit de toute proximité physique.
1er mai 1968
Nous avons l’impression d’être séparés de Ta présence; mais cette séparation n’est qu’une illusion. N’est-ce pas, ma Mère?
Il n’y a pas de séparation réelle, mais si la conscience prend une fausse attitude, elle se place dans une condition telle qu’elle a la sensation ou le sentiment de séparation.
Est-ce qu’il est indispensable d’avoir un contact physique avec Toi?
Non, ce contact physique n’est pas indispensable. Certainement, pour ceux qui ont la vraie attitude, le contact physique aide le corps à suivre le mouvement de transformation, mais le corps est rarement en l’état d’en profiter.
Généralement, à l’anniversaire de la naissance, il est plus réceptif.
Septembre 1971
Je ne mène plus une vie active; si vous êtes ouvert, l’aide ne peut que venir.
14 décembre 1972
Rôle Du Guide
Si vous êtes tout à fait sincère, vous serez d’accord avec moi que ce dont vous vous plaignez ce n’est pas que je sois trop divine, mais que je ne le sois pas assez. Car si, dans mon corps physique, j’avais pris, par exemple, l’apparence tant aimée des anciennes traditions indiennes, comme ce serait commode! Imaginez : si j’avais plusieurs têtes et beaucoup de bras, si je possédais le don d’ubiquité, quand X. vient me faire les ongles, et pour cela frappe à la porte sans cérémonie pour me faire savoir qu’elle est là (je ne peux pas lui dire de ne pas frapper car elle est très occupée), je pourrais lui envoyer une paire de mains pour qu’elle fasse son travail et, en même temps, rester dans ma petite chambre pour répondre à Y., qui est assise ici près de moi — comme ce serait bien!...
Alors, vous voyez, je crains d’avoir accepté d’être trop humaine, trop liée aux lois humaines de temps et d’espace, et par là d’être incapable de faire une demi-douzaine de choses à la fois!
12 janvier 1932
Seigneur, je me plains de mes limites... Mais c’est à travers elles, grâce à elles qu’ils peuvent T’approcher. Sans elles, Tu serais pour eux aussi lointain, aussi inaccessible que si Tu n’avais pas revêtu un corps de chair.
C’est pourquoi chacun de leurs progrès représente, pour moi, une libération véritable, car chaque pas qu’ils font vers Toi me donne le droit de rejeter loin de moi une de ces limites, et de Te manifester plus vraiment, plus parfaitement.
Pourtant ces limitations auraient pu ne pas être nécessaires. Mais pour cela il aurait fallu ne garder près de nous que ceux qui ont eu l’expérience du Divin, ceux qui se sont identifiés à Toi, Seigneur, ne serait-ce qu’une fois, soit en eux-mêmes, soit dans l’univers. Car cette identification est la base indispensable de notre Yoga ; elle en est le point de départ.
17 juillet 1932
C’est leur formation mentale et vitale de moi qu’ils aiment, ce n’est pas moi-même. De plus en plus je suis mise en présence de ce fait. Chacun s’est fait à lui-même une image de moi conforme à ses besoins et à ses désirs, et c’est avec cette image qu’il est en rapport, c’est à travers elle qu’il reçoit le peu de forces universelles et une quantité moindre encore de forces supramentales qui réussissent à filtrer à travers toutes ces formations. Malheureusement, ils tiennent à ma présence physique, autrement je pourrais me retirer dans ma solitude intérieure et, de là, faire mon travail tranquillement et librement; mais cette présence physique est pour eux un symbole et c’est pourquoi ils y tiennent, car, en fait, ils ont très peu de contact réel avec ce que mon corps est véritablement et avec la formidable accumulation d’énergie consciente qu’il représente.
Et maintenant, ô Force Supérieure, que Tu descends en moi et pénètres de plus en plus totalement tous les atomes de mon corps, la distance entre moi et tout ce qui m’entoure semble augmenter de plus en plus, et de plus en plus je me sens flotter dans une atmosphère de radieuse conscience qui échappe totalement à leur compréhension.
11 juin 1954
Puisque je n’aime que Toi, Seigneur, c’est Toi seul que j’aime en tous et en chacun; et à force de T’aimer en eux, je finirai par les rendre un peu conscients de Toi.
Pour eux, le grand art est de savoir se laisser aimer sans préférence et sans obstruction; mais, non seulement ils ne veulent être aimés qu’à leur manière, ils ne veulent aussi s’ouvrir à l’amour que lorsqu’il vient vers eux à travers l’intermédiaire de leur choix... et ce qui pourrait être fait en quelques heures, quelques mois ou quelques années, prend des siècles pour s’accomplir.
Après avoir établi un contact conscient avec chacun de ceux qui sont là, Je me fonds dans le Seigneur Suprême, et, alors, mon corps n’est plus qu’un canal à travers lequel Il déverse sur tous Sa Lumière, Sa Conscience et Sa Joie, selon la réceptivité de chacun.
Je prends le plus grand soin d’ouvrir votre porte au-dedans de vous tous, et que, si vous avez seulement un petit mouvement de concentration au-dedans de vous, vous n’ayez pas à faire ces longs stages devant une porte fermée qui ne bouge pas, dont vous n’avez pas la clé, et que vous ne savez pas comment ouvrir.
La porte est ouverte, seulement il faut regarder de ce côté-là. Il ne faut pas lui tourner le dos.
Je n’ambitionne pas d’être le Guru de qui que ce soit. Il m’est plus naturel de me sentir spontanément la Mère de tous et de les faire avancer silencieusement, par la puissance de l’amour.
19 septembre 1961
Je n’ambitionne pas d’être le Guru de qui que ce soit. Il m’est plus naturel d’être spontanément la Mère universelle et d’agir en silence par l’amour.
Mais puisque vous me posez la question, je vais répondre.
Quand vous avez commencé à faire usage d’un mantra, j’y ai mis un pouvoir pour le rendre efficace. Maintenant que vous m’avez dit quel est le mot de ce mantra, je confirme ce pouvoir.
Puisque tu m’as conseillé de m’adresser directement au Suprême, comment conçois-tu ma relation avec toi?
N’es-tu pas le fils de la Mère universelle?
25 juillet 1970
Jusqu’à présent, mon attitude spontanée était celle de la Mère suprême qui porte l’univers avec amour dans ses bras, et je m’occupais de chacun comme d’un enfant dont elle tolère tout également; et tout ce que les gens ici faisaient pour me plaire, je le prenais comme un gage de leur amour et j’en étais très reconnaissante. Aujourd’hui j’ai appris que beaucoup, sinon la majorité, me considèrent comme leur Guru, et qu’ils sont avides de me plaire parce que plaire à son Guru est la meilleure manière d’acquérir des mérites sur le chemin. Et alors j’ai compris que le devoir du Guru est de n’encourager en chacun que ce qui peut le conduire rapidement au Seigneur et servir Son But divin — et je suis très reconnaissante de cette leçon.
Chacun doit suivre son propre chemin qui est nécessairement le meilleur et le plus rapide pour atteindre le but.
Comme il se trouve que je peux connaître le chemin, j’ai le devoir de le leur montrer.
Quand moi je dis que j’ai initié quelqu’un, je veux dire que je me suis révélée à cette personne, sans paroles, et qu’elle a été capable de voir, de sentir et de savoir Ce que je suis.
« Faites Comme Vous Voulez »
Je veux seulement ce que Vous trouvez le mieux.
Quand on me propose deux choses et qu’on me demande laquelle faire, je réponds « comme vous voudrez », quand l’une n’est pas mieux que l’autre.
17 janvier 1933
« Si vous voulez » implique évidemment qu’il y a risque que les conséquences de ce que vous voulez faire ne soient pas très bonnes pour votre sâdhanâ, mais aussi que vous n’êtes peut-être pas prêt pour faire le progrès nécessaire qui permettrait que vous ne fassiez pas ce que vous désirez faire.
29 mars 1933
Il semble que vous soyez beaucoup trop complexe et compliqué pour comprendre ma simplicité droite et directe. Quand je dis : « c’est ce qu’il y a de mieux » je veux dire que c’est le mieux, et, par conséquent, que c’est la chose à faire. Et ce que j’appelle soumission, ce n’est pas de répondre à mes projets par une contre-proposition, mais de les accepter de tout cœur.
Vous demandez la paix comme si je vous la retirais — mais quand je vous ai écrit avec les meilleurs sentiments de bonté, de confiance et de considération, « c’est la meilleure chose à faire », si vous m’aviez répondu aussitôt : « Oui, Mère, que cela soit fait », vous auriez certainement ressenti une plus grande paix en vous et même une douce joie.
26 juillet 1939
Votre dernière lettre, en réponse à la mienne où je vous expliquais ce que je pensais faire, dit ceci : « Faites comme vous voulez. Mais puisque vous me demandez mon avis, je dois dire que c’est stupide. » Est-ce stupide parce que je me sens contraint par les circonstances? Autre chose : pourquoi avez-vous omis ces mots qui me sont si chers, par lesquels vous terminez toujours : « Tendresse et bénédictions » ?
Mon « c’est stupide » recouvrait beaucoup d’aspects de la question, y compris le plus superficiel. Ce que vous suggérez — qu’il est stupide de croire les circonstances contraignantes quand elles ne le sont pas — en fait partie.
C’est à dessein que j’ai omis les mots « tendresse et bénédictions », parce que je ne souhaitais pas que vous pensiez que je bénissais votre entreprise (je ne la bénis pas) simplement parce que je la trouve stupide. Alors ne vous y trompez pas quand je termine par « tendresse et bénédictions ». Ces mots sont pour votre âme dont vous n’êtes justement pas très conscient en ce moment, et non pour votre être extérieur.
18 juin 1942
Pourquoi ai-je tellement peur?
Parce que vous croyez que je veux vous imposer ma volonté; mais c’est faux. Au contraire, je veux vous laisser entièrement libre de décider vous-même. Seulement je peux savoir et prévoir ce que vous ne pouvez pas savoir et que vous ne prévoyez pas, et je vous dis ce que je vois, c’est tout. C’est à vous de faire ou de ne pas faire usage de ma connaissance. Votre décision d’attendre un an est sage et je suis heureuse que vous l’ayez prise.
13 février 1954
Personne n’a jamais eu l’idée de vous forcer à faire le yoga. Si vous voulez le faire dans le but d’acquérir un pouvoir sur les circonstances, ce n’est pas un motif très noble ni très élevé, et vous ne pouvez pas compter sur moi pour vous y aider. Je ne peux vous aider que si votre motif est de découvrir la Vérité (et non de postuler a priori que ce que vous croyez est la vérité) et de vous soumettre entièrement à la Vérité. La décision est donc entre vos mains.
1er décembre 1961
Maintenant je suis obligée de vous dire que je n’approuve ni ne désapprouve — ni goût ni dégoût, ni désir ni volonté personnelle. Chaque cas est examiné individuellement, et la réponse est donnée dans le meilleur intérêt de chacun du point de vue spirituel.
Allez chez vos parents et en même temps vous serez à même de voir et de décider si sincèrement vous voulez la Vie Divine plus que tout
8 octobre 1966
Je n’ai pas l’habitude d’imposer ma volonté aux autres.
Si d’eux-mêmes ils demandent de l’aide, l’aide leur sera donnée.
24 octobre 1967
« Je Ne Suis Pas Mécontente De Toi »
Vous aviez ces mauvaises suggestions (que je ne vous aime pas et que vous voulez partir), parce que vous étiez en train de me désobéir. Mais maintenant que vous avez pris la résolution d’agir selon ma volonté, les mauvaises suggestions vont disparaître. Personne ne m’a dit quoi que ce soit contre vous.
24 décembre 1931
Tu devrais laisser tomber une bonne fois pour toutes cette idée que je suis mécontente de toi — cela me paraît si étrange! Si je devais être ainsi mécontente en présence des faiblesses humaines, je ne serais certainement pas capable de faire le travail que je fais, et ma venue sur terre n’aurait pas de sens.
14 janvier 1933
Je n’ai jamais remarqué quoi que ce soit de mal en toi quand tu viens pour le pranâm. Ton aspiration est très claire et j’y réponds toujours. Ne te tourmente pas de ce que d’autres peuvent dire — je suis tout à fait satisfaite de toi et mes bénédictions sont toujours avec toi.
15 janvier 1937
J’ai eu l’impression que vous n’étiez pas tout à fait satisfaite de moi.
Rien de tel. Chacun a ses difficultés et je suis ici pour l’aider à en sortir.
Avec mon amour et mes bénédictions.
25 février 1942
Peut-être n’avez-vous pas eu le temps, ou n’avez-vous pas estimé nécessaire, de répondre à ma lettre. Aujourd’hui votre regard avait quelque chose d’insondable. Il avait l’air d’une réprimande. S’il en est ainsi, je ne sais pas quelle peut en être la raison. Avec Pranâm.
Aucune réprimande. Je vous avais envoyé par X. la réponse que je considérais comme la plus importante, et je m’attendais à ce que vous m’en parliez — de là mon regard.
Je pourrais ajouter que, dans toute relation humaine, le moindre mouvement psychique qui pourrait se cacher est toujours recouvert d’une telle couche d’attirances et d’impulsions vitales, que l’on ne saurait être trop sur ses gardes.
11 janvier 1944
Mère,
Voici trois jours que je ne peux déchiffrer l’expression de vos yeux quand je viens pour le Pranâm. Je sens que vous êtes mécontente de moi. Je me trompe peut-être, mais s’il y a quelque chose je voudrais bien que vous me le disiez. Avec Pranâm.
Je n’ai pas l’impression que mon attitude a changé à ton égard, et il n’y a pas non plus de raison qu’elle change. La seule chose que je vois, c’est que je pensais à Y. quand tu es venu, et je me demandais jusqu’à quel point tu savais où en sont les choses. Quant à être mécontente de toi, il n’y en a pas le moindre signe et je peux dire en toute sûreté que je ne suis pas mécontente.
5 septembre 1945
Ma chère Mère,
Je sens que je vous ai mécontentée. Je le regrette beaucoup, quelle qu’en puisse être la raison. J’en suis navré. Je n’ai guère besoin de vous dire mon affection croissante pour vous. Avec Pranâm.
Mon cher enfant,
Ne sois pas navré et ne t’inquiète pas — je ne suis pas du tout mécontente. D’autres ont peut-être été un peu bouleversés par ce qui semble avoir été un bavardage quelque peu léger, mais je ne t’en tiens pas pour responsable. C’est devenu une habitude à l’Ashram de parler avec légèreté et étourdiment de beaucoup de choses qui dépassent la compréhension habituelle des gens. Il faudrait une grande force et une grande endurance pour résister victorieusement à cette influence. J’ai toutefois l’espoir que cette force et cette endurance croîtront en tous ceux qui sont de bonne volonté. En attendant, mon amour et mes bénédictions sont avec tous.
Sois assuré que je suis tout à fait consciente de l’amour et de la dévotion qui grandissent en toi et ils reçoivent toute la réponse qu’ils sont en droit d’attendre.
22 septembre 1947
Une fois de plus c’est un choc parfaitement gratuit... Je n’ai jamais su que c’était ton sitar que tu demandais à X. de te rendre; d’après ce qu’il m’avait dit, il semblait clair que c’était son sitar dont il était question. Je vois que c’est une erreur et il doit te le rendre si tu en as besoin. Mais dans ton intérêt, je dois te dire que tu recevras inévitablement des chocs, et des coups violents, tant que tu entretiendras des idées fausses, par exemple, que je « me range du côté » de l’un ou de l’autre, etc.
C’est totalement faux et sans fondement, et tu dois te débarrasser complètement de cette manière de penser, si tu veux te sentir proche du Divin.
5 novembre 1947
Vous devez apprendre une fois pour toutes que quelles que soient les erreurs que les gens commettent, cela ne peut ni me fâcher, ni me mécontenter. S’il y a de la mauvaise volonté ou de la révolte, Kâlî peut venir et les châtier, mais elle le fait toujours avec amour.
23 mars 1954
« Façon De Travailler »
On dit que tu admires toujours les choses que nous faisons, quelles qu’elles soient.
Quelle drôle d’idée! Il ne manque pas de choses ou d’actions que je trouve mauvaises et que je n’admire pas du tout.
12 mai 1934
J’ai usé pas mal de matière grise pour placer devant vous thèse après thèse. Mais vous n’avez pas riposté. Cela vous laisse joyeusement indifférente.
Tous les raisonnements de votre lettre viennent du mental physique extérieur. Vous ne pouvez me demander de descendre à ce niveau et, de là, de discuter avec vous. Je vois les choses sur un autre plan et d’une autre façon.
19 juillet 1942
Il est tout à fait inexact que dans ma conscience se trouve la volonté d’être en retard. La vérité est que la volonté d’être prête à temps ne prime pas en moi les autres volontés : elle est à sa place parmi les autres, non pas exclusive et unique, mais faisant partie d’un ensemble où les ordres de grandeur et d’importance peuvent ne pas être conformes à ce que tu penses ou sens. En fait, ta sensation de la relativité des importances n’est pas la même que la mienne. De plus tu considères le problème d’une façon linéaire et exclusive, comme s’il était séparé des autres problèmes concomitants. Il n’en est rien; chaque problème n’existe pas en lui-même, mais en fonction de tous les autres; et la solution, pour être vraie, ne doit en négliger aucun.
Si tu comprends cela, certainement ta difficulté disparaîtra aisément.
16 novembre 1950
Évidemment, selon les lois humaines, j’ai eu tort de te dire que je te verrai tous les mois, puisque je n’étais pas sûre de pouvoir le faire, tout en n’oubliant pas ce que j’avais dit.
En vérité, je vis à la minute la minute, selon la Suprême Direction et suis, par conséquent, incapable de faire des plans. Je sais que ce n’est pas confortable pour la mentalité humaine qui s’imagine pouvoir tout décider à l’avance. Mais au point de vue spirituel c’est inévitable.
Chaque sâdhak doit se rappeler qu’il n’est pas seul. Autant que possible, j’essaie de donner satisfaction à chacun et de répondre à des questions sensées chaque fois que c’est nécessaire.
C’est une manière de dire, une description grossière de quelque chose qui se passe réellement mais qui est beaucoup plus subtil que cela.
Si je ne m’occupais que d’une seule personne, je pourrais peut-être conserver dans ma mémoire de telles précisions, mais comme je suis consciemment en rapport avec plus d’un millier de gens, des détails aussi précis ne sont en général pas notés — et ce n’est pas nécessaire non plus, parce que la Conscience fait toujours le travail comme il doit être fait.
Il y a toujours une grande différence entre ce que les gens sont et font et ce qu’ils devraient être et faire. La conscience est tout à fait au courant de cela et elle travaille constamment à rectifier et à transformer, mais elle ne travaille pas sur des points isolés et d’une manière intermittente. Elle travaille sur la totalité de l’ensemble d’une manière globale et vaste. Son progrès paraît lent mais il est plus complet et rien n’est oublié.
À dire vrai, je n’ai pas d’opinion. Selon une vision de vérité, tout est encore terriblement mélangé, une combinaison plus ou moins heureuse de lumière et d’obscurité, de vérité et de mensonge, de connaissance et d’ignorance, et tant que les décisions seront prises et l’action sera faite suivant des opinions, il en sera toujours ainsi.
Nous voulons donner l’exemple d’une action faite en accord avec une vision de vérité, mais malheureusement nous sommes encore fort loin de réaliser cet idéal et la vision de vérité, même si elle s’exprime, se trouve immédiatement déformée dans l’exécution.
Ainsi, dans l’état actuel des choses, il est impossible de dire : « ceci est vrai, et ceci est faux, ceci nous éloigne du but, ceci nous rapproche du but ».
Tout peut être utilisé en vue du progrès à faire; tout peut être utile si on sait l’utiliser.
La chose importante est de ne jamais perdre de vue l’idéal que l’on veut réaliser et de se servir de toutes les circonstances dans ce but. Et, en fin de compte, il est toujours préférable de ne pas prendre de décision arbitraire pour ou contre les choses et de regarder les événements se dérouler, avec l’impartialité du témoin, s’en remettant à la Sagesse Divine qui, Elle, décidera pour le mieux et fera le nécessaire.
29 juillet 1961
Ma façon de voir est quelque peu différente. Pour ma conscience, toute la vie sur terre, y compris la vie humaine et toute sa mentalité, est une masse de vibrations — pour la plupart des vibrations de mensonge, d’ignorance et de désordre —, dans lesquelles sont à l’œuvre, de plus en plus, des vibrations de Vérité et d’Harmonie qui viennent des régions supérieures et se fraient un chemin à travers la résistance. Dans cette vision, le sens de l’ego, les revendications personnelles et l’individualisme deviennent tout à fait irréels et illusoires.
Quand une confusion supplémentaire se crée dans la confusion existante, je dirige sur elle des vibrations spéciales pour rétablir autant que possible une meilleure harmonie. Ce ne sont pas les individus en tant que tels qui sentent le « coup », c’est leur propension à s’accrocher à la désharmonie ou à prendre parti pour elle... Dans des cas pareils ce n’est jamais un côté qui a raison et un autre qui a tort, mais tous qui sont à blâmer dans la mesure où ils adhèrent au mensonge et à la confusion.
Vous ne comprenez pas ma manière de travailler. Autant dire, « Vous avez la Force Supramentale, pourquoi ne pas vous en servir et en finir avec toute cette pagaïe? » Mais ce n’est pas comme ça que le travail peut se faire. Le monde n’est pas prêt pour la force supramentale et, si elle est utilisée sans une préparation de la base, les choses vont complètement voler en éclats. Je dois préparer la base et ensuite faire descendre la force.
Votre vision humaine voit les choses en ligne droite. Pour vous c’est comme ceci ou comme cela. Pour moi c’est différent. Je vois le tout comme une masse de conscience qui s’avance vers ses fins ou son but. À chaque petit mouvement, je dois voir quelles seront les réactions de la masse dans sa totalité, quelles répercussions vont s’ensuivre.
Quand je dis que quelque chose doit être fait comme ceci ou comme cela, votre mental humain en fait un principe et essaie de l’appliquer avec rigidité à tous les cas. Pour moi ce n’est pas comme ça. Pour moi, il n’y a ni règles, ni règlements, ni principes. Pour moi, chaque cas est un cas exceptionnel, qui doit être traité d’une manière spéciale. Il n’y a pas deux cas semblables.
À l’intérieur du mouvement de cette masse de conscience, je sais qu’un certain point doit aller dans une certaine direction pour atteindre plus facilement le but. En fonction de ce point, je déclare qu’il faut ou qu’il ne faut pas faire telle chose, mais je rencontre parfois en chemin une grande obstruction. Celle-ci peut être traitée de deux manières : ou bien je dois permettre au point en question de changer de direction et ne pas m’occuper de la barrière pour le moment, jusqu’à ce que davantage de lumière tombe sur elle et la change, ou bien je dois briser la barrière. Comme je l’ai dit, chacun de ces petits mouvements a ses réactions et ses répercussions sur la masse, aussi briser la barrière va provoquer une réaction en chaîne qui peut agir sur un champ beaucoup plus vaste. Je n’ai d’égards pour personne, mais je dois surveiller à chaque moment le changement de circonstances dû au changement de la personne ou des personnes concernées et au temps qui passe et au circuit par lequel passe l’action. À chaque instant, je dois voir quelle est, en fonction de ces changements, la meilleure manière de faire la chose, pour aider au progrès de la masse. Je dois voir si cela vaut la peine de briser la barrière avec toutes les conséquences qui en découlent, ou bien s’il ne vaut pas mieux la laisser pour le moment et tolérer la stupidité humaine. Ce qui vous paraît être une contradiction ne l’est pas quand tout est vu dans son unité. Il y a plusieurs moyens d’arriver à la même fin. Alors, si je trouve que briser la barrière coûtera beaucoup plus que cela ne vaut, je vous laisse agir comme vous voulez. Mais cela ne m’empêche pas de condamner l’obstruction et de dire qu’elle devrait disparaître.
Après tout, tôt ou tard, chacun des éléments dans cette masse de conscience, doit avancer vers le but commun. Mais pour conduire la conscience vers ce but, je dois permettre aux êtres humains d’avancer avec moi, et je dois leur apparaître dans leur forme même et parler leur langage. Je dois m’exprimer d’une façon rudimentaire. Je vois bien que ma manière de parler et de fixer règles et règlements est stupide, mais c’est une concession que je dois faire à l’humanité; autrement, elle serait incapable de comprendre quoi que ce soit. Même quand je parle leur langage, les gens ne me comprennent pas et en font un gâchis. Si je devais parler le langage de la lumière, tout leur passerait audessus de la tête et les laisserait bouche bée, sans avoir compris quoi que ce soit.
X. a un mental très développé. Je puis dire que son mental est très ouvert à la lumière. Deux fois j’ai essayé de lui parler le Paroles de la langage de ce que Sri Aurobindo appelle le mental de lumière, mais même cela il n’a pas pu le comprendre. Il en a saisi un petit peu mais la plénitude du sens lui a échappé.
Avec les autres, c’est encore pire; ils n’arrivent pas à comprendre quoi que ce soit et paraissent ahuris. Dans leur intérêt, je dois faire un compromis. Je dis qu’une certaine chose est stupide, mais je vois que vous ne pouvez pas vous empêcher de la faire, alors je dois la tolérer. Je vois la valeur relative des choses et adopte la manière qui peut aider à faire le progrès. Dans votre intérêt et dans l’intérêt du progrès de la masse de conscience dans son ensemble, il se peut que je doive permettre un bon nombre de choses, mais cela ne veut pas dire que je suis aveugle et que je ne vois pas leur stupidité. Quelquefois, il est nécessaire que vous fassiez une expérience et alors je laisse faire. Mais quand je dis catégoriquement « non », il est dangereux de s’y opposer. Il peut y avoir beaucoup de raisons à la même action; mais il n’est pas possible de les expliquer à votre mental.
Dans ce cas particulier j’avais dit « non ». Alors Y. est intervenu. Maintenant, Y. est très gentil et certaines parties de son être sont très sincères. Je sais qu’il est faible et qu’il a l’habitude d’agripper les choses pour se les approprier. J’aurais pu refuser. Mais cela l’aurait trop bouleversé. Il aurait eu du mal à s’adapter. Comme je vous l’ai dit, je vois la valeur relative des choses et j’ai vu que cela ne valait pas la peine de le bouleverser, aussi j’ai donné la permission. Mais cela ne m’empêche pas de dire que ce n’est pas ce qu’il fallait faire.
Commérages
Mère joyeuse, je m’étonne en voyant qu’il y a des gens qui croient que Tu appelles seulement les sâdhaks qui ne peuvent pas recevoir Ta Grâce de loin; et que c’est un signe de faiblesse de la part de celui qui Te voit de temps en temps.
Ne t’occupe pas de ce que les gens croient ou disent; c’est presque toujours des sottises ignorantes.
J’admire toujours que les gens s’imaginent pouvoir connaître les raisons de mes actions! J’agis pour chacun différemment, selon les nécessités de son cas particulier.
Je te conseillerais de ne jamais écouter ce que disent les sâdhaks — en particulier les sâdhaks avancés.
29 décembre 1931
Ce n’est certainement pas vrai que je me désintéresse des sâdhaks et de leur sâdhanâ. En quoi le mauvais état du monde m’obligerait-il à ne plus m’en occuper? Ce serait plutôt une raison d’insister davantage sur une réalisation spirituelle rapide, seul chemin pour sortir de l’impasse. Vous ne devriez pas croire tout ce que l’on vous dit; car on dit constamment tant de choses ignobles et alarmantes qui sont totalement fausses.
8 octobre 1940
Il est répondu à toutes tes lettres, mais dans le silence de ton cœur; tu dois apprendre à écouter les réponses là, et non par la bouche des autres. Toute l’aide possible t’est donnée sans cesse, mais tu dois apprendre à la recevoir dans le silence de ton cœur et non par des moyens extérieurs. C’est dans le silence de ton cœur que le Divin te parlera, te guidera et te conduira à ton but.
Mais pour cela tu dois avoir une foi entière en la Grâce et l’Amour Divins.
18 janvier 1962
Ma petite enfant,
Quand ta première lettre est arrivée, j’ai simplement écrit dessus un mot en français et je l’ai laissée sur ma table, car je m’attendais à recevoir la seconde; j’étais sûre que tu recevrais ma réponse silencieuse.
Pour te réconforter, je peux dire immédiatement et une fois pour toutes que je n’attache jamais aucune importance à ce que les gens disent les uns des autres, qui que ce soit qui parle — et de ton côté, je te demande de ne jamais prendre au sérieux ce que quelqu’un (qui que ce soit) dit en mon nom, parce que même avec la meilleure volonté c’est toujours déformé.
Maintenant, je te demande de ne pas te faire de souci au sujet de cette histoire d’école. Je n’écrirai rien là-dessus, mais un jour j’ai l’intention de t’appeler et de t’expliquer comment je vois toute la question. Après tu verras quel est ton sentiment.
En attendant, que ton mental soit au repos, afin que la Lumière puisse le traverser.
Avec tout mon amour et mes bénédictions.
27 octobre 1963
Quand apprendras-tu à ne pas écouter toutes les rumeurs qui circulent ici?
15 juillet 1967
Oui, toutes ces rumeurs fausses et idiotes me sont revenues après avoir fait le tour de l’Ashram. Je n’y ai attaché aucune importance car la plupart des gens ici semblent ne vivre que pour cancaner et mentir, et j’ai une fois pour toutes fermé ma conscience à tout cela pour éviter une manifestation de Kâlî ou de Durgâ.
J’espère que ceux qui sont fidèles et ont du bon sens ne vont pas perdre leur temps à écouter tout cela.
J’étais au courant de tout ce que tu dis au sujet de cette affaire de nourriture — mais tu admettras qu’il y a toujours une façon d’améliorer son action et de la rendre plus lumineuse et plus complète.
Tu ne dois pas te soucier des fautes et faiblesses des autres, la seule chose qui importe est de ne pas croire ce que les gens te disent, surtout quand ils parlent en mon nom.
Lorsque nous devenons amers, nous perdons notre contact divin et devenons très « amèrement » humains.
Méfie-toi de ce que l’on te répète en mon nom — l’esprit dans lequel cela a été dit s’est perdu!
Veillez soigneusement à ce qu’aucune influence ne diminue votre confiance en moi et ne permettez à rien ni à personne de vous séparer de moi.
Un grand malentendu s’est produit.
Vous semblez croire que je dis une chose alors que je veux en dire une autre. C’est absurde.
Quand je parle, je parle simplement et je veux toujours dire ce que je dis.
Quand je dis : la première condition du yoga est de rester tranquille et calme — c’est ce que je veux dire.
Quand je dis que parler est inutile et entraîne seulement de la confusion, un gaspillage d’énergie et la perte du peu de lumière que l’on a — je veux dire cela et rien d’autre.
Quand je dis que je n’ai donné à personne le droit de parler en mon nom et d’interpréter mes paroles selon sa fantaisie, je veux dire cela et rien d’autre.
J’espère que ceci est clair et définitif et que ce singulier malentendu va prendre fin.
J’ai déjà averti ceux qui continuent à répandre des bruits, plus ou moins faux, sur ce qu’on croit que j’ai dit ou pas dit, que c’est une trahison.
Comme cette habitude pernicieuse ne semble pas prendre fin, je dois ajouter que ceux qui s’obstinent dans cette voie seront traités sur le plan occulte comme des traîtres.
« Remontrances »
Il est absolument interdit d’envoyer à qui que ce soit le moindre de mes écrits inédits sans ma permission expresse. On me dit que vous en avez l’intention, aussi je me hâte de vous informer qu’il ne faut pas le faire et de vous demander de me rendre immédiatement tous les exemplaires dactylographiés que vous avez en votre possession.
18 juin 1964
Faire quelque chose scrupuleusement, c’est le faire avec le plus grand soin possible, aussi honnêtement et consciencieusement que l’on peut le faire.
Une autre fois, s’il y a des mots que vous ne comprenez pas dans ce que j’ai écrit, il vaut mieux me renvoyer votre cahier en me demandant des explications. Je vous les donnerai toujours et ainsi vous éviterez de parler aux autres de ce que je vous ai écrit — parce qu’il n’est pas bon de le faire.
C’est dommage que vous ayez montré mes réponses à vos questions. Elles étaient pour vous seul et personne d’autre. Cela a en partie altéré l’expérience, car c’était le vital et le mental qui voulaient profiter de la situation pour satisfaire leurs propres désirs.
(À propos des parties de tennis de la Mère avec les sâdhaks et les étudiants.)
On m’a dit que nos garçons, jeunes et vieux, aiment jouer au tennis avec moi (les termes exacts étaient « m’accorder une partie »), pour une raison ou une autre, mais pour jouer vraiment et apprendre à jouer, ils doivent jouer entre eux.
Vous avez cette occasion extraordinaire de pouvoir jouer au tennis et faire de l’exercice dans une atmosphère tellement remplie de Conscience Divine, de Lumière et de Puissance que chacun de vos mouvements est, pour ainsi dire, imprégné de la conscience, de la lumière et d’un pouvoir qui est en luimême un yoga intensif; et votre inconscience ignorante, votre aveuglement et votre manque de sensibilité sont tels que vous croyez que vous accordez une partie à une bonne vieille dame pour laquelle vous ressentez un peu de gratitude et quelque affection... ou même que vous l’aidez à jouer!
5 juin 1949
Je n’ai pas répondu parce que leurs esprits sont terriblement agités, ils ne savent pas comment faire usage de la force et ils gâtent mes formations. Mais vous n’avez pas besoin de le leur dire — envoyez-leur seulement des bénédictions.
13 mai 1955
Vous devez comprendre une chose : avant de répondre à une question, j’examine tous les aspects du problème, présents et à venir, si bien que, lorsque la réponse est donnée, elle est définitive. Il est inutile d’y revenir.
12 juin 1955
D’après Votre longue expérience, de plus de soixante ans, trouvez-Vous que ce que Vous attendiez de nous et de l’humanité s’est suffisamment réalisé?
Comme je n’attends rien, je ne peux pas répondre à cette question.
X. dit : « Cela dépend de Mère. »
Non, cela ne dépend pas entièrement de moi. S’il en était ainsi, tout irait comme sur des roulettes. Mais il y a toujours le caractère de la personne qui s’interpose.
20 août 1961
Comment pourrais-je donner un conseil à des sots?
Voici deux questions qui n’appellent pas de réponse :
Qu’avez-vous fait pour le Divin qui justifie tant d’exigences?
Qu’avez-vous fait au Divin pour recevoir tant de coups?
Qu’avez-vous donné au Seigneur ou fait pour Lui qui vous autorise à me demander de faire quelque chose pour vous? Je ne fais que le travail du Seigneur.
Tu te trompes si tu crois que je suis dupe. C’est impossible parce que leur « intention » est pour moi bien plus claire que leurs paroles.
Mais s’il me fallait être stricte avec tous ceux qui essaient de me tromper, bien peu échapperaient à cette rigueur.
Ne vous êtes-vous jamais trompé dans aucune de vos décisions? Oui, vous vous êtes trompé, n’est-ce pas? et bien des fois.
Alors de quel droit pensez-vous que lorsque ma décision n’est pas semblable à la vôtre, c’est moi qui me trompe?
Je sais que, pour vous, être avec moi n’est ni un besoin ni une joie mais un devoir et que vous êtes plus heureux ailleurs, avec d’autres. Aussi je ne vous appelle que lorsque c’est nécessaire — et non parce que cela me fait plaisir, car il y a longtemps que j’ai mis le plaisir dans ma poche et que je l’y ai laissé.
C’est pourquoi je ne vous ai pas vu, parce que je savais que c’était tout à fait inutile, car nos conceptions respectives de la vie et de l’action sont véritablement beaucoup trop différentes.
Que peux-tu faire contre moi? Tu vis dans la conscience de ton corps et ton corps est périssable. Je vis dans la conscience de mon esprit, et mon esprit est immortel.
Nous y voilà, Seigneur, ce sont ceux-là même auxquels Tu as manifesté le plus d’amour qui Te rendent responsable de leurs difficultés.
Sri Aurobindo a vécu à Pondichéry avec cinq ou six disciples de 1910 à 1920.
En 1914, la Mère 3 est arrivée de France (avec Paul Richard) et Sri Aurobindo a commencé la publication de l’Ârya qui se poursuivit jusqu’en janvier 1920.
En avril 1920, la Mère est revenue du Japon et peu à peu, comme le nombre de personnes augmentait, l’Ashram s’est trouvé fondé en 1926.
Bien qu’il y ait un charme et une poésie dans la création de notre Ashram sans aucune date formelle, peut-on dire du point de vue occulte véritable que l’Ashram est né à l’arrivée de la Mère?
L’Ashram est né quelques années après mon retour du Japon, en 1926.
17 avril 1967
Le 21 février est l’anniversaire de la Mère.4 Le 29 mars est le jour anniversaire de sa première rencontre avec SriAurobindo.
Le 4 avril, date de l’arrivée de Sri Aurobindo à Pondichéry, est le Nouvel An pour l’Ashram.
Le 24 avril est la date du retour définitif de la Mère à Pondichéry en 1920.
Le 15 août est l’anniversaire de Sri Aurobindo.
Le 24 novembre est appelé Jour de la Victoire, en souvenir d’un événement spirituel très important qui a eu lieu en 1926.
1938
Les sâdhanâs traditionnelles ont pour but l’union à la Conscience Suprême (Satchidânanda). Et ceux qui y parviennent se satisfont de leur propre libération et abandonnent le monde à son triste sort. La sâdhanâ de Sri Aurobindo commence au contraire là où les autres finissent. Une fois l’union avec le Suprême réalisée, on doit faire descendre cette réalisation dans le monde extérieur et changer les conditions de la vie sur terre jusqu’à ce qu’une transformation totale soit accomplie. C’est pourquoi, les sâdhaks du yoga intégral ne se retirent pas du monde pour mener une vie de contemplation et de méditation. Chacun doit consacrer au moins un tiers de son temps à un travail utile. Toutes les activités sont représentées à l’Ashram et chacun choisit le travail le plus conforme à son tempérament, mais il doit le faire dans un esprit de service et de désintéressement, en gardant toujours présent à l’esprit le but de la transformation intégrale.
Pour que cela soit possible, l’Ashram est organisé de telle façon que les besoins raisonnables de tous les sâdhaks se trouvent satisfaits et qu’ils n’aient pas à se soucier de leur subsistance.
Il y a très peu de règlements pour que chacun puisse jouir de la liberté nécessaire à son développement, mais certaines choses sont strictement interdites : (1) la politique, (2) le tabac, (3) l’alcool, (4) le plaisir sexuel.
Une attention particulière est apportée à la bonne santé, au bien-être et à la croissance normale du corps de tous, petits et grands, jeunes et vieux.
Les apparences et les règlements changent, mais notre foi et notre but demeurent les mêmes.
30 octobre 1954
Notre but n’est ni politique ni social : il est spirituel. Nous voulons une transformation de la conscience individuelle, non un changement de régime ou de gouvernement. Et pour atteindre notre but nous n’avons confiance en aucun des moyens humains, si puissants soient-ils, nous n’avons foi qu’en la Grâce divine.
Pour nous qui sommes ici, une seule chose compte. Nous aspirons au Divin, nous vivons pour le Divin, nous agissons pour le Divin.
Juillet 1956
Ce sont des siècles d’ardente aspiration qui nous ont conduits ici pour faire le Travail du Divin.
Douce Mère, on nous dit que les conditions étaient beaucoup plus strictes et la discipline plus rigoureuse à l’Ashram avant l’arrivée des enfants. Comment et pourquoi ces conditions ont-elles changé maintenant?
Avant l’arrivée des enfants, seuls étaient admis à l’Ashram ceux qui voulaient faire la sâdhanâ et seules étaient tolérées les habitudes et les activités utiles à la pratique de la sâdhanâ.
Mais comme il serait déraisonnable d’exiger que les enfants fassent une sâdhanâ, cette rigidité a dû disparaître du moment où les enfants furent introduits dans l’Ashram.
Janvier 1961
Aucune des réalisations actuelles de l’humanité, si grande soitelle, ne peut constituer pour nous un idéal à suivre. Le vaste monde est là pour servir de champ d’expérience aux idéaux de l’humanité.
Notre but est tout à fait différent et même si nos chances de succès sont minces pour le moment, nous sommes sûrs de travailler à préparer l’avenir.
Je sais que, d’un point de vue extérieur, nous sommes au-dessous de bien des réalisations de ce monde, mais notre but n’est pas d’atteindre une perfection conforme aux critères humains d’excellence. Nous avons entrepris quelque chose de différent qui appartient à l’avenir.
L’Ashram a été fondé pour devenir le berceau du nouveau monde.
L’inspiration vient d’en haut, la force qui guide vient d’en haut, la puissance créatrice vient d’en haut, elles travaillent à faire descendre la nouvelle réalisation.
C’est seulement par ses imperfections, ses insuffisances et ses échecs que l’Ashram appartient au monde actuel.
Aucune des réalisations actuelles de l’humanité n’a le pouvoir de sortir l’Ashram de ses difficultés.
Seules la conversion complète de tous ses membres et une ouverture intégrale à la lumière de Vérité qui descend peuvent aider à sa réalisation.
C’est sans aucun doute une tâche formidable, mais nous avons reçu l’ordre de l’accomplir et nous sommes sur terre dans ce seul but.
Nous irons jusqu’au bout avec une confiance indéfectible dans la Volonté et l’Aide du Suprême.
La porte est ouverte et restera toujours ouverte à tous ceux qui auront décidé de consacrer leur vie à ce but.
13 juin 1964
Il y a ici quelque chose de tellement mieux que les apparences, quelque chose qui est comme un soleil vivant et chaud dans le cœur et dans l’esprit.
Voilà le vrai discernement, et je t’en félicite. Ceux qui ne voient que les apparences ne savent pas discerner, dans ces apparences, les différences subtiles mais d’une importance capitale, qui viennent de la présence d’une conscience lumineuse et vraie.
11 juin 1967
Ici, nous n’avons pas de religion. Nous remplaçons la religion par la vie spirituelle, qui est plus vraie et plus profonde et haute à la fois, c’est-à-dire plus proche du Divin. Car le Divin est en toute chose, mais nous n’en sommes pas conscients. C’est cet immense progrès que les hommes doivent faire.
19 mars 1973
Ne jugez pas d’après les apparences et ne faites pas attention à ce que disent les gens : ces deux choses sont trompeuses. Mais si vous estimez nécessaire de partir, bien entendu, vous pouvez vous en aller, et d’un point de vue extérieur c’est peut-être en effet plus sage.
De plus, il n’est pas facile de rester ici. À l’Ashram il n’y a pas de discipline extérieure ni d’examen à passer. Mais au-dedans l’examen est sévère et constant, on doit avoir l’aspiration très sincère de surmonter tout égoïsme et de vaincre toute vanité pour pouvoir rester.
Une soumission complète n’est pas exigée en surface, mais elle est indispensable pour ceux qui veulent tenir bon, et beaucoup de choses viennent mettre à l’épreuve la sincérité de cette soumission. Toutefois, la Grâce et l’aide sont toujours là pour ceux qui y aspirent et leur pouvoir est sans limite lorsqu’on les reçoit avec foi et confiance.
20 novembre 1948
Ce n’est pas par dégoût de la vie et des hommes que l’on doit venir à ce yoga.
Ce n’est pas pour fuir les difficultés que l’on doit venir ici.
Ce n’est même pas pour trouver la douceur de l’amour et de la protection, car on peut connaître l’amour et la protection du Divin n’importe où si l’on adopte l’attitude juste.
Quand on veut se donner entièrement pour servir le Divin, quand on veut se consacrer totalement à l’œuvre du Divin, simplement pour la joie de se donner et de servir, sans rien demander en échange si ce n’est la possibilité de cette consécration et de ce service, alors on est prêt à venir ici et on trouvera la porte grande ouverte.
Je te donne les bénédictions que je donne à tous mes enfants où qu’ils se trouvent dans le monde et je te dis : « Prépare-toi, mon aide sera toujours avec toi. »
30 mars 1960
Tu dis que tu veux mener la vie spirituelle, mais pour cela il faut que tu comprennes que le premier point est de surmonter tous les mouvements inférieurs, toutes les attractions, tous les attachements, car tout cela est absolument contraire à la vie spirituelle.
La vie spirituelle exige qu’on soit exclusivement tourné vers le Divin et le Divin seul. Tout ce qu’on fait doit être fait pour le Divin, toutes les occupations, toutes les aspirations, tout, sans exception, doit être dirigé vers le Divin avec une soumission complète de tout l’être.
Je sais que cela ne peut pas se faire en un jour. Mais la décision qu’il en soit ainsi doit être prise d’une façon inébranlable. C’est seulement à cette condition que je peux t’accepter pour la vie spirituelle.
29 juillet 1960
Plus encore que les conditions physiques, c’est la fidélité à l’idéal et la consécration au travail qui font le vrai disciple.
25 août 1962
Première et indispensable condition pour être admis à l’Ashram
Le candidat doit avoir pris la résolution de consacrer inconditionnellement sa vie au service du Divin.
12 juin 1965
Par définition l’Ashramite a résolu de consacrer sa vie à la réalisation et au service du Divin.
Pour cela, quatre vertus sont indispensables, sans lesquelles le progrès est incertain et sujet à des interruptions et des chutes fâcheuses, à la première occasion :
Sincérité, fidélité, modestie et gratitude.
Quelles sont les qualités requises pour être appelé « un vrai enfant de l’Ashram » ?
Sincérité, courage, discipline, endurance, foi absolue en l’Œuvre Divine et confiance inébranlable en la Grâce Divine. Tout cela doit être accompagné d’une aspiration soutenue, ardente et persévérante et d’une patience sans limite.
28 décembre 1966
L’Ashram est fait pour ceux qui veulent consacrer leur vie au Divin.
Juin 1971
Les deux conditions indispensables pour vivre en disciple à l’Ashram
1) Être résolu à faire passer les besoins de l’âme avant tous les autres, et à ne satisfaire les autres besoins, ceux du corps, du vital et du mental, que dans la mesure où ils n’interfèrent pas avec l’accomplissement de l’âme.
2) Être convaincu que je suis à même de connaître les besoins de l’âme de chacun et de tous et par conséquent que j’ai le droit et la compétence de juger à cet égard.
On perd la plus grande partie de l’avantage qu’il y a à être ici si l’on n’est pas convaincu que je peux mieux que quiconque prévoir les conséquences et les résultats des événements et des actes.
Je sais que les gens sont faiseurs d’embarras et déraisonnables. Mais à moins que leur conscience ne change, quoi d’autre pouvons-nous attendre d’eux ?
Les gens sont ici pour changer de conscience. À moins qu’ils ne deviennent, tous autant qu’ils sont, fidèles à leur but, rien de vrai ne pourra être fait.
Il est évident que ceux qui veulent vivre ici doivent changer non pas tant leur manière de vivre que leur manière d’être.
Nous nous efforçons vers une conscience plus profonde, plus totale et plus vraie; car notre raison d’être est de manifester cette conscience.
À quoi cela sert-il d’être un sâdhak si, aussitôt que nous agissons, nous agissons avec l’ignorance de l’homme de la rue?
On attend de nous que nous donnions au monde l’exemple d’une vie meilleure, mais sûrement pas d’une mauvaise conduite.
À partir du moment où l’on mène la vie de l’Ashram et où l’on aborde le yoga, on cesse d’appartenir à toute croyance, toute caste et toute race; on est l’un des disciples de Sri Aurobindo et rien d’autre. Se moquer d’un disciple à propos de son passé est tout à fait déplacé et de mauvais goût, et ne fait que prolonger, à la fois en lui et dans son interlocuteur, une attitude mentale ancienne et fausse.
4 janvier 1929
Quand le danseur X. est venu ici pour Vous voir, beaucoup de sâdhaks se sont attroupés autour de lui et ont insisté pour qu’il danse. Il a répondu qu’il n’avait pas apporté ses costumes. Il n’a pas apprécié le désir des gens de le voir danser. Il m’a dit en confidence que s’il revenait ici il prendrait grand soin de ne pas apporter de costumes. Car il viendrait non pour chercher à paraître, mais pour le yoga !
Il a bien raison. Trop de gens dans l’Ashram oublient qu’ils sont ici pour le yoga.
7 janvier 1938
L’Ashram est fait pour le Yoga, non pour des divertissements musicaux ou autres activités mondaines.
On demande à ceux qui vivent à l’Ashram de vivre tranquillement et sans bruit, et s’ils ne sont pas eux-mêmes capables de méditer, au moins doivent-ils laisser les autres méditer.
Je ne sais qui répand le bruit que je n’aime pas la musique. Ce n’est pas du tout vrai — j’aime beaucoup la musique, mais elle doit être entendue en petit comité, c’est-à-dire jouée devant cinq ou six personnes au plus. Quand il y a une foule cela devient une réunion mondaine, le plus souvent, et l’atmosphère créée n’est pas bonne.
En dehors du fait que l’Ashram n’est pas fait pour ceux qui cherchent à satisfaire leurs désirs d’ordre vital ou sentimental, mais pour ceux qui aspirent à perfectionner leur consécration au Divin, je dois vous avertir qu’ici vous ne devez rien faire qui ne puisse être fait publiquement, car rien ne peut rester caché.
25 avril 1958
Dans l’Ashram il ne faut faire que ce que l’on peut faire publiquement; parce que rien ne reste caché. Quant à ma protection, elle est sur tous également et non pas sur les uns contre les autres.
Il est impossible de donner une seule réponse applicable à tous les cas. Cette réponse variera selon les personnes et les occasions. Mais de toute façon, on peut dire que celui qui vit dans une communauté doit suivre, autant que possible, les règles de cette communauté. De plus, les gens n’ont le droit d’aller à l’encontre des règles de la collectivité que lorsque leurs actions sont inspirées exclusivement par le Divin au-dedans d’eux-mêmes. S’ils agissent et parlent comme ils le feraient en présence du Divin, alors, et alors seulement, ils ont le droit de dire : « Je suis ma propre règle et nulle autre. »
28 janvier 1960
Avec des « sentiments personnels » rien ne peut être fait à l’Ashram.
Élevez-vous au-dessus des sentiments personnels et les portes de la réalisation s’ouvriront.
3 février 1965
Il est grand temps que la paix et l’harmonie règnent à l’Ashram.
(À propos d’un échange de coups entre deux Ashramites.)
Tout cela semble bien être un retour à l’âge des cavernes.
Nous ne souhaitons pas vivre la vie artificielle d’une société civilisée, mais il vaudrait mieux gravir les degrés d’une civilisation plus grande plutôt que de retomber dans la loi des coups.
J’ai fait appeler le « délinquant » pour lui dire que ce genre d’activité n’est pas de mise à l’Ashram, quoique malheureusement elle n’y soit que trop souvent pratiquée; mais je vous envoie cette lettre avant de le voir, pour que vous sachiez qu’il n’est pour rien dans ce que je vous écris.
Mais la seconde partie de la lettre m’a fait voir que, sans légitimer l’agression, car une agression ne peut être légitimée, du moins, votre état d’esprit la motive — j’ai rarement vu un tel étalage de haine et d’envie, de critiques acerbes et de plates moralités provenant de désirs insatisfaits et refoulés.
Tout cela n’est pas très joli et enlève immédiatement la sympathie que l’on pourrait éprouver à cause des coups reçus.
Je vous remercie de me faire souvenir que ma situation me donne des devoirs et des responsabilités, mais il vaut mieux faire appel à la Grâce plutôt qu’à la Justice, parce que si celle-ci s’exerçait, bien peu nombreux seraient ceux qui pourraient se tenir debout devant elle.
Les relations sexuelles sont interdites à l’Ashram.
L’honnêteté exige donc un choix entre l’Ashram et les relations sexuelles. C’est une affaire de conscience.
12 juin 1971
L’Ashram n’est pas un endroit pour être amoureux de qui que ce soit. Si tu veux tomber dans une pareille bêtise, tu peux le faire ailleurs, pas ici.
Nous ne sommes pas ici pour faire de la politique, mais pour servir le Divin.
Sri Aurobindo pense qu’il ne nous est pas possible d’intervenir par télégramme dans une affaire politique de cette nature. Tout au plus pourriez-vous écrire à X. pour lui faire part de votre opinion personnelle sur la meilleure conduite à suivre dans ces circonstances douloureuses et difficiles.
Avec notre amour et nos bénédictions.
24 février 1939
J’ai reçu la lettre de X. Tu peux lui écrire : « Il est absolument hors de question que quiconque associé à l’Ashram intervienne dans des activités politiques quelles qu’elles soient. » Il ne doit pas aller voir Y. (ce serait inutile de toute façon). S’il allait le voir et que Y. nous en parlait, nous serions obligés de désavouer sa démarche et de dire qu’elle n’a pas reçu notre approbation.
Sri Aurobindo et moi nous opposons à ce que qui que ce soit, ici, corresponde avec X. et surtout en reçoive de l’argent, parce qu’en dépit du fait qu’il a vécu quelques mois ici, nous ne savons rien de lui, sauf le peu que lui-même nous en a dit.
D’après certaines observations qu’il a faites en passant, il semble qu’il soit violemment pro-nazi et ne s’en cache pas, et toute relation avec lui pourrait, en ces temps troublés, attirer de sérieux ennuis à l’Ashram.
25 juin 1940
Ce matin de bonne heure, votre mental est venu me trouver et m’a posé quelques questions auxquelles j’ai répondu. J’ai noté les questions et les réponses, afin que votre conscience extérieure puisse en tirer profit.
« Pourquoi n’êtes-vous pas en colère contre le Gouvernement britannique quand il agit d’une telle façon contre les intérêts de l’Ashram? »
Pourquoi être en colère? C’est tellement naturel qu’ils agissent ainsi, puisque c’est dans leur intérêt et qu’ils en ont le pouvoir.
« Mais ce n’est ni juste ni charitable! »
Quand avez-vous vu un gouvernement être juste et compatissant? Dans leurs agissements extérieurs ils sont tous les mêmes.
« Mais alors pourquoi prenez-vous parti pour l’un contre l’autre? »
C’est une tout autre histoire et cela dépend du jeu des forces qui agissent sous la surface. Certaines forces travaillent pour le Divin, d’autres sont tout à fait antidivines dans leurs visées et leur but.
Si les nations ou les gouvernements, qui sont des instruments aveugles des forces divines, étaient aussi parfaitement purs et divins dans leur façon de penser et d’agir que dans l’inspiration qu’ils reçoivent avec tant d’ignorance, ils seraient invincibles parce que les forces divines sont elles-mêmes invincibles. C’est le mélange inhérent à la manifestation extérieure qui donne à l’Asura le droit de leur infliger une défaite.
C’est facile d’être un instrument efficace des forces âsouriques, parce qu’elles s’emparent de tous les mouvements de votre nature inférieure et en font usage, si bien que vous n’avez aucun effort spirituel à faire.
Inversement, pour devenir un bon instrument de la force divine vous devez vous purifier parfaitement, car c’est seulement dans un instrument intégralement divinisé que la Force Divine peut agir avec toute sa puissance et toute son efficacité.
4 juillet 1940
Le monde est aujourd’hui dans une situation critique. Le destin de l’Inde est en jeu. À une certaine époque, l’Inde était absolument en sécurité. Il n’y avait aucun danger qu’elle soit victime d’une agression âsourique. Mais les choses ont changé. Les gens et les forces, en Inde, ont agi de telle façon qu’ils ont attiré sur elle les influences âsouriques : ces influences ont travaillé insidieusement et miné la sécurité qui y régnait.
Si l’Inde est en danger, Pondichéry ne peut pas espérer rester en dehors de la zone de danger. Pondichéry partagera le destin du reste du pays. La protection que je peux donner n’est pas inconditionnelle. Il est vain d’espérer qu’en dépit de tout, la protection sera là sur tous. Ma protection est là si les conditions sont remplies. Il va sans dire que toute sympathie ou tout appui pour les Nazis (ou l’un quelconque de leurs alliés) brise automatiquement le cercle de protection. En dehors de ce facteur extérieur évident, certaines conditions psychologiques plus fondamentales doivent être remplies. Le Divin ne peut donner protection qu’à ceux qui sont fidèles de tout leur cœur au Divin, qui vivent vraiment dans l’esprit de la sâdhanâ et qui gardent leur conscience et leurs préoccupations fixées sur le Divin et sur le service du Divin. Le désir, par exemple, l’attachement à ses goûts et à ses commodités, tous les mouvements d’hypocrisie, d’insincérité, de mensonge, sont de grands obstacles qui empêchent le Divin d’exercer sa protection. Si vous cherchez à imposer votre volonté au Divin, c’est comme si vous appeliez une bombe à tomber sur vous. Je ne dis pas que les choses arriveront nécessairement de cette façon, mais il est très probable qu’elles arriveront si les gens ne deviennent pas conscients et strictement vigilants et s’ils n’agissent pas dans le véritable esprit d’un chercheur spirituel. Si l’atmosphère psychologique reste la même ici que dans le monde extérieur, aucun mur de sécurité ne pourra s’opposer à l’entrée des Forces obscures qui, au-dehors, œuvrent pour soumettre le monde aux épreuves du danger, de la souffrance et de la destruction.
25 mai 1941
On vient de me mettre au courant du bruit si stupide que vous avez fait courir hier, et je dois vous demander de ne plus recommencer une chose pareille. Toute cette histoire, c’est bien compris, est ridicule et si fausse qu’elle ne contient pas un brin de vérité. Mais les gens sont tellement stupides qu’ils sont prêts à croire n’importe quoi et, en tout cas, à répéter n’importe quoi; et si jamais il était dit que l’Ashram répand de tels bruits, cela nous attirerait les ennuis les plus désagréables et même les plus dangereux.
Je suis sûre que vous comprendrez ce que je veux dire et je vous envoie mon amour et mes bénédictions.
11 février 1946
Je vous l’ai déjà dit : de telles manœuvres politiques ne doivent pas provenir de l’Ashram; cela pourrait nous valoir une montagne d’ennuis.
Dans le cas du présent imbroglio, je vous demande d’être fidèle à votre foi en Sri Aurobindo et en moi et de nous laisser la responsabilité de la destinée de X. Si de par la vérité de son être il doit être libéré, il le sera sûrement.
14 février 1946
Nous l’avons dit et répété, tout esprit de clocher est tout à fait déplacé à l’Ashram et ne saurait être toléré.
Je regrette de dire que la réunion d’hier a fait montre de la tendance la plus étroite et la plus stupide à cet esprit de clocher, ce qui m’oblige à mettre fin de façon fort désagréable à de telles rencontres.
1er avril 1946
Sri Aurobindo s’est retiré de la politique et, dans son Ashram, une des règles les plus importantes est de s’abstenir de toute politique — non pas parce que Sri Aurobindo s’est désintéressé des événements mondiaux, mais parce que la politique, telle qu’elle est pratiquée, est une chose basse et laide, entièrement dominée par le mensonge, la tromperie, l’injustice, l’abus de pouvoir et la violence; parce que pour réussir dans la politique il faut cultiver en soi l’hypocrisie, la duplicité et l’ambition sans scrupule.
La base indispensable à notre yoga est la sincérité, l’honnêteté, l’absence d’égoïsme, le don de soi désintéressé à l’œuvre à accomplir, la noblesse de caractère et la droiture. Ceux qui ne pratiquent pas ces vertus élémentaires ne sont pas des disciples de Sri Aurobindo et leur place n’est pas à l’Ashram. C’est pourquoi je refuse de répondre aux accusations imbéciles et sans fondement qui sont formulées contre l’Ashram par des esprits pervertis et mal intentionnés.
Sri Aurobindo a toujours aimé profondément sa Mère Patrie, mais il l’a voulue grande, noble, pure et digne de sa grande mission dans le monde. Il n’accepte pas qu’elle se ravale au niveau sordide et grossier des intérêts aveugles et des préjugés ignorants. C’est pourquoi, en plein accord avec sa volonté, nous élevons bien haut l’étendard de la Vérité, du progrès et de la transformation humaine, sans nous soucier de ceux qui, par ignorance, stupidité, envie ou mauvaise volonté, s’efforcent de le salir et veulent le traîner dans la boue. Nous le dressons très haut afin que ceux qui ont une âme puissent le voir et s’assembler autour de lui.
25 avril 1954
Il est important et urgent que les membres de votre Parti de l’Unité s’élèvent à un niveau de conscience plus haut et cessent ces manœuvres politiques mesquines qui consistent à s’en prendre aux personnes. Ils doivent apprendre à se battre pour la Vérité et la Réalisation Divine et non contre un parti politique. Du point de vue du Divin, il y a une vérité dans toute conviction sincère. C’est au cours de l’application mentale et pratique dans la vie et l’action que le mensonge apparaît et déforme tout. Pour tous ceux qui sont plus ou moins associés à l’Ashram et veulent baser leur action sur l’enseignement de Sri Aurobindo et sur le mien, l’heure est venue de s’abstenir de ces mouvements inférieurs de polémique politicienne et de demeurer sur les hauteurs de l’esprit.
J’attends de vous que vous preniez immédiatement les dispositions nécessaires dans ce sens.
31 janvier 1955
Il est bien entendu que l’Ashram ne fait pas de politique et ne s’intéresse pas aux élections.
25 juin 1955
La politique est en plein mensonge, et nous n’avons rien à voir avec elle.
Les hommes se servent de la moralité comme d’un bouclier pour se protéger de la Vérité.
Seule la Volonté Divine est justifiable. Et c’est cela que les hommes, dans toutes leurs actions, travestissent et déforment.
Certains, qui voient les choses d’une manière superficielle, pourraient se demander comment il se fait que l’Ashram, qui existe dans cette ville depuis tant d’années, n’est pas aimé de la population.
La première réponse qui vient à l’esprit, c’est que tous ceux qui, dans cette population, sont d’un niveau plus élevé, par la culture, l’intelligence, la bonne volonté et l’éducation, ont non seulement bien accueilli l’Ashram, mais aussi exprimé leur sympathie, leur admiration et leurs bons sentiments. À Pondichéry, l’Ashram a beaucoup de partisans et d’amis sincères et fidèles.
Cela dit, notre position est claire.
Nous ne luttons contre aucune croyance, aucune religion.
Nous ne luttons contre aucune forme de gouvernement.
Nous ne luttons contre aucune caste, aucune classe sociale.
Nous ne luttons contre aucune nation, aucune civilisation.
Nous luttons contre la division, l’inconscience, l’ignorance, l’inertie et le mensonge.
Nous nous efforçons d’établir sur terre l’union, la connaissance, la conscience, la vérité; et nous luttons contre tout ce qui s’oppose à l’avènement de cette création nouvelle de Paix, de Vérité et d’Amour.
16 février 1965
Lorsque l’Ashram a été attaqué [en 1965], j’ai essayé d’être confiant et paisible, en vous appelant à l’aide. N’était-ce pas dissimuler ma timidité sous un manteau ?
Ne mets jamais en doute une telle expérience. C’est exactement l’état dans lequel tous auraient dû se trouver, celui que j’ai essayé de faire descendre sur l’Ashram, et s’il avait été partagé par tous, rien n’aurait pu arriver, les attaques les plus violentes auraient été vaines.
1965
Mère est avec tous ceux qui sont sincères et aspirent à une vie divine au-dessus de tout parti et de toute politique.
Chacun porte en soi une capacité de bonheur qui lui est propre, mais je suis convaincue que ceux qui ne peuvent être heureux ici ne peuvent l’être nulle part.
14 avril 1936
Les gens doivent être heureux quand ils sont ici, sinon ils ne peuvent pas tirer pleinement profit de l’occasion exceptionnelle qui leur est donnée.
Je suis toujours heureuse d’accueillir et d’aider ceux qui souhaitent l’harmonie et la concorde et qui sont prêts à corriger leurs erreurs et à progresser. Mais je ne puis être d’aucune aide à ceux qui rejettent la faute sur les autres, car ils sont incapables de voir la vérité et d’agir en conséquence.
Mais il va sans dire que ceux qui sont ici et sont prêts à faire face à quelques difficultés pour y rester, seront toujours les bienvenus
Vous avez répondu à l’accueil confiant qui vous était fait par une attitude arrogante et incompréhensive, jugeant tout du point de vue d’une moralité ignorante et présomptueuse qui ne pouvait que vous aliéner les sympathies qui étaient spontanément venues vers vous comme elles vont à tous ceux qui arrivent ici en quête de vie spirituelle. Mais pour profiter du séjour ici, un minimum d’humilité mentale et de générosité d’âme est indispensable.
Ceux qui se sentent malheureux ici et trouvent qu’ils n’ont pas le confort nécessaire ne devraient pas rester. Dans notre situation, nous ne pouvons pas faire mieux, et après tout, notre but n’est pas d’offrir aux gens une vie confortable, mais de les préparer à une Vie divine, ce qui est une tout autre histoire
Ce n’est sûrement pas pour trouver le confort et le luxe que les gens viennent s’établir ici — avec un peu de chance on peut trouver cela partout. Mais ce qu’on peut trouver ici, qu’on ne trouve nulle part ailleurs, c’est l’Amour divin, la Grâce et la Sollicitude. Quand les gens oublient cela, ou n’en tiennent plus compte, ils commencent à se sentir malheureux. En vérité, chaque fois que quelqu’un se sent malheureux et mécontent, c’est un signe certain qu’il tourne le dos à ce que le Divin lui donne sans cesse et s’est égaré dans une quête de satisfactions ordinaires.
13 janvier 1947
En dépit de ce que croient les hommes dans leur ignorance, ce sont les vibrations intérieures qui déterminent les événements extérieurs.
La plupart de ceux qui vivent à l’Ashram oublient trop facilement qu’ils ne sont pas ici pour mener une vie tranquille et agréable, mais pour faire la sâdhanâ. Et pour faire la sâdhanâ, une certaine maîtrise de ses mouvements intérieurs est indispensable
1er octobre 1959
Seuls ceux qui viennent ici pour la sâdhanâ et veulent vraiment faire la sâdhanâ, peuvent être heureux ici. Les autres ont constamment des ennuis parce que leurs désirs ne sont pas satisfaits.
2 octobre 1959
Si vous voulez être heureux ici, il faut que vous veniez avec la volonté de faire le yoga de la perfection de soi; parce que si vous ne venez pas pour cela, vous serez à chaque moment choqué par des choses qui sont contraires à vos habitudes et aux principes de la vie ordinaire, et il ne vous sera pas possible de rester ici, parce que ces choses sont nécessaires aux travaux et à l’organisation ici et qu’elles ne peuvent pas être changées.
30 septembre 1960
Nous ne sommes pas ici pour que notre vie devienne facile et confortable, nous sommes ici pour trouver le Divin, pour devenir divins, pour manifester le Divin.
Ce qui nous arrive est l’affaire du Divin, ce n’est pas notre affaire.
Le Divin sait mieux que nous ce qui est bon pour le progrès du monde et pour nous.
19 août 1967
Ici le bon sens est indispensable et le yoga intégral est basé sur l’équilibre, le calme et la paix et non pas sur un besoin malsain de souffrir.
12 mai 1969
Sri Aurobindo a dit que le physique devrait être inclus dans le yoga au lieu d’être rejeté ou négligé. Alors, presque tous ceux qui sont ici ont cru qu’ils faisaient le yoga du corps et sont devenus la proie de leurs « besoins » physiques et de leurs désirs.
Pour parler franc, je préfère une erreur de ce genre à celle des prétendus ascètes qui sont pleins de mépris, de malveillance et de dédain pour les autres.
Je n’ai pas le temps de dire tout ce que l’on pourrait dire sur ce sujet.
Vous dites que vous sentez que vous êtes retourné à votre ancienne vie et que vous êtes tombé de l’état de conscience spirituelle où vous vous étiez trouvé pendant quelque temps. Et vous demandez si cela provient de ce que Sri Aurobindo et moi avons retiré notre protection et notre aide parce que vous avez été incapable de remplir votre promesse.
C’est une erreur de croire que quoi que ce soit vous ait été retiré par nous. Notre aide et notre protection sont avec vous comme toujours mais il serait plus juste de dire que toutes deux : votre incapacité de sentir notre aide et votre incapacité de tenir votre promesse, sont les effets simultanés d’une même cause.
Souvenez-vous de ce que je vous ai écrit lorsque vous êtes allé chercher votre famille à Calcutta : ne laissez aucune influence intervenir entre vous et le Divin. Vous n’avez pas suffisamment tenu compte de cet avertissement : vous avez laissé une influence s’interposer très fortement entre vous et votre vie spirituelle; votre dévotion et votre foi en ont été gravement ébranlées. À la suite de cela vous avez eu peur et vous n’avez plus trouvé la même joie dans votre offrande à la Cause Divine; et aussi vous êtes, tout naturellement, retombé dans votre conscience ordinaire et votre vie passée.
Vous avez raison pourtant de ne pas vous laisser décourager. Quelle que soit la chute il est toujours possible non seulement de se relever, mais aussi de monter plus haut et d’atteindre le but. Seules une forte aspiration et une constante volonté sont nécessaires.
Il faut prendre une ferme résolution de ne rien laisser intervenir dans votre ascension vers la Réalisation Divine. Et alors le succès est certain.
Avec l’assurance de notre protection et de notre aide invariable.
3 février 1931
Mère, ma mère physique veut venir ici. Si elle veut venir ici pour moi, ce ne sera bon ni pour moi ni pour elle. Si elle a soif du Divin c’est une autre chose.
Mère, sa soif est-elle vraie? Que penses-Tu à ce sujet?
Je crois vraiment que si tu n’étais pas ici, elle ne songerait jamais à venir ici. C’est surtout toi qu’elle veut voir et, comme tu le dis fort bien, ce n’est bon ni pour toi ni pour elle. Il vaut donc mieux qu’elle ne vienne pas.
Mes bénédictions sont toujours avec toi.
Elle peut essayer de faire le yoga, mais pour cela son intention doit être pure, car si elle décide de faire le yoga pour vous rejoindre ici, rien de bon ne peut en sortir.
25 juin 1932
Je suis perplexe. Mon cœur m’attire vers vous et je veux revenir. Mais certaines choses me retiennent ici et je crois qu’elles vont continuer à m’attirer, même si je reviens maintenant. Que dois-je faire? Mais, je vous en prie, que je vienne maintenant ou non, sachez que je ne pourrai jamais me détacher de vous. Je vous en prie, ne m’abandonnez pas.
Mon cher enfant, bénédictions du jour... Je reçois à l’instant votre lettre du 21 ; elle m’est parvenue directement (sans mots écrits) il y a trois jours, sans doute au moment où vous étiez en train de l’écrire, et ma réponse silencieuse a été catégorique : restez là-bas jusqu’à ce que le besoin d’être ici devienne si irrésistible que tout le reste perde sa valeur à vos yeux. Ma réponse aujourd’hui est exactement la même. Je veux seulement vous assurer que nous ne vous abandonnons pas et que vous aurez toujours notre aide et notre protection.
24 avril 1939
Je suis tout à fait prête à déverser ma grâce sur X., mais il ne me paraît pas souhaitable qu’il vienne ici. Je ne crois pas qu’un « darshan » d’une minute et demie puisse changer ce genre d’habitudes. Nous en avons déjà fait cruellement l’expérience, elles résistent même à une ouverture du psychique. Il doit avoir d’abord la volonté sincère de changer.
16 janvier 1940
Nous ne pensons pas que le moment soit venu pour vous de demeurer en permanence à l’Ashram. Il vaut mieux que vous veniez de temps en temps pour le darshan et que vous vous prépariez. Lorsque vous serez suffisamment préparé, vous pourrez vous installer en permanence.
Vous pouvez être assuré de notre aide, et notre amour et nos bénédictions seront avec vous.
24 février 1941
Sri Aurobindo me demande de vous dire qu’il vaut mieux que vous ne veniez pas à l’Ashram dans l’immédiat. Le Yoga est difficile et s’y plonger sans préparation pourrait le rendre encore plus difficile. Vous devriez d’abord lire et comprendre « La Vie Divine », vous assurer que votre résolution repose sur des bases solides et que votre mental et votre vital sont prêts à aborder une nouvelle vie intérieure.
Notre aide sera toujours avec vous ainsi que nos bénédictions.
Je viens de recevoir votre lettre et de la lire. Voici ma réponse.
Votre nature est telle que vous voudrez toujours être là où vous n’êtes pas. Vous êtes attiré par la vie de l’Ashram parce que vous en êtes éloigné. Dès que vous serez ici, vous serez de nouveau agité et repris par l’envie de fuir. Comme l’a dit Râmakrishna, mieux vaut être loin du Guru et constamment penser à lui que de rester près du Guru et de ne penser qu’aux plaisirs de ce monde.
Quand vous vous serez élevé au-dessus de cet état et que vous aurez trouvé en vous votre être psychique et son aspiration sincère et constante pour le Divin, ce sera le moment de revenir et de vous établir ici pour de bon
10 juin 1949
Il est vrai que j’ai pardonné à X., car la Grâce Divine pardonne tout, mais il est vrai aussi que la venue, ici, de la femme et des enfants de X., est absolument hors de question, pour beaucoup de raisons dont une suffit : rien n’est plus contagieux que le mauvais exemple et je ne puis permettre la répétition d’événements si regrettables.
6 juin 1954
Vous avez commis une erreur qui est la cause de tous ces ennuis. Avant de partir, vous auriez dû me parler en toute franchise et me dire que vous seriez obligé d’épouser cette jeune fille pour pouvoir l’amener ici. Je vous aurais peut-être conseillé d’essayer d’échapper à cette obligation désagréable; mais de toute façon la nouvelle de votre mariage n’aurait pas causé un choc ni suscité un tel scandale.
Maintenant, mieux vaut attendre que X. soit guéri et l’amener avec vous; cela donnera au moins aux Ashramites une preuve de votre sincérité.
Nous avons préparé un logement pour Y. et son petit garçon, et vous devrez vivre séparés.
Que cette expérience vous apprenne qu’une franchise pleine de courage et de droiture est toujours le meilleur moyen de faire face aux difficultés.
5 février 1955
Où est votre foi en le Divin? Parce que vous avez foi en le Divin, vous devriez vous réjouir que X. ait reçu l’appel intérieur et décidé de mener la vie divine; ce signe de la Grâce Divine devrait vous rendre heureux, et vous devriez en ressentir de la reconnaissance.
Faites face aux difficultés familiales avec tranquillité et bonne humeur; vous saurez alors que mon amour et mes bénédictions sont avec vous.
20 février 1955
Mes chers enfants,
J’ai reçu votre lettre et je suis sensible à votre résolution. Mais à cause des difficultés que vous avez éprouvées pendant votre séjour à l’Ashram, il me paraît plus souhaitable que vous attendiez quelque temps pour voir si vous pouvez vous fier à votre résolution de vous joindre à l’Ashram. Il vaudrait mieux maintenant que vous quittiez l’Inde, si vous ne pouvez pas y rester. Si, au bout de quelque temps, vous vous apercevez que votre résolution tient toujours, alors écrivez-moi de nouveau et tâchez de venir, non pas avec un visa de tourisme, mais avec un visa d’études ou d’enseignement.
Si c’est la vérité, elle ne s’éteindra pas, quelles que soient les circonstances qui s’y opposent.
Que les bénédictions de la Grâce soient toujours avec vous.
3 juin 1957
Je suis désolée, mais pour le moment nous ne sommes pas en mesure d’accroître le nombre de nos résidents. C’est déjà difficile de s’en sortir avec ceux qui sont là — les seules exceptions concernent le très petit nombre de ceux qui pourraient venir en réponse à un appel authentique pour la sâdhanâ.
1er août 1959
(À quelqu’un qui voulait faire venir sa famille à l’Ashram.)
C’est bien gentil, je voudrais bien « abriter » le monde entier, ou du moins tous ceux qui aspirent à une vie meilleure. Mais nous manquons de place et de moyens.
Que la ville s’étende et que nos moyens s’accroissent, et notre hospitalité aussi s’élargira
Est-ce que mes enfants, dont vous avez vu les photos, pourront venir ici un jour? Puis-je avoir votre protection pour eux ?
Mes bénédictions sont assurément avec tous les trois. Quant à venir ici, il n’est pas certain que les deux aînés voudront venir — ce devra être de leur propre gré. La troisième est encore un peu trop jeune pour en dire quelque chose de certain — mais elle promet.
24 mars 1966
Tu demandes si tu pourras conserver la même relation avec moi si tu demeures au loin plus longtemps. Eh bien, cela dépendra sûrement de la longueur de ton absence.
Parce que, peu à peu, tu oublieras que tu as (ou que tu avais) un être vrai et tu auras tellement l’habitude d’être une personne « attentionnée », « pleine de tact » et « raisonnable » que tu n’imagineras pas pouvoir être autrement.
En tout cas, tu dois prendre la décision toi-même; ni tes parents, ni moi ne pouvons décider à ta place. Pas plus que moi ils n’ont le droit d’intervenir dans ta destinée. Je peux seulement dire une chose : si jamais il t’arrive de te dégoûter d’être une personne attentionnée, pleine de tact et raisonnable, sauve-toi de là, vite, sans hésitation, et reviens ici. Je te rendrai ton vrai moi.
Il est en effet indispensable que quelque chose change radicalement dans votre nature avant que vous soyez apte à rester ici. Vous êtes bien trop égocentrique pour mener une vie spirituelle; et c’est aussi la cause de cette catastrophe et de la souffrance qu’elle vous a apportée, et qui est la conséquence logique de toute cette affaire. Vraiment, il serait bon que vous partiez maintenant affronter la vie ordinaire et que vous appreniez à vivre avec les autres et pour les autres, au lieu de prendre prétexte de la vie de l’Ashram pour vivre en égoïste pour vous-même.
Chacun a le droit de suivre la voie qu’il s’est choisie, mais ce doit être au bon endroit, et de toute évidence l’Ashram n’est pas l’endroit où vous pouvez suivre la voie que vous avez choisie.
Je ne vous conseille pas de partir. Quant à X., eu égard aux circonstances que vous décrivez, il vaudrait mieux pour elle, au lieu de partir, que quelqu’un vienne ici pour l’aider. Pouvezvous arranger cela ?
25 février 1939
Je n’étais guère d’accord avec le départ de X., mais pour le vôtre je ne suis pas d’accord du tout, et je ne comprends pas pourquoi il vous faudrait abandonner votre travail, interrompre votre sâdhanâ et la mettre en danger, parce qu’elle choisit de retourner dans son village.
Je ne trouve pas que cette décision soit bonne ni juste, ni pour vous, ni pour votre aspiration spirituelle, aussi j’espère que vous l’examinerez sous cet angle et que vous la réviserez.
3 mai 1939
Je ne veux certainement pas vous rendre malheureux et si votre conscience vous tiraille au point que vous ne puissiez pas le supporter, je ne peux pas vous empêcher de partir.
4 mai 1939
Si vous êtes convaincu qu’un séjour au lieu de votre naissance soulagera votre corps, je ne peux pas vous refuser mon autorisation. Vous pouvez vous mettre en route le 1er juin comme vous le suggérez
30 mai 1939
Il paraît que le docteur X. a exprimé le désir d’emmener les peintres de l’Ashram au fort de Gingi. Pour ma part, je désire vous faire savoir que je n’ai pas très envie d’y aller. J’en aurais envie seulement si vous pensez qu’il est bon pour moi d’y aller, et que vous le souhaitez. Ce n’est pas pour moi une question de désir. Je souhaite toujours faire ce qui vous plaît, aussi je vous demande votre avis et souhaite que vous me fassiez connaître votre opinion sans réserve ni hésitation. J’éprouve plus de plaisir à vous satisfaire et à suivre vos instructions qu’à satisfaire un désir.
Pranâm.
Il vaut mieux ne pas y aller; ce genre d’excursion n’est pas très favorable à la vie spirituelle.
24 décembre 1940
Les raisons invoquées par X. ne sont pas très convaincantes. Mais si son désir de partir persiste à ce point, elle peut s’en aller — vous avez tout à fait raison de penser que vous ne devriez pas partir.
Mes bénédictions.
5 mai 1941
Vous pouvez aller voir votre père — mais je voudrais que vous partiez seulement lorsque l’école fermera, c’est-à-dire après le 2 décembre et que vous soyez rentré avant le 1er janvier quand l’école rouvrira — car il ne faut pas négliger les cours.
J’ai du mal à comprendre comment X. qui s’est immergé dans le yoga pendant tant d’années, que vous considériez comme étant de l’étoffe des saints, a pu s’éloigner peu à peu de vous et tomber hors de la vie yoguique.
Votre psychologie est faussée par un excès de simplification. Vous accordez une importance exagérée à un aspect de la question en faisant abstraction du reste. Une personne peut posséder certaines qualités sans être parfaite; et dans le subconscient se trouve l’inverse. Si l’on ne prend pas soin d’éliminer cette contradiction, à n’importe quel moment, sous la pression des circonstances, ce qui est dans le subconscient peut surgir avec force et provoquer un effondrement, ce qu’on appelle une chute hors du Yoga.
30 novembre 1943
Si quelqu’un que vous avez déclaré être par nature un « saint » peut s’éloigner de la vie yoguique après tant d’années, je ne puis m’empêcher d’être vraiment triste et découragé.
Je pourrais vous faire remarquer que rien d’irrémédiable ne s’est produit. Bien entendu, plus on se sera écarté du chemin, plus la conversion pour y revenir devra être radicale; mais un retour est toujours possible.
22 décembre 1943
La Mère sait sûrement qu’une certaine personne est du genre à se rebeller ou à végéter, et en tout cas, à quitter l’Ashram. Sachant cela, pourquoi lui a-t-elle permis de rester à l’Ashram pendant plusieurs années? Pourquoi ne lui dit-elle pas que son séjour est inutile ou qu’elle peut partir quand elle veut?
Parce qu’on donne à chacun toutes ses chances et qu’il peut toujours se produire une ouverture inattendue et une conversion.
24 juin 1958
J’ai bien reçu votre lettre et je l’ai lue.
Il vaudrait mieux éclaircir quelques points.
Premièrement, il n’est jamais sage de s’attendre à de la gratitude de la part des gens, surtout de la part des domestiques.
Deuxièmement, lorsque celui qui plaisante est seul à s’amuser, c’est ce qu’on appelle une mauvaise plaisanterie.
Enfin, il n’est pas nécessaire d’attacher de l’importance aux opinions des gens, parce qu’elles sont seulement le résultat passager d’impressions passagères; d’autres circonstances et de nouvelles impressions les changeront facilement.
Mais pour ramener le calme, je crois qu’il serait plus sage pour vous de changer de logement et de laisser le temps atténuer la tension.
Je dois toutefois ajouter que si vous vous sentez malheureux ici et que l’atmosphère est trop difficile à supporter, je ne peux en aucune façon vous demander de rester en dépit de cette épreuve.
7 octobre 1959
Je ne vois aucune utilité à ce que vous alliez à Tiruvannamalaï excepté si vous aimez le tourisme.
5 septembre 1964
Mère divine,
Dois-je retourner en Amérique et organiser là-bas la collecte des fonds et la diffusion du Yoga pour vous et Sri Aurobindo ? Ou bien est-ce simplement mon vital agité qui parle? Je ne souhaite pas me dérober au combat ici, si tel doit être mon rôle. Mais j’ai depuis peu le sentiment que ma place est peut-être en Amérique.
Alors, ce que je demande en réalité, c’est : quel est mon rôle et où le jouer?
Il serait infiniment préférable pour le travail et pour vous-même que vous restiez ici.
30 mai 1966
Tu es mon fils et je suis ta mère pour l’éternité.
Ne te fais aucun souci, je prends l’entière responsabilité de ton développement spirituel et tu peux vivre à l’Ashram du moment que tu t’y sens chez toi et que tu te consacres sincèrement à l’Œuvre Divine.
13 décembre 1966
Le chemin n’est pas facile.
Seuls peuvent rester ici ceux qui sentent profondément, audedans d’eux-mêmes, que c’est ici le seul endroit au monde où ils peuvent vivre.
Ce sentiment peut — et doit — venir en toi, mais en attendant il vaut mieux retourner dans le monde et voir ce qu’il a à t’offrir.
Je serai toujours avec toi dans ton aspiration à un avenir plus vrai.
3 juillet 1968
Ici se trouve le plus grand champ d’expérience possible, puisqu’il s’étend des activités les plus matérielles jusqu’aux régions les plus spirituelles en couvrant tous les plans intermédiaires.
Par conséquent, si vous sentez le besoin de partir d’ici pour faire « votre expérience d’homme », comme vous dites, c’est que vous voulez avoir la liberté de faire toutes les bêtises que vous avez envie de faire, sans être sous le contrôle direct d’une conscience de vérité qui vous montrerait que ce sont des sottises.
Les expériences véritables qui doivent être faites pour le progrès individuel, ne dépendent pas des circonstances ni du milieu dans lequel on vit, mais de l’attitude intérieure et de la volonté de progrès.
Si tu veux trouver ton âme, la connaître et lui obéir, reste ici à tout prix.
Si ce n’est pas le but de ta vie et que tu es prête à vivre la vie de l’immense majorité des hommes, tu peux certainement retourner dans ta famille.
X. voudrait savoir si elle peut choisir cette vie ou si elle doit se contenter de la vie ordinaire.
Le fait qu’elle se trouve ici prouve qu’il y a une aspiration quelque part dans son être et avec de l’aide, cette aspiration pourra se répandre dans l’être tout entier.
Pour répondre à votre question, « où est ma place? », le monde est plein de gens comme vous, aussi vous trouveriez bien votre place dans ce monde, si — car il y a un si — vous n’étiez pas divisé contre vous-même. La cause de tous vos ennuis vient de ce que vous ne vous entendez pas avec vous-même, ou plutôt votre être extérieur et ses actes ne s’accordent pas du tout avec votre âme, et comme votre âme est assez éveillée, c’est ce conflit qui vous pose un problème.
Une fois qu’on a une âme éveillée, il n’est pas facile de s’en débarrasser. Alors mieux vaut obéir à ses ordres.
Je ne puis mieux vous aider que par ce conseil.
Se pourrait-il que vous soyez impatient parce que vous croyez avancer lentement?
Êtes-vous agité et impatient de goûter bientôt les fruits de vos efforts?
De plus, je ne vois pas comment le fait de vous replonger — ne serait-ce que pendant quelques semaines — dans cette atmosphère qui est précisément la cause de la croûte épaisse dont votre âme doit percer la surface pour se faire sentir extérieurement, pourrait vous aider le moins du monde à vous débarrasser des « obstacles tenaces ».
Vous êtes bien conscient de l’aspiration et du but de votre âme; vous êtes bien conscient de ce que veut votre âme et de ce qu’elle attend de vous à l’avenir. Seules les conséquences de cette formation physique actuelle font obstruction. Alors c’est seulement par un travail soutenu et patient sur ces obstacles que la difficulté sera résolue.
Aussi, du point de vue du yoga, « prendre des vacances » serait « abdiquer » devant l’obstination de la résistance. Pour moi cela est tout à fait clair.
Mais êtes-vous bien sûr que ce n’est pas le souvenir d’un attachement, tapi dans quelque coin du mental, qui vous fait réagir, à votre insu, à l’insistance d’une pression venue de l’extérieur? Dans ce cas il faudrait examiner le problème sous un autre angle.
Il est évident que ton être intérieur n’est pas très fort et qu’il n’a pas le pouvoir de contrebalancer l’influence pernicieuse d’un entourage plein de doutes stériles, de pessimisme défaitiste, d’égoïsme et d’infidélité.
Notre chemin n’est pas facile, il exige un grand courage et une endurance inlassable. Il faut beaucoup travailler et faire de grands efforts de tranquille stabilité pour obtenir des résultats parfois très peu perceptibles extérieurement.
Il y a beaucoup d’êtres humains qui ont besoin de se rouler dans la boue pour sentir la nécessité de se nettoyer.
Si le désir est trop persistant pour que tu aies la force de le surmonter, demande aux gens que tu connais de te trouver une position (ce n’est généralement pas trop difficile pour les jeunes gens qui sortent de l’Ashram) et va faire face à la vie ordinaire jusqu’à ce que tu apprennes la vraie valeur de la vie que tu auras quittée.
Il faut de l’héroïsme pour être un précurseur; car en général, les hommes n’ont foi que dans ce qui est déjà accompli, évident, visible et reconnu même par les plus sceptiques.
Je regrette de vous voir partir et j’espérais que ce ne serait pas nécessaire. Mais si vous vous sentez si malheureux et si peu sûr de vous-même, mieux vaudrait partir pour quelque temps et recouvrer votre équilibre. Je laisserai la porte ouverte et aussitôt que vous serez assez fort, vous reviendrez.
Mes bénédictions sont avec vous et seront toujours avec vous.
Et si, la prochaine fois, vous pouvez venir pour le yoga et mener la vie divine, alors tout deviendra facile.
Heureuse si votre séjour ici a pu élargir votre vision, votre compréhension et approfondir votre conscience.
Je comprends vos sentiments au sujet de ce qu’un sâdhak devrait être et, de ce point de vue, ce que vous dites est tout à fait vrai. Mais il est bien entendu que l’Ashram n’est pas composé exclusivement de sâdhaks. L’Ashram est une représentation en miniature de la vie, où ceux qui pratiquent le yoga sont une minorité, et si je ne devais garder ici que ceux qui sont absolument sincères dans leur sâdhanâ, il en resterait en vérité bien peu.
Sri Aurobindo nous rappelle toujours que le Divin est partout et en toutes choses, et nous demande de pratiquer une compassion véritable, comme l’exprime si bien cet aphorisme que j’étais justement en train de commenter : « Examine-toi sans pitié, alors tu seras plus charitable et plus compatissant envers les autres. »
Et à la lumière de tout cela, je dois vous demander de laisser X. venir voir sa mère qui l’aime tendrement et qui serait très malheureuse d’être privée de ses visites.
Quant à son travail, c’est une affaire entre lui et moi, et je sais que nous arriverons à une solution satisfaisante.
Aussi, une fois de plus, je dois vous demander d’être en paix et de faire confiance à la Grâce et à la Sagesse Divines.
26 janvier 1962
La proximité du cœur et des sentiments est beaucoup plus forte et vraie que la proximité des corps.
Aimez vraiment votre mère et vous la laisserez partir pour l’Amérique sans chagrin ni souffrance, en sachant que la terre est petite et que l’amour est vaste.
22 juillet 1968
Certainement, nous sommes tes vrais parents, et tu n’as de vrai devoir qu’envers le Divin.
Laisse les ignorants parler selon leur ignorance et conserve en toi la lumière, la connaissance et la paix de la Conscience Divine.
Je suis heureuse que vous preniez tout ce « drame » comme il le mérite, c’est-à-dire avec humour.
Ils vous appellent « réfugiés », mais c’est en vérité une gloire que d’être les réfugiés de Dieu et de jouir de Sa Protection et de Son Amour...
Qu’ils écrivent si cela leur fait plaisir d’étaler leur manque de foi en la Vie Divine, cela ne peut pas nous toucher.
Sri Aurobindo dit :
Mieux vaut mettre le passé derrière vous et ne pas rétablir des liens brisés.
Il vaudrait mieux ne pas écrire ni envoyer de télégramme.
Un bon conseil à tous les Ashramites au sujet de leurs rapports avec les visiteurs et les étrangers (ou même entre eux) :
« Quand vous n’avez rien d’agréable à dire au sujet de quelque chose ou de quelqu’un de l’Ashram, gardez le silence.
« Vous devez savoir que ce silence est un signe de fidélité à l’œuvre du Divin. »
J’envisage d’inviter deux écrivains recommandés par X. à publier des articles dans notre journal. Mais j’ignore tout de leur attitude à l’égard de Sri Aurobindo. X. me dit que ce sont des écrivains compétents, qui ont étudié Sri Aurobindo et qui, par conséquent, seront en mesure de bien écrire pour notre journal. Selon mon expérience, de tels écrivains, s’ils sont ouverts et progressistes, écrivent parfois sur Sri Aurobindo sous un angle nouveau qui est très intéressant. Mais le plus souvent, ils tentent de juger Sri Aurobindo selon les préjugés de leur intellect étriqué. Aussi je voudrais être guidé par vous à ce sujet.
Ne rien demander aux gens que nous ne connaissons pas et sur l’opinion desquels nous n’avons aucune garantie.
Ce que j’écris ici est valable pour tous les écrivains.
22 octobre 1965
Mère, dans la lettre ci-dessous Sri Aurobindo a parlé de la nécessité de restreindre nos contacts avec le monde extérieur et de nous séparer de la vie ordinaire, afin de poursuivre notre travail spécial qui est de faire descendre la nouvelle conscience sur la terre.
Cette lettre a été écrite en 1933. Mais maintenant, toutes sortes de gens de l’extérieur sont autorisés à venir librement à l’Ashram et les sâdhaks de l’Ashram peuvent aussi se mêler à eux librement. Est-ce parce que nous avons atteint un nouveau palier de ce travail que les restrictions d’autrefois ne sont plus nécessaires ? Pourriez-vous, s’il vous plaît, m’éclairer sur ce point ?
(Question posée à Sri Aurobindo.)
« L’Amour du Divin dans tous les êtres et la perception et l’acceptation constantes de son action en toutes choses 5 » — si c’est une des manières de réaliser le Divin et de Le voir en tous, pourquoi devons-nous ici restreindre nos contacts avec l’extérieur? Pourquoi ne donnons-nous pas notre amour à tous?
(Réponse de Sri Aurobindo.)
« C’est très bien dans le karma-yoga ordinaire qui a pour but l’union avec l’esprit cosmique et ne dépasse pas le surmental, mais ici un travail spécial doit être fait et une nouvelle réalisation s’accomplir pour la terre et non pour nous seuls. Il est nécessaire que nous nous tenions à l’écart du monde pour nous séparer de la conscience ordinaire, afin d’en faire descendre une nouvelle.
« Non que l’amour pour tous ne fasse pas partie de la sâdhanâ, mais cela ne veut pas dire qu’il faille aussitôt se mettre à fréquenter tout le monde; il ne peut s’exprimer que par une bienveillance universelle, générale et, si besoin est, dynamique, mais pour le reste il doit s’appliquer à notre tâche, qui est de faire descendre la conscience supérieure et toutes les conséquences qu’elle entraîne pour la terre. Quant à accepter l’action du Divin en toutes choses, ici aussi c’est nécessaire, dans le sens où nous devons voir cette action même derrière nos luttes et nos difficultés, mais ne pas accepter la nature de l’homme et du monde tels qu’ils sont : notre but est de progresser vers une action plus divine qui remplacera la manifestation actuelle par une manifestation plus grande et plus heureuse. Et cela aussi, c’est un labeur d’Amour divin. »[^6]
22 octobre 1933
Ce que Sri Aurobindo a écrit est absolument vrai et doit être observé.
Il n’y a qu’un fait nouveau — depuis le début de cette année une nouvelle conscience s’est manifestée et travaille avec énergie à préparer la terre à la nouvelle création.
17 avril 1969
À l’occasion du centenaire de Sri Aurobindo, beaucoup de gens vont venir à l’Ashram. Que pouvons-nous faire pour leur montrer la réalité de l’Ashram?
La vivre. Vivre cette réalité. Tout le reste — parler etc. — cela ne sert à rien.
Comment nous y préparer?
Par la communion avec l’être psychique, le Divin incarné, profondément au-dedans de nous,
une intense aspiration, une parfaite concentration, une constante dédication.
Tout d’abord, au point de vue financier, le principe sur lequel se fonde notre action est le suivant : l’argent n’est pas fait pour rapporter de l’argent. Cette idée que l’argent doit faire de l’argent est un mensonge et une perversion.
L’argent est fait pour augmenter la richesse, la prospérité et la productivité d’un groupe, d’un pays, ou, mieux, de la terre entière. L’argent est un moyen, une force, une puissance, et non un but en soi. Et comme toutes les forces et toutes les puissances, c’est par le mouvement et la circulation qu’il croît et augmente son pouvoir, non par l’accumulation et la stagnation.
Ce que nous essayons ici, c’est de prouver au monde, en lui donnant un exemple concret, que par une réalisation psychologique intérieure et une organisation extérieure, un monde peut être créé où la plupart des causes de la misère humaine seront abolies.
Un ami voudrait recueillir des fonds pour vous. Il dit que cela l’aiderait beaucoup si vous pouviez lui écrire quelque chose sur la manière d’aborder les gens pour leur demander une aide financière.
Je n’ai pas l’habitude d’écrire pour demander de l’argent à qui que ce soit. Si les gens ne sentent pas que c’est pour eux une grande chance et une Grâce de pouvoir donner de l’argent pour la cause Divine, tant pis pour eux ! 7 Il faut de l’argent pour ce travail — l’argent ne peut que venir; mais savoir qui aura le privilège de le donner, c’est à voir.
24 avril 1938
L’argent ne m’appartient pas, il appartient à l’Ashram et l’Ashram ne prête pas d’argent. Il ne peut pas non plus accorder une faveur aussi spéciale à quelqu’un, surtout quand cette personne n’a pas été très fidèle à l’Ashram.
20 avril 1951
J’ai reçu vos lettres et vous ai répondu intérieurement, avec la certitude que vous étiez capable de recevoir ces communications secrètes.
Mais je sens qu’il me faut ajouter quelque chose à ce que je vous ai écrit auparavant.
Il n’est pas question d’aller voir les gens pour recueillir des fonds. Ce qu’il faut faire, c’est trouver un homme ou un groupe financier ou une fondation qui pourrait disposer du montant total et serait prêt à se lancer dans cette aventure et à courir des risques pour faire quelque chose de nouveau qui en vaille la peine. Un tel homme ou de tels groupes existent. Il suffit de faire en sorte que les deux pôles se rencontrent.
Vous ne devriez pas leur demander leur aide pour recueillir une somme aussi petite que cinquante ou cent mille roupies. Vous devez les aborder avec dignité, conscient de l’importance de votre mission. N’oubliez jamais que cette œuvre n’est pas une œuvre ordinaire et superficielle, mais une œuvre de l’Esprit, et qu’elle se fera sûrement. Nous ne demandons pas la charité à ces gens, c’est une occasion qui leur est donnée de se rapprocher de leur âme.
Avant de commencer à travailler, appelez-moi et je serai là. Ma force est toujours avec vous.
17 décembre 1952
Vous devez savoir que ce que vous aurez à coordonner, dans sa forme la plus matérielle et la plus extérieure, ce n’est pas simplement une industrie ou un groupe d’industries, ni un secteur dans une administration, ni un service dans un État, mais un petit monde en miniature, contenant en puissance toutes les possibilités d’une collectivité humaine, avec en plus des potentialités (des possibilités) nouvelles et pourtant inconnues, encore latentes et attendant de se manifester.
Vous trouverez déjà un embryon d’organisation, avec pour centre de sa coordination le symbole de la Présence Divine représentant l’unique et Suprême Maître de l’Univers. Car ici tous les travaux sont dédiés au Seigneur, à l’Un qui est tout et qui contient tout. Et tous les travaux sont faits non pas en vue d’un gain personnel mais comme une offrande d’amour, car ici la seule puissance à notre disposition est la puissance de l’amour; et je suis ici simplement comme un symbole et une messagère qui guide et unit les efforts.
En pratique, si nous étions moins à court de fonds, beaucoup de difficultés seraient balayées.
Nous devons faire attention à chaque dépense et pour cette raison bien des choses utiles ne se font pas.
Alors, si vous voulez trouver une personne, ou plusieurs qui pourraient s’intéresser à l’entreprise, ou plutôt à l’aventure — car il ne s’agit de rien moins que de la création d’un monde nouveau — et si elles sont prêtes à apporter leur aide financière, par un don ou un prêt, cela permettrait à notre entreprise d’avancer plus rapidement et plus complètement.
Telle est, en bref, la situation. Si vous voulez davantage de détails, on peut vous en donner.
C’est une grosse erreur de croire que je consentirais au mouvement désintéressé de quelques-uns seulement pour satisfaire les exigences des autres, qui demeurent égoïstes et pleins de désirs. L’époque de la cupidité égoïste est révolue; chacun devra faire un effort pour participer aux économies.
22 juin 1940
Eu égard aux circonstances actuelles en Inde, où les difficultés d’approvisionnement et de transport (surtout de vivres) n’ont pas diminué avec la fin de la guerre, je suis contrainte de demander aux résidents [de l’Ashram] d’éviter soigneusement tout gaspillage, surtout en ce qui concerne la nourriture. Tant de gens manquent même de l’essentiel pour vivre.
1945 ou 1946
L’Ashram a des difficultés financières et les gens n’en demandent pas moins leur « livre de chair ». Quand nous étions étudiants nous avions l’habitude de jeûner pour aider les victimes d’un tremblement de terre ou d’une inondation.
Malheureusement (?), la difficulté actuelle ne vient ni d’une inondation, ni d’une famine, ni d’une guerre, ni d’un tremblement de terre, ni d’un incendie ni d’aucune de ces catastrophes qui éveillent les sentiments des hommes et les induisent pendant un moment à dominer ces désirs matériels que l’on appelle « besoins ».
En général, les problèmes d’argent dessèchent les gens et les rendent même amers, sinon révoltés. Et j’en connais quelquesuns qui sont sur le point de perdre leur foi parce que je n’ai pas tout l’argent dont j’ai besoin!
Quand l’argent manque, il doit être remplacé par un immense effort de bonne volonté et d’organisation. C’est cet effort que je demande, un triomphe sur le tamas et sur une paresseuse indifférence.
Je ne veux pas que qui que ce soit abandonne la partie, mais je veux que chacun se dépasse lui-même.
X. ne travaille plus pour l’Ashram; comme tant d’autres, il vit à l’Ashram et travaille pour son propre compte.
C’est précisément cela qui mène l’Ashram à sa ruine financière
X. récolte les noix de coco de nos arbres. Cette fois-ci quand il a voulu les cueillir, je lui ai dit que je voulais garder les plus belles pour les visiteurs et les enfants de l’Ashram, et de ne pas les récolter.
Les gens de l’Ashram reçoivent tout ce dont ils ont vraiment besoin. Je n’approuve aucune distribution de fruits et de fleurs aux visiteurs. Cela ne peut qu’encourager la cupidité, le désir et l’indiscipline. Et si chacun continue à faire ce qu’il croit être le mieux, toute l’organisation finira en chaos.
15 mai 1954
Si on ne peut pas faire du commerce dans une véritable attitude de consécration au Divin, alors on s’arrêtera de faire du commerce et on le proscrira de l’Ashram, comme on a proscrit la politique et pour la même raison.
Aussi, à moins que la conscience des sâdhaks ne se remette de ce triste état de confusion et de mesquinerie, je me verrai dans l’obligation d’interdire toute activité commerciale, car la preuve aura été faite qu’on ne peut s’y livrer dans l’esprit de Vérité.
27 mai 1955
>« [Pour l’Ashram] il n’y a jamais eu, à aucun moment, un plan mental, un programme fixe ni une organisation décidée d’avance. Le tout a pris naissance, grandi et s’est développé comme un être vivant, par un mouvement de conscience (Chit-tapas) continu et constamment accru et fortifié. »
La Mère (22 août 1939)
C’est-à-dire que le mouvement de conscience n’a pas cessé, à aucun moment. On n’a pas fait un « mouvement de création », puis on s’est arrêté, puis on a recommencé — constamment la conscience recrée, pour ainsi dire, continue sa création; ce n’est pas une chose qui a été faite et qui se développe à partir de ce qui a été fait. Ça continue à être comme cela. C’est la conscience qui travaille constamment, et non pas comme une suite de ce qui était avant, mais comme un effet de ce qu’elle perçoit à chaque instant. Dans le mouvement mental, il y a la conséquence de ce qu’on a fait avant — ce n’est pas cela, c’est la conscience qui voit constamment ce qui est à faire. C’est extrêmement important à comprendre parce que c’est comme cela que ça continue à travailler, pour tout. Ce n’est pas du tout une « formation » au développement de laquelle on doit veiller : c’est la conscience qui, à chaque seconde, suit; elle suit son propre mouvement... Cela permet tout; c’est justement cela qui permet les miracles, les renversements, etc. — cela permet tout. C’est juste à l’opposé des créations humaines. Et cela a été comme cela, et cela continue à être comme cela, et ce sera toujours comme cela tant que je serai là.8
Les statistiques et les calculs sont purement mentaux et ici le travail de la force supérieure contredit sans cesse toutes les règles mentales.
J’attache beaucoup de prix à une bonne organisation. Si ceux qui organisent veulent sincèrement le faire, j’ai seulement besoin d’informations claires et précises. Quand on me les donne et qu’on a suffisamment de confiance en la Puissance Organisatrice, cela suffit. Le reste se fera.
(À propos du mauvais fonctionnement d’un service de l’Ashram.)
Le mauvais fonctionnement d’une équipe provient toujours de l’absence d’une conscience adéquate chez les chefs.
Une vision claire et précise de ce qui doit être fait et une volonté soutenue, calme et ferme de le faire faire sont les conditions essentielles pour qu’une organisation soit menée comme il faut.
Et en règle générale, il ne faut jamais exiger des autres des vertus que l’on ne possède pas soi-même. J’ai fortement l’impression que le service de X. n’est pas supervisé comme il le devrait.
(À propos d’un sâdhak qui ne voulait pas travailler plus de deux heures par jour. Son chef a écrit à Mère :)
Je lui ai dit que je ne demande rien ; je travaille autant que je peux car c’est pour le service de ma chère Mère. Je ne peux pas insister pour que quelqu’un d’autre en fasse autant; seulement j’informe Mère de ce que nous faisons.
Tu as très bien répondu mais, évidemment, il est difficile de donner une conscience à celui qui en manque et du courage à celui qui est paresseux.
3 mai 1935
Ceux qui m’entourent ne travaillent plus aussi bien qu’avant. Comment en sortir?
Comment en sortir? Prendre cela avec calme, ne pas y prêter attention et continuer à faire ton travail tranquillement... en attendant des jours meilleurs...
Il y a une détérioration générale du travail et des travailleurs.
Oui, le désordre est général. La FOI est le seul recours.
Ce n’est pas qu’il manque de gens sans travail à l’Ashram; mais ceux qui sont sans travail, c’est certainement qu’ils n’aiment pas à travailler; et à cette maladie-là il est très difficile de trouver un remède, elle s’appelle la paresse...
Lorsque les passions humaines dirigent le travail, je ne peux que me tenir à l’écart, comme un témoin. On m’informe poliment de ce qui est décidé, mais on ne me demande jamais ce qu’il faut faire.
Je ne peux pas donner des ordres car si ces ordres n’étaient pas suivis, cela aboutirait automatiquement à une catastrophe.
Alors, il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre avec patience que les passions s’apaisent et... espérer que tout ira pour le mieux.
Peut-être quelques-uns vont-ils se réveiller et voir la nécessité de travailler dur.
Il y a trop de conflits d’opinions et de sentiments pour que je donne un ordre.
Maintenant les temps sont difficiles pour tout le monde. C’est la guerre et tout le monde souffre.
Ceux qui ont l’immense privilège d’être ici, tranquilles et en sécurité, doivent au moins faire preuve de gratitude en écartant toutes les querelles mesquines et les griefs stupides.
Chacun doit faire son travail consciencieusement, avec sérieux, et surmonter tous ces mouvements obscurs et égoïstes.
27 septembre 1939
Je sais bien qu’en ce moment la coopération et la coordination sont essentielles à l’Ashram; je fais de mon mieux, mais j’échoue piteusement. Peut-être en est-il de même pour chacun d’entre nous.
Ne le prends pas personnellement. La désharmonie et la confusion sont répandues dans le monde entier à cause de la résistance du mensonge à l’action de la Vérité. Ici, comme cette action de la Vérité est plus consciente et concentrée, la résistance est exacerbée. Et dans cette grande tourmente, la plupart des individus sont mus comme des marionnettes par les forces en conflit.
Quant à la situation présente de l’Ashram, elle est telle que tu le dis et probablement pire. Je dirai comme Sri Aurobindo : à moins que la conscience ne change rien ne peut vraiment être fait.
Tu interviendras — et c’est bien, à titre d’exemple et de démonstration — mais le lendemain ce sera pire.
Nous ne pouvons même pas faire descendre la Vérité pour qu’elle se manifeste. Le mensonge est si largement et si profondément répandu que le résultat serait une destruction massive. Et pourtant la Grâce est infinie, il se pourrait qu’elle trouve un moyen.
Sri Aurobindo dit qu’il voudrait tenter de remettre les choses en place par des moyens yoguiques plutôt que par des actions extérieures; mais pour cela il faudrait que la situation continue pendant quelque temps telle qu’elle est à présent. Pour cela, votre coopération sera nécessaire et Sri Aurobindo sait qu’il peut compter sur votre bonne volonté pour faire l’effort nécessaire dans ce but.
Dans le cas présent il n’en reste pas moins vrai que je suis surtout occupée par quelque chose que je considère plus important que l’organisation extérieure — pour le moment — et c’est pourquoi j’attends de chacun qu’il fasse son devoir au mieux de ses aptitudes, les yeux fixés sur la grandeur de l’œuvre divine, ce qui l’aidera sûrement à surmonter ses difficultés personnelles.
Les temps sont durs pour tout le monde et en toute chose — mais c’est sûrement pour nous apprendre à dépasser nos limites.
(Pendant quelque temps on a cru que la Mère s’était retirée des activités quotidiennes.)
C’est très intéressant, mais guère inattendu. Depuis que je me suis « retirée », chacun semble agir à sa guise sans communiquer avec les autres et — sous prétexte de ne pas me déranger — sans me consulter ni même me mettre au courant!
Bien que par mes propres moyens, je sache plus ou moins ce qui se passe, je me contente de sourire et je n’interviens pas. Chacun doit apprendre par l’expérience.
J’attends le jour où l’ordre vaincra le désordre et où l’harmonie maîtrisera la confusion. Je suis derrière chaque effort dans ce sens.
Il va sans dire que ma force et mon aide sont intensément avec tous ceux qui, à mes côtés, combattent cet état de choses. Et tout ce que je leur demande, c’est d’avoir confiance et de persévérer. La Vérité finira par triompher. Bon courage!
Je ne blâme rien ni personne, je sais que chacun fait du mieux qu’il peut. Il est évident que le travail est très difficile. Mais ne sommes-nous pas ici pour vaincre les difficultés?
Pour bien faire le travail de l’Ashram, vous devez être forts et suffisamment souples pour savoir utiliser l’Énergie inépuisable qui vous soutient tous.
J’attends de tous ici qu’ils s’élèvent à la hauteur de la tâche.
Si nous ne sommes même pas capables de faire au moins cela, comment pouvons-nous espérer être prêts pour la descente de la Lumière de Vérité quand elle viendra se manifester sur terre?...
Quand je donne un travail à quelqu’un, ce n’est pas seulement pour le travail lui-même; c’est aussi le meilleur moyen d’avancer sur le chemin du Yoga. Quand je vous ai donné ce travail, je connaissais bien vos difficultés et vos défauts, mais en même temps, je savais que si vous pouviez vous ouvrir à mon aide et à ma force, vous seriez capable de surmonter ces obstacles et en même temps d’élargir votre conscience et de vous ouvrir à la Grâce Divine.
Maintenant, il est temps que vous fassiez un progrès réel et que vous mettiez un frein aux accès de colère qui vous prennent chaque fois que votre volonté est contrecarrée. Si vous voulez me faire plaisir — ce dont je ne doute pas — vous essayerez de collaborer sincèrement avec X. et de continuer à travailler avec lui.
Je ne veux pas que l’un soit le patron de l’autre — je veux que, tous les deux, vous vous sentiez frères et enfants de la même Mère, travaillant sincèrement et courageusement pour l’amour d’elle.
J’espère que vous serez d’accord là-dessus et je vous assure que mon amour et mes bénédictions seront toujours avec vous dans cet effort.
19 janvier 1945
Voici exactement ce que j’ai dit à X. : « Je vous donne la responsabilité de cette entreprise, pour l’organiser et la mener à bien. Les plans et les projets seront soumis à mon approbation. Quant à l’exécution, je demanderai à Y., dont j’apprécie l’enthousiasme, de travailler avec vous selon les instructions que je lui donnerai, de collaborer pleinement, sans oublier que c’est le travail de Sri Aurobindo et le mien, et de faire tout son possible pour que ce soit une réussite. »
À vous, je dis :
Que le travail commence et soit complètement organisé.
Je n’ai pas l’intention d’attribuer des situations ou des postes avant que quelque chose ait été fait et que chacun ait démontré par ses actes ce qu’il est capable de faire.
C’est par l’efficacité et la qualité du travail que je jugerai les travailleurs.
Et après seulement les titres pourront être attribués. N’oubliez jamais qu’ici c’est à la perfection du travail que nous tendons et non pas à la satisfaction de l’ego.
Je ne donne pas de situations aux sâdhaks — je leur donne du travail ; et à tous je donne une chance égale. Ce sont ceux qui se révèlent les plus capables et les plus sincères, honnêtes et fidèles, qui ont le plus grand volume de travail et la plus grande responsabilité.
Quelles que soient les circonstances extérieures, elles sont sans exception la projection de ce qui se trouve au-dedans de vous. Lorsque vous rencontrez, dans votre travail, quelque chose qui vous cause des ennuis extérieurement, regardez au-dedans et vous y trouverez la difficulté correspondante.
Changez-vous vous-même et les circonstances changeront.
26 juin 1954
Je suis heureuse que, par expérience, vous soyez devenu conscient du fait que je suis avec vous.
C’est la véritable relation entre vous et moi, beaucoup plus qu’un contact superficiel.
1) Ici, à l’Ashram, nous avons pour but d’exprimer une Vérité plus haute et non de suivre les conventions humaines ordinaires.
Je n’accorde pas à ces documents officiels une importance exagérée. Ils sont tout simplement nécessaires, dans l’état actuel du monde, mais ne correspondent à aucune réalité profonde.
2) Dans la vie pratique, le pouvoir d’un homme ne dépend pas d’un titre officiel, mais de la force et de la lumière de sa conscience intérieure.
J’ai lu vos lettres et je suis très satisfaite que vous vous sentiez capable de faire ce travail. Il est vrai que vous en êtes capable, mais vous conviendrez qu’il y a une différence entre l’aptitude et le savoir; pour savoir faire un travail, il faut apprendre.
Aussi, vous devez d’abord apprendre de ceux qui savent, et le meilleur moyen d’apprendre est de les regarder faire. Quand vous saurez et que vous aurez fait la preuve de votre application, de votre sérieux et de votre fidélité dans ce travail, je vous en confierai l’entière responsabilité et vous en donnerai toute la direction.
Il y a des gens honnêtes, mais qui ne sont pas capables de travailler. Il y a des gens capables, mais qui ne sont pas honnêtes dans leur travail. Lorsque je rencontre quelqu’un qui est à la fois honnête et capable il devient très précieux.
8 août 1955
Ici chaque travail représente un aspect de l’univers. Lorsqu’un nouveau travail commence ici, de nouveaux problèmes existant dans le monde viennent à nous. C’est pourquoi je ne recherche pas de nouveaux problèmes, mais je ne les évite pas non plus s’ils se présentent.
Je dois faire descendre la conscience la plus haute, et pour cela je dois organiser les choses ici-bas et prendre en main tous les problèmes.
17 août 1955
Au début, j’avais l’habitude de tout contrôler. Rien ne se faisait sans que j’en sois informée et que j’aie donné mon approbation. Ensuite, j’ai adopté une méthode d’action différente. Je me suis détachée de toutes les questions de détail et j’ai pris mes distances, observant les choses pour ainsi dire de haut, et envoyant l’inspiration juste à chaque travailleur dans son domaine.
Ce changement était nécessaire au développement spirituel du travailleur. Il fallait que celui-ci devienne intérieurement conscient de mon influence. Mais il ne peut la recevoir que si tous les travailleurs collaborent. Sans cette collaboration, l’inspiration juste n’agira pas. L’action d’en haut est d’une grande envergure : elle recouvre tous les départements en un tout harmonieux. Si dans le domaine du travail on érige des murs qui le divisent et le fragmentent, le travail ne se fait jamais selon la Volonté spirituelle.
Alors, gardez bien cela présent à l’esprit : pas de collaboration, pas de bon fonctionnement.
1er décembre 1957
Il n’est pas du tout question de « situation » — ni de prestige. X. a du théâtre une grande connaissance et une grande expérience que nous n’avons pas. Elle veut bien la partager avec nous. Alors la seule chose raisonnable que nous puissions faire est d’apprendre d’elle autant que nous pouvons et de lui en être reconnaissants.
De plus, n’oubliez jamais qu’ici nous travaillons pour le Divin et que nous ne devons permettre à aucun sentiment égoïste d’interférer dans le travail et de le détériorer.
Ma présence est toujours avec vous.
5 novembre 1958
X. va venir te trouver pour arranger son travail dans ton département sur ma demande.
Je te recommande de le recevoir très affectueusement puisqu’il est mon enfant comme toi, et de lui donner l’occasion de faire un travail intéressant dans lequel ses capacités seront bien utilisées.
Je voudrais qu’il se sente confortable et aussi qu’il sente qu’il est là pour faire mon travail.
2 octobre 1962
Sans discipline, aucun travail convenable n’est possible.
Sans discipline, aucune vie convenable n’est possible.
Et par-dessus tout, sans discipline, aucune sâdhanâ n’est possible.
Chaque département possède nécessairement une discipline et vous devez vous conformer à la discipline de votre département.
Les sentiments personnels, les rancunes et les incompréhensions ne doivent jamais interférer dans le travail qui est fait pour servir le Divin et non des intérêts humains.
Vous devez servir le Divin avec une honnêteté scrupuleuse, avec désintéressement et sans égoïsme, sinon ce service n’a aucune valeur.
25 janvier 1965
Ici personne ne peut être un chef exclusif — tout le monde doit apprendre à collaborer. C’est une très bonne discipline pour la vanité, l’amour-propre et le sentiment excessif de l’importance des personnalités.
17 février 1968
À l’Ashram la négligence dans le travail, c’est une trahison.
15 mars 1969
Dans la vie humaine, la cause de toutes les difficultés, tous les désaccords, toutes les souffrances morales, est la présence en chacun de l’ego avec ses désirs, ses préférences et ses répulsions. Même dans un travail désintéressé qui consiste à aider les autres, lorsqu’on n’a pas pris l’habitude de surmonter son ego et ses réclamations et qu’on ne le tient pas par force silencieux et tranquille dans un coin, cet ego réagit à l’égard de tout ce qui ne lui plaît pas, produit un orage intérieur qui surgit à la surface et vient tout gâter dans le travail.
Ce travail de surmonter son ego est long, lent et difficile, il demande une attention constante et un effort soutenu. Pour certains cet effort est plus facile, pour d’autres il est plus difficile.
Nous sommes ici à l’Ashram pour faire ce travail en commun avec l’aide de la connaissance et de la force de Sri Aurobindo, dans un essai de réaliser une communauté plus harmonieuse, plus unie et par conséquent beaucoup plus efficace dans la vie.
Tant que j’étais présente physiquement avec vous tous, ma présence vous aidait à réaliser cette maîtrise de l’ego et c’est pourquoi il n’était pas nécessaire que je vous en parle très souvent individuellement.
Mais maintenant, il est nécessaire que cet effort soit à la base de l’existence de chacun; plus particulièrement chez ceux qui ont un travail responsable et qui doivent s’occuper des autres. Les chefs doivent toujours montrer l’exemple, les chefs doivent toujours pratiquer les vertus qu’ils demandent à ceux dont ils s’occupent; ils doivent être compréhensifs, patients, endurants, pleins de sympathie et de bonne volonté chaleureuse et amicale, non pas par égoïsme pour se faire des amis, mais par générosité pour pouvoir comprendre et aider les autres.
L’oubli de soi, de ses goûts et de ses préférences est indispensable pour être un chef véritable.
Et c’est cela que je te demande maintenant pour que tu puisses faire face à tes responsabilités comme tu dois le faire. Et alors tu t’apercevras que là où tu sentais le désordre et la désunion, ils auront disparu, et l’harmonie, la paix et la joie seront à leur place.
Tu sais que je t’aime et que je suis toujours avec toi pour te soutenir, t’aider et te montrer le chemin.
26 août 1969
Vous semblez oublier que du fait que vous vivez à l’Ashram, ce n’est ni pour vous-même ni pour un patron que vous travaillez, mais pour le Divin. Votre vie doit être entièrement consacrée à l’Œuvre Divine et ne saurait être régie par de mesquines considérations humaines.
28 mai 1970
Quoi que l’on fasse ici, il faut le faire dans un esprit d’entière collaboration, avec un seul but en vue : servir le Divin.
La vie en communauté doit nécessairement avoir une discipline pour que les plus faibles ne soient pas brimés par les plus forts; et cette discipline doit être respectée par tous ceux qui veulent vivre dans cette communauté.
Mais pour que la communauté soit heureuse il faut que cette discipline soit fixée par celui ou ceux qui ont la plus grande largeur d’esprit, si possible celui ou ceux qui sont conscients de la Présence Divine et lui sont soumis.
Pour que la terre soit heureuse, le pouvoir devrait être entre les mains seulement de ceux qui sont conscients de la Volonté Divine. Mais pour le moment cela est impossible parce que le nombre de ceux qui sont vraiment conscients de la Volonté Divine est minime, et qu’ils n’ont nécessairement pas d’ambition.
À vrai dire, quand le temps sera venu pour cette réalisation, elle prendra place tout naturellement.
Le devoir de chacun est de s’y préparer aussi complètement qu’il le peut.
18 février 1972
À propos de l’accueil
Je suis bien d’accord, la situation à la porte principale est plutôt déplorable. Mais il est très difficile de donner des instructions par écrit à cause de tous les détails qu’il faudrait mentionner.
Aux gardiens et aux résidents de la « Maison de la Bibliothèque »
J’ai dit et répété que la « vérandah de la soupe » doit être tenue propre et en ordre, débarrassée de tous les objets personnels (tasses, timbales, gourdes, chaussures et sandales, etc.) qui sont éparpillés partout. C’est un spectacle des plus affligeants à offrir aux visiteurs qui entrent par la porte principale de l’Ashram.
J’espère que je n’aurai pas à répéter cet ordre une fois de plus, et qu’il sera scrupuleusement execute.
6 juin 1932
Service d’accueil
La Mère considère l’accueil des visiteurs comme un travail important qui exige un grand sens des responsabilités. Ce travail doit être accompli avec soin et vigilance.
Qu’il s’agisse de visiteurs qui viennent se renseigner ou de personnes qui ont affaire à l’Ashram, tous doivent être reçus avec la courtoisie requise, on doit éventuellement leur offrir un siège, leur donner les renseignements nécessaires et toute l’aide possible. Aucune distinction ne doit être faite entre les personnes.
Pour toute demande de renseignements qui sort de l’ordinaire, le visiteur devra être dirigé vers le secrétaire.
Le gardien a le droit de demander aux gens qui flânent sans but à l’entrée ou qui s’assemblent en groupe de quitter les lieux. Il ne doit pas entretenir de longues conversations avec d’autres membres de l’Ashram, ni se laisser aller à écrire, lire ou à faire quoi que ce soit d’autre que de se concentrer sur sa fonction.
Nul ne doit pénétrer à l’intérieur de l’Ashram sans permission.
Les domestiques ne doivent pas toucher au filtre. Ils doivent prendre l’eau à « l’atelier des bicyclettes ». Si c’est nécessaire, les résidents doivent accompagner les serviteurs.
Les abords de l’entrée doivent être tenus tranquilles et en ordre.
L’entrée ne doit pas être laissée aux soins de ceux qui n’y sont pas affectés.
25 septembre 1952
La Mère souhaite que les responsables de l’accueil des visiteurs se conduisent toujours avec politesse et gentillesse. Qu’ils soient de classe supérieure ou inférieure, jeunes ou vieux, qu’ils soient bien ou mal vêtus, tous doivent être reçus convenablement, avec bienveillance et tenue. Il ne faut pas que les gens mieux vêtus soient mieux reçus dans notre Ashram. Nous ne devons pas accorder plus d’attention aux gens qui ont une voiture qu’à un homme ordinaire qui a l’air d’un mendiant. Nous ne devons jamais oublier qu’ils sont aussi humains que nous, et nous n’avons pas le droit de nous croire au sommet de l’échelle.
De plus, notre politesse ne doit pas être une simple formalité, une politesse rigide, pour ainsi dire. Ce doit être quelque chose qui vient du dedans. Quelles que soient les difficultés, quelles que soient les circonstances — Mère connaît la situation dans ses moindres détails, lorsque nous nous mettons en colère et sommes irrités dans notre travail, elle s’en rend bien compte, dit-elle —, quelles que soient les circonstances, une conduite impolie ou brusque n’est jamais excusable.
Nous rencontrons des difficultés en chemin, mais Mère dit qu’en règle générale, nos difficultés et nos ennuis sont à la mesure de notre capacité de les surmonter. Si nous pouvons nous maintenir au meilleur niveau possible, il nous sera toujours possible d’affronter une situation en nous maîtrisant.
Rappelez-vous que chaque fois que nous perdons la maîtrise de nous-même, chaque fois que nous nous mettons en colère ou que nous devons employer des moyens extérieurs pour maintenir l’ordre, cela veut dire qu’à ce moment-là nous sommes tombés très bas et que nous n’étions pas capables de nous élever à la hauteur de la situation. En toute chose, et de toute manière, la règle est toujours la même : efforcez-vous toujours de progresser, d’être votre vrai moi. Même si vous n’avez pas été capables de le faire aujourd’hui, vous devez en être capables demain. Mais le plein effort doit être là. Dans vos actes, n’oubliez jamais que vous représentez l’Ashram. Les gens jugeront l’Ashram d’après votre comportement. Même si vous devez dire « non », même si vous devez rejeter la demande de quelqu’un, vous pouvez le faire avec politesse et courtoisie. Essayez d’aider tout le monde. Même si les autres sont malpolis avec vous, ce n’est pas une raison pour en faire autant. Si vous vous conduisez comme les gens de l’extérieur, à quoi bon être ici?
9 mai 1957
Vous devez être très polis avec ceux qui dépendent de vous pour vivre. Si vous les maltraitez, ils y sont très sensibles mais ne peuvent vous répondre d’homme à homme, de peur de perdre leur travail.
Il peut y avoir une certaine dignité à être brusque avec ses supérieurs, mais avec ceux qui dépendent de soi, la véritable dignité consiste à être très courtois.
23 juin 1932
Le garçon cordonnier désire avoir une augmentation. Il me prie de vous demander 10 roupies au lieu de 8, ayant à soutenir une famille composée de trois personnes.
Les considérations de famille ne m’intéressent pas du tout. La paye doit dépendre du travail de l’ouvrier, de son habileté, de sa régularité, et non du nombre de personnes qu’il doit nourrir. Parce que si on prenait ces circonstances en considération, ce ne serait plus du travail rémunéré mais une charité, et ainsi que je l’ai dit bien souvent, nous ne sommes pas un bureau de bienfaisance. D’une façon générale je n’ai pas augmenté la paye des ouvriers et des domestiques cette année mais si ce garçon travaille très bien et que vous soyez satisfait de sa conduite je pourrai lui donner 9 roupies au lieu de 8, pour commencer.
30 août 1932
Quand les ouvriers viennent chercher leurs billas 9 ne les retenez pas plus qu’il n’est nécessaire.
Après une journée de travail, ils ont besoin de rentrer chez eux pour se reposer.
4 février 1933
Un domestique n’est pas un forçat et on doit lui accorder une certaine liberté, une certaine latitude de movement.
Je suis sûre que les domestiques se conduisent de la manière dont ils sont traités.
10 mars 1935
C’est très mauvais de réprimander constamment les domestiques — moins vous les grondez, mieux c’est. Si X. vous demande de les gronder, vous devez refuser et lui dire que je vous ai interdit de le faire.
Quant à vos collègues, chacun doit être libre d’agir comme il le sent.
16 mai 1940
Si vous êtes sûr que les domestiques volent, cela prouve qu’ils ne sont pas surveillés comme il faut et vous devrez vous en occuper plus soigneusement.
19 juillet 1940
Je vous ai déjà dit ce que je pensais du nombre des ouvriers. Plus ils sont nombreux et moins ils en font, je n’approuve pas qu’il y ait 14 hommes pour les légumes. Le travail peut être fait aussi bien avec beaucoup moins de monde.
1er novembre 1943
X. a dû vous faire part de ma décision au sujet de Y. J’ai dû la prendre malgré vos « objections » car cet homme demandait seulement qu’on lui donne un autre travail à l’Ashram; il n’a proféré aucune menace ni demandé une augmentation de salaire. C’est un bon ouvrier et ce serait dommage de le perdre. Vous comprendrez cela facilement si vous surmontez votre première réaction égoïste à cette affaire; et sûrement vous ne pouvez pas accepter ce sentiment d’avoir été « insulté », ce qui serait bien peu yoguique.
J’espère qu’après avoir lu ceci, vous vous remettrez et vous en viendrez à considérer cet événement, bien petit et sans importance, d’une manière plus juste.
13 octobre 1944
Vous pouvez l’embaucher comme journalier, à 10 annas de l’heure, mais je refuse de payer des heures supplémentaires; vous devrez veiller à ce qu’il finisse son travail à l’heure. C’est notre constante expérience que, lorsqu’on leur paie des heures supplémentaires, les ouvriers ne font pratiquement rien pendant les heures de travail et s’arrangent ainsi pour se faire payer régulièrement les heures supplémentaires à un tarif très élevé.
1er février 1945
Après de nombreuses années d’interruption due aux événements tragiques qui ont bouleversé la terre, nous reprenons aujourd’hui notre vieille habitude de distribution d’étoffes à l’occasion de la nouvelle année.
Malheureusement les circonstances qui sont encore bien difficiles, presque pires que pendant la guerre, ne me permettent pas de faire ce que j’aurais voulu. Les vêtements que je vais vous distribuer aujourd’hui sont les seuls que j’ai pu obtenir et cela même avec grande difficulté. Je n’ajouterai qu’une chose : j’espère que l’année prochaine ce sera mieux.
1er janvier 1946
Déclaration De La Mère Aux Ouvriers De L’ashram De Sri Aurobindo
C’est mon désir d’expliquer aux ouvriers la nature spéciale des relations qui existent entre eux et moi, comparativement aux relations ordinaires entre employeurs et employés. Je désire aussi, qu’ayant compris ce caractère spécial, les ouvriers gardent toujours cette compréhension présente à l’esprit pendant leurs délibérations et dans les demandes collectives qu’ils me feront.
Ces relations spéciales peuvent se définir ainsi :
(a) Comme on le sait, le travail à l’Ashram n’est pas fait en vue d’un bénéfice. C’est pourquoi pendant la guerre, quand la vie devint chère et difficile pour tous, elle devint aussi chère et difficile pour moi, sans que par le fait des mêmes circonstances les revenus de l’Ashram augmentent d’aucune façon. Les entreprises industrielles et commerciales réalisèrent des bénéfices accrus et, en conséquence, purent augmenter aisément les salaires; mais pour l’Ashram, seules les dépenses augmentèrent. En dépit de cela, je pris en considération les difficultés des ouvriers et leur accordai régulièrement des augmentations de salaires et des indemnités de vie chère.
(b) Bien qu’il y ait eu des périodes où le travail ait fait défaut pour certains ouvriers, je n’en ai licencié aucun pour cette raison, contrairement à ce que font en pareil cas les entreprises ordinaires. Je me suis efforcée de trouver quelque autre travail à leur donner à faire. Ce fut toujours ma ligne de conduite de ne pas congédier par manque de travail les ouvriers qui ont travaillé fidèlement. J’aurais pu facilement le faire; j’aurais même pu fermer les chantiers sans inconvénient sérieux pour l’Ashram. Mais en le faisant j’aurais augmenté la misère générale déjà si grande, et cela je n’ai pas voulu le faire.
(c) Il y a un bon nombre d’ouvriers qui travaillent pour moi depuis de longues années et m’ont servie avec fidélité et dévouement; ceux-là, tout en me considérant comme leur employeur, me regardent aussi comme leur protectrice, la leur et celle de leur famille.
(d) Dans l’ensemble, les ouvriers de l’Ashram ont jusqu’à présent travaillé plus ou moins comme les membres d’une même famille m’ayant à leur tête, et cette relation spéciale a sans aucun doute été à l’avantage de beaucoup d’entre eux. J’aimerais conserver cette relation et en faire le fondement de tous mes rapports avec les ouvriers.
Les points ci-dessus étant entendus, il est suggéré aux ouvriers de l’Ashram de former un syndicat indépendant parce qu’ils sont vis-à-vis de leur employeur dans une situation différente de celle des autres ouvriers, comme il vient d’être expliqué. Ce syndicat pourra être affilié à l’organisation ouvrière générale, mais en gardant sa ligne d’action et de conduite propre.
Il est en outre suggéré que ce syndicat des ouvriers de l’ashram de sri aurobindo élise un Comité qui représente les différentes nuances d’opinion parmi les ouvriers. Ce Comité aurait à recevoir et à étudier les demandes émises par les ouvriers et, après en avoir délibéré et être arrivé à une décision qu’il considère juste et raisonnable, il me les présenterait par l’intermédiaire de son Président, en sollicitant mon action.
Je recevrai avec bienveillance et sympathie toute requête de ce genre et j’agirai pour le mieux en conformité avec le caractère raisonnable de cette demande.
En ces temps de luttes, de conflits, de misère et de souffrance, j’offre à tous ceux qui veulent travailler sous moi, avec moi, la possibilité d’une compréhension réciproque et d’une collaboration fertile et bienfaisante.
5 mars 1946
Ce que j’ai dit aux ouvriers le 21 avril 1952 :
Il n’était pas nécessaire de vous assembler ici et de prendre toute cette peine inutilement. Mais puisque vous êtes là, je vais vous dire certaines choses.
D’abord, vous réclamez vos vêtements. Je ne vous ai jamais dit que vous ne les auriez pas. Mais il est difficile de se les procurer et cela prend du temps. Ils sont maintenant en route et dès qu’ils arriveront, vous serez prévenus.
Quant à l’augmentation de vos salaires, je vous ai déjà répondu et je répète que j’ai dépassé les limites de mes possibilités présentes et je ne puis d’aucune façon accroître les dépenses. Si donc j’augmente le salaire des uns, je serai obligée d’en renvoyer d’autres en compensation. Reste à savoir quel est le plus fort de votre égoïsme individuel et de votre égoïsme collectif. Voulez-vous augmenter votre gain aux dépens du gagne-pain de certains de vos camarades?
Vous vous plaignez d’être misérables; et moi je vous dis que vous êtes misérables parce que vous gaspillez votre argent à boire et à fumer, et que vous gaspillez votre énergie dans des excès sexuels; tout cela, l’alcool, le tabac et les excès ruinent votre santé.
L’argent ne donne pas le bonheur. Ainsi, le Sannyasi qui ne possède rien et qui, le plus souvent, ne mange qu’un repas par jour, est parfaitement heureux s’il est sincère. Tandis que l’homme riche peut être tout à fait malheureux s’il s’est abîmé la santé par des excès et des abus de toute sorte.
Je le répète, ce n’est pas l’argent qui rend heureux, c’est un équilibre intérieur fait d’énergie, de bonne santé et de bons sentiments. Cessez de boire, de fumer et de faire des excès; cessez de haïr et d’envier, et vous ne vous plaindrez plus de votre sort, vous ne trouverez plus que le monde est misérable.
Avril 1952
Aux Employés De L’ashram De Sri Aurobindo
Ce que je voudrais faire pour vous Je vais vous
dire comment je vois la solution de vos problèmes individuels et collectifs, et aussi quelle est la vérité de nos relations.
Mais pour que le programme que je vais vous décrire puisse se réaliser, deux conditions essentielles sont requises. La première est que je possède les moyens financiers de mettre mon plan à exécution. La seconde est que vous fassiez preuve d’un minimum de sincérité, d’honnêteté et de bonne volonté dans votre attitude à mon égard et à l’égard de votre travail. Vous avez la très fâcheuse habitude d’essayer de me tromper; de mauvais conseillers vous ont appris que c’est la meilleure chose à faire dans vos relations avec votre patron; il est possible que lorsque le patron lui-même essaye de vous tromper et de vous exploiter, cette attitude de votre part soit légitime. Mais en ce qui me concerne, c’est une sottise et une maladresse; d’abord parce qu’il n’est pas possible de me tromper et que votre mauvaise foi devient immédiatement évidente et m’enlève tout désir de vous venir en aide, ensuite parce que je ne suis pas « un patron » et que je n’essaye pas de vous exploiter.
Tout mon effort tend à réaliser dans le monde autant de vérité que les circonstances actuelles le permettent; et avec l’accroissement de la vérité, le bien-être et le bonheur de tous doivent nécessairement augmenter.
Pour moi, les différences de castes et de classes n’ont pas de vérité; seule la valeur individuelle compte. Mon but est de créer une grande famille dans laquelle chacun aurait la possibilité de développer pleinement ses capacités et de les exprimer. Chacun aurait sa place et son occupation en conformité avec ses capacités, dans une relation de bonne volonté et de fraternité.
Comme conséquence de cette organisation familiale, il n’y a besoin ni de rémunération, ni de salaire. Le travail ne doit pas être un moyen de gagner sa vie; il doit avoir deux buts : celui de développer la nature et la capacité d’action de chacun, et celui de rendre service dans la mesure de ses moyens physiques et de ses aptitudes morales et intellectuelles, à la grande famille dont on fait partie, et au bien-être de laquelle il est juste qu’on contribue, comme il est juste qu’elle pourvoie à la satisfaction des besoins véritables de chacun de ses membres.
Pour donner une forme concrète à cet idéal dans les conditions actuelles de la vie, je conçois la création d’une sorte de cité pouvant accommoder deux mille personnes environ. Cette cité serait bâtie suivant les plans les plus modernes, conformes aux exigences les plus récentes de l’hygiène et de la santé publiques. Elle comporterait non seulement des maisons d’habitation, mais aussi des jardins et des terrains de sports pour la culture physique. Chaque famille serait logée dans une petite maison séparée, les célibataires seraient groupés selon leurs occupations et leurs affinités.
Aucun des besoins de la vie ne serait oublié. Les cuisines, équipées de la façon moderne la plus hygiénique, distribueraient à tous également une nourriture saine et simple, assurant l’énergie nécessaire pour le bon entretien du corps. Elles fonctionneraient sur une base coopérative de travail en commun et de collaboration.
En ce qui concerne l’éducation, le nécessaire serait pourvu pour l’instruction et le développement intellectuel et moral de tous, enfants et adultes : écoles diverses, enseignement technique des différents métiers, classes de musique et de danse, salle de cinéma où seraient montrés des films instructifs, et salle de conférences, bibliothèque et salle de lecture, éducation physique variée et terrain de sports.
Chacun pourrait choisir le genre d’activité le plus conforme à sa nature et recevrait l’enseignement approprié. Il serait même prévu des jardinets où ceux qui aiment la culture, pourraient faire pousser fleurs, fruits et légumes.
Au point de vue de la santé, il y aurait une visite médicale régulière, un hôpital, un dispensaire, une infirmerie pour l’isolement des cas contagieux. Un service d’hygiène aurait pour occupation exclusive l’inspection de tous les bâtiments publics et privés, pour vérifier que les conditions de propreté les plus rigoureuses sont respectées partout et par tous. Bains publics et blanchisseries communes seront les compléments naturels de ce service, mis à la disposition de tous.
Enfin, de grands magasins seraient constitués, où se trouveraient tous ces petits « extras » qui donnent à la vie de la variété et de l’agrément, et que l’on pourrait se procurer contre des « bons d’achat » distribués en récompense pour tout accomplissement particulièrement remarquable dans le travail ou dans la conduite.
Je ne ferai pas une longue description de l’organisation et du fonctionnement de cette institution quoique tout soit déjà prévu jusque dans les moindres détails.
Il va de soi que pour être admis à vivre dans ce lieu idéal, il faudra satisfaire aux conditions essentielles de bonnes mœurs, de bonne conduite, de travail honnête, régulier et efficace et d’une bonne volonté générale.
Pour le moment, jusqu’à ce que mes moyens financiers me mettent à même de réaliser ce plan, je tiens à vous redire une fois de plus que je fais pour vous toujours tout ce qu’il m’est possible de faire; comme, par exemple, l’arrangement que je viens de faire avec « Honesty Society » pour qu’il vous soit fourni, au prix coûtant, les denrées alimentaires et autres qui vous sont indispensables; et je compte développer ce service peu à peu suivant vos besoins. Ainsi vous voyez que vous n’avez pas besoin de recourir à des réclamations rendues aussi inutiles qu’injustifiées par ma bonne volonté à votre égard.
10 juillet 1954
Connaissez-vous l’histoire de la poule aux œufs d’or? Il y avait un paysan qui, pour toute fortune, possédait une poule; mais cette poule était merveilleuse; tous les deux jours elle lui donnait un œuf d’or. Or, ce paysan, dans son ignorance stupide et cupide, s’imagina que le corps de la poule devait être plein d’or et que s’il l’ouvrait il aurait un grand trésor. Il lui fendit donc le ventre et n’y trouva rien; ainsi il perdit à la fois la poule et les œufs.
Cette histoire nous démontre qu’une cupidité ignorante et stupide est sûre de nous mener à la ruine. Faites-en donc votre profit et comprenez que si vous exigez de moi ce qui est au-delà de mes moyens, et si j’avais la folie de vous céder, j’irais tout droit à la ruine et cela aurait pour résultat que tous les travaux seraient arrêtés et que vous seriez sans travail et par conséquent sans salaire du tout, et sans gagne-pain.
18 mars 1955
Augmenter le salaire de quelques-uns priverait d’autres de leur gagne-pain.
Méfie-toi des différents rapports des ouvriers — ils sont toujours tendancieux.10 Chacun parle toujours selon ses préférences (ses goûts et dégoûts) et déforme les choses.
Comment faire disparaître le manque de confiance chez nos ouvriers?
Peux-tu donner la vue aux aveugles?
L’humanité dans son ensemble — il y a très peu d’exceptions — ne fait pas confiance au Divin, et pourtant sa Grâce est des plus actives.
L’employeur à l’employé
Rien de durable ne peut être établi sans une base de confiance. Et la confiance doit être réciproque.
Vous devez être convaincu que ce n’est pas seulement mon bien que je veux, mais aussi le vôtre. Et je dois savoir et sentir que ce n’est pas seulement pour exploiter que vous travaillez ici, mais aussi pour servir.
Le bien-être du tout dépend du bien-être de chaque partie, et la croissance harmonieuse du tout dépend du progrès de chacune des parties.
Si vous vous sentez exploité, moi aussi j’ai le sentiment que vous cherchez à m’exploiter. Et si vous craignez d’être trompé, moi aussi je sens que vous cherchez à me tromper.
C’est seulement dans l’honnêteté, la sincérité et la confiance que la société humaine peut progresser.
(À propos de la manière de traiter les domestiques.)
Ne pas être indulgent, ne pas être sévère.
Ils doivent savoir que l’on voit tout, mais on ne doit pas les gronder. 2 juillet 1968
On pourrait dire à X., mises à part les raisons superficielles et sans fondement qu’il donne pour ne pas venir au Pranâm, que d’autres sâdhaks, plus avancés que lui, y viennent. Alors que dire de ceux-là ?
Il est toujours en train d’essayer de démontrer qu’il est bien supérieur à tous les autres sâdhaks. C’est là l’origine de son erreur.
Mai 1932
Je suis heureuse que vous ayez pris cette résolution et j’espère que vous allez vous y tenir. J’allais vous écrire que vous devez choisir entre me voir et boire — car je ne vous verrais pas si vous continuiez à boire — mais je suis heureuse d’apprendre que vous en avez déjà pris la résolution.
11 octobre 1935
Une grande réserve de lumière, d’Ânanda, de connaissance et de pouvoir, semble se tenir au-dessus de ma tête, prête à descendre en moi. Il me vient à l’idée de continuer à rester silencieux pendant une période indéterminée, que je ne devrais ni parler ni me mêler aux autres et que je ne devrais pas sortir de ma chambre ou de la maison, sauf les jours de Darshan et de Pranâm.
Sri Aurobindo dit que vous ne devez en aucun cas manquer la méditation [collective] du soir. Je suis entièrement d’accord qu’il est absolument nécessaire d’y assister.
16 décembre 1940
C’est la vanité et l’égoïsme qui empêchent les sâdhaks de recevoir l’enseignement dans un bon esprit.
10 mai 1944
Un silence complet doit être observé dans la chambre.
Quiconque prononcera un mot en présence de Sri Aurobindo devra sortir immédiatement.
L’esprit de service a déserté cet endroit.
16 mai 1954
Ici, même parmi les meilleurs, parmi ceux qui, dans une grande occasion, feraient sans hésiter bon marché de leur vie, il n’y en a pour ainsi dire aucun qui soit prêt à abandonner spontanément ses petites habitudes, ses petites préférences, ses petites commodités, pour que la victoire finale soit remportée plus rapidement.
C’est votre attitude qui doit changer — parce que rien n’est personnel ici, tout appartient au Divin et est destiné à un usage collectif si nécessaire — et pour illustrer cela concrètement, je dois vous demander de quitter votre résidence actuelle et d’aller dans une nouvelle maison où l’on vous donnera un logement. Je vous conseille de prendre cette décision comme une manifestation de la Grâce.
16 avril 1958
X. dit qu’il ne connaît personne qui puisse faire ce travail. Il voudrait envoyer une circulaire pour informer les exposants que l’exposition n’aura pas lieu.
J’en suis vraiment navrée.
C’est un échec de la volonté, plus encore que des circonstances, et cela jette un discrédit sur l’Ashram.
14 février 1963
(À propos de A. B. Purani, un disciple décédé le 11 décembre 1965.)
Purani
La partie la plus hautement intellectuelle [de son être] est allée vers Sri Aurobindo et s’est unie à lui.
Son psychique est avec moi, et il est très heureux et en paix. Son vital aide encore ceux qui recherchent son aide.
5 mars 1966
(À propos de Pavitra [Philippe Barbier Saint-Hilaire], un disciple décédé le 16 mai 1969.)
Elle est très intéressante, l’expérience que j’ai eue cette nuit-là. Je n’ai jamais rien eu de semblable dans ma vie. C’était la nuit qui a précédé le jour de son départ. Il était 9 heures du soir. J’ai senti qu’il se retirait, se retirait d’une manière extraordinaire. Il sortait de lui-même, se rassemblait et se coulait en moi. Il sortait consciemment, délibérément, avec toute la force de sa volonté concentrée. Il a continué régulièrement, sans relâche, pendant des heures. Cela s’est terminé vers une heure, j’ai regardé l’heure.
Il n’y a eu ni ralentissement, ni interruption, ni arrêt, à aucun moment. Tout au long, c’était le même flot régulier et continu, sans rupture, sans diminution de sa force. Quel courant concentré et sans fléchissement! Le procédé s’est poursuivi jusqu’à ce qu’il soit complètement en moi, comme s’il pompait et épuisait tout ce qu’il était dans le corps jusqu’à la dernière goutte. Je dis que c’est merveilleux — je n’avais jamais eu une telle expérience. Le flot s’est arrêté lorsqu’il n’est presque plus rien resté dans le corps : j’ai laissé le corps comme il était aussi longtemps que c’était nécessaire pour continuer le travail, bien après que les docteurs l’aient déclaré mort.
Tel qu’il était dans la vie, il n’aurait pas pu faire cela, je n’attendais pas cela de lui, c’était sûrement l’une de ses vies passées qui était en action et qui a fait cela. Peu de Yogis, même parmi les plus grands, auraient pu faire une chose pareille. Voilà, il est ici, au-dedans, tout à fait éveillé, regardant avec un certain amusement ce que vous autres êtes en train de faire. Il s’est fondu en moi complètement, c’est-àdire qu’il m’habite, il ne s’est pas dissous; sa personnalité est intacte. Amrita, c’est différent. Il est ici, à l’extérieur, l’un d’entre vous, en mouvement parmi vous. Par moments, bien sûr, quand il veut se reposer et se délasser, il vient se loger ici. C’est une histoire remarquable, une chose grande et difficile qu’il a faite là, Pavitra.
25 mai 1969
(Un disciple avait demandé à la Mère de l’étoffe tissée à la main.)
Je n’ai pas l’intention de vous obliger à porter de l’étoffe tissée à la machine si vous ne le voulez pas.
Tout ce que j’ai dit, c’est que je n’ai que cela à donner.
Quand l’esprit et le cœur se libèrent, on change complètement sa manière de voir toutes ces choses. Mais jusqu’à ce que l’on soit libéré, il n’y a aucune obligation.
C’est en laissant de mauvaises pensées et des doutes vous atteindre que vous êtes sorti de la protection.
(Message pour ceux qui reçoivent les articles de première nécessité distribués par « Prospérité ».)
Vendre les choses que l’on reçoit de Prospérité, c’est insulter le Divin, et cela entraînera des conséquences spirituelles.
Ici, il est donné à chacun autant de pouvoir, de lumière et de force qu’il peut en recevoir, et même plus. Cela vous est donné pour vous transformer. Mais si vous prenez tout cela et l’utilisez à des fins personnelles et pour un amour soi-disant humain, c’est malhonnête, c’est du vol et c’est un crime de premier ordre.
Vous devez utiliser chaque chose dans le but pour lequel elle vous est donnée, sinon vous commettez un crime. Je ne parle pas seulement des objets matériels. Tout ce que je vous donne au-dedans, sans cesse, toute la force, la lumière, l’énergie et la vie qui sont déversées en vous, sont destinées au service du Divin, dans le but de vous transformer. Si vous en faites un autre usage, vous êtes un voleur et votre crime est le pire qui soit.
Lorsque je te rapporte les actes des autres, cela veut-il dire que je m’en plains et est-ce juste de le faire?
Cela dépend de ton attitude. Si tu rapportes quelque chose dans un esprit de vengeance contre quelqu’un ou pour montrer ta supériorité, ou pour n’importe quel autre motif personnel, c’est très mal et tu ne dois absolument pas le faire. Mais ta véritable attitude devrait être celle du miroir et tu devrais réfléchir avec fidélité tout ce que tu vois. Ne le peins pas avec des couleurs personnelles et sois tout à fait impartial. Si le miroir lui-même a un défaut, je peux le corriger. Mais tu dois essayer de t’assurer que le miroir ne déforme pas l’image.
Bien entendu, c’est mal de se plaindre de qui que ce soit. Mais ce que pense X. n’est pas exact. Si tu étais constamment dans un état de méditation, alors et alors seulement tu pourrais dire que tu ne vois pas le mal, que tu n’entends pas le mal et que tu ne dis pas de mal. Mais lorsqu’il s’agit du travail, tu dois me donner le renseignement. Ne te mets pas à juger. Sois comme un miroir et donne une image exacte de ce que tu vois. Il est possible que ton miroir ait un défaut, mais cela c’est mon affaire et je m’en occuperai. Tu dois faire de ton mieux et donner une image exacte selon ta lumière.
Auroville veut être une cité universelle où hommes et femmes de tous pays puissent vivre en paix et en harmonie progressive au-dessus de toute croyance, de toute politique et de toute nationalité.
Le but d’Auroville est de réaliser l’unité humaine.
8 septembre 1965
1) Qui a pris l’initiative de la construction d’Auroville?
Le Seigneur suprême.
2) Qui participe au financement d’Auroville?
3) Si l’on veut vivre à Auroville, qu’est-ce que cela signifie pour soi?
Essayer d’atteindre à la perfection suprême.
4) Doit-on être un étudiant du yoga pour pouvoir vivre à Auroville?
Toute la vie est un yoga. Ainsi on ne peut pas vivre sans pratiquer le yoga suprême.
5) Quel sera le rôle de l’Ashram de Pondichéry à Auroville?
Ce que le Seigneur suprême voudra qu’il soit.
6) Y aura-t-il des terrains de camping à Auroville?
Toutes les choses sont comme elles doivent être, au moment où elles doivent être.
7) La vie de famille continuera-t-elle à Auroville?
Si on en est encore là.
8) Peut-on conserver sa religion à Auroville?
Si on en est encore là. Paroles de la Mère 204
9) Peut-on être athée à Auroville?
10) Y aura-t-il une vie sociale à Auroville?
11) Y aura-t-il des activités communautaires obligatoires à Auroville?
Rien n’est obligatoire.
12) Y aura-t-il une circulation d’argent à Auroville?
Non. C’est seulement avec le dehors qu’Auroville aura des relations d’argent.
13) Comment sera organisé et réparti le travail à Auroville?
« L’argent ne serait plus le souverain seigneur; la valeur individuelle aurait une importance très supérieure à celle des richesses matérielles et de la position sociale. Le travail n’y serait pas le moyen de gagner sa vie, mais le moyen de s’exprimer et de développer ses capacités et ses possibilités, tout en rendant service à l’ensemble du groupe qui, de son côté, pourvoirait aux besoins de l’existence et au cadre d’action de chacun. » 11
14) Quelles seront les relations des habitants d’Auroville avec l’extérieur?
Chacun dispose de toute sa liberté. Les relations extérieures des résidents d’Auroville s’établiront pour chacun en fonction de ses aspirations personnelles et de son activité au sein d’Auroville.
15) Qui sera propriétaire des terrains, des constructions?
16) En quelles langues l’enseignement sera-t-il donné?
Dans toutes les langues parlées sur terre.
17) Quels seront les moyens de transport à Auroville?
Nous ne savons pas.
1965 12
Auroville va bien et devient de plus en plus réelle, mais sa réalisation n’avance pas de la manière humaine habituelle, et elle est plus visible pour la conscience intérieure que pour la vision extérieure.
Janvier 1966
Tu dis qu’Auroville est un rêve. Oui, c’est un « rêve » du Seigneur et généralement ces rêves-là deviennent vrais, beaucoup plus vrais que les soi-disant réalités humaines!
20 mai 1966
L’humanité n’est pas le dernier échelon de la création terrestre. L’évolution continue, et l’homme sera surpassé. À chacun de savoir s’il veut participer à l’avènement de cette espèce nouvelle.
Pour ceux qui sont satisfaits du monde tel qu’il est, Auroville n’a évidemment pas de raison d’être.
Nous voudrions faire d’Auroville le berceau du Surhomme.
1966
Auroville doit être au service de la Vérité, par-delà toutes les convictions sociales, politiques et religieuses.
Auroville est l’effort vers la paix, dans la sincérité et la Vérité.
20 septembre 1966
Auroville est un effort vers la paix mondiale, l’amitié, la fraternité, l’unité.
Tant que vous êtes pour les uns et contre les autres, vous êtes nécessairement hors de la Vérité.
Vous devriez garder la bonne volonté et l’amour constamment dans votre cœur et les laisser se répandre sur tous avec tranquillité et dans l’égalité d’âme.
16 décembre 1966
Auroville : enfin un endroit où l’on pourra ne penser qu’à l’avenir.
Janvier 1967
(Message gravé dans la pierre et placé à proximité d’un étang avec des lotus.)
Auroville est l’abri construit pour tous ceux qui veulent se hâter vers un avenir de Connaissance, de Paix et d’Unité.
16 mars 1967
Conditions requises pour vivre à Auroville
Au point de vue psychologique, les conditions requises sont :
(1) La conviction de l’unité humaine essentielle, et la volonté de collaborer à l’avènement de cette unité.
(2) La volonté de collaborer à tout ce qui favorise les réalisations futures.
Les conditions matérielles seront élaborées au fur et à mesure de la réalisation.
19 juin 1967
Les buts d’Auroville
Une unité humaine véritable
La paix sur la terre
Auroville la cité au service de la Vérité
28 février 1968
(Message pour l’inauguration d’Auroville)
Salut d’Auroville à tous les hommes de bonne volonté.
Sont conviés à Auroville tous ceux qui ont soif de progrès et aspirent à une vie plus haute et plus vraie.
Charte d’Auroville
(1) Auroville n’appartient à personne en particulier. Auroville appartient à toute l’humanité dans son ensemble.
Mais pour séjourner à Auroville, il faut être le serviteur volontaire de la Conscience Divine.
(2) Auroville sera le lieu de l’éducation perpétuelle, du progrès constant, et d’une jeunesse qui ne vieillit point.
(3) Auroville veut être le pont entre le passé et l’avenir.
Profitant de toutes les découvertes extérieures et intérieures, elle veut hardiment s’élancer vers les réalisations futures.
(4) Auroville sera le lieu des recherches matérielles et spirituelles pour donner un corps vivant à une unité humaine concrète.
Auroville
Enfin un endroit où l’on pourra ne penser qu’à progresser et à se surmonter soi-même.
Enfin un endroit où l’on pourra vivre en paix, sans conflits et sans rivalités de nations, de religions et d’ambitions.
Enfin un endroit où rien n’aura le droit de s’imposer comme vérité exclusive.
Février 1968
Mère Divine,
Dans quelle mesure la construction d’Auroville dépend-elle du consentement de l’homme à la spiritualité?
L’opposition entre la spiritualité et la vie matérielle, la division entre les deux, n’a aucun sens pour moi, car en vérité, la vie et l’esprit sont un; et c’est dans le travail physique et par celui-ci que l’esprit le plus élevé doit être manifesté.
19 avril 1968
Y a-t-il une raison pour qu’à Auroville nous soyons obligés de faire un compromis avec la vérité, par opportunisme ou en vue d’un gain matériel?
Le simple fait de vivre et d’agir est un compromis parce que le monde ne vit pas encore selon la loi de Vérité.
7 juin 1968
Quelle différence y a-t-il entre l’Ashram et Auroville?
L’Ashram gardera son vrai rôle de pionnier, d’inspirateur et de guide.
Auroville est la tentative de réalisation collective.
Juin 1968
Il est certain que pour vivre à Auroville il faut faire un grand progrès de conscience.
Mais le moment est venu où ce progrès est possible.
Avec toute ma tendresse.
(Message pour ceux qui reçoivent les objets essentiels distribués par Auroville.)
Auroville n’est pas fait pour la satisfaction des désirs mais pour la croissance de la vraie conscience.
16 juin 1968
Tout effort sincère pour apporter la paix et l’unité parmi les hommes est le bienvenu à Auroville.
20 juillet 1968
S’élancer vers l’avenir c’est être prêt à abandonner tous les gains, moraux et matériels, afin d’acquérir ce que l’avenir peut nous donner.
Peu sont ainsi. Beaucoup voudraient avoir ce que l’avenir apporte, mais ils ne sont pas prêts à abandonner ce qu’ils ont pour acquérir la nouvelle richesse.
5 août 1968
Aucune grande création n’est possible sans discipline —
discipline individuelle
discipline de groupe
discipline envers le Divin.
16 septembre 1968
Ce n’est pas pour le confort et pour la satisfaction des désirs qu’on vient à Auroville, c’est pour faire croître sa conscience et se consacrer à la Vérité qui doit être réalisée.
L’absence d’égoïsme est la première nécessité pour participer à la création d’Auroville.
5 novembre 1968
(À propos de l’organisation du travail.)
L’important est l’exécution qui doit être faite sans jamais perdre de vue l’idéal que nous voulons réaliser.
Décembre 1968
Il y a demain une réunion générale pour tenter de voir s’il est possible de s’entendre entre tous pour agir.
Personne ne parle la même langue, les individualités sont très différentes et ne se plient pas à une discipline commune d’action. J’aimerais beaucoup recevoir de toi des réponses écrites claires pour savoir quoi dire qui soit la Vérité et puisse aider à sortir de la confusion.
Est-il besoin, pour construire Auroville, de méthodes de travail, d’organisation, de coordination?
La discipline est nécessaire pour vivre. Pour vivre, le corps luimême est soumis dans toutes ses fonctions à une discipline rigoureuse. Un relâchement quelconque de cette discipline produit la maladie.
Quelle devrait être la nature de cette organisation ? Dans le présent? Dans l’avenir?
L’organisation est une discipline de l’action ; mais pour Auroville, nous aspirons à dépasser les organisations qui sont arbitraires et artificielles. Nous voulons une organisation qui soit l’expression d’une conscience supérieure travaillant à manifester la Vérité de l’Avenir.
En attendant une conscience commune, et que la vraie et juste manière de travailler collectivement soit à l’œuvre, que faire?
Une organisation hiérarchique, groupée autour du centre le plus éclairé, et se soumettant à une discipline collective.
Faut-il utiliser les méthodes d’organisation ayant fait preuve d’efficacité, mais basées sur la logique humaine et sur l’utilisation de machines?
Ceci est un pis-aller auquel il ne faudrait se soumettre que tout à fait provisoirement.
Faut-il laisser l’initiative individuelle se manifester librement; l’inspiration, l’intuition être le moteur de l’action personnelle, et refuser toute suggestion n’étant pas ressentie comme bonne par l’intéressé?
Ceci, pour être viable, exigerait que tous les travailleurs d’Auroville soient des yogis, conscients de la Vérité Divine.
Le temps est-il venu de vouloir, de mettre en place, de tenter une organisation générale, ou faut-il attendre l’attitude juste et les hommes?
Il faut une organisation pour que le travail soit fait. Mais l’organisation elle-même doit être souple et progressive.
Si attendre est la solution, est-il néanmoins nécessaire de définir des principes d’organisation, et d’empêcher que ne se produise un désordre incontrôlable?
Tous ceux qui veulent vivre et travailler à Auroville doivent avoir :
Une bonne volonté intégrale, une aspiration constante à connaître la Vérité et à se soumettre à elle.
Une plasticité suffisante pour faire face aux exigences du travail, et une volonté incessante de progrès pour avancer toujours vers l’Ultime Vérité.
Un petit conseil pour finir :
Soyez plus préoccupés de vos propres défauts que de ceux des autres.
Si chacun travaillait sérieusement à se perfectionner luimême, la perfection de l’ensemble suivrait automatiquement.
6 février 1969
la ville dont la terre a besoin
22 février 1969
(Message pour le premier anniversaire d’Auroville.)
Que la Lumière, la paix et la joie soient avec tous ceux qui vivent à Auroville et travaillent pour sa réalisation.
28 février 1969
La liberté n’est possible que dans l’union avec le Divin.
Pour s’unir avec le Divin il faut avoir conquis en soi la possibilité même du désir.
La liberté que nous voulons réaliser à Auroville n’est pas une licence où chacun fait à sa guise sans se soucier du bien-être de l’organisation du tout.
1969
Est-ce la Volonté Divine qui veut la naissance d’Auroville, ou bien le Divin considère-t-il la volonté de construire Auroville comme une expérience?
La conception d’Auroville est purement divine et elle a précédé de beaucoup d’années son exécution.
Naturellement dans les détails de l’exécution la conscience humaine intervient.
Comment des gens ayant des valeurs différentes peuventils vivre et travailler ensemble en harmonie?
La solution est d’aller profondément à l’intérieur de soi-même et de trouver le lieu où toutes les différences se rejoignent pour constituer l’unité essentielle et éternelle.
4 mai 1969
Aux Auroviliens
Pour établir à Auroville l’atmosphère harmonieuse qui, par définition, doit y régner, le premier pas est, pour chacun, de regarder en lui-même ce qui est cause des frictions et des mésententes.
Car ces causes sont toujours des deux côtés et l’effort de chacun doit être de les supprimer en soi-même d’abord avant de rien exiger des autres.
4 juillet 1969
Tout bon Aurovilien doit faire effort pour se libérer de tous les désirs, toutes les préférences et toutes les répulsions.
L’égalité d’âme en face de toute circonstance est le principal but à atteindre pour vivre à Auroville.
Les querelles sont tout à fait contraires à l’esprit d’Auroville.
Auroville est l’endroit idéal pour ceux qui veulent connaître la joie et la libération de ne plus avoir de possession personnelle.
18 septembre 1969
La terre a besoin
d’un endroit où les hommes puissent vivre à l’abri de toutes les rivalités nationales, de toutes les conventions sociales, de toutes les moralités contradictoires et de toutes les religions antagonistes;
un endroit où, libérés de tous ces esclavages du passé, les êtres humains pourront se consacrer totalement à la découverte et à la mise en pratique de la Conscience Divine qui veut se manifester.
Auroville veut être cet endroit et s’offre à tous ceux qui aspirent à vivre la vérité de demain.
20 septembre 1969
La Paix par l’unité humaine
L’unité par l’uniformité est une absurdité.
L’unité doit se réaliser par l’union de la multiplicité. Chacun est une partie de l’unité; chacun est indispensable au tout.
Octobre 1969
Un jour viendra-t-il où il n’y aura plus de pauvres et plus de souffrances dans le monde?
Ceci est absolument certain pour tous ceux qui comprennent l’enseignement de Sri Aurobindo et ont foi en lui.
C’est avec l’intention de créer un endroit où il puisse en être ainsi que nous voulons fonder Auroville.
Mais pour que cette réalisation soit possible, il faut que chacun fasse effort pour se transformer lui-même, car la majorité des souffrances des êtres humains est le produit de leurs propres erreurs, physiques et morales.
8 novembre 1969
Comment crois-tu qu’à Auroville il n’y aura plus de souffrance, tant que les gens qui viendront vivre à Auroville seront les hommes du même monde, nés avec les mêmes faiblesses et les mêmes défauts?
Je n’ai jamais pensé qu’il n’y aurait plus de souffrance à Auroville, parce que les hommes, tels qu’ils sont, aiment la souffrance et l’appellent tout en la maudissant.
Mais on tâchera de leur enseigner à aimer vraiment la paix et à essayer de pratiquer l’égalité d’âme.
C’est de la pauvreté involontaire et de la mendicité que je voulais parler.
La vie à Auroville sera organisée de telle sorte que cela n’existera pas, et si des mendiants viennent du dehors, ou bien ils devront partir, ou bien on les hospitalisera et leur apprendra la joie du travail.
9 novembre 1969
Quelle est la différence fondamentale entre l’idéal de l’Ashram et celui d’Auroville?
Il n’y a pas de différence fondamentale dans l’attitude à l’égard de l’avenir et du service du Divin.
Mais les gens de l’Ashram sont considérés comme ayant consacré leur vie au yoga (excepté naturellement les élèves qui ne sont ici que pour leurs études et à qui l’on ne demande pas d’avoir fait leur choix dans la vie).
Tandis qu’à Auroville, la seule bonne volonté de faire une expérience collective pour le progrès de l’humanité suffit pour être admis.
10 novembre 1969
(Écrit à l’intention d’un comité de l’UNESCO.)
La tâche de donner une forme concrète à la vision de Sri Aurobindo a été confiée à la Mère. La création d’un monde nouveau, d’une humanité nouvelle, d’une société nouvelle exprimant et incorporant la conscience nouvelle, est l’œuvre qu’elle a entreprise. De par la nature même des choses, c’est un idéal collectif, réclamant un effort collectif, pour se réaliser dans les termes d’une perfection humaine intégrale.
L’Ashram fondé et construit par la Mère a été le premier pas vers l’accomplissement de ce but. Le projet d’Auroville est le pas suivant, plus extérieur, cherchant à élargir la base de cet essai d’établir l’harmonie entre l’âme et le corps, l’esprit et la nature, les cieux et la terre dans la vie collective humaine.13
J’ai toujours considéré l’Ashram et Auroville comme des parties d’un tout. Je ne peux pas les voir comme des entités différentes. Alors pourquoi as-tu fait une différence, Mère? Ou bien ai-je tort de quelque façon ? Il me semble qu’un mouvement d’intégration est bien nécessaire dans notre manière de voir?
L’Ashram est la conscience centrale, Auroville est l’une des expressions extérieures. Autant à Auroville qu’à l’Ashram, on travaille pour le Divin.
Ceux qui habitent à l’Ashram ont leur propre travail et la plupart sont trop occupés pour donner du temps à Auroville.
Chacun doit s’occuper de son propre travail ; pour une organisation convenable, c’est essentiel.
Auroville aspire à l’union.
À tous ceux qui veulent vivre pour l’avenir :
Un travail matériel est aussi indispensable à l’équilibre corporel que la nourriture.
Manger sans travailler produit un déséquilibre grave.
Février 1970
Mettez-vous tous d’accord.
C’est la seule manière de faire du bon travail.
2 avril 1970
Pour se mettre tous d’accord, il faut que chacun monte au sommet de sa conscience; c’est sur les hauteurs que se crée l’harmonie.
Avril 1970
Auroville et les religions
Nous voulons la Vérité.
Pour la plupart des hommes, c’est ce qu’ils veulent qu’ils appellent vérité.
Les Auroviliens doivent vouloir la Vérité quelle qu’elle soit. Auroville est pour ceux qui veulent vivre une vie essentiellement divine mais qui renoncent à toutes les religions, qu’elles soient anciennes, modernes ou futures.
La connaissance de la Vérité ne peut être qu’expérimentale. Personne ne doit parler du Divin à moins qu’il n’ait eu l’expérience du Divin.
Connaissez le Divin, alors vous pourrez en parler.
L’étude objective des religions fera partie de l’étude historique du développement de la conscience humaine.
Les religions font partie de l’histoire de l’humanité, et c’est à ce titre qu’elles seront étudiées à Auroville; non pas comme des croyances auxquelles on doit ou on ne doit pas adhérer, mais comme le processus du développement de la conscience humaine qui doit mener l’homme vers sa réalisation supérieure.
Programme
La recherche expérimentale de la
Suprême Vérité
Une vie divine
mais
pas de religions
Notre recherche ne sera pas une recherche par des moyens mystiques. C’est dans la vie même que nous voulons trouver le Divin. Et c’est grâce à cette découverte que la vie pourra être réellement transformée.
2 mai 1970
La notion de religion est le plus souvent liée à celle de la recherche de Dieu. Est-ce seulement dans cette perspective qu’il faut la comprendre? N’y a-t-il pas en effet aujourd’hui d’autres formes de religion?
Nous appelons « religion » toute conception du monde ou de l’univers qui se présente comme la Vérité exclusive en laquelle on doit avoir une foi absolue, généralement parce que cette Vérité est censée être le résultat d’une révélation.
La plupart des religions affirment l’existence d’un Dieu et les règles à suivre pour Lui obéir, mais il y a aussi des religions sansDieu, telles les organisations socio-politiques qui, au nom d’un Idéal ou de l’État, réclament le même droit à l’obéissance.
Le droit de l’homme est de poursuivre librement la Vérité et de s’en approcher librement par ses propres voies. Mais chacun doit savoir que sa découverte est bonne pour lui seulement et qu’elle ne doit pas être imposée aux autres.
13 mai 1970
À Auroville rien n’appartient à personne en particulier. Tout est propriété collective. À utiliser avec mes bénédictions pour le bien-être de tous.
14 mai 1970
Pour être un vrai Aurovilien
1) La première nécessité est la découverte intérieure pour savoir ce que l’on est vraiment derrière les apparences sociales, morales, culturelles, raciales, héréditaires.
Au centre il y a un être libre, vaste, connaissant, qui s’offre à notre découverte et qui doit devenir le centre agissant de notre être et de notre vie à Auroville.
2) On vit à Auroville pour être libre des conventions morales et sociales; mais cette liberté ne doit pas être un nouvel esclavage à l’ego, à ses désirs et ses ambitions.
L’accomplissement des désirs barre la route à la découverte intérieure, qui ne peut s’accomplir que dans la paix et la transparence du parfait désintéressement.
3) L’Aurovilien doit perdre le sens de la possession personnelle. Pour notre passage dans le monde matériel, ce qui est indispensable à notre vie et à notre action est mis à notre disposition suivant la place que nous devons occuper.
Plus nous sommes consciemment en rapport avec notre être intérieur, plus les moyens exacts nous sont donnés.
4) Le travail, même manuel, est une chose indispensable à la découverte intérieure. Si l’on ne travaille pas, si l’on ne met pas sa conscience dans la matière, celle-ci ne se développera jamais. Laisser la conscience organiser un peu de matière à travers son corps, est très bon. Mettre de l’ordre autour de soi, aide à mettre de l’ordre en soi.
On doit organiser sa vie, non pas selon des règles extérieures et artificielles, mais selon une conscience organisée intérieure, parce que si on laisse la vie sans lui imposer le contrôle de la conscience supérieure, elle devient flottante et inexpressive. C’est gaspiller son temps, dans ce sens que la matière reste sans utilisation consciente.
5) La terre tout entière doit se préparer à l’avènement de l’espèce nouvelle, et Auroville veut travailler consciemment à hâter cet avènement.
6) Peu à peu, nous sera révélé ce que doit être cette espèce nouvelle, et en attendant, le meilleur moyen est de se consacrer entièrement au Divin.
13 juin 1970
À Auroville « tout est propriété collective ». Est-ce que cela veut dire que tous les objets peuvent être utilisés par tout le monde? Ou faut-il donner les objets uniquement à ceux qui les traitent bien?
J’ai aussi observé qu’il y a des appareils délicats qui s’attachent à une personne et qui ne marchent pas bien si on les prête aux autres.
Tout cela implique une conscience qui n’est pas très répandue sur la terre.
Cela ne veut pas dire qu’on donne des choses à ceux qui ne savent pas s’en servir.
Il faudrait pour régir Auroville une conscience libérée de toutes les conventions, et qui soit consciente de la Vérité supramentale. J’attends encore une personne comme cela. Il faut que chacun fasse de son mieux pour y arriver.
15 juillet 1970
(Quelques visiteurs de passage ont revendiqué le droit d’intervenir dans l’organisation d’Auroville. À ce propos, Mère a écrit :)
Aux habitants d’Auroville
Seuls ceux qui sont résolus à rester définitivement à Auroville ont le droit d’intervenir dans son organisation.
22 janvier 1971
Désormais tout ce que j’ai à dire pour Auroville, sera mis par écrit et signé par moi.
15 février 1971
« Est-ce qu’Auroville doit avoir plus de comités nouveaux ? »
Mère n’est pas d’accord pour des comités nouveaux pour Auroville. Elle dit : « Plus de comités, plus de bavardages. »
17 février 1971
Plusieurs d’entre nous ont passé ou sont en train de passer par une période d’incohérence et de déséquilibre mental. Quelle attitude devrions-nous prendre envers ceux qui sont dans cet état? Que devrions-nous faire ou ne pas faire pour éviter de passer par ces crises?
Calme, Paix, Tranquillité, toujours, et toujours parler aussi peu que possible et agir seulement quand c’est nécessaire. Éviter l’inconscience autant que possible.
La vraie spiritualité se trouve dans le service de l’œuvre divine.
Le refus de travailler pour tous n’est qu’une manifestation égoïste et n’a aucune valeur spirituelle.
La première chose à faire pour pouvoir vivre à Auroville, c’est d’accepter de se libérer de son ego.
24 février 1971
(Message pour le troisième anniversaire d’Auroville.)
À tous les Auroviliens
Mes bénédictions pour le progrès et la croissance de la conscience collective et individuelle.
28 février 1971
Pour être Aurovilien il faut au moins appartenir à l’humanité éclairée et aspirer à la conscience supérieure, celle qui gouvernera l’espèce de demain.
Toujours plus haut et toujours mieux, par-delà les limitations égoïstes.
Février 1971
Auroville n’est pas une œuvre de charité. Une nuit passée à Aspiration 14 équivaut à une journée de travail.
On ne vit pas à Auroville pour être confortable mais pour développer sa conscience et pour servir le Divin.
1er mars 1971
Est-ce pour satisfaire des petits besoins personnels que vous êtes venus à Auroville?
Ce n’est vraiment pas nécessaire. Le monde ordinaire est là pour cela.
On vient à Auroville pour réaliser une vie divine qui veut se manifester sur terre.
Chacun doit faire un effort dans ce sens et ne pas rester hypnotisé par les soi-disant besoins qui ne sont que des caprices personnels.
Regardez en haut et en avant, tâchez de surmonter la nature humaine animale. Prenez la résolution et vous verrez que vous êtes aidés sur le chemin.
3 mars 1971
Travailler pour Auroville, c’est hâter l’avènement d’un avenir plus harmonieux.
27 mars 1971
Nous pouvons servir le Divin dans le moindre de nos actes si nous avons la bonne attitude.
15 avril 1971
Auroville ne doit pas mentir. Tout aspirant à être Aurovilien doit prendre la résolution de ne jamais dire de mensonge.
24 avril 1971
C’est dans le travail fait comme une offrande au Divin, que la conscience se développe le mieux.
L’indolence et l’inaction aboutissent au tamas qui est une chute dans l’inconscience et tout le contraire du progrès et de la lumière.
Surmonter son ego et ne vivre qu’au service du Divin, voilà l’idéal et le plus court chemin pour acquérir la vraie Conscience.
27 avril 1971
Je désapprouve totalement la violence. Chaque acte de violence est un pas en arrière sur le chemin qui mène vers le but auquel nous aspirons.
Le Divin est partout et toujours suprêmement conscient. Il ne faut jamais rien faire qu’on ne puisse faire devant le Divin.
6 mai 1971
symbole d’auroville
Le point au centre représente l’Unité, le Suprême; le cercle intérieur représente la création, la conception de la ville; les pétales représentent le pouvoir d’expression, la réalisation.
16 août 1971
Chaque chose à sa place et il y aurait une place pour tout.
26 août 1971
Dire : « Cela, cette chose, est impossible à inclure », veut simplement dire que l’on n’a pas trouvé sa vraie place.
Toutes les fantaisies sont des mouvements du vital et tout à fait indésirables.
La liberté ne consiste pas à obéir à ses désirs, mais, au contraire, à ne pas en avoir.
27 août 1971
Pour chaque problème il y a une solution qui peut satisfaire tout le monde, mais pour trouver cette solution idéale, il faut que chacun la veuille, au lieu d’essayer d’imposer aux autres ses préférences.
Élargissez votre conscience et aspirez à ce que tous soient satisfaits.
28 août 1971
Vous ne voyez que votre côté de la question, mais si vous voulez élargir votre conscience il vaudrait mieux regarder impartialement tous les côtés. Plus tard vous découvrirez que cette attitude a de grands avantages.
17 septembre 1971
Élargissez votre conscience à la dimension de la terre, et vous aurez une place pour tout.
20 septembre 1971
L’idéal des Auroviliens doit être de se débarrasser de l’ego — pas du tout de satisfaire leur ego.
S’ils suivent la vieille manière humaine faite d’exigences égoïstes, comment peuvent-ils espérer que le monde changera ?
23 octobre 1971
Pour ceux à Auroville qui veulent être de vrais serviteurs, est-ce que le dimanche est un jour de congé?
Tout d’abord l’organisation de la semaine était conçue ainsi : six jours de travail pour la collectivité à laquelle l’individu appartenait; le septième jour de la semaine était réservé pour la recherche intérieure du Divin et l’offrande de son être à la volonté divine. Ceci est la seule signification et la seule vraie raison du prétendu repos du dimanche.
Inutile d’ajouter que la sincérité est la condition essentielle de la réalisation, toute insincérité est une dégradation.
25 octobre 1971
Chacun a de bonnes raisons pour défendre son opinion, et je ne suis pas un expert pour juger entre elles.
Mais au point de vue spirituel je sais que, avec la vraie bonne volonté, toutes les opinions peuvent s’accorder dans une solution plus compréhensive et plus vraie. C’est cela que j’attends des travailleurs d’Auroville. Non pas que les uns cèdent la place à d’autres, mais au contraire que tous combinent leurs efforts pour arriver à un résultat plus compréhensif et plus parfait.
L’idéal d’Auroville demande ce progrès — ne veux-tu pas le faire?
14 novembre 1971
La seule vraie liberté est celle que l’on obtient par l’union avec le Divin.
On ne peut s’unir au Divin qu’en maîtrisant son ego.
1971
Auroville veut être la première réalisation de l’unité humaine basée sur l’enseignement de Sri Aurobindo, où les hommes de tous pays pourront se sentir chez eux.
Janvier 1972
Message À L’intention De l’UNESCO
La raison d’être d’Auroville est de hâter l’avènement de la réalité supramentale sur la terre.
L’aide de tous ceux qui trouvent que le monde n’est pas comme il devrait être est la bienvenue.
Chacun doit savoir s’il veut s’associer à un vieux monde prêt à mourir, ou travailler pour un monde nouveau et meilleur qui se prépare à naître.
1er février 1972
Beaucoup d’Auroviliens disent qu’un travail organisé n’est pas souhaitable à Auroville, et ils sont partisans du travail spontané.
Seul un homme de génie peut faire un travail spontané.
Y a-t-il quelqu’un qui prétende être un génie?
3 juillet 1972
Suivre les impulsions de la nature inférieure n’est sûrement pas le chemin supramental, et n’a pas sa place ici.
Ce que nous voulons c’est hâter l’avènement du supramental, pas du tout tomber dans la laideur d’une humanité pleine de désirs et d’impulsions inférieures.
10 juillet 1972
Tant que nous continuons à dire des mensonges, nous repoussons loin de nous l’heureux Avenir.
13 juillet 1972
Auroville veut abriter ceux qui seront heureux d’être à Auroville. Les mécontents devraient retourner dans le monde où ils peuvent faire ce qu’ils veulent et où il y a de la place pour tout le monde.
2 octobre 1972
Pour tous ceux qui ont été admis à Auroville à la suite d’une fausse déclaration de leur part, il n’y a qu’une solution : c’est de guérir en eux-mêmes tout mensonge, c’est-à-dire tout ce qui contredit dans leur conscience la Présence du Divin.
22 octobre 1972
Le véritable esprit d’Auroville est un esprit de collaboration et il doit en être ainsi de plus en plus.
La vraie collaboration ouvre le chemin à la divinité.
24 octobre 1972
(Trois formes de salutation possible pour les Auroviliens qui souhaitent s’en servir.)
Au service de la Vérité
At the service of Truth
Truth
30 octobre 1972
Harmonie
Bonne Volonté
Discipline
Vérité
Je ne peux travailler avec vous que si vous ne dites pas de mensonges et si vous êtes au service de la Vérité.
31 octobre 1972
Avant de mourir, le mensonge se déchaîne.
Pourtant les gens ne comprennent que la leçon de la catastrophe. Devra-t-elle arriver avant qu’ils ouvrent les yeux à la Vérité?
Je demande l’effort de tous pour que cela ne soit pas nécessaire.
Seule la Vérité peut nous sauver, la vérité dans les paroles, la vérité dans l’action, la vérité dans la volonté, la vérité dans les sentiments. C’est un choix entre servir la Vérité ou être détruit.
26 novembre 1972
Auroville a été créée pour une surhumanité progressive, non pour une sous-humanité gouvernée par ses instincts et dominée par ses désirs.
Ceux qui appartiennent à la sous-humanité — l’humanité animale — n’ont pas de place ici.
Auroville est pour ceux qui aspirent au supramental et font effort pour y parvenir.
1er décembre 1972
(Au sujet du passage d’un cyclone la nuit du 5 décembre 1972.)
C’est un avertissement que donne la Nature : ceux qui n’ont pas le vrai esprit d’Auroville devront changer, ou partir s’ils ne veulent pas changer.
7 décembre 1972
Paroles de la Mère 238 Tout le monde doit progresser et devenir plus sincère.
Auroville a été créée non pas pour la satisfaction des ego et de leurs convoitises, mais pour la création d’un monde nouveau, le monde supramental, exprimant la perfection divine.
12 décembre 1972
Auroville a été créée pour une suprahumanité, pour ceux qui veulent surmonter leur ego et renoncer à tout désir pour se préparer à recevoir le supramental. Ceux-là seuls sont de vrais Auroviliens.
Ceux qui veulent obéir à leur ego et satisfaire tous leurs désirs appartiennent à une sous-humanité et n’ont pas de place ici. Ils doivent retourner au monde qui est leur vraie place.
18 décembre 1972
À tous ceux qui disent des mensonges
Par le simple fait que vous dites des mensonges vous prouvez que vous ne voulez pas être de vrais Auroviliens.
Si vous voulez rester à Auroville, il faut cesser de mentir.
19 décembre 1972
Pour être un vrai Aurovilien il ne faut jamais mentir.
28 décembre 1972
Auroville est-elle la seule solution à la misère de l’homme et aux troubles de la société?
Pas l’unique solution. C’est un centre de transformation, un petit noyau d’hommes qui se transforment et donnent l’exemple au monde. C’est ce qu’Auroville espère être. Tant qu’il existe dans le monde l’égoïsme et la mauvaise volonté, la transformation générale est impossible.
Quelle organisation politique désirez-vous pour Auroville?
Il me vient une définition amusante : une anarchie divine. Mais le monde ne comprendra pas. Il faut que les hommes prennent conscience de leur être psychique et spontanément s’organisent sans règles et sans lois fixes, c’est l’idéal.
Pour cela, il faut être en contact avec son être psychique, que l’on soit dirigé par lui et que l’autorité et l’influence de l’ego disparaissent.
Auroville a été créée pour ceux qui veulent faire des progrès, leurs propres progrès.
Ceci est écrit pour chacun : que chacun s’occupe de lui-même d’abord.
Tant qu’ils ont des désirs, ce ne sont pas de vrais Auroviliens.
Qu’ils ne jouent pas sur les mots : il y a un monde de différence entre les désirs et l’aspiration. Toute personne sincère le sait. Et surtout, qu’ils ne prennent pas leur ego et leurs désirs pour le Divin. Et c’est parce qu’ils se trompent eux-mêmes qu’ils font la confusion.
Il faut qu’ils soient conscients de la présence divine en eux, et pour cela l’ego doit se taire et les désirs disparaître.
Jésus est une des nombreuses formes que le Divin a assumées pour entrer en rapport avec la terre. Mais il y en a, et il y en aura beaucoup d’autres; et les enfants d’Auroville doivent remplacer l’exclusivisme d’une religion par la vaste foi de la Connaissance.
Il n’y a qu’une solution pour le mensonge : c’est de guérir en nous-mêmes tout ce qui contredit dans notre conscience la présence du Divin.
31 décembre 1972
Ce n’est pas ce que vous faites mais l’esprit dans lequel vous le faites qui constitue le Karmayoga.
5 février 1973
Auroville n’est pas un endroit où faire de la politique; il ne faut pas faire de politique à Auroville et dans les bureaux d’Auroville.
15 février 1973
Auroville deviendra ce qu’elle doit être :
Seulement quand les gens qui y vivent cesseront de mentir et à cette seule condition.
18 mars 1973
Quand vous dites : « je veux servir le Divin », croyez-vous que l’Omniscient ne sait pas que c’est un mensonge?
Auroville a été créée pour réaliser l’idéal de Sri Aurobindo qui nous a enseigné le Karmayoga. Auroville est pour ceux qui veulent faire le Yoga du travail.
Vivre à Auroville, c’est faire le Yoga du travail. Par conséquent, tous les Auroviliens doivent se charger d’un travail, et le faire comme un Yoga.
27 mars 1973
Le Matrimandir veut être le symbole de la réponse du Divin à l’aspiration humaine vers la perfection.
L’union avec le Divin se manifestant dans une unité humaine progressive.
14 août 1970
Le Matrimandir veut être le symbole de la Mère Universelle telle que Sri Aurobindo nous l’a enseignée.
Le Matrimandir sera l’âme d’Auroville.
Le plus tôt elle sera là, le mieux cela vaudra pour tout le monde et surtout pour les Auroviliens.
15 novembre 1970
Pour la construction du Matrimandir, est-ce que seuls les Auroviliens feront le travail ou bien aussi des salariés et des gens de bonne volonté?
Il est préférable que le travail soit organisé sans travail payé et de façon qu’il soit sûr de continuer dans tous les cas.
16 février 1971
(Message pour la pose de la première pierre du Matrimandir.)
Le Matrimandir veut être le vivant symbole de l’aspiration d’Auroville au Divin.
21 février 1971
(Message pour le commencement de la construction du Matrimandir.)
La fraternité de la collaboration.
L’aspiration vers l’Unité dans la joie et la Lumière.
14 mars 1971
Comme nous sommes en période de construction, il est impératif que les Auroviliens qui habitent au Centre, travaillent à la construction du Matrimandir.
Ceux qui ne veulent pas travailler au Matrimandir ne doivent pas habiter au Centre.
10 avril 1971
Le Matrimandir est directement sous l’influence du Divin et certainement il arrange les choses mieux que nous ne pourrions le faire nous-mêmes.
Octobre 1971
Il n’y a qu’un seul Matrimandir, le Matrimandir d’Auroville. Les autres doivent avoir un autre nom.
5 octobre 1971
La sécurité et la solidité des travaux doit passer avant les questions personnelles.
Je compte sur vous pour veiller à ce que tout se passe harmonieusement.
20 octobre 1971
Peux-tu donner quelques idées générales sur la manière dont tu veux que le Matrimandir soit construit, de sorte qu’il n’y ait plus de doute en nous et que nous bâtissions, le cœur léger et plein de confiance.
Solidité, sécurité, durée, équilibre harmonieux.
Les fondations sont particulièrement importantes et doivent être faites par les experts.
Il y a place pour toutes les bonnes volontés et pour ceux qui en toute sincérité et simplicité veulent donner leur travail, il y a de quoi les occuper utilement.
3 novembre 1971
(Message pour le commencement de la construction des quatre piliers qui soutiennent la sphère du Matrimandir.)
Auroville veut être le symbole d’une Unité progressive.
Et la meilleure manière de la réaliser est une unité d’aspiration vers la Perfection Divine dans le travail et les sentiments, dans une consécration de la vie tout entière.
21 février 1972
(Message à l’occasion du bétonnage de la base des fondations du Matrimandir.)
Travaillons tous avec une sincérité croissante pour la manifestation de la Vérité Divine.
3 mai 1972
(Signification des quatre piliers.)
Nord Mahâkâlî
Est Mahâlâkshmî
Sud Maheshwarî
Ouest Mahâsaraswatî
(Signification des douze chambres de méditation souterraines qui vont rayonner des fondations du Matrimandir.)
Sincérité, Humilité, Gratitude, Persévérance, Aspiration, Réceptivité, Progrès, Courage, Bonté, Générosité, Égalité, Paix.
(Signification des douze jardins qui vont entourer le Matrimandir.)
Existence, Conscience, Félicité, Lumière, Vie, Pouvoir, Richesse, Utilité, Progrès, Jeunesse, Harmonie, Perfection.
(Message pour les travailleurs du Matrimandir le jour du Centenaire de Sri Aurobindo.)
Bonne volonté et paix à tous.
sujets d’ordre général
Auromodèle constitue à la fois une tentative et une expérimentation. À mesure qu’elle se développera, son organisation sera modifiée en fonction des besoins.
Toute organisation doit rester souple et flexible afin de progresser constamment et de se modifier à mesure que la nécessité s’en fait sentir.
12 février 1966
Puis-je répondre à la lettre de X. en lui disant que tout texte de brochure ou de dépliant concernant le Pavillon Américain [qui doit être construit à Auroville], qu’il soit préparé en Amérique ou à l’Ashram, doit d’abord recevoir votre approbation?
Rien sur les projets d’Auroville ne doit paraître sans mon approbation.
22 mars 1966
Chère Mère,
Notre potager a été envahi par des insectes. En attendant que nous puissions étudier des moyens de contrôle non toxiques, et jusqu’à ce que nous ayons suffisamment d’information pour résoudre ce problème, nous avons pensé utiliser certains insecticides, avec précaution.
Pourrions-nous avoir votre permission de le faire et votre protection dans leur utilisation?
Un protecteur bénin et inoffensif est souvent plus efficace qu’un protecteur toxique.
1er avril 1966
Il me semble que la terre même d’Auroville aspire. Est-ce vrai, Douce Mère?
Oui, même la terre a une conscience, quoique cette conscience ne soit pas intellectualisée et ne puisse pas s’exprimer.
21 mars 1968
(Message à l’intention du Bureau de Liaison qui a été créé afin de recueillir des fonds et trier les personnes qui veulent visiter Auroville ou y vivre.)
Pour être à la tête du Bureau de Liaison, il faut se sentir absolument impartial à l’égard de toutes les nations sans exception. Cette attitude demande une sincérité totale.
Avril 1968
Désirez-vous que j’interroge personnellement ceux qui veulent venir travailler à Auroville avant de vous envoyer leurs photos?
20 juin 1968
Dimanche dernier quelques-uns des plus jeunes enfants de l’Ashram sont partis inopinément dans le camion d’Auroville où ils ont passé toute la matinée. Plusieurs adultes les accompagnaient pour les surveiller, dont X., Y., Z. et moi-même.
Devons-nous encourager les enfants à aller à Auroville le dimanche si nous les surveillons convenablement, ou n’est-ce pas souhaitable?
Oui, ils peuvent y aller si tout est bien organisé.
28 juin 1968
1) Avons-nous besoin d’un Département du Personnel à Auroville?
Non.
2) Devrait-il faire partie du Bureau de Liaison?
Ne multipliez pas les départements, les titres et les noms. Cela complique inutilement la vie.
(Message pour la pose de la première pierre d’Aurofood.)
Nous travaillerons pour un avenir meilleur.
14 août 1968
(À propos de « Peace », le camp des travailleurs du Matrimandir et ses environs.)
Je voudrais que tout cet endroit s’appelle « Peace » [Paix] et que la paix, une paix réelle, y règne; non seulement entre les habitants, mais dans tout Auroville, présent et à venir.
29 décembre 1968 *
Il semble qu’il y ait davantage d’opposition à l’Œuvre du Divin à Peace qu’en d’autres endroits d’Auroville. Est-ce vrai? Y a-t-il une raison occulte à cela ?
Sois confiant et paisible toi-même. C’est contagieux.
Mes bénédictions t’accompagnent.
(Message pour l’inauguration de l’Atelier de Gravure d’Auroville.)
En toute sincérité, faire toujours le mieux qu’on peut.
En toute sincérité, être toujours le mieux qu’on peut.
23 juin 1969
(Message pour la maison d’Auroson, à la Communauté « Certitude ».)
Une Maison Nouvelle pour une Nouvelle Conscience.
Bénédictions
Auromodèle se construit pour faire une expérience concrète et apprendre comment vivre à Auroville.
18 août 1969
Je veux aider à la construction d’Auroville. Je sens que la manière la plus pratique pour moi serait de retourner en Amérique et d’y travailler pour Auroville. Est-ce ta volonté?
Ma volonté, c’est que tu fasses un travail utile, pratique et efficace en Amérique ou ici, selon ce que tu sens.
31 décembre 1969
Quel est le but de la vie à Auroville en général et à Auromodèle en particulier? Est-ce de servir la communauté, ou d’être un vrai serviteur de la Conscience Divine?
Le but de la vie à Auromodèle est d’apprendre à vivre à Auroville, de faire toutes les expériences nécessaires pour cela.
Nous voulons trouver une manière pour la communauté de vivre pour le Divin.
Chaque individu a sa manière propre, mais la communauté doit trouver une manière qui convienne à chacun.
22 mai 1970
(On a demandé à la Mère s’il serait souhaitable d’interroger les habitants d’Aspiration pour connaître leur opinion sur divers problèmes.)
Il vaudrait peut-être mieux demander la réponse à des personnes qui par une pratique sérieuse du yoga, sont arrivées au moins à un aperçu de la Sagesse Supérieure.
Pourquoi suis-je tombé malade lors de mon dernier séjour à Auroville? Pourrai-je recommencer à y vivre de nouveau ?
Ne pense pas trop à toi-même.
Amour et bénédictions.
29 novembre 1970
(Message pour l’inauguration de l’école d’Aspiration.)
Une volonté sincère de savoir et de progresser.
15 décembre 1970
(Liste des langues à enseigner à l’école d’Aspiration.)
(1) le tamoul
(2) le français
(3) le sanscrit simplifié pour remplacer le hindi comme langue de l’Inde (
4) l’anglais comme langue internationale.
(Message pour le bureau d’Auroville à Pondichéry.)
Une Douce Année
2 janvier 1971
(Message pour la « Gazette Aurovilienne ».)
Nous voudrions que cette Gazette soit le messager de l’avenir et du progrès à réaliser pour l’humanité.
Janvier 1971
(Une personne avait reçu une facture pour la nourriture et le transport de son enfant entre Pondichéry et l’école d’Aspiration à Auroville. Elle a écrit à Mère dont voici la réponse :)
L’éducation est gratuite. Mais naturellement le transport et la nourriture doivent être payés.
6 février 1971
(Interrogée au sujet de l’emploi des engrais chimiques et des pesticides à Auroville, la Mère a répondu :)
Non, Non, Non.
Auroville ne doit pas retomber dans les vieilles erreurs qui appartiennent à un passé qui essaye de ressusciter.
Mars 1971
Je suis pour la culture sans engrais chimiques ni insecticides dangereux.
(Messages pour l’inauguration de « Last School »15 , près d’Aspiration.)
L’avenir appartient à ceux qui veulent progresser.
Bénédictions à ceux qui ont pour devise « Toujours mieux ».
Dans le physique le Divin se manifeste par la Beauté.
6 octobre 1971
(Message pour la pépinière « Beauté ».)
Les fleurs sont les prières du monde végétal.
Les plantes offrent leur beauté au Suprême.
5 novembre 1971
(Signification du jardin qui entoure le banian au centre géographique d’Auroville.)
Unité.
Sri Aurobindo a dit, à propos de Mahâlakshmî : « Si dans le cœur des hommes, elle se trouve entourée d’égoïsme, de haine, de jalousie, de malveillance, d’envie et de conflit, si la traîtrise, l’avidité et l’ingratitude sont mêlées au contenu du calice sacré, si la grossièreté de la passion et le désir non raffiné dégradent la dévotion, en de tels cœurs la Déesse gracieuse ne s’attarde pas. Un dégoût divin la saisit et elle se retire, car elle n’est point de celles qui insistent ni qui font effort... »
De peur que tu ne fasses cela, et affligés par la peine que nous t’avons causée, nous, à Aspiration, te demandons pardon. Nombre d’entre nous ont souvent promis de changer; nombre d’entre nous te le promettent aujourd’hui. Nous implorons Ta grâce. Avec amour.
Mon amour et mes bénédictions sont toujours avec vous pour votre progrès et votre transformation.16
12 avril 1972
Mère bien-aimée,
Sur le plan pratique de mes contacts avec le monde « extérieur », je me trouve souvent en présence d’une décision à prendre : jusqu’à quel point dois-je souscrire à ses conventions et à ses conditions et jusqu’à quel point puis-je insister sur la totale nouveauté de nos tentatives à Auroville?
Un mot de vous m’éclairerait davantage sur mes obligations, à l’égard du monde en dehors d’Auroville.
Au service du Divin avec une réceptivité et une sincérité entières.
2 janvier 1973
Règles De Conduite
(On interrogeait la Mère sur les dispositions matérielles à prendre pour la naissance d’un enfant aurovilien. Elle a mentionné que seuls le médecin et le père pouvaient être présents, et elle a ajouté :)
La chose la plus importante, c’est d’être tranquille, dans une atmosphère paisible, pour que la Force puisse agir sans être dérangée.
1967
... Naturellement toute idée de mariage m’amuse, parce que je trouve la chose enfantine.
Tu sais, à Auroville il n’y aura pas de mariages. Si un homme et une femme s’aiment et veulent vivre ensemble, ils pourront le faire sans aucune cérémonie. S’ils veulent se séparer, ils pourront aussi le faire librement. Pourquoi les gens seraient-ils forcés de rester ensemble quand ils ont cessé de s’aimer?
Beaucoup de crimes pourraient être évités si les gens étaient libres dans ce domaine. Ils ne seraient pas obligés de se cacher des choses, ou même de commettre des crimes pour se séparer. Naturellement, s’ils s’aiment vraiment, ils continueront à vivre ensemble tout naturellement, sans y être obligés par la loi. C’est pourquoi cette cérémonie et ce rite du mariage sont tellement enfantins.
Les enfants nés à Auroville n’auront pas de nom de famille. Ils auront seulement un prénom
15 juin 1968
(Mère a suggéré que la lettre ci-dessous concernant le mariage soit publiée en même temps que les remarques ci-dessus.)
Que vous unissiez vos existences physiques, vos intérêts matériels, que vous vous associiez pour faire face ensemble aux difficultés et aux succès, aux défaites et aux victoires de la vie, c’est la base même du mariage, mais vous savez déjà que cela ne suffit pas.
Que vous soyez unis dans les sensations, que vous ayez les mêmes goûts et les mêmes jouissances esthétiques, que vous vibriez en commun aux mêmes choses, et l’un par l’autre, et l’un pour l’autre, c’est bien, c’est nécessaire, mais ce n’est pas assez.
Que vous soyez un dans les sentiments profonds, que votre affection, votre tendresse réciproques ne varient pas en dépit de tous les heurts de l’existence, qu’elles résistent aux fatigues, aux énervements, aux déceptions; que vous soyez toujours et dans tous les cas heureux, les plus heureux, d’être ensemble; que vous trouviez, en toute circonstance, l’un près de l’autre, le repos, la paix et la joie, c’est bien, c’est très bien, c’est indispensable, mais ce n’est pas assez.
Que vous unissiez vos mentalités, que vos pensées s’accordent et se complètent, que vos préoccupations et vos découvertes intellectuelles soient partagées; en résumé, que votre sphère d’activité mentale se fasse identique par un élargissement et un enrichissement acquis par les deux à la fois, c’est bien, c’est tout à fait nécessaire, mais ce n’est pas assez.
Par-delà tout cela, au fond, au centre, au sommet de l’être, il est une Vérité Suprême de l’être, Lumière Éternelle, indépendante de toute circonstance de naissance, de pays, de milieu, d’éducation; origine, cause et maître de notre développement spirituel, c’est Cela qui donne à notre existence son orientation définitive; c’est Cela qui décide de notre destinée; c’est dans la conscience de Cela qu’il faut s’unir. Être un dans l’aspiration et l’ascension, avancer du même pas sur le même chemin spirituel, tel est le secret de l’union durable.
Mars 1933
À Aspiration (Auroville)
Ils veulent avoir une méditation à la même heure et avec le même programme que l’Ashram. Les renseignements nécessaires doivent être communiqués à X
Ne penses-tu pas que les deux « méditations » collectives que nous essayons d’avoir à Aspiration — le jeudi et le dimanche aux mêmes heures qu’à l’Ashram — sont le minimum de discipline intérieure que notre aspiration devrait se donner à elle-même?
Ces rares moments de silence et cet effort pour se concentrer ensemble — sinon méditer — ne sont-ils pas une occasion de recevoir ta force et de nous ouvrir un peu plus à toi et à Sri Aurobindo, aidant ainsi à se former notre âme collective?
Sans rien vouloir imposer à quiconque de l’extérieur, cette discipline élémentaire n’est-elle pas cependant nécessaire au début?
Le fait de se concentrer ensemble est en effet une très bonne chose et vous aide à devenir conscients. Mais cela ne peut pas être imposé. Je te conseille d’organiser ce moment de silence tous les jours pour tous ceux qui veulent y participer, mais sans imposer quoi que ce soit aux autres. Ce n’est pas obligatoire mais c’est bon.
13 novembre 1970
Il ne faut pas que fumer soit un danger public.
Ceux qui ne peuvent pas se passer de fumer pourront le faire dans un fumoir préparé exprès.
Le cinéma à Auroville
Les enfants au-dessous de quinze ans ne doivent voir que des films éducatifs.
Les films montrés à Auroville doivent être choisis avec soin.
Tout ce qui encourage les actions et les mouvements inférieurs doit être évité.
25 février 1972
Les résidents d’Auroville peuvent héberger leurs amis s’ils contribuent à leurs dépenses. Le séjour doit être temporaire, pour quelques jours.
Pas plus d’une semaine.
27 février 1971
Les drogues sont défendues à Auroville.
S’il en est qui les prennent, ils les prennent en fraude.
L’Aurovilien idéal soucieux de devenir conscient de la Conscience Divine ne prend ni tabac, ni alcool, ni drogue.
Il y a trois ans, tu as dit :
« On m’a demandé quelles sont les règles de vie à Auroville.
« Dieu merci, il n’y en a pas.
« Aussi longtemps qu’il n’y en a pas, il y a de l’espoir. »
En juillet dernier, tu disais encore aux jeunes d’Aspiration : « Je ne veux pas faire des règles pour Auroville comme j’en ai fait pour l’Ashram. » Or, dernièrement tu as écrit : « Les drogues sont interdites à Auroville. » Y a-t-il une modification dans ta vision d’Auroville?
Peut-être que les Auroviliens n’ont pas atteint le niveau de conscience que l’on attend d’eux.
4 mars 1971
Est-il exact que si Tu ne veux pas qu’on se drogue à Aspiration, Tu le tolères par contre au Centre et dans différents autres lieux d’Auroville?
C’est un mensonge.
J’ai dit : pas de drogue à Auroville, et je ne m’en dédis pas.
Est-il exact que fondamentalement Tu n’es pas contre cette expérience?
Cette prétendue expérience fausse le développement et altère la conscience; sur la route vers le Divin c’est une chute dans l’ornière.
Ceci est clair, je pense.
Cuisine et salle à manger du Camp des Travailleurs du Matrimandir
Celles-ci sont destinées d’abord aux travailleurs du Matrimandir; elles doivent être maintenues propres et utilisées proprement. On ne doit pas y fumer et on doit apprendre à manger dans la tranquillité.
Dans ce pays la propreté est indispensable pour éviter la fièvre typhoïde.
1er juin 1971
(Message pour la cuisine des travailleurs du Matrimandir.)
Une propreté absolue est indispensable dans ce pays et dans ce climat pour éviter les maladies. Il faut prendre de grandes précautions.
Les activités sexuelles sont ce qui rattache l’homme à l’animal et elles seront complètement transformées à l’avenir.
Ceux qui veulent travailler pour l’avenir et se préparer à le vivre feront bien de ne pas être hypnotisés par ce sujet qui animalise la conscience.
Surtout ne l’associez pas à l’amour dans votre pensée, parce qu’ils n’ont vraiment rien à faire ensemble.
23 novembre 1971
Nous sommes toujours trop attirés par les animaux, et il est plus intéressant de regarder vers le futur que vers le passé.
En ce qui me concerne, je ne suis pas intéressée par le zoo. Nous avons déjà trop de tendances à nous attacher à l’animalité au lieu de la surmentalité.
31 août 1972
Se complaire dans la saleté et le désordre est le signe certain d’une nature qui repousse son être psychique et ne veut rien avoir à faire avec lui.
21 octobre 1972
La propreté est le premier pas indispensable vers la manifestation supramentale.
21 janvier 1973
Relations Avec Les Villageois
Voici quelques points sur lesquels nous souhaitons votre divine direction.
Les villageois refusent de vendre leurs terres. Cela vient peut-être de ce que nous n’avons rien fait pour les intégrer à Auroville. Ils le ressentent comme un abus des étrangers qui ne leur fera aucun bien et les arrachera à leurs foyers et à leurs maisons.
Ne devrions-nous pas leur montrer nos intentions réelles en leur procurant des avantages tels qu’un dispensaire, une école, de l’eau potable propre etc.? Ce serait de l’argent bien dépensé si c’était fait avec amour et humilité et non comme une œuvre de charité?
C’est indispensable.
Avril 1969
(Quelqu’un qui travaillait à la Cuisine Communautaire des travailleurs près d’Aspiration a écrit :)
Certains voudraient continuer à donner à manger aux ouvriers, d’autres pensent que même si des fonds étaient disponibles ils pourraient être mieux utilisés ailleurs. Je vous prie, guidez-nous.
Une fois que vous avez commencé à donner à manger aux ouvriers vous ne pouvez pas vous arrêter, sous peine de perdre leur confiance. Ceci est impératif — montrez cette lettre aux autres.
Bénédictions à tous.
4 avril 1969
(Après le départ du surveillant de la Cuisine Communautaire des travailleurs, quelqu’un a écrit :)
On n’a jamais cessé de donner à manger aux ouvriers d’Auroville et je m’en occuperai personnellement, jusqu’à ce qu’une nouvelle organisation soit en place.
Très bien.
Cela nous donnerait à tous de la force et la conscience de l’unité si ce programme — donner gratuitement le repas de midi à tous les ouvriers d’Auroville — recevait un message de votre part.
La bonne volonté envers tous et la bonne volonté de tous sont les fondements de la paix et de l’harmonie.
13 août 1969
Les personnes en contact avec les villageois ne doivent jamais oublier que ces gens valent autant qu’eux, qu’ils savent autant qu’eux, qu’ils pensent et sentent aussi bien qu’eux. Qu’ils n’aient donc jamais une attitude de supériorité ridicule.
Ils sont chez eux et vous êtes les visiteurs.
Aux habitants d’Aspiration :
Une relation non seulement cordiale mais aussi amicale avec les habitants du village voisin est absolument indispensable. Pour la réalisation d’Auroville, le premier pas est d’établir une vraie fraternité humaine. Tout manquement à cet égard est considéré comme une faute grave qui peut compromettre tout le travail.
Mes bénédictions sont avec tout sincère effort d’harmonie.
23 novembre 1969
En ce qui concerne le programme d’intégration des familles du village qui a débuté le 7 août 1970, nous vous prions de nous guider sur les points suivants :
(1) Doivent-ils être traités comme des Auroviliens en toutes choses?
(2) Faut-il leur donner régulièrement Prospérité.17
(3) Peuvent-ils prendre tous les articles de Prospérité d’Auroville?
Tout ce qu’ils choisissent de prendre.
(4) Faut-il établir pour eux des critères d’admission à Auroville? Si oui, la Mère voudrait-elle bien nous éclairer sur ce point?
Ce serait sûrement une bonne chose si quelqu’un était suffisamment intelligent pour le faire et le faire bien.
(5) Faut-il fixer un montant particulier pour la nourriture, par personne et par jour? Si oui, est-ce que 2,50 roupies par adulte et 2 roupies par enfant conviendrait?
Il doit y avoir une période d’essai d’au moins un mois, au cours de laquelle on leur donnerait ce qu’ils demandent. Ensuite nous verrons ce qu’il est raisonnable de faire.
10 septembre 1970
Comme nous avons l’intention de servir une qualité de nourriture supérieure à celle dont les villageois ont l’habitude, est-il souhaitable de permettre à ceux qui le désirent de prendre leurs repas à la Cuisine Communautaire pour un prix raisonnable, s’ils paient?
Oui, au prix coûtant.
Novembre 1970
Au point de vue spirituel, l’Inde est le premier pays du monde. Sa mission est de donner l’exemple de la spiritualité. Sri Aurobindo est venu sur terre pour l’enseigner au monde.
Ce fait est si évident qu’un simple paysan ignorant, ici, est dans son cœur plus proche du Divin que les intellectuels d’Europe.
Tous ceux qui veulent devenir des Auroviliens doivent savoir ceci et agir en conséquence, autrement ils sont indignes d’être des Auroviliens.
8 février 1972
(À propos de quelqu’un qui s’est proposé pour nettoyer « Last School »18 .)
C’est bien. Mais en mettant les choses en ordre, prends garde de ne pas offenser les gens du village tamoul.
Nous avons beaucoup de peine à leur donner confiance et il ne faudrait rien faire qui leur fasse perdre cette confiance naissante qui est d’une importance capitale.
Prends avec toi quelqu’un qui sait et parle couramment le tamoul pour que tu puisses parler avec eux et leur expliquer les choses.
Ils sont tes frères en esprit — il ne faut pas l’oublier.
Pour trouver l’argent nécessaire pour Auroville, on pourrait procéder de la manière suivante : dans chaque pays, trouver une personne très riche, qui serait le centre de la collecte des fonds pour Auroville. Avantages : cette personne aurait du poids, serait un exemple pour les autres et n’aurait jamais l’air de quémander.
En principe, le moyen est bon. Mais pour l’exécution, et pour éviter toute possibilité d’échec (car l’échec aurait un effet déplorable), il faut attendre une indication des circonstances, ce dont je serai de suite informée. Et alors, je donne le signal de la mise en marche.
Novembre 1965
X. va-t-elle participer à l’organisation du Pavillon Américain? Si oui, peut-elle commencer immédiatement à recueillir des fonds en Amérique dans ce but?
Je ne lui ai jamais donné ce travail officiellement.
Mais si elle apporte de l’argent, tant mieux.
Désires-Tu que nous essayions de recueillir de grandes sommes d’argent en Amérique, à la fois pour l’Ashram et Auroville?
Si cela vous était vraiment possible, ce serait extrêmement utile et conforme à la Vérité des choses.
(À propos de personnes et de groupes qui veulent aider au développement d’Auroville.)
Ils peuvent ne pas pratiquer eux-mêmes, mais s’ils ne savent rien du yoga, comment peuvent-ils comprendre le but d’Auroville?
(Une personne ayant fait un don à Auroville en spécifiant : « Je veux que mon argent soit utilisé exclusivement pour vaincre les causes de nos souffrances et de nos misères. »)
C’est à cela que nous travaillons tous ici, mais non pas de la manière artificielle des philanthropes, qui ne s’occupent que des effets extérieurs. Nous voulons supprimer pour toujours la cause de la souffrance en divinisant la matière par la transformation intégrale.
28 décembre 1967
Premièrement, y a-t-il un obstacle particulier qui empêche l’argent de venir à Auroville?
C’est le manque d’élan vers l’avenir qui empêche l’argent de venir.
Deuxièmement, y a-t-il quelque chose de particulier à faire pour que l’argent vienne en plus grande quantité?
Une certitude confiante dans l’avenir inéluctable peut briser cette résistance.
17 mai 1968
Étant donné l’état actuel des finances d’Auroville, devrions-nous prendre contact avec l’une des personnes dont les noms suivent pour lui demander un don?
Ce n’est pas le genre de personnes qui peuvent donner à Auroville ce dont elle a besoin.
Divine Mère,
Premièrement, quel est le rôle des États-Unis dans l’édification du monde nouveau ?
Le travail des États-Unis est de fournir l’aide financière nécessaire pour préparer la terre à la nouvelle création.
Deuxièmement, que doit faire le peuple des États-Unis pour pouvoir commencer à remplir ce rôle?
Devenir conscient de ceux, individus ou organisations, qui sont capables d’effectuer cette transformation, et leur donner l’argent nécessaire.
9 juin 1968
L’heure est-elle venue d’essayer de prendre contact avec la haute finance dans le monde?
S’il en est ainsi, il nous faudra créer une structure administrative serrée et cohérente, qui nous permettra de manier ces fonds et de répondre de leur bonne utilisation. Alors seulement, nous serons à même de prendre contact avec des organisations internationales et d’en attendre une réaction favorable. Cette formule a-t-elle Ton approbation?
D’accord.
(Quelqu’un qui tentait de recueillir des fonds pour Auroville a sollicité un plan d’action détaillé. Quand on a montré la lettre à Mère, elle a écrit :)
Toutes ces questions prouvent que vous vous attendez à ce qu’Auroville soit la continuation de ce qui a été fait jusqu’à présent.
Auroville veut être une nouvelle création exprimant une nouvelle conscience d’une manière nouvelle et selon des méthodes nouvelles.
Que faut-il faire pour recueillir de l’argent pour Auromodèle?
Plus vous courez après l’argent, moins vous en recevez.
Ce que vous devriez faire, c’est informer les gens au sujet d’Auroville. C’est important.
Novembre 1969
C’est seulement quand les gens sentiront que c’est une grande chance pour eux d’aider Auroville à se développer, que les fonds viendront en abondance.
Décembre 1969
Les terrains d’Auroville doivent et peuvent être achetés — il faut de l’argent. Voulez-vous aider?
Mai 1970
Vous connaissez nos besoins. Ne voulez-vous pas être celui qui aide?
(Message pour recueillir des fonds pour le Matrimandir.)
Donne ton argent à l’Œuvre Divine, et tu seras plus riche que si tu le gardes.
Juin 1965
Tu as entendu parler d’Auroville?
Pendant longtemps, j’avais un plan de la « ville idéale », mais c’était du temps de la vie de Sri Aurobindo, avec Sri Aurobindo vivant au centre. Après, cela ne m’intéressait plus. Puis, on a repris l’idée d’Auroville (c’est moi qui ai dit « Auroville »), mais c’était par l’autre bout : au lieu de la formation qui devait trouver l’endroit, c’est l’endroit (près du lac) qui a fait naître la formation; et jusqu’à présent, je m’y intéressais d’une façon très secondaire, parce que je n’avais rien reçu de direct. Puis, cette petite A. s’est mise en tête d’avoir une maison là-bas, près du lac, et d’avoir une maison pour moi à côté de la sienne, et de me l’offrir. Et elle m’a écrit tous ses rêves; et une ou deux phrases ont, tout d’un coup, éveillé un vieux, vieux souvenir de quelque chose qui avait essayé de se manifester, une création, quand j’étais toute petite; puis, qui avait recommencé à essayer de se manifester tout au début du siècle, quand j’étais avec Théon. Puis, tout cela avait été oublié. Et c’est revenu avec cette lettre : tout d’un coup, j’ai eu mon plan d’Auroville. Maintenant, j’ai mon plan d’ensemble; j’attends B. pour faire les plans de détail, parce que j’avais dit depuis le commencement : « C’est B. qui sera l’architecte »; et j’ai écrit à B. Quand il était venu ici, l’année dernière, il était allé voir Chandigarh, la ville construite par Le Corbusier, làhaut, au Punjab, et il n’était pas très heureux (ça m’a l’air assez quelconque, je n’en sais rien, je n’ai pas vu; je n’ai vu que des photographies qui étaient détestables), et quand il me parlait, je voyais qu’il sentait : « Oh! si, moi, j’avais une ville à construire... » Alors, je lui ai écrit : « Si tu veux, j’ai une ville à construire. » Il est content. Il arrive. Et quand il arrivera, je lui montrerai mon plan, puis il construira la ville. Mon plan est très simple.
Ça se passe là-haut, sur la route de Madras, en haut de la colline. (Mère prend un papier et commence à dessiner.) Nous avons ici... (naturellement, ce n’est pas comme cela dans la nature, il faudra s’adapter; c’est comme cela là-haut, dans l’idéal). Ici, un point central. Ce point central est un parc, que j’avais vu quand j’étais toute petite, peut-être la plus belle chose du monde au point de vue de la nature physique matérielle; un parc avec de l’eau et des arbres, comme tous les parcs, et des fleurs, pas beaucoup; des fleurs sous forme de plantes grimpantes, des palmiers et des fougères, toutes les espèces de palmiers; de l’eau, si possible, de l’eau courante, et si possible une petite cascade. Au point de vue pratique, ce serait très bien. Au bout, en dehors du parc, on pourrait construire des réservoirs qui serviraient à l’alimentation en eau des résidents.
Alors, dans ce parc, j’avais vu le « pavillon de l’Amour ». Mais je n’aime pas ce mot, parce que les hommes en ont fait quelque chose de grotesque; je parle du principe d’amour divin. Mais c’est changé : ce sera le « pavillon de la Mère »; mais pas ça (Mère se désigne elle-même) : la Mère, la vraie Mère, le principe de la Mère. Je dis « Mère » parce que Sri Aurobindo s’est servi de ce mot, autrement j’aurais mis autre chose, j’aurais mis « principe créateur », ou « principe réalisateur », je ne sais pas... Et ce sera un petit bâtiment, pas grand, avec seulement une salle de méditation en bas, mais des colonnes, et probablement une forme circulaire. Je dis probablement, parce que je laisse ça à la décision de B. En haut, le premier étage sera une chambre, et le toit sera une terrasse couverte. Tu connais les anciennes miniatures indo-mogoles, avec les palais où il y a des terrasses avec des petits toits soutenus par des colonnes? Tu connais ces vieilles miniatures? J’en ai eu des centaines entre les mains... Mais ce pavillon, c’est très, très joli, un petit pavillon comme ça, avec un toit sur une terrasse, et des murs bas contre lesquels on met des divans pour s’asseoir, méditer en plein air, le soir, la nuit. Et en bas, tout en bas, par terre, une salle de méditation, simplement, quelque chose où il n’y a rien. Il y aurait probablement, dans le fond, quelque chose qui serait une lumière vivante, peut-être le symbole en lumière vivante, une lumière constante. Et autrement, un endroit très calme, très silencieux.
Adjacent, il y aurait un petit logis, un petit logis qui aurait tout de même trois étages, mais pas de grande dimension, et ce serait la maison de A., qui servirait de gardienne. Elle serait la gardienne du pavillon. Elle m’a écrit une lettre très bien, mais elle n’a pas compris tout cela, bien entendu.
Ça, c’est le centre.
Tout autour, il y a une route circulaire qui isole le parc du reste de la ville. Il y aurait probablement une porte d’entrée, il faut bien qu’il y en ait une, dans le parc. Une porte d’entrée avec le gardien de la porte. Le gardien de la porte 19 est une nouvelle fille qui est arrivée d’Afrique, et qui m’a écrit une lettre me disant qu’elle voulait être le gardien d’Auroville pour ne laisser pénétrer que les « serviteurs de la vérité » (riant). C’est un très joli plan. Alors je la mettrai probablement comme gardienne du parc, avec un petit logement sur la route, à l’entrée.
Mais ce qui est intéressant, c’est qu’autour de ce point central, il y a quatre grandes sections, comme quatre grands pétales (Mère dessine), mais les coins des pétales sont arrondis, et il y a des petites zones intermédiaires : quatre grandes sections, et quatre zones... Naturellement, c’est seulement en l’air; par terre, il y aura un à peu près.
Nous avons quatre grandes sections : la section culturelle au nord, c’est-à-dire en allant vers Madras; à l’est, section industrielle; au sud, section internationale; et à l’ouest, c’est-à-dire vers le lac, section résidentielle.
Je m’explique : la section résidentielle, où se trouveront les maisons des gens qui auront déjà souscrit, et de tous les autres, qui viennent en quantité pour avoir a plot in Auroville [un bout de terrain à Auroville] — ce sera du côté du lac.
La section internationale : on a déjà approché un certain nombre d’ambassadeurs et de pays pour que chacun ait son pavillon; un pavillon de tous les pays, c’était une vieille idée; certains ont déjà accepté; enfin, c’est en route. Chaque pavillon a son jardin avec, autant que possible, la représentation des plantes et des produits du pays représenté. S’ils ont assez d’argent et assez de place, ils peuvent avoir aussi une sorte de petit musée, ou d’exposition permanente des œuvres du pays. Et la construction doit être faite selon l’architecture de chaque pays représenté, que ce soit comme un document d’information. Alors, suivant l’argent qu’ils veulent mettre, ils peuvent avoir aussi des logements pour étudiants, des salles de conférences, etc., de la cuisine du pays, un restaurant du pays, ils peuvent avoir toutes sortes de développements.
Puis, la section industrielle : déjà, beaucoup de gens, y compris le gouvernement de Madras (le gouvernement de Madras prête de l’argent), veulent ouvrir des industries qui seront sur une base spéciale. Et cette section industrielle est à l’est, et elle est très grande, il y a beaucoup de place; et elle doit descendre vers la mer. En effet, au nord de Pondichéry, il y a un espace assez grand qui est tout à fait inhabité et inculte; c’est au bord de la mer, en remontant la côte vers le nord. Alors, cette section industrielle descendrait vers la mer et, si c’est possible, il y aurait une espèce de débarcadère; pas exactement un port, mais un endroit où les bateaux peuvent accoster; et toutes ces industries, avec les moyens de transport intérieur nécessaires, auraient une possibilité d’exportation directe. Et là, il y aurait un grand hôtel, dont B. a déjà fait le plan; nous voulions faire l’hôtel ici, à la place des « Messageries Maritimes », mais le propriétaire, après avoir dit oui, a dit non; c’est très bien, ce sera mieux là-bas; un grand hôtel pour recevoir les visiteurs du dehors. Déjà pas mal d’industries se sont inscrites pour cette section; je ne sais pas s’il y aura assez de place, mais on s’arrangera.
Puis, au nord (c’est là où il y a le plus de place, naturellement) en allant vers Madras, la section culturelle. Là, auditorium (l’auditorium que j’ai rêvé de faire depuis longtemps; il y avait déjà des plans de faits), auditorium avec salle de concert et grandes orgues, ce que l’on fait de mieux maintenant (il paraît que l’on fait des choses admirables). Je veux de grandes orgues. Il y aura aussi une scène de théâtre avec des coulisses, la scène rotative, etc., tout ce que l’on fait de mieux.
Donc, un magnifique auditorium, là. Il y aura une bibliothèque, il y aura un musée avec toutes sortes d’expositions; pas dans l’auditorium : en plus; il y aura un studio de cinéma, une école de cinéma ; il y aura un gliding club [un club de vol à voile]; nous avons déjà presque l’autorisation du gouvernement, et la promesse; enfin, c’est déjà très avancé. Puis, vers Madras, là où il y a beaucoup de place : un stadium [un stade]. Et un stadium que nous voulons le plus moderne et le plus parfait possible, avec l’idée... c’est une idée que j’ai depuis longtemps, que douze ans... les Jeux Olympiques ont lieu tous les quatre ans... douze ans après 1968... en ‘68 c’est au Mexique qu’ont lieu les Olympiades... douze ans après, nous aurions les Jeux Olympiques en Inde, là. Alors, il faut de la place.
Entre ces sections, il y a des zones intermédiaires; quatre zones intermédiaires. Une pour les services publics, postes etc. Une zone pour les transports, gare de chemin de fer et, si possible, un aérodrome. Une zone pour l’alimentation; celle-là serait du côté du lac et comprendrait des laiteries, poulaillers, vergers, cultures, etc., cela se répandrait et incorporerait le Lake Estate [le Domaine du Lac]; ce qu’ils voulaient faire séparément serait fait dans le cadre d’Auroville. Puis, une quatrième zone : des magasins, mais il en faut quelques-uns pour avoir ce que l’on ne produit pas. Ce sont comme des quartiers, n’est-ce pas.
Et tu seras là, au centre?
A. l’espère! (Mère rit) Je ne lui ai pas dit non, je ne lui ai pas dit oui, je lui ai dit : « Le Seigneur décidera ». Cela dépend de mon état de santé. Déménager, non. Je suis ici à cause du Samâdhi, j’y reste. C’est tout à fait sûr. Mais je peux aller en visite, ce n’est pas si loin, il faut cinq minutes en auto. Seulement, A. veut être tranquille, silencieuse, loin du monde; c’est très possible dans son parc entouré d’une route, avec quelqu’un pour empêcher d’entrer; on peut être très tranquille, mais si je suis là, c’est fini! Il y aurait des méditations collectives, etc. C’est-à-dire que si j’ai des signes, d’abord des signes physiques, puis l’ordre intérieur de sortir, j’irai en voiture là-bas passer une heure, l’après-midi. Je peux de temps en temps le faire. Nous avons encore le temps parce que, avant que tout soit prêt, il se passera des années.
C’est-à-dire que les disciples resteront ici?
Ah! L’Ashram reste ici. L’Ashram reste ici; moi je reste ici, c’est bien entendu. Auroville, c’est...
Un satellite.
Oui, c’est le contact avec le monde extérieur. Le centre de mon dessin est un centre symbolique. Mais c’est l’espoir de A. ; elle veut une maison où elle serait toute seule, à côté d’une maison où je serais toute seule. La seconde partie est un rêve, parce que moi toute seule!... Il n’y a qu’à voir ce qui se passe! C’est vrai, n’est-ce-pas? Alors ça ne va pas avec le « toute seule ». Il faut trouver la solitude dedans, c’est la seule manière. Mais sur le plan de la vie, je n’irai certainement pas vivre là-bas, parce que le Samâdhi est ici; seulement, je peux y aller en visite. Par exemple, je peux y aller pour une ouverture, ou pour certaines cérémonies. C’est à voir. Ce ne sera que dans des années.
En somme, Auroville est plutôt faite pour l’extérieur?
Ah! oui, c’est une ville! Par conséquent, c’est tout le contact avec l’extérieur. Et un essai de réalisation sur la terre d’une vie un peu plus idéale.
Dans l’ancienne formation que j’avais faite, il fallait une colline et une rivière. Il fallait une colline, parce que la maison de Sri Aurobindo était sur le haut d’une colline. Mais Sri Aurobindo était là, au centre. C’était arrangé d’après le plan de mon symbole. C’est-à-dire, un point au milieu, avec Sri Aurobindo et tout ce qui concerne la vie de Sri Aurobindo ; puis quatre grands pétales, qui n’étaient pas les mêmes que dans ce dessin, c’était autre chose; puis douze autour, la ville proprement dite; puis autour de cela, il y avait la résidence des disciples; tu connais mon symbole : au lieu d’une ligne, ce sont des bandes; eh bien, la dernière bande circulaire formait la place de la résidence des disciples, et chacun avait sa maison et son jardin, une petite maison et un jardin pour chacun. Et il y avait des moyens de communication. Je n’étais pas sûre si c’étaient des transports individuels ou des transports collectifs (comme ces petits tramways ouverts dans les montagnes, tu sais), qui passaient dans toutes les directions pour ramener les disciples vers le centre de la ville. Et autour de tout cela, il y avait un mur, avec une porte d’entrée et des gardiens à la porte, et on n’entrait qu’avec autorisation. Et il n’y avait pas d’argent; à l’intérieur des murs, pas d’argent; aux différentes portes d’entrée, on trouvait comme des banques, ou des comptoirs, où les gens déposaient leur argent et recevaient en échange des tickets, avec lesquels ils pouvaient avoir : logement, nourriture, ceci, cela. Mais pas d’argent. Et intérieurement, absolument rien, personne n’avait d’argent. Les tickets, c’était seulement pour les visiteurs, qui n’entraient qu’avec un permis. C’était une organisation formidable. Pas d’argent! Je ne voulais pas d’argent.
Tiens! dans mon plan, j’ai oublié une chose : je voulais faire une cité ouvrière. Mais la cité ouvrière devait faire partie de la section industrielle, peut-être un prolongement en bordure de la section industrielle.
Et en dehors des murs, dans ma première formation, il y avait, d’un côté, une ville industrielle, et de l’autre côté, les champs, les fermes, etc., qui devaient approvisionner la ville. Mais cela représentait un véritable pays, pas un grand pays, mais un pays. Maintenant, c’est très réduit. Ce n’est plus mon symbole, c’est seulement quatre zones, et il n’y a pas de murs. Et il y aura de l’argent. N’est-ce pas, l’autre formation, c’était vraiment une tentative idéale... Mais je comptais beaucoup d’années avant d’essayer de commencer. À ce moment-là, je comptais vingtquatre ans. Mais maintenant, c’est beaucoup plus modeste, c’est un essai de transition, et c’est beaucoup plus réalisable. L’autre plan était... J’ai failli avoir le terrain; c’était du temps de Sir Akbar, tu te souviens, d’Hyderabad. On m’avait envoyé des photographies de l’État d’Hyderabad, et j’avait trouvé là, dans ces photos, mon endroit idéal : une colline isolée, une colline assez grande, et en bas, une grande rivière qui coulait. Je lui ai dit : « Je voudrais cet endroit », et il avait arrangé l’affaire. C’était tout arrangé. On m’avait envoyé les plans, les papiers et tout, comme quoi l’on donnait cela à l’Ashram. Seulement, ils ont mis une condition : c’était de la forêt vierge, des terrains incultes; on donnait l’endroit à condition, naturellement, que nous le cultivions, mais les produits devaient être utilisés sur place; par exemple, les récoltes, les bois devaient être utilisés on the spot [sur place], pas transportés; on ne pouvait rien faire sortir de l’État d’Hyderabad. Il y avait même C. qui était navigateur, et qui avait dit qu’il se procurerait un bateau à voiles d’Angleterre pour remonter la rivière et chercher tous les produits pour les ramener ici. Tout était très bien arrangé! Puis, ils ont mis cette condition. J’ai demandé s’il n’était pas possible de l’enlever. Puis, Sir Akbar est mort, et c’était fini, l’affaire est tombée à l’eau. Après, j’ai été contente que cela ne se soit pas fait parce que, une fois Sri Aurobindo parti, je ne peux plus quitter Pondichéry. Je ne pouvais quitter Pondichéry qu’avec lui, à condition qu’il accepte de venir habiter sa ville idéale. J’avais parlé, à ce moment-là, du projet à D., celui qui a construit « Golconde », et il était enthousiaste; il m’a dit : « Dès que vous commencerez à construire, vous m’appelez, je viens ». Je lui avais montré mon plan; c’était d’après mon symbole agrandi, il était tout à fait enthousiaste, il trouvait cela magnifique.
C’est tombé à l’eau. Mais l’autre, qui est juste une petite tentative intermédiaire, on peut essayer.
Je ne me fais pas d’illusion sur le fait que cela restera dans sa pureté, mais on essaiera quelque chose.
Beaucoup dépend de l’organisation financière du projet?
Pour le moment, c’est E. qui s’en occupe, parce que c’est lui qui reçoit l’argent à travers cette « Sri Aurobindo Society », et qui a acheté les terrains. Il y a déjà pas mal de terrains achetés. Ça va bien. Naturellement, la difficulté, c’est de trouver assez d’argent. Mais par exemple, les pavillons, c’est chaque pays qui fera les dépenses pour son pavillon; les industries, c’est chaque industrie qui met son argent dans l’affaire; les résidents, c’est chacun qui donne l’argent nécessaire pour son terrain. Et le gouvernement (Madras nous l’a déjà promis), donne 60 à 80% : une partie grant [don], c’est-à-dire donnée, une partie loan [prêt] sans intérêt et repayable dans dix ans, vingt ans, quarante ans, un repaiement lointain. E. s’y entend, il a déjà eu pas mal de résultats. Mais, suivant que l’argent rentrera vite ou rentrera seulement petit à petit, cela ira plus ou moins vite.
Au point de vue construction, cela va dépendre de la plasticité de B. Les détails me sont tout à fait égal ; il n’y a que ce pavillon que je voudrais très joli. Je le vois. Parce que je l’ai vu, j’ai eu sa vision; alors, j’essaierai de lui faire comprendre ce que j’ai vu. Et le parc aussi, je l’ai vu. Ce sont de vieilles visions que j’ai eues de façon répétée.
Mais cela, ce n’est pas difficile. La plus grosse difficulté, c’est l’eau, parce qu’il n’y a pas de rivière proche, là-haut. Mais ils sont déjà en train d’essayer de capter des rivières. Il y avait même un projet de capter l’eau de l’Himalaya et de traverser l’Inde. F. avait fait un plan et en avait parlé à Delhi. On lui avait objecté que ce serait un peu cher. Évidemment. Mais enfin, sans faire des choses aussi grandioses, il faut faire quelque chose pour amener l’eau. Ce sera la plus grosse difficulté. C’est cela qui prendra le plus de temps. Pour tout le reste, lumière, force motrice, ce sera fait sur place dans la section industrielle. Mais l’eau ne se fabrique pas! Les Américains ont sérieusement pensé à trouver un moyen d’utiliser l’eau de mer, parce que la terre n’a pas assez d’eau potable pour les hommes... l’eau qu’ils appellent « douce », c’est ironique... la quantité d’eau n’est pas suffisante pour l’emploi qu’en font les hommes, alors ils ont déjà commencé des essais chimiques en grand pour transformer l’eau de mer et la rendre utilisable. Évidemment, ce serait la solution du problème.
Mais cela existe déjà.
Cela existe, mais pas en proportion suffisante.
Si, en Israël.
Ils le font en Israël? Ils emploient l’eau de mer? Évidemment, ce serait la solution, la mer est là... C’est à voir... Puis il faudrait la faire monter.
Un yachting club aussi ne serait pas mal?
Ah! certainement, avec la section industrielle.
Près de ton port, là.
Ce ne sera pas un « port », mais enfin! Oui, l’hôtel des visiteurs avec un yachting club à côté, c’est une idée. Je vais l’ajouter. (Mère note)
Cela aurait sûrement du succès.
Çà ! Tu sais, une pluie de lettres, mon petit! De partout, de tous les pays, les gens m’écrivent : « Enfin! voilà le projet que j’attendais », etc. Une pluie.
Il y a aussi un gliding club [un club de vol à voile]. On nous a déjà promis un instructeur et un planeur. C’est promis. Ce sera dans la section industrielle, sur le haut de la colline. Naturellement, le yacht club sera sur la mer, pas sur le lac ; mais j’avais pensé, parce que l’on parle beaucoup de creuser le lac, il est presque comble, je pensais à une station d’hydravions, là.
On peut faire aussi du bateau sur le lac?
Pas s’il y a des hydravions. Ce n’est pas très grand pour faire du bateau. Mais ce serait très bien pour une station d’hydravions. Mais cela dépendra : si nous avons un aérodrome, ce n’est pas nécessaire; si nous n’avons pas d’aérodrome... Mais déjà, dans le projet du Lake Estate [le Domaine du Lac], il y avait un aérodrome. G., qui est devenu squadron leader [chef d’escadrille], m’a envoyé un plan d’aérodrome aussi, mais pour de petits avions, tandis que nous voulons un aérodrome qui puisse faire le service de Madras régulièrement, un aérodrome de passagers. On en a déjà beaucoup parlé. Il y a eu des discussions entre « Air India » et une autre compagnie, puis ils ne se sont pas mis d’accord, toutes sortes de petites difficultés stupides. Mais tout cela, avec la croissance d’Auroville, tombera tout naturellement, les gens ne seront que trop contents d’avoir un aérodrome.
Non, il y a deux difficultés. Les petites sommes d’argent, on les a. Justement, ce que le gouvernement peut prêter, ce que les gens donnent pour avoir un plot [un bout de terrain], ça vient. Mais ce sont les sommes massives : n’est-ce pas, ce sont des milliards qu’il faut pour une ville!...
Septembre 1966
La mendicité n’est pas autorisée à Auroville. Toutes les personnes ou êtres humains trouvés mendiant dans la rue seront ainsi répartis : les enfants à l’école, les vieillards à l’asile, les malades à l’hôpital, les bien portants au travail.
École, asile, hôpital et lieux de travail spéciaux seront prévus à cet effet. Ils ne seront pas mélangés avec les autres, parce qu’il se peut qu’il y ait des individus qui viennent du dehors et qui se mettent à mendier dans la rue.
Il n’y a pas de police. Nous avons... on n’a pas trouvé le mot... une garde de sauveteurs, une armée de sauveteurs, quelque chose comme les pompiers au Japon qui sont des gymnastes, et ils font tout quand il y a des accidents, n’importe quoi, des tremblements de terre, c’est eux qui font tout. Ils grimpent aux maisons. Au lieu de police, il y aura une sorte d’armée de sauveteurs, et alors ce sont ceux-là qui régulièrement iront dans la ville dans les différents quartiers pour voir si on a besoin d’eux et s’ils rencontrent des gens qui mendient, ces gens seront répartis comme j’ai dit. Il y aura une école pour les enfants, un asile pour les vieillards, un hôpital pour les malades et les impotents et un endroit où on procurera du travail à tous ceux qui... ce sera toutes sortes de travaux possibles; on fera faire du balayage jusqu’à... n’importe quoi, n’est-ce pas, tous les travaux dont on a besoin, on les fera faire selon les capacités. C’est à organiser.
Une école spéciale pour les enfants pour leur apprendre à travailler, justement, pour apprendre les choses indispensables pour travailler.
Pas de prison, pas de police.
30 décembre 1967
À propos de sa conception d’Auroville, Mère lit ses commentaires, notés de mémoire en anglais par un disciple.
« Auroville subsistera par ses propres moyens.
« Tous ceux qui vivront là participeront à la vie de la ville et à son développement.
« Cette participation peut être active ou passive.
« Il n’y aura pas d’impôts en tant que tels, mais chacun contribuera au bien-être collectif par son travail, en nature ou en espèces.
« Les secteurs comme les industries, qui participent activement, attribueront une partie de leurs revenus au développement de la cité.
« Ou bien s’ils produisent des articles utiles aux habitants de la ville (comme les produits alimentaires), ils apporteront leur contribution en nature à la ville qui est chargée de nourrir les habitants.
« Aucune règle ou loi n’est édictée. Les choses se formuleront d’elles-mêmes à mesure que la Vérité latente de la ville émergera et prendra forme peu à peu. Nous n’anticipons pas. »
Je croyais en avoir dit plus que cela, parce que j’en ai dit beaucoup, beaucoup intérieurement, sur l’organisation, la nourriture, etc. On va faire des essais.
Il y a des choses qui sont vraiment intéressantes, par exemple, je voudrais qu’il y ait... D’abord, chaque pays aura son pavillon, et dans le pavillon, il y aura une cuisine du pays, c’est-à-dire que les Japonais pourront manger du japonais s’ils le veulent, etc., mais dans la ville elle-même, il y aura la nourriture pour les végétariens et la nourriture pour les nonvégétariens, et aussi une sorte d’essai pour trouver la nourriture de demain.
N’est-ce pas, tout ce travail d’assimilation qui vous rend si lourd — ça occupe tellement de temps et d’énergie de l’être —, que ce soit fait avant, que l’on vous donne quelque chose qui soit immédiatement assimilable, comme ils le font maintenant; par exemple, ils ont des vitamines directement assimilables et aussi des protéines, des principes nutritifs qui se trouvent dans telle, telle ou telle chose et qui ne sont pas volumineux — il faut une quantité formidable pour assimiler très peu. Alors maintenant qu’ils sont assez adroits au point de vue chimique, on pourrait simplifier. Les gens n’aiment pas cela, simplement parce que... parce qu’ils prennent un plaisir intense à manger, mais quand on ne prend plus plaisir à manger, on a besoin d’être nourri et de ne pas perdre son temps à cela. On perd un temps énorme : un temps à manger, un temps à digérer et puis le reste. Et là, je voudrais qu’il y ait une cuisine d’essai, une espèce de laboratoire culinaire, pour essayer. Et les gens iraient ici ou là, ou là, suivant leurs goûts, leurs tendances.
Et on ne paye pas la nourriture, mais on doit donner du travail, ou des ingrédients : ceux qui auraient par exemple des champs, donneraient le produit de leurs champs; ceux qui auraient des usines donneraient leurs produits; ou son propre travail en échange de la nourriture.
Cela supprime beaucoup déjà de la circulation monétaire intérieure. Et pour tout on pourrait trouver des choses comme cela... Au fond, ce doit être une ville d’étude — d’étude et de recherche du comment vivre d’une manière à la fois simplifiée et où les qualités supérieures auront plus de temps pour se développer. Voilà.
C’est seulement un petit commencement.
Puis Mère reprend le texte phrase par phrase.
« Auroville subsistera par ses propres moyens. »
Je veux insister sur le fait que ce sera une expérience, c’est pour faire des expériences — des expériences, des recherches, des études.
Auroville sera une cité qui essaiera d’être, ou qui tendra vers, ou qui voudra être « self-supporting », c’est-à-dire...
Autonome?
Autonome, on le comprend comme une sorte d’indépendance qui coupe les relations avec les autres, ce n’est pas cela que je veux dire.
Par exemple, ceux qui produisent de la nourriture, comme « Aurofood » (naturellement, quand on sera cinquante mille, ce sera difficile de subvenir aux besoins, mais pour le moment nous ne sommes que quelques milliers tout au plus), eh bien, une usine produit toujours beaucoup trop, alors elle vendra au dehors et recevra l’argent. Et « Aurofood », par exemple, veut avoir des relations spéciales avec les ouvriers, pas du tout le vieux système, quelque chose qui soit une amélioration du système communiste, une organisation plus équilibrée que le soviétisme, c’est-à-dire qui ne pèche pas trop d’un côté par rapport à l’autre.
Et il y a une chose que je voulais dire; la participation au bien-être et à l’existence de la ville tout entière n’est pas une chose calculée individuellement : tel individu doit donner tant. Ce n’est pas comme cela. C’est calculé d’après les moyens, l’activité, les possibilités de production; ce n’est pas l’idée démocratique, qui découpe tout en petits morceaux égaux, qui est une machine absurde; c’est calculé d’après les moyens : celui qui a beaucoup donne beaucoup, celui qui a peu donne peu; celui qui est fort travaille beaucoup, celui qui n’est pas fort fait autre chose. N’est-ce pas, c’est quelque chose de plus vrai, de plus profond. Et c’est pour cela que je n’essaye pas d’expliquer tout de suite, parce que les gens vont se mettre à faire toutes sortes de protestations. Il faut que cela se crée automatiquement pour ainsi dire, avec la croissance de la ville, dans le vrai esprit. C’est pour cela que cette note est tout à fait succincte.
Par exemple, cette phrase :
« Tous ceux qui vivront là participeront à la vie de la ville et à son développement. »
Tous ceux qui vivront là, participeront à la vie de la ville et à son développement, selon leurs capacités, et leurs moyens, non pas mécaniquement, tant par unité. C’est cela. Il faut que ce soit une chose vivante et vraie, pas une chose mécanique. Et selon les capacités, c’est-à-dire que celui qui a des moyens matériels comme ceux que donne une usine, devra fournir proportionnellement à sa production : pas tant par individu et par tête.
« Cette participation peut être active ou passive. »
Je ne comprends pas ce que veut dire passive (parce que moi, j’ai parlé en français et cela a été mis en anglais). Qu’est-ce que cela peut vouloir dire passive?... Ce serait plutôt à des plans, à des niveaux de conscience différents.
Tu voulais dire que ceux qui sont des sages, au fond, qui travaillent à l’intérieur, n’ont pas besoin...
Oui, c’est cela. Ceux qui ont une connaissance supérieure n’ont pas besoin de travailler de leurs mains, c’est cela que je voulais dire.
« Il n’y aura pas d’impôts en tant que tels, mais chacun contribuera au bien-être collectif par son travail, en nature ou en espèces. »
Alors c’est entendu, il n’y aura pas de taxes ni d’impôts, mais chacun devra contribuer au bien-être collectif par son travail, en nature ou en espèces. Ceux qui n’auront pas autre chose que de l’argent, donneront de l’argent. Mais le « travail », ce peut être un travail intérieur à dire vrai (mais cela ne peut pas se dire parce que les gens ne sont pas assez honnêtes), le travail peut être un travail occulte, tout à fait intérieur, mais pour cela, n’est-ce pas, il faut que ce soit absolument sincère et vrai, et avec la capacité, pas de prétention. Mais ce n’est pas nécessairement un travail matériel.
« Les secteurs comme les industries, qui participent activement, attribueront une partie de leurs revenus au développement de la cité; ou bien s’ils produisent des articles utiles aux habitants de la ville (comme les produits alimentaires), ils apporteront leur contribution en nature à la ville qui est chargée de nourrir les habitants. »
C’est ce que nous avons dit. Les industries participeront activement, contribueront. Si ce sont des industries qui produisent des articles dont on n’a pas un besoin constant, et par conséquent en quantité ou en nombre trop grand pour l’utilisation dans la ville et qui vendront au-dehors, ceux-là naturellement doivent participer avec de l’argent. Et je donne comme exemple la nourriture : ceux qui produisent de la nourriture, donneront ce qu’ils font à la ville (en proportion de ce qu’ils produisent, naturellement) et la ville est responsable de la nourriture de tout le monde. C’est-à-dire que l’on n’aura pas besoin d’acheter de la nourriture avec de l’argent, mais il faut la gagner.
C’est une sorte d’adaptation du régime communiste, mais pas dans un esprit de nivellement : suivant la capacité, la position — pas psychologique ni intellectuelle — la position intérieure de chacun.
Ce qui est vrai, c’est que matériellement tout être humain a le droit — mais ce n’est pas un « droit »... L’organisation doit être telle, doit être arrangée de telle façon que les nécessités matérielles de tous soient assurées, non pas selon des idées de droit et d’égalité, mais en se basant sur les nécessités les plus élémentaires; et alors, une fois cela établi, chacun doit être libre d’organiser sa vie selon — non pas selon ses moyens monétaires, mais selon ses capacités intérieures.
Ce que je veux dire, c’est que d’habitude — toujours jusqu’à présent, et de plus en plus — les hommes établissent des règles mentales selon leurs conceptions et leur idéal, et puis ils les appliquent (Mère baisse son poing comme pour montrer le monde sous la poigne mentale), et cela, c’est absolument faux, c’est arbitraire, c’est irréel, et le résultat, c’est que les choses se révoltent ou dépérissent et disparaissent. C’est l’expérience de la vie elle-même qui doit lentement élaborer des règles aussi souples et aussi vastes que possible, de façon qu’elles soient toujours progressives. Rien ne doit être fixe. Ça, c’est l’immense erreur gouvernementale : on fait un cadre, on dit voilà, nous établissons ça et nous devons vivre là-dessous, et alors naturellement on écrase la Vie et on l’empêche de progresser. Il faut que ce soit la Vie elle-même, se développant de plus en plus dans une progression vers la Lumière, la Connaissance, le Pouvoir, qui petit à petit doit établir des règles aussi générales que possible de façon qu’elles soient extrêmement souples et qu’elles puissent se changer avec le besoin, et aussi rapidement que changent les habitudes et les besoins.
(Silence)
Au fond, le problème se réduit presque à ceci : remplacer le gouvernement de l’intelligence par le gouvernement d’une conscience spirituelle.
Il faut être d’une sincérité absolument transparente. Le manque de sincérité est la cause des difficultés rencontrées actuellement. L’insincérité est dans tous les hommes. Il y a peut-être cent hommes sur terre qui soient totalement sincères. C’est la nature même de l’homme qui le rend insincère; c’est très compliqué, car il est constamment en train de tricher avec lui-même, de se cacher la vérité, de s’excuser. Le yoga est le moyen d’arriver à être sincère dans toutes les parties de l’être.
Il est difficile d’être sincère, mais on peut au moins l’être mentalement; c’est ce que l’on peut exiger des Auroviliens.
La force est là, présente comme jamais; c’est l’insincérité des hommes qui l’empêche de descendre, d’être ressentie. Le monde est dans le mensonge; tous les rapports entre les hommes n’ont été, jusque-là, basés que sur le mensonge et la tromperie. La diplomatie entre les nations est basée sur le mensonge. Ils prétendent vouloir la paix, et s’arment d’un autre côté. Seule, la sincérité transparente chez l’homme et entre les nations permettra la venue d’un monde transformé.
Auroville est la première tentative de l’expérience. Il naîtra un monde nouveau, si les hommes veulent faire l’effort d’une transformation et d’une recherche de sincérité; c’est possible. De l’animal à l’homme, des millénaires ont été nécessaires; aujourd’hui, l’homme, grâce à son mental, peut accélérer et vouloir une transformation vers un homme qui sera Dieu.
Cette transformation à l’aide du mental, en s’analysant, est une première étape, ensuite il faut transformer les impulsions vitales; c’est beaucoup plus difficile. Et surtout transformer le physique : chaque cellule de notre corps devra devenir consciente. C’est le travail que je fais ici; cela permettra de vaincre la mort. C’est une autre histoire; ce sera l’humanité du futur, peut-être dans des siècles, peut-être plus rapidement. Cela dépendra des hommes, des peuples.
Auroville, c’est le premier pas vers ce but
Mars 1968
À propos de la Section I de la Charte d’Auroville : « Mais pour séjourner à Auroville, il faut être le serviteur volontaire de la Conscience Divine. »
C’est la grande querelle maintenant à propos d’Auroville : moi, dans la « charte », j’ai mis « Conscience Divine », alors ils disent : cela fait penser à Dieu. J’ai dit (riant) : « Moi, cela ne me fait pas penser à Dieu! »
Alors les uns traduisent « la plus haute conscience », les autres mettent autre chose. Je suis tombée d’accord avec les Russes pour mettre « Conscience parfaite », mais c’est une approximation... Et c’est Cela — qu’on ne peut pas nommer et qu’on ne peut pas définir — qui est le Pouvoir suprême. C’est le pouvoir qu’on trouve. Et le Pouvoir suprême est seulement un aspect : l’aspect qui concerne la création.
10 avril 1968
À propos de l’argent et du gouvernement d’Auroville.
Le conflit autour de l’argent est un conflit entre ce que l’on pourrait appeler des « propriétaires opposés », et la vérité, c’est que cela n’appartient à personne. C’est cette idée de possession de l’argent qui a tout faussé. L’argent ne doit pas être une « possession » : au même titre qu’un pouvoir, c’est un moyen d’action qui vous est donné, mais il faut que vous l’utilisiez selon... on pourrait appeler cela la « volonté du Donateur », c’est-à-dire d’une façon impersonnelle et clairvoyante. Si l’on est un bon instrument de diffusion et d’utilisation, alors cela vient vers vous, et cela vient vers vous en proportion de votre capacité de l’utiliser comme il faut. C’est cela, le vrai fonctionnement.
La vraie attitude est celle-ci : l’argent est une force destinée à faire le travail sur terre, le travail nécessaire pour préparer la terre à recevoir les forces divines et à les manifester, et qui doit venir entre les mains (c’est-à-dire le pouvoir d’utilisation) de ceux qui ont la vision la plus claire, la plus générale et la plus vraie.
D’abord, la première chose (mais c’est élémentaire), c’est de ne pas avoir le sens de la possession — qu’est-ce que cela veut dire « c’est à moi »?... Maintenant, je n’arrive pas très bien à comprendre. Pourquoi les gens veulent-ils que ce soit à eux ? — Pour pouvoir l’utiliser comme ils veulent et en faire ce qu’ils veulent et le manier selon leur conception. C’est comme cela. Autrement, il y a, oui, les gens qui aiment mettre cela en tas quelque part... Mais cela, c’est une maladie. Pour être sûrs d’en avoir toujours, ils l’entassent. Mais si l’on comprenait qu’il faut être comme un poste récepteur-transmetteur; que plus le poste est vaste (juste le contraire de personnel), plus il est impersonnel et général, vaste, plus il peut contenir de forces (de « forces », c’est-à-dire, traduit matériellement : de billets ou de monnaie), et ce pouvoir de contenir est en proportion de la capacité d’utilisation la meilleure — la « meilleure », c’est-àdire au point de vue du progrès général : la vision la plus large, la compréhension la plus large et l’utilisation la plus éclairée, exacte, vraie, non pas selon les besoins falsifiés de l’ego, mais selon le besoin général de la terre pour son évolution et son développement. C’est-à-dire que la vision la plus large doit avoir la capacité la plus large.
Derrière tous les mouvements faux, il y a un mouvement vrai; il y a une joie à pouvoir diriger, utiliser, organiser de façon qu’il y ait le minimum de gaspillage et le maximum de résultat. C’est une vision très intéressante à avoir. Et ce doit être le côté vrai des gens qui veulent accumuler : c’est la capacité d’utiliser à une très grande échelle. Il y a aussi ceux qui aiment beaucoup posséder et dépenser; cela, c’est autre chose, mais ce sont des natures généreuses qui ne sont pas réglées, qui ne sont pas organisées... Mais la joie de mettre à la disposition de tous les vrais besoins, de toutes les nécessités, le moyen de se satisfaire, cela, c’est bien. C’est comme la joie de changer une maladie en bonne santé, de changer un mensonge en vérité, de changer une souffrance en joie, c’est la même chose : changer un besoin artificiel et stupide, qui ne correspond à rien de naturel, en une possibilité qui devient une chose tout à fait naturelle — on a besoin de tant d’argent pour faire ceci et cela et cela, qui est nécessaire, pour arranger ici, réparer là, construire là, organiser là — cela, c’est bien. Et je comprends que l’on aime être le canal conducteur de tout cela pour mettre l’argent juste à l’endroit où il faut. Ce doit être le vrai mouvement des gens qui aiment... traduit en égoïsme stupide : qui ont besoin d’accaparer.
La combinaison du besoin d’accaparer et du besoin de dépenser (les deux, ignorants et aveugles), combinés ensemble, peuvent faire une vision claire et une utilisation ayant un maximum d’utilité. Cela, c’est bien.
Alors lentement, lentement, c’est la possibilité de mettre en pratique qui vient.
Mais on a besoin, naturellement, de cerveaux très clairs et d’intermédiaires très intègres (!) pour pouvoir être partout à la fois et faire tout en même temps. Alors cette fameuse question d’argent serait résolue.
L’argent n’appartient à personne, l’argent est un bien collectif qui ne doit être utilisé que par ceux qui ont une vision intégrale et générale, universelle. Et j’y ajouterais quelque chose : pas seulement intégrale et générale, mais aussi essentiellement vraie, c’est-à-dire qui peut faire la distinction entre une utilisation conforme au progrès universel, et une utilisation que l’on pourrait appeler de fantaisie. Mais ce sont des détails, parce que même les fautes, même, à un certain point de vue, les gaspillages, servent au progrès général : ce sont des leçons à rebours.
Je me souviens toujours de ce que X. disait (X. était tout à fait contre la philanthropie), il disait : la philanthropie perpétue la misère humaine, parce que sans misère humaine, elle n’aurait plus de raison d’être!... Et tu sais, ce grand philanthrope, comment s’appelait-il?... Du temps de Mazarin, celui qui a fondé les « Petites Sœurs de Charité »?
Vincent de Paul.
C’est cela. Mazarin lui a dit une fois : il n’y a jamais eu tant de pauvres que depuis que vous vous en occupez! (Mère rit)
Un peu plus tard.
Je repense à mon affaire monétaire. C’est comme cela que devrait être organisée la vie à Auroville — mais je doute que les gens soient prêts.
C’est-à-dire que c’est possible aussi longtemps qu’ils acceptent la direction d’un sage.
La première chose qui doit être acceptée et reconnue de tous, c’est que le pouvoir invisible et supérieur (c’est-à-dire qui appartient à un plan de conscience, qui pour la plupart est voilé, mais que l’on est capable d’avoir; une conscience que l’on peut appeler n’importe comment, de n’importe quel nom, cela ne fait rien, mais qui est intégrale et pure, dans le sens qu’elle n’est pas mensongère : dans la Vérité), que ce pouvoir-là est capable de régir les choses matérielles d’une façon beaucoup plus vraie, heureuse et salutaire pour tous, que n’importe quel pouvoir matériel. Cela, c’est le premier point. Une fois que l’on est d’accord là-dessus...
Et ce n’est pas une chose que l’on peut prétendre avoir; un être ne peut pas prétendre l’avoir : ou il l’a, ou il ne l’a pas, parce que (riant) à n’importe quelle occasion de la vie, si c’est une prétention, cela devient évident! Et par-dessus le marché, cela ne vous donne aucun pouvoir matériel — là aussi, X. avait dit : ceux qui sont (il parlait de la hiérarchie vraie, la hiérarchie selon, justement, le pouvoir de conscience de chacun), celui ou ceux qui sont tout en haut ont nécessairement un minimum de besoins; leurs besoins matériels diminuent à mesure que leur capacité de vision matérielle augmente. Et cela, c’est tout à fait vrai. C’est automatique et spontané; ce n’est pas le résultat d’un effort : plus la conscience est vaste et plus elle embrasse de choses et de réalités, moins les besoins matériels sont grands — automatiquement —, parce qu’ils perdent toute leur importance et toute leur valeur. Cela se réduit à un besoin minimum de nécessités matérielles, qui lui aussi changera avec le développement progressif de la Matière.
Et cela, c’est facilement reconnaissable, n’est-ce pas, il est difficile de jouer la comédie. Et la seconde chose, c’est le pouvoir de conviction, c’est-àdire que spontanément la conscience la plus haute, mise en contact avec la Matière, a un pouvoir de conviction plus grand que toutes les régions intermédiaires. Par le simple contact, son pouvoir de conviction, c’est-à-dire son pouvoir de transformation est plus grand que celui de toutes les régions intermédiaires. Cela, c’est un fait. Ces deux faits font que toute prétention ne peut pas être durable. Je me place au point de vue d’une organisation collective.
Dès que l’on descend de cette Hauteur suprême, il y a tout le jeu des influences diverses (geste de mélange et de conflit), et c’est justement cela qui est un signe certain : même un tout petit peu de descente (même dans un domaine de mentalité supérieure, d’intelligence supérieure) et tout le conflit des influences commence. Il n’y a que ce qui est vraiment tout en haut, avec une pureté parfaite, qui a ce pouvoir de conviction spontanée. Par conséquent, tout ce que l’on peut faire pour remplacer cela est une approximation, et ce n’est pas bien meilleur que la démocratie, c’est-à-dire le système qui veut gouverner par le nombre le plus grand et le plus bas (je veux parler de la « démocratie sociale », la dernière tendance).
S’il n’y a pas de représentant de la Conscience suprême (cela peut arriver, n’est-ce pas), s’il n’y en a pas, on pourrait peut-être remplacer cela (ce serait un essai à faire) par le gouvernement d’un petit nombre — qu’il faudrait décider entre quatre et huit, quelque chose comme cela, quatre, sept ou huit — d’une intelligence intuitive. « Intuitive » est plus important qu’« intelligence » : d’une intuition manifestée intellectuellement. Cela aurait des inconvénients au point de vue pratique, mais ce serait peut-être plus proche de la vérité que le tout en bas, socialisme ou communisme. Tous les intermédiaires se sont prouvés incompétents : le gouvernement théocratique, le gouvernement aristocratique, le gouvernement démocratique et le gouvernement ploutocratique, tout cela, une « complete failure » [échec total]. L’autre est en train de prouver sa « failure » [échec] aussi, le gouvernement socialiste communiste... Au fond, socialisme ou communisme correspondent à une sorte d’absence de gouvernement, parce qu’ils n’ont pas le pouvoir de gouverner les autres : ils sont obligés de transférer leur pouvoir à quelqu’un qui exerce le pouvoir, comme un Lénine, par exemple, parce que c’était un cerveau. Mais tout cela, tout cela a été essayé et a prouvé son incompétence. La seule chose qui pourrait être compétente, c’est la Conscience de Vérité, qui choisirait des instruments et s’exprimerait par un certain nombre d’instruments s’il n’y en a pas un (« un » n’est pas suffisant aussi, « un » aurait forcément besoin de choisir tout un ensemble). Et ceux qui possèdent cette conscience, peuvent appartenir à n’importe quelle classe de la société : ce n’est pas un privilège qui vient de la naissance, mais le résultat d’un effort et d’un développement personnels. Justement, c’est cela qui est le signe extérieur, un signe évident du changement au point de vue politique, c’est qu’il ne s’agit plus de classes et de catégories ni de naissance — tout cela est périmé. Ce sont les individualités qui sont arrivées à une conscience supérieure, qui ont le droit de gouverner — mais pas les autres —, à n’importe quelle classe qu’ils appartiennent.
Ce serait la vraie vision.
Mais il faudrait que ceux qui participent à l’expérience soient absolument convaincus que la conscience la plus haute est le meilleur juge des choses les plus matérielles. N’est-ce pas, ce qui a ruiné l’Inde, c’est cette idée que la conscience supérieure a affaire aux choses supérieures et que les choses d’en bas ne l’intéressent pas du tout, et qu’elle n’y entend rien! C’est cela qui a été la ruine de l’Inde. Eh bien, cette erreur-là doit être abolie complètement. C’est la conscience la plus haute qui voit de la façon la plus claire — la plus claire et la plus vraie — ce que doivent être les besoins de la chose la plus matérielle.
Avec cela, on pourrait essayer un nouveau genre de gouvernement.
31 mai 1969
La nuit d’avant-hier, j’ai passé plus de trois heures avec Sri Aurobindo et je lui montrais tout ce qui allait descendre pour Auroville. C’était assez intéressant. Il y avait des jeux, il y avait de l’art, il y avait même de la cuisine! Mais tout cela, très symbolique. Et je lui expliquais comme sur une table, devant un grand paysage; je lui expliquais sur quel principe on allait organiser les exercices physiques et les jeux. C’était très clair, c’était très précis, je faisais même comme une démonstration, et c’était comme si je lui montrais en tout petit... une représentation toute petite de ce qui allait se faire. Je bougeais des gens, des choses (geste, comme sur un échiquier). Mais c’était très intéressant, et il était très intéressé : il donnait comme des grandes lois d’organisation (je ne sais pas comment expliquer). Il y avait de l’art et c’était joli, c’était bien. Et comment rendre les maisons agréables et belles, avec quel principe de construction. Et puis la cuisine aussi, c’était très amusant, chacun venait avec son invention... Ça a duré plus de trois heures — trois heures de nuit, c’est énorme! Très intéressant.
Pourtant, les conditions de la terre semblent très loin de tout cela...
(Après une hésitation) Non... C’était juste là, ça ne paraissait pas étranger à la terre. C’était une harmonie. Une harmonie consciente derrière les choses : une harmonie consciente derrière les exercices physiques et le jeu; une harmonie consciente derrière la décoration, l’art; une harmonie consciente derrière la nourriture...
Je veux dire que tout cela a l’air d’être aux antipodes de ce qui est maintenant sur la terre.
Pas...
Non?
J’ai vu X. aujourd’hui et je lui disais que toute l’organisation artistique, sportive, même culinaire, et toutes les autres, étaient prêtes dans le physique subtil — prêtes à descendre et à s’incarner —, et je lui ai dit : « Il n’y a besoin que d’un peu de terre (geste au creux des mains), un peu de terre pour que l’on fasse pousser la plante... Il faut trouver un peu de terre pour faire pousser. »
Le 31 décembre 1969
C’était la première idée : il y avait le centre, et la ville s’organisait autour. Maintenant ils font le contraire! Ils veulent construire la ville et mettre le centre après. Et la « chose » est prête à venir! moi, je la connais depuis longtemps; elle est là (geste au-dessus), elle attend.
L’idée de A. c’est une île au centre avec de l’eau autour, et c’est de l’eau courante qui servira à toute l’alimentation en eau de la ville; et quand elle aura passé à travers la ville, elle sera envoyée à une usine et elle s’en ira pour l’irrigation de toute la culture autour. Alors ce centre est comme un îlot, et dans ce centre, il y a ce que l’on avait appelé d’abord le « Matri Mandir » — que moi, je vois toujours comme une très grande salle et absolument nue, n’est-ce pas, et qui reçoit une lumière qui vient d’en haut; et que ce soit arrangé de telle façon que la lumière qui vient d’en haut soit concentrée sur un endroit où il y aurait... ce que l’on veut mettre comme le centre de la ville. D’abord, on a pensé au symbole de Sri Aurobindo, mais on peut mettre tout ce que l’on veut. Comme cela, avec un rayon de lumière qui frappe dessus toujours — qui tourne, tourne, tourne... tu comprends, avec le soleil. Ça, si c’est bien fait, ce sera très bien. Et alors, en bas, que les gens puissent s’asseoir et méditer, ou simplement se reposer, mais rien — rien — que quelque chose de confortable en bas pour qu’ils puissent s’asseoir sans se fatiguer, avec probablement des piliers qui serviraient de dossiers en même temps. Quelque chose comme cela.
Et ça, c’est ce que je vois toujours. Et une salle haute de façon que le soleil puisse entrer comme un rayon, suivant les heures, et frapper ce centre qui sera là. Si ça, c’est fait, ce sera très bien.
Et alors, pour le reste, cela m’est égal, ils feront ce qu’ils voudront. On avait d’abord pensé à faire un logis pour moi, mais je n’irai jamais, alors ce n’est pas la peine, c’est tout à fait inutile. Et pour garder cet îlot, il était entendu qu’il y aurait une petite maison pour B. qui voudrait être là simplement comme la gardienne. Et alors, A. avait arrangé tout un système de ponts pour relier ça à l’autre rive. Et l’autre rive serait entièrement faite de jardins tout autour. Ces jardins... nous avons pensé à douze jardins — diviser la distance en douze, faire douze jardins, chacun concentré sur quelque chose, un état de conscience, et les fleurs qui le représentent. Et alors le douzième jardin serait dans l’eau, autour — pas autour, mais à côté — du mandir, et avec l’arbre, le banian qui est là. C’est cela qui est au centre de la ville. Et là, il y aurait une répétition des douze jardins qui sont autour, et les fleurs pareillement arrangées...
Pour l’extérieur de cette espèce de temple, A. avait pensé à faire un grand lotus. Mais alors, cet intérieur, ce jeu de lumière, je ne sais pas si avec une forme de lotus ce sera possible?
S’ils pouvaient collaborer tous les deux [architectes]... S’ils se mettaient tous les deux ensemble et que l’un soit ici toujours — l’un des deux, tantôt l’un tantôt l’autre, qu’il y en ait toujours un des deux ici, avec un plan unique qu’ils feraient — cela irait beaucoup plus vite, cent fois plus vite.
Cette idée de rayon de soleil, ça... Quand je regarde, tout de suite c’est cela que je vois, et un rayon de soleil qui pourrait venir à toutes les heures — ce serait arrangé de telle façon que ça vienne tout le temps (geste suivant le mouvement du soleil). Et alors, il y aurait là quelque chose, un symbole, qui serait à la fois debout pour qu’il puisse se voir tout autour, et à plat pour recevoir en plein la lumière — Quoi?... Et que cela ne devienne pas une religion, pour l’amour du ciel !
Qui est-ce qui serait capable de trouver le moyen de réaliser cela ?... Parce que le soleil ici ne manque pas — évidemment il y a des jours où il n’y en a pas, mais enfin, il y a beaucoup de jours où il y en a... que de tous les côtés, de n’importe quel angle, le rayon tombe... que ce soit arrangé comme cela. C’est une question de géométrie.
Tu peux en parler à C., parce que s’il avait une idée... C’est cela qu’il faut, quelque chose, un symbole — on trouvera ce qu’il faut, on verra —, évidemment comme un autel, mais... quoi? qui à la fois reçoive directement la lumière d’en haut et latéralement.
Et alors, pas d’autres fenêtres, tu comprends? Tout le reste dans une sorte de pénombre, et ça comme une lumière... Ce serait bien, ça peut être très bien. Je voudrais quelqu’un qui puisse sentir cela. Et si c’était bien réalisé, ce serait déjà très intéressant pour les gens. Ce serait une concrétisation de quelque chose... Ils se mettront à dire que c’est une religion du soleil ! (rires) Oh! tu sais, je suis habituée à toutes les bêtises!
Évidemment, logiquement, ou plutôt psychologiquement, c’est une erreur de faire autour et le centre après.
L’idée de A., de son entourage, c’est d’avoir des industries qui soient capables de ramasser de l’argent pour Auroville, alors... C’est-à-dire qu’au lieu que cela puisse se faire vite, ça prendra des siècles.
Je vais en parler à A. demain, c’est-à-dire que je vais lui dire qu’il voie C., qui a des idées excellentes, enfin qu’il s’entende avec lui. N’est-ce pas, c’est très simple; on va essayer de faire comprendre à A. et de créer la collaboration.
Maintenant, les choses pour moi ne sont plus exclusives, du tout. Je vois très bien la possibilité d’utiliser les tendances les plus opposées en même temps... Ce n’est pas exclusif, je ne dis pas : « Ah! non, pas ça ! » Non, non, non — tout, tout ensemble. C’est cela que je veux : arriver à créer l’endroit où les contraires puissent s’unir. À moins que l’on ne puisse faire cela... (geste de tourner en rond), ça continue, on continue.
3 janvier 1970
Douce Mère, j’ai dit à C. de venir, il attend dehors.
Oui... il y a une chose intéressante. Il y avait longtemps que je sentais quelque chose, puis nous en avons parlé l’autre jour et j’ai vu... J’en ai parlé à A., je lui ai dit de voir C., je lui ai dit aussi que j’avais vu ce qu’il fallait faire. Naturellement, il n’a pas dit non, il m’a dit oui à tout, mais j’ai senti qu’il n’avait pas beaucoup l’intention... Mais voilà ce qui s’est passé. J’ai vu clairement — très, très, distinctement... C’est-à-dire que c’était comme cela et c’est encore comme cela, c’est là (geste désignant un plan éternel). L’intérieur de cet endroit...
Ce sera une espèce de hall qui sera comme l’intérieur d’une colonne. Pas de fenêtres. L’aération sera artificielle, avec ces machines-là (Mère désigne un climatiseur), et seulement un toit. Et le soleil qui frappe le centre (ou quand il n’y a pas de soleil — la nuit et les jours sombres — une lumière électrique de projecteur). Et l’idée, c’est de faire tout de suite comme un exemple ou un « modèle » contenant environ une centaine de personnes. Quand la ville sera construite et qu’on aura fait l’expérience, on en fera une grande chose, mais alors ce sera très grand, contenant de mille à deux mille personnes. Et on fera le second autour du premier, c’est-à-dire que le premier ne partira que quand le second sera fini.
Voilà l’idée.
Seulement, pour en parler à C. (et si possible, si je vois que c’est possible d’en parler à A.), je voulais avoir un plan. Je vais le faire faire — pas moi-même parce que je ne peux plus; j’aurais pu le faire dans le temps, mais maintenant je ne vois plus assez clair. Je vais le faire faire cet après-midi, devant moi, un plan, et avec ce plan je pourrai vraiment bien expliquer. Mais à toi, je voulais simplement dire ce que j’ai vu...
Ce sera une tour à douze facettes — chaque facette représente un mois de l’année — et là-haut, le toit de la tour sera comme cela (Mère fait un geste représentant un toit dont les côtés s’élèvent et se rejoignent en un point central).
Et alors, à l’intérieur, il y aura douze colonnes — les murs et puis douze colonnes et tout au centre, il y a par terre mon symbole et dessus quatre symboles de Sri Aurobindo qui se joignent, qui font un carré, et au-dessus... un globe. Un globe si possible d’une matière transparente et avec (ou sans) lumière dedans, mais le soleil devra taper sur ce globe; alors suivant les mois, le moment, ce sera d’ici, de là, de là... (geste indiquant la marche du soleil), tu comprends? Il y aura toujours une ouverture avec un rayon. Pas une lumière diffusée : un rayon qui frappe, qui devra frapper. Ça demande des connaissances techniques pour pouvoir être exécuté, et c’est pour cela que je veux faire un dessin avec un ingénieur.
Et alors, il n’y aura dedans ni fenêtres ni lumières, ce sera toujours dans une sorte de pénombre claire, nuit et jour — le jour avec le soleil, la nuit avec la lumière artificielle. Et parterre, rien, excepté un sol comme celui-ci (la chambre de Mère), c’est-à-dire d’abord du bois (du bois ou autre chose), puis une sorte de mousse de caoutchouc, épaisse, très douce, et puis un tapis. Un tapis partout — partout, excepté au centre. Et les gens pourront s’asseoir partout. Et les douze colonnes, c’est pour les gens qui ont besoin de s’appuyer le dos!
Et alors, on ne viendra pas pour une méditation régulière ou quoi que ce soit de ce genre (mais l’organisation intérieure, on la fera après) : ce sera un lieu de concentration. Tout le monde ne pourra pas venir; il y aura un moment de la semaine ou un moment de la journée (je ne sais pas) où on laissera venir les visiteurs, mais enfin pas de mélange. C’est une heure fixe ou un jour fixe pour montrer, et le reste du temps seulement pour ceux qui sont... sérieux, sincères, qui veulent apprendre à se concentrer.
Alors je crois que ça, c’est bien.
C’était là (geste de vision au-dessus), je la vois encore quand j’en parle — je vois. Tel que je le vois, c’est très beau, c’est vraiment très beau... une sorte de pénombre : on voit, mais c’est très tranquille. Et puis des rayons de lumière très clairs et très forts (la lumière projetée, la lumière artificielle, il faudra qu’elle soit un peu dorée, il ne faut pas que ce soit froid — ça dépendra du projecteur) sur ce symbole. Un globe que l’on fera en matière plastique ou... je ne sais pas.
Cristal?
Si c’est possible, oui. Pour le petit temple, le globe n’aura pas besoin d’être très gros : s’il était grand comme cela (environ 30 cm) ce serait bien. Mais pour le grand temple, il faut que ce soit grand.
Mais le grand temple sera construit comment? Audessus du petit?
Entretiens du Matrimandir 307 Non, non, le petit s’en ira. Mais le grand sera construit après, alors dans des dimensions formidables... Le petit partira seulement quand le grand sera fait. Mais, n’est-ce pas, pour que la ville soit finie, il faut compter une vingtaine d’années (vraiment pour que tout soit en ordre, à sa place). C’est comme les jardins : tous les jardins que l’on fait, c’est pour maintenant, mais dans vingt ans il faudra que tout cela ait d’autres dimensions; là, il faudra que ce soit quelque chose de vraiment... vraiment beau. Et je me demande dans quelle matière faire ce globe, le grand ?... Le petit, en cristal peut-être; un globe comme cela (30 cm) je crois que ce serait suffisant. Il faut que l’on puisse voir le globe de tous les coins de la salle.
Il ne faut pas qu’il soit trop élevé au-dessus du sol non plus?
Non, le symbole de Sri Aurobindo n’a pas besoin d’être grand, il a besoin d’être grand comme cela...
Vingt-cinq centimètres, trente centimètres?
Au plus, tout au plus.
C’est-à-dire que ce serait à hauteur des yeux à peu près.
Des yeux, oui, c’est cela. Et une atmosphère très tranquille. Et rien, n’est-ce pas, de grandes colonnes... À savoir si les colonnes seront d’un style... si elles seront rondes, ou aussi elles-mêmes à douze facettes...? Et douze colonnes.
Et un toit à deux pans?
Oui, un toit à deux pans pour pouvoir avoir le soleil.
Il faudra que ce soit arrangé de telle façon que la pluie ne puisse pas entrer. On ne peut pas penser à avoir quelque chose à ouvrir et à fermer quand il y a la pluie, ce n’est pas possible, il faut que ce soit arrangé de telle façon que la pluie ne puisse pas entrer. Mais le soleil doit entrer par rayons, pas diffusé. Par conséquent il faut que l’ouverture soit limitée... Cela demande un ingénieur calé qui sache vraiment son métier.
Et quand commenceraient-ils?
Moi, je voudrais que l’on commence tout de suite, dès que l’on aurait les plans. Seulement il y a deux questions : d’abord les plans (les travailleurs, on peut en avoir) et puis l’argent... Je crois que c’est possible avec cette idée de faire comme un petit échantillon (enfin « petit » c’est une façon de parler, parce que pour que cela contienne facilement une centaine de personnes, il faut encore que ce soit suffisamment grand), un petit échantillon pour commencer, et alors en faisant un petit échantillon on apprendra, et on fera le grand juste quand la ville sera finie — ce n’est pas tout de suite.
J’en ai parlé à A., qui m’a dit le lendemain : « Oui, mais ça va demander du temps à préparer ». (Je n’ai rien dit de tout ce que je viens de te dire, j’ai seulement parlé de faire quelque chose.) Et après, j’ai eu la vision de cette salle, alors je n’ai plus besoin de personne pour voir ce que ça doit être : je sais. Et il faut plus un ingénieur qu’un architecte, parce qu’un architecte... il faut que ce soit aussi simple que possible.
J’ai raconté à C. ce que tu avais vu, cette grande salle vide : ça le touchait beaucoup, il voyait justement cette grande salle vide. Il comprend bien. Alors vide, cela veut dire une forme simplement.
Mais une forme... comme une tour, mais... (c’est pour cela que je voulais avoir un croquis, pour montrer) douze facettes régulières, et puis il faut un mur qui ne soit pas droit, un mur un petit peu comme cela (geste légèrement incliné), je ne sais pas si c’est possible. Et à l’intérieur douze colonnes. Et alors il faut trouver un arrangement pour capter le soleil. Douze facettes de façon qu’à tout moment de l’année, il puisse venir... Il faut quelqu’un qui sache bien le métier.
Le dehors... Je n’ai pas vu dehors, pas vu du tout, je n’ai vu que le dedans.
Je voulais expliquer à C. quand j’aurais les papiers, ce serait plus facile, mais puisque tu l’as appelé...
D. va chercher C., qui arrive avec une guirlande d’« Harmonie » rose. Mère lui donne un hibiscus orange (la fleur d’Auroville), le regarde, puis se met à parler :
Depuis que l’on a décidé de faire ce temple, j’ai vu, je l’ai vu à l’intérieur. Je viens d’essayer de le décrire à E. Mais d’ici quelques jours, j’aurai des plans et des dessins, alors je pourrai expliquer plus clairement. Parce que le dehors, je ne sais pas du tout comment c’est, mais dedans je sais.
C. : Le dehors sort du dedans.
C’est une espèce de tour à douze facettes régulières, qui représentent les douze mois de l’année, et absolument vide... Et il faut qu’elle puisse contenir de cent à deux cents personnes. Et alors, pour soutenir le toit, il y aurait à l’intérieur (pas audehors : à l’intérieur) douze colonnes, et tout à fait au centre, alors l’objet de la concentration... Et avec la collaboration du soleil, toute l’année le soleil devra entrer par rayons (pas une diffusion, il faudra faire un arrangement pour qu’il puisse entrer comme des rayons), alors suivant les heures de la journée et les mois de l’année le rayon tournera (il y aura un arrangement en haut) et le rayon sera dirigé sur le centre. Au centre, il y aura le symbole de Sri Aurobindo soutenant un globe. Un globe que l’on va essayer de faire en quelque chose de transparent comme du cristal ou... un grand globe. Et alors les gens seront admis là pour se concentrer — (riant), pour apprendre à se concentrer! Pas de méditations fixes, rien de tout cela, mais il faudra qu’ils restent là dans le silence — dans le silence et la concentration.
C. : C’est très beau.
Mais l’endroit, absolument... aussi simple que possible. Et le sol, de façon que les gens soient confortables, qu’ils n’aient pas à penser qu’ils ont mal ici ou qu’ils ont mal là !
Et au milieu, sur le sol, mon symbole. Au centre de mon symbole on mettra en quatre parties (comme un carré) quatre symboles de Sri Aurobindo, debout, soutenant un globe transparent. Ça, ça a été vu. Alors, je vais faire préparer par un ingénieur des petits plans, simples, pour montrer, et puis je te montrerai quand ce sera prêt. Voilà. Et puis on verra. Pour les murs, probablement il faudra que ce soit en « concrete » [béton armé].
C. : Toute la structure peut être en béton armé.
Le toit devra probablement être incliné, et alors au centre il faudra un arrangement spécial pour le soleil.
D. : Tu disais que les murs seraient un peu inclinés.
Ce seront ou les murs inclinés ou le toit qui devra être incliné — ce qui sera plus facile à faire. Les murs, on peut les faire droits et le toit incliné. Et la partie supérieure du toit appuyée sur les douze colonnes. Et là-haut, l’arrangement pour le soleil.
Et dedans, rien. Rien que les colonnes. Les colonnes, je ne sais pas, il faudra voir si on les fera à facettes (comme le toit, à douze facettes) ou bien simplement rondes.
C. : Rondes.
Ou simplement carrées — c’est à voir.
Et alors, par terre, on mettra quelque chose d’épais et de mou. Ici vous êtes confortables quand vous êtes assis? Oui, il y a d’abord du bois et puis cette espèce de caoutchouc, et par-dessus un tapis de laine.
D. : Avec ton symbole?
Pas le tapis. Le symbole, j’avais pensé qu’il vaudrait mieux le faire en quelque chose de solide.
C. : Il faut de la pierre.
Le symbole... tout sera autour, n’est-ce pas. Le symbole ne couvrira pas le tout, ce sera seulement au milieu de l’espace — (riant) il ne faut pas que l’on s’assoie sur le symbole! Ça, au milieu. La proportion du symbole pour le tout est à voir soigneusement, en comparaison avec la hauteur.
C. : Et la salle assez vaste?
Ah! oui, il faut bien. Il faut que ce soit comme une sorte de pénombre avec ces rayons de soleil — que le rayon de soleil se voie. Un rayon de soleil. Alors suivant les heures de la journée, le soleil tournera (les heures de la journée et les mois de l’année). Et puis la nuit, dès que le soleil disparaît, on allume des réflecteurs qui auront le même effet et la même couleur. Et nuit et jour, la lumière reste là. Mais pas de fenêtres ni de lampes ni de choses comme cela — rien. La ventilation avec des machines « air-conditioner » [climatiseurs] (on fait cela dans les murs, c’est très facile).
Et silence. Dedans on ne parle pas! (Mère rit)
Ça sera bien.
Alors, dès que mes papiers seront prêts, je t’appellerai pour te les montrer.
C. : Très bien.
C. se retire. Mère continue à parler avec D.
Je n’ai pas demandé à C. s’il a vu A. parce que... A. est tout à fait dans l’atmosphère « pratique » maintenant. C’est bien, il faut que ça démarre!
N’est-ce pas, c’est ce que j’ai appris : la faillite des religions, c’est parce qu’elles étaient divisées; elles voulaient que l’on soit religieux à l’exclusion des autres religions; et toutes les connaissances ont fait faillite parce qu’elles étaient exclusives; et l’homme a fait faillite parce qu’il était exclusif. Et ce que la nouvelle conscience veut (c’est là-dessus qu’elle insiste)... plus de divisions. Être capable de comprendre l’extrême spirituel, l’extrême matériel, et de trouver... trouver le point de jonction, là où... ça devient une force véritable.
Au point de vue pratique, je vais essayer de faire comprendre à A.; mais j’ai vu, il me semblait que ce qu’il faudrait... A., quand il est ici, s’occupe d’Auromodèle, du côté pratique, de tout cela, c’est très nécessaire, c’est très bien; et pour cette construction du centre, je voudrais que ce soit C. qui le fasse, et alors je voudrais que C. reste quand A. est parti, que C. soit ici quand A. est parti, et avec C. on ferait cela. Seulement je ne veux pas qu’ils sentent l’un et l’autre que c’est l’un contre l’autre. Il faut qu’ils comprennent que c’est pour se compléter.
Je crois que C. comprendra.
Mais A. va prendre cela comme un empiètement sur ses attributions?
Peut-être pas, je vais essayer. Je vais essayer.
Non, quand je lui ai dit qu’il était nécessaire de faire le centre, que je l’avais vu et que ça devait être fait, il n’a pas objecté, seulement il m’a dit : « Mais ça prendra du temps », je lui ai dit : « Non, il faut que ce soit fait tout de suite. Et c’est pour cela que je fais faire ces espèces de croquis par un ingénieur pour lui montrer, parce que ce n’est pas un travail d’architecte, c’est un travail d’ingénieur avec des calculs très précis pour la lumière du soleil, très précis. Il faut que ce soit quelqu’un qui sache vraiment. L’architecte, il faudra qu’il voie que les colonnes soient belles, que les murs soient beaux, que les proportions soient exactes — tout cela est très bien — et puis ce symbole au centre. Le côté beauté naturellement, c’est l’architecte qui doit le voir, mais tout le côté calcul... Et l’important c’est cela, c’est le jeu du soleil sur le centre. Parce que cela devient le symbole — le symbole de la Réalisation future. »
Le 10 janvier 1970
J’ai une lettre de C...
Je vais le voir cet après-midi.
Je t’ai dit que j’avais vu la construction centrale d’Auroville... J’ai un plan, cela t’amuserait de le voir?... Il y a des rouleaux là (Mère déroule le plan tout en expliquant) :
Il y aura douze facettes. Et à égale distance du centre, douze colonnes. Au centre, sur le sol, mon symbole, et au centre de mon symbole, il y a quatre symboles de Sri Aurobindo, debout, formant un carré, et sur le carré, un globe translucide (on ne sait pas encore dans quelle matière). Et alors, du haut du toit, quand il y a du soleil, le soleil tombera en rayon là-dessus (nulle part ailleurs, seulement là); quand il n’y a pas de soleil, il y aura des réflecteurs électriques qui enverront un rayon (aussi un rayon, pas une lumière diffusée) juste là-dessus, sur ce globe.
Et puis, il n’y a pas de portes, mais... en descendant profondément, on remonte dans le temple. On passe sous le mur et on remonte dedans — c’est encore un symbole. Tout est symbolique.
Et puis il n’y a pas de meubles, mais il y a, sur le sol, comme ici, d’abord du bois probablement, puis sur le bois un « dunlop » [balatum] épais et là-dessus un tapis (comme ici). La couleur est à choisir. Le tout sera blanc. Je ne suis pas sûre que les symboles de Sri Aurobindo seront blancs... je ne crois pas. Je ne les voyais pas blancs, je les voyais d’une couleur indéfinissable qui était entre l’or et l’orange, une sorte de couleur comme cela. Ils seront debout, ils seront creusés dans la pierre. Et un globe qui n’est pas transparent mais translucide. Et alors, tout au fond (sous le globe) il y aura une lumière qui sera projetée en l’air et qui rentrera diffusée dans ce globe. Et puis, du dehors, il y aura des rayons de lumière qui tomberont sur le centre. Et pas d’autres lumières, pas de fenêtres, une ventilation électrique. Et pas un meuble, rien. Un endroit... pour tâcher de trouver sa conscience.
Dehors, ce sera à peu près comme cela (Mère déroule un autre plan)... On ne sait pas si le toit sera tout à fait pointu ou... tout simple, tout simple. Ça pourra contenir à peu près deux cents personnes.
Alors, la lettre de C.?
« Très Douce Mère,
« J’ai vu A. dimanche, il est venu dans ma chambre, on a déjeuné ensemble. Avec amour j’ai arrangé pour Toi et pour A. de très belles fleurs. Toi Tu étais avec nous. On a beaucoup parlé. J’ai senti A. comme un frère.
« Je lui ai dit qu’Auroville ne peut pas naître comme n’importe quelle ville (problèmes d’urbanisme, social, économique, tout cela après). Le commencement doit être “autre chose”. C’est pour cela qu’on doit commencer par le Centre. Ce Centre doit être notre levier, notre point fixe, la chose dans laquelle on peut se soutenir pour essayer de sauter de l’autre côté — parce que c’est seulement de l’autre côté qu’on peut commencer à comprendre ce que doit être Auroville. Et ce Centre doit être la forme qui manifeste dans la matière le contenu que Toi Tu peux nous transmettre sur tous les plans (aussi occultes). Nous, on doit être seulement le moyen ouvert et sincère à travers lequel Tu peux concrétiser cela.
« Et je lui ai dit comme j’ai senti la nécessité de s’approcher de tout cela en vivant l’expérience intérieurement et tous unis — gens d’Orient et d’Occident — dans un vaste mouvement d’amour, car c’est le seul béton possible pour bâtir “autre chose”... »
C’est bien, ce qu’il dit.
« Et le Centre peut nous donner cet amour tout de suite parce que c’est l’amour pour Toi!
« Je lui ai dit que pratiquement on pourrait commencer avec un moment de silence, tous rassemblés et essayer de faire un blanc total, et sur ce blanc, avec l’aspiration de tout le monde, faire descendre les signes pour le commencement. Mais tous unis et tous ensemble, surtout ceux qui sont spirituellement les plus avancés (les Indiens).
« A. a été parfaitement d’accord. Il a dit que vraiment il faut faire ça. »
(Mère approuve de la tête)
Je vois C. cet après-midi pour lui donner ce plan. Parce que c’est cela que j’ai vu, n’est-ce pas. On va le faire en marbre blanc. F. a dit qu’il irait chercher le marbre, il connaît l’endroit.
Toute la structure en marbre blanc?
Oui, oui.
Mais C. m’a dit une chose que je sens juste. Il m’a dit : on va construire ce Centre, on va mettre tout notre cœur et notre aspiration là-dedans, dans ce Centre...
Et à travers les années, ça va se « charger » de plus en plus...
Alors il faut que ce Centre soit définitif : il ne faudrait pas qu’on enlève ce temple-là pour en construire un autre plus grand après.
J’ai dit cela pour calmer les gens qui pensent qu’il faut quelque chose de formidable. J’ai dit : on commence par ça, et puis on verra... Tu comprends? J’ai dit : ce Centre doit être là jusqu’à ce que la ville soit entièrement construite, et après on verra — après, on n’aura pas envie de l’enlever!
Mais il dit qu’au point de vue architectural, il est très possible d’étendre la chose de l’extérieur, sans toucher à ce qui est déjà bâti.
Oui, oh! c’est très possible.
N’est-ce pas, A. m’a dit : « Et alors, qu’est-ce que l’on fera après? » J’ai dit : « Eh bien, on y pensera plus tard ! »... C’est cela, ils ne savent pas... ils ne savent pas qu’il ne faut pas penser. Moi je n’y pensais pas du tout, du tout, du tout — un jour, je l’ai vu, comme cela, comme je te vois. Et encore maintenant, c’est tellement vivant qu’il suffit que je regarde pour que je le voie. Et ce que je voyais c’était le centre et la lumière qui tombe dessus, et puis tout naturellement en observant, j’ai remarqué, j’ai dit : « Voilà, c’est comme cela. » Mais ce n’était pas pensé, je n’ai pas pensé « douze colonnes et puis douze facettes et puis... » Je n’ai pas pensé tout cela. J’ai vu.
C’est comme ces symboles de Sri Aurobindo... quand je parle du centre, je vois encore ces quatre symboles de Sri Aurobindo, qui se tiennent par leurs angles, comme cela et cette couleur... couleur étrange... je ne sais pas encore où l’on pourra trouver cela. C’est un or orangé, très chaud. Et c’est la seule couleur de l’endroit : tout le reste est blanc. Et le globe translucide.
C. a dit qu’il allait tout de suite se renseigner en Italie, à Murano, l’endroit où on fait les grands cristaux, pour savoir dans quelle mesure on peut faire un globe, par exemple de 30 cm en cristal.
Il y a la dimension exacte sur le plan, ça doit être marqué.
Il y a une grande cristallerie là-bas.
Oh! Ils font des choses merveilleuses là-bas. Ce n’est pas marqué, la dimension du globe?
Soixante-dix centimètres.
Ça peut être creux. Ça peut ne pas être plein, pour que ce ne soit pas trop lourd.
Ce souterrain pour entrer... On entrera à une dizaine de mètres de distance du mur et au pied de l’urne. Ce sera l’urne qui marquera la place de la descente. Il faut que je choisisse exactement de quel côté... Et alors, il se peut très bien que plus tard, l’urne, au lieu d’être dehors, soit au-dedans de l’enceinte. Alors on pourrait mettre, peut-être, simplement un grand mur tout autour, et puis des jardins. Entre le mur d’enceinte et le bâtiment que l’on va faire maintenant, avoir des jardins et l’urne. Et ce mur-là aura une entrée : une ou plusieurs portes ordinaires. On pourra circuler dans le jardin. Et puis il faudra remplir certaines conditions pour avoir le droit de descendre dans le souterrain et d’émerger dans le temple... il faut que ce soit initiatique un peu — pas tout à fait « comme cela », n’importe comment.
À A., j’ai dit : on verra cela dans vingt ans! Alors ça l’a tenu tranquille.
Mais la première idée était d’entourer ça avec de l’eau, de faire un îlot pour que l’on ait à traverser l’eau pour pouvoir arriver au temple — c’est très possible de faire un îlot...
Le 17 janvier 1970
Qu’est-ce que tu voulais me dire?
J’ai reçu la visite de C. et de G. Il y a deux choses. Mais d’abord, il y a le plan de ce Centre, plus exactement de l’extérieur de ce Centre.
L’extérieur, je n’ai rien vu. Il y a un croquis, c’est un croquis de F... Je n’ai rien vu du tout et je suis ouverte à toutes les propositions. Et alors?
Il m’a expliqué quelque chose que j’ai trouvé très beau, que je voudrais te soumettre... Quand tu avais parlé de ce Centre, en effet, pour l’extérieur, tu disais : « Je ne sais pas si les murs seront inclinés ou si c’est le toit qui sera incliné », tu semblais avoir une hésitation. Alors C. dit qu’il a reçu comme une inspiration et qu’il a vu quelque chose de très simple, comme une grande coquille, dont une partie émergerait à la surface, et une autre partie serait enfouie dans la terre. Et il a dessiné une sorte de schéma que je voudrais te montrer.
Est-ce qu’ils ont vu A. aussi? Parce que A. avait deux idées, il est venu me voir avec deux idées, et je lui ai dit ce que je préférais des deux, mais rien n’est décidé encore. Et A. doit faire le croquis de ses idées. Alors je vais voir ce que dit C. et puis je te dirai les idées de A.
(E. déroule le plan) Alors tu vois, voilà l’extérieur, qui serait simplement comme une coquille. L’intérieur est exactement comme tu l’as vu : ce grand tapis tout nu et puis la boule au centre. Et ce qui a déterminé l’inspiration de C. c’est que tu as dit qu’il fallait rentrer sous terre pour réémerger. Alors il a eu l’idée de descendre profondément, de faire un escalier en hélice, ici, qui remonterait, et arrivé là, il y aurait comme une série d’escaliers qui s’embrancheraient dans toutes les directions (dans la partie intérieure de la coquille) et qui aboutiraient dans le temple lui-même. Alors, toute la partie inférieure serait en marbre noir, et toute la partie supérieure en marbre blanc tout simple. Et l’ensemble est comme un grand bouton, tu vois, comme si ça poussait de terre.
Tu es sûr qu’il n’a pas vu A.? Parce que A. m’a dit : je veux faire un grand cercle; l’intérieur sera exactement un demi-cercle, et l’autre demi-cercle sera sous terre. Il m’a dit presque les mêmes mots.
Parce que C. lui a dit son idée.
Ah! C. lui avait dit! Ah! c’est ça...
C’est comme un bouton qui sort de terre.
Oui, oui, c’était la première idée que A. m’avait dite, presque identiquement les mêmes mots. Et alors, sa seconde idée était une pyramide, laisser le temple comme on l’avait dit, et puis faire une pyramide. Mais j’avais pensé aussi à une pyramide, et je lui ai dit : j’ai pensé à une pyramide... Mais il a dit qu’il ferait les deux plans et puis que l’on verrait. Mais si cela s’accorde avec l’idée de C., c’est très bien.
Mais l’idée de A., en fait, c’est l’idée de C.
Oui, c’est cela.
Alors, quand on arrive en haut de la « tige », il y a toute une série d’escaliers dans toutes les directions, si bien que l’on peut émerger dans le temple par n’importe quel côté... Et alors, le centre est absolument nu, et tout autour il y a comme une passerelle par laquelle on émerge du fond, c’est par là qu’il y aura tous ces escaliers. Et tout sera nu. Il y aura simplement cet immense tapis qui sera tenu de coin en coin par ces passerelles. Ça aura l’air comme suspendu. Tout blanc, tout uni. Et il y avait la question des douze colonnes... C. disait qu’il sentait que les colonnes étaient encore un symbole ancien qui ne s’allierait pas bien avec la coquille, et il disait : au lieu de douze colonnes, on pourrait symboliquement mettre douze appuis, douze bases de colonnes qui serviraient de dossiers.
Oh! mais les colonnes ont un usage, parce que c’est en haut des colonnes que l’on mettra les projecteurs qui enverront la lumière sur le centre. Il y aura de la lumière nuit et jour; le jour on arrangera des ouvertures, mais dès que le soleil sera parti, on allumera les projecteurs, et les projecteurs sont fixés sur les douze colonnes et convergent sur le centre.
Mais, Douce Mère, si les colonnes ont une utilité uniquement pour les projecteurs, on peut les fixer aussi sur les murs?
Les colonnes ne sont pas près du mur, les colonnes sont ici, juste à moitié de distance entre le centre et le mur.
Parce qu’il voyait cet espace au centre tout nu, avec juste le symbole au centre et ce grand tapis tout uni, sans coupure de colonnes. Mais à la place, mettre comme des gros blocs, douze gros blocs qui signaleraient la place des colonnes et qui serviraient en même temps d’appui.
Ça n’a pas de sens.
Un sens symbolique? Parce que tu parlais beaucoup de ces piliers comme d’appui aussi pour les gens qui voudraient s’asseoir.
Oh! pour leur dos.
Alors il disait que ces douze blocs pourraient, par exemple, être chacun dans une matière différente, comme un symbole : douze matériaux différents.
Moi, j’ai vu des colonnes.
Sur les murs extérieurs, on organisera la ventilation générale, qui sera électrique (pas de fenêtres) et alors sur les colonnes il y avait la lumière... J’ai vu des colonnes, je ne peux pas dire. J’ai vu clairement les colonnes.
Eh bien, je le lui dirai.
Quant à la galerie tout autour, je ne sais pas si j’aime beaucoup cela... Je ne l’ai pas vue, j’ai vu les murs tout nus, sans fenêtres, et puis les colonnes, et puis le centre. Ça, je suis sûre parce que je l’ai vu, et je l’ai vu longtemps.
La forme d’une coquille te convient?
C’est-à-dire que cela fait un cercle parfait : moitié en haut, moitié en bas... Ça peut aller. Seulement il faudra faire un arrangement pour le soleil.
Oui. G. connaît très bien le problème d’éclairage par prismes, parce que si l’on veut attraper un rayon de soleil, il faut mettre des prismes. Il dit qu’il résoudra le problème très facilement, qu’il s’en occupe. Simplement, on met des prismes à un certain nombre d’endroits, qui capteront juste un rayon de soleil.
Il faut un rayon. Ce que j’ai vu, on voyait le rayon.
C’est cela, avec un prisme on voit le rayon. Alors, il y aura un certain nombre d’ouvertures géométriques suivant le mouvement du soleil... Mais à l’intérieur, sur les parois, les douze facettes seront reproduites.
Et ça, en principe (il montre la galerie circulaire) c’était les entrées par lesquelles on émergeait du souterrain.
Je ne sais pas si c’est bon de multiplier les entrées comme cela... Il y aura un problème pratique à résoudre : s’il y avait une seule entrée et qu’il y a une surveillance très sévère à cette entrée, ça va bien, mais s’il y a plusieurs entrées et qu’il n’y ait pas suffisamment d’éclairage, il y aura des catastrophes.
Non, non, Douce Mère, il n’y a qu’une entrée à l’extérieur, mais quand on débouche à la base de la coquille, il y aurait cette multiplicité d’entrées. Non, à l’extérieur il n’y a qu’une descente; une descente qui aboutit ici, au pied de cet escalier en hélice.
Il avait pensé à cette passerelle tout autour parce qu’il disait que cela détacherait davantage tout ce tapis central tout blanc, qui aura l’air comme de flotter, détaché, au lieu d’être collé au mur.
Je ne pensais pas « collé au mur », il y avait toujours une circulation autour du mur.
Alors c’est cette circulation, avec un certain nombre de passerelles. Et c’était aussi cette idée de nudité qui lui avait fait enlever les colonnes.
Ce que je n’aime pas, c’est l’idée des passerelles, parce que les murs étaient tout droits, du haut en bas, en marbre blanc.
Ah ! Mais les passerelles ne sont pas hautes, c’est à peu près 30cm au-dessus du sol.
Oui, ça, ça va.
Et d’ailleurs, il disait que sur ces passerelles, ou plutôt ce rebord qui limite la circulation autour, le tapis pourrait venir juste en angle, couvrir en angle.
Ça, ça va bien.
Bon, ça va. Alors il faut qu’ils s’entendent. Mais ce doit être à moitié fait puisque A. m’a parlé de l’idée. Si j’avais su que c’était l’idée de C., j’aurais dit oui tout de suite. Mais ça s’arrangera. Ça va bien.
Alors je lui dis de travailler sur cette base... La seule question en suspens, c’est l’extérieur : est-ce que l’on doit laisser un vide autour de la coquille pour que l’on voie bien la descente de la coquille? Autrement, si l’on bouche tout, ça aura l’air simplement d’un hémisphère posé sur la terre. Pour que l’on comprenne bien la descente de cette coquille sous terre, il pensait faire une ouverture tout autour.
Je ne sais pas. Je te dis, je n’ai rien vu pour l’extérieur, alors je ne sais pas. Mais ce sera dangereux. On pourrait tomber.
Ou bien on peut faire une sorte de douve avec de l’eau tout autour, une eau transparente qui montrerait cette descente de la coquille, par exemple?
Oui, cela pourrait être bien.
Il y a aussi une question de mesures. D’après le plan, tu as donné 24m — 12m de chaque côté du globe. Mais est-ce que l’on peut garder un peu de distance supplémentaire de chaque côté pour la circulation ? Le plan indique 24m en diamètre, et 15m20 en hauteur.
Ah?
Il demande si ces proportions peuvent varier? Garder 24m pour la base du tapis, mais avec la possibilité, par exemple, de garder 2m ou 3m de chaque côté, pour les dégagements?
Alors le mur serait où?
Le mur serait là (il indique l’extérieur du passage circulaire).
C’est le mur qui doit être à 24m.
Il dit que s’il doit y avoir ces passages, 24m serait un peu court.
Et la hauteur aussi est en question.
La question justement était que cela devait faire un cercle parfait.
Si cela fait un cercle parfait, alors la hauteur fera le rayon de la distance entre les deux murs.
(Long silence)
La chose qui me ferait vraiment plaisir, c’est s’ils se mettaient d’accord tous les deux et qu’ils me présentaient un projet de tous les deux en même temps. Comme cela, ça serait facile pour l’exécution... N’est-ce pas, si A. a adopté l’idée de C., pourquoi ne verraient-ils pas ensemble, tous les deux, comment l’exécuter?
Oui, ça simplifierait beaucoup les choses.
Oui! beaucoup, beaucoup.
Qu’est-ce qui se passera là-dessous?... (Mère désigne la partie souterraine de la coquille). Tout cela est mental, mais quand vous allez avoir un grand sous-sol tout noir, qu’est-ce qui va se passer là-dedans? Qu’est-ce qui va se passer? — Des tas de choses innommables. L’humanité n’est pas transformée, il ne faut pas l’oublier. Et il y aura toutes sortes de gens qui viendront... Même s’il y a un contrôle à l’entrée, on ne peut pas empêcher les gens d’aller voir, alors qu’est-ce qui se passera là-dessous?... C’était ma première objection quand A. m’a dit : « On pourrait faire des souterrains magnifiques! » Je lui ai dit : « C’est très bien, et qui contrôlera ce qui se passe là-dessous? »
J’avais pensé que c’était ton idée, la descente?
Mon idée était une descente assez courte et qui émergerait là. (Mère désigne l’unique ouverture du plan primitif) Une descente assez courte, pas un grand souterrain comme cela... Mais c’est possible, c’est une question de contrôle, c’est tout. Seulement, un souterrain où il y a place pour deux rangées de personnes (une qui monte et une qui descend) et qui émerge là, ou un énorme souterrain comme celui-là, il y a une grande différence! Et maintenant il ajoute à cela que ce sera tout noir!
En marbre noir, oui.
Oui, alors? C’est-à-dire que l’on n’y verra pas très clair. Alors, qu’est-ce qui va se passer là-dedans?
Les souterrains ne sont pas en forme de boyaux : c’est un escalier central en hélice, et quand on arrive au sommet de l’hélice, elle s’embranche en une série d’escaliers à découvert, suspendus comme des passerelles. Ce n’est pas enfermé, c’est tout volant.
Il n’y aura pas d’accidents?... Ah! il y a tout prêts des gens hallucinés qui se casseraient la tête par terre... N’est-ce pas, c’est un peu trop mental pour mon goût, c’est-à-dire qu’au point de vue mental c’est très attractif, mais en vision...
L’idée, c’est surtout la construction collective de ce souterrain comme un symbole...
On verra ! (Mère rit)
En tout cas, il faudrait qu’ils se mettent ensemble. Et puis je verrai. J’aimerais pouvoir les avoir tous les deux ensemble avec leur papier. Alors ce serait très bien.
(Mère entre dans une longue concentration.)
On va laisser décanter.
Et pour le dessus, est-ce qu’on laisse cette idée de coquille, ou bien est-ce à étudier?
Coquille... L’idée c’était une sphère. Pourquoi une coquille?
« Coquille », enfin une forme ronde, une forme sphérique.
Une coquille d’œuf est allongée, elle n’est pas sphérique. L’œuf comme il est vraiment est un peu comme une toupie, alors le haut serait plus large et le bas plus étroit, avec seulement les escaliers... Ça, c’est très possible.
Donne-moi un papier... (Mère dessine un œuf, tout en expliquant). Et alors là, tout en bas, il n’y aurait que les escaliers. Comme cela, oui.
Son idée, c’était de reproduire l’œuf de Brahman, tu sais, l’œuf primitif. Que le temple reproduise l’œuf primitif.
Mais alors comment est-il, l’œuf de Brahman!?...
Je ne sais pas... Comme un œuf, je pense!
Un œuf a une base toujours plus étroite que le sommet. Alors si l’on conçoit un œuf comme cela (Mère dessine) et qu’à la base ce soit l’escalier, et que l’escalier en spirale arrive jusqu’au temple... Par exemple sept embouchures d’escalier.
Sept au lieu de douze.
Et ici (Mère désigne la moitié médiane de l’« œuf ») c’est 24m, et seulement 15m 50 de hauteur. Alors comme cela, c’est correct.
24m pour la largeur totale ou pour le tapis?
Non, il faut avoir des murs droits, les murs ne peuvent pas être courbes. Je les ai vus droits.
Droits, et qui remontent arrondis.
D’après ce que j’avais vu, les colonnes étaient plus hautes que les murs, et c’est pour cela que le toit s’inclinait. Et alors, c’était sur les colonnes que se trouvait la lumière électrique. Et le point le plus large de l’œuf serait ici (Mère tire un trait à hauteur du tapis).
À la limite du sol.
Et tu disais sept ouvertures?
Sept escaliers.
Et alors un souterrain qui conduit à la base de l’œuf, d’où partent ces sept escaliers.
Ça, c’est possible.
En somme, les murs intérieurs du temple doivent être droits.
C’est-à-dire que l’on peut, pour le dehors, pour la vision, arrondir, mais à l’intérieur il faut que le mur soit droit.
Le mur droit, et une coupole sur le mur droit.
Oui, une coupole sur le mur droit. Mais la coupole peut être la coupole de l’œuf, et j’avais pensé que l’endroit où la coupole se raccorderait avec les murs, serait sur les colonnes. Douze colonnes. Et ici, pour le dehors, ils peuvent continuer leur mur en forme arrondie comme cela (Mère dessine).
Il y aurait même une possibilité, c’est d’avoir un espace entre le mur le plus extérieur et le mur intérieur. Faire un espace. C’est à voir.
Cela veut dire en supplément des 24m?
Oui, c’est entendu. Les 24m se terminent aux murs.
Et les ouvertures pour les sept escaliers?
J’aimerais mieux qu’elles soient en dehors du mur.
Oui, ce serait mieux, parce que cela donnerait plus d’espace au Centre.
Oh! oui, et l’intérieur serait beaucoup plus net. Voir tous ces escaliers ne me plaisait pas. Même un escalier, je n’aimais pas, mais en voir sept... Tandis que dehors, c’est bien.
Donc, un passage au-dehors.
Le passage au-dehors.
Oui, comme dans l’Inde, quand on fait le tour des temples.
Oui. Ça, ça va bien.
Et les sept escaliers partent directement de la base de la coquille, sans cette « tige » qui monte du fond ?
Ça, c’est comme ils veulent. En dessous, ça m’est égal. S’ils veulent que ce soit un escalier comme cela ou un escalier... Pourvu que cela ne soit pas trop raide.
Qu’est-ce que tu as encore?
Il y a la deuxième partie du problème.
Ah! qu’est-ce que c’est?
G. et C. se sont rendu compte que si on laisse Auroville ou la construction de ce Centre aux gens d’Auroville, comme séparés de l’Ashram, cela ne marchera jamais, il n’y aura jamais la vraie force, les gens qui sont là ne sont pas assez réceptifs pour faire le travail. S’il y a cette coupure entre l’Ashram et Auroville, on n’arrivera jamais, on fera encore une « fabrication » mais pas quelque chose de vrai. Selon eux, le seul espoir est que réellement ce Centre soit construit non pas par des Auroviliens, mais par tous les gens de l’Ashram, sans distinction entre les Auroviliens et non-Auroviliens ; que la force s’unisse dans la construction de ce Centre, ne pas abandonner les Auroviliens à une coupure extérieure... De même que tous les disciples ont construit « Golconde » 20 , il faudrait que de la même manière tous les disciples construisent le Centre d’Auroville, sans main-d’œuvre extérieure.
À Golconde, il y a eu une main-d’œuvre extérieure.
Enfin, en limitant autant que possible l’élément extérieur, pour que ce soit une œuvre de consécration. Autrement, dit G., les gens d’Auroville sont tous pleins d’arrogance, d’incompréhension, ils voient l’extérieur des choses. Il faut que se mêle à cela la force des gens d’ici. Et si les gens de l’Ashram ne viennent pas insuffler la force, on n’arrivera à rien... À l’heure actuelle, me disait C., Auroville tel que ça a l’air de l’extérieur, ressemble à une nécropole (Mère rit). C’est le fruit « vivant » de l’égoïsme. La seule chose qui puisse sauver, c’est que les gens de l’Ashram entrent là-dedans et fassent le travail et que les autres soient absorbés là-dedans, — sinon...
Mais à l’Ashram, nous avons trois centres qui font de la construction : il y a H., qui s’occupe de l’entretien des maisons, I. et F...
Mais ce n’est pas cela que G. voulait dire. Il ne parlait pas du tout d’un problème de construction, il parlait du problème que les disciples travaillent avec les Auroviliens...
G., en tant qu’ingénieur et avec l’argent ramassé, fera la construction, mais il faut que toute la main-d’œuvre soit fournie par l’ensemble des gens de l’Ashram, qui se mêlent aux Auroviliens. C’est cela l’idée.
Ce n’est pas possible. Tous les gens de l’Ashram qui sont en âge de travailler, travaillent tous. Ils ont tous leur occupation.
Il voyait une sorte de roulement, chacun donnant, par exemple, une heure par jour, ou une journée par semaine. Parce que, autrement...
Ils ne demanderaient pas mieux. Ils prendraient cela comme un extraordinaire amusement. J’ai plus de peine à les empêcher de se disperser que je n’aurais de peine à leur faire faire quelque chose. Ce serait pour eux un amusement.
Parce qu’il dit que s’il n’y a pas la force intérieure des gens de l’Ashram qui se mêle à ceux d’Auroville, ceux d’Auroville resteront ce qu’ils sont... Il dit : autrement, il n’y a pas d’espoir.
Oh! non, il ne sait pas. C’est tout dans la mentalité, c’est tout mental. Ils ne savent pas. Qui est-ce qui sait? C’est seulement quand on voit. Il n’y en a pas un qui voie. Tout, des pensées, des pensées, des pensées... Ce ne sont pas des pensées qui construisent.
Les éléments d’Auroville peuvent faire le travail?
Je suis en train de travailler, travailler (geste de malaxage) pour rassembler les énergies qui peuvent faire. Et il faut un décantage là-bas.
Mais tu comprends, ils parlent de travail physique, et pour le travail physique il n’y a que les jeunes qui sont à l’école — tous les Ashramites sont devenus vieux, mon petit, ils sont tous vieux. Il n’y a que les jeunes à l’école. Et les jeunes qui sont à l’école, ne sont pas ici pour être des Ashramites, ils sont ici pour être éduqués — c’est à eux de choisir... Il y en a beaucoup, beaucoup qui veulent aller à Auroville. Alors ce serait le côté éducation de l’Ashram qui irait à Auroville — il y en a beaucoup. Mais donne-moi les noms, qui est-ce qui peut aller travailler avec ses mains?
Mais, Douce Mère, la seule possibilité, c’est que tu DISES, alors moi, demain, je vais passer deux heures à Auroville et ramasser des « baskets » [paniers]!
(Mère rit) Mon petit, toi tu es l’un des plus jeunes... Tu me vois disant à J. : « Allez travailler »!
Ah ! mais ça tirerait tous les autres.
(Mère rit) Pauvre J. !
Si tu savais combien de lettres je reçois de prétendus Auroviliens qui disent : « Oh! je veux enfin être tranquille, je veux venir à l’Ashram, je ne veux plus être Aurovilien. » Voilà. C’est juste le contraire. « Je veux être tranquille. » Voilà.
Moi, tu sais, je ne crois pas aux décisions extérieures. Simplement je ne crois qu’à une chose : la force de la Conscience qui fait une PRESSION comme ça (geste écrasant), et la Pression va en augmentant... Ce qui fait qu’elle va décanter les gens. Je ne crois qu’à ça, la pression de la Conscience. Tout le reste, ce sont les choses que les hommes font. Ils les font plus ou moins bien, et puis ça vit, et puis ça meurt, et puis ça change, et puis ça se déforme et... — tout ce qu’ils ont fait. Ce n’est pas la peine. Il faut que la puissance d’exécution soit d’en haut, comme cela, impérative (geste de descente). Et alors pour cela, il faut que ça (Mère désigne le front) ça reste tranquille. Pas dire : « Oh! il ne faut pas cela, oh! il faut ceci, oh! nous devons faire... » Paix, paix, paix. Il sait mieux que vous ce qu’il faut. Voilà.
Alors, comme il n’y en a pas beaucoup qui peuvent comprendre, je ne dis rien, je regarde et j’attends.
S’ils peuvent se mettre d’accord, le travail ira plus vite. Voilà. Les objections de détails n’ont pas d’importance, parce que l’on part avec une idée et on arrive avec une autre — on fait beaucoup de progrès entre les deux. Alors cela n’a pas besoin d’être discuté, c’est seulement... Seulement, tâchez de mettre vos énergies ensemble pour démarrer plus vite, c’est tout!
(Mère rit)
Entre mars et août 1970, Mère a reçu chaque semaine un petit nombre d’Auroviliens, dont la plupart venaient de la communauté d’Aspiration — d’où le nom « Entretiens avec Aspiration ». L’offrande de fleurs et la présentation des nouveaux venus à Mère étaient généralement suivies d’une conversation, bien que parfois seul avait lieu ce que Mère appelait « un bain de silence ». Les entretiens suivants représentent des extraits des vingt-six entretiens enregistrés au magnétophone.
Le 10 mars 1970
A. : On voudrait te parler du travail à Aspiration. Ce qu’on voudrait savoir, ce qu’on recherche, c’est d’avoir l’attitude...
Qu’est-ce qui ne va pas?
A. : Ce qui ne va pas c’est...
Chacun tire de son côté.
A. : Chacun tire de son côté... Personne n’a vraiment le contact avec ce qui est vrai...
Il faut bien penser qu’on part de l’état de l’humanité actuelle. Alors vous avez à faire face à toutes les difficultés; il faut trouver la solution.
(Montrant le magnétophone) Qu’est-ce qu’il y a là ?
B. : J’enregistre pour les personnes d’Auromodèle, Douce Mère.
(En riant) Il ne fallait pas me le dire.
A. : Mais, Douce Mère, tu sais, il y a plusieurs solutions qui se présentent à nous. Par exemple, d’un côté on...
Chaque homme a sa solution et c’est cela la grande difficulté. Pour être dans la vérité, chacun a sa solution. Et pourtant, il faut trouver un moyen pour que toutes ces solutions collaborent.
Alors le cadre doit être vaste, très souple et les bonnes volontés doivent être très grandes : ça, c’est la première condition — condition individuelle —, une bonne volonté. N’est-ce pas, être assez souple pour faire à chaque moment la meilleure chose à faire.
A. : Mais par exemple on nous dit : il faut des usines, il faut qu’il y ait de la production ; il y en a parmi nous qui ne ressentent pas de faire un travail dans ce sens-là. Ils préféreraient faire une recherche plus...
Plus intérieure.
A. : Plus intérieure plutôt que de se lancer dans des usines, un travail, produire pour avoir de l’argent, etc. On ne ressent... on ne voudrait pas faire ça à Aspiration en ce moment. On voudrait savoir ce que tu en penses.
(Mère se concentre — long silence)
N’est-ce pas, pour être pratique, il faut d’abord avoir la vision très claire du but vers lequel on va. À ce point de vue-là, par exemple, prenons l’argent. Un idéal qui est peut-être de quelques siècles en avance, on ne sait pas : l’argent doit être une force qui n’appartient à personne et qui doit être régie par la sagesse la plus universelle de l’endroit. Mettez sur la Terre celui qui a une vision assez vaste pour pouvoir connaître les besoins terrestres et assez précise pour pouvoir dire où l’argent doit aller. Vous comprenez que nous sommes très loin de cela, n’est-ce pas? Pour le moment encore, Monsieur dit : « C’est à moi » et, quand il est généreux, il dit : « Je vous le donne. » C’est pas ça.
Mais il y a un chemin à parcourir entre ce que nous sommes et ce qui doit être. Et alors, pour ça, il faut être très souple, ne jamais perdre de vue le but, mais savoir qu’on ne peut pas sauter là d’un seul coup mais qu’il faut trouver le moyen. Alors c’est beaucoup plus difficile, encore beaucoup plus difficile que de faire la découverte intérieure. À dire vrai, la découverte intérieure, il faudrait l’avoir faite avant de venir. Parce qu’il y a un point de départ : quand vous avez trouvé au-dedans de vous la lumière qui ne vacille pas, la présence qui peut vous conduire avec certitude, alors vous vous apercevez que constamment, à chaque occasion, il y a quelque chose à apprendre. Et que, dans l’état où est la matière, il y a toujours un progrès à faire. Il faudrait arriver comme ça, anxieux de savoir à chaque minute quel est le progrès à faire. N’est-ce pas, avoir une vie qui veut croître et se perfectionner, c’est cela qui doit être l’idéal collectif d’Auroville : « La vie qui veut croître et se perfectionner », et que chacun... pas tous de la même manière, surtout pas... chacun à sa manière.
Alors quand vous êtes une trentaine, c’est difficile, n’est-ce pas. Quand vous serez trente mille, ce sera plus facile, parce que naturellement, il y a beaucoup plus de possibilités. Vous êtes les pionniers, vous avez la tâche la plus difficile; mais selon moi, c’est la plus intéressante. Parce qu’il faut que vous établissiez d’une façon concrète, durable et croissante l’attitude nécessaire pour être vraiment un Aurovilien. Apprendre quotidiennement la leçon du jour... Chaque soleil qui se lève est l’occasion d’une découverte. Alors, dans cet état d’esprit, on trouve. Chacun trouve.
Et le corps a besoin d’activité : si vous le gardez inactif, il commence à se révolter, il tombe malade, etc. Il lui faut une activité et, vraiment, n’est-ce pas, une activité comme de planter des fleurs, de construire une maison, une chose vraiment matérielle. Il faudrait sentir... et alors il y a ceux qui font des exercices, ceux qui montent à bicyclette, il y a d’innombrables activités; mais dans votre petit groupe, il faudrait que vous vous entendiez tous entre vous pour que chacun puisse trouver l’activité qui est conforme à son tempérament, à sa nature, à son besoin. Mais pas avec des idées. Les idées, c’est pas très bon. (Rires) Les idées vous donnent des préjugés, n’est-ce pas : « Ça, c’est un bon travail, ça ce n’est pas un travail digne de moi » et toutes sortes de sottises. Il n’y a pas de mauvais travail — il y a de mauvais travailleurs, mais il n’y a pas de mauvais travail. Tout travail est bon quand on sait le faire de la bonne manière. Tout. Et c’est une sorte de communion. Et alors, si pour votre bonheur, vous êtes conscients d’une lumière intérieure, alors, vous voyez que dans votre travail manuel, c’est comme si vous appeliez le Divin dans les choses; alors, la communion devient très concrète...
Il y a un monde à découvrir, et c’est merveilleux, vous êtes jeunes, vous avez tout le temps devant vous. Et pour être jeune, pour être vraiment jeune il faut toujours, toujours croître, toujours se développer, toujours progresser; c’est la croissance qui est le signe de la jeunesse et croître dans sa conscience, n’est-ce pas, c’est illimité. Je connais des vieillards de vingt ans, et des gens jeunes de cinquante, soixante, soixante-dix ans. Et, si on fait du travail manuel, on se garde en bonne santé. Voilà. Alors maintenant, il faut que vous voyiez, que vous trouviez et puis que vous veniez me le dire...
A. : D’accord.
Il faudra voir tout ce que vous pouvez faire... Il y a toutes sortes de choses. Toutes sortes de choses. Et puis, que vous voyiez entre vous comment cela peut s’arranger. Vous viendrez me le dire. Ça va ?
A. : Très bien.
Voilà. Au revoir.
A. : Au revoir.
(À C.) Ça va ?
C. : Oui, ça va.
Oui? De tout cœur?
C. : Oui. (Il rit)
Aaaah... Qu’est-ce qui ne va pas? (Rires) Il comprend? Il comprend bien le français?
C. : (En riant) Oui, oui, je comprends, Mère.
Alors, qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas?
C. : (Riant) Je ne sais pas.
Comprends pas? Hein? Oh, il y a des idées... il y a des idées qui sont là, des idées qui tiennent comme ça, et qui veulent faire bien attention qu’on ne les chasse pas... Elles tiennent à rester là. C’est ça ? Eh oui... ça va aller. Voilà. Au revoir.
Tous : Au revoir.
A. : Merci.
Au revoir, mon petit.
A. : Merci beaucoup.
Voilà. Alors vous venez... Dans une semaine vous aurez fait du travail?
A. : Oui.
Bon, alors, dans une semaine vous venez.
Nous sommes aujourd’hui quel jour?
D. : Mardi, Douce Mère.
Mardi? Alors, mardi prochain. Voilà. Au revoir.
Le 24 mars 1970
Entrez. (Mère rit)
(Ceux qui entrent offrent des fleurs à Mère. Elle désigne les fleurs nommées « Service » et dit en riant :)
Service à Auroville.
(Mère dispose les fleurs et les distribue. En donnant « Service » et « Transformation », elle fait la remarque suivante :)
C’est le service qui conduit à la transformation. C’est sérieux.
A. : Douce Mère, est-ce qu’on peut te poser une question?
A. : C’est de la part d’Aspiration en général.
Oh!
A. : Là-haut, certains voudraient, aimeraient savoir si ce serait possible que ce ne soit pas toujours les trois mêmes qui viennent te voir le mardi. Qu’est-ce que tu en penses?
Moi, tu comprends, je veux bien, mais c’est votre affaire à vous. (Mère rit) Bon! je veux bien vous voir quatre.
(S’adressant à E.) Lui, je l’ai appelé aujourd’hui pour la première fois... mais à sa place, il y en a un qui peut venir en roulement. En tout cas, n’est-ce pas, lui je le verrai autrement. Mais, avec vous trois, un quatrième peut venir, alors, en roulement chaque fois un autre. Tu comprends?
A. : C’est bien.
Je demande seulement qu’ils soient sincères, qu’ils ne viennent pas par simple curiosité; s’ils sont sincères, si vraiment ils ont envie de progresser, ils peuvent venir, l’un après l’autre, moi je veux bien. Je n’ai même pas besoin de savoir leur nom. Tu comprends, pour moi cela n’a pas d’importance. C’est seulement la qualité de la réceptivité qui importe. Si on est ouvert et qu’on sent que ça fait du bien, c’est bon, c’est très bon...
(À C.) Toi, tu viendras une fois par semaine me donner des nouvelles du jardin... Vous, vous venez d’Auroville, lui, il travaille ici... Ça va comme ça ?
A. : Très bien, Douce Mère.
Combien êtes-vous là-bas?
A. : Une quarantaine.
(Mère rit) Je vais vous poser une question indiscrète. Combien sont sincères?... Vous ne pouvez pas savoir... comme ça à les voir... vous voir... Ils ne vont pas venir quarante! Combien t’ont demandé à venir?
B. : Cinq, six.
Ça c’est raisonnable.
B. : Il y avait F., G... et beaucoup là-haut, Douce Mère, ont beaucoup d’amour pour toi, tu sais.
Je vais poser deux conditions. Vouloir faire des progrès — ça, c’est une condition vraiment modeste. Vouloir faire des progrès, savoir qu’il y a tout, tout à conquérir. Première condition.
Deuxième condition : faire tous les jours quelque chose, une activité, un travail, n’importe quoi, quelque chose qui ne soit pas pour soi-même, et surtout, qui soit l’expression de la bonne volonté pour tous — et vous, vous êtes un groupe, n’est-ce pas... Voilà. Simplement pour montrer que vous ne vivez pas seulement pour vous, comme ça... vous vous mettez au centre du monde et il faut que tout l’univers se tourne vers vous; c’est comme ça pour l’immense majorité des gens. Ils ne le savent pas d’ailleurs. Il vaudrait mieux que chacun devienne conscient... Spontanément, on se met au centre de l’univers et on veut que tout vienne vers soi, comme ça, d’une façon quelconque. Mais on fait un effort pour... reconnaître l’existence du tout, c’est tout. C’est pour élargir sa conscience, c’est simplement pour devenir un petit peu moins tout petit. Alors ceux qui adhèrent à mon programme viendront une fois par semaine, à tour de rôle. Ça va ?
(À E.) Et toi, je vais te donner une fleur pour ta maman, parce qu’elle les aime beaucoup. Alors tu lui donneras ça. Et tu viendras... Il ne faut pas venir le même jour, parce que cela prend trop de temps. Quel jour?
D. : Lundi c’est bien, vendredi aussi.
(À E.) Lequel des deux est plus commode pour toi?
E. : Lundi.
Lundi, alors tu viendras m’apporter des nouvelles de votre jardinage.
D. : Ils étaient très contents, Douce Mère.
C’est bien. Il faudra avoir un beau jardin.
Voilà. Alors ça va ? À mardi prochain, avec quelqu’un, ça m’est égal, n’importe qui, tu me diras simplement quand vous venez. Ceux qui veulent faire des progrès et qui pensent que le monde est plus vaste qu’eux, que leur conscience.
D. : Ils ont fait un tapis de judo, là-bas, Douce Mère.
B. enseigne le judo. Il est ceinture marron et il peut enseigner.
Oh! Tu as rencontré Monsieur H.?
B. : Oui, j’avais fait du judo avec lui.
(À D.) Comment est-ce qu’il le trouve?
B. : On n’a pas appris de la même façon, il m’est difficile de te dire comment je le trouve, parce qu’on n’a pas la même technique.
D. : Ils n’ont pas la même technique, Douce Mère, ils n’ont pas été enseignés de la même façon. Il avait travaillé avec lui quand il était à l’Ashram. B. est resté à l’Ashram au début, pendant trois mois, et ensuite il est allé à Auroville.
Ils n’ont pas la même technique?
D. : Non, ils ne travaillent pas de la même façon.
(À B.) Tu as appris où, toi?
B. : En France.
D. : H. avait appris en Algérie, je crois.
Et puis alors, il y a ceux qui ont appris au Japon et ceux-là ils savent. (Rires)
B. : On est une dizaine à peu près, Douce Mère, à faire du judo.
Il y a autant de judos qu’il y a de gens qui le pratiquent. Une dizaine c’est bien. La première chose c’est d’apprendre à tomber. (Rires) Bon. Voilà.
Alors à mardi prochain. Au revoir.
Le 31 mars 1970
Avez-vous des nouvelles?
Quelles nouvelles?
A. : Nous aurions deux questions à te poser si tu veux bien. La première concerne un petit garçon du village tamoul à côté d’Aspiration. Depuis quelque temps, il vient travailler pour le jardin à Aspiration, et nous lui donnons à manger, et petit à petit, il commence à participer, à vivre un petit peu avec le camp, et I., J. et K. ont décidé de prendre la responsabilité de cet enfant, avec tout le groupe, bien sûr, mais plus particulièrement tous les trois, et de s’occuper de lui, et petit à petit de l’intégrer à la vie du camp. Penses-tu que c’est bien ?
C’est bien, à condition que les parents soient d’accord. Il faudrait que vous ayez quelqu’un pour parler aux parents, et leur dire, s’ils sont d’accord, leur demander, leur expliquer. On ne peut pas prendre comme ça un enfant sans l’accord des parents. On connaît son père et sa mère?
A. : L. s’occupe des relations avec le village. Il va essayer de voir la famille et il va essayer d’entrer en contact avec le père et la mère, de voir si c’est possible.
Et il va y aller?
A. : Oui, oui.
C’est ça que je dis. C’est ça, la condition. Il faut qu’il y aille, qu’il parle au père et à la mère, qu’il leur explique les choses, qu’il leur demande s’ils sont d’accord. S’ils sont d’accord, c’est très bien, tout à fait bien.
A. : Parce qu’il ne s’agit pas de le couper de son village...
Non, non.
A. : Mais d’essayer petit à petit...
Au contraire...
A. : Il ne faut pas...
Au contraire, il faut qu’il garde le lien. Comme ça, c’est très bien.
Maintenant, seconde question?
A. : La seconde question concerne les visiteurs, les gens qui viennent à Aspiration. Alors, il y a deux catégories : il y a ceux qui viennent passer la journée et qui prennent leurs repas ici et il y a ceux qui veulent passer la nuit et qui veulent rester. Alors on ne sait pas quelle attitude avoir vis-à-vis d’eux, en général.
La nuit, ce n’est pas possible, n’est-ce pas, vous n’avez pas de place.
A. : Non, on n’a pas de place.
Mais les visiteurs viennent d’où? Ils sont envoyés par la Société 21 ou ils viennent comme ça ?
A. : Certains sont envoyés par la Société mais pas tous. On ne sait pas toujours d’où ils viennent.
Il faudrait une surveillance.
A. : Parce que, quelquefois, cela crée des malentendus, des choses pas...
Il faudrait que vous ayez un « office » [bureau], c’est-à-dire qu’il y ait une personne en permanence, une personne qui puisse recevoir ceux du dehors, les questionner et savoir qui les envoie, d’où ils viennent, pourquoi ils viennent. Il faudrait un Indien. Ça, c’est tout à fait indispensable et quelqu’un qui parle...
A. : Il y a des Indiens, mais il y a aussi beaucoup d’Européens. Des Allemands entre autres, des Anglais, des Américains et des Français aussi et qui sont de passage simplement comme ça et...
On pourrait avoir seulement un bureau pour les recevoir. Il faut un Indien et un Européen qui sachent au moins le français et l’anglais. S’il savait l’allemand ce serait mieux. Mais maintenant... Passer la nuit, je ne suis pas d’accord parce qu’on ne sait pas du tout ce qu’ils sont ni ce qu’ils veulent, pourquoi ils sont venus. Ceux qui viennent avec une recommandation, on les connaît, on les a envoyés, alors c’est différent, mais ceux qui viennent comme ça... Il faut quelqu’un pour leur dire ce que c’est, que ce n’est pas un objet de curiosité.
A. : Mais, Douce Mère, par exemple, si on prend un exemple : pour quelqu’un qui serait déjà venu à Aspiration et qui serait parti pour aller travailler ailleurs, et qui revient de temps en temps à Aspiration. Quelle attitude est-ce que... dans ce cas-là, est-ce qu’il pourrait passer la nuit?
Ça dépend. Il est gentil?
A. : Oui, il est gentil.
Alors ça va bien. C’est tout à fait différent. C’est différent, je parle d’étrangers, des gens qu’on ne connaît pas et qui viennent comme ça. Qui est-ce qui pourrait les recevoir?
A. : Eh bien, à vrai dire je ne vois pas très bien. Il faudrait qu’on voie entre nous, je ne sais pas.
Oui, ce n’est pas très amusant, n’est-ce pas.
A. : Pas toujours.
Mais c’est assez utile; c’est très utile. Il suffit d’avoir une table et une chaise et qu’on les fasse entrer et qu’on les questionne. Au besoin on aurait un tabouret pour eux !
A. : On pourrait leur donner à boire aussi...
(Riant) Oh! ça c’est beaucoup! « Qu’est-ce que vous voulez de nous, qui vous a parlé de nous », etc... Et alors il faut que ce soit quelqu’un qui ait un peu de sens psychologique, s’il voit que les gens sont sincères et intéressants, alors c’est très bien... mais passer la nuit... vaut mieux pas.
A. : D’autre part, ceux qui prennent leur repas, nous avons décidé de leur demander de l’argent.
Oui, les faire payer.
A. : Les faire payer c’est bien?
Oui, oui, ça va bien. Vous n’avez qu’à fixer un prix. Qui est-ce qui fait la cuisine?
A. : Nous avons depuis un mois à peu près un cuisinier. Un Tamoul qui a appris la cuisine pendant 15 ans en France, et il y a des gens qui l’aident à la cuisine, mais lui il est toujours là.
(Plaisantant) Vous pouvez ouvrir un petit restaurant!
Vous connaissez M.?
Il a une sorte de boutique pour vendre des choses.
A. : Oui, un magasin.
Oui, c’est ça, n’est-ce pas, il n’y a personne pour garder la nuit, alors il y a des vols. Et il paraît que vous avez trop de monde et pas assez de logements. Moi, je proposais que quelqu’un chaque mois aille coucher là-bas la nuit et le matin il reviendrait si ce n’est pas trop loin.
A. : C’est à trois kilomètres.
D. : Trois ou quatre kilomètres, Douce Mère.
Oh, ça ce n’est rien.
A. : À bicyclette, ce n’est rien.
À bicyclette... vous avez des bicyclettes?
A. : Oui, on n’en a pas assez justement; il faudrait qu’on puisse en avoir. On n’en a pas assez, mais on pourra en trouver.
Et ce ne serait qu’y aller le soir, la nuit enfin, et revenir le matin; la nuit, on ne se sert pas de bicyclette.
Mais si vous connaissez M., il pourrait emmener l’un d’entre vous, lui montrer et lui expliquer. Tu comprends?
A. : Bon.
Je crois que ce sera bien... Je ne sais pas comment c’est, je ne peux pas dire, mais j’ai l’espoir que ce sera confortable.
A. : Et qu’est-ce que tu penses de l’idée de faire une grande hutte et d’y loger vingt ou vingt-cinq personnes, c’était une idée de R.A.
Je crois qu’en attendant qu’il y ait des logements pour tout le monde, c’est assez indispensable. Je ne dis pas que ce soit le super-confort, mais c’est assez indispensable. Il y a de la place... Ce sont les logements qu’il faut faire.
Le petit garçon qui vient, le petit garçon tamoul, vous lui enseignez quoi, l’anglais ou le français?
A. : Oh, pour le moment, on ne lui enseigne rien vraiment.
Pauvre gosse! (Rires) Tout simplement on le fait travailler.
A. : Oh non, pas simplement.
D. : Ils lui donnent à manger aussi, Douce Mère.
A. : Petit à petit, quand il viendra plus souvent, alors on pourra organiser quelque chose et lui apprendre le français.
Il faut le mêler à la vie, alors ce sera intéressant. Les enfants, quand ils vous entendent parler, ils veulent savoir ce que vous dites et ils apprennent la langue eux-mêmes. Les Indiens sont merveilleux pour apprendre les langues, ils peuvent en apprendre quatre ou cinq et ils ne mélangent rien. Ce petit-là apprendrait très bien et ce serait une très bonne chose.
Bon... Ça va... Voilà... Au revoir.
Le 7 avril 1970
Rien à rapporter?
Vous avez changé quelque chose à l’organisation? On m’a dit ça.
A. : Ça va changer.
Oh! Ce n’est pas changé...
A. : Pas encore. Ça va changer.
S’il y en a qui veulent un bain de silence, ils peuvent venir, cela ne fait rien. S’il y en a qui veulent un bain de silence plus souvent qu’une fois de temps en temps, ils peuvent venir, ça ne fait rien, vous vous assoirez là derrière.
Je te laisse arranger ça.
Au revoir.
Le 14 avril 1970
D. : (Parlant de N.) Il est Allemand, Douce Mère. C’est lui qui fait des bandes dessinées, comme fait Claude de Ribaud-Pierre, c’est lui qui fait ça, Douce Mère.
(Parlant de O.) Lui, il vient d’arriver, Douce Mère. Il est maçon.
Ah!
D. : Il vient de France, il est maçon. Il va repartir quelque temps chercher sa femme et revenir.
Il y a du travail ici.
Je vais vous donner un paquet à chacun pour garder le contact. Tu les connais, toi, ces paquets. Voilà. Il faut garder le paquet... Ils comprennent tous le français?
D. : Pas N.
Je peux parler anglais si vous voulez.
D. : N. ne comprend pas, Douce Mère, il est Allemand, il comprend l’anglais.
(En anglais) Il y a des pétales, des pétales de fleur dedans, mais ils sont chargés de force, et si vous les gardez sur vous, vous gardez le contact avec moi. Alors, si vous vous tournez au-dedans, vous saurez; quand vous vous tournez au-dedans, vous pouvez rétablir le contact et même obtenir la réponse à une question.
Tenez. Tiens.
Personne n’a de questions? No questions?
Le 21 avril 1970
D. : (Parlant de L. qui a écrit à Mère pour lui demander quelles relations les Auroviliens devaient établir avec les villageois.) C’est lui, L., celui qui a posé les questions...
(En anglais) Pour vos questions, le meilleur moyen, n’est-ce pas, c’est l’éducation. Les éduquer non par des mots et des discours mais par l’exemple. Si vous pouvez les mêler à votre vie et à votre travail, s’ils peuvent recevoir l’influence de votre manière d’être, de votre manière de comprendre, alors, petit à petit, ils changeront; et quand ils deviendront curieux et poseront des questions, alors ce sera le moment de répondre et de leur dire ce que vous devez savoir.
D. : Ça, ce sont des offrandes des villageois.
D. : C’est lui qui les a apportées, Douce Mère... de la part des villageois.
D. : Deux villageois.
(La conversation qui suit a lieu en anglais.) Ils connaissent mon existence?
L. : Oui, Mère! (Rires)
Deux ?
L. : Deux.
Alors, vous leur donnerez ça. (Prenant deux paquets de bénédictions) Vous leur direz : la Mère vous envoie ça. Et vous leur direz : gardez-le sur vous, cela vous aidera.
Il y en a encore un?
D. : Oui, P., une Allemande. Elle travaille aussi au dispensaire, Douce Mère.
Tu parles l’anglais? C’est avec Satyabhrata que tu travailles?
D. : Avec le Dr Sen, oui, Douce Mère.
C’est intéressant. (À A.) Tu comprends l’anglais?
Alors, je vais le dire en anglais. Parce qu’on m’a dit qu’à Aspiration il y a beaucoup de chats et de chiens, est-ce vrai? Tu sais, je n’ai rien contre les chats et les chiens. J’en ai eu moimême à un certain moment. Mais le climat ici n’est pas bon ; il est presque impossible d’éviter la rage. Et alors cela devient dangereux et il faut les abattre, ce qui n’est pas agréable. Il vaudrait mieux diminuer le plus possible le nombre d’animaux. J’ai eu ce problème ici [à l’Ashram], beaucoup de gens avaient des chiens. J’ai été obligée de demander qu’on n’en ait pas... il y en a qui en ont quand même... Mais on ne peut pas avoir un contact agréable avec eux. Ils portent des maladies, parfois assez sérieuses. Je ne veux pas faire de descriptions dégoûtantes... mais ce n’est pas sûr et cela nuit à la paix. Savezvous quelles maladies ils transmettent? Il y en a deux : l’une c’est la peste et l’autre la lèpre.
(Mère reprend en français) Est-ce que ce sont des animaux qui appartiennent à des individus en particulier ou à la communauté?
A. : Il y en a qui appartiennent à la communauté mais il y en a qui sont personnels...
Ils vivent dans leurs huttes?
A. : Certains... (Murmures désapprobateurs) Non, ils ne vivent plus dans les huttes.
On ne leur permet pas de venir?
A. : Non, pas dans les huttes, mais ils sont tout de même dans le camp... Ils sont dans la cafétéria souvent, là où nous prenons nos repas.
Et puis alors, il y a la reproduction... (Rires) ça n’en finit pas. Et la reproduction : quoi faire? Mettre tout ça dans l’eau ? Ce n’est pas agréable. Naturellement, on pourrait facilement me dire : si nous les renvoyons d’ici, ils iront ailleurs. Mais enfin, ce que je voudrais, c’est que cela ne soit pas encouragé. Vous savez, vous serez plus nombreux en chats et en chiens qu’en êtres humains! C’est comme ça. Alors... Il y aurait une chose amusante à faire. Loin, loin, dans un endroit désert où il n’y a personne, les mettre tous ensemble, dans un endroit protégé, qu’ils ne puissent pas sortir. Alors, ils trouveraient de quoi manger. N’est-ce pas, un morceau de forêt vierge. Il y en a encore dans l’Inde.
Les chats, c’est très facile. Quand la chatte a ses petits, si on transporte les petits quelque part, on les met là, et elle ne revient plus, elle reste avec les petits. Il faudrait trouver quelque chose, un endroit solitaire. Il y en a encore dans l’Inde. Mais pas sur le territoire d’Auroville. En fait, tout ce que je vous demande, c’est de ne pas augmenter le nombre en tout cas. Vous viendriez un jour tout larmoyants me dire : la vie est devenue impossible! (Rires) Alors, je vous préviens.
(À L., en anglais) Ont-ils des chiens et des chats dans le village?
L. : Oui, des chiens — beaucoup de chiens, mais pas beaucoup de chats.
(En français) Un petit moment de silence?
Alors, au revoir.
Le 28 avril 1970
Quels sont les nouveaux ?
D. : Les nouveaux... F., tu l’as vue déjà une fois pour sa fête, Q., tu la connais, tu l’as vue plusieurs fois; R. t’a écrit souvent, il a écrit plusieurs lettres et il est venu pour sa fête aussi. S., tu ne connais pas S. ; il est mécanicien, il travaille avec T. pour les voitures; U., le papa de Filaure, C., B. qui vient chaque semaine et A... (Mère rit)
Alors, on va rester tranquille. Je vous parlerai un autre jour. Il va y avoir... vous connaissez les petites broches de l’Ashram? Eh bien, il va y en avoir une pour Auroville. Parce qu’il y a des gens qui viennent s’installer sur les terrains d’Auroville et refusent d’aller voir le Comité et ils disent : « Auroville est libre! » Et, alors, ils s’installent là. Il faut pour nous, tout de même, que nous puissions distinguer entre ceux qui sont reconnus Auroviliens, et puis ceux qui sont plus fantaisistes. Alors il se prépare un... évidemment ce n’est pas encore prêt, je voulais seulement vous montrer. (Mère prend une feuille de papier sur sa table)
Ce sera une petite broche à peu près de cette taille-là... Elle est comme cela. Le cercle sera en argent; et il y aura les quatre aspects, et puis le carré de Sri Aurobindo, avec le Lotus. Et Auroville qui sera écrit autour. Alors, vous mettrez ça à la boutonnière — « les reconnus Auroviliens »! (Mère sourit)
Voilà. Alors, une bonne semaine.
Le 19 mai 1970
J’ai quelque chose pour eux. J’ai quelque chose pour vous. Vous me direz la semaine prochaine les réactions. (Mère distribue à chacun une petite brochure intitulée : « Auroville et les religions ».)
Tiens, il y en a une pour chacun. Il y en a en français et en anglais. Voilà.
Il y a autre chose... (Mère cherche un papier sur sa table) Mais il n’y en a qu’un.
(À A.) Toi, tu as une bonne voix, tu peux leur lire. C’est en français et en anglais. Je ne peux pas le donner, je n’ai que cet exemplaire. Tu peux leur lire à haute voix maintenant, je t’entendrai.
(A. lit) « Nous appelons “religion” toute conception du monde ou de l’univers qui se présente comme la Vérité exclusive en laquelle on doit avoir une foi absolue, généralement parce que cette Vérité est censée être le résultat d’une révélation.
« La plupart des religions affirment l’existence d’un Dieu et les règles à suivre pour Lui obéir, mais il y a aussi des religions sans Dieu, telles les organisations socio-politiques qui, au nom d’un idéal ou de l’État, réclament le même droit à l’obéissance.
« Le droit de l’homme est de poursuivre librement la Vérité et de s’en approcher librement par ses propres voies. Mais chacun doit savoir que sa découverte est bonne pour lui seulement et qu’elle ne doit pas être imposée aux autres. »
(13 mai 1970)
Alors, la brochure vient après ça. Je ne peux pas le donner. Je n’en ai pas. Mais on vous fera des copies, je crois.
Dans la brochure, il y a ce que les Auroviliens feront.
Le 26 mai 1970
Il y a des questions?
A. : Oui. Il y a eu des réactions à la petite brochure que tu nous as donnée sur les religions. C’est à propos de la phrase qui dit : « Notre recherche ne sera pas une recherche par des moyens mystiques. » 22
Ils ne savent pas ce que c’est que les moyens mystiques?
A. : Ils ne savent peut-être pas, mais ce qu’on ne sait
pas aussi, peut-être, c’est : pourquoi pas par des moyens mystiques? La question m’a été posée.
C’est-à-dire, j’entends par moyens mystiques les gens qui se retirent de la vie, comme les moines, les gens qui se retirent dans des..., ou comme les sannyâsîs ici, ceux qui abandonnent la vie pour trouver la vie spirituelle, qui font une coupure entre les deux et qui disent : « C’est ou l’un ou l’autre. » Nous disons : « Ce n’est pas vrai. » C’est dans la vie et en vivant la vie entièrement que l’on peut vivre la vie spirituelle, que l’on doit vivre la vie spirituelle. On doit amener la Conscience suprême ici. Au point de vue purement matériel et physique, l’homme n’est pas la dernière race. Comme l’homme est venu après l’animal, il y a un être qui doit venir après l’homme; et comme il n’y a qu’une conscience, c’est la même conscience qui, après avoir fait l’expérience de l’homme, fera l’expérience de l’être surhumain. Et alors, si on s’en va, si on quitte la vie, qu’on rejette la vie, alors on ne sera jamais prêt pour faire ça.
Mais si vous aviez lu Sri Aurobindo, vous auriez compris, vous n’auriez pas posé cette question-là. C’est parce qu’il y a un manque de préparation au point de vue intellectuel. Vous voulez tout savoir sans avoir étudié.
(À A.) Alors, qu’est-ce que tu as à dire maintenant?
A. : C’est tout. Si, j’ai une chose, si tu veux bien : c’est une lettre de V... c’est une lettre de V. qui est ici et qui m’a demandé de te la lire.
Bon.
A. : (Lisant) « À propos de ce que Tu as écrit au sujet des religions, une prière monte vers Toi. Nous demandons la Vérité du Divin, accomplie par la Vérité de nos êtres. Nous demandons que nos actions manifestent sa Vérité, que nos esprits et nos cœurs soient exclusivement animés par sa Vérité. Nous supplions [que] la pleine lumière de sa Vérité [vienne] sur tout ce qui est encore inconscient. Avec sa Vérité nous voulons savoir, par sa Vérité nous voulons agir, et dans sa Vérité nous voulons être. Telle est la prière d’Auroville au Suprême. Sois la Triomphatrice des consciences. »
On pourrait l’afficher. C’est bien. C’est bien.
(W. s’approche de Mère pour lui poser une question.)
Qu’est-ce que tu as à dire, toi?
W. : J’ai une question, Mère, j’ai une question pratique.
Pratique?
W. : Il semble très difficile d’arriver à vouloir quelque but particulier que ce soit, et en même temps d’aimer tout le monde. Quand on commence à vouloir quelque chose, à essayer d’agir en fonction d’un résultat donné, immédiatement on se sépare de tous ceux qui ne sont pas de cet avis-là. Comment en pratique arriver à faire les deux à la fois?
Tu en es encore là ? Tu te sépares des gens qui ne pensent pas comme toi?
W. : Vraiment... constamment.
Mais il n’y a pas un seul être qui pense comme toi!
W. : Bien sûr.
Eh bien alors, comment... alors tu ne peux aimer personne.
W. : À condition de ne plus rien vouloir, ça va très bien.
W. : (Riant) : Oui!
(Mère se concentre pendant deux ou trois minutes avant de répondre.)
C’est parce que, quand tu veux quelque chose, c’est l’ego qui veut. Alors, l’ego... il faut l’ignorer. La première chose à faire, c’est d’agir non pas pour soi, mais d’agir en obéissance au Divin, d’exprimer la Volonté divine. Soi, on n’a pas... Tant que c’est une volonté personnelle, un désir personnel, ce n’est pas la vraie chose et on ne peut pas... Non seulement ce n’est pas la vraie chose, mais on ne peut pas connaître la vraie chose!
Il faut que ça, ce soit mis... (Mère fait le geste de rejeter quelque chose avec force, irrévocablement)... que ce soit expulsé!
C’est pour cela que seuls, [nous ne sommes] rien du tout. C’est ça, la vie. Nous n’agissons pas pour nous! Nous n’agissons pas par une volonté personnelle et pour un résultat personnel. Nous n’agissons que par la Volonté divine et pour la Volonté divine. Et c’est au point que sans effort et spontanément on peut avoir la plus grande tendresse pour son ennemi matériel. Quand tu auras senti ça, tu comprendras. C’est ça, toute la limitation, toute la limitation.
X. : Lorsqu’il y a le conflit qui se produit, et c’est tout le temps, pour nous tous, immédiatement c’est comme si on rentrait dans sa peau, chacun. Parce que c’est ça qui se passe : on rentre chacun chez soi! Mais la difficulté c’est que même lorsque l’on a relativement pas de volonté personnelle, s’il y a une volonté personnelle qui s’exprime à côté, c’est exactement... d’abord ça crée la réaction et puis aussi, si on est à peu près d’accord, on la prend cette volonté, tu comprends, et on se met à la refléter aux alentours. Tu vois bien ce qui se passe, et c’est ça qui se passe constamment. La volonté c’est un qui l’a, et après c’est l’autre.
C’est ça sans arrêt. Ça, c’est ce qui se passe partout, c’est la volonté la plus forte qui [l’emporte]. Ça ne vaut rien, ça ne vaut rien...
Quand nous disons : nous sommes au service du Divin, ce n’est pas une phrase. C’est Lui qui doit agir à travers nous, ce n’est pas nous. N’est-ce pas, la plus grande objection c’est : comment connaître la Volonté divine? Mais il se trouve que moi, je vous dis : si vous renoncez sincèrement à votre volonté personnelle, vous saurez.
X. : Oui, c’est clair!
Oui, c’est ça.
(Mère demeure silencieuse, se concentrant sur chacun, pendant presque un quart d’heure. Puis, s’adressant à A. :)
Alors, tu leur expliqueras ça : que nous voulons changer la vie, que nous ne voulons pas la fuir. Tu comprends, jusqu’à présent, tous ceux qui ont essayé de connaître ce qu’ils appelaient Dieu, d’entrer en relation avec Dieu, ils ont abandonné la vie. Ils ont dit : « La vie est un obstacle — nous abandonnons la vie, pour ça. » Alors, dans l’Inde, c’étaient les sannyâsîs, qui renonçaient à tout; en Europe, c’étaient les moines, les ascètes. Alors, eux, ils peuvent s’échapper. Encore que, quand ils renaîtront, ils seront obligés de recommencer! Mais la vie reste ce qu’elle est.
Le 2 juin 1970
On m’a demandé de formuler l’aspiration d’Auroville. Parce qu’il y a beaucoup de bonnes volontés, mais... elles semblent ne pas être organisées. Alors, j’ai dit : le mieux c’est de formuler ce que Auroville veut être. Ça donnera une coordination. Mais c’est un gros travail.
Nous pourrons, chaque fois, exprimer une des aspirations, ou bien... vous pourriez m’apporter chaque fois une question — et il y en aura beaucoup, n’est-ce pas —, une question et alors, ou je répondrai tout de suite, ou je vous donnerai la fois suivante la réponse. Ou bien, nous pourrons essayer d’exprimer ensemble l’aspiration d’Auroville. Voilà.
A. : Est-ce que tu as déjà une vision de ce qu’est cette aspiration?
Naturellement! Naturellement! Je sais ce que je veux ; je sais ce que je veux que soit Auroville. Mais il y a un écart considérable. C’est l’Auroville dans quelques années, beaucoup d’années.
A. : Mais tu penses que cet Auroville futur, on y arrivera ?
Ça, ce serait le procédé : chaque fois, quand vous venez, je donnerai une des aspirations d’Auroville et puis on les mettra bout à bout et vous pourriez, la fois suivante, me poser une question sur ce que j’ai dit la fois précédente.
Il y a un inconvénient : c’est que ce ne sont pas toujours les mêmes qui viennent. Vous êtes trois à venir toujours, n’est-ce pas? Vous pourriez garder la continuité.
Qu’est-ce qu’il faut être pour être un vrai Aurovilien. Vous posez la question comme ça : « Que doit-on être pour être un vrai Aurovilien? » (À A.) Tu as une idée, toi?
A. : Pour moi, la première chose, pour être vraiment un Aurovilien, c’est la volonté de se consacrer entièrement au Divin.
Ça, c’est bien, ça c’est bien, mais il n’y en a pas beaucoup comme ça. (Mère rit)
(À D.) Tiens, donne-moi un papier. Je vais leur mettre ça comme numéro un. On met (Mère écrit) « Pour être un vrai Aurovilien ». C’est exprès que je l’écris avec un seul « l ».
Alors, on verra le numéro deux.
B. : Pour moi, ça rejoint ce qu’a dit A., Douce Mère...
... Au point de vue des conditions, des choses plus terre à terre, comme par exemple : nous voulons être libres de toutes les conventions morales et sociales... Mais c’est là où il faut faire bien attention! Il ne faut pas s’en libérer en descendant en dessous, dans la licence et la satisfaction aveugle des désirs; il faut s’en libérer en montant au-dessus et par la suppression des désirs, et remplacer la règle morale par l’obéissance au Divin.
(D. présente le cahier à Mère pour qu’elle écrive ce qu’elle vient d’exprimer; mais Mère dit :)
Ce n’est pas sous une forme qui puisse être écrite.
D. : Oui, Douce Mère.
Maintenant nous allons nous taire.
D. : Il y a une question, Douce Mère, qui a été posée.
Une question? Quelle question? Qui a une question?
D. : C’est B., B. qui est professeur de judo à Aspiration. Il dit : « Douce Mère, pourquoi est-il si difficile d’avoir une activité physique, sportive ou autre, à Auroville en général et à Aspiration en particulier? »
Difficile? Pourquoi est-ce difficile?
B. : Il est difficile, Douce Mère, d’avoir de la constance, de durer dans une activité sportive ou autre qu’on a entreprise; alors je Te demande pourquoi.
Tu n’as pas d’élèves?
B. : On a commencé, on était huit, il y a deux mois de ça et maintenant, on est deux ou trois. Et pour beaucoup d’activités c’est comme ça, alors je Te demande pourquoi.
Quelle raison donnent-ils? Est-ce par paresse, par indolence ou parce qu’ils se croient supérieurs?
B. : Je ne sais pas, Douce Mère.
Si c’est par paresse, il faut commencer un petit peu, et aller en augmentant à mesure que le corps s’habitue. Si c’est par un sens de supériorité, ça c’est une maladie sérieuse! (En riant) Il faut la guérir!
On nous a donné un corps non pas pour le rejeter mais pour en faire quelque chose de supérieur. Et justement, ça, c’est un des buts d’Auroville. Le corps humain doit être amélioré, perfectionné et devenir un corps surhumain qui soit capable d’exprimer un être supérieur à l’homme et, certes, ce n’est pas en le négligeant que cela peut arriver.
C’est par une culture physique éclairée, et par un emploi des activités physiques — des activités du corps — pour... non pas pour des petits besoins personnels et des petites satisfactions personnelles, mais pour rendre le corps plus capable d’exprimer une beauté et une conscience supérieures; et pour ça, la culture physique a une place importante qui doit lui être donnée.
La question : « Pourquoi ils sont comme ça ? » Tout le monde me dit : « Pourquoi ils sont comme ça, pourquoi ils sont comme ça ? » Et dans tous les domaines. Et c’est justement pour une raison analogue que j’ai pensé à faire ce que je disais : formuler quelle est l’aspiration véritable d’Auroville.
Et cette culture du corps, avec un sens éclairé, non pas pour faire des choses excentriques, ou merveilleuses, mais pour donner au corps la possibilité d’être assez souple et assez fort pour exprimer une conscience supérieure.
Ça, ça fera partie de la longue liste.
Ils ont besoin qu’on leur dise un peu... Chacun est venu avec une aspiration, une idée qu’il trouverait quelque chose de nouveau, mais ce n’est pas très clair. Et alors il faut maintenant leur donner un tableau assez clair et assez complet pour que toutes les aspirations puissent trouver leur place et leur expression. On va faire ça. On se voit une fois par semaine. On le fera petit à petit.
(À B.) Il faudra leur dire, mais je viens de le dire... On peut leur dire : la culture physique a une place importante pour préparer le corps à ses nouvelles fonctions. Voilà ! (Mère rit)
(Suit un quart d’heure de méditation. Puis Mère reprend le cahier sur lequel elle avait écrit : « Pour être un vrai Aurovilien », et le point numéro un de la longue liste et dit :)
Voilà. J’ai écrit : (2) « L’Aurovilien ne veut pas être l’esclave de ses désirs. » C’est une grande résolution.
(À A.) Alors, tu prépareras pour la semaine prochaine, pour continuer. Je verrai aussi ce qui vient. Voilà. (À C.) Toi aussi, si tu as des idées, tu les donneras.
Le 9 juin 1970
(À A.) J’ai du travail pour toi! (Mère demande à A. de lire un texte ayant pour titre : « Pour être un vrai Aurovilien ».)
Alors qu’est-ce que vous préférez : le silence d’abord et ça après, ou ça d’abord et le silence après? C’est écrit : c’est ce que doit être un Aurovilien. Pas facile.
A. : Le silence après...
(Donnant le texte à A.) Regarde-le. Tu vois assez clair?
A. : Oui. (A. lit)23
Ça continuera. Si vous voulez en faire une copie, autant de copies que vous voulez, mais à condition que ce soit exact, qu’il n’y ait pas de déformations.
A. : À propos de copies, X. m’a dit que tu avais lu le premier entretien que nous avons eu ensemble et que tu ne voulais pas qu’il soit publié dans sa forme présente.
Il faut que ce soit écrit. Tel que, c’est du bavardage. Quand on parle comme cela, ce n’est pas une forme qui puisse être conservée. N’est-ce pas, il y a la façon de parler, il y a le ton de la voix, la forme qu’on y met et il y a l’expression qui complète ce qui n’est pas explicite. Alors, quand on imprime, tout cela n’est pas là et cela devient du bavardage. Il manque la chose essentielle : la conscience que l’on met dans ce que l’on dit. Les mots ne sont pas suffisants. Si j’avais le temps, je vous le corrigerais, et alors vous pourriez le publier. Mais tel que c’est, ce n’est pas possible.
Quand on lit, on est seul avec les mots; il y a très peu de personnes qui soient capables de tirer la force en lisant. Il faut que les mots soient aussi exacts que possible, c’est pour cette raison que j’ai écrit ce texte. Quand il sera terminé, je le mettrai en anglais, comme cela ceux qui ne connaissent pas le français pourront comprendre.
Le 23 juin 1970
Y. : Il y a beaucoup de maladies en ce moment à Aspiration.
Y. : Ce sont des maladies de l’estomac, du genre diarrhées, dysenteries, gastro-entérites.
Oh! C’est à cause de la nourriture?
Y. : Le docteur dit que c’est l’eau. Mais nous avons désinfecté le réservoir.
C’est de l’eau de surface?
Y. : C’est de l’eau qui vient d’un puits assez profond quand même.
Il vaudrait mieux la faire analyser. Vous n’avez pas de filtre?
Y. : Non.
Il en faudrait un. Seulement pour boire. Ou alors, la faire bouillir et refroidir, parce que, autrement, c’est ennuyeux. Ce qui est bien, c’est de la faire bouillir et puis de la filtrer.
(Y. dit à Mère qu’il a lui-même été malade) Si l’eau est mauvaise, alors ça recommence. Il faut la faire analyser. (Mère conseille de faire analyser l’eau par A.B.) Vous lui donnez de l’eau, vous lui demandez de voir. Et on fera ce qu’il faut. Le mieux, le plus sûr est de la faire bouillir et puis de la filtrer. Alors, n’est-ce pas, il faut faire attention aux récipients, qu’ils soient propres. Si on est désordonné... Bouillir, c’est facile. Filtrer... quelqu’un pourrait fabriquer un filtre. Tu peux t’en occuper?
Y. : On pourrait peut-être en acheter un à Madras?
D. : À Harpagon, Douce Mère, il y a quelqu’un qui sait faire les filtres. S’il va voir, il lui expliquera. Il faut seulement acheter les bougies à Madras.
Et puis, ne pas boire n’importe où!
C’est la seule chose, la seule précaution qu’il faille prendre dans ce pays : c’est l’eau. On a toutes les maladies avec l’eau. Je croyais qu’on vous avait dit cela déjà. Vous pourriez construire un filtre — qu’il soit grand!
Le 7 juillet 1970
A. : Ça, c’est une lettre de V. Il voudrait que je te la lise, c’est possible?
A. : (Lisant) « Mère Divine, il y a une grande confusion en ce qui concerne l’organisation d’Auroville, tant intérieure qu’extérieure. Comment pouvons-nous travailler ensemble à la réalisation d’une conscience supérieure? Il semble qu’Auroville devrait devenir une communauté plus homogène, ayant un sens plus grand de l’unité. Pour réaliser cela, serait-il possible que tous les habitants de Promesse, Hope, Aspiration, Peace, etc., se réunissent pour travailler ensemble, un jour par semaine, à un jardin commun, peut-être le jardin de Vérité, ou que chacun consacre un jour par semaine à une ferme commune et à la production de la nourriture pour Auroville. Cela nous aiderait à mieux nous connaître les uns les autres et nous rendrait plus capables de nous organiser dans un esprit juste. Et peut-être aussi, ceux qui sont engagés dans des projets individuels pour Auroville pourraient-ils travailler ensemble d’une manière plus étroite, formant ainsi une sorte d’équipe dirigeante à Auroville, afin que le travail de chacun progresse d’une manière plus efficace. Un tel effort concerté à Auroville en ce moment nous aiderait-il à faire Ton Travail?
« Avec une prière pour la Perfection. »
L’aspiration est bonne, mais... je ne sais pas si le temps est venu.
A. : Il n’est pas le seul, il y a plusieurs personnes, travaillant dans des endroits différents à Auroville, qui ressentent ce besoin de s’unir et de faire un travail ensemble.
Oui, l’idée est bonne, mais voilà ce que je pense : on veut construire le Matrimandir et alors, c’était cela l’idée, quand on commence à construire le Matrimandir, tout le monde qui voudra y travailler pourra y travailler. Et alors là, ce sera vraiment travailler à l’idée centrale.
Et ce devrait être bientôt. Ça aurait dû être déjà. Alors là, il y a du travail pour tout le monde. Il y a longtemps qu’on y pensait : commencer le Matrimandir. En fait, tous devraient venir travailler là, excepté ceux, naturellement, qui ont un travail ailleurs. Il y aura du travail pour tout le monde. C’est mieux... C’est le centre de la ville, n’est-ce pas.
Tu pourrais lui dire ça : le principe de l’idée est bon, mais pour l’application, cela fait longtemps déjà, plus d’un an, qu’on voulait commencer le Matrimandir pour que tout le monde y travaille. Il faudrait que quelqu’un dise : « Non, je ne veux pas! » et qu’il ait ses raisons.
C’est comme la force, la force centrale d’Auroville, la force de cohésion d’Auroville.
Il y aura des jardins. Il y a de tout, toutes les possibilités : ingénieurs, architectes, tous les travaux manuels. Alors, tu pourras lui dire de ma part qu’il a ramassé l’idée qui était dans l’air, mais que, pour son application, nous voulons que ce soit vraiment symbolique. Et quand on commencera à construire le Matrimandir, on mettra tout le monde là à travailler. Pas tous les jours et tout le temps, mais... ce sera organisé. Voilà.
C’est tout ce que tu avais à dire?
Ce que j’ai écrit, qu’est-ce qu’on en a fait?
A. : On l’a affiché, cela a été lu...
Cela n’a pas l’air d’avoir eu beaucoup d’effet!
A. : Ça a sûrement eu de l’effet mais on ne m’en a pas parlé, on ne m’a rien dit...
Bon. Alors maintenant, vous voulez une méditation? Méditation, non : le silence. Si possible, le silence mental. Pour avoir la vraie connaissance, il faut faire le silence mental. Ça, vous êtes encore... qui est-ce qui peut faire le silence mental?
Tous comprennent le français?
A. : Non, pas tous.
(En anglais) Je demandais : qui est-ce qui peut faire le silence mental parfait? Non? Personne? (Rires) C’est ce que nous essayons de faire ici.
(À A.) Tu veux qu’on essaye?
A. : Oui. (Rires)
Qui est-ce qui a réussi? Pas encore... Alors, silence.
Un silence bruyant!
Le 28 juillet 1970
Pas de questions? Si? Qu’est-ce que tu as à dire?
A. : La première chose c’est que Z. va acheter des vaches pour Aspiration. Il va demain à Madras et il aimerait bien avoir tes bénédictions. Il aimerait en avoir trois : une pour chaque vache et une pour lui.
(Mère rit) Qu’est-ce qu’elles feront des bénédictions? Où va-t-il les acheter?
A. : À Madras.
À Madras. Madras est une ville. Les vaches ne naissent pas dans les villes.
A. : Mais il va avec un spécialiste.
Oh! Je veux bien donner une bénédiction pour lui mais pas pour les vaches!
C’est tout?
A. : Il y avait autre chose. Nous aurions voulu savoir la raison profonde pour laquelle à présent nous ne pouvons plus aller au Playground, les habitants d’Aspiration. Mercredi dernier il y avait une conférence de U. P. sur la Sri Aurobindo’s Action et on ne nous a pas permis d’entrer.
C’est de ma faute, parce que je n’avais pas prévu cela. Autrement j’aurais dit : « Vous pouvez les laisser entrer pour cela. » Je n’avais pas prévu. Je pourrais peut-être demander à U.P. s’il veut vous faire une conférence.
A. : Il l’a déjà fait.
Ah! eh bien, alors...
A. : Non, ça c’est très bien arrangé, mais c’était pour savoir la raison.
La raison, c’est tout à fait autre chose. Ce n’était pas en relation avec cela du tout. La raison, c’est tout simplement qu’il est difficile de faire un règlement qui marche pour celui-ci, qui ne marche pas pour celui-là — très compliqué. Et malheureusement, il y a parmi les habitants d’Auroville, des gens qui boivent. Et il y a autre chose aussi... Mais enfin, il y en a un qui s’est trouvé au Playground, il était presque ivre mort. Alors, naturellement, chez nous, à l’Ashram, c’est défendu de boire de l’alcool. Ça a fait un scandale épouvantable. C’est cela, la raison. Ce n’est pas une raison profonde, c’est une raison très pratique. Il est impossible de dire : « Celui-là peut aller, celui-là ne peut pas aller. » À la porte, que peuvent-ils faire? Et ça, c’était presque une révolution. Moi, s’ils me demandent conseil, je leur dis : « Je vous conseille de ne pas boire, parce que cela diminue la conscience et ça abîme la santé. » Mais il y en a qui ne me demandent pas de conseil. Et je ne veux pas faire des règles pour Auroville comme j’en ai fait pour l’Ashram, ce n’est pas la même chose.
Les gens qui vivent à Auroville et qui s’obstinent à suivre toutes les vieilles habitudes — les vieilles et les nouvelles aussi — qui abîment la conscience, qui font descendre la conscience, et il y a des choses comme : fumer, boire et puis les drogues naturellement... Tout cela, c’est comme si vous étiez en train de vous couper des morceaux de votre être. À l’Ashram, naturellement, j’ai dit non. Nous voulons croître en conscience, nous ne voulons pas descendre dans le trou des désirs. Ceux qui se refusent à comprendre, je leur dis : « Auroville, c’est pour trouver une vie nouvelle, plus profonde, plus complète, plus parfaite, et montrer au monde que demain sera mieux qu’aujourd’hui. »
Et il y a ceux qui croient que de fumer, boire etc., fera partie de la vie de demain. C’est leur affaire. S’ils veulent faire l’expérience, qu’ils la fassent. Ils s’apercevront qu’ils s’emprisonnent dans leurs désirs. Mais enfin, je ne suis pas moraliste du tout, du tout, du tout. C’est leur affaire. Seulement, l’Ashram n’est pas un endroit pour ça. Dieu merci, à l’Ashram, nous avons appris que la vie c’est autre chose. La vraie vie, ce n’est pas la satisfaction des désirs. Je peux affirmer, par expérience, que tout ce que les drogues apportent comme expérience, tout ce contact avec le monde invisible, on peut l’avoir d’une façon bien meilleure, beaucoup plus consciente et contrôlée, sans drogues. Seulement, il faut se contrôler soi-même. C’est plus difficile que d’avaler du poison. Mais enfin, je ne prêche pas.
Quand, et si jamais Auroville est un exemple d’une vie supérieure, après avoir conquis tous les désirs et s’être ouvert à des forces supérieures, alors nous pourrons aller partout. Quand les Auroviliens seront des lumières qui se promènent dans le monde, ils seront les bienvenus. Voilà.
Mais je crois que j’ai écrit quelque chose comme cela, non? Ce que je t’ai donné. Ce n’étaient pas des mots : ce sont des choses très concrètes. C’est tout? Ou tu avais encore autre chose?
A. : Non.
Nous avons laissé de côté toutes les conventions, alors immédiatement tout le monde pense : « Ah! bel endroit pour satisfaire nos désirs. » Voilà. Et ils viennent presque tous avec cette intention.
Et parce que j’ai fait une maternité pour les enfants de ceux que j’étais obligée de renvoyer de l’Ashram, afin qu’ils aient un endroit pour avoir leur enfant, les gens s’imaginent que la maternité est faite pour tous les enfants nés d’une manière illégale! Voilà.
Je ne me soucie pas de la légalité, je ne me soucie pas des lois; mais ce que je veux, c’est une vie plus divine et non une vie animale.
Et ils font de la liberté une licence, ils s’en servent pour satisfaire leurs désirs. Et toutes ces choses que nous avons vraiment travaillé toute notre vie à maîtriser, ils s’y abandonnent — une dissipation. Je suis absolument dégoûtée.
Nous sommes ici pour abandonner tous les désirs et nous tourner vers le Divin et pour devenir conscients du Divin. Le Divin que nous recherchons n’est pas lointain et inaccessible. Il est au sein de Sa création même et ce qu’Il veut de nous, c’est que nous Le trouvions et, par la transformation personnelle, que nous devenions capables de Le manifester consciemment. C’est à cela qu’il faut que nous nous consacrions, c’est notre vraie raison d’être. Et notre premier pas vers cette sublime réalisation, c’est la manifestation de la conscience supramentale.
Réaliser et manifester le Divin dans notre vie, tel est le chemin, et non devenir des animaux et vivre comme des chats et des chiens.
Juste l’opposé! La majorité de la population d’Auroville est une sous-humanité au lieu d’être une surhumanité. Alors il est temps que ça finisse.
Il y a des gens qui sont venus comme cela et maintenant je leur dis : « Ça, ça ne va pas »; et ils disent : « Oh! nous ne sommes pas venus pour ça ! » Voilà !
Comme je voudrais pouvoir aller leur dire à tous à leur figure qu’ils se sont trompés, que ce n’est pas comme cela. Mais je crois qu’il est temps de l’écrire.
Comme c’est joli, c’est une jolie humanité!
Mais, Douce Mère, ta force est extrêmement active en ce moment, tu sais. Oui, je sais.
Je sais : quand je suis comme cela, tout le temps, je vois la Force — et ce n’est pas « ma » force : c’est la Force Divine. J’essaye; moi, j’essaye d’être comme cela (geste comme un canal). Ce corps essaye d’être simplement... simplement un transmetteur aussi transparent que possible, autant que possible impersonnel. Que le Divin fasse ce qu’Il veut.
C’est devenu très transparent. Parce que dès qu’on met quelque chose devant toi, l’acte est fait immédiatement.
Hier, il y avait cinquante-huit ans que j’étais ici pour la première fois. Depuis cinquante-huit ans, je travaille pour ÇA, pour que le corps soit aussi transparent et aussi immatériel que possible, c’est-à-dire qu’il ne fasse pas obstruction à la Force qui descend.
Maintenant — maintenant c’est le corps, le corps lui-même qui le veut de toutes ses cellules. C’est sa seule raison d’être.
Essayer, essayer de réaliser sur terre un élément qui soit purement transparent, translucide, et laisser la Force agir sans la déformer.
(Le 2 juin 1947, au cours d’un discours radiodiffusé, Lord Louis Mountbatten, Vice-roi des Indes, proposa de séparer le Pakistan de l’Inde, et de diviser d’autres territoires indiens en États musulmans et hindous. Après avoir entendu l’émission, la Mère a publié le communiqué suivant :)
On nous a fait une proposition pour résoudre les difficultés que nous éprouvons à organiser une Inde indépendante et cette proposition a été acceptée en dépit de toutes les amertumes et de tous les regrets.
Mais savez-vous pourquoi on nous a proposé cela ? Pour nous prouver l’absurdité de nos querelles.
Et savez-vous pourquoi il faut que nous acceptions cette proposition? Pour nous prouver à nous-mêmes l’absurdité de nos querelles.
Ce n’est certes pas une solution, c’est une expérience, une épreuve nécessaire, une expérience qui nous prouvera, si nous la vivons sincèrement, que ce n’est pas en coupant un pays en petits morceaux qu’on peut réaliser son unité et sa grandeur, ce n’est pas en opposant des intérêts qu’on peut obtenir la prospérité, ce n’est pas en dressant l’un contre l’autre les dogmes que l’on peut servir l’esprit de Vérité.
En dépit de tout et de tous, l’Inde a une âme unique et en attendant de pouvoir crier, « Vive l’Inde une et indivisible, » nous proclamerons :
« Vive à jamais l’âme de l’Inde! »
3 juin 1947
L’Âme de l’Inde est une et indivisible. L’Inde est consciente de sa mission dans le monde. Elle attend que lui viennent les moyens extérieurs de cette manifestation.
6 juin 1947
Invocation
15 août 1947
Ô notre Mère, âme de l’Inde, Mère qui n’as jamais abandonné tes enfants, même aux heures les plus sombres, lorsqu’ils refusaient d’entendre ta voix et qu’ils en arrivaient à nier ton existence même, maintenant qu’ils se sont levés et que la lumière brille sur leur visage, à l’aurore de la libération, à cette grande heure, nous te saluons.
Guide-nous afin que l’horizon de liberté qui s’ouvre devant nous, soit aussi un horizon de grandeur véritable et de vie vraie dans la communauté des nations.
Instruis-nous afin que nous prenions toujours parti pour le plus grand idéal et que nous révélions aux hommes ton vrai visage, celui du guide sur les chemins de l’esprit, de l’ami et de l’aide de tous les peuples.
(À propos du « drapeau de la Mère », au centre duquel figure son symbole doré sur un fond bleu-argent.)
C’est le drapeau de la mission spirituelle de l’Inde. C’est par l’accomplissement de cette mission que s’accomplira l’unité de l’Inde.
C’est en étant sincère, courageux, endurant et honnête que vous pouvez le mieux servir votre pays, l’unifier et lui donner sa grandeur dans le monde.
17 octobre 1948
(Message à l’intention de la Société de Renaissance Spirituelle et Culturelle de Bhârat.)
Que la splendeur du passé de Bhârat renaisse par la réalisation de son avenir immédiat, avec l’aide et les bénédictions de son âme vivante.
23 août 1951
C’est pour le bien du monde que l’Inde doit être sauvée, car seule l’Inde peut guider le monde vers la paix et un ordre mondial nouveau.
25 février 1954
Seul le Pouvoir divin peut aider l’Inde. Si vous arrivez à édifier dans le pays la foi et la cohésion, ce sera infiniment plus puissant que n’importe quel pouvoir fait de main d’homme.
Pour sauver l’Inde et le monde, il faut un groupe qui incarne puissamment une volonté de cohésion et possède la connaissance spirituelle nécessaire. C’est l’Inde qui peut apporter au monde la Vérité. C’est seulement en manifestant la Volonté et le Pouvoir divins, que l’Inde pourra répandre son message au monde, et non en imitant le matérialisme de l’Occident. En obéissant à la Volonté divine, l’Inde brillera sur les sommets spirituels, montrera le chemin de la Vérité et organisera l’unité du monde.
L’avenir de l’Inde est très clair. L’Inde est le Guru du monde. Les structures futures du monde dépendent de l’Inde. L’Inde est l’âme vivante. L’Inde incarne dans le monde la connaissance spirituelle. Le Gouvernement indien devrait reconnaître la signification de l’Inde dans ce domaine et planifier son action en conséquence.
Février 1954
Quand, sortie victorieuse d’une guerre meurtrière, l’Inde aura recouvré son intégralité territoriale, quand, sortie triomphante d’une crise morale encore plus meurtrière, car au lieu de tuer les corps elle détruit le contact avec l’âme, ce qui est une bien plus grande tragédie, l’Inde aura réassumé sa vraie place et sa vraie mission dans le monde, alors ces mesquines querelles de rivalités gouvernementales et politiques, toutes faites d’ambitions et d’intérêts personnels, trouveront leur solution normale dans un accord judicieux et éclairé.
17 avril 1954
(Le 1er novembre 1954, Pondichéry et les autres comptoirs français en Inde ont été transférés à l’Union indienne. Pour célébrer cet événement, le drapeau portant le symbole de la Mère en son centre a été hissé au-dessus de l’Ashram à six heures vingt du matin pendant que la Mère lisait le message suivant :)
Pour nous, le 1er novembre possède une profonde signification. Nous avons un drapeau que Sri Aurobindo a appelé le drapeau spirituel de l’Inde Unie. Sa forme carrée, sa couleur et tous les détails de sa composition ont un sens symbolique. Il flotta sur l’Ashram le 15 août 1947, jour où l’Inde recouvra sa liberté. Il sera maintenant hissé le 1er novembre 1954, jour où les Établissements seront réunis à l’Inde. Et il flottera à l’avenir chaque fois que l’Inde recouvrera d’autres parties de son territoire. L’Inde Unie a une mission spéciale à remplir dans le monde. Sri Aurobindo a donné sa vie à cette mission et nous sommes prêts à suivre son exemple.
1er novembre 1954
(Message destiné au Dr Rajendra Prasad, président de l’Inde lors de sa visite à l’Ashram.)
L’Inde doit s’élever à la hauteur de sa mission et proclamer la Vérité dans le monde.
15 novembre 1955
L’avenir de l’Inde est lumineux même si le présent est sombre.
(Le 20 octobre 1962, la Chine franchit les frontières nord-est et nord-ouest de l’Inde dans le but de l’envahir. Entre les 20 et 28 octobre, les troupes chinoises s’emparèrent de plusieurs postes militaires, obligeant les troupes indiennes à battre en retraite. Pendant cette période, la Mère a publié les quatre communiqués suivants :)
Parfois, j’ai l’impression que nos gouvernants ne semblent pas avoir une colonne vertébrale à la hauteur de celle de Kennedy et de sa décision pour Cuba.
Ce genre de réflexion est tout à fait déplacé en ce moment. Il ne faut jamais critiquer quelqu’un si l’on n’a pas prouvé d’une façon indiscutable que, dans les mêmes circonstances, on peut faire mieux que lui.
Te sens-tu capable d’être un premier ministre de l’Inde inégalable?
Je réponds : certainement non, et te conseille de te taire et de rester tranquille.
24 octobre 1962
Les sentiments patriotiques ne sont pas incompatibles avec le yoga — loin de là. Vouloir la force et l’intégrité de sa mère patrie est un sentiment tout à fait légitime, vouloir qu’elle progresse et que, de plus en plus, elle manifeste, en pleine liberté, la vérité de son être, est une belle et noble volonté qui ne peut pas nuire au yoga.
Mais il ne faut pas s’agiter, il ne faut pas se précipiter dans l’action intempestivement. On peut et doit prier, aspirer, vouloir le triomphe de la vérité et, en même temps, continuer à remplir son devoir quotidien et attendre tranquillement que le signe vienne avec certitude, indiquant l’action à faire.
27 octobre 1962
Silence! Silence!
C’est le moment de rassembler nos énergies et de ne pas les gaspiller par un bavardage inutile et vide de sens.
Celui qui déclare bruyamment son opinion sur la situation actuelle du pays doit comprendre que cette opinion est sans valeur et ne peut en aucune façon aider notre Mère l’Inde à sortir de ses difficultés. Si vous voulez vous rendre utile, commencez par vous maîtriser et gardez le silence.
Silence! Silence! Silence!
C’est seulement dans le silence que quelque chose de grand peut être accompli.
28 octobre 1962
Si Tu le permets, nous pourrions recueillir les contributions de Tes jeunes enfants, et les mettre à Ta disposition pour Ton service.
C’est bien. J’accepte. Je profite de l’occasion pour vous dire que je viens d’envoyer directement à Delhi l’offrande de l’Ashram pour la défense de l’Inde.
31 octobre 1962
La vraie spiritualité n’est pas de renoncer à la vie, mais de la rendre parfaite de la Perfection divine.
C’est ce que l’Inde doit maintenant démontrer au monde.
26 janvier 1963
Quel est aujourd’hui le devoir de chaque Indien dans l’état d’urgence actuelle?
Dépassez votre petite personnalité égoïste et devenez un digne enfant de notre Mère l’Inde, accomplissez votre devoir avec honnêteté et droiture et demeurez toujours courageux et confiant, d’une confiance inébranlable en la Grâce divine.
3 février 1963
1) Si l’on vous demandait de résumer en une seule phrase votre vision de l’Inde, quelle serait votre réponse?
La véritable destinée de l’Inde est d’être le Guru du monde.
2) De même, si l’on vous demandait de commenter la réalité telle que vous la voyez, comment le feriez-vous en une phrase?
La réalité présente est un gros mensonge qui dissimule une vérité éternelle.
3) Quels sont, selon vous, les trois obstacles principaux qui séparent la vision de la réalité?
(a) L’ignorance; (b) la peur; (c) le mensonge.
4) En général, êtes-vous satisfaite des progrès que l’Inde a faits depuis l’Indépendance?
5) Quelle est la plus remarquable de nos récentes réalisations? Pourquoi lui accordez-vous tant d’importance?
L’éveil du désir de la Vérité. Parce que sans Vérité il n’y a pas de réalité.
6) De même, pourriez-vous mentionner notre échec le plus tragique? Sur quoi vous basez-vous pour le considérer si tragique?
L’insincérité. Parce que l’insincérité mène à la ruine.
Publié le 26 janvier 1964
Je viens d’apprendre qu’à propos des événements actuels au Bengale, Tu as dit que le Bengale n’est pas réceptif à Ta force et qu’il ne T’accepte pas. Rien de plus triste ne pourrait arriver au Bengale. Mais, Mère, comment se fait-il que le Bengale qui, à travers les âges, T’as adorée, Mère Divine, et en toute circonstance a fait appel à Toi, soit aujourd’hui dans cet état déplorable et lamentable?
Mère, dans quelle mesure est-ce que je suis responsable (car je dois avouer que je me sens coupable) et que dois-je faire pour que Tu n’abandonnes pas ce misérable pays?
Mon cher petit,
Je n’ai rien dit contre le Bengale spécialement. J’ai dit que tous les événements qui se produisent sont dus au manque de réceptivité des êtres humains qui semblent être encore dans le même état de conscience qui était naturel et général il y a trois ou quatre centaines d’années.
Évidemment, on aurait pu espérer que les Bengalis, à cause même de leur croyance, eussent donné l’exemple d’une plus grande réceptivité et refusé de céder à ces mouvements de violence inconsciente... Mais, comme tu le dis fort bien, chacun peut trouver en lui-même la réponse et se demander sincèrement combien il a profité de son séjour ici ! Si ici même le résultat est mince et médiocre, qu’espérer de ceux qui ne sont pas sous l’influence directe et immédiate?
Le seul remède : « Éveille-toi et collabore! »
31 janvier 1964
Nehru quitte son corps, mais son âme est une avec l’Âme de l’Inde qui vit pour l’Éternité.
27 mai 1964
(À propos de la « carte de l’Inde de Mère », qui inclut le Pakistan, le Népal, le Sikkim, le Bhutan, le Bangladesh, la Birmanie et le Sri Lanka. La « partition », mentionnée ci-dessous dans la première phrase, est celle de l’Inde et du Pakistan.)
La carte a été faite après la partition.
C’est la carte de l’Inde véritable en dépit de toutes les apparences fugitives, et cela restera toujours la carte de l’Inde véritable quoi que les gens puissent en penser.
29 juillet 1964
Je t’implore de sauver l’Inde des Indiens.
Oui, cela semble tout à fait nécessaire.
2 février 1965
Notre but n’est pas un système d’éducation national destiné à l’Inde, mais une éducation destinée au monde en général.
Mère sublime,
Notre but n’est pas exclusivement un système national d’éducation pour l’Inde, mais une éducation essentielle et fondamentale pour toute l’humanité. Mais, n’est-il pas vrai, Mère, que cette éducation, à laquelle l’Inde a été spécialement préparée par les efforts et les réalisations culturelles de son passé, est le privilège de l’Inde et sa responsabilité spéciale, envers elle-même et envers le monde? Quoi qu’il en soit, à mon avis, cette éducation essentielle est l’éducation nationale de l’Inde. En fait, je la considère comme l’éducation nationale de tout grand pays, avec des variantes caractéristiques particulières à chaque nation.
Je me demande si cela est correct et si Mère y souscrirait.
Oui, c’est tout à fait correct, et c’est une partie de ce que j’aurais dit si j’avais eu le temps de répondre à vos questions.
L’Inde a ou plutôt a eu la connaissance de l’Esprit, mais elle a négligé la matière et en souffre.
L’Occident a la connaissance de la matière mais a rejeté l’Esprit et en souffre gravement.
Une éducation intégrale qui pourrait, avec quelques variantes, s’adapter à toutes les nations du monde, doit rétablir l’autorité légitime de l’Esprit sur une matière pleinement développée et utilisée.
Voilà, en bref, ce que je voulais dire.
26 juillet 1965
(En août 1965, une commission pédagogique du Gouvernement indien a visité l’Ashram pour évaluer les idéaux et les méthodes du Centre d’Éducation. À cette occasion un groupe de professeurs a soumis à Mère la série de questions suivantes :)
Principes De Base De L’éducation Indienne
1) Quels doivent être les objectifs pédagogiques de l’Inde, dans la perspective présente et future de la vie nationale et internationale?
Préparer les enfants à rejeter le mensonge et à manifester la Vérité.
2) Par quelles mesures le pays peut-il s’acheminer vers la réalisation de ce but élevé? Comment amorcer un départ dans cette direction?
En préparant la matière à manifester l’Esprit.
3) Quel est le véritable génie de l’Inde et quelle est sa destinée?
Enseigner au monde que la matière est fausse et impuissante, à moins qu’elle ne devienne la manifestation de l’Esprit.
4) Comment la Mère voit-elle le progrès de la science et de la technologie en Inde? Quelle contribution celles-ci peuvent-elles apporter à la croissance de l’Esprit dans l’homme?
Leur seule utilité est de rendre la base matérielle plus forte, plus complète et plus efficace pour la manifestation de l’Esprit.
5) L’unité nationale est une cause d’inquiétude dans tout le pays. Quelle est la vision de la Mère à cet égard ? Comment l’Inde accomplira-t-elle son devoir envers elle-même et envers le monde?
L’avenir du monde tend irrésistiblement vers l’unité de toutes les nations. Mais pour que l’unité de toutes les nations soit possible, chaque nation doit d’abord réaliser sa propre unité.
6) Le problème linguistique préoccupe beaucoup l’Inde. Quelle devrait être pour nous l’attitude correcte à cet égard ?
L’unité doit être un fait vivant et non une règle arbitrairement imposée. Quand l’Inde sera une, elle aura spontanément une langue comprise par tous.
7) Éducation signifie normalement, de nos jours, alphabétisation et situation sociale. Cette tendance n’est-elle pas malsaine? Mais comment donner à l’éducation sa valeur intérieure et son attrait intrinsèque?
Sortez des conventions et donnez la prépondérance à la croissance de l’âme.
8) De quelles illusions et de quels leurres notre enseignement actuel est-il menacé? Comment pouvons-nous les éviter?
(a) L’importance presque exclusive accordée au succès, à la carrière et à l’argent.
(b) Donner priorité à l’importance capitale du contact avec l’Esprit, à la croissance et à la manifestation de la Vérité de l’être.
5 août 1965
J’aimerais que le Gouvernement reconnaisse le yoga comme discipline d’éducation, pas tellement pour nous, mais parce que ce sera bon pour le pays.
La matière sera transformée, elle sera une base solide. La vie sera divinisée. Que l’Inde prenne la tête du movement.
(Le 1er septembre 1965, le Pakistan envahit l’Inde par le Jammu et Cachemire, sur sa frontière occidentale. Le conflit prit fin par un cessez-le-feu le 22 septembre. Pendant cette période, la Mère a publié les cinq communiqués suivants :)
J’espère que le problème du Cachemire est un premier pas vers l’unité de l’Inde et du Pakistan.
La Sagesse Suprême y veille.
2 septembre 1965
Sri Aurobindo écrit dans son « Essai sur la Gîtâ » : « La loi de Vishnu ne peut prévaloir tant que la dette de Rudra ne sera pas payée. » Que veut dire cela ?
Mère, la situation en Inde est-elle comme cette dette qui doit être payée à Rudra ?
Voici la citation tout entière que j’avais fait préparer d’avance pour ceux qui demandent le pourquoi de la situation actuelle, je te l’envoie, comme cela ta question devient inutile.
« Il ne peut pas y avoir de vraie paix tant que le cœur de l’homme ne méritera pas la paix ; la loi de Vishnu ne peut prévaloir tant que la dette de Rudra ne sera pas payée. Alors se détourner et prêcher la loi de l’unité et de l’amour à une humanité encore non évoluée? Des instructeurs de la loi d’amour et d’unité, il doit y en avoir, certes, car c’est par cette voie que viendra l’ultime salut. Mais tant que l’Esprit des Temps ne sera pas prêt dans l’homme, la réalité ultime et intérieure ne peut pas prévaloir sur la réalité immédiate et extérieure. Le Christ et le Bouddha sont venus et partis, mais c’est Rudra qui tient toujours le monde dans le creux de sa main. En attendant, le féroce labeur de progrès d’une humanité tourmentée et opprimée par les pouvoirs qui sont les profiteurs et serviteurs de la force égoïste appelle l’épée du Héros et la parole du prophète de la lutte. » 24
C’est pour la Vérité et son triomphe que l’Inde se bat et doit continuer à se battre jusqu’à ce que l’Inde et le Pakistan soient redevenus un, parce que telle est la vérité de leur être.
16 septembre 1965
Malgré Ton message du 16 septembre au Premier Ministre et au chef de l’armée, l’acceptation du « cessez-le-feu » par notre gouvernement n’est-il pas ce qu’il pouvait faire de mieux en les circonstances?
Ils ne pouvaient pas faire autrement.
29 septembre 1965
On voit que le monde en général est à présent dans une sorte de déséquilibre et de chaos. Est-ce que cela signifie qu’il se prépare à la manifestation d’une force nouvelle, à la descente de la Vérité, ou est-ce le résultat de l’action des forces hostiles qui se révoltent contre cette descente? Et quelle place occupe l’Inde dans tout cela ?
C’est les deux à la fois, une façon chaotique de se préparer. L’Inde devrait être le guide spirituel qui explique ce qui se passe et aide à hâter le mouvement; mais malheureusement, dans son aveugle ambition d’imiter l’Occident, elle est devenue matérialiste et néglige son âme.
13 octobre 1965
L’Inde est censée être le Guru du Monde afin d’établir la vie spirituelle sur terre. Mais, Mère, pour occuper cette haute position, elle doit en être digne politiquement, moralement et physiquement, n’est-ce pas?
Sans aucun doute — et, pour le moment, il y a fort à faire!
7 septembre 1966
Pourquoi cette condition chaotique dans notre gouvernement actuel? Est-ce le signe d’un changement pour le bien, pour le règne de la Vérité?
C’est la pression sur toute la terre de la force de Vérité qui fait surgir partout le désordre, la confusion et le mensonge dans un refus d’être transformé.
La victoire de la Vérité est certaine, mais il est difficile de dire quand et comment elle se produira.
14 septembre 1966
Mère, j’ai entendu dire qu’en 1967 l’Inde deviendra « le Guru spirituel du monde ». Mais comment? Quand on considère la situation actuelle...
L’Inde devrait être le chef spirituel du monde. Au-dedans elle en a la capacité, mais au-dehors... pour le moment elle a encore beaucoup à faire pour devenir vraiment le chef spirituel du monde. Actuellement, il y a une occasion merveilleuse! mais...
8 juin 1967
(Message destiné à la commission pédagogique du Gouvernement indien qui a visité l’Ashram.)
Le Gouvernement indien a besoin de savoir seulement une chose : veut-il vivre pour l’avenir ou se cramponner désespérément au passé?
20 juin 1967
(Message à All India Radio pour diffusion le jour de l’inauguration de la station de Pondichéry.)
Ô Inde, terre de lumière et de connaissance spirituelle! Éveilletoi à ta véritable mission dans le monde, montre le chemin de l’union et de l’harmonie.
23 septembre 1967
L’Inde est devenue la représentation symbolique de toutes les difficultés de l’humanité moderne.
L’Inde sera le lieu de sa résurrection, la résurrection à une vie plus haute et plus vraie.
Dans la création entière la terre se distingue de toutes les autres planètes parce qu’elle est la seule à être évolutive, avec en son centre une entité psychique. Sur cette terre, l’Inde est un pays particulièrement choisi par le Divin.
L’Unité de l’Inde
Seule l’âme de l’Inde a le pouvoir d’unifier le pays.
Chaque province a sa culture propre, ses tendances, son caractère, de même qu’elle a son langage, et vouloir unifier tout cela artificiellement ne pourrait avoir que des résultats désastreux.
Mais l’Inde a une âme unique, intense dans son aspiration à la vérité spirituelle, qui est l’unité essentielle de la création et l’origine divine de la vie, et en s’unifiant à cette âme et à sa réalisation, le pays pourrait retrouver une unité qui n’a jamais cessé d’exister dans les consciences supérieures.
7 juillet 1968
(Message à l’intention du président de l’Inde, V.V. Giri, lors de sa visite à l’Ashram.)
Travaillons tous à la grandeur de l’Inde.
14 septembre 1969
(Messages à l’intention de Madame Indira Gandhi, Premier Ministre, lors de sa visite à l’Ashram.)
Il faut que l’Inde travaille pour l’avenir et donne l’exemple. Ainsi elle reprendra sa vraie place dans le monde.
Depuis longtemps l’habitude était de gouverner par la division et l’opposition.
Le temps est venu de gouverner par l’union, la compréhension mutuelle et la collaboration.
Pour le choix d’un collaborateur, la valeur de l’homme est plus importante que le parti auquel il appartient.
La grandeur d’un pays ne dépend pas de la victoire d’un parti, mais de l’union de tous les partis.
6 octobre 1969
L’Inde doit retrouver son âme et la manifester.
Dans l’un de Vos messages, vous avez dit :
« Le problème numéro un de l’Inde est de retrouver son âme et de la manifester. »
Comment retrouver l’âme de l’Inde?
Devenez conscient de votre être psychique. Que votre être psychique s’intéresse intensément à l’âme de l’Inde et aspire vers elle, dans une attitude de service; et si vous êtes sincère, vous réussirez.
15 juin 1970
L’Inde est le pays où la loi psychique peut et doit régner et le temps est venu pour cela ici. C’est d’ailleurs le seul salut possible pour le pays dont la conscience a malheureusement été faussée par l’influence et la domination d’un pays étranger, mais qui, malgré tout, est en possession d’un héritage spirituel unique.
2 août 1970
(Message à All India Radio, Pondichéry, pour diffusion.)
Nous voulons être messagers de lumière et de vérité. Et tout d’abord un avenir d’harmonie s’offre pour être annoncé au monde.
Il est temps que la vieille habitude de gouverner par la peur soit remplacée par le gouvernement de l’amour.
5 novembre 1970
(Message à All India Radio, Pondichéry, pour diffusion le jour de l’anniversaire de la naissance de la Mère, le 21 février 1971.)
La vraie liberté est un mouvement ascendant, non un abandon aux instincts inférieurs.
La vraie liberté est une manifestation divine.
Nous voulons la vraie liberté pour l’Inde afin qu’elle puisse être un juste exemple pour le monde comme une démonstration de ce que l’humanité doit devenir.
13 février 1971
(Pendant la crise du Bangladesh, la Mère a publié les quatre communiqués suivants :)
La situation est grave. Seule une action forte et éclairée permettra au pays d’en sortir.
13 avril 1971
(Le message suivant a été distribué dans l’Ashram, avec pour titre : « Mantra donné par la Mère pour tout le monde dans le pays, en raison de la crise actuelle. »)
Seigneur, Vérité ÉternellePermets que nous n’obéissions qu’à Toi et que nous vivions selon la Vérité.
Tant qu’ils ne sont pas résolus à suivre la Vérité je ne puis rien pour eux extérieurement.
Pas la vérité telle qu’ils la voient mais la Vérité telle qu’elle est.
Pour pouvoir connaître la Vérité il faut être sans préférences et sans désirs, et quand vous aspirez à la Vérité votre mental doit être silencieux.
8 juillet 1971
C’est parce que le monde entier est plongé dans le mensonge que toutes les actions qui se présentent sont fausses, et cette situation peut continuer pendant longtemps et causera beaucoup de souffrances au peuple et au pays.
La seule chose à faire est de prier, du fond du cœur, pour l’intervention divine car c’est la seule chose qui puisse nous sauver. Et tous ceux qui peuvent devenir conscients de cela doivent décider très fermement de s’en tenir uniquement à la vérité et d’agir seulement dans la vérité. Il ne doit pas y avoir de compromis. C’est très essentiel. C’est le seul moyen.
Même si les choses semblent aller mal et être mauvaises pour nous, comme elles le seront à cause du mensonge qui prévaut actuellement, nous ne devons pas nous laisser détourner de notre détermination de nous en tenir à la Vérité.
C’est le seul moyen.
Juillet 1971
L’Inde ne prendra sa vraie place dans le monde que lorsqu’elle deviendra intégralement la messagère de la Vie Divine.
24 avril 1972
Qu’est-ce que l’Inde?
L’Inde n’est ni le sol, ni les rivières et les montagnes de cette contrée, ni le nom collectif des habitants de ce pays. L’Inde est un être vivant, aussi vivant que Shiva par exemple. L’Inde est une déesse comme Shiva est un dieu. Si elle le veut, elle peut se manifester sous une forme humaine.*
L’une des armes les plus redoutables dont se sert l’Asura pour son travail consiste à vous enseigner à éviter la beauté. Cela a été la ruine de l’Inde. Le Divin se manifeste dans le psychique par l’amour, dans le mental par la connaissance, dans le vital par le pouvoir et dans le physique par la beauté. Si vous rejetez la beauté, cela veut dire que vous privez le Divin de cette manifestation dans le domaine matériel et que vous remettez cette partie à l’Asura.
Depuis les temps immémoriaux (certains érudits disent 8000 ans avant l’ère chrétienne) l’Inde a été le pays de la connaissance et de la pratique spirituelles, de la découverte de la Suprême Réalité et de l’union avec elle. C’est le pays qui a le plus et le mieux pratiqué la concentration. Les méthodes, appelées en sanscrit Yoga, enseignées et employées dans ce pays sont innombrables. Les unes sont uniquement matérielles, d’autres purement intellectuelles, d’autres religieuses et dévotionnelles, quelques-unes, enfin, combinent ces divers procédés afin d’obtenir un résultat plus intégral.
« Ah ! puisque les Indes sont le berceau de la religion, puisque tant de Dieux président à leurs destinées, quel est celui qui accomplira le miracle de ressusciter cette ville...? »
>A. Chaumel (article sur Pondichéry paru en 1928.)
Aveuglé par de fausses apparences, trompé par des calomnies, retenu par des craintes et des préjugés, il a passé sans le voir, à côté du Dieu dont il implore l’intervention; il a côtoyé, sans vouloir les reconnaître, les forces qui accompliront le miracle qu’il réclame; et ainsi il a manqué la plus belle chance de sa vie — une chance unique — d’entrer en contact avec les mystères et les merveilles dont son cerveau devine l’existence et auxquels son cœur aspire obscurément...
De tout temps, avant de recevoir l’initiation, l’aspirant devait passer par des épreuves. Dans les Collèges antiques ces épreuves étaient artificielles et perdaient par là la majeure partie de leur valeur. Mais il n’en est plus de même; les épreuves se cachent derrière les circonstances quotidiennes les plus ordinaires et elles ont un petit air innocent de coïncidence ou de hasard qui les rend d’autant plus difficiles et dangereuses.
C’est ainsi que l’Inde ne révèle le mystère de ses trésors qu’à ceux qui peuvent vaincre en eux-mêmes les préférences mentales et les préjugés de race et d’éducation. Les autres s’en vont déçus... n’ayant point trouvé ce qu’ils cherchaient — parce qu’ils l’ont mal cherché, qu’ils n’ont pas accepté de payer le prix de la Divine Trouvaille.
21 septembre 1928
(Description d’une maquette exécutée par un artiste de l’Ashram pour symboliser la signification de l’État de Pondichéry.)
Le nouvel État de Pondichéry est représenté ici par une petite embarcation portant un pavillon. Les quatre piliers principaux de ce pavillon représentent les quatre continents : l’Asie, l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. L’Asie est représentée par le Bouddha, l’Europe par Pallas Athénée, l’Afrique par Isis et l’Amérique par la statue de la Liberté. Ces quatre supports spirituels soutiennent le globe du monde sur lequel descend la Colombe de la Paix. Debout de chaque côté du globe se tient une femme : une Indienne qui tient à la main une feuille de palmier et une Française avec un rameau d’olivier de bon augure. Cette amitié entre l’Orient et l’Occident est un bon présage pour une paix et une entente durables entre les nations.
Des plantes grimpantes alternant avec des lotus rouges et blancs remplissent l’espace entre les quatre piliers. Les lotus rose vif et blancs symbolisent la double Conscience spirituelle qui guide l’évolution terrestre.
Aux quatre coins du pavillon, quatre lions symbolisant des pouvoirs spirituels montent la garde.
Il faut espérer que l’État de Pondichéry réalisera cette vision spirituelle et deviendra le lieu de rencontre de toutes les cultures du monde, dans la pleine conscience de l’Unité fondamentale qui unit tous les peuples du monde.
1954
(À Mme Yvonne Robert Gaebelé, auteur de l’Histoire de Pondichéry, De l’an 1000 à nos jours, publiée en 1960.)
Ma chère enfant,
Je viens de parcourir le beau livre très intéressant; j’ai regardé les images et lu les passages prescrits, plus d’autres, précieux au point de vue documentaire.
C’est très bien, et je suis contente de te féliciter pour ce beau travail.
Aurons-nous un exemplaire pour la bibliothèque? Dans ce cas, je n’y enverrai pas le mien.
Un jour viendra, j’espère, où on pourra dire librement et véridiquement, tout ce que la Présence de Sri Aurobindo a signifié pour la ville de Pondichéry...
En attendant, je t’envoie ma tendresse et mes bénédictions.
J’éprouve le plus profond respect pour les langues indiennes et je continue l’étude du sanscrit quand j’en ai le temps.
Le sanscrit devrait être la langue nationale de l’Inde.
19 avril 1971
Le hindi n’est bon que pour ceux qui appartiennent à une province de langue hindi. Le sanscrit est bon pour tous les Indiens.
Sur certaines questions auxquelles Vous-même et Sri Aurobindo avez répondu directement, nous (membres de l’association Sri Aurobindo’s Action), sommes aussi précis, comme par exemple sur la question de la langue : Vous avez dit que pour le pays : (1) la langue régionale devrait être le véhicule d’enseignement, (2) le sanscrit devrait être la langue nationale, et (3) l’anglais devrait être la langue internationale.
Avons-nous raison de répondre ainsi?
4 octobre 1971
Message pour l’Amérique
Cessez de penser que vous êtes des Occidentaux et que les autres sont des Orientaux. Tous les êtres humains sont d’une même origine divine et sont faits pour manifester sur terre l’unité de cette origine.
4 août 1949
À l’occasion de l’inauguration de l’Institut Français de Pondichéry
Dans chaque pays, la meilleure éducation à donner aux enfants, consiste à leur enseigner quelle est la vraie nature de leur pays, ses qualités propres et la mission que leur nation doit remplir dans le monde, sa place véritable dans le concert terrestre. À cela doit s’ajouter une vaste compréhension du rôle des autres nations, mais sans esprit d’imitation et sans jamais perdre de vue le génie propre de leur pays.
La France, c’était la générosité des sentiments, la nouveauté et la hardiesse des idées, l’action chevaleresque. C’est cette France-là qui commande le respect et l’admiration de tous; c’est par ces vertus qu’elle a dominé le monde.
Une France utilitaire, calculatrice et mercantile, n’est plus la France; ces choses ne sont pas conformes à sa vraie nature, et en les pratiquant, elle perd la noblesse de sa position mondiale.
Voilà ce qu’il faudrait faire savoir aux enfants d’aujourd’hui.
4 avril 1955
C’est la France qui peut relier l’Inde à l’Europe. La France possède de grandes possibilités spirituelles. Elle jouera un grand rôle en dépit de sa mauvaise situation actuelle. C’est par la France que ce message spirituel atteindra l’Europe. C’est pourquoi j’ai choisi la France comme le lieu de ma naissance, bien que je ne sois pas Française.25
Cher X.,
En octobre 1961 j’avais écrit à Mère au sujet de mon voyage imminent en Afrique pour World Union26 . J’ai parlé des nombreuses nations nouvelles qui accédaient à la liberté et à l’indépendance. Aurait-elle un message pour ces peuples? Avec ces mots : « Cela vous aidera-til? » elle m’a donné le message suivant :
La véritable liberté consiste à être libre de tout désir.
La véritable indépendance consiste à être indépendant de toute passion.
La véritable maîtrise consiste à être maître de soi.
Cela seul est la clef du bonheur; tout le reste n’est qu’illusion qui passe.
Ce n’est pas dans la division, mais dans l’unité que l’on peut trouver la solution des problèmes humains et le remède à la souffrance humaine.
Octobre 1961
Pourrions-nous avoir de vous un message que nous pourrions transmettre à ceux qui, aux États-Unis, seraient prêts à nous aider à recueillir des fonds?
L’argent ne doit pas être utilisé pour gagner de l’argent.
L’argent doit être utilisé à préparer la terre pour la nouvelle création.
15 juin 1966
Ceux qui servent la Vérité ne sauraient prendre parti pour les uns contre les autres.
La Vérité est au-dessus du conflit et de l’opposition.
Dans la Vérité, tous les pays s’unissent dans un effort commun pour le progrès et la réalisation.
En tant que nation, Israël a autant le droit à l’existence que toutes les autres nations.
12 juin 1967
Comment pouvez-vous croire que la Grâce travaille en faveur d’une nation ou contre une autre. La Grâce travaille pour la Vérité et dans la situation actuelle du monde, la Vérité et le mensonge sont tous deux présents partout, dans toutes les nations. C’est l’esprit humain qui pense : celui-ci a raison et celui-là a tort — le bien et le mal sont présents partout.
La Vérité est au-dessus de tous les conflits et de toutes les oppositions.
13 juin 1967
Pourriez-vous clarifier pour moi ces deux points?
(1) La Grâce travaille-t-elle pour la Vérité, quelle qu’elle soit, des deux côtés d’un conflit?
Ou bien se tient-elle à l’écart simplement parce que les deux côtés sont également dans le mensonge?
Non. J’ai dit travaille — c’est un travail constant.
(2) Les conflits actuels sont-ils radicalement différents d’un conflit tel que la Deuxième Guerre mondiale, au cours de laquelle la Grâce a travaillé, sans équivoque et sans aucun doute d’un côté — tout au moins dans l’ensemble?
Vous mélangez deux choses, le travail de la Grâce et le résultat qui est la conséquence inévitable du triomphe de la Vérité : ce sont des choses complètement différentes à des niveaux différents.
La victoire progressive de la Vérité produit automatiquement certains résultats complexes et souvent inattendus pour l’esprit humain qui veut toujours des situations tranchées. C’est seulement une vision totale, dans le temps comme dans l’espace, qui peut comprendre.
14 juin 1967
Comment pourrait-on expliquer cette inimitié millénaire entre Juifs et Arabes (ayant pourtant un ancêtre commun) qui se haïssent l’un l’autre de génération en génération jusqu’à l’impasse que nous vivons depuis quelques jours?
Peut-être l’inimitié n’existe-t-elle que parce qu’ils sont voisins...!
La violence et l’inimitié... lorsque les frères se haïssent, ils se haïssent beaucoup plus que les autres. Sri Aurobindo disait : « La haine est l’indication de la possibilité d’un amour plus grand. »
Faut-il penser que ces deux grands peuples en conflit représentent les forces symboliques appelées à décider du sort de notre civilisation?
Ce n’est pas ce conflit qui décidera de l’avenir de notre civilisation.
Les Musulmans et les Israélites représentent les deux religions où la foi en Dieu est la plus extrême. Seulement, la foi des Israélites est une foi en un Dieu impersonnel et la foi des Musulmans en un Dieu personnel.
Les Arabes sont des natures passionnées. Ils vivent presque exclusivement dans le vital, avec ses passions, ses désirs, tandis que les Israélites vivent surtout dans le mental avec un grand pouvoir d’organisation et de réalisation tout à fait exceptionnel. Les Israélites sont des intellectuels avec une volonté exceptionnelle. Ils ne sont pas sentimentaux, c’est-à-dire qu’ils n’aiment pas la faiblesse.
Les Musulmans sont impulsifs, les Israélites sont raisonnables.
Vers le 15 juin 1967
(Message à l’intention de la Société Sri Aurobindo d’Osaka, Japon.)
Le Japon était, dans le monde physique, le professeur de beauté.
Il ne doit pas renoncer à son privilège.
16 octobre 1972
Tous les pays sont égaux et essentiellement « un ».
Chacun d’eux représente un aspect de l’Un Suprême.
Dans la manifestation terrestre, ils ont tous le même droit à une libre expression d’eux-mêmes.
Au point de vue spirituel, l’importance d’un pays ne dépend pas de sa dimension, de son pouvoir ou de son autorité sur les autres pays, mais de sa réponse à la Vérité et du degré de Vérité qu’il est capable de manifester.
Notes sur les textes
Les quelque huit cents textes rassemblés dans cet ouvrage sont pour la plupart très brefs. Les textes plus longs sont soit des conversations enregistrées au magnétophone, soit des comptes rendus établis sur la base de notes prises par les disciples et dont la Mère a approuvé plus tard la publication. Environ 40% des textes ont été écrits ou énoncés en français, le reste en anglais. Le lecteur trouvera ci-dessous d’autres précisions sur ces textes et leur langue originale.
Écrits, conversations et comptes rendus
Écrits : la plupart de ces écrits sont soit des extraits de la correspondance de la Mère avec les disciples et d’autres personnes, soit des messages ou des notes personnelles. Ces sept cent trente écrits représentent la presque totalité des textes figurant dans ce livre. Quatre cent quarante-six ont été rédigés en anglais, deux cent quatre-vingt-quatre en français.
Conversations enregistrées au magnétophone : ces vingt-six entretiens ont eu lieu en français, à l’exception des cinq premiers paragraphes de l’entretien du 30 mars 1972 (dans la section sur Auroville) et de quelques mots et phrases en anglais au cours d’autres conversations avec les Auroviliens.
Comptes rendus approuvés par la Mère : ce livre contient trente-sept comptes rendus de conversations ou d’observations de la Mère reconstituées de mémoire par les disciples; la Mère, après lecture, en a approuvé la publication. Douze d’entre eux sont en français et vingt-cinq en anglais. Parce qu’ils ne transcrivent pas mot pour mot ses paroles, ces comptes rendus ont été identifiés par le signe à la fin de chaque texte. Les comptes rendus non revus par la Mère n’ont pas été inclus dans ce livre.
Texte original en français ou en anglais
La langue originale a pu être établie pour la plupart des textes, mais non pour tous. C’est le cas, en particulier, de ceux dont le manuscrit n’a pas été retrouvé; on ne dispose alors que d’une version dactylographiée ou imprimée dont il n’a pas été possible d’établir la langue d’origine avec une certitude absolue. Même dans ces cas, il est fort probable, sinon certain, que la langue originale était le français.
Les textes dont la langue originale n’a pas pu être établie avec certitude ont été traités comme suit : lorsqu’un texte n’existe qu’en un seul exemplaire français, on a présumé que l’original était en français. Lorsque le seul exemplaire existant est en anglais, on a présumé que l’original était en anglais. Lorsque l’on dispose de deux versions, française et anglaise, et qu’on ne peut déterminer quel est l’original, on a présumé que l’original était en français, à l’exception de quelques messages adressés à des fonctionnaires du Gouvernement indien, qui ont certainement été rédigés en anglais. Si, au cours de recherches ultérieures, amenant par exemple à la découverte d’un manuscrit, certaines de ces conclusions s’avéraient erronées, l’erreur serait corrigée dans la prochaine édition.
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