Savitri passages traduits par La Mère - read passages from Savitri translated into French by The Mother
Savitri, l'épopée de 23850 vers de Sri Aurobindo, comprend douze Livres. Du Livre X, The Book of the Double Twilight (Le Livre du Double Crépuscule), qui est divisé en quatre Chants, la Mère a traduit la moitié environ — soit 1661 vers. C'est cette traduction que nous publions ici, en regard de l'original — premier jet d'un texte que la Mère se proposait de revoir.
Les événements qui, dans le poème, amènent le "Débat" du Livre X sont les suivants :
Savitri, la fille du roi-yogi Ashwapati, aime Satyavan, le fils du roi aveugle Dyumatsena qui est destitué de son trône et vit dans la forêt. Bien qu'elle ait été prévenue qu'un an après son mariage Satyavan mourra, Savitri choisit de l'épouser. Un an après, Satyavan meurt en effet.
Mais Savitri décide de l'arracher à la Mort — en un combat, une longue joute oratoire, qui est le Débat de l'Amour et de la Mort et dont on trouvera une partie dans les pages qui suivent.
Au terme de cette joute, Savitri, qui est l'incarnation de la Mère Divine, remporte la victoire sur la Mort et revient sur la terre en compagnie de Satyavan. Leur retour marque la promesse d'une aube plus grande et d'une Nouvelle Création.
Nous avons d'autre part réuni, en fin de volume, les passages de Savitri que la Mère a également traduits en français et qui se rattachent à d'autres épisodes de l'épopée de Sri Aurobindo.
*
Dans un entretien avec un disciple, le 18 septembre 1962, la Mère fit les remarques suivantes à propos de la traduction de Savitri :
Je vais traduire toute la partie de Savitri (pour commencer, je verrai après) à partir du colloque avec la Mort jusqu'au moment où le Seigneur suprême lui dit la prophétie pour l'avenir de la terre — il y a long, plusieurs pages. C'est pour ma propre satisfaction. (...)
Le but, ce n'est pas du tout pour le montrer à personne ni le faire lire à personne : c'est pour rester dans l'atmosphère, parce que j'aime beaucoup l'atmosphère de Savitri. (...)
Je connais cette lumière. Chaque fois que je lis Savitri, je suis immédiatement dans cette lumière. C'est une lumière très-très jolie.
Et alors je vais voir.
Je fixerai d'abord, c'est-à-dire comment Sri Aurobindo l'a dit en anglais, avec des mots français. Puis je verrai si, SANS CHANGER, ça vient, c'est-à-dire si c'est sa même inspiration qui vient en français. Ce sera une occupation intéressante. Si je fais une, deux lignes, trois lignes par jour, c'est tout ce qu'il me faut ; je passerai une heure tous les jours comme cela. Voilà.
Je n'ai pas la moindre idée. Tout ce que je sais, c'est que j'ai une grande joie à être dans cette lumière là-haut. C'est une lumière supramentale. Une lumière supramentale de beauté, n'est-ce pas, esthétique. Et très-très harmonieuse.
La légende de Satyavan et Savitri est présentée dans le Mahabharata comme une histoire d'amour conjugal conquérant la mort. Mais ainsi que l'indiquent de nombreux détails, cette légende est, sous l'anecdote humaine, l'un des nombreux mythes symboliques du cycle védique. Satyavan est l'âme qui porte en elle la divine vérité d'être, mais est descendue dans les serres de la mort et de l'ignorance ; Savitri est le Verbe Divin, la fille du Soleil, la déesse de la suprême Vérité qui descend et naît pour sauver ; Ashwapati, le Seigneur du Cheval, son père humain, est le Seigneur de la Tapasya, l'énergie concentrée de l'effort spirituel qui nous aide à nous élever des plans mortels aux plans immortels ; Dyumatsena, le Seigneur des Armées de Lumière, père de Satyavan, est le Mental Divin frappé ici de cécité, perdant son céleste royaume de vision et, par là même, son royaume de gloire. Toutefois, il ne s'agit pas seulement d'une allégorie, les personnages ne sont pas des qualités personnifiées, mais des incarnations ou des émanations de Forces vivantes et conscientes avec lesquelles nous pouvons concrètement entrer en contact et qui revêtent des corps humains pour aider l'homme et lui montrer le chemin qui va de son état mortel à une conscience divine et une vie immortelle.
SRI AUROBINDO
All still was darkness dread and desolate;
There was no change nor any hope of change.
In this black dream which was a house of Void,
A walk to Nowhere in a land of Nought,
Ever they drifted without aim or goal;
Gloom led to worse gloom, death to an emptier death,
In some positive Non-Being's purposeless Vast
Through formless wastes dumb and unknowable.
An ineffectual beam of suffering light
Through the despairing darkness dogged their steps
Like the remembrance of a glory lost;
Even while it grew, it seemed unreal there,
Yet haunted Nihil's chill stupendous realm,
Unquenchable, perpetual, lonely, null,
A pallid ghost of some dead eternity.
It was as if she must pay now her debt,
Her vain presumption to exist and think,
To some brilliant Maya that conceived her soul.
This most she must absolve with endless pangs,
Her deep original sin, the will to be
And the sin last, greatest, the spiritual pride,
That, made of dust, equalled itself with heaven,
Its scorn of the worm writhing in the mud,
Condemned, ephemeral, born from Nature's dream,
Refusal of the transient creature's role,
The claim to be a living fire of God,
The will to be immortal and divine.
In that tremendous darkness heavy and bare
She atoned for all since the first act whence sprang
The error of the consciousness of Time,
The rending of the Inconscient's seal of sleep,
The primal and unpardoned revolt that broke
Tout était encore obscur, redoutable, désolé ;
II n'y avait aucun changement, ni aucun espoir de changement.
Dans ce rêve noir qui était la maison du Vide,
Une marche vers Nulle part dans la terre du Néant,
Toujours ils allaient à la dérive sans objet ni but ;
L'affliction menait à une pire affliction, la mort à une mort plus vide encore,
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À travers des déserts informes, muets et inconnaissables.
Un rayon inefficace de lumière souffrante
À travers l'obscurité désespérante, suivait leurs pas
Comme le souvenir d'une gloire perdue ;
Tout en croissant, il semblait irréel, là,
Cette zone formidable encore hantée par le frisson du Néant,
Inassouvissable, perpétuelle, solitaire, nulle,
Le spectre blême de quelque éternité défunte.
C'était comme si elle devait, maintenant, payer sa dette,
Sa présomption vaine d'exister et de penser,
À une Maya brillante qui conçut son âme.
Ceci, plus que tout, elle doit absoudre avec des angoisses interminables,
Son péché originel profond, la volonté d'être
Et le dernier péché, le plus grand, la fierté spirituelle,
Qui, faite de poussière, s'égale au ciel,
Son mépris du ver se tortillant dans la boue,
Condamnée, éphémère, née du rêve de la Nature,
Le refus du rôle de la créature transitoire,
La prétention d'être une flamme vivante de Dieu,
La volonté d'être immortelle et divine.
Dans cette formidable obscurité lourde et nue
Elle expia pour tout, depuis l'acte premier d'où jaillit
L'erreur de la conscience du Temps,
La rupture du sceau du sommeil de l'Inconscient,
La révolte primordiale et impardonnable qui brisa
* II n'a pas été possible de retrouver la traduction de ce vers, dont le sens est le suivant :
Dans quelque vaine Vastitude de Non-Être qui s'affirme. (Note de l'éditeur)
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The peace and silence of the Nothingness
Which was before a seeming universe
Appeared in a vanity of imagined space
And life arose engendering grief and pain:
A great Negation was the Real's face
Prohibiting the vain process of Time:
And when there is no world, no creature more,
When Time's intrusion has been blotted out,
It shall last, unbodied, saved from thought, at peace.
Accursed in what had been her godhead source,
Condemned to live for ever empty of bliss,
Her immortality her chastisement,
Her spirit, guilty of being, wandered doomed,
Moving for ever through eternal Night.
But Maya is a veil of the Absolute;
A Truth occult has made this mighty world:
The Eternal's wisdom and self-knowledge act
In ignorant Mind and in the body's steps.
The Inconscient is the Superconscient's sleep.
An unintelligible Intelligence
Invents creation's paradox profound ;
Spiritual thought is crammed in Matter's forms,
Unseen it throws out a dumb energy
And works a miracle by a machine.
All here is a mystery of contraries:
Darkness a magic of self-hidden light,
Suffering some secret rapture's tragic mask
And death an instrument of perpetual life.
Although Death walks beside us on Life's road,
A dim bystander at the body's start
And a last judgment on man's futile works,
Other is the riddle of its ambiguous face:
Death is a stair, a door, a stumbling stride
The soul must take to cross from birth to birth,
A grey defeat pregnant with victory,
A whip to lash us towards our deathless state.
The inconscient world is the spirit's self-made room,
Eternal Night shadow of eternal Day.
Night is not our beginning nor our end;
She is the dark Mother in whose womb we have hid
La paix et le silence du Néant
Qui était avant qu'un semblant d'univers
Apparaisse dans la vanité d'un espace imaginaire
Et que la vie se lève engendrant la douleur et la souffrance :
Une grande Négation était la face du Réel
Interdisant le vain processus du Temps :
Et quand il n'y a plus de monde, plus de créature,
Quand l'intrusion du Temps a été supprimée,
Elle durera, désincarnée, sauvée de la pensée, en paix.
Maudite en ce qui fut sa source divine,
Condamnée à vivre pour toujours vide de béatitude,
Son immortalité étant son châtiment,
Son esprit, coupable d'être, voué à errer,
Se déplaçant à jamais dans une Nuit éternelle.
Mais Maya est un voile de l'Absolu ;
Une Vérité occulte a fait ce puissant monde :
La sagesse et la connaissance en soi de l'Eternel agissant
Dans le Mental ignorant et dans les pas du corps.
L'Inconscient est le sommeil du Supraconscient.
Une Intelligence incompréhensible
Invente le paradoxe profond de la création ;
La pensée spirituelle bourre les formes de la Matière,
Invisible elle projette une énergie muette
Et accomplit un miracle avec une machine.
Ici, tout est un mystère de contraires :
L'obscurité, la magie de la lumière se cachant à elle-même,
La souffrance, le masque tragique d'une extase secrète
Et la mort, un instrument de vie perpétuelle.
Bien que la Mort marche à côté de nous sur la route de la Vie,
Un assistant blafard dès le début du corps
Et un jugement dernier des œuvres futiles de l'homme,
Tout autre est l'énigme de sa face ambiguë :
La mort est un escalier, une porte, une enjambée trébuchante
Que l'âme doit prendre pour traverser d'une naissance à l'autre,
Une défaite grise grosse de la victoire,
Un fouet pour nous cingler vers l'état où nous ne mourrons plus.
Le monde inconscient est la chambre de l'esprit faite par lui-même,
La Nuit éternelle, l'ombre du Jour éternel.
La Nuit n'est pas notre commencement ni notre fin ;
Elle est la sombre Mère dans les flancs de laquelle nous nous sommes cachés
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Safe from too swift a waking to world-pain.
We came to her from a supernal Light,
By Light we live and to the Light we go.
Here in this seat of Darkness mute and lone,
In the heart of everlasting Nothingness
Light conquered now even by that feeble beam:
Its faint infiltration drilled the blind deaf mass ;
Almost it changed into a glimmering sight
That housed the phantom of an aureate Sun
Whose orb pupilled the eye of Nothingness.
A golden fire came in and burnt Night's heart;
Her dusky mindlessness began to dream ;
The Inconscient conscious grew, Night felt and thought.
Assailed in the sovereign emptiness of its reign
The intolerant Darkness paled and drew apart
Till only a few black remnants stained that Ray.
But on a failing edge of dumb lost space
Still a great dragon body sullenly loomed;
Adversary of the slow struggling Dawn
Defending its ground of tortured mystery,
It trailed its coils through the dead martyred air
And curving fled down a grey slope of Time.
There is a morning twilight of the gods;
Miraculous from sleep their forms arise
And God's long nights are justified by dawn.
There breaks a passion and splendour of new birth
And hue-winged visions stray across the lids,
The dreaming deities look beyond the seen
And fashion in their thoughts the ideal worlds
Sprung from a limitless moment of desire
That once had lodged in some abysmal heart.
Passed was the heaviness of the eyeless dark
And all the sorrow of the night was dead:
Surprised by a blind joy with groping hands
Like one who wakes to find his dreams were true,
Into a happy misty twilit world
Where all ran after light and joy and love
She slipped; there far-off raptures drew more close
And deep anticipations of delight
En sécurité contre un éveil trop rapide à la douleur du monde.
Nous sommes venus à elle d'une Lumière supernelle,
Par la Lumière nous vivons et vers la Lumière nous allons.
Ici dans ce siège de l'Obscurité muette et solitaire,
Au cœur du Néant sans fin
Même maintenant, la Lumière a conquis par ce faible rayon :
Sa pâle infiltration a foré l'aveugle et sourde masse ;
Elle s'est presque changée en un spectacle vacillant
Qui logeait le fantôme d'un Soleil doré
Dont l'orbe donna un regard à l'œil du Néant.
Une flamme d'or pénétra et brûla le cœur de la Nuit ;
Sa sombre carence mentale commença à rêver ;
L'Inconscient devint conscient, la Nuit sentit et pensa.
Assaillie dans le vide souverain de son règne
L'Obscurité intolérante pâlit et se retira
Au point que seules quelques marques noires tachaient le Rayon.
Mais sur le bord défaillant d'un espace perdu, muet,
Un grand corps de dragon se dessine encore, morose
Adversaire de l'Aurore qui lutte lentement
Défendant son terrain de mystère torturé,
II traîna ses replis dans l'air mort martyrisé
Et se recourbant, dégringola la pente grise du Temps.
Il y a un crépuscule matinal des dieux ;
Miraculeuses, leurs formes se lèvent du sommeil
Et les longues nuits de Dieu sont justifiées par l'aurore.
Une passion, une splendeur de nouvelle naissance jaillit
Et des visions aux ailes colorées traversent les paupières,
Les déités rêvant regardent au-delà de ce qui est vu
Et façonnent dans leur pensée les mondes idéaux
Nés d'un moment de désir illimité
Qui, une fois, logea dans un cœur insondable.
Elle était passée, la lourdeur de l'obscurité sans yeux
Et toute la douleur de la nuit était morte :
Surprise par une joie aveugle, les mains tendues
Comme quelqu'un qui s'éveille pour trouver que ses rêves étaient vrais,
Dans un monde crépusculaire vaporeux et heureux
Où tout court après la lumière et la joie et l'amour
Elle glissa ; là de très lointaines extases se rapprochèrent
Et de profondes anticipations de félicité
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For ever eager to be grasped and held,
Were never grasped, yet breathed strange ecstasy.
A pearl-winged indistinctness fleeting swam,
An air that dared not suffer too much light.
Vague fields were there, vague pastures gleaned, vague trees,
Vague scenes dim-hearted in a drifting haze;
Vague cattle white roamed glimmering through the mist;
Vague spirits wandered with a bodiless cry,
Vague melodies touched the soul and fled pursued
Into harmonious distances unseized;
Forms subtly elusive and half-luminous powers
Wishing no goal for their unearthly course
Strayed happily through vague ideal lands
Or floated without footing or their walk
Left steps of reverie on sweet memory's ground ;
Or they paced to the mighty measure of their thoughts
Led by a low far chanting of the gods.
A ripple of gleaming wings crossed the far sky;
Birds like pale-bosomed imaginations flew
With low disturbing voices of desire,
And half-heard lowings drew the listening ear,
As if the Sun-god's brilliant kine were there
Hidden in mist and passing towards the sun.
These fugitive beings, these elusive shapes
Were all that claimed the eye and met the soul,
The natural inhabitants of that world.
But nothing there was fixed or stayed for long;
No mortal feet could rest upon that soil,
No breath of life lingered embodied there.
In that fine chaos joy fled dancing past
And beauty evaded settled line and form
And hid its sense in mysteries of hue;
Yet gladness ever repeated the same notes
And gave the sense of an enduring world ;
There was a strange consistency of shapes,
And the same thoughts were constant passers-by
And all renewed unendingly its charm
Alluring ever the expectant heart
Like music that one always waits to hear,
Like the recurrence of a haunting rhyme.
Toujours anxieuses d'être saisies et tenues,
N'étaient jamais saisies, mais soufflaient une étrange extase.
Des ailes perlées indistinctes flottèrent rapides,
Un air qui n'osait supporter trop de lumière.
Des champs vagues étaient là, de vagues pâturages, des arbres vagues,
Des scènes vagues au cœur pâle dans une brume à la dérive ;
De vagues troupeaux blancs luisaient à travers le brouillard ;
De vagues esprits erraient avec un cri sans corps,
De vagues mélodies touchaient l'âme et s'enfuyaient, poursuivies
Jusqu'à des distances harmonieuses insaisissables ;
Des formes subtilement insaisissables et des pouvoirs à demi lumineux
Ne désirant de but à leur parcours non terrestre
Erraient heureuses sur de vagues régions idéales
Ou flottaient sans pied à terre, ou leur marche
Laissait des pas de rêverie sur un terrain de doux souvenir,
Ou elles avançaient à la puissante mesure de leurs pensées
Conduites par le murmure du chant lointain de dieux.
Un frémissement d'ailes miroitantes traversa le ciel lointain ;
Des oiseaux semblables à des imaginations de sein pâle, volèrent
Avec de troublantes voix basses de désir,
Et des mugissements à demi entendus attirèrent l'oreille attentive,
Comme si les vaches brillantes du Dieu Soleil étaient là
Cachées dans le brouillard et passant vers le soleil.
Ces êtres fugitifs, ces formes évasives
Etaient tout ce qui attirait l'œil et rencontrait l'âme,
Les habitants naturels de ce monde.
Mais là rien n'était fixe ni ne restait longtemps ;
Aucun pied mortel ne peut se poser sur ce sol,
Aucun souffle de vie ne peut s'attarder incorporé là.
Dans ce joli chaos, la joie s'enfuyait, passant en dansant
Et la beauté évitait la ligne et la forme établies
Et cachait son sens dans le mystère des nuances ;
Cependant la gaieté répétait toujours les mêmes notes
Et donnait le sentiment d'un monde durable ;
I! y avait une étrange consistance dans les formes,
Et les mêmes pensées étaient des passants constants
Et tout renouvelait son charme, sans fin
Séduisant toujours le cœur dans l'expectative
Comme de la musique que l'on s'attend toujours à entendre,
Comme la répétition d'une rime obsédante.
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One touched incessantly things never seized,
A skirt of worlds invisibly divine.
As if a trail of disappearing stars
There showered upon the floating atmosphere
Colours and lights and evanescent gleams
That called to follow into magic heaven,
And in each cry that fainted on the ear
There was the voice of an unrealised bliss.
An adoration reigned in the yearning heart,
A spirit of purity, an elusive presence
Of faery beauty and ungrasped delight
Whose momentary and escaping thrill,
However unsubstantial to our flesh,
And brief even in imperishableness,
Much sweeter seemed than any rapture known
Earth or all-conquering heaven can ever give.
Heaven ever young and earth too firm and old
Delay the heart by immobility:
Their raptures of creation last too long,
Their bold formations are too absolute;
Carved by an anguish of divine endeavour
They stand up sculptured on the eternal hills,
Or quarried from the living rocks of God
Win immortality by perfect form.
They are too intimate with eternal things:
Vessels of infinite significances,
They are too clear, too great, too meaningful;
No mist or shadow soothes the vanquished sight,
No soft penumbra of incertitude.
These only touch a golden hem of bliss,
The gleaming shoulder of some godlike hope,
The flying feet of exquisite desires.
On a slow trembling brink between night and day
They shine like visitants from the morning star,
Satisfied beginnings of perfection, first
Tremulous imaginings of a heavenly world :
They mingle in a passion of pursuit,
Thrilled with a spray of joy too slight to tire.
All in this world was shadowed forth, not limned,
Like faces leaping on a fan of fire
Constamment des choses étaient touchées mais jamais saisies,
Une lisière de mondes invisiblement divins.
Comme une traînée d'étoiles disparaissant
II pleuvait sur l'atmosphère flottante
Des couleurs, des lumières, des lueurs évanescentes
Qui appelaient pour être suivies dans des cieux magiques,
Et dans chaque cri s'évanouissant sur l'oreille
Se trouvait la voix d'une béatitude irréalisée.
Une adoration régnait dans le cœur languissant,
Un esprit de pureté, une présence insaisissable
De beauté féerique et de félicité imprenable
Dont le frisson fuyant et momentané,
Bien que sans substance pour notre chair,
Et bref tout en étant impérissable,
Semblait beaucoup plus doux qu'aucune extase connue
Que la terre ou le ciel irrésistible puissent jamais donner.
Le ciel toujours jeune et la terre trop ferme et vieille
Retardent le cœur par immobilité :
Leurs extases de création durent trop longtemps,
Leurs formations hardies sont trop absolues ;
Taillées par l'angoisse d'un effort divin
Elles se tiennent sculptées sur les collines éternelles
Ou creusées dans les rocs vivants de Dieu
Elles gagnent l'immortalité par la forme parfaite.
Elles sont trop intimes avec les choses éternelles :•
Les récipients de significations infinies
Elles sont trop claires, trop grandes, trop significatives ;
Ni brume ni ombre adoucit la vision vaincue,
Aucune molle pénombre d'incertitude.
Celles-ci touchent seulement l'ourlet doré de la félicité,
L'épaule brillante de quelque espoir divin,
Les pieds fuyants de désirs exquis.
Sur une lente bordure tremblant entre nuit et jour
Elles brillaient comme des visiteuses venant de l'étoile du matin,
Des commencements satisfaits de perfection, d'abord
Des imaginations timides d'un monde céleste :
Elles s'entremêlent dans une passion de poursuite,
Tressaillant avec un poudroiement de joie trop léger pour lasser.
Dans ce monde, tout était figuré, pas dessiné,
Comme des images dansant sur un écran de feu
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Or shapes of wonder in a tinted blur,
Like fugitive landscapes painting silver mists.
Here vision fled back from the sight alarmed,
And sound sought refuge from the ear's surprise,
And all experience was a hasty joy.
The joys here snatched were half-forbidden things,
Timorous soul-bridals delicately veiled
As when a goddess' bosom dimly moves
To first desire and her white soul transfigured,
A glimmering Eden crossed by fairy gleams,
Trembles to expectation's fiery wand,
But nothing is familiar yet with bliss.
All things in this fair realm were heavenly strange
In a fleeting gladness of untired delight,
In an insistency of magic change.
Past vanishing hedges, hurrying hints of fields,
Mid swift escaping lanes that fled her feet
Journeying she wished no end: as one through clouds
Travels upon a mountain ridge and hears
Arising to him out of hidden depths
Sound of invisible streams, she walked besieged
By the illusion of a mystic space,
A charm of bodiless touches felt and heard
A sweetness as of voices high and dim
Calling like travellers upon seeking winds
Melodiously with an alluring cry.
As if a music old yet ever new,
Moving suggestions on her heart-strings dwelt,
Thoughts that no habitation found, yet clung
With passionate repetition to her mind,
Desires that hurt not, happy only to live
Always the same and always unfulfilled
Sang in the breast like a celestial lyre.
Thus all could last, yet nothing ever be.
In this beauty as of mind made visible,
Dressed in its rays of wonder Satyavan
Before her seemed the centre of its charm,
Head of her loveliness of longing dreams
And captain of the fancies of her soul.
Even the dreadful majesty of Death's face
Ou des formes de prodige dans un barbouillage teinté,
Comme des paysages fugitifs peignant des brouillards argentés.
Ici, la vision s'enfuyait de la vue alarmée
Et le son cherchait un refuge contre la surprise de l'oreille,
Et toute expérience était une joie hâtive.
Les joies attrapées ici étaient des choses à moitié défendues,
Des noces d'âme timorées délicatement voilées
Comme le sein d'une déesse qui frémit faiblement
Au premier désir et que son âme blanche se transfigure,
Un Eden vacillant traversé par des lueurs féeriques,
Tremble devant la baguette magique de l'expectative
Mais rien n'est familier tout en étant délicieux.
Dans cette région agréable, tout était d'une étrangeté céleste
Dans la gaieté fuyante d'une félicité inlassée,
Dans l'insistance d'un changement magique.
Des haies passées qui s'évanouissent, des allusions de champs qui se hâtent,
Au milieu de sentiers rapides qui échappent et fuient ses pieds
Voyageant elle ne souhaitait pas de fin ; comme celui qui à travers les nuages
Avance sur la crête d'une montagne et entend
S'élevant vers lui hors de profondeurs cachées
Le bruit de cours d'eau invisibles, elle marchait assiégée
Par l'illusion d'un espace mystique,
Le charme de contacts immatériels sentis et entendus
La douceur de voix hautes et indistinctes
Appelant comme des voyageurs sur des vents quêteurs
Mélodieusement avec un cri attrayant.
Comme une musique ancienne et pourtant toujours nouvelle,
Des suggestions mouvantes demeuraient sur les cordes de son cœur,
Des pensées qui ne trouvaient pas d'habitation, cependant s'accrochaient
A son esprit avec une répétition passionnée,
Des désirs qui ne blessent point, heureux de vivre seulement
Toujours les mêmes et toujours inassouvis
Chantaient dans la poitrine comme une lyre céleste.
Ainsi tout pouvait durer, pourtant rien ne fut jamais.
Dans cette beauté comme mentalement rendue visible,
Habillé de ses rayons merveilleux, Satyavan
Devant elle semblait le centre de son charme,
Chef de la beauté de ses rêves ardents
Et capitaine des fantaisies de son âme.
Même la majesté terrible de la face de la Mort
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And its sombre sadness could not darken nor slay
The intangible lustre of those fleeting skies.
The sombre Shadow sullen, implacable
Made beauty and laughter more imperative;
Enhanced by his grey, joy grew more bright and dear;
His dark contrast edging ideal sight
Deepened unuttered meanings to the heart;
Pain grew a trembling undertone of bliss
And transience immortality's floating hem,
A moment's robe in which she looked more fair,
Its antithesis sharpening her divinity.
A comrade of the Ray and Mist and Flame,
By a moon-bright face a brilliant moment drawn,
Almost she seemed a thought mid floating thoughts,
Seen hardly by a visionary mind
Amid the white inward musings of the soul.
Half-vanquished by the dream-happiness around,
Awhile she moved on an enchantment's soil,
But still remained possessor of her soul.
Above, her spirit in its mighty trance
Saw all, but lived for its transcendent task
Immutable like a fixed eternal star.
Et sa tristesse sombre ne pouvait obscurcir ni détruire
L'éclat intangible de ces cieux flottants.
L'Ombre sombre, morose, implacable
Rendait la beauté et le rire plus impératifs ;
Rehaussée par sa grisaille, la joie devenait plus brillante et chère ;
Son noir contraste aiguisant la vision idéale
Approfondissait dans le cœur des significations inexprimées ;
La peine devint un demi-ton tremblant de la félicité
Et la transition, le bord flottant de l'immortalité,
La robe d'un moment dans laquelle elle apparaissait plus belle,
Sa divinité aiguisée par son antithèse.
Camarade du Rayon, de la Brume et de la Flamme,
Par une face de lune brillante, un moment attirée,
Elle semblait presque une pensée parmi les pensées flottantes,
A peine vue par un esprit visionnaire
Au milieu des blanches rêveries intérieures de l'âme.
A demi vaincue par le bonheur de rêve alentour,
Un moment elle avança sur un sol d'enchantement,
Mais resta cependant possesseur de son âme.
Au-dessus, son esprit dans sa transe puissante,
Voyait tout, mais vivait pour sa tâche transcendante
Immuable comme une étoile fixe éternelle.
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Then pealed the calm inexorable voice :
Abolishing hope, cancelling life's golden truths,
Fatal its accents smote the trembling air.
That lovely world swam thin and frail, most like
Some pearly evanescent farewell gleam
On the faint verge of dusk in moonless eves.
"Prisoner of Nature, many-visioned spirit,
Thought's creature in the ideal's realm enjoying
Thy unsubstantial immortality
The subtle marvellous mind of man has feigned,
This is the world from which thy yearnings came.
When it would build eternity from the dust,
Man's thought paints images illusion rounds;
Prophesying glories it shall never see,
It labours delicately among its dreams.
Behold this fleeing of light-tasselled shapes,
Aerial raiment of unbodied gods;
A rapture of things that never can be born,
Hope chants to hope a bright immortal choir;
Cloud satisfies cloud, phantom to longing phantom
Leans sweetly, sweetly is clasped or sweetly chased.
This is the stuff from which the ideal is formed:
Its builder is thought, its base the heart's desire,
But nothing real answers to their call.
The ideal dwells not in heaven, nor on the earth,
A bright delirium of man's ardour of hope
Drunk with the wine of its own phantasy.
It is a brilliant shadow's dreamy trail.
Thy vision's error builds the azure skies,
Thy vision's error drew the rainbow's arch;
Thy mortal longing made for thee a soul.
This angel in thy body thou callst love,
Who shapes his wings from thy emotion's hues,
In a ferment of thy body has been born
And with the body that housed it it must die.
Alors retentit la calme et inexorable voix ;
Abolissant l'espoir, annulant les vérités dorées de la vie,
Fatals, ses accents frappèrent l'air tremblant.
Ce joli monde flotta mince et frêle, ressemblant
À quelque lueur d'adieu perlée et évanescente
Sur le léger bord de brume des soirs sans lune.
"Prisonnier de la Nature, esprit à vision multiple,
Créature de la pensée dans la région de l'idéal jouissant
De ton immortalité insubstantielle
Que le mental humain, merveilleux et subtil, a simulée,
Ceci est le monde d'où viennent tes aspirations.
Quand elle veut construire l'éternité avec la poussière,
La pensée de l'homme peint des images que l'illusion encercle ;
Prophétisant des gloires qu'elle ne verra jamais,
Elle travaille délicatement au sein de ses rêves.
Vois cette fuite de formes frangées de lumière,
Vêtements aériens de dieux sans corps ;
Extase de choses qui ne peuvent jamais naître,
L'espoir chante à l'espoir un brillant chœur immortel ;
Le nuage satisfait le nuage, le fantôme vers le fantôme soupirant
Se penche doucement, doucement il est saisi ou doucement poursuivi.
Telle est la substance dont l'idéal est formé ;
Son constructeur est la pensée, sa base est le désir du cœur,
Mais rien de réel ne répond à leur appel.
L'idéal n'habite pas le ciel, ni sur la terre,
Un délire scintillant de l'ardeur humaine d'espoir
Ivre du vin de sa propre fantaisie.
C'est la traînée brillante d'une ombre de rêve.
L'erreur de ta vision construit les cieux d'azur,
L'erreur de ta vision a dessiné l'arc-en-ciel ;
Ton aspiration mortelle a fait pour toi une âme.
Cet ange dans ton corps que tu appelles amour,
Qui forme ses ailes avec les nuances de tes émotions,
Est né dans un ferment de ton corps
Et avec le corps qui l'abrite, il doit mourir
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It is a passion of thy yearning cells,
It is flesh that calls to flesh to serve its lust;
It is thy mind that seeks an answering mind
And dreams awhile that it has found its mate;
It is thy life that asks a human prop
To uphold its weakness lonely in the world
Or feeds its hunger on another's life.
A beast of prey that pauses in its prowl,
It crouches under a bush in splendid flower
To seize a heart and body for its food:
This beast thou dreamst immortal and a god.
O human mind, vainly thou torturest
An hour's delight to stretch through infinity's
Long void and fill its formless, passionless gulfs,
Persuading the insensible Abyss
To lend eternity to perishing things,
And trickst the fragile movements of thy heart
With thy spirit's feint of immortality.
All here emerges born from Nothingness ;
Encircled it lasts by the emptiness of Space,
Awhile upheld by an unknowing Force,
Then crumbles back into its parent Nought:
Only the mute Alone can ever be.
In the Alone there is no room for love.
In vain to clothe love's perishable mud
Thou hast woven on the Immortal's borrowed loom
The ideal's gorgeous and unfading robe.
The ideal never yet was real made.
Imprisoned in form that glory cannot live;
Into a body shut it breathes no more.
Intangible, remote, for ever pure,
A sovereign of its own brilliant void,
Unwillingly it descends to earthly air
To inhabit a white temple in man's heart:
In his heart it shines rejected by his life.
Immutable, bodiless, beautiful, grand and dumb,
Immobile on its shining throne it sits;
Dumb it receives his offering and his prayer.
It has no voice to answer to his call,
No feet that move, no hands to take his gifts:
C'est la passion de tes cellules assoiffées,
C'est la chair qui appelle la chair pour servir sa luxure,
C'est ton mental qui cherche la réponse d'un mental
Et rêve un instant qu'il a trouvé son compagnon ;
C'est ta vie qui demande un appui humain
Pour soutenir sa faiblesse isolée dans le monde
Ou qui nourrit sa faim sur la vie d'un autre.
Une bête de proie qui s'arrête dans sa promenade,
Elle se tapit sous un buisson en fleur splendide
Pour saisir un cœur et un corps pour s'en nourrir :
Cette bête, tu la rêves immortelle et un dieu.
Ô mental humain, vainement tu tortures
La félicité d'une heure pour l'étirer jusqu'à l'infinité
Et son long vide et remplir ses gouffres sans forme et sans passion,
Persuadant l'Abîme insensible
De prêter l'éternité aux choses périssables,
Et tu dupes les mouvements fragiles de ton cœur
Avec la feinte d'immortalité de ton esprit.
Tout ce qui émerge ici est né de Rien ;
Encerclé cela dure par le vide de l'Espace,
Soutenu un moment par une Force qui ne sait pas,
Puis s'écroule de nouveau dans son parent le Néant :
C'est seulement le Muet qui peut toujours être.
Dans le Solitaire, il n'y a pas de place pour l'amour.
En vain pour vêtir la boue périssable de l'amour
As-tu tissé sur le métier emprunté à l'Immortel
La robe splendide et impérissable de l'idéal.
Jamais encore l'idéal n'a été rendu réel.
Emprisonnée dans la forme, cette gloire ne peut pas vivre ;
Enfermé dans un corps, il ne respire plus.
Intangible, lointain, à jamais pur,
Souverain de son propre vide brillant,
À contre-cœur il descend dans l'air terrestre
Pour habiter un temple blanc dans le cœur de l'homme ;
Dans son cœur l'idéal resplendit, rejeté par sa vie.
Immuable, sans corps, beau, grand et silencieux,
Sur son trône brillant, il s'assoit immobile ;
Muet, il reçoit l'offrande de l'homme et sa prière.
Il n'a pas de voix pour répondre à l'appel humain,
Pas de pieds pour bouger, pas de mains pour prendre ses offrandes :
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Aerial statue of the nude Idea,
Virgin conception of a bodiless god,
Its light stirs man the thinker to create
An earthly semblance of diviner things.
Its hued reflection falls upon man's acts;
His institutions are its cenotaphs,
He signs his dead conventions with its name;
His virtues don the Ideal's skiey robe
And a nimbus of the outline of its face:
He hides their littleness with the divine Name.
Yet insufficient is the bright pretence
To screen their indigent and earthy make:
Earth only is there and not some heavenly source.
If heavens there are they are veiled in their own light,
If a Truth eternal somewhere reigns unknown,
It burns in a tremendous void of God ;
For truth shines far from the falsehoods of the world;
How can the heavens come down to unhappy earth
Or the eternal lodge in drifting time ?
How shall the Ideal tread earth's dolorous soil
Where life is only a labour and a hope,
A child of Matter and by Matter fed,
A fire flaming low in Nature's grate,
A journey's toilsome trudge with death for goal ?
The Avatars have lived and died in vain,
Vain was the sage's thought, the prophet's voice;
In vain is seen the shining upward Way.
Earth lies unchanged beneath the circling sun;
She loves her fall and no omnipotence
Her mortal imperfections can erase,
Force on man's crooked ignorance Heaven's straight line
Or colonise a world of death with gods.
O traveller in the chariot of the Sun,
High priestess in the holy fancy's shrine
Who with a magic ritual in earth's house
Worshippest ideal and eternal love,
What is this love thy thought has deified,
This sacred legend and immortal myth ?
Statue aérienne de l'Idée nue,
Conception vierge d'un dieu sans corps,
Sa lumière pousse l'homme le penseur à créer
Une ressemblance terrestre des choses plus divines.
Sa réflexion colorée tombe sur les actions des hommes
Dont les institutions sont ses cénotaphes,
II signe ses conventions mortes du nom de l'Idéal
...........................................................................*
Et le nimbe du contour de sa face ;
II cache leur petitesse avec le Nom divin.
Pourtant, insuffisante est la prétention brillante
De voiler l'indigence de leur fabrication terrestre :
Seule la terre est là et non pas une source céleste.
S'il y a des cieux, ils sont voilés par leur propre lumière,
Si, quelque part, une Vérité éternelle règne inconnue,
Elle brûle dans un vide formidable de Dieu ;
Car la vérité brille loin du mensonge du monde ;
Comment les cieux peuvent-ils descendre sur la terre malheureuse
Ou l'éternel loger dans le temps en dérive ?
Comment l'Idéal peut-il fouler le sol douloureux de la terre
Où la vie n'est qu'un labeur et un espoir,
Un enfant de la Matière, nourri par la Matière,
Un feu qui flambe bas dans le foyer de la Nature,
Le cheminement d'un voyage laborieux ayant la mort pour but ?
Les Avatars ont vécu et sont morts en vain,
Vaine était la pensée du sage, la voix du prophète ;
En vain est vue la Voie montante qui brille.
La terre ne change point sous la ronde du soleil ;
Elle aime sa chute et aucune omnipotence
Ne peut effacer ses imperfections mortelles,
Ne peut imposer sur l'ignorance perverse de l'homme, la ligne droite du Ciel
Ou coloniser le monde de la mort avec des dieux.
Ô voyageuse dans le char du Soleil,
Grande prêtresse du sanctuaire de la fantaisie sainte,
Qui, dans la maison de la terre, avec un rituel magique
Adores l'idéal et l'amour éternel,
Qu'est cet amour que ta pensée a déifié,
Cette légende sacrée, ce mythe immortel ?
* Une ligne manque dans la traduction dont le sens est le suivant : Ses vertus revêtent la robe de ciel de l'idéal.
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It is a conscious yearning of thy flesh,
It is a glorious burning of thy nerves,
A rose of dream-splendour petalling thy mind,
A great red rapture and torture of thy heart.
A sudden transfiguration of thy days,
It passes and the world is as before.
A ravishing edge of sweetness and of pain,
A thrill in its yearning makes it seem divine,
A golden bridge across the roar of the years,
A cord tying thee to eternity.
And yet how brief and frail! how soon is spent
This treasure wasted by the gods on man,
This happy closeness as of soul to soul,
This honey of the body's companionship,
This heightened joy, this ecstasy in the veins,
This strange illumination of the sense !
If Satyavan had lived, love would have died;
But Satyavan is dead and love shall live
A little while in thy sad breast, until
His face and body fade on memory's wall
Where other bodies, other faces come.
When love breaks suddenly into the life
At first man steps into a world of the sun ;
In his passion he feels his heavenly element:
But only a fine sunlit patch of earth
The marvellous aspect took of heaven's outburst.
The snake is there and the worm in the heart of the rose.
A word, a moment's act can slay the god ;
Precarious is his immortality,
He has a thousand ways to suffer and die;
Love cannot live by heavenly food alone,
Only on sap of earth can it survive.
For thy passion was a sensual want refined;
A hunger of the body and the heart;
Thy want can tire and cease or turn elsewhere
Or love may meet a dire and pitiless end
By bitter treason, or wrath with cruel wounds
Separate, or thy unsatisfied will to others
Depart when first love's joy lies stripped and slain:
A dull indifference replaces fire
C'est un désir conscient de ta chair,
C'est une brûlure glorieuse de tes nerfs,
La rosé d'une splendeur de rêve pétalant ton mental,
Un grand ravissement rouge et une torture de ton cœur.
Soudaine transfiguration de tes jours,
Elle passe, et le monde est comme auparavant.
Un rebord ravissant de douceur et de peine,
Un frisson dans son désir le fait paraître divin,
Un pont doré au-dessus du grondement des années,
Une corde t'attachant à l'éternité
Et pourtant combien bref et frêle ! si vite est dépensé
Ce trésor gaspillé par les dieux sur l'homme,
Cette heureuse intimité, comme d'âme à âme,
Le miel de ce compagnon du corps,
Cette joie exhaussée, cette extase dans les veines,
Cette étrange illumination des sens !
Si Satyavan avait vécu, l'amour serait mort ;
Mais Satyavan est mort et l'amour vivra
Pendant quelque temps dans ta poitrine douloureuse jusqu'à ce que
La figure et le corps s'effacent du mur de la mémoire
Où d'autres corps, d'autres figures viennent.
Quand l'amour apparaît soudain dans la vie
Tout d'abord l'homme pénètre dans un monde de soleil ;
Dans sa passion, il sent son élément céleste :
Mais seulement un beau morceau ensoleillé de la terre
L'aspect merveilleux a pris l'éclat céleste,
Le serpent est là et le ver dans le cœur de la rosé.
Un mot, l'acte d'un moment peut frapper le dieu ;
Précaire dans son immortalité,
II a mille moyens de souffrir et de mourir ;
L'amour ne peut pas vivre sur la seule nourriture céleste,
II ne peut survivre que par la sève de la terre.
Car ta passion était un besoin sensuel raffiné ;
Une faim du corps et du cœur ;
Ton besoin peut se fatiguer et cesser ou tourner ailleurs
Ou l'amour peut rencontrer une fin terrible et sans pitié
Par la trahison amère, ou la fureur avec ses blessures cruelles
Séparé, ou ta volonté insatisfaite, vers d'autres
S'en va, quand la joie du premier amour est dépouillée et détruite :
Une terne indifférence remplace la flamme
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Or an endearing habit imitates love:
An outward and uneasy union lasts
Or the routine of a life's compromise.
Where once the seed of oneness had been cast
Into a semblance of spiritual ground
By a divine adventure of heavenly powers
Two strive, constant associates without joy,
Two egos straining in a single leash,
Two minds divided by their jarring thoughts,
Two spirits disjoined, for ever separate.
Thus is the ideal falsified in man's world;
Trivial or sombre, disillusion comes,
Life's harsh reality stares at the soul:
Heaven's hour adjourned flees into bodiless Time.
Death saves thee from this and saves Satyavan:
He now is safe, delivered from himself;
He travels to silence and felicity.
Call him not back to the treacheries of earth
And the poor petty life of animal Man.
In my vast tranquil spaces let him sleep
In harmony with the mighty hush of death
Where love lies slumbering on the breast of peace.
And thou, go back alone to thy frail world :
Chastise thy heart with knowledge, unhood and see,
Thy nature raised into clear living heights,
The heaven-bird's view from unimagined peaks.
For when thou givest thy spirit to a dream
Soon hard necessity will smite thee awake:
Purest delight began and it must end.
Thou too shalt know, thy heart no anchor swinging,
Thy cradled soul moored in eternal seas.
Vain are the cycles of thy brilliant mind.
Renounce, forgetting joy and hope and tears,
Thy passionate nature in the bosom profound
Of a happy Nothingness and wordless Calm,
Delivered into my mysterious rest.
One with my fathomless Nihil all forget.
Forget thy fruitless spirit's waste of force,
Forget the weary circle of thy birth,
Forget the joy and the struggle and the pain,
Ou une habitude affectueuse imite l'amour ;
Une union extérieure et inquiète se prolonge
Ou la routine d'une vie de compromis.
Là où le germe d'unité fut semé
Dans ce qui semblait être un terrain spirituel
Par une aventure divine de pouvoirs célestes,
Deux êtres se débattent, constants associés sans joie,
Deux ego s'efforcent dans une seule laisse,
Deux mentalités divisées par leurs pensées discordantes,
Deux esprits disjoints, à jamais séparés.
Ainsi l'idéal est falsifié dans le monde de l'homme,
Triviale ou sombre, la désillusion vient,
La dure réalité de la vie s'impose à l'âme ;
L'heure du ciel ajournée s'enfuit dans le Temps sans corps.
La mort te sauve de cela, et sauve Satyavan :
Lui maintenant est en sécurité, délivré de lui-même ;
II voyage vers le silence et la félicité.
Ne le rappelle pas vers les trahisons de la terre
Et la pauvre vie mesquine de l'homme animal.
Dans mes espaces vastes et tranquilles, laisse-le dormir
En harmonie avec le silence majestueux de la mort
Où l'amour est couché endormi sur la poitrine de la paix.
Et toi, retourne seule à ton monde fragile ;
Corrige ton cœur avec la connaissance ; déchaperonne et vois
Ta nature soulevée à des hauteurs vivantes et claires,
La vue des oiseaux du ciel sur des pics inimaginables.
Car lorsque tu donnes ton esprit à un rêve
Bientôt la dure nécessité t'éveillera en frappant :
La plus pure félicité eut un commencement, et doit avoir une fin.
Toi aussi tu sauras que ton cœur ne se balance pas à l'ancré,
Ton âme bercée amarrée dans les mers éternelles.
Les cycles de ton mental brillant sont vains.
Renonce, oubliant la joie, l'espoir et les larmes,
Ta nature passionnée, dans le sein profond
D'un Néant heureux et d'un Calme sans mots,
Délivrée dans mon repos mystérieux.
Unie à mon Rien insondable, oublie tout.
Oublie le gaspillage de force stérile de ton esprit,
Oublie le cercle lassé de ta naissance,
Oublie la joie et la lutte et la douleur,
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The vague spiritual quest which first began
When worlds broke forth like clusters of fire-flowers,
And great burning thoughts voyaged through the sky of mind
And Time and its aeons crawled across the vasts
And souls emerged into mortality."
But Savitri replied to the dark Power:
"A dangerous music now thou findst, O Death,
Melting thy speech into harmonious pain,
And flut'st alluringly to tired hopes
Thy falsehoods mingled with sad strains of truth.
But I forbid thy voice to slay my soul.
My love is not a hunger of the heart,
My love is not a craving of the flesh;
It came to me from God, to God returns.
Even in all that life and man have marred,
A whisper of divinity still is heard,
A breath is felt from the eternal spheres.
Allowed by Heaven and wonderful to man
A sweet fire-rhythm of passion chants to love.
There is a hope in its wild infinite cry;
It rings with callings from forgotten heights,
And when its strains are hushed to high-winged souls
In their empyrean, its burning breath
Survives beyond, the rapturous core of suns
That flame for ever pure in skies unseen,
A voice of the eternal Ecstasy.
One day I shall behold my great sweet world
Put off the dire disguises of the gods,
Unveil from terror and disrobe from sin.
Appeased we shall draw near our Mother's face,
We shall cast our candid souls upon her lap ;
Then shall we clasp the ecstasy we chase,
Then shall we shudder with the long-sought god,
Then shall we find Heaven's unexpected strain.
Not only is there hope for godheads pure;
The violent and darkened deities
Leaped down from the one breast in rage to find
What the white gods had missed: they too are safe;
A Mother's eyes are on them and her arms
Stretched out in love desire her rebel sons.
La vague quête spirituelle qui commença d'abord
Quand les mondes jaillirent comme des grappes de fleurs de feu,
Et que de grandes pensées brûlantes voyagèrent à travers le ciel mental
Et que le Temps et ses éons se traînèrent à travers les immensités
Et que les âmes émergèrent dans la mortalité."
Mais Savitri répondit au Pouvoir sombre :
"Tu trouves maintenant une dangereuse musique, ô Mort,
Attendrissant ton discours en une peine harmonieuse,
Et jouant d'une flûte séduisante aux espoirs fatigués
Tes mensonges mélangés à de tristes tendances de vérité.
Mais j'interdis à ta voix de tuer mon âme.
Mon amour n'est pas une faim du cœur,
Mon amour n'est pas un désir de la chair ;
II m'est venu de Dieu, à Dieu il retourne.
Même dans tout ce que la vie et l'homme ont défiguré
On entend encore un murmure de divinité,
On sent un souffle des sphères éternelles.
Autorisé par le Ciel et merveilleux pour l'homme
Un doux rythme de feu de la passion chante à l'amour.
Il y a un espoir dans son cri sauvage infini ;
II résonne d'appels venant de hauteurs oubliées
Et quand ses accents se taisent dans des âmes de haute envolée
Dans leur empyrée, son souffle brûlant
Survit au-delà, le cœur joyeux des soleils
Cette flamme à jamais pure dans des cieux invisibles,
Une voix de l'Extase éternelle.
Un jour je contemplerai mon grand et doux monde
Débarrassé des déguisements cruels des dieux,
Dévoilé de la terreur et dépouillé du péché.
Apaisés nous nous rapprocherons de la face de notre Mère,
Nous jetterons nos âmes candides sur ses genoux ;
Alors nous saisirons l'extase que nous poursuivons,
Alors nous tressaillirons avec le dieu recherché si longtemps,
Alors nous trouverons le ton inattendu du Ciel.
Il n'y a pas d'espoir seulement pour la pure Divinité ;
Les déités violentes et obscures
Bondirent, descendant de la poitrine unique, dans la rage de trouver
Ce que les dieux blancs avaient manqué ; eux aussi sont en sécurité ;
Les yeux d'une Mère sont sur eux, et ses bras
Tendus par amour, désirent ses fils rebelles.
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One who came, love and lover and beloved
Eternal, built himself a wondrous field
And wove the measures of a marvellous dance.
There in its circles and its magic turns
Attracted he arrives, repelled he flees.
In the wild devious promptings of his mind
He tastes the honey of tears and puts off joy
Repenting, and has laughter and has wrath,
And both are a broken music of the soul
Which seeks out, reconciled, its heavenly rhyme.
Ever he comes to us across the years
Bearing a sweet new face that is the old.
His bliss laughs to us or it calls concealed
Like a far-heard unseen entrancing flute
From moonlit branches in the throbbing woods,
Tempting our angry search and passionate pain.
Disguised the Lover seeks and draws our souls.
He named himself for me, grew Satyavan.
For we are man and woman from the first,
The twin souls born from one undying fire.
Did he not dawn on me in other stars ?
How has he through the thickets of the world
Pursued me like a lion in the night
And come upon me suddenly in the ways
And seized me with his glorious golden leap !
Unsatisfied he yearned for me through time,
Sometimes with wrath and sometimes with sweet peace,
Desiring me since first the world began.
He rose like a wild wave out of the floods
And dragged me helpless into seas of bliss.
Out of my curtained past his arms arrived;
They have touched me like the soft persuading wind,
They have plucked me like a glad and trembling flower,
And clasped me happily burned in ruthless flame.
I too have found him charmed in lovely forms
And run delighted to his distant voice
And pressed to him past many dreadful bars.
If there is a yet happier greater god,
Let him first wear the face of Satyavan
And let his soul be one with him I love;
Celui qui est venu, amour, amant et bien-aimé
Eternel, construisit lui-même un champ admirable
Et tissa les mesures d'une danse merveilleuse.
Là, dans ses cercles et ses courbes magiques
Attiré il arrive, repoussé il s'enfuit.
Dans les impulsions errantes et désordonnées de son esprit
II goûte le miel des larmes et retarde la joie
Par le repentir, il a le rire et il a la fureur,
Et tous deux sont une musique brisée de l'âme
Qui recherche, réconciliée, son rythme céleste.
Toujours il vient à nous à travers les années
Portant une douce figure nouvelle qui est l'ancienne.
Sa félicité nous rit, ou elle appelle cachée
Comme une flûte lointaine, invisible et enchanteresse
Venant de branches éclairées par la lune dans les bois palpitants,
Tentant notre recherche irritée et notre peine passionnée.
Déguisé, l'Amant cherche et attire nos âmes.
Il s'est nommé pour moi, a grandi Satyavan.
Car nous sommes l'homme et la femme depuis le commencement,
Les âmes jumelles nées d'un feu unique qui ne s'éteint pas.
Ne m'est-il pas apparu dans d'autres étoiles ?
Comme il m'a, à travers les taillis du monde,
Poursuivie comme un lion dans la nuit
Et venu à moi subitement sur les chemins
Et m'a saisie d'un bond doré glorieux :
Insatisfait il me voulait à travers le temps
Parfois avec fureur et parfois avec une douce paix,
Me désirant depuis que le monde commença.
Il surgit comme une vague déréglée hors des flots
Et m'attira, sans défense, dans des mers de béatitude.
Hors de mon passé voilé ses bras arrivèrent ;
Ils m'ont touchée comme un doux vent persuasif,
Ils m'ont cueillie comme une fleur heureuse et tremblante,
Et m'ont serrée heureusement brûlée dans une flamme implacable.
Moi aussi je l'ai trouvé, charmée par des formes ravissantes
Et j'ai couru charmée vers sa voix lointaine
Et me suis empressée vers lui en passant de terribles barrières.
S'il y a un dieu encore plus grand et plus heureux,
Qu'il revête d'abord la figure de Satyavan
Et que son âme soit une avec celui que j'aime :
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So let him seek me that I may desire.
For only one heart beats within my breast
And one god sits there throned. Advance, O Death,
Beyond the phantom beauty of this world ;
For of its citizens I am not one.
I cherish God the Fire, not God the Dream."
But Death once more inflicted on her heart
The majesty of his calm and dreadful voice:
"A bright hallucination are thy thoughts.
A prisoner haled by a spiritual cord,
Of thy own sensuous will the ardent slave,
Thou sendest eagle-poised to meet the sun
Words winged with the red splendour of thy heart.
But knowledge dwells not in the passionate heart;
The heart's words fall back unheard from Wisdom's throne.
Vain is thy longing to build heaven on earth.
Artificer of Ideal and Idea,
Mind, child of Matter in the womb of Life,
To higher levels persuades his parents' steps;
Inapt, they follow ill the daring guide.
But Mind, a glorious traveller in the sky,
Walks lamely on the earth with footsteps slow;
Hardly he can mould the life's rebellious stuff,
Hardly can he hold the galloping hooves of sense:
His thoughts look straight into the very heavens;
They draw their gold from a celestial mine,
His acts work painfully a common ore.
All thy high dreams were made by Matter's mind
To solace its dull work in Matter's jail,
Its only house where it alone seems true.
A solid image of reality
Carved out being to prop the works of Time;
Matter on the firm earth sits strong and sure.
It is the first-born of created things,
It stands the last when mind and life are slain,
And if it ended all would cease to be.
All else is only its outcome or its phase:
Thy soul is a brief flower by the gardener Mind
Ainsi qu'il me recherche pour que je le désire.
Car un seul cœur bat au-dedans de ma poitrine
Et un seul dieu est assis là sur le trône. Avance, ô Mort,
Au-delà de la beauté fantôme de ce monde :
Car je ne suis pas un de ses citoyens.
Je chéris Dieu le Feu, non pas Dieu le Rêve."
Mais, une fois de plus, la Mort infligea sur son cœur
La majesté de sa voix calme et inexorable :
"Tes pensées sont une brillante hallucination.
Un prisonnier haie par une corde spirituelle,
Ou l'esclave ardente de ta propre volonté sensuelle,
Tu envoies, avec un port d'aigle pour rencontrer le soleil
Des mots ailés de la rouge splendeur de ton cœur.
Mais la connaissance ne demeure pas dans le cœur passionné ;
Les paroles du cœur retombent sans être entendues du trône de la Sagesse.
Vaine est ton aspiration à construire le ciel sur la terre.
Artificier de l'Idéal et de l'Idée,
Mental, enfant de la Matière dans la matrice de la Vie,
Vers des niveaux supérieurs, entraîne les pas de ses parents,
Inaptes, ils suivent mal le guide hardi.
Mais le Mental, un voyageur glorieux dans le ciel,
Marche en boitant sur la terre avec des pas lents ;
A peine peut-il mouler la substance rebelle de la vie,
A peine peut-il tenir les sabots galopants des sens :
Ses pensées regardent tout droit dans les deux mêmes ;
Elles tirent leur or d'une mine céleste,
Ses actes travaillent douloureusement un minerai commun.
Tous tes hauts rêves étaient faits par le mental de la Matière,
...........................................................................................*
La seule maison où lui seul semble vrai,
Une solide image de la réalité
Sculptée pour être l'étai des œuvres du Temps ;
Sur la terre ferme la matière est assise forte et sûre.
Elle est le premier-né des choses créées,
Elle demeure la dernière quand le mental et la vie sont tués,
Et si elle prenait fin, tout cesserait d'être.
Tout le reste n'est que son produit ou sa phase ;
Ton âme est une brève fleur, par le Mental jardinier
* Une ligne manque dans la traduction dont le sens est le suivant : Pour se consoler du travail fastidieux dans la prison de la Matière.
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Created on thy Matter's terrain plot;
It perishes with the plant on which it grows,
For from earth's sap it draws its heavenly hue:
Thy thoughts are gleams that pass on Matter's verge,
Thy life a lapsing wave on Matter's sea.
A careful steward of Truth's limited means,
Treasuring her founded facts from the squandering Power,
It tethers mind to the tent-posts of sense,
To a leaden grey routine clamps Life's caprice
And ties all creatures with the cords of Law.
A vessel of transmuting alchemies,
A glue that sticks together mind and life,
If Matter fails, all crumbling cracks and falls.
All upon Matter stands as on a rock.
Yet this security and guarantor
Pressed for credentials an impostor proves
A cheat of substance where no substance is,
An appearance and a symbol and a nought,
Its forms have no original right to birth:
Its aspect of a fixed stability
Is the cover of a captive motion's swirl,
An order of the steps of Energy's dance
Whose footmarks leave forever the same signs,
A concrete face of unsubstantial Time,
A trickle dotting the emptiness of Space:
A stable-seeming movement without change,
Yet change arrives and the last change is death.
What seemed most real once, is Nihil's show.
Its figures are snares that trap and prison the sense;
The beginningless void was its artificer:
Nothing is there but aspects limned by Chance
And seeming shapes of seeming Energy.
All by Death's mercy breathe and live awhile,
All think and act by the Inconscient's grace.
Addict of the roseate luxury of thy thoughts,
Turn not thy gaze within thyself to look
At visions in the gleaming crystal, Mind,
Close not thy lids to dream the forms of Gods.
At last to open thy eyes consent and see
The stuff of which thou and the world are made.
Créée sur ton pan de terrain de la Matière ;
Elle périt avec la plante sur laquelle elle croît,
Car de la sève de la terre elle tire sa nuance céleste :
Tes pensées sont des rayons qui passent sur la lisière de la Matière,
Ta vie est une vague qui coule sur la mer de la Matière.
Un intendant soigneux des moyens limités de la Vérité,
Amassant les faits établis provenant du Pouvoir gaspilleur,
II enchaîne le mental aux pieux de tente des sens,
A une routine gris de plomb, il cramponne le caprice de la Vie
Et attache toutes les créatures avec les cordes de la Loi.
Un récipient d'alchimies transmutatrices,
Une glu qui colle ensemble le mental et la vie,
Si la Matière faillit, tout s'écroulant craque et tombe.
Sur la Matière, tout se tient comme sur un roc.
Pourtant, cette sécurité, cette garantie
Pressée par ses lettres de créance, prouve être un imposteur ;
Une tromperie de substance où la substance n'est pas,
Une apparence, un symbole et un néant,
Ses formes n'ont aucun droit originel à la naissance ;
Son aspect de stabilité fixe
Est le couvert du remous d'un mouvement captif;
L'ordre des pas de la danse de l'Energie
Dont les pas laissent toujours les mêmes empreintes,
La face concrète du temps immatériel,
Un suintement pointillant le vide de l'Espace :
Un mouvement qui semble stable sans changement,
Pourtant des changements surviennent et le dernier changement est la Mort.
Ce qui, un temps, semblait le plus réel est la parade du Néant.
Les figures sont des pièges qui attrapent et emprisonnent les sens ;
Le vide sans commencement en était l'artisan :
II n'y a rien excepté des aspects enluminés par la Chance
Et les apparences de formes d'une apparence d'Energie.
Tous par la miséricorde de la Mort respirent et vivent pour un temps,
Tous pensent et agissent par la grâce de l'Inconscient.
Adonnée au luxe le plus rosé de tes pensées,
Ne tourne pas ton regard au-dedans de toi pour voir
Des visions dans le cristal miroitant, esprit,
Ne ferme pas tes paupières pour rêver les formes des Dieux.
Consens enfin à ouvrir tes yeux et vois
L'étoffé dont vous êtes faits, toi et le monde.
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Inconscient in the still inconscient Void
Inexplicably a moving world sprang forth:
Awhile secure, happily insensible,
It could not rest content with its own truth.
For something on its nescient breast was born.
Condemned to see and know, to feel and love,
It watched its acts, imagined a soul within;
It groped for truth and dreamed of Self and God.
When all unconscious was, then all was well.
I, Death, was king and kept my regal state,
Designing my unwilled, unerring plan,
Creating with a calm insentient heart.
In my sovereign power of unreality
Obliging nothingness to take a form,
Infallibly my blind unthinking force
Making by chance a fixity like fate's,
By whim the formulas of Necessity,
Founded on the hollow ground of the Inane
The sure bizarrerie of Nature's scheme.
I curbed the vacant ether into Space;
A huge expanding and contracting breath
Harboured the fires of the universe:
I struck out the supreme original spark
And spread its sparse ranked armies through the Inane,
Manufactured the stars from the occult radiances,
Marshalled the platoons of the invisible dance;
I formed earth's beauty out of atom and gas,
And built from chemic plasm the living man.
Then Thought came in and spoilt the harmonious world:
Matter began to hope and think and feel,
Tissue and nerve bore joy and agony.
The inconscient cosmos strove to learn its task;
An ignorant personal god was born in Mind
And to understand invented reason's law,
The impersonal Vast throbbed back to man's desire,
A trouble rocked the great world's blind still heart
And Nature lost her wide immortal calm.
Thus came this warped incomprehensible scene
Of souls enmeshed in life's delight and pain
And Matter's sleep and Mind's mortality,
Inconscient dans le Vide toujours inconscient
Inexplicablement, un monde en mouvement jaillit :
Pendant un temps en sécurité, heureusement insensible,
II ne pouvait se contenter de sa propre vérité.
Car sur son sein ignorant quelque chose naquit
Condamné à voir et à savoir, à sentir et à aimer,
II observa ses actions, imagina une âme au-dedans,
Tâtonna en quête de la vérité et rêva d'un Moi et de Dieu.
Quand tout était inconscient, alors tout allait bien.
Moi, la Mort, j'étais roi et gardais mon état royal,
Préparant mon plan infaillible sans volonté,
Créant avec un cœur calme et insensible.
Dans mon pouvoir souverain d'irréalité
Obligeant le rien de prendre une forme,
Infailliblement, ma force aveugle sans penser
Faisant par hasard une fixité comme celle du destin,
Par caprice, les formules de la Nécessité,
Fonda sur le terrain creux de l'Absurde
Les bizarreries certaines du plan de la Nature.
J'ai courbé l'éther vacant en Espace ;
Un souffle énorme se dilatant et se contractant
Hébergea les feux de l'univers :
J'allumai l'étincelle originelle suprême
Et répandis l'éparpillement de ses armées rangées à travers le Vide,
J'ai manufacturé les étoiles avec des radiations occultes,
Arrangé les pelotons de la danse invisible ;
J'ai formé la beauté de la terre avec l'atome et le gaz,
Et construit avec le plasma chimique l'homme vivant.
Alors la Pensée arriva et abîma le monde harmonieux ;
La matière commença à espérer, à penser, à sentir,
Les tissus et les nerfs portèrent la joie et l'agonie.
Le cosmos inconscient s'efforça d'apprendre sa tâche ;
Un dieu personnel ignorant naquit dans le mental
Et, pour comprendre, inventa la loi de la raison,
L'Immensité impersonnelle palpita en réponse au désir de l'homme,
Un trouble secoua le grand cœur aveugle et tranquille du monde
Et la Nature perdit son vaste calme immortel.
Ainsi arriva cette scène pervertie et incompréhensible
D'âmes prises au filet de joie et de peine de la vie
Et le sommeil de la Matière et la mortalité du mental,
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Of beings in Nature's prison waiting death
And consciousness left in seeking ignorance.
This is the world in which thou mov'st, astray
In the tangled pathways of the human mind,
In the issueless circling of thy human life,
Searching for thy soul and thinking God is here.
But where is room for soul or place for God
In the brute immensity of a machine ?
A transient Breath thou takest for thy soul,
Born from a gas, a plasm, a sperm, a gene,
A magnified image of man's mind for God,
A shadow of thyself thrown upon Space.
Interposed between the upper and nether Void,
Thy consciousness reflects the world around
In the distorting mirror of ignorance
Or upwards turns to catch imagined stars.
Or if a half Truth is playing with the earth
Throwing its light on a dark shadowy ground,
It touches only and leaves a luminous smudge.
Immortality thou claimest for thy spirit;
But immortality for imperfect man,
A god who hurts himself at every step,
Would be a cycle of eternal pain.
Wisdom and love thou claimest as thy right;
But knowledge in this world is error's make,
A brilliant procuress of Nescience,
And human love a posturer on earth-stage
Who imitates with verve a feary dance.
An extract pressed from hard experience,
Man's knowledge casked in the barrels of Memory
Has the harsh savour of a mortal draught:
A sweet secretion from the erotic glands
Flattering and torturing the burning nerves
Love is a honey and poison in the breast
Drunk by it as the nectar of the gods.
Earth's human wisdom is no great-browed power,
And love no gleaming angel from the skies.
If they aspire beyond earth's dullard air,
Arriving sunwards with frail waxen wings
How high could reach that forced unnatural flight ?
D'êtres attendant la mort dans la prison de la Nature
Et la conscience abandonnée à la recherche de l'ignorance.
Tel est le monde dans lequel tu te meus, errant
Dans les chemins enchevêtrés du mental humain,
Dans le cercle sans issue de ta vie humaine,
A la recherche de ton âme et pensant que Dieu est ici.
Mais où y a-t-il de l'espace pour une âme et une place pour Dieu
Dans l'immensité brutale d'une machine ?
Un souffle transitoire, tu le prends pour ton âme
Né d'un gaz, d'un plasma, d'un sperme, d'un gène,
Une image magnifiée du mental humain comme Dieu,
Une ombre de toi-même jetée sur l'Espace.
Interposée entre le Vide supérieur et le Vide inférieur,
Ta conscience reflète le monde alentour
Dans le miroir déformant de l'Ignorance,
Ou vers le haut se tourne pour attraper des étoiles imaginaires,
Ou si une demi-vérité joue avec cette terre
Projetant sa lumière sur l'ombre d'un sol obscur
Elle touche seulement et laisse une tache lumineuse.
Tu réclames l'immortalité pour ton esprit,
Mais l'immortalité pour l'homme imparfait,
Un dieu qui se fait mal à chaque pas,
Serait un cycle de peine éternelle.
La sagesse et l'amour, tu les réclames comme ton droit ;
Mais dans ce monde la connaissance est faite par l'erreur,
Une brillante entremetteuse de la Nescience,
Et l'amour humain un acrobate sur l'estrade de la terre
Qui imite avec verve une danse féerique
Un extrait pressuré d'une dure expérience,
La connaissance de l'homme embarillé dans les barriques de la mémoire
A l'acre saveur d'une potion mortelle :
Une sécrétion sucrée des glandes érotiques
Flattant et torturant les nerfs embrasés,
L'amour est un miel et un poison dans la poitrine
Bu par elle comme le nectar des dieux.
La sagesse humaine de. la terre n'est pas un pouvoir intimidant
Et l'amour n'est pas un ange radieux venu des cieux.
S'ils aspirent au-delà de l'air lourd de la terre,
Arrivant vers le soleil avec de frêles ailes de cire
A quelle hauteur peut atteindre ce vol forcé contre nature ?
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But not on earth can divine wisdom reign
And not on earth can divine love be found;
Heaven-born, only in heaven can they live,
Or else there too perhaps they are shining dreams.
Nay, is not all thou art and doest a dream ?
Thy mind and life are tricks of Matter's force.
If thy mind seems to thee a radiant sun,
If thy life runs a swift and glorious dream,
This is the illusion of thy mortal heart
Dazzled by a ray of happiness or light.
Impotent to live by their own right divine,
Convinced of their brilliant unreality,
When their supporting ground is cut away,
These children of Matter into Matter die.
Even Matter vanishes into Energy's vague
And Energy is a motion of old Nought.
How shall the Ideal's unsubstantial hues
Be painted stiff on earth's vermilion blur,
A dream within a dream come doubly true ?
How shall the will-o'-the-wisp become a star ?
The Ideal is a malady of thy mind,
A bright delirium of thy speech and thought,
A strange wine of beauty lifting thee to false sight.
A noble fiction of thy yearnings made,
Thy human imperfection it must share:
Its forms in Nature disappoint the heart,
And never shall it find its heavenly shape
And never can it be fulfilled in Time.
O soul misled by the splendour of thy thoughts,
O earthly creature with thy dream of heaven,
Obey, resigned and still, the earthly law.
Accept the light that falls upon thy days;
Take what thou canst of Life's permitted joy,
Submitting to the ordeal of Fate's scourge
Suffer what thou must of toil and grief and care.
There shall approach silencing thy passionate heart
My long calm night of everlasting sleep :
There into the hush from which thou cam'st retire."
Mais ce n'est pas sur terre que peut régner la sagesse divine
Et pas sur terre que l'amour divin peut être trouvé ;
Nés du ciel, seulement au ciel ils peuvent vivre,
Ou bien, là aussi peut-être ils sont des rêves brillants.
Bien plus, tout ce que tu es et tout ce que tu fais, n'est-ce point un rêve ?
Ton mental et ta vie sont des trucs de la force de la matière.
Si ton mental te semble un soleil radieux,
Si ta vie coule selon un rêve rapide et glorieux,
Ceci est l'illusion de ton cœur mortel
Ebloui par un rayon de bonheur ou de lumière.
Impotents à vivre par leur propre droit divin,
Convaincus de leur brillante irréalité,
Quand le terrain qui les supporte est enlevé,
Ces enfants de la Matière meurent dans la Matière.
La Matière elle-même s'évanouit dans le vague de l'Energie
Et l'Energie est un mouvement du vieux Néant.
Comment les nuances immatérielles de l'Idéal
Peuvent-elles être peintes tenaces sur le barbouillage vermillon de la terre,
Un rêve dans un rêve est-il doublement vrai ?
Comment le feu follet peut-il devenir une étoile ?
L'Idéal est une maladie de ton mental,
Un brillant délire de ta parole et de ta pensée,
Un étrange vin de beauté te soulevant à une vision fausse.
Noble fiction issue de tes aspirations
Elle doit partager ton imperfection humaine :
Ses formes dans la Nature désappointent le cœur,
Et jamais elle ne trouvera sa forme céleste
Et jamais peut-elle être accomplie dans le Temps.
Ô âme égarée par la splendeur de tes pensées,
Ô créature terrestre avec ton rêve du ciel,
Obéis, résignée et tranquille, la loi de la terre.
Accepte la lumière qui tombe sur tes jours ;
Prends ce que tu peux de la joie permise de la Vie,
Te soumettant à l'ordalie du fléau du Destin
Souffre ce que tu dois du labeur, de la douleur et du souci.
Réduisant au silence ton cœur passionné, s'approchera
Ma nuit longue et calme de sommeil perpétuel :
Là, dans le silence d'où tu es venue, retire-toi."
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A sad destroying cadence the voice sank;
It seemed to lead the advancing march of Life
Into some still original Inane.
But Savitri answered to almighty Death:
"O dark-browed sophist of the universe
Who veilst the Real with its own Idea,
Hiding with brute objects Nature's living face,
Masking eternity with thy dance of death,
Thou hast woven the ignorant Mind into a screen
And made of Thought error's purveyor and scribe ;
And a false witness of mind's servant sense.
An aesthete of the sorrow of the world,
Champion of a harsh and sad philosophy
Thou hast used words to shutter out the Light
And called in Truth to vindicate a lie.
A lying reality is falsehood's crown
And a perverted truth her richest gem.
O Death, thou speakest Truth but Truth that slays,
I answer to thee with the Truth that saves.
A traveller new-discovering himself,
One made of Matter's world his starting-point,
He made of Nothingness his living-room
And Night a process of the eternal light
And death a spur towards immortality.
God wrapped his head from sight in Matter's cowl,
His consciousness dived into inconscient depths,
All-knowledge seemed a huge dark Nescience;
Infinity wore a boundless zero's form.
His abysms of bliss became insensible deeps,
Eternity a blank spiritual Vast.
Annulling an original nullity,
The Timeless took its ground in emptiness
And drew the figure of a universe,
That the spirit might adventure into Time
And wrestle with adamant Necessity
La voix tomba dans une triste cadence destructrice ;
Elle semblait conduire la marche en avant de la Vie
Vers quelque Absurdité encore originale.
Mais Savitri répondit à la Mort toute-puissante :
"Ô sophiste de l'univers au front sombre
Qui voile le Réel avec sa propre idée,
Cachant avec des objets brutaux la figure vivante de la Nature,
Masquant l'éternité avec la danse de la mort,
Tu as tissé le mental ignorant en un écran
Et fait de la Pensée le pourvoyeur et le scribe de l'erreur,
Et un faux témoin du sens, le serviteur du mental.
Esthète de la douleur du monde,
Champion d'une philosophie âpre et triste
Tu t'es servi de mots pour bloquer la Lumière
Et as fait appel à la Vérité pout défendre un mensonge.
Une réalité qui ment est la couronne du mensonge
Et une vérité pervertie son joyau le plus riche.
Ô Mort, tu dis la vérité, mais une vérité qui tue,
Je te réponds avec la Vérité qui sauve.
Un voyageur se découvrant à nouveau,
Unique, il fit du monde de la Matière son point de départ,
II fit du Néant son salon
Et de la Nuit un procédé de la lumière éternelle
Et de la mort un éperon vers l'immortalité.
Dieu cacha sa tête à la vue dans le capuchon de la Matière,
La conscience plongea dans les profondeurs de l'inconscient,
La toute-connaissance sembla une nescience énorme et sombre ;
L'Infini revêtit la forme d'un zéro sans limite.
Ses abîmes de félicité devinrent des océans insensibles,
L'Eternité, une Immensité spirituelle vide.
Annulant la nullité originelle,
Le Sans-Temps prit pied dans le vide
Et dessina l'image d'un univers,
Pour que l'esprit puisse s'aventurer dans le Temps
Et lutter avec la Nécessité inflexible,
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And the soul pursue a cosmic pilgrimage.
A spirit moved in black immensities
And built a Thought in ancient Nothingness;
A soul in God's tremendous Void was lit,
A secret labouring glow of nascent fire.
In Nihil's gulf his mighty Puissance wrought;
She swung her formless motion into shapes,
Made Matter the body of the Bodiless,
Infant and dim the eternal Mights awoke.
In inert Matter breathed a slumbering Life,
In a subconscient Life Mind lay asleep;
In waking Life it stretched its giant limbs
To shake from it the torpor of its drowse;
A senseless substance quivered into sense,
The world's heart commenced to beat, its eyes to see.
In the crowded dumb vibrations of a brain
Thought fumbled in a ring to find itself,
Discovered speech and fed the new-born Word
That bridged with spans of light the world's ignorance.
In waking Mind the Thinker built his house.
A reasoning animal willed and planned and sought;
He stood erect among his brute compeers,
He built life new, measured the universe,
Opposed his fate and wrestled with unseen Powers
Conquered and used the laws that rule the world,
And hoped to ride the heavens and reach the stars,
A master of his huge environment.
Now through Mind's windows stares the demi-god
Hidden behind the curtains of man's soul:
He has seen the Unknown, looked on Truth's veilless face;
A ray has touched him from the eternal Sun;
Motionless, voiceless in foreseeing depths,
He stands awake in Supernature's light
And sees a glory of arisen wings
And sees the vast descending might of God.
O Death, thou lookst on an unfinished world
Assailed by thee and of its road unsure,
Peopled by imperfect minds and ignorant lives,
And sayest God is not and all is vain.
Et que l'âme entreprenne un pèlerinage cosmique.
Un esprit se déplaça dans de noires immensités
Et construisit une Pensée dans l'ancien Néant ;
Une âme était allumée dans le Vide extraordinaire de Dieu,
La secrète lueur au travail d'un feu naissant.
Dans le gouffre du Néant sa Puissance majestueuse œuvrait ;
Elle précipita en des formes son mouvement informe,
Fit de la Matière le corps du Sans-corps.
Enfants et faibles, les Pouvoirs éternels s'éveillèrent.
Dans la Matière inerte respira une Vie somnolente,
Dans une vie subconsciente le mental restait endormi ;
Dans la vie éveillée il allongea ses membres géants
Pour secouer la torpeur de son demi-sommeil ;
Une substance insensible tressaillit à la sensibilité,
Le cœur du monde commença à battre, ses yeux à voir.
Dans les vibrations muettes et serrées d'un cerveau
La pensée tâtonna en rond pour se trouver elle-même,
Découvrit la parole et nourrit le Mot nouveau-né
Qui jeta un pont sur l'ignorance du monde avec des empans de lumière.
Dans le mental qui s'éveillait, le Penseur construisit sa maison.
Un animal raisonnable voulut, fit des plans et chercha ;
II se tint debout parmi ses compagnons brutaux,
II construisit une vie nouvelle, mesura l'univers,
S'opposa à son destin et lutta contre des Pouvoirs invisibles,
Conquit et utilisa les lois qui gouvernent le monde,
Et espéra franchir les cieux et atteindre les étoiles,
Maître de son environnement formidable.
Maintenant, par les fenêtres du mental un demi-dieu regarde
Caché derrière les rideaux de l'âme de l'homme :
II a vu l'Inconnu, contemplé la face sans voile de la Vérité ;
Un rayon l'a touché venant du Soleil éternel,
Sans mouvement, sans voix dans les profondeurs prémonitoires
II se tient éveillé dans la lumière du Supranaturel
Et voit la gloire d'ailes qui surviennent
Et voit la vaste puissance de Dieu qui descend.
Ô Mort, tu regardes un monde pas encore terminé
Assailli par toi et peu sûr de sa route,
Peuplé de mentais imparfaits et de vies ignorantes,
Et tu dis, Dieu n'est pas et tout est vain.
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How shall the child already be the man ?
Because he is infant, shall he never grow ?
Because he is ignorant, shall he never learn ?
In a small fragile seed a great tree lurks,
In a tiny gene a thinking being is shut;
A little element in a little sperm,
It grows and is a conqueror and a sage.
Then wilt thou spew out. Death, God's mystic truth,
Deny the occult spiritual miracle ?
Still wilt thou say there is no spirit, no God ?
A mute material Nature wakes and sees;
She has invented speech, unveiled a will.
Something there waits beyond towards which she strives,
Something surrounds her into which she grows:
To uncover the spirit, to change back into God,
To exceed herself is her transcendent task.
In God concealed the world began to be,
Tardily it travels towards manifest God:
Our imperfection towards perfection toils,
The body is the chrysalis of a soul:
The infinite holds the finite in its arms,
Time travels towards revealed eternity.
A miracle structure of the eternal Mage,
Matter its mystery hides from its own eyes,
A scripture written out in cryptic signs,
An occult document of the All-Wonderful's art.
All here bears witness to his secret might,
In all we feel his presence and his power.
A blaze of his sovereign glory is the sun,
A glory is the gold and glimmering moon.
A glory is his dream of purple sky,
A march of his greatness are the wheeling stars.
His laughter of beauty breaks out in green trees,
His moments of beauty triumph in a flower;
The blue sea's chant, the rivulet's wandering voice
Are murmurs falling from the Eternal's harp.
This world is God fulfilled in outwardness.
Comment l'enfant peut-il déjà être l'homme ?
Parce qu'il est enfant, ne croîtra-t-il jamais?
Parce qu'il est ignorant, n'apprendra-t-il jamais?
Dans une petite graine fragile, un grand arbre se cache,
Dans un tout petit gène, un être pensant est enfermé ;
Un petit élément dans un petit sperme,
II croît et devient un conquérant et un sage.
Alors, Mort, rejetteras-tu la vérité mystique de Dieu ?
Démentiras-tu l'occulte miracle spirituel ?
Diras-tu encore qu'il n'y a pas d'esprit, pas de Dieu ?
Une Nature matérielle muette s'éveille et voit ;
Elle a inventé la parole, dévoilé une volonté.
Quelque chose attend au-delà vers quoi elle s'efforce,
Quelque chose l'entoure en quoi elle grandit :
Découvrir l'esprit, se transformer en Dieu,
Se surpasser elle-même, est sa tâche transcendante.
Dans le Dieu caché, le monde commença d'être,
Tardivement il voyage vers Dieu manifesté :
Notre imperfection fait effort vers la perfection,
Le corps est la chrysalide d'une âme :
L'infini tient le fini dans ses bras,
Le temps voyage vers l'éternité révélée.
La structure miraculeuse du Mage éternel,
La matière cache son mystère à ses propres yeux,
Une Ecriture notée en signes secrets,
Un document occulte de l'art du Tout-Merveilleux.
Ici, tout porte témoignage de sa puissance secrète,
En tout, nous sentons sa présence et son pouvoir.
Un embrasement de sa gloire souveraine est le soleil,
................................................................................*
Une gloire est son rêve de ciel pourpre.
Une marche de sa grandeur sont les étoiles tournoyantes.
Son rire de beauté s'épanouit dans les arbres verts,
Ces moments de beauté triomphent dans une fleur ;
Le chant de la mer bleue, la voix vagabonde du ruisseau
Sont des murmures tombant de la harpe de l'Eternel.
Ce monde est Dieu accompli dans l'extériorité.
*Un vers manque dans la traduction dont le sens est le suivant : Une gloire est la lune d'or qui luit.
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His ways challenge our reason and our sense;
By blind brute movements of an ignorant Force,
By means we slight as small, obscure or base
A greatness founded upon little things,
He has built a world in the unknowing Void.
His forms he has massed from infinitesimal dust;
His marvels are built from insignificant things.
If mind is crippled, life untaught and crude,
If brutal masks are there and evil acts,
They are incidents of his vast and varied plot,
His great and dangerous drama's needed steps;
He makes with these and all his passion-play,
A play and yet no play but the deep scheme
Of a transcendent Wisdom finding ways
To meet her Lord in the shadow and the Night:
Above her is the vigil of the stars;
Watched by a solitary Infinitude
She embodies in dumb Matter the Divine,
In symbol minds and lives the Absolute.
A miracle-monger her mechanical craft;
Matter's machine worked out the laws of thought,
Life's engines served the labour of a soul:
The mighty Mother her creation wrought,
A huge caprice self-bound by iron laws,
And shut God into an enigmatic world:
She lulled the Omniscient into nescient sleep,
Omnipotence on Inertia's back she drove,
Trod perfectly with divine unconscious steps
The enormous circle of her wonder-works.
Immortality assured itself by death ;
The Eternal's face was seen through drifts of Time.
His knowledge he disguised as Ignorance,
His Good he sowed in Evil's monstrous bed,
Made error a door by which Truth could enter in,
His plant of bliss watered with Sorrow's tears.
A thousand aspects point back to the One;
A dual Nature covered the Unique.
In this meeting of the Eternal's mingling masques,
This tangle-dance of passionate contraries
Locking like lovers in a forbidden embrace
Ses manières d'être défient notre raison et nos sens ;
Par les mouvements aveugles et brutaux d'une Force ignorante,
Par des moyens que nous méprisons comme étant mesquins, obscurs ou bas,
Une grandeur fondée sur des choses petites,
II a construit un monde dans le Vide qui ne sait pas.
Il a massé ses formes d'une poussière infinitésimale ;
Ses merveilles sont bâties avec des choses insignifiantes.
Si le mental est estropié, la vie inculte et grossière,
Si des masques brutaux et des actes mauvais sont là,
Ce sont des incidents de son plan vaste et varié,
Les degrés nécessaires à son drame grand et dangereux ;
II fait de tout cela et aussi de tout son mystère de la passion
Un jeu qui n'est pas un jeu mais le plan profond
D'une sagesse transcendante trouvant les moyens
De rencontrer son Seigneur dans l'ombre de la Nuit :
Au-dessus d'elle est la veillée des étoiles ;
Guettée par une Infinitude solitaire
Dans la Matière muette, elle incarne le Divin,
Dans des mentalités et des vies symboliques, l'Absolu.
Son métier mécanique est un faiseur de miracles ;
La machine de la matière effectua les lois de la pensée,
Les moteurs de la vie servirent le labeur d'une âme ;
La Mère toute-puissante façonna sa création,
Un caprice formidable se limitant lui-même par des lois de fer,
Et enfermant Dieu dans un monde énigmatique ;
Elle berça l'Omniscient en un sommeil nescient,
Sur le dos de l'Inertie elle mena l'Omnipotence,
Parcourut parfaitement avec des pas divins inconscients
Le cercle énorme de ses œuvres merveilleuses.
L'immortalité s'affirma par la mort ;
La face de l'Eternel se vit à travers les tourbillons du temps.
Sa connaissance, il l'a déguisée en Ignorance,
Son Bien il le sema dans le lit monstrueux du Mal,
II fit de l'erreur une porte par laquelle la Vérité pouvait entrer,
Sa plante de félicité, il l'arrosa avec les larmes de la Douleur.
Des milliers d'aspects indiquent l'Un ;
Une Nature duelle recouvrit l'Unique.
Dans la rencontre de ces masques entremêlés de l'Eternel,
Cette danse enchevêtrée des contraires passionnés
Serrant comme des amants dans une étreinte interdite
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The quarrel of their lost identity,
In this wrestle and wrangle of the extremes of Power
Earth's million roads struggled towards deity.
All stumbled on behind a stumbling Guide,
Yet every stumble is a needed pace
On unknown routes to an unknowable goal.
All blundered and straggled towards the one Divine.
As if transmuted by a titan spell
The eternal powers assumed a dubious face:
Idols of an oblique divinity,
They wore the heads of animal or troll,
Assumed ears of the fawn, the satyr's hoof,
Or harboured the demoniac in their gaze.
A crooked maze they made of thinking mind,
They suffered a metamorphosis of the heart,
Admitting Bacchant revellers from the Night
Into its sanctuary of delights,
As in a Dionysian masquerade.
On the highways, in the gardens of the world
They wallowed oblivious of their divine parts,
As drunkards of a dire Circean wine
Or a child who sprawls and sports in Nature's mire.
Even wisdom, hewer of the roads of God,
Is a partner in the deep disastrous game:
Lost is the pilgrim's wallet and the scrip,
She fails to read the map and watch the star.
A poor self-righteous virtue is her stock
And reason's pragmatic grope or abstract sight,
Or the technique of a brief hour's success
She teaches, an usher in utility's school.
On the ocean surface of vast Consciousness
Small thoughts in shoals are fished up into a net
But the great truths escape her narrow cast;
Guarded from vision by creation's depths,
Obscure they swim in blind enormous gulfs
Safe from the little sounding leads of mind,
Too far for the puny diver's shallow plunge.
Our mortal vision peers with ignorant eyes ;
It has no gaze on the deep heart of things.
Our Knowledge walks leaning on Error's staff,
La querelle de leur identité perdue,
Dans cette lutte et cette dispute des extrêmes du Pouvoir
Les millions de chemins de la terre s'efforcent vers la divinité.
Tous trébuchent derrière un Guide trébuchant,
Pourtant chaque trébuchement est un pas nécessaire
Sur des routes inconnues vers un but inconnaissable.
Tous firent des bévues et traînèrent en avançant vers l'Un Divin.
Comme transmués par une sorcellerie titanesque
Les pouvoirs éternels assumèrent une face douteuse :
Idoles d'une divinité oblique,
Ils revêtirent des têtes d'animal ou de gnome,
Assumèrent les oreilles du faune, les pieds du satyre,
Ou hébergèrent le démon dans leur regard.
Du mental pensant, ils firent un dédale tortueux,
Ils permirent une métamorphose du cœur,
Admettant des convives bachiques venant de la Nuit
Dans son sanctuaire de félicité,
Comme dans une mascarade dionysiaque.
Sur les grandes routes, dans les jardins du monde
Ils se vautrèrent oubliant leurs éléments divins
Comme des ivrognes d'un vin terrible de Circé
Ou un enfant qui s'étale et s'amuse dans la fange de la Nature.
Même la sagesse qui taille les routes de Dieu
Est un partenaire dans le jeu extrême et désastreux :
Perdus sont le havresac et la sacoche du pèlerin,
Elle oublie de lire la carte et d'observer l'étoile.
Une pauvre vertu pharisaïque est son lot
Et le tâtonnement pragmatique ou la vision abstraite de la raison,
Ou la technique d'une brève heure de succès
Elle enseigne, huissier à l'école de l'utilité.
Sur la surface de l'océan de la vaste Conscience
De petites pensées en foule sont pêchées dans un filet
Mais les grandes vérités échappent à son étroite volée ;
Gardées de la vue par les profondeurs de la création,
Obscures, elles nagent dans d'énormes gouffres aveugles
À l'abri des petits sondages du mental,
Trop profondes pour le plongeon superficiel du plongeur mesquin.
Notre vision mortelle regarde avec des yeux ignorants ;
Elle ne contemple pas le cœur profond des choses ;
Notre Connaissance marche en s'appuyant sur la canne de l'Erreur,
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A worshipper of false dogmas and false gods,
Or fanatic of a fierce intolerant creed
Or a seeker doubting every truth he finds,
A sceptic facing Light with adamant No
Or chilling the heart with dry ironic smile,
A cynic stamping out the god in man;
A darkness wallows in the paths of Time
Or lifts its giant head to blot the stars;
It makes a cloud of the interpreting mind
And intercepts the oracles of the Sun.
Yet Light is there; it stands at Nature's doors:
It holds a torch to lead the traveller in.
It waits to be kindled in our secret cells;
It is a star lighting an ignorant sea,
A lamp upon our poop piercing the night.
As knowledge grows Light flames up from within:
It is a shining warrior in the mind,
An eagle of dreams in the divining heart,
An armour in the fight, a bow of God.
Then larger dawns arrive and Wisdom's pomps
Cross through the being's dim half-lighted fields;
Philosophy climbs up Thought's cloud-bank peaks
And Science tears out Nature's occult powers,
Enormous jinns who serve a dwarf's small needs,
Exposes the sealed minutiae of her art
And conquers her by her own captive force.
On heights unreached by mind's most daring soar,
Upon a dangerous edge of failing Time
The soul draws back into its deathless Self;
Man's knowledge becomes God's supernal Ray.
There is the mystic realm whence leaps the power
Whose fire burns in the eyes of seer and sage;
A lightning flash of visionary sight,
It plays upon an inward verge of mind:
Thought silenced gazes into a brilliant Void.
A voice comes down from mystic unseen peaks:
A cry of splendour from a mouth of storm,
It is the voice that speaks to night's profound,
It is the thunder and the flaming call.
Above the planes that climb from nescient earth,
Un adorateur de faux dieux et de dogmes faux,
Ou fanatique d'une croyance férocement intolérante
Ou un chercheur doutant de chaque vérité qu'il trouve,
Un sceptique faisant face à la Lumière avec un Non inflexible
Ou glaçant le cœur avec un sourire sec et ironique,
Un cynique piétinant le dieu hors de l'homme ;
Une obscurité se répand sur les chemins du Temps
Ou soulève sa tête géante pour cacher les étoiles ;
De l'interprétation mentale elle fait un nuage,
Et intercepte les oracles du Soleil.
Pourtant la Lumière est là ; elle est debout aux portes de la Nature :
Elle tient une torche pour faire entrer le voyageur.
Elle attend d'être allumée dans nos cellules secrètes ;
C'est une étoile éclairant une mer ignorante,
Une lampe sur notre poupe perçant la nuit.
A mesure que croît la connaissance, la Lumière s'enflamme du dedans :
C'est un guerrier brillant dans le mental,
Un aigle de rêves dans le cœur divinateur,
Une armure dans la bataille, un arc de Dieu.
Alors arrivent des aurores plus larges et les pompes de la Sagesse
Traversent les champs blafards à demi éclairés de l'être ;
La philosophie grimpe les sommets couverts de nuages de la Pensée
Et la Science arrache les pouvoirs occultes de la Nature,
Des djinns énormes qui servent les petits besoins d'un nain,
Expose les minuties scellées de son art
Et la conquiert par sa propre force captive.
Sur des cimes que ne peuvent atteindre les envolées les plus hardies du mental,
Sur une crête dangereuse du Temps qui faillit
L'âme se retire dans son Moi immortel ;
La connaissance de l'homme devient le Rayon supérieur de Dieu.
Là est la région mystique d'où s'élance le pouvoir
Dont le feu brûle dans les yeux du voyant et du sage ;
L'éclair étincelant d'un regard visionnaire
Joue sur le bord interne du mental :
La pensée rendue silencieuse se fixe sur un Vide brillant.
Une voix descend de pics mystiques invisibles :
Un cri de splendeur venant d'une bouche d'orage,
C'est la voix qui parle à la profondeur de la nuit,
C'est le tonnerre et l'appel flamboyant.
Au-dessus des zones qui grimpent de la terre nesciente,
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A hand is lifted towards the Invisible's realm
Beyond the superconscient's blinding line
And plucks away the screens of the Unknown;
A spirit within looks into the Eternal's eyes.
It hears the Word to which our hearts were deaf,
It sees through the blaze in which our thoughts grew blind;
It drinks from the naked breasts of glorious Truth,
It learns the secrets of eternity.
Thus all was plunged into the riddling Night,
Thus all is raised to meet a dazzling Sun.
O Death, this is the mystery of thy reign.
In earth's anomalous and tragic field
Carried in its aimless journey by the sun
Mid the forced marches of the great dumb stars,
A darkness occupied the fields of God,
And Matter's world was governed by the shape.
Thy mask has covered the Eternal's face,
The Bliss that made the world has fallen asleep;
Abandoned in the Vast she slumbered on:
An evil transmutation overtook
Her members till she knew herself no more.
Only through her creative slumber flit
Frail memories of the joy and beauty meant
Under the sky's blue laugh mid green-scarfed trees
And happy squanderings of scents and hues,
In the field of the golden promenade of the sun
And the vigil of the dream-light of the stars,
Amid high meditating heads of hills,
On the bosom of voluptuous rain-kissed earth
And by the sapphire tumblings of the sea.
But now the primal innocence is lost
And Death and Ignorance govern the mortal world
And Nature's visage wears a greyer hue.
Earth still has kept her early charm and grace,
The grandeur and the beauty still are hers,
But veiled is the divine Inhabitant.
The souls of men have wandered from the Light
And the great Mother turns away her face.
The eyes of the creatrix Bliss are closed
And sorrow's touch has found her in her dreams.
Une main est levée vers la région de l'Invisible
Au-delà de la ligne aveuglante du supraconscient
Et retire les écrans de l'Inconnu ;
Un esprit, au-dedans, regarde dans les yeux de l'Eternel.
Il entend le Mot auquel nos cœurs étaient sourds,
II voit à travers l'éclat qui aveugla nos pensées ;
II boit aux seins nus de la Vérité glorieuse,
II apprend les secrets de l'éternité.
Ainsi tout était plongé dans la Nuit énigmatique,
Ainsi tout est soulevé pour rencontrer un Soleil éblouissant.
Ô Mort, ceci est le mystère de ton règne.
Dans le champ anormal et tragique de la terre
Portée dans son voyage sans but par le soleil
Au milieu des marches forcées de grandes étoiles muettes,
Une obscurité occupa les champs de Dieu,
Et le monde de la Matière fut gouverné par ta forme.
Ton masque a couvert la face de l'Eternel,
La Félicité qui fit le monde s'est endormie.
Abandonnée dans l'Immensité elle sommeilla :
Une transmutation mauvaise s'empara
De ses membres jusqu'à ce qu'elle ne se reconnût plus.
Seulement, à travers son sommeil créateur voltigèrent
Des souvenirs fragiles de la joie et de la beauté attendues
Sous le rire bleu du ciel, parmi les écharpes vertes des arbres
Et les heureux gaspillages de parfums et de couleurs,
Dans le champ des promenades dorées du soleil
Et la veillée de la lumière de rêve des étoiles,
Parmi les hautes têtes méditatives des montagnes,
Sur le sein voluptueux de la terre baisée par la pluie
Et par les chutes saphirines de la mer.
Mais maintenant l'innocence première est perdue
Et la Mort et l'Ignorance gouvernent le monde mortel
Et le visage de la Nature se couvre d'une teinte plus grise.
La terre garde encore sa grâce et son charme anciens,
Grandeur et beauté sont encore siennes,
Mais l'Habitant divin est voilé.
Les âmes des hommes ont erré loin de la Lumière
Et la grande Mère détourne sa face.
Les yeux de la Félicité créatrice sont clos
Et le contact de la douleur l'a trouvée dans ses rêves.
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As she turns and tosses on her bed of Void,
Because she cannot wake and find herself
And cannot build again her perfect shape,
Oblivious of her nature and her state,
Forgetting her instinct of felicity,
Forgetting to create a world of joy,
She weeps and makes her creatures' eyes to weep ;
Testing with sorrow's edge her children's breasts,
She spends on life's vain waste of hope and toil
The poignant luxury of grief and tears.
In the nightmare change of her half-conscious dream,
Tortured herself and torturing by her touch,
She comes to our hearts and bodies and our lives
Wearing a hard and cruel mask of pain.
Our nature twisted by the abortive birth
Returns wry answers to life's questioning shocks,
An acrid relish finds in the world's pangs,
Drinks the sharp wine of grief's perversity.
A curse is laid on the pure joy of life:
Delight, God's sweetest sign and Beauty's twin,
Dreaded by aspiring saint and austere sage,
Is shunned, a dangerous and ambiguous cheat,
A specious trick of an infernal Power
It tempts the soul to its self-hurt and fall..
A puritan God made pleasure a poisonous fruit,
Or red drug in the market-place of Death,
And sin the child of Nature's ecstasy.
Yet every creature hunts for happiness,
Buys with harsh pangs of tears by violence
From the dull breast of the inanimate globe
Some fragment or some broken shard of bliss.
Even joy itself becomes a poisonous draught,
Its hunger is made a dreadful hook of Fate.
All means are held good to catch a single beam,
Eternity sacrificed for a moment's bliss:
Yet for joy and not for sorrow earth was made
And not as a dream in endless suffering Time.
Although God made the world for his delight,
An ignorant Power took charge and seemed his Will
And Death's deep falsity has mastered Life.
Tandis qu'elle se tourne et se retourne dans son lit de Vide,
Parce qu'elle ne peut pas s'éveiller et se retrouver
Et ne peut pas construire à nouveau sa forme parfaite,
Oublieuse de sa nature et de son état,
Négligeant son instinct de félicité,
Oubliant de créer un monde de joie,
Elle pleure et fait pleurer les yeux de ses créatures ;
Eprouvant avec le tranchant de sa douleur la poitrine de ses enfants,
Elle dépense dans le vain gaspillage d'espoir et de labeur de la vie
Un luxe poignant de souffrance et de larmes.
Dans le changement en cauchemar de son rêve à demi-conscient,
Torturée elle-même et torturant par son contact,
Elle vient à nos cœurs et nos corps et nos vies
Portant un masque de douleur cruel et dur.
Notre nature tordue par une naissance abortive
Donne des réponses tordues aux chocs des questions de la vie,
Trouve une saveur acide aux angoisses du monde,
Et boit le vin piquant de la perversité du chagrin.
Une malédiction s'étend sur la joie pure de la vie :
La Félicité, le plus doux signe de Dieu et la jumelle de la Beauté,
Redoutée par l'aspiration du saint et l'austérité du sage,
Est évitée comme une tromperie dangereuse et ambiguë,
Le truc spécieux d'un Pouvoir infernal
Qui tente l'âme à son propre dommage et à sa chute.
Un Dieu puritain a fait du plaisir un fruit empoisonné,
Ou une drogue rouge sur le marché de la Mort,
Et du péché l'enfant de l'extase de la Nature.
Pourtant chaque créature est en chasse du bonheur,
Achète avec de dures angoisses ou arrache par violence
De la sombre poitrine du globe inanimé
Quelque fragment ou quelque tesson cassé de félicité.
La joie elle-même devient une potion empoisonnée,
Sa faim devient un terrible crochet du Destin.
Tous les moyens sont bons pour attraper un seul rayon,
L'Eternité est sacrifiée pour la béatitude d'un moment :
Pourtant la terre fut faite pour la joie et non pour la peine
Et non comme un rêve dans un Temps de souffrance sans fin.
Quoique Dieu ait fait le monde pour Sa félicité,
Un Pouvoir ignorant en a pris charge et a semblé être Sa volonté
Et la profonde fausseté de la Mort a maîtrisé la Vie.
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All grew a play of chance simulating Fate.
A secret air of pure felicity
Deep like a sapphire heaven our spirits breathe;
Our hearts .and bodies feel its obscure call,
Our senses grope for it and touch and lose.
If this withdrew, the world would sink in the Void;
If this were not, nothing could move or live.
A hidden Bliss is at the root of things.
A mute Delight regards Time's countless works :
To house God's joy in things Space gave wide room,
To house God's joy in self our souls were born.
This universe an old enchantment guards;
Its objects are carved cups of World-Delight
Whose charmed wine is some deep soul's rapture-drink :
The All-Wonderful has packed heaven with his dreams,
He has made blank ancient Space his marvel-house;
He spilled his spirit into Matter's signs:
His fires of grandeur burn in the great sun,
He glides through heaven shimmering in the moon;
He is beauty carolling in the fields of sound;
He chants the stanzas of the odes of Wind ;
He is silence watching in the stars at night;
He wakes at dawn and calls from every bough,
Lies stunned in the stone and dreams in flower and tree.
Even in this labour and dolour of Ignorance,
On the hard perilous ground of difficult earth,
In spite of death and evil circumstance
A will to live persists, a joy to be.
There is a joy in all that meets the sense,
A joy in all experience of the soul,
A joy in evil and a joy in good,
A joy in virtue and a joy in sin:
Indifferent to the threat of karmic law,
Joy dares to grow upon forbidden soil,
Its sap runs through the plant and flowers of Pain:
It thrills with the drama of fate and tragic doom,
It tears its food from sorrow and ecstasy,
On danger and difficulty whets its strength ;
It wallows with the reptile and the worm
Tout devint le jeu d'un Hasard simulant le Destin.
Un air secret de félicité pure
Profond comme un ciel de saphir est respiré par nos esprits ;
Nos cœurs et nos corps sentent son appel obscur,
Nos sens tâtonnent à sa recherche, le touchent et le perdent.
Si cela se retirait, le monde sombrerait dans le Vide ;
Si cela n'était point, rien ne pourrait bouger ou vivre.
Une Félicité cachée est à la racine des choses.
Un Délice muet regarde les œuvres innombrables du Temps :
Pour loger la joie de Dieu dans les choses, l'Espace donna beaucoup de place,
Pour loger la joie de Dieu dans le moi nos âmes naquirent.
Cet univers garde un vieil enchantement ;
Ses objets sont les coupes sculptées de la Félicité du Monde
Dont le vin enchanté est la boisson délicieuse d'une âme profonde :
Le Tout-Merveilleux a rempli le ciel de ses rêves,
II a fait de l'ancien Espace vide, sa maison des merveilles ;
II répandit son esprit dans les signes de la Matière :
Ses feux de magnitude brûlent dans le grand soleil,
II glisse à travers le ciel, luisant dans la lune ;
II est la beauté gazouillant dans les champs du son ;
II chante les stances des odes du Vent ;
II est le silence veillant dans les étoiles la nuit ;
II s'éveille à l'aurore et appelle sur toutes les branches,
Se couche étourdi dans la pierre et rêve dans la fleur et dans l'arbre.
Même dans ce labeur et cette douleur de l'Ignorance,
Sur le sol dur et périlleux de la terre difficile,
En dépit de la mort et des circonstances mauvaises
Une volonté de vivre persiste, une joie d'être.
Il y a une joie dans tout ce qui rencontre les sens,
Une joie dans toute expérience de l'âme,
Une joie dans le mal et une joie dans le bien,
Une joie dans la vertu et une joie dans le péché :
Indifférente à la menace de la loi karmique,
La joie ose pousser sur un sol interdit,
Sa sève coule dans la plante et les fleurs de la Douleur :
Elle vibre au drame du destin et du sort tragique,
Elle arrache sa nourriture du chagrin et de l'extase,
Sur le danger et la difficulté elle aiguise sa force ;
Elle rampe avec le reptile et le ver
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And lifts its head, an equal of the stars ;
It shares the fairies' dance, dines with the gnome:
It basks in the light and heat of many suns,
The sun of Beauty and the sun of Power
Flatter and foster it with golden beams ;
It grows towards the Titan and the God.
On earth it lingers drinking its deep fill,
Through the symbol of her pleasure and her pain,
Of the grapes of Heaven and the flowers of the Abyss,
Of the flame-stabs and the torment-craft of Hell
And dim fragments of the glory of Paradise.
In the small paltry pleasures of man's life,
In his petty passions and joys it finds a taste,
A taste in tears and torture of broken hearts,
In the crown of gold and in the crown of thorns,
In life's nectar of sweetness and its bitter wine.
All being it explores for unknown bliss,
Sounds all experience for things new and strange.
Life brings into the earthly creature's days
A tongue of glory from a higher sphere:
It deepens in his musings and his Art,
It leaps at the splendour of some perfect word,
It exults in his high resolves and noble deeds,
Wanders in his errors, dares the abyss's brink,
It climbs in his climbings, wallows in his fall.
Angel and demon brides his chamber share,
Possessors or competitors for life's heart.
To the enjoyer of the cosmic scene
His greatness and his littleness equal are,
His magnanimity and meanness hues
Cast on some neutral background of the gods :
The Artist's skill he admires who made the plan,
But not for ever endures this danger game;
Beyond the earth, but meant for delivered earth,
Wisdom and joy prepare their perfect crown:
Truth superhuman calls to thinking man.
At last the soul turns to eternal things,
In every shrine it cries for the clasp of God.
Then is there played the crowning Mystery,
Then is achieved the longed-for miracle.
Et lève sa tête, en égale des étoiles ;
Elle prend part à la danse des fées, dîne avec les gnomes :
Elle se réchauffe à la lumière et à la chaleur de beaucoup de soleils,
Le soleil de la Beauté et le soleil du Pouvoir
La flattent et l'encouragent de leurs rayons d'or ;
Elle croît vers le Titan et le Dieu.
Sur terre, elle s'attarde à boire tout son soûl,
A travers le symbole de son plaisir et de sa peine,
Des raisins du Ciel et des fleurs de l'Abîme,
Des coups de poignards enflammés et de l'artifice du supplice de l'Enfer
Et des faibles fragments de la gloire du Paradis.
Dans les plaisirs mesquins et pitoyables de la vie humaine,
A ses passions et ses joies insignifiantes elle trouve du goût,
Du goût aux larmes et à la torture des cœurs brisés,
A la croix d'or et à la couronne d'épines,
Au nectar de la vie et à son vin amer.
Elle explore tout être pour trouver une félicité inconnue,
Elle sonde toute expérience à la recherche de choses nouvelles et étranges.
La vie apporte aux jours des créatures terrestres
Une langue de gloire venant d'une sphère plus haute :
Elle s'approfondit dans leurs rêveries et leur Art,
Elle s'élance vers la splendeur d'un mot parfait,
Elle exulte dans leurs résolutions élevées et leurs nobles actions,
S'égare dans leurs erreurs, ose boire à l'abîme,
Elle gravit leurs ascensions, se vautre dans leurs chutes.
Ange ou démon en fiancée partage leur chambre,
Possesseurs ou compétiteurs du cœur de la vie.
Pour celui qui jouit de la scène cosmique
Leur grandeur et leur petitesse sont égales,
Leur magnanimité et leur mesquinerie, des teintes
Jetées sur un fond neutre des dieux :
L'habileté de l'Artiste qui fit ce plan est admirée
Mais ce jeu dangereux n'est pas enduré pour toujours :
Au-delà de la terre, mais destinées à une terre délivrée,
La sagesse et la joie préparent leur couronne parfaite :
La Vérité surhumaine appelle l'homme pensant.
Enfin l'âme se tourne vers les choses éternelles,
Dans tous les sanctuaires elle crie pour l'étreinte de Dieu.
Alors se joue le Mystère suprême,
Alors est accompli le miracle tant désiré.
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Immortal bliss her wide celestial eyes
Opens on the stars, she stirs her mighty limbs;
Time thrills to the sapphics of her amour song
And Space fills with a white beatitude.
Then leaving to its grief the human heart,
Abandoning speech and the name-determined realms,
Through a gleaming far-seen sky of wordless thought,
Through naked thought-free heavens of absolute sight,
She climbs to the summits where the unborn Idea
Remembering the future that must be
Looks down upon the works of labouring Force,
Immutable above the world it made.
In the vast golden laughter of Truth's sun
Like a great heaven-bird on a motionless sea
Is poised her winged ardour of creative joy
On the still deep of the Eternal's peace.
This was the aim, this the supernal Law,
Nature's allotted task when beauty-drenched
In dim mist waters of inconscient sleep,
Out of the Void this grand creation rose, —
For this the Spirit came into the Abyss
And charged with its power Matter's unknowing Force,
In Night's bare session to cathedral light,
In Death's realm repatriate immortality.
A mystic slow transfiguration works.
All our earth starts from mud and ends in sky,
And Love that was once an animal's desire,
Then a sweet madness in the rapturous heart,
An ardent comradeship in the happy mind,
Becomes a wide spiritual yearning's space.
A lonely soul passions for the Alone,
The heart that loved man thrills to the love of God,
A body is his chamber and his shrine.
Then is our being rescued from separateness;
All is itself, all is new-felt in God:
A Lover leaning from his cloister's door
Gathers the whole world into his single breast.
Then shall the business fail of Night and Death:
When unity is won, when strife is lost
And all is known and all is clasped by Love
La félicité immortelle, ses grands yeux célestes
S'ouvrent sur les étoiles, elle réveille ses membres puissants ;
Le Temps tressaille aux saphiques de son chant d'amour
Et l'Espace se remplit d'une blanche béatitude.
Alors laissant le cœur humain à son chagrin,
Abandonnant la parole et les régions déterminées par le nom,
A travers le ciel miroitant vu de loin de la pensée sans mots,
A travers les deux nus libres de pensée, de la vision absolue,
Elle grimpe jusqu'aux sommets où l'Idée encore à naître
Se souvenant de l'avenir qui doit être
Regarde d'en haut les œuvres de la Force qui travaille,
Immuable au-dessus du monde qu'elle fît.
Dans le vaste rire doré du soleil de Vérité
Comme un grand oiseau du ciel sur une mer immobile
Est posée son ardeur ailée de joie créatrice
Sur la profondeur tranquille de la paix de l'Eternel.
Tel était le but, telle la Loi suprême,
La tâche assignée à la Nature quand ruisselant de beauté
Dans les eaux obscures de brume du sommeil inconscient,
I-lors du Vide cette grande création s'éleva, —
C'est pour cela que l'Esprit vint dans l'abîme
Et remplit de son pouvoir la Force ignorante de la Matière,
Dans les pauvres assises de la Nuit à la lumière principale
Dans la région de la Mort rapatrier l'immortalité.
Une lente transfiguration mystique est à l'œuvre.
Toute notre terre commence avec la boue et finit dans le ciel,
Et l'Amour qui fut une fois un désir de l'animal,
Puis une douce folie dans le ravissement du cœur,
Une ardente camaraderie dans le mental heureux,
Devient un espace de vaste aspiration spirituelle.
La passion d'une âme solitaire pour le Seul,
Le cœur qui aima l'homme tressaille à l'amour de Dieu,
Un corps est sa demeure et son sanctuaire.
Alors notre être est délivré de la séparation ;
Tout est lui-même, tout est nouvellement senti en Dieu :
Un Amant se penchant à la porte de son cloître
Rassemble le monde entier dans sa seule poitrine.
Alors faillira l'affaire de la Nuit et de la Mort :
Quand l'unité est gagnée, quand le conflit est perdu
Et que tout est connu et tout est saisi par l'Amour
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Who would turn back to ignorance and pain ?
O Death, I have triumphed over thee within;
I quiver no more with the assault of grief;
A mighty calmness seated deep within
Has occupied my body and my sense:
It takes the world's grief and transmutes to strength,
It makes the world's joy one with the joy of God.
My love eternal sits throned on God's calm;
For Love must soar beyond the very heavens
And find its secret sense ineffable;
It must change its human ways to ways divine,
Yet keep its sovereignty of earthly bliss.
O Death, not for my heart's sweet poignancy
Nor for my happy body's bliss alone
I have claimed from thee the living Satyavan,
But for his work and mine, our sacred charge.
Our lives are God's messengers beneath the stars;
To dwell under death's shadow they have come
Tempting God's light to earth for the ignorant race,
His Love to fill the hollow in men's hearts,
His bliss to heal the unhappiness of the world.
For I the Woman am the force of God,
He the Eternal's delegate sole in man.
My will is greater than thy law, O Death;
My love is stronger than the bonds of Fate:
Our love is the heavenly seal of the Supreme.
I guard that seal against thy rending hands.
Love must not cease to live upon the earth;
For Love is the bright link twixt earth and heaven,
Love is the far Transcendent's angel here;
Love is man's lien on the Absolute."
But to the woman Death the god replied,
With the ironic laughter of his voice
Discouraging the labour of the stars:
"Even so men cheat the Truth with splendid thoughts.
Thus wilt thou hire the glorious charlatan Mind,
To weave from his Ideal's gossamer air
A fine raiment for thy body's nude desires
And thy heart's clutching greedy passion clothe ?
Daub not the web of life with magic hues :
Qui retournerait à l'ignorance et à la douleur ?
Ô Mort, j'ai triomphé sur toi au-dedans;
Je ne tremble plus des assauts du chagrin ;
Un calme puissant assis dans les profondeurs
A rempli mon corps et mes sens :
II prend la douleur du monde et la change en force,
II fait que la joie du monde devienne une avec la joie de Dieu.
Mon amour éternel est assis sur le trône du calme de Dieu,
Car l'Amour doit planer au-delà même des cieux
Et trouver le secret de son sens ineffable ;
II doit changer ses manières humaines en manières divines,
Et garder pourtant la souveraineté de sa béatitude terrestre.
Ô Mort, non pour la douceur poignante de mon cœur
Ni pour le délice heureux de mon corps seul
Ai-je réclamé de toi Satyavan vivant,
Mais pour son œuvre et la mienne, notre charge sacrée.
Nos vies sont les messagères de Dieu sous les étoiles ;
Pour demeurer sous l'ombre de la mort, elles sont venues
Rendant la lumière de Dieu attrayante à la terre pour la race ignorante,
Son Amour pour remplir le creux dans le cœur des hommes,
Sa félicité pour guérir le malheur du monde.
Car moi, la Femme, je suis la force de Dieu,
Lui, le délégué de l'Eternel seul dans l'homme.
Ma volonté est plus grande que ta loi, ô Mort ;
Mon amour est plus fort que les liens du Destin,
Notre amour est le sceau céleste du Suprême.
Je garde ce sceau contre tes mains qui brisent.
L'Amour ne doit cesser de vivre sur la terre ;
Car l'Amour est le lien brillant entre la terre et le ciel.
L'Amour est ici l'ange du Transcendant lointain ;
L'Amour est le droit de rétention de l'homme sur l'Absolu."
Mais la Mort, le dieu, répondit à la femme,
Avec le rire ironique de sa voix
Qui décourage le labeur des étoiles :
"C'est ainsi que les hommes dupent la Vérité avec des pensées splendides.
Ainsi soudoieras-tu le charlatan Mental glorieux,
Pour qu'il tisse avec les fils de la Vierge de son Idéal
Un beau vêtement pour les désirs nus de ton corps
Et pour habiller la passion avide de ton cœur qui accroche.
Ne déguise pas la toile de la vie avec des nuances magiques :
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Make rather thy thought a plain and faithful glass
Reflecting Matter and mortality,
And know thy soul a product of the flesh,
A made-up self in the constructed world.
Thy words are large murmurs in a mystic dream.
For how in the soiled heart of man could dwell
The inarticulate grandeur of thy dream-built God,
Or who can see a face and form divine
In the naked two-legged worm thou callest man ?
O human face, put off mind-painted masks:
The animal be, the worm that Nature meant;
Accept thy futile birth, thy narrow life.
For truth is bare like stone and hard like death;
Bare in the bareness, hard with truth's hardness live."
But Savitri replied to the dire God:
"Yes, I am human. Yet shall man by me,
Since in humanity waits his hour the God,
Trample thee down to reach the immortal heights,
Transcending grief and pain and fate and death.
Yes, my humanity is a mask of God:
He dwells in me, the mover of my acts,
Turning the great wheel of his cosmic work.
I am the living body of his light,
I am the thinking instrument of his power,
I incarnate Wisdom in an earthly breast,
I am his conquering and unslayable Will.
The formless Spirit drew in me its shape;
In me are the Nameless and the secret Name."
Death from the incredulous Darkness sent its cry:
"O priestess in Imagination's house,
Persuade first Nature's fixed immutable laws
And make the impossible thy daily work.
How canst thou force to wed two eternal foes ?
Irreconcilable in their embrace
They cancel the glory of their pure extremes :
An unhappy wedlock maims their stunted force.
How shall thy will make one the true and false ?
Where Matter is all, there Spirit is a dream:
If all are the Spirit, Matter is a lie,
And who was the liar who forged the universe ?
Fais plutôt de ta pensée un miroir simple et fidèle
Reflétant la Matière et la mortalité,
Et connais ton âme comme un produit de la chair,
Un moi fabriqué dans un monde construit.
Tes mots sont de vastes murmures dans un rêve mystique.
Car comment dans le cœur sali de l'homme, pourrait demeurer
La grandeur inarticulée de ton Dieu issu d'un rêve,
Ou, qui peut voir une face et une forme divines
Dans le ver nu à deux jambes que tu appelles l'homme ?
Ô face humaine, enlève ces masques peints par le mental :
Sois l'animal, le ver destiné par la Nature ;
Accepte ta naissance futile, ta vie étroite.
Car la vérité est nue comme la pierre et dure comme la mort ;
Nue dans la nudité, dure de la dureté de la vérité, vis."
Mais Savitri répondit au Dieu cruel :
"Oui, je suis humaine. Pourtant par moi l'homme,
Puisque dans l'humanité le Dieu attend son heure,
Te piétinera pour atteindre les sommets immortels,
Transcendant la douleur, la souffrance, le destin et la mort.
Oui, mon humanité est un masque sur Dieu :
II demeure en moi, l'auteur de mes actions,
Tournant la grande roue de son œuvre cosmique.
Je suis le corps vivant de sa lumière,
Je suis l'instrument pensant de son pouvoir,
J'incarne la Sagesse dans une poitrine humaine,
Je suis sa Volonté conquérante et indestructible.
L'Esprit sans forme dessina en moi sa figure ;
En moi sont le Sans-Nom et le Nom secret."
La Mort, de l'Obscurité incrédule, jeta son cri :
"Ô prêtresse dans la maison de l'Imagination,
Persuade d'abord les lois fixes et immuables de la Nature,
Et fais de l'impossible ton travail quotidien.
Comment peux-tu forcer à se marier deux ennemis éternels ?
Irréconciliables dans leur étreinte
Ils annulent la gloire de leurs extrêmes purs :
Un hymen malheureux mutile leur force racornie.
Comment ta volonté peut-elle unir le vrai et le faux ?
Là où la Matière est tout, là l'Esprit est un rêve :
Si tout est l'Esprit, la Matière est un mensonge,
Et qui fut le menteur qui forgea l'univers ?
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The Real with the unreal cannot mate.
He who would turn to God, must leave the world;
He who would live in the Spirit, must give up life;
He who has met the Self, renounces self.
The voyagers of the million routes of mind
Who have travelled through Existence to its end,
Sages exploring the world-ocean's vasts,
Have found extinction the sole harbour safe.
Two only are the doors of man's escape,
Death of his body Matter's gate to peace,
Death of his soul his last felicity.
In me all take refuge, for I, Death am God."
But Savitri replied to mighty Death:
"My heart is wiser than the Reason's thoughts,
My heart is stronger than thy bonds, O Death.
It sees and feels the one Heart beat in all,
It feels the high Transcendent's sunlike hands,
It sees the cosmic Spirit at its work;
In the dim Night it lies alone with God.
My heart's strength can carry the grief of the universe
And never falter from its luminous track,
Its white tremendous orbit through God's peace.
It can drink up the sea of All-Delight
And never lose the white spiritual touch,
The calm that broods in the deep Infinite."
He said, "Art thou indeed so strong, O heart,
O soul, so free ? And canst thou gather then
Bright pleasure from my wayside flowering boughs,
Yet falter not from thy hard journey's goal,
Meet the world's dangerous touch and never fall?.
Show me thy strength and freedom from my laws."
But Savitri answered, "Surely I shall find
Among the green and whispering woods of Life
Close-bosomed pleasures, only mine since his,
Or mine for him, because our joys are one.
And if I linger, Time is ours and God's,
And if I fall, is not his hand near mine ?
Le Réel et l'irréel ne peuvent s'apparier.
Celui qui veut se tourner vers Dieu, doit laisser le monde ;
Celui qui veut vivre dans l'Esprit, doit abandonner la vie ;
Celui qui a trouvé le Soi, renonce au moi.
Les voyageurs des millions de routes du mental
Qui ont traversé l'Existence jusqu'au bout,
Les sages explorant les immensités des océans du monde,
Ont trouvé que l'extinction est le seul port sûr.
Il n'y a que deux portes à l'évasion de l'homme,
La mort de son corps, la porte de la Matière vers la paix,
La mort de son âme, sa félicité dernière.
En moi tous se réfugient, car moi, la Mort, je suis Dieu."
Mais Savitri répondit au puissant dieu de la Mort :
"Mon cœur est plus sage que les pensées de la Raison
...................................................................................*
II voit et sent le Cœur unique battre en tous,
II sent les mains ensoleillées du haut Transcendant.
Il voit l'Esprit cosmique à l'œuvre ;
Dans la nuit blafarde, il repose seul avec Dieu.
Mon cœur est assez fort pour porter la peine de l'univers
Et jamais ne s'écarte de sa voie lumineuse,
Sa formidable orbite blanche à travers la paix de Dieu.
Il peut boire entière la mer de Toute-Félicité
Sans jamais perdre le blanc contact de l'esprit,
Le calme qui couve dans l'Infini profond."
Il dit : "Es-tu vraiment si fort, ô cœur,
Ô âme, si libre ? Ne peux-tu donc point cueillir
Un brillant plaisir à mes rameaux en fleur, le long du chemin,
Sans faillir au but de ton dur voyage,
Affronter le contact dangereux du monde sans jamais tomber ?
Montre-moi que tu es forte et libre de mes lois."
Mais Savitri répondit : "Sûrement je trouverai
Dans les bois de la vie verts et murmurants,
Des plaisirs proches du cœur, miens seulement parce qu'à lui
Ou miens pour lui, car notre joie est une.
Et si je m'attarde, le temps est à nous et à Dieu,
Et si je tombe, sa main n'est-elle pas près de la mienne ?
* Un vers manque dans la traduction dont le sens est le suivant :
Mon cœur est plus fort que tes chaînes, ô Mort.
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All is a single plan; each wayside act
Deepens the soul's response, brings nearer the goal."
Death the contemptuous Nihil answered her:
"So prove thy absolute force to the wise gods,
By choosing earthly joy ! For self demand
And yet from self and its gross masks live free.
Then will I give thee all thy soul desires,
All the brief joys earth keeps for mortal hearts.
Only the one dearest wish that outweighs all,
Hard laws forbid and thy ironic Fate.
My will once wrought remains unchanged through Time,
And Satyavan can never again be thine."
But Savitri replied to the vague Power:
"If the eyes of Darkness can look straight at Truth,
Look at my heart and, knowing what I am,
Give what thou wilt or what thou must, O Death.
Nothing I claim but Satyavan alone."
There was a hush as if of doubtful fates.
As one disdainful still who yields a point,
Death bowed his sovereign head in cold assent:
"I give to thee, saved from death and poignant fate
Whatever once the living Satyavan
Desired in his heart for Savitri.
Bright noons I give thee and unwounded dawns,
Daughters of thy own shape in heart and mind,
Fair hero sons and sweetness undisturbed
Of union with thy husband dear and true.
And thou shalt harvest in thy joyful house
Felicity of thy surrounded eves.
Love shall bind by thee many gathered hearts.
The opposite sweetness in thy days shall meet
Of tender service to thy life's desired
And loving empire over all thy loved,
Two poles of bliss made one, O Savitri.
Return, O child, to thy forsaken earth."
But Savitri replied, "Thy gifts resist.
Earth cannot flower if lonely I return."
Then Death once more sent forth his angry cry,
As chides a lion his escaping prey:
"What knowest thou of earth's rich and changing life
Tout est un plan unique : chaque acte fortuit
Approfondit la réponse de l'âme, amène plus près du but."
La Mort, Néant méprisant, lui répondit :
"Prouve donc aux dieux sages ta force absolue,
En choisissant les joies terrestres ! Demande pour toi
Tout en vivant libre de toi et de ses masques grossiers.
Alors je te donnerai tout ce que ton âme désire,
Toutes ces brèves joies que la terre offre aux cœurs mortels.
Mais le seul vœu le plus cher qui l'emporte sur tout,
De dures lois l'interdisent et ton ironique Destin.
Une fois décrétée, ma volonté reste immuable pour les temps,
Et plus jamais Satyavan ne sera tien."
Mais Savitri répondit à cette vague Puissance :
"Si les yeux de l'Obscurité peuvent regarder tout droit la Vérité,
Regarde mon cœur, et, sachant qui je suis,
Donne ce que tu veux ou ce que tu dois, ô Mort.
Je ne réclame rien que Satyavan."
Il y eut le silence des destins incertains.
Comme celui, encore dédaigneux, qui cède un point,
La Mort inclina sa tête souveraine dans un consentement glacé :
"Je te donne, délivré de la Mort et de la fatalité poignante,
Tout ce qu'autrefois Satyavan vivant
Désira dans son cœur pour Savitri.
Je te donne les midis étincelants et les aurores sans blessures,
Des filles à l'image de ton cœur et de ta pensée,
Des fils héroïques et beaux, et la douceur sans trouble
D'une union avec ton époux cher et fidèle,
Et tu récolteras dans ta maison joyeuse
La félicité des soirées familiales.
Pour toi, l'amour liera beaucoup de cœurs rassemblés.
Dans tes jours, se rencontreront les douceurs opposées
Du tendre service à ta vie dont l'empire
Est désiré et aimé par tous ceux aimés de toi,
Deux pôles de béatitude en un seul, ô Savitri.
Retourne, ô enfant, à ta terre abandonnée."
Mais Savitri répondit: "Garde tes dons.
La terre ne peut fleurir si j'y retourne seule."
Alors la Mort, une fois de plus, poussa un cri furieux,
Comme le lion gronde après la proie qui lui échappe :
"Que sais-tu de la vie riche et changeante de la terre,
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Who thinkest that, one man dead, all joy must cease ?
Hope not to be unhappy till the end:
For grief dies soon in the tired human heart;
Soon other guests the empty chambers fill.
A transient painting on a holiday's floor
Traced for a moment's beauty love was made.
Or if a voyager on the eternal trail,
Its objects fluent change in its embrace
Like waves to a swimmer upon infinite seas."
But Savitri replied to the vague god,
"Give me back Satyavan, my only Lord.
Thy thoughts are vacant to my soul that feels
The deep eternal truth in transient things."
Death answered her, "Return and try thy soul!
Soon shalt thou find appeased that other men
On lavish earth have beauty, strength and truth,
And when thou hast half forgotten, one of these
Shall wind himself around thy heart that needs
Some human answering heart against thy breast;
For who, being mortal, can dwell glad alone ?
Then Satyavan shall glide into the past,
A gentle memory pushed away from thee
By new love and thy children's tender hands,
Till thou shalt wonder if thou lov'dst at all.
Such is the life earth's travail has conceived,
A constant stream that never is the same."
But Savitri replied to mighty Death :
"O dark ironic critic of God's work,
Thou mockst the mind and body's faltering search
For what the heart holds in a prophet hour
And the immortal spirit shall make its own.
Mine is a heart that worshipped, though forsaken,
The image of the god its love adored;
I have burned in flame to travel in his steps.
Are we not they who bore vast solitude
Seated upon the hills alone with God ?
Why dost thou vainly strive with me, O Death,
A mind delivered from all twilight thoughts,
To whom the secrets of the gods are plain ?
For now at last I know beyond all doubt
Toi qui crois que toute joie doit cesser quand un homme meurt ?
N'espère pas être triste jusqu'à la fin :
Car la douleur meurt vite dans le cœur humain fatigué ;
Bientôt d'autres hôtes emplissent les chambres vides.
Peinture éphémère sur un sol de fête
Tracée pour un moment de beauté, l'amour fut créé.
Ou, tel un voyageur sur la piste éternelle,
Ce qu'il embrasse coule et change
Comme pour le nageur, les vagues sur les mers infinies."
Mais Savitri répondit au dieu sans consistance :
"Rends-moi Satyavan, mon seul Seigneur.
Tes pensées sont vides pour mon âme qui sent
La profonde vérité éternelle des choses qui passent."
La Mort lui répondit : "Retourne et fais l'épreuve de ton âme !
Bientôt, apaisée, tu trouveras que d'autres hommes
Sur la terre généreuse, ont beauté, force et vérité,
Et quand tu auras à demi oublié, l'un d'eux
S'enroulera autour de ton cœur qui cherche
La réponse humaine d'un cœur contre ta poitrine ;
Car, chez les mortels, qui peut rester heureux en étant seul ?
Alors Satyavan glissera dans le passé
Aimable mémoire repoussée de toi
Par un nouvel amour et les tendres mains de tes enfants,
Puis tu t'étonneras d'avoir jamais aimé.
Telle est la vie enfantée par le travail de la terre,
Un flot constant qui n'est jamais le même."
Mais Savitri répondit à la Mort redoutable :
"Ô sombre critique ironique de l'œuvre de Dieu,
Tu te moques de la quête maladroite du mental et du corps
De cela que le cœur saisit dans une heure prophétique
Et que l'esprit immortel fera sien.
Mon cœur est de ceux qui, même abandonnés, rendent un culte
A l'image du Dieu que leur amour adore;
J'ai brûlé comme une flamme à suivre ses pas.
Ne sommes-nous pas ceux qui ont porté la vaste solitude
Assis sur les sommets seuls avec Dieu ? /
Pourquoi te mesures-tu en vain avec moi, ô Mort,
Un mental délivré de toute pensée crépusculaire,
Pour qui les secrets des dieux sont clairs ?
Car maintenant je sais enfin, par-delà tous les doutes,
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The great stars burn with my unceasing fire
And life and death are both its fuel made.
Life only was my blind attempt to love:
Earth saw my struggle, heaven my victory;
All shall be seized, transcended; there shall kiss
Casting their veils before the marriage fire
The eternal bridegroom and eternal bride.
The heavens accept our broken flights at last.
On our life's prow that breaks the waves of Time
No signal light of hope has gleamed in vain."
She spoke ; the boundless members of the god
As if by secret ecstasy assailed
Shuddered in silence as obscurely stir
Ocean's dim fields delivered to the moon.
Then lifted up as by a sudden wind
Around her in that vague and glimmering world
The twilight trembled like a bursting veil.
Thus with armed speech the great opponents strove.
Around those spirits in the glittering mist
A deepening half-light fled with pearly wings
As if to reach some far ideal Morn.
Outlined her thoughts flew through the gleaming haze
Mingling bright-pinioned with its lights and veils
And all her words like dazzling jewels, caught
Into the glow of a mysterious world
Or tricked in the rainbow shifting of its hues,
Like echoes swam fainting into far sound.
All utterance, all mood must there become
An unenduring tissue sewn by mind
To make a gossamer robe of beautiful change.
Intent upon her silent will she walked
On the dim grass of vague unreal plains,
A floating veil of visions in her front,
A trailing robe of dreams behind her feet.
But now her spirit's flame of conscient force
Retiring from a sweetness without fruit
Called back her thoughts from speech to sit within
In a deep room in meditation's house.
For only there could dwell the soul's firm truth:
Imperishable, a tongue of sacrifice,
Que les grandes étoiles brûlent de mon feu incessant
Et que la vie et la mort sont toutes deux ses combustibles.
La vie seule fut mon essai aveugle d'amour :
La terre vit ma lutte, le ciel ma victoire ;
Tout sera saisi, transcendé ; alors s'embrasseront
Rejetant leurs voiles devant le feu des épousailles
L'éternel époux et l'éternelle épouse.
Les cieux acceptent enfin nos vols brisés.
Sur la proue de nos vies qui coupe les vagues du Temps
Le signal d'aucun feu d'espoir ne brille en vain."
Elle dit. Les membres innombrables du dieu
Assaillis par une extase secrète
Tressaillirent en silence comme se soulèvent obscurément
Les champs pâles de l'océan offerts à la lune.
Alors, soulevé comme par un vent soudain,
Autour d'elle dans ce monde vague et clignotant
Le crépuscule trembla tel un voile qui se déchire.
Ainsi, avec des paroles de défi, les grands adversaires s'affrontaient.
Autour de ces esprits, dans la brume scintillante,
Un demi-jour grandissant s'enfuit avec des ailes perlées,
Comme pour atteindre au loin un Matin idéal.
Silhouettées, ses pensées s'envolèrent dans la brume scintillante
Mélangeant leurs ailerons brillants aux lumières et aux voiles
Et toutes ses paroles, tels des joyaux étincelants, attrapées
Dans le rayonnement d'un monde mystérieux
Ou subtilisées dans les nuances d'arc-en-ciel changeant
Flottaient, échos s'évanouissant en sons lointains.
Là, tout ce qui se dit, tout ce qui se sent devient
Une trame éphémère tissée par le mental
Pour faire une robe arachnéenne de changeante beauté.
Absorbée dans sa volonté silencieuse elle marchait
Sur l'herbe incertaine de plaines vagues et irréelles,
Un voile de visions flottant devant elle,
Une robe de rêves traînant derrière ses pas.
Mais maintenant, la flamme, force consciente de son esprit
Se retirant d'une douceur sans fruit
Rappela ses pensées de toute parole pour s'asseoir au-dedans
Dans une chambre profonde de la maison de méditation.
Car là seulement réside la ferme vérité de l'âme :
Impérissable langue de sacrifice,
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It flamed unquenched upon the central heart
Where burns for the high house-lord and his mate
The homestead's sentinel and witness fire
From which the altars of the gods are lit.
All still compelled went gliding on unchanged,
Still was the order of these worlds reversed:
The mortal led, the god and spirit obeyed
And she behind was leader of their march
And they in front were followers of her will.
Onward they journeyed through the drifting ways
Vaguely companioned by the glimmering mists;
But faster now all fled as if perturbed
Escaping from the clearness of her soul.
A heaven-bird upon jewelled wings of wind
Borne like a coloured and embosomed fire,
By spirits carried in a pearl-hued cave,
On through the enchanted dimness moved her soul.
Death walked in front of her and Satyavan,
In the dark front of death, a failing star.
Above was the unseen balance of his fate.
Elle flambe inextinguible au foyer central
Où brûle pour le haut seigneur du lieu et sa compagne
Le feu sentinelle et témoin de la demeure
D'où s'allument les autels des dieux.
Tout restait contraint, continuant à glisser sans changement,
Pourtant l'ordre de ces mondes était renversé :
Le mortel conduisait, le dieu et l'esprit obéissaient
Et elle, derrière, dirigeait leur marche
Et eux, devant, suivaient sa volonté.
Ils allaient de l'avant par les chemins en dérive
Accompagnés vaguement par les brouillards scintillants ;
Mais plus vite maintenant tout s'enfuit comme troublé
Se sauvant devant la clarté de son âme.
Oiseau céleste sur les ailes de pierreries du vent,
Porté comme un feu de couleur, blotti,
Emportée par des esprits dans une grotte aux teintes de perles,
Son âme avançait à travers la pénombre enchantée.
La mort marchait devant elle, et Satyavan,
Dans l'obscurité devant la mort, étoile qui s'évanouit.
Au-dessus se trouvait l'invisible balance de son destin.
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There came a slope that slowly downward sank;
It slipped towards a stumbling grey descent.
The dim-heart marvel of the ideal was lost;
Its crowding wonder of bright delicate dreams
And vague half-limned sublimities she had left:
Thought fell towards lower levels; hard and tense
It passioned for some crude reality.
The twilight floated still but changed its hues
And heavily swathed a less delightful dream;
It settled in tired masses on the air;
Its symbol colours tuned with duller reds
And almost seemed a lurid mist of day.
A straining taut and dire besieged her heart;
Heavy her sense grew with a dangerous load,
And sadder, greater sounds were in her ears,
And through stern breakings of the lambent glare
Her vision caught a hurry of driving plains
And cloudy mountains and wide tawny streams,
And cities climbed in minarets and towers
Towards an unavailing changeless sky:
Long quays and ghauts and harbours white with sails
Challenged her sight awhile and then were gone.
Amidst them travailed toiling multitudes
In ever shifting perishable groups,
A foiled cinema of lit shadowy shapes
Enveloped in the grey mantle of a dream.
Imagining meanings in life's heavy drift,
They trusted in the uncertain environment
And waited for death to change their spirit's scene.
A savage din of labour and a tramp
Of armoured life and the monotonous hum
Of thoughts and acts that ever were the same,
As if the dull reiterated drone
Of a great brute machine, beset her soul,—
A grey dissatisfied rumour like a ghost
Alors vint une pente qui lentement s'enfonçait ;
Elle glissait en une descente incertaine et grise.
La merveille au cœur pâle de l'idéal était perdue
Sa foule prodigieuse de rêves brillants et délicats
Et ses splendeurs vaguement définies, elle les avait laissées :
La pensée retomba vers des régions inférieures ; dure et tendue
Se passionnant pour une réalité crue.
Le crépuscule flottait encore mais changea de nuances
Et enveloppa lourdement un rêve moins charmant ;
II s'établit dans l'air en masses fatiguées ;
Ses couleurs symboliques s'accordèrent à des rouges plus ternes
Ressemblant presque à un lugubre brouillard de jour.
Une tension aiguë et terrible assiégea son cœur ;
Ses sens devinrent lourds d'un poids dangereux,
Et des sons plus forts et plus tristes frappèrent ses oreilles,
Et par des ruptures brutales dans la lumière affleurante
Sa vision saisit une ruée de régions mouvantes
Et des montagnes nuageuses et de larges rivières fauves
Et des cités qui grimpent en minarets et en tours
Vers un ciel immuable et inutile :
De longs quais et des rives et des ports blancs de voiles
Frappaient sa vue un moment puis disparurent.
Au sein de tout cela peinaient des multitudes laborieuses
En groupes périssables toujours en mouvement,
Cinéma superficiel éclairant des formes inconsistantes
Enveloppées dans le gris manteau d'un rêve.
Donnant un sens imaginaire au lourd tourbillon de la vie,
Elles se fiaient au milieu incertain
Et attendaient que la mort changeât la scène de leur esprit.
Le vacarme sauvage du travail et le grondement
D'une vie blindée et le bourdonnement monotone
De pensées et d'actes qui sont toujours les mêmes, —
Comme le lourd grondement répété
D'une grande machine brute assaillait son âme,
Une grise rumeur insatisfaite comme le spectre
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Of the moaning of a loud unquiet sea.
A huge inhuman Cyclopean voice,
A Babel-builder's song towering to heaven,
A throb of engines and the clang of tools
Brought the deep undertone of labour's pain.
As when pale lightnings tear a tortured sky,
High overhead a cloud-rimmed series flared
Chasing like smoke from a red funnel driven,
The forced creations of an ignorant Mind:
Drifting she saw like pictured fragments flee
Phantoms of human thought and baffled hopes,
The shapes of Nature and the arts of man,
Philosophies and disciplines and laws,
And the dead spirit of old societies,
Constructions of the Titan and the worm.
As if lost remnants of forgotten light,
Before her mind there fled with trailing wings
Dimmed revelations and delivering words,
Emptied of their mission and their strength to save,
The messages of the evangelist gods,
Voices of prophets, scripts of vanishing creeds.
Each in its hour eternal claimed went by:
Ideals, systems, sciences, poems, crafts
Tireless there perished and again recurred,
Sought restlessly by some creative Power.
But all were dreams crossing an empty vast.
Ascetic voices called of lonely seers
On mountain summits or on river banks
Or from the desolate heart of forest glades
Seeking heaven's rest or the spirit's worldless peace,
Or in bodies motionless like statues, fixed
In tranced cessations of their sleepless thought
Sat sleeping souls, and this too was a dream.
All things the past has made and slain were there,
Its lost forgotten forms that once had lived,
And all the present loves as new-revealed
And all the hopes the future brings had failed
Already, caught and spent in efforts vain,
Repeated fruitlessly age after age.
Unwearied all returned insisting still
D'une mer bruyante qui s'agite et gémit.
Une voix cyclopéenne, énorme, inhumaine,
Un chant de constructeurs de Babel montant au ciel,
Un halètement de machines et un martèlement d'outils
Apportaient le bruit de fond du labeur douloureux.
Tels de pâles éclairs déchirant un ciel torturé,
Là-haut très loin, des séries de formes bordées de nuages flamboyaient
Chassant, comme la fumée jaillie d'un entonnoir rouge,
Les créations forcées d'un Mental ignorant :
Elle voyait dériver comme un vol de fragments imagés
Les fantômes de pensées humaines et d'espoirs déçus,
Les formes de la Nature et les arts de l'homme,
Les philosophies et les disciplines et les lois,
Et l'esprit défunt des vieilles sociétés,
Constructions de Titan et de larve.
Comme les vestiges perdus d'une lumière oubliée,
Devant son mental, fuyaient avec des ailes traînantes
Des révélations pâlies et des paroles de délivrance,
Vidées de leur mission et de leur puissance salvatrice,
Messages de dieux évangélistes,
Voix de prophètes, écritures de croyances qui s'éteignent.
Chacun à son heure prétendue éternelle, s'évanouissait :
Idéaux, systèmes, sciences, poèmes, œuvres d'art
Infatigables ils périssaient et revenaient encore,
Poursuivis sans trêve par quelque pouvoir créateur.
Mais tous étaient des rêves traversant l'immensité vide.
Les voix ascétiques de voyants solitaires appelaient
Sur le sommet des montagnes ou la rive des fleuves
Ou du cœur désolé d'une clairière dans la forêt
Recherchant le repos du ciel ou la paix sans monde de l'esprit,
Ou en des corps immobiles comme des statues, fixées
Dans la cessation cataleptique de leur pensée sans sommeil
Des âmes endormies étaient assises, et cela aussi était un rêve.
Tout ce que le passé avait produit et détruit, était là,
Ses formes perdues et oubliées qui furent vivantes un jour,
Et tout ce qu'aime le présent comme une nouvelle révélation
Et tous les espoirs qu'apporte l'avenir, avaient déjà
Echoué, pris et épuisés en de vains efforts,
Répétés sans fruit d'âge en âge.
Inlassablement tout revenait avec insistance
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Because of joy in the anguish of pursuit
And joy to labour and to win and lose
And joy to create and keep and joy to kill.
The rolling cycles passed and came again,
Brought the same toils and the same barren end,
Forms ever new and ever old, the long
Appalling revolutions of the world.
Once more arose the great destroying Voice:
Across the fruitless labour of the worlds
His huge denial's all-defeating might
Pursued the ignorant march of dolorous Time.
"Behold the figures of this symbol realm,
Its solid outlines of creative dream
Inspiring the great concrete tasks of earth.
In its motion-parable of human life
Here thou canst trace the outcome Nature gives
To the sin of being and the error in things
And the desire that compels to live
And man's incurable malady of hope.
In an immutable order's hierarchy
Where Nature changes not, man cannot change:
Ever he obeys her fixed mutation's law;
In a new version of her oft-told tale
In ever-wheeling cycles turns the race.
His mind is pent in circling boundaries:
For mind is man, beyond thought he cannot soar.
If he could leave his limits he would be safe:
He sees but cannot mount to his greater heavens;
Even winged, he sinks back to his native soil.
He is a captive in his net of mind
And beats soul-wings against the walls of life.
In vain his heart lifts up its yearning prayer,
Peopling with brilliant Gods the formless Void;
Then disappointed to the Void he turns
And in its happy nothingness asks release,
The calm Nirvana of his dream of self:
The Word in silence ends, in Nought the name.
Apart amid the mortal multitudes,
He calls the Godhead incommunicable
A cause de la joie dans l'angoisse de la poursuite
Et de la joie de peiner et de vaincre et de perdre
Et de la joie de créer et de garder et de la joie de détruire.
Les cycles tournoyants passaient et revenaient encore,
Apportant le même labeur et la même fin stérile,
Formes toujours nouvelles et toujours vieilles, les longues,
Effarantes révolutions du monde.
Encore une fois s'éleva la grande Voix destructrice :
A travers le labeur stérile des mondes
Le pouvoir désintégrant de son énorme déni
Poursuivait la marche ignorante du Temps douloureux.
"Regarde les formes de cette région symbolique,
Les contours solides de son rêve créateur
Inspirant les grandes tâches concrètes de la terre.
Dans sa parabole mouvante de la vie humaine
Tu peux découvrir le résultat que donne la Nature
Au péché d'être et à l'erreur des choses
Et au désir qui contraint à vivre
Et à l'espoir, cette incurable maladie de l'homme.
Dans la hiérarchie d'un ordre immuable
Où la Nature ne change point, l'homme ne peut changer :
Pour toujours il obéit à la loi de ses mutations fixes ;
Dans une nouvelle version de son conte souvent répété
En des cycles qui roulent à jamais tourne l'espèce.
Son mental est parqué dans le cercle de ses limites :
Car le mental est de l'homme, au-delà de la pensée, il ne peut s'envoler.
S'il pouvait quitter ses limites il serait sauvé :
II voit ses cieux supérieurs, mais ne peut s'y élever ;
Même ailé, il retombe sur son sol naturel.
Il est captif de son filet mental
Et cogne les ailes de son âme contre les murs de la vie.
En vain son cœur élève sa prière angoissée,
Peuplant de dieux brillants le Vide sans forme ;
Alors déçu, vers le Vide il se tourne
Et dans cette heureuse nullité demande la délivrance,
Le calme Nirvana de son rêve de soi ;
Le Verbe dans le silence finit, et le nom dans le Néant.
Isolé parmi les multitudes mortelles,
II appelle le Divin incommunicable
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To be the lover of his lonely soul
Or casts his spirit into its void embrace,
Or he finds his copy in the impartial All;
He imparts to the Immobile his own will,
Attributes to the Eternal wrath and love
And to the Ineffable lends a thousand names.
Hope not to call God down into his life:
How shalt thou bring the Everlasting here ?
There is no house for him in hurrying Time.
Vainly thou seek'st in Matter's world an aim;
No aim is there, only a will to be.
All walk by Nature bound for ever the same.
Look on these forms that stay awhile and pass,
These lives that long and strive, then are no more,
These structures that have no abiding truth,
The saviour creeds that cannot save themselves,
But perish in the strangling hands of the years,
Discarded from man's thought, proved false by Time,
Philosophies that strip all problems bare
But nothing ever have solved since earth began,
And sciences omnipotent in vain
By which men learn of what the suns are made,
Transform all forms to serve their outward needs,
Ride through the sky and sail beneath the sea,
But learn not what they are or why they came;
These polities, architectures of man's brain,
That, bricked with evil and good, wall in man's spirit
And, fissured houses, palace at once and jail,
Rot while they reign and crumble before they crash;
These revolutions, demon or drunken god,
Convulsing the wounded body of mankind
Only to paint in new colours an old face;
These wars, carnage triumphant, ruin gone mad,
The work of centuries vanishing in an hour,
The blood of the vanquished and the victor's crown
Which men to be born must pay for with their pain,
The hero's face divine on satyr's limbs,
The demon's grandeur mixed with the demi-god's,
The glory and the beasthood and the shame;
Why is it all, the labour and the din,
À être l'amant de son âme solitaire
Ou plonge son esprit dans l'embrassement vide,
Ou il trouve sa copie dans le Tout impartial ;
II applique à l'Immobile sa propre volonté,
Attribue colère et amour à l'Eternel
Et à l'Ineffable prête un millier de noms.
N'espère pas faire descendre Dieu dans la vie :
Comment amènerais-tu ici le Permanent ?
Il n'est pas de maison pour lui dans la hâte du Temps.
En vain tu cherches un but au monde de la Matière ;
II n'y a là aucun but, seulement une volonté d'être.
Tout marche, lié par la Nature, à jamais pareil.
Regarde ces formes qui restent un temps puis passent,
Ces vies qui ont soif et peinent, puis ne sont plus,
Ces constructions sans vérité durable,
Les croyances salvatrices qui ne peuvent se sauver elles-mêmes,
Et périssent aux mains étranglantes des années,
Rejetées de la pensée des hommes, prouvées fausses par le Temps,
Les philosophies qui mettent à nu tous les problèmes
Mais n'ont rien résolu depuis que la terre a commencé,
Et la science omnipotente en vain
Qui apprend aux hommes de quoi les soleils sont faits,
Transforme toutes les formes pour servir leurs besoins extérieurs,
Chevauche à travers le ciel et navigue sous les mers,
Mais ne leur apprend pas ce qu'ils sont ni pourquoi ils sont venus ;
Ces régimes, ces architectures du cerveau humain,
Plâtrés de bien et de mal, qui emmurent l'esprit de l'homme
Ces maisons crevassées, palais et prison à la fois,
Qui pourrissent tandis qu'elles régnent et s'émiettent avant de crouler ;
Ces révolutions, démon ou dieu ivre,
Qui convulsent le corps blessé de l'humanité
Seulement pour peindre de couleurs neuves une vieille figure ;
Ces guerres, ce carnage triomphant, ces ruines folles
L'œuvre des siècles évanouie en une heure,
Le sang du vaincu et la couronne du vainqueur
Que les hommes à naître doivent payer de leur peine,
La face divine du héros sur des membres de satyre,
La grandeur du démon mêlée à celle du demi-dieu,
La gloire et la bestialité et la honte ;
Pourquoi tout cela, ce labeur et ce vacarme,
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The transient joys, the timeless sea of tears,
The longing and the hoping and the cry,
The battle and the victory and the fall,
The aimless journey that can never pause,
The waking toil, the incoherent sleep ?
Song, shouts and weeping, wisdom and idle words,
The laughter of men, the irony of the gods ?
Where leads the march, whither the pilgrimage ?
Who keeps the map of the route or planned each stage ?
Or else self-moved the world walks its own way,
Or nothing is there but only a Mind that dreams:
The world is a myth that happened to come true,
A legend told to itself by conscious Mind,
Imaged and played on a feigned Matter's ground
On which it stands in an unsubstantial Vast.
Mind is the author, spectator, actor, stage:
Mind only is and what it thinks is seen.
If Mind is all, renounce the hope of bliss ;
If Mind is all, renounce the hope of Truth.
For Mind can never touch the body of Truth
And Mind can never see the soul of God;
Only his shadow it grasps nor hears his laugh
As it turns from him to the vain seeming of things.
Mind is a tissue woven of light and shade
Where right and wrong have sewn their mingled parts;
Or Mind is Nature's marriage of covenance
Between truth and falsehood, between joy and pain:
This struggling pair no court can separate.
Each thought is a gold coin with bright alloy
And error and truth are its obverse and reverse:
This is the imperial mintage of the brain
And of this kind is all its currency.
Think not to plant on earth the living Truth
Or make of Matter's world the home of God;
Truth comes not there but only the thought of Truth,
God is not there but only the name of God.
If Self there is, it is bodiless and unborn ;
It is no one and it is possessed by none,
On what shalt thou then build thy happy world ?
Cast off thy life and mind, then art thou Self,
Les joies transitoires, l'océan de larmes immémorial,
Les soifs, les espoirs et les cris,
La bataille, la victoire et la chute,
Le voyage sans but et sans repos,
La peine de l'éveil, l'incohérence du sommeil ?
Chants, cris et larmes, sagesse et vaines paroles,
Le rire des hommes, l'ironie des dieux ?
Où conduit la marche, où le pèlerinage ?
Qui garde la carte de la route, qui a prévu chaque étape ?
A moins que le monde n'aille tout seul son propre chemin,
Ou rien n'est là, qu'un Mental qui rêve :
Le monde est un mythe qui par hasard devint vrai,
Une légende que le Mental conscient se dit à lui-même,
Imagée et jouée sur un semblant de fond matériel
Où elle se tient sur une Immensité sans substance.
Le Mental est l'auteur, le spectateur, l'acteur et la scène :
Seul le Mental existe et ce qu'il pense est vu.
Si le Mental est tout, renonce à l'espoir de la béatitude ;
Si le Mental est tout, renonce à l'espoir de la Vérité.
Car le Mental ne pourra jamais toucher le corps de la Vérité
Et le Mental ne pourra jamais voir l'âme de Dieu ;
II saisit seulement son ombre et n'entend pas son rire
Car il se détourne de lui, pour la vaine apparence des choses.
Le Mental est un tissu d'ombre et de lumière
Où le vrai et le faux ont cousu leurs parts mélangées ;
Ou le Mental est le mariage de convenance de la Nature
Entre la vérité et le mensonge, la joie et la douleur :
Ce couple en querelle qu'aucune cour ne peut séparer.
Chaque pensée est une pièce d'or au brillant alliage
Et erreur et vérité en sont l'obvers et le revers :
Telle est la monnaie impériale du cerveau
Et tout son numéraire est de ce genre.
Ne pense pas à planter sur la terre la Vérité vivante
Ou à faire du monde de la Matière la demeure de Dieu ;
La Vérité ne va pas là, mais seulement la pensée de la Vérité,
Dieu n'est pas là, mais seulement le nom de Dieu.
S'il y a un Moi, il est sans corps et sans naissance ;
II n'est personne et possédé par personne,
Sur quoi donc, construiras-tu ton heureux monde ?
Rejette ta vie et ton mental, et tu seras le Moi,
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An all-seeing Omnipresence stark, alone.
If God there is he cares not for the world ;
All things he sees with calm indifferent gaze,
He has doomed all hearts to sorrow and desire,
He has bound all life with his implacable laws;
He answers not the ignorant voice of prayer.
Eternal while the ages toil beneath,
Unmoved, untouched by aught that he has made,
He sees as minute details mid the stars
The animal's agony and the fate of man:
Immeasurably wise, he exceeds thy thought;
His solitary joy needs not thy love.
His truth in human thinking cannot dwell:
If thou desirest truth then still thy mind
For ever, slain by the dumb unseen Light.
Immortal bliss lives not in human air;
How shall the mighty Mother her calm delight
Keep fragrant in this narrow fragile vase
Or lodge her sweet unbroken ecstasy
In hearts which earthly sorrow can assail
And bodies careless Death can slay at will ?
Dream not to change the world that God has planned,
Strive not to alter his eternal law.
If heavens there are whose gates are shut to grief,
There seek the joy thou couldst not find on earth;
Or in the imperishable hemisphere
Where Light is native and Delight is king
And Spirit is the deathless ground of Things,
Choose thy high station, child of Eternity.
If thou art Spirit and Nature is thy robe,
Cast off thy garb and be thy naked self
Immutable in its undying truth,
Alone for ever in the mute Alone.
Turn then to God, for him leave all behind;
Forgetting Love, forgetting Satyavan,
Annul thyself in his immobile peace.
O soul, drown in his still beatitude.
For thou must die to thyself to reach God's height:
I, Death, am the gate of immortality."
But Savitri answered to the sophist God:
Une Omniprésence qui voit tout, inflexible, seule.
Si Dieu existe, II n'a aucun souci du monde ;
II voit toute chose d'un calme regard indifférent,
II a condamné tous les cœurs au chagrin et au désir,
II a enchaîné la vie par ses lois implacables ;
II ne répond pas à la voix ignorante de la prière.
Eternel, tandis qu'au-dessous peinent les âges.
Immuable, non touché par rien de ce qu'il fit,
II voit comme des détails infimes parmi les étoiles
L'agonie de l'animal et le destin de l'homme :
Sage immensément, il dépasse ta pensée ;
Sa joie solitaire n'a nul besoin de ton amour.
Sa vérité ne peut demeurer dans la pensée des hommes :
Si tu désires la vérité, immobilise ton mental
À jamais, aboli par l'invisible Lumière muette.
La béatitude immortelle ne vit pas dans l'air humain :
Comment la puissante Mère, de sa calme félicité
Garderait-elle le parfum dans ce vase étroit et fragile
Ou logerait-elle intacte sa douce extase
En des cœurs que la douleur terrestre peut assaillir
Et des corps que la Mort insouciante peut détruire à volonté ?
Ne rêve pas de changer le monde que Dieu a ordonné,
Ne l'efforcé pas de modifier sa loi éternelle.
S'il existe des cieux dont les portes sont closes au chagrin,
Cherches-y la joie que tu n'as pu trouver sur terre ;
Ou, dans l'hémisphère impérissable
Où la Lumière est naturelle et la Félicité est reine
Et l'Esprit est la base immortelle des Choses,
Choisis ta haute position, enfant de l'Eternité.
Si tu es Esprit et que la Nature est ta robe,
Rejette ton vêtement et sois ton être nu.
Immuable en sa vérité immortelle,
Seule à jamais dans le Seul muet.
Tourne-toi donc vers Dieu, pour lui laisse tout derrière ;
Oubliant l'Amour, oubliant Satyavan,
Annule-toi dans sa paix immobile.
Ô âme, noie-toi dans sa béatitude immuable.
Car tu dois mourir à toi-même pour atteindre le sommet de Dieu :
Moi, la Mort, je suis la porte de l'immortalité."
Mais Savitri répondit au Dieu sophiste :
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"Once more wilt thou call Light to blind Truth's eyes,
Make knowledge a catch of the snare of Ignorance
And the Word a dart to slay my living Soul ?
Offer, O king, thy boons to tired spirits
And hearts that could not bear the wounds of Time,
Let those who were tied to body and to mind,
Tear off those bonds and flee into white calm
Crying for a refuge from the play of God,
Surely thy boons are great since thou art He!
But how shall I seek rest in endless peace
Who house the mighty Mother's violent force,
Her vision turned to read the enigmaed world,
Her will tempered in the blaze of Wisdom's sun
And the flaming silence of her heart of love ?
The world is a spiritual paradox
Invented by a need in the Unseen,
A poor translation to the creature's sense
Of That which for ever exceeds idea and speech,
A symbol of what can never be symbolised,
A language mispronounced, misspelt, yet true.
"Une fois encore appelleras-tu la Lumière pour aveugler les yeux de la Vérité,
Pour enfermer la connaissance dans les mailles de l'Ignorance
Et faire du Verbe une flèche pour tuer mon Ame vivante ?
Offre, ô roi, tes bienfaits à des esprits fatigués
Et aux cœurs qui ne peuvent supporter les blessures du Temps,
Que ceux qui étaient liés au corps et au mental,
Arrachent ces liens et fuient dans le calme blanc
Implorant un refuge hors du jeu de Dieu,
Sûrement tes bienfaits sont grands puisque tu es Lui !
Mais comment puis-je chercher le repos dans une paix sans fin
Moi qui abrite la force violente de la formidable Mère,
Sa vision attentive à lire le monde énigmatique,
Sa volonté trempée par le brasier du soleil de la Sagesse
Et le silence flamboyant de son cœur d'amour ?
Le monde est un paradoxe spirituel
Inventé par un besoin dans l'Invisible,
Une pauvre traduction pour les sens des créatures
De Cela qui à jamais dépasse l'idée et la parole,
Un symbole de ce qui ne peut jamais être symbolisé,
Un langage mal prononcé, mal épelé, pourtant vrai.
(Ici s'arrête la traduction du livre X par la Mère.)
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He comes unseen into our darker parts
And, curtained by the darkness, does his work,
A subtle and all-knowing guest and guide,
Till they too feel the need and will to change.
All here must learn to obey a higher law,
Our body's cells must hold the Immortal's flame.
Invisible, II vient dans nos parties les plus sombres
Et, voilé par l'obscurité, fait son travail,
Un hôte subtil, un guide connaissant tout,
Jusqu'à ce qu'elles sentent aussi le besoin et la volonté de changer.
Tous ici-bas doivent apprendre à obéir à une loi supérieure.
Les cellules de notre corps doivent tenir et garder la flamme de l'Immortel.
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When darkness deepens strangling the earth's breast
And man's corporeal mind is the only lamp,
As a thief's in the night shall be the covert tread
Of one who steps unseen into his house.
A voice ill-heard shall speak, the soul obey,
A power into mind's inner chamber steal,
A charm and sweetness open life's closed doors
And beauty conquer the resisting world,
The truth-light capture Nature by surprise,
A stealth of God compel the heart to bliss
And earth grow unexpectedly divine.
In Matter shall be lit the spirit's glow,
In body and body kindled the sacred birth,
Night shall awake to the anthem of the stars,
The days become a happy pilgrim march,
Our will a force of the Eternal's power,
And thought the rays of a spiritual sun.
A few shall see what none yet understands;
God shall grow up while the wise men talk and sleep;
For man shall not know the coming till its hour
And belief shall be not till the work is done.
.................................................................
The master of existence lurks in us
And plays at hide and seek with his own Force;
In Nature's instrument loiters secret God.
The Immanent lives in man as in his house;
He has made the universe his pastime's field,
A vast gymnasium of his works of might.
Then in a figure of divinity
The Maker shall recast us and impose
A plan of godhead on the mortal's mould
Lifting our finite minds to his infinite,
Quand l'obscurité s'approfondit et étouffe le cœur de la terre
Et que le mental corporel de l'homme est la seule lampe,
Cachant ses pas comme un voleur dans la nuit,
Quelqu'un entrera inaperçu dans la maison.
Une Voix mal entendue parlera, l'âme obéira,
Un pouvoir se glissera dans la chambre intérieure du mental,
Un charme et une douceur ouvriront les portes closes de la vie
Et la beauté vaincra la résistance du monde,
La lumière de vérité capturera la Nature par surprise,
Furtivement Dieu contraindra les cœurs à la béatitude
Et sans s'y attendre la terre deviendra divine.
Dans la Matière s'allumera la radiance de l'esprit,
En chaque corps brûlera la naissance sacrée,
La nuit s'éveillera à l'hymne des étoiles,
Les jours deviendront une joyeuse marche de pèlerin,
Notre volonté, une force du pouvoir de l'Eternel,
Et notre pensée, les rayons du soleil spirituel.
Peu d'êtres verront ce que nul encore ne comprend ;
Dieu grandira tandis que les hommes sages parleront et dormiront ;
Car l'homme ne connaîtra la venue qu'à son heure
Et la foi ne viendra que lorsque le travail sera fait.
..........................................................................
Le Maître de l'existence se dissimule en nous
Et joue à cache-cache avec sa propre Force :
Dans l'instrument de la Nature flâne un Dieu secret.
L'Immanent vit dans l'homme comme dans sa maison ;
II a fait de l'univers son terrain de jeux,
Un vaste gymnase pour ses tours de force.
Alors en une forme divine
Le Créateur nous refondra et imposera
Son plan de divinité sur le moule mortel
Soulevant notre mental limité vers Son infinitude,
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Touching the moment with eternity.
This transfiguration is earth's due to heaven:
A mutual debt binds man to the Supreme:
His nature we must put on as he put ours;
We are sons of God and must be even as he:
His human portions, we must grow divine.
Our life is a paradox with God for key.
...........................................................
For the key is hid and by the Inconscient kept;
The secret God beneath the threshold dwells.
.......................................................................
He is the explorer and the mariner
On a secret inner ocean without bourne:
He is the adventurer and cosmologist
Of a magic earth's obscure geography.
..........................................................
Or passing through a gate of pillar-rocks,
He leaves the last lands, crosses the ultimate seas,
He turns to eternal things his symbol quest;
Life changes for him its time-constructed scenes,
Its images veiling infinity.
Earth's borders recede and the terrestrial air
Hangs round him no longer its translucent veil.
......................................................................
The eyes of mortal body plunge their gaze
Into Eyes that look upon eternity.
A greater world Time's traveller must explore.
At last he hears a chanting on the heights
And the far speaks and the unknown grows near:
He crosses the boundaries of the unseen
And passes over the edge of mortal sight
To a new vision of himself and things.
........................................................
But none learns whither through the unknown he sails
Or what secret mission the great Mother gave.
In the hidden strength of her omnipotent Will,
Driven by her breath across life's tossing deep,
Through the thunder's roar and through the windless hush,
Through fog and mist where nothing more is seen,
Faisant que le moment touche l'éternité.
Cette transfiguration est due au ciel par la terre :
Une dette mutuelle lie l'homme au Suprême :
Sa nature nous devons revêtir, comme il revêt la nôtre ;
Nous sommes les fils de Dieu et devons être semblables à lui :
Sa portion humaine, nous devons la rendre divine.
Notre vie est un paradoxe avec Dieu pour clef.
Car la clef est cachée, et gardée par l'inconscient ;
Le Dieu secret habite sous le seuil.
....................................................
Il est l'explorateur et le marin
D'un secret océan intérieur sans limite :
II est l'aventurier et le cosmonaute
De la géographie obscure d'une terre magique.
Ou passant par une porte de rocher en piliers,
II quitte les dernières terres, traverse les mers ultimes,
II tourne vers les choses éternelles sa recherche symbolique ;
La vie change pour lui ses scènes temporelles,
Ses images voilant l'infinité.
Les frontières de la terre reculent et l'air terrestre
Ne tisse plus autour de lui son voile translucide.
Les yeux du corps mortel plongent leur regard
En d'autres Yeux qui contemplent l'éternité.
Le voyageur du Temps doit explorer un monde plus grand.
Enfin il entend un chant sur les hauteurs
Et le lointain parle et l'inconnu se rapproche :
II traverse les frontières de l'invisible
Et dépasse les rives de la vision mortelle
Vers une nouvelle perspective de lui-même et des choses.
........................................................................................
Mais personne ne sait vers quoi il navigue à travers l'inconnu
Ou quelle mission secrète la grande Mère lui a donnée.
Dans la force cachée de Son omnipotente Volonté
Guidé par Son souffle dans les profonds remous de la vie,
A travers les grondements du tonnerre et à travers le silence sans vent,
À travers le brouillard et la brume où plus rien n'est visible.
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He carries her sealed orders in his breast.
Late will he know, opening the mystic script,
Whether to a blank port in the Unseen
He goes, or armed with her fiat, to discover
A new mind and body in the city of God
And enshrine the Immortal in his glory's house
And make the finite one with Infinity.
A power is on him from her occult force
That ties him to his own creation's fate,
And never can the mighty traveller rest
And never can the mystic voyage cease,
Till the nescient dusk is lifted from man's soul
And the morns of God have overtaken his night.
As long as Nature lasts, he too is there;
For this is sure that he and she are one.
This constant will she covered with her sport,
To evoke a person in the impersonal Void,
With the Truth-Light strike earth's massive roots of trance,
Wake a dumb self in the inconscient depths
And raise a lost power from its python sleep
That the eyes of the Timeless might look out from Time
And the world manifest the unveiled Divine.
For this he left his white infinity
And laid on the Spirit the burden of the flesh,
That Godhead's seed might flower in mindless Space.
II porte, scellés dans sa poitrine, les ordres qu'Elle lui a donnés.
Tard il saura, en ouvrant l'écrit mystique,
Si vers un port vide dans l'Invisible
II va, ou armé de son décret, pour découvrir
Un nouveau mental et un nouveau corps dans la cité de Dieu
Et enchâsser l'Immortel dans sa maison de gloire
Et faire que le fini soit un avec l'Infinité.
.................................................................................
Un pouvoir est sur lui venant de sa force occulte à elle
Qui le lie au destin de sa propre création,
Et jamais le puissant voyageur ne pourra se reposer
Et jamais le voyage mystique ne pourra cesser
Avant que l'obscurité de l'inconscient ne soit soulevée de l'âme humaine
Et que le matin de Dieu n'ait conquis sa nuit.
Aussi longtemps que durera la Nature, lui aussi sera là ;
Car ceci est sûr que lui et elle sont un.
Cette volonté constante, elle la voilait de son jeu,
Pour évoquer une personne dans le Vide impersonnel,
De la Lumière de Vérité frapper les massives racines de transe de la terre,
Eveiller un moi muet dans les profondeurs inconscientes
Et réveiller un pouvoir perdu de son sommeil de python
Afin que les yeux de l'Intemporel puissent voir à travers le Temps
Et que le monde manifeste le Divin sans voile.
Pour cela, il quitta sa blanche infinité
Et déposa sur l'Esprit le fardeau de la chair,
Pour que la semence divine puisse fleurir dans l'Espace irréfléchi.
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This knowledge first he had of time-born men.
Admitted through a curtain of bright mind
That hangs between our thought and absolute sight,
He found the occult cave, the mystic door
Near to the well of vision in the soul,
And entered where the Wings of Glory brood
In the sunlit space where all is for ever known.
Indifferent to doubt and to belief,
Avid of the naked real's single shock
He shore the cord of mind that ties the earth-heart
And cast away the yoke of Matter's law.
The body's rules bound not the spirit's powers:
When life had stopped its beats, death broke not in;
He dared to live when breath and thought were still.
Thus could he step into that magic place
Which few can even glimpse with hurried glance
Lifted for a moment from mind's laboured works
And the poverty of Nature's earthly sight.
All that the Gods have learned is there self-known.
There in a hidden chamber closed and mute
Are kept the record graphs of the cosmic scribe,
And there the tables of the sacred Law,
............................................................
The symbol powers of number and of form,
And the secret code of the history of the world
And Nature's correspondence with the soul
Are written in the mystic heart of life.
In the glow of the Spirit's room of memories
He could recover the luminous marginal notes
Dotting with light the crabbed ambiguous scroll,
.........................................................................
He saw the unshaped thought in soulless forms,
Knew Matter pregnant with spiritual sense,
Mind dare the study of the Unknowable,
D'abord, il eut cette connaissance des hommes nés dans le temps.
Admis à travers le rideau d'un mental brillant
Qui est suspendu entre notre pensée et la vision absolue,
II trouva la cave occulte, la porte mystique
Près du puits de vision dans l'âme,
Et entra là où les Ailes de Gloire couvent
Dans l'espace ensoleillé où tout est à jamais connu.
Indifférent au doute et à la croyance
Avide du seul choc nu du réel
II trancha la corde du mental qui lie le cœur de la terre .
Et rejeta le joug de la loi de la Matière.
Les règles du corps ne liaient plus les pouvoirs de l'esprit.
Quand la vie arrêta ses battements, la mort n'intervint pas,
II osa vivre quand le souffle et la pensée s'arrêtèrent.
Ainsi il put entrer dans cet endroit magique
Que peu peuvent seulement apercevoir dans un coup d'œil hâtif
Soulevé pour un moment des travaux laborieux du mental
Et de la pauvreté de la vision terrestre de la Nature.
Tout ce que les Dieux ont appris est là connu spontanément.
Là, dans une chambre cachée, fermée et muette,
Sont gardés les registres des archives cosmiques,
Et là sont les tables de la Loi sacrée,
Les pouvoirs symboliques du nombre et de la forme,
Et le code secret de l'histoire du monde,
Et la correspondance de la Nature avec l'âme
Sont écrits dans le cœur mystique de la vie.
Dans l'incandescence de la chambre des souvenirs de l'Esprit,
II put recouvrer les lumineuses notes marginales
Parsemant de lumière le parchemin morose et ambigu,
..................................................................................
II vit la pensée sans forme dans les formes sans âme,
Connut la Matière enceinte du sens spirituel,
Le Mental osant l'étude de l'Inconnaissable,
Page 104~105
Life its gestation of the Golden Child.
A larger lustre lit the mighty page.
A purpose mingled with the whims of Time,
A meaning met the stumbling pace of Chance
And Fate revealed a chain of seeing will;
A conscious wideness filled the old dumb Space.
In the Void he saw throned the Omniscience supreme.
A Will, a hope immense now seized his heart,
And to discern the superhuman's form
He raised his eyes to unseen spiritual heights,
Aspiring to bring down a greater world.
.............................................................
A packed assemblage of crude tentative lives
Are pieced into a tessellated whole.
....................................................................
An animal with some instincts of a god,
His life a story too common to be told,
His deeds a number summing up to nought,
His consciousness a torch lit to be quenched,
His hope a star above a cradle and grave.
Impassive he lived immune from earthly hopes,
A figure in the ineffable Witness' shrine
Pacing the vast cathedral of his thoughts
Under its arches dim with infinity
And heavenward brooding of invisible wings.
A universal light was in his eyes,
A golden influx flowed through heart and brain;
A force came down into his mortal limbs,
A current from eternal seas of Bliss ;
He felt the invasion and the nameless joy.
One-pointed to the immaculate Delight,
Questing for God as for a splendid prey,
He mounted burning like a cone of fire.
is spirit mingles with Eternity's heart
La Vie en gestation de l'Enfant Doré.
Un éclat plus vaste illumina la page puissante,
Une raison d'être se mêla aux fantaisies du Temps,
Une signification rencontra l'allure trébuchante du Hasard
Et le Destin révéla la chaîne d'une volonté clairvoyante ;
Une immensité consciente remplit le vieil Espace muet
Dans la Vide il vit trôner l'Omniscience suprême.
Une Volonté, un espoir immense s'emparèrent de son cœur,
Et pour discerner la forme du surhomme
II leva les yeux vers des hauteurs spirituelles invisibles,
Aspirant à faire descendre un plus grand monde.
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Un assemblage compact de vies expérimentales grossières
Est réuni en un tout de mosaïque.
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Un animal avec quelques instincts de dieu,
Sa vie, une histoire trop ordinaire pour être dite,
Ses actions, un nombre dont le total est nul,
Sa conscience, une torche allumée pour être éteinte,
Son espoir, une étoile surplombant un berceau et une tombe.
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Impassible, il vivait à l'abri des espoirs terrestres,
Une image dans l'ineffable sanctuaire du Témoin
Arpentant la vaste cathédrale de ses pensées
Sous ses arches indistinctes par leur infinité
Et la couvée d'ailes invisibles tendues vers le ciel.
Une lumière universelle était dans ses yeux,
Une affluence dorée fleurissait dans le cœur et le cerveau ;
Une force descendit dans ses membres mortels,
Un courant venu des mers éternelles de Félicité ;
II sentit l'invasion et la joie innommable.
Concentré sur la Félicité immaculée,
En quête de Dieu comme d'une proie splendide,
II montait brûlant comme un cône de feu.
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Son esprit se fond au cœur de l'Eternité
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And bears the silence of the Infinite.
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His nature shuddered in the Unknown's grasp.
In a moment shorter than Death, longer than Time,
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In a whirlwind circuit of delight and force
Hurried into unimaginable depths,
Upborne into immeasurable heights,
It was torn out from its mortality
And underwent a new and bourneless change.
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As when a timeless Eye annuls the hours
Abolishing the agent and the act,
So now his spirit shone out wide, blank, pure:
His wakened mind became an empty slate
On which the Universal and Sole could write.
The little ego's ring could join no more:
In the enormous spaces of the self
The body now seemed only a wandering shell,
His mind the many-frescoed outer court
Of an imperishable Inhabitant:
His spirit breathed a superhuman air.
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There was no small death-hunted creature more,
No fragile form of being to preserve
From an all-swallowing Immensity.
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A secret Nature stripped of her defence,
Lay bare to the burning splendour of his will.
Her diagrams of geometric force,
Her potencies of marvel-fraught design
Courted employment by an earth-nursed might.
A border sovereign is the occult Force.
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A magic porch of entry glimmering
Quivered in a penumbra of screened Light,
II porte le silence de l'Infini.
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Sa nature frissonna dans l'étreinte de l'Inconnu.
En un moment plus court que la Mort, plus long que le Temps,
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Dans le tourbillon d'un circuit de félicité et de force.
Précipité dans des profondeurs inimaginables
Soulevé à des hauteurs incommensurables,
Elle fut arrachée à sa mortalité
Et subit un changement nouveau et sans limite.
De même qu'un Œil intemporel annule les heures.
Abolissant l'agent et l'acte,
De même maintenant son esprit resplendit, vaste, immobile, pur :
Son mental éveillé devint une surface vide
Sur laquelle l'Universel et l'Unique pût écrire.
Le petit anneau de l'ego ne pouvait plus se fermer ;
Dans les espaces énormes du moi
Maintenant le corps semblait être seulement une coquille errante,
Son mental, la cour extérieure aux multiples fresques
D'un Habitant impérissable :
Son esprit respirait un air surhumain.
Il n'y avait plus de petite créature poursuivie par la mort,
Ni de fragile forme d'être à protéger
D'une Immensité engloutissant tout.
Une Nature secrète dépouillée de sa défense,
Etait à la merci de la splendeur brûlante de sa volonté.
Ses diagrammes de force géométrique,
Ses potentialités de dessin plein de merveille
Priaient d'être employés par une puissance nourrie sur la terre.
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Une frontière souveraine est la Force occulte.
Un porche d'entrée magique miroitant
Frémit dans une pénombre de Lumière tamisée,
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A court of the mystical traffic of the worlds,
A balcony and miraculous facade.
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Ascending and descending twixt life's poles
The seried kingdoms of the graded Law
Plunged from the Everlasting into Time,
Climbed back from Time into undying Self,
Up a golden ladder carrying the Soul,
Tying with diamond threads the Spirit's extremes.
Sunbelts of knowledge, moonbelts of delight
Stretched out in an ecstasy of widenesses
Beyond our indigent corporeal range.
Une cour du trafic mystique des mondes,
Un balcon et une façade miraculeuse.
Montant et descendant entre les pôles de la vie
Les royaumes compacts de la Loi progressive
Plongeaient de l'Eternel dans le Temps,
Et remontaient du Temps jusqu'au Moi immortel,
Sur une échelle dorée qui porte l'Ame,
Liant avec des fils de diamant les deux extrémités de l'Esprit.
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Des orbites solaires de connaissance, des orbites lunaires de félicité
Etendues en une extase d'immensités
Au-delà de notre portée corporelle indigente.
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A day may come when she must stand unhelped
On a dangerous brink of the world's doom and hers,
Carrying the world's future on her lonely breast,
Carrying the human hope in a heart left sole
To conquer or fail on a last desperate verge.
Alone with death and close to extinction's edge,
Her single greatness in that last dire scene,
She must cross alone a perilous bridge in Time
And reach an apex of world-destiny
Where all is won or all is lost for man.
In that tremendous silence lone and lost
Of a deciding hour in the world's fate,
In her soul's climbing beyond mortal time
When she stands sole with Death or sole with God
Apart upon a silent desperate brink,
Alone with her self and death and destiny
As on some verge between Time and Timelessness
When being must end or life rebuild its base,
Alone she must conquer or alone must fall.
No human aid can reach her in that hour,
No armoured God stand shining at her side.
Cry not to heaven, for she alone can save.
For this the silent Force came missioned down;
In her the conscious Will took human shape:
She only can save herself and save the world.
Un jour viendra peut-être où elle devra, sans aide, se tenir
Sur l'arête dangereuse où se trouvent le destin du monde et le sien,
Portant l'avenir du monde sur son sein solitaire,
Ponant Y espoir de l'homme en un cœur laissé seul
Pour vaincre ou échouer aux derniers confins sans autre espoir ;
Seule avec la mort et au bord de l'anéantissement,
Grandeur singulière dans cette dernière scène fatale,
Elle devra traverser seule un pont périlleux du Temps
Et atteindre une cime de la destinée du monde
Où, pour l'homme, tout sera gagné ou tout sera perdu.
Dans ce formidable silence, seul et perdu,
De l'heure décisive du destin du monde,
Dans l'ascension de son âme par-delà le temps mortel,
Quand seule avec la mort ou seule avec Dieu elle se tient
Isolée sur l'arête silencieuse et désespérée,
Seule avec elle-même, la mort et la destinée
Comme aux confins du Temps et de l'Eternité,
Alors que l'existence doit cesser ou la vie reconstruire sa base,
Seule elle devra vaincre, ou seule, tomber.
Aucune aide humaine ne pourra l'atteindre en cette heure,
Aucun Dieu cuirassé ne se tiendra brillant à ses côtés.
N'implore pas le ciel, car elle seule peut sauver.
Pour cette mission la Force silencieuse est descendue ;
En elle, la Volonté consciente prit forme humaine ;
Elle seule peut se sauver et sauver le monde.
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"O Satyavan, O luminous Savitri,
I sent you forth of old beneath the stars,
A dual power of God in an ignorant world,
In a hedged creation shut from limitless self,
Bringing down God to the insentient globe,
Lifting earth-beings to immortality.
"He is my soul that climbs from nescient Night
Through life and mind and supernature's Vast
To the supernal light of Timelessness
And my eternity hid in moving Time
And my boundlessness cut by the curve of Space.
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"O Savitri, thou art my spirit's Power,
The revealing voice of my immortal Word,
The face of Truth upon the roads of Time
Pointing to the souls of men the routes to God.
"Abandoning the dubious Middle Way
A few shall glimpse the miraculous Origin
And some shall feel in you the secret Force
And they shall turn to meet a nameless tread,
Adventurers into a mightier Day.
Ascending out of the limiting breadths of mind,
They shall discover the world's huge design
And step into the Truth, the Right, the Vast.
You shall reveal to them the hidden eternities,
The breath of infinitudes not yet revealed,
Some rapture of the bliss that made the world,
Some rush of the force of God's omnipotence,
Some beam of the omniscient Mystery.
But when the hour of the Divine draws near,
The Mighty Mother shall take birth in Time
And God be born into the human clay
Ô Satyavan, ô lumineuse Savitri,
Je vous ai envoyés depuis des âges sous les étoiles,
Pouvoir duel de Dieu dans un monde ignorant,
Dans une création close séparée du moi sans limite,
Pour faire descendre Dieu dans cette vapeur insensible,
Et soulever les êtres terrestres vers l'immortalité.
"Il est mon âme qui s'élève du néant de la Nuit
Traversant la vie, le mental et l'Immensité de la supranature
Jusqu'à la lumière surnaturelle hors du Temps.
Il est mon éternité cachée dans le mouvement du Temps
Et mon infinitude tranchée par la courbe de l'Espace.
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"Ô Savitri, tu es le Pouvoir de mon esprit,
La voix révélatrice de ma Parole immortelle,
Le visage de la Vérité sur les routes du Temps
Montrant aux âmes des hommes les chemins vers Dieu.
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"Abandonnant la douteuse Voie du Milieu
Quelques-uns apercevront l'Origine miraculeuse
Et certains sentiront en vous la Force secrète
Et ils iront à la recherche de la trace sans nom,
Aventuriers d'un Jour plus puissant.
Sortant au-dessus des dimensions limitées du mental,
Ils découvriront l'immense dessein du monde
Et pénétreront dans le Vrai, le Droit, le Vaste.
Vous leur révélerez les éternités cachées,
Le souffle des infinitudes encore non révélées,
Quelque extase de la béatitude qui fit le monde,
Quelque pulsation de la force omnipotente de Dieu,
Quelque rayon du Mystère omniscient.
Mais quand l'heure du Divin approchera,
La puissante Mère prendra naissance dans le Temps
Et Dieu naîtra dans l'argile humaine
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In forms made ready by your human lives.
Then shall the Truth supreme be given to men.
"The incarnate dual Power shall open God's door,
Eternal supermind touch earthly Time.
The superman shall wake in mortal man
And manifest the hidden demi-god
Or grow into the God-Light and God-Force
Revealing the secret deity in the cave.
"A mightier race shall inhabit the mortal's world.
On Nature's luminous tops, on the Spirit's ground,
The superman shall reign as king of life,
Make earth almost the mate and peer of heaven
And lead towards God and truth man's ignorant heart
And lift towards godhead his mortality.
"A divine harmony shall be earth's law,
Beauty and Joy remould her way to live :
Even the body shall remember God,
All earth shall be the Spirit's manifest home,
"Even should a hostile force cling to its reign
And claim its right's perpetual sovereignty
And man refuse his high spiritual fate,
Yet shall the secret Truth in things prevail.
For in the march of all-fulfilling Time
The hour must come of the Transcendent's will:
All turns and winds towards his predestined ends
In Nature's fixed inevitable course
Decreed since the beginning of the worlds
In the deep essence of created things :
"Even the many shall some answer make
And bear the splendour of the Divine's rush
And his impetuous knock at unseen doors.
A heavenlier passion shall upheave men's lives,
Their mind shall share in the ineffable gleam,
Their heart shall feel the ecstasy and the fire,
Dans les formes préparées par vos vies humaines.
Alors la Vérité suprême sera donnée aux hommes.
"Le Pouvoir duel incarné ouvrira la porte de Dieu,
Le supramental éternel touchera le Temps terrestre.
Le surhomme s'éveillera dans l'homme mortel
Et manifestera le demi-dieu caché
Ou deviendra la Lumière de Dieu et la Force de Dieu
Révélant la divinité secrète dans la caverne.
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"Une race plus puissante habitera le monde des mortels.
Sur les sommets lumineux de la Nature, sur la base de l'Esprit,
Le surhomme régnera en roi de la vie,
II fera presque de la terre le double et l'égal du ciel
Et conduira vers Dieu et la vérité, le cœur ignorant de l'homme
Et soulèvera les mortels vers la divinité.
"Une harmonie divine sera la loi de la terre,
La Beauté et la Joie remodèleront sa manière de vivre :
Même le corps se souviendra de Dieu,
Et la terre sera la demeure manifeste de l'Esprit.
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"Même si une force hostile s'accrochait à son règne
Et réclamait la souveraineté perpétuelle de ses droits
Même si l'homme refusait sa haute destinée spirituelle,
La Vérité secrète des choses triompherait quand même.
Car dans la marche du Temps qui accomplit tout
L'heure de la Volonté transcendante doit venir :
Tout tourne et remonte vers sa fin prédestinée
Suivant le cours inévitablement fixé de la Nature
Décrété depuis le commencement des mondes
Dans l'essence profonde des choses créées :
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"Et même de la multitude une réponse viendra
Elle supportera la splendeur de la pression divine
Et son choc impétueux aux portes invisibles.
Une passion plus céleste soulèvera la vie des hommes,
Leur mental participera à l'ineffable rayon,
Leur cœur sentira l'extase et le feu,
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Earth's bodies shall be conscious of a soul;
Mortality's bond-slaves shall unloose their bonds,
Mere men into spiritual beings grow
And see awake the dumb divinity.
"Thus shall the earth open to divinity
And common natures feel the wide uplift,
Illumine common acts with the Spirit's ray
And meet the deity in common things.
Nature shall live to manifest secret God,
The Spirit shall take up the human play,
This earthly life become the life divine."
The prophet moment covered limitless space
And cast into the heart of hurrying Time
A diamond light of the Eternal's peace,
A crimson seed of God's felicity;
A glance from the gaze fell of undying Love.
A power leaned down, a happiness found its home.
Over wide earth brooded the infinite bliss.
Les corps sur la terre seront conscients d'une âme ;
Les esclaves de la mort briseront leurs chaînes,
De simples hommes deviendront des êtres spirituels
Et verront l'éveil de la divinité muette.
"Ainsi s'ouvrira la terre à la divinité
Et les natures ordinaires sentiront le vaste soulèvement,
Les actes ordinaires s'illumineront du rayon de l'Esprit
Et elle découvrira le divin dans les choses ordinaires.
La nature vivra pour manifester le Dieu secret,
L'Esprit s'emparera du jeu humain,
La vie terrestre deviendra la vie divine."
Le moment prophétique couvrit l'espace sans limite
Et sema au cœur du Temps pressé
La lumière de diamant de la paix de l'Eternel,
La semence pourpre de la félicité de Dieu ;
Un éclat du regard de l'Amour immortel tomba.
Un pouvoir se pencha, une joie trouva sa demeure.
Embrassant la grande terre, une béatitude infinie attendait.
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