Dans ce volume ont été réunis des articles, des messages, des lettres et des conversations de la Mère avec des étudiants et des professeurs de l’école de l’Ashram, et trois pièces de théâtre.
Dans ce volume ont été réunis des articles, des messages, des lettres et des conversations de la Mère avec des étudiants et des professeurs de l’école de l’Ashram, et trois pièces de théâtre : Vers l’Avenir, Le Grand Secret et L’Ascension vers la Vérité.
De tous les domaines de la conscience humaine, le physique est celui qui est le plus complètement régi par la méthode, l’ordre, la discipline, le procédé. Le manque de plasticité et de réceptivité de la matière doit y être remplacé par une organisation de détail, à la fois précise et compréhensive. Dans cette organisation, il ne faut pas oublier l’interdépendance et l’interpénétration de tous les domaines de l’être. Cependant, même une impulsion mentale ou vitale, pour s’exprimer physiquement, doit se soumettre à un procédé exact. C’est pourquoi toute éducation du corps, pour être efficace, doit être rigoureuse et détaillée, prévoyante et méthodique. Cela se traduira par des habitudes; le corps est un être d’habitudes. Mais celles-ci doivent être contrôlées et disciplinées, tout en restant suffisamment souples pour s’adapter aux circonstances et aux besoins de la croissance et du développement de l’être.
Toute éducation corporelle doit commencer à la naissance même et se prolonger toute la vie : il n’est jamais trop tôt pour commencer, jamais trop tard pour continuer.
L’éducation physique aura trois aspects principaux :
(1)— contrôle et discipline du fonctionnement du corps;
(2)— développement intégral méthodique et harmonieux de toutes les parties et de tous les mouvements du corps;
(3)— rectification des défauts et des déformations s’il y a lieu.
On peut dire que, dès les premiers jours, presque les premières heures de sa vie, l’enfant doit être soumis à la première partie de ce programme en ce qui concerne l’alimentation, le sommeil, l’évacuation, etc. Si dès le début de son existence, l’enfant prend de bonnes habitudes, cela lui évitera beaucoup d’ennuis et de désagréments pour tout le reste de sa vie. Et aussi ceux qui, durant ses premières années, auront la charge de veiller sur lui, trouveront leur tâche beaucoup plus facile.
Il est bien entendu que pour être rationnelle, éclairée et efficace, cette éducation doit être basée sur un minimum de connaissance du corps humain, de sa structure et de son fonctionnement. À mesure que l’enfant se développe, il faudra l’habituer petit à petit à percevoir le fonctionnement de ses organes internes, afin qu’il puisse progressivement les contrôler et veiller à ce que ce fonctionnement soit normal et harmonieux. Au point de vue des attitudes, des postures et des mouvements, les mauvaises habitudes se prennent très tôt et très vite, et elles peuvent avoir des conséquences funestes pour la vie tout entière. Ceux qui prennent au sérieux la question de l’éducation physique et veulent donner à leurs enfants les meilleures conditions pour se développer normalement, trouveront facilement les indications et instructions nécessaires. Le sujet est de plus en plus soigneusement étudié, et de nombreux ouvrages ont paru et continuent à paraître, donnant tous les renseignements voulus.
Il m’est impossible d’entrer ici dans les détails de l’exécution, car chaque problème diffère des autres, et la solution doit s’adapter au cas individuel. La question de la nourriture a été longuement et soigneusement étudiée; le régime à suivre pour aider les enfants dans leur croissance est à peu près généralement connu et peut utilement être appliqué. Mais il est très important de se souvenir que l’instinct du corps, lorsqu’il est intact, est plus sûr que toute théorie. Ainsi, ceux qui veulent laisser leur enfant se développer normalement, ne doivent pas le contraindre à manger les aliments pour lesquels il éprouve du dégoût; car le plus souvent, à moins que l’enfant ne soit particulièrement capricieux, le corps a un sûr instinct de ce qui lui est nuisible.
Dans son état normal, c’est-à-dire sans l’intervention des notions mentales ni des impulsions vitales, le corps sait aussi très L’éducation physique bien ce qui lui est bon et nécessaire, mais pour que cela puisse se produire effectivement, il faut éduquer l’enfant avec soin, et lui apprendre à distinguer entre ses désirs et ses besoins.
Il faut lui donner le goût de la nourriture saine et simple, substantielle et appétissante, mais sans complications inutiles. Dans son régime quotidien, il faut éviter tout ce qui alourdit et empâte; et surtout il faut lui apprendre à manger à sa faim, ni plus ni moins, et non à faire des repas une occasion de satisfaire sa gourmandise ou sa gloutonnerie. Il est nécessaire de savoir, dès l’enfance, que l’on se nourrit pour donner à son corps la force et la santé, non pour jouir des plaisirs du palais. On doit donner aux enfants la nourriture qui convient à leur tempérament, préparée avec toutes les garanties de l’hygiène et de la propreté, d’un goût agréable, mais d’une grande simplicité. Cette nourriture doit être choisie et dosée d’après l’âge de l’enfant et ses activités régulières; elle doit contenir tous les éléments chimiques et dynamiques nécessaires à son développement et à la croissance équilibrée de toutes les parties du corps.
Comme on ne donnera à manger à l’enfant que ce qui est utile pour le maintenir en bonne santé et le pourvoir des énergies nécessaires, il faut soigneusement s’abstenir de se servir de la nourriture comme d’un moyen de coercition ou de punition. L’habitude de dire à un enfant : « Tu n’as pas été sage, tu seras privé de dessert », etc., est tout à fait pernicieuse. On crée ainsi dans sa petite conscience l’impression que les aliments lui sont donnés principalement pour faire plaisir à sa gourmandise et non parce qu’ils sont indispensables au bon fonctionnement de son corps.
Une autre chose doit être enseignée à un enfant dès son jeune âge, c’est le goût de la propreté et l’habitude de l’hygiène; mais pour obtenir cette propreté et le respect des règles de l’hygiène, on prendra grand soin de ne pas lui inculquer la peur des maladies : la peur est le plus mauvais levier d’éducation et le plus sûr moyen d’attirer ce que l’on redoute. Cependant, sans craindre la maladie, il ne faut pas, non plus, avoir une inclination pour elle. Couramment, on rencontre la croyance que les brillants esprits sont dans des corps chétifs. C’est une opinion aussi illusoire que mal fondée; et si, peut-être, il y avait à une époque un goût romantique et morbide pour le déséquilibre physique, heureusement cette tendance a disparu. Maintenant on apprécie à sa juste valeur un corps bien bâti, solide, musclé, fort et en bon équilibre. Dans tous les cas, il faut inculquer aux enfants le respect de la santé et l’admiration pour l’homme bien portant dont le corps vigoureux sait repousser les attaques de la maladie. Souvent un enfant prétend être malade pour échapper à une nécessité ennuyeuse, à un travail qui ne l’intéresse pas, ou simplement pour attendrir ses parents et obtenir d’eux la satisfaction d’un caprice quelconque. Aussi jeune que possible, il faut apprendre à l’enfant que le procédé ne vaut rien et qu’on ne devient pas plus intéressant parce qu’on est malade, au contraire. Chez les êtres faibles, il y a une tendance à croire que leur faiblesse les rend particulièrement intéressants, et à se servir de cette faiblesse et même, au besoin, de la maladie, comme d’un moyen pour attirer sur eux l’attention et la sympathie des personnes qui les entourent ou vivent avec eux. On ne doit d’aucune façon encourager cette tendance néfaste; pour cela il sera bon d’apprendre à l’enfant que d’être malade est le signe d’une défaillance ou d’une infériorité, non d’une vertu ou d’un sacrifice.
C’est pourquoi, dès que l’enfant pourra se servir de ses membres, il faudra consacrer quotidiennement un certain temps au développement méthodique et normal de toutes les parties de son corps. De vingt à trente minutes tous les jours, de préférence au réveil si possible, suffiront à assurer le bon fonctionnement et la croissance équilibrée de ses muscles, tout en prévenant l’ankylose des jointures et de la colonne vertébrale qui se produit beaucoup plus tôt qu’on ne le pense. Dans le programme général de l’éducation d’un enfant, il faut donner L’éducation physique 19 une bonne place aux sports et aux jeux en plein air; cela, plus que toutes les médecines du monde, lui assurera une bonne santé. Une heure de mouvement au soleil fait plus pour guérir la faiblesse et même l’anémie, que tout un arsenal de toniques. Je conseillerai de ne se servir des médicaments que lorsqu’il est absolument impossible de faire autrement; et cet « absolument impossible » doit être très rigoureux. Dans le programme de culture physique, quoiqu’il y ait des lignes générales bien connues pour le meilleur développement à donner au corps humain, dans chaque cas, cependant, la méthode, pour être pleinement efficace, doit être considérée individuellement, si possible avec l’aide d’une personne compétente, sinon, en se servant des nombreux traités qui ont déjà paru sur le sujet et continuent à paraître.
Mais dans tous les cas, et quelles que soient ses activités, un enfant doit avoir un nombre d’heures de sommeil suffisant. Ce nombre variera avec l’âge. Au berceau, les bébés doivent dormir plus longtemps qu’ils ne restent éveillés. Le nombre d’heures de sommeil diminuera à mesure que l’enfant grandira ; mais jusqu’à maturité, ce nombre ne devra pas être inférieur à huit heures dans un endroit tranquille et bien ventilé. On ne doit jamais faire veiller un enfant inutilement. Les heures avant minuit sont les meilleures pour le repos des nerfs. Même pendant les heures de veille, la détente est une chose indispensable pour tous ceux qui veulent garder leur équilibre nerveux. Savoir détendre ses muscles et ses nerfs est un art qui devrait être enseigné aux enfants très jeunes; tandis que, tout au contraire, il y a beaucoup de parents qui poussent leur enfant à une constante activité. Quand l’enfant reste tranquille, ils s’imaginent qu’il est malade. Et même, il y a des parents qui ont la mauvaise habitude de faire faire à leur enfant des travaux ménagers, au détriment de son repos ou de son délassement. Rien n’est plus mauvais pour un système nerveux en formation qui ne pourra résister à la tension d’un effort trop soutenu ou d’une activité imposée et non librement choisie. Au risque de contrecarrer beaucoup d’idées courantes et de froisser bien des préjugés, j’affirme qu’il n’est pas juste d’exiger les services d’un enfant, comme s’il était de son devoir de servir ses parents. Le contraire serait plus vrai; et certainement il est naturel pour les parents de servir leur enfant, ou tout au moins de prendre grand soin de lui. Ce n’est que si un enfant choisit librement de travailler pour sa famille et qu’il fasse ce travail comme un amusement, que la chose est acceptable. Et encore, faudra-t-il veiller à ce que cela ne diminue en rien les heures d’un repos absolument indispensable pour le bon fonctionnement de son corps.
J’ai dit que dès le jeune âge, il faut inculquer aux enfants le respect de la bonne santé, de la force et de l’équilibre physiques. Il faut insister aussi sur la grande importance de la beauté. Un jeune enfant doit aspirer à la beauté, non dans le but de plaire ou d’avoir du succès, mais pour l’amour de la beauté elle-même; car la beauté est l’idéal à réaliser pour toute vie physique. Dans chaque être, il y a la possibilité d’une harmonie des différentes parties de son corps entre elles, et des mouvements de son corps en action. Tout corps qui, dès le début de son existence, est soumis à une méthode rationnelle de culture, peut réaliser son harmonie propre, et ainsi être apte à manifester la beauté. Quand nous parlerons des autres aspects d’une éducation intégrale, nous verrons quelles sont les conditions intérieures à remplir pour que cette beauté puisse se manifester un jour.
Jusqu’à présent, je n’ai fait mention que de l’éducation à donner aux enfants, parce que, par une éducation physique éclairée, donnée en temps voulu, bien des défauts corporels peuvent être corrigés, bien des déformations peuvent être évitées. Mais si, pour une raison quelconque, cette éducation physique n’a pas été donnée durant l’enfance et même la jeunesse, elle peut être commencée à n’importe quel âge, et poursuivie pendant toute la vie. Mais plus on débutera tard, plus il faudra s’attendre à rencontrer de mauvaises habitudes à L’éducation physique redresser, des rigidités à assouplir, des déformations à rectifier. Et ce travail préparatoire demandera beaucoup de patience et de persévérance, avant que l’on ne puisse aborder un programme constructif d’harmonisation de la forme et de ses mouvements. Mais en gardant vivant en soi l’idéal de beauté à réaliser, on est sûr d’atteindre tôt ou tard le but que l’on s’est proposé.
Bulletin, avril 1951
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