Dans ce volume ont été réunis des articles, des messages, des lettres et des conversations de la Mère avec des étudiants et des professeurs de l’école de l’Ashram, et trois pièces de théâtre.
Dans ce volume ont été réunis des articles, des messages, des lettres et des conversations de la Mère avec des étudiants et des professeurs de l’école de l’Ashram, et trois pièces de théâtre : Vers l’Avenir, Le Grand Secret et L’Ascension vers la Vérité.
L’école doit être une occasion de progrès pour le professeur aussi bien que pour l’élève. Chacun doit avoir la liberté de se développer librement.
On n’applique jamais aussi bien une méthode que lorsqu’on l’a découverte soi-même. Autrement c’est aussi ennuyeux pour le professeur que pour l’élève.
Pour éviter que les élèves du Cours Supérieur aient trop de travail, sans pour cela abaisser le niveau des études, ceux qui se sentent surchargés pourraient être invités à abandonner quelques cours. Ils pourraient alors concentrer leur temps et leur énergie sur ceux qu’ils conserveraient. Cela vaudrait mieux que d’alléger les cours, qui perdraient alors leur valeur pour les autres élèves. À côté d’élèves bien doués, qui suivent facilement, il est normal que nous ayons des élèves moins doués ou plus lents qui ne peuvent suivre aussi vite. Ceux-là pourraient laisser de côté certains cours, quitte à les reprendre plus tard en faisant une année supplémentaire. Est-ce là une bonne solution?
Cela dépend. Ce n’est pas absolument général. Il y en a beaucoup à qui cela ne servirait pas à grand-chose. Ils n’ont pas le niveau suffisant pour savoir se concentrer davantage sur certains sujets, s’ils ont moins de sujets à étudier. Cela risquerait seulement de provoquer en eux un relâchement — tout le contraire d’une concentration! — et d’aboutir à un gaspillage de temps.
La solution n’est pas là. Ce qu’il faut faire, c’est apprendre aux enfants à s’intéresser à ce qu’ils font — ce n’est pas la même chose que d’intéresser les enfants! Il faut éveiller en eux le désir de connaissance, de progrès. On peut s’intéresser à n’importe quoi — balayer une chambre, par exemple — si on le fait avec concentration, dans le but d’acquérir une expérience, de faire un progrès, de devenir plus conscient. Je le dis souvent aux élèves qui se plaignent d’avoir un mauvais professeur. Même s’ils n’aiment pas le professeur, même si celuici leur dit des choses inutiles ou n’est pas à la hauteur, ils peuvent toujours tirer parti de leur heure de classe, apprendre quelque chose de très intéressant et faire un progrès dans la conscience.
La plupart des professeurs cherchent à avoir de bons élèves : des élèves qui soient studieux, attentifs, qui comprennent et sachent beaucoup de choses, qui peuvent répondre — de bons élèves. Cela gâte tout. Les élèves se mettent à consulter les livres, à étudier, à apprendre. Ils n’ont plus confiance que dans les livres, dans ce que les autres disent ou écrivent, et perdent le contact avec cette partie supraconsciente qui reçoit la connaissance par intuition. Ce contact existe souvent chez le jeune enfant, mais il se perd pendant l’éducation.
Pour que les élèves puissent progresser dans la bonne direction il faut évidemment que les professeurs aient compris cela et qu’ils aient modifié leur ancienne façon de voir et d’enseigner. Sans cela, je me trouve arrêtée dans le travail.
16 décembre 1959
Ce n’est pas par « l’uniformité » qu’on obtient l’unité.
Ce n’est pas par l’uniformité des programmes et des méthodes que vous obtiendrez l’unité de l’enseignement.
L’unité s’obtient par une référence constante, silencieuse ou exprimée suivant les cas, à l’idéal central, la force ou la lumière centrale, la raison d’être et le but de notre éducation.
La vraie, la suprême Unité s’exprime dans la « diversité ». C’est la logique mentale qui réclame l’unicité. Pratiquement, chacun doit trouver et appliquer sa méthode propre; celle qu’il comprend et qu’il sent. C’est seulement ainsi que l’enseignement peut être efficace.
13 octobre 1960
Mère, voudrais-tu bien définir en quelques mots ce que tu entends essentiellement par « Libre Progrès ».
Un progrès guidé par l’âme et non pas soumis aux habitudes, aux conventions et aux idées préconçues.
20 juillet 1965
(Plusieurs professeurs soumirent un rapport où ils exprimaient leurs inquiétudes quant à l’irrégularité dont les élèves faisaient preuve pour étudier et venir en classe. Selon les professeurs, quelques étudiants seulement travaillaient de façon satisfaisante. La solution qu’ils suggéraient consistait en une organisation plus stricte des classes. La Mère fit ce commentaire :)
Pour les professeurs d’abord :
Je dis que je suis satisfaite des chiffres que le rapport indique. En dépit de tout ce qu’on peut penser la proportion de très bons élèves est satisfaisante. Si sur cent cinquante élèves, il y en a sept qui sont des personnalités de valeur, c’est très bien.
Pour l’organisation maintenant :
L’ensemble des classes peut être réorganisé de façon à répondre aux besoins de la majorité, c’est-à-dire de ceux qui, sans pression extérieure, sans discipline imposée, travaillent mal et ne progressent pas.
Mais il est essentiel que le système d’éducation actuel des nouvelles classes soit maintenu, afin de permettre aux éléments d’élite de se manifester et de se développer librement. C’est cela notre vrai but. Il faut que l’on sache — il ne faut pas hésiter à le proclamer — que notre école est faite pour découvrir et encourager ceux en qui le besoin de progrès est devenu conscient au point d’orienter la vie. Ce doit être un privilège d’être admis dans ces classes de libre progrès.
À intervalles réguliers (tous les mois, par exemple) il faudra faire le tri et remettre dans la filière ordinaire ceux qui ne peuvent pas profiter de l’éducation spéciale.
Les critiques faites dans le rapport s’adressent aux professeurs aussi bien qu’aux élèves. Pour un élève de qualité supérieure, un professeur très versé dans son sujet suffit (à la rigueur, un bon livre de classe, avec des encyclopédies et des dictionnaires, suffiraient). Mais à mesure que l’on descend l’échelle et que la qualité de l’élève baisse, il faut que le professeur ait, lui, des qualités de plus en plus hautes : discipline, maîtrise de soi, consécration, compréhension psychologique, enthousiasme communicatif, pour éveiller dans l’élève ce qui est endormi : volonté de savoir, besoin de progrès, contrôle de soi, etc.
De même que nous organisons l’École de façon à pouvoir découvrir et aider les élèves d’élite, de même il faudrait que la responsabilité des classes soit donnée à des professeurs d’élite.
Je demande donc à chacun des professeurs de considérer son travail à l’école comme le meilleur et le plus rapide moyen de faire son yoga. Et aussi il faudrait pour lui que chaque difficulté et chaque élève difficile soit une occasion de trouver une solution divine au problème.
Bénédictions.
5 août 1963
Mère, d’après mes élèves il paraît que Z leur a dit qu’on pouvait développer ses facultés latentes par des exercices méthodiques et que Tu lui avais indiqué ces exercices. Il a ajouté que c’est cela qu’on devait essayer dans le Centre d’Éducation ici. Alors mes élèves m’ont demandé si sous Ta direction on pouvait essayer cela dans notre réunion le soir. Je leur ai répondu que j’étais complètement ignorant de ces choses, que je n’avais aucune faculté développée en moi et que je considère cela même un peu dangereux. J’ai ajouté que peut-être il vaut mieux laisser Mère s’occuper de cela et que ces facultés se développeront en nous quand Elle le jugerait bon. Mère, est-ce que mon attitude est correcte? Sinon, indique-moi le droit chemin.
Tu as raison et ce que tu as dit est correct.
Sur l’insistance de Z j’avais indiqué un exercice de début — mais les résultats ont été plutôt fâcheux, et j’ai dû arrêter. Quand le moment est venu, ces choses viennent naturellement, spontanément pour ainsi dire, et il vaut mieux ne pas prendre des résolutions arbitraires.
L’éducation qu’on nous donne ici actuellement diffère peu de l’éducation qu’on donne ailleurs. Précisément donc, on doit essayer ici d’éduquer les facultés latentes et spirituelles de l’élève. Mais comment faire cela à l’école?
Ce n’est pas par des méthodes extérieures que cela peut être fait. Cela dépend presque entièrement de l’attitude et de la conscience du professeur. Si lui-même n’a pas la vision et la connaissance intérieures, comment peut-il les passer à ses élèves?
À vrai dire, on compte surtout sur l’atmosphère ambiante chargée de force spirituelle et qui a un effet, même si elle n’est pas perçue ou sentie.
20 avril 1966
Aux professeurs et aux élèves
Les classes « Vers la Perfection 7 » sont en accord avec l’enseignement de Sri Aurobindo.
Elles mènent vers la réalisation de la Vérité.
Ceux qui ne comprennent pas cela tournent le dos à l’avenir.
Septembre 1966
Si nous devons avoir un système nouveau, quel sera exactement ce système?
Cela va être mis en pratique pour le mieux, selon la capacité de chaque professeur.
27 juillet 1967
(Un professeur suggérait de réorganiser les cours des étudiants d’un certain groupe. Il conseillait de réduire le nombre de classes programmées; les professeurs donneraient le matin une aide individuelle à leurs élèves et ne les verraient en groupes que l’après-midi. Sa lettre se terminait ainsi :)
Beaucoup de professeurs sentent que la division qui existe entre les classes de X et ce qui est appelé « Old SysOld System » n’est pas désirable. Avec la réorganisation proposée, les différences entre les deux diminueront de beaucoup. .
Est-ce que Tu penses que cette division doit continuer? Faut-il attendre encore pour qu’elle disparaisse?
Ce serait infiniment préférable que la division disparaisse immédiatement. L’efficacité de ce que vous proposez ne sera visible qu’à la pratique. Ainsi, il me semble que le mieux est d’essayer, soit pour une année entière si les résultats sont lents à se révéler, soit pour trois mois si, après ce temps, les résultats sont clairement visibles.
Avec de la sincérité et de la souplesse vous devez venir à bout du problème.
6 novembre 1967
(Au sujet d’un choix de livres pour une classe de mathématiques.)
Le livre français est le seul qui me paraisse possible — les autres sont rébarbatifs et vous dégoûtent du travail.
Mais je ne suis pas d’avis de donner ce livre français aux élèves. À vrai dire, ils n’ont pas besoin de livres. C’est le ou les professeurs qui devraient, d’après le livre, préparer des leçons adaptées à la connaissance, la capacité et les besoins des élèves. C’est-à-dire que le professeur devrait apprendre ce qui est dans le livre et le transcrire et l’expliquer aux élèves, petit à petit, peu à la fois, avec beaucoup d’explications, de commentaires et d’applications pratiques pour rendre le sujet accessible et attrayant; c’est-à-dire de la pratique vivante au lieu de la théorie sèche et morte.
3 décembre 1967
X m’a demandé, il y a quelque temps, si j’aimerais travailler dans les classes du Libre Progrès. À présent, j’enseigne dans les classes dites de l’ancienne méthode.
Mère, me diras-Tu si je dois rester là où je suis maintenant, ou si je dois travailler dans les classes du Libre Progrès?
La vieille méthode d’enseignement est évidemment périmée et sera peu à peu abandonnée dans le monde entier.
Mais à dire vrai, il faudrait que chaque professeur, en s’inspirant des idées modernes, trouve la méthode qui lui semble la meilleure et la plus adaptée à sa nature. C’est seulement s’il [le professeur qui a posé la question] ne sait pas ce qu’il doit faire, qu’il peut joindre sa classe à celles de X.
Les classes ordinaires appartiennent au passé et disparaîtront petit à petit. Quant au choix entre travailler seul ou joindre les classes « Vers la Perfection », cela dépend de toi. Parce que pour enseigner et conduire une classe il faut passer de la théorie et des spéculations intellectuelles à une pratique très concrète qui doit être élaborée dans tous ses détails.
Apprendre à enseigner en faisant une classe est certainement très bon pour le candidat professeur, mais certainement moins utile pour les élèves.
Se joindre à « Vers la Perfection » est une sorte de dressage qui peut être utile pour un débutant qui y apprendra facilement la pratique de l’enseignement.
C’est à toi de choisir.
J’ai observé deux sortes d’idées contradictoires en moi : les unes pour le travail individuel, les autres pour le travail en commun. J’hésite entre les deux et ne peux me lancer entièrement dans aucune.
N’est-il pas possible de diviser le temps de la classe en deux parties (inégales ou égales suivant la nécessité) et essayer les deux systèmes? Cela donnerait de la diversité à l’enseignement et un champ d’observation des élèves et de leurs capacités plus étendu.
(Les questions ci-dessous concernent deux groupes de classes pour les enfants de quatorze à dix-huit ans. Bien que les deux groupes soient basés sur le système du Libre Progrès, le programme de « En Avant » était plus structuré que celui de « Vers la Perfection ».)
(1) Il y a des différences d’opinion parmi les professeurs quant à la direction dans laquelle notre école doit s’engager. Comment faire disparaître ces différences?
(2) Doit-on avoir des classes fixes et un programme fixe pour les enfants au-dessous de quatorze ans, ou bien peut-on leur donner aussi la liberté de choisir leur ligne de travail et celle de travailler à leur rythme?
(3) Notre tâche essentielle est-elle ou n’est-elle pas de réaliser des conditions dans lesquelles l’âme intérieure de l’enfant pourra trouver la possibilité de venir au premier plan et de guider sa croissance?
(4) Faut-il envisager une fusion des deux groupes « Vers la Perfection » et « En Avant » ?
Ils ont tous raison et tous tort à la fois.
Il semble d’abord qu’au-dessus de sept ans, ceux qui ont une âme vivante sont si éveillés qu’ils sont prêts pour la trouver, si on les aide. Au-dessous de sept ans, ce sont des cas exceptionnels.
Parmi nos enfants il y a de grandes différences. Il y a d’abord ceux qui ont une âme vivante. Pour ceux-là, pas de question. Il faut les aider à la trouver.
Mais il y en a d’autres. Ceux qui sont comme de petits animaux. Si ce sont des enfants de la société extérieure, dont les parents s’attendent à ce qu’ils soient instruits — pour ceux-là les classes d’« En Avant » conviennent. Ça n’a pas d’importance.
Le problème n’est pas d’avoir ou de ne pas avoir de classes, de programmes. Le problème est de choisir les enfants.
Jusqu’à sept ans, il faut que les enfants s’amusent. Toute l’école doit être un jeu, et ils apprennent en jouant. C’est en jouant qu’ils prennent goût à apprendre, le goût de savoir et de comprendre la vie. Le système n’a pas beaucoup d’importance. C’est l’attitude du professeur qui importe. Le professeur ne doit pas être quelque chose que l’on subit parce qu’on est contraint. Il doit toujours être l’ami que l’on aime parce qu’il vous aide et vous amuse.
Au-dessus de sept ans on peut appliquer le nouveau système à ceux qui sont prêts, à condition d’avoir une classe où les autres peuvent travailler de la façon ordinaire. Et pour cette classe le professeur doit être convaincu que ce qu’il fait est la bonne méthode. Il ne doit pas se sentir relégué à une tâche inférieure.
Quand les gens ne s’entendent pas, c’est leur petitesse, leur étroitesse qui les en empêche. Ils peuvent avoir raison dans l’idée... mais ils peuvent ne pas faire la vraie chose, s’ils n’ont pas l’ouverture nécessaire.
Ces choses-là devraient être au-dessus des questions de personne. C’est une faiblesse de mélanger les deux. Il ne devrait pas y avoir de questions de personne.
Il y a des choses que nous ne pouvons pas faire. Par exemple, si l’on voulait élever tous les enfants avec la nouvelle méthode, il faudrait les prendre tous à l’essai, pendant un ou deux mois, voir ceux qui peuvent suivre et renvoyer les autres à leur famille.
C’est impossible.
Nous devons donc faire la solution à l’intérieur. Il y a des enfants qui n’aiment pas la nouvelle méthode — la responsabilité les gêne. J’ai reçu des lettres d’enfants dans ce sens. Il n’y a qu’à les laisser.
Pour tous, sans exception, sans exception, savoir qu’on n’est pas quelqu’un qui sait et qui applique ce qu’il sait. Tout le monde est en train d’apprendre à être et à faire ce qu’il faut 8.
16 novembre 1968
J’ai lu avec satisfaction ce que vous dites de votre travail et je l’approuve pour votre propre travail.
Mais il faut comprendre que d’autres professeurs peuvent concevoir différemment leur propre travail et ont également raison.
La critique que vous faites de X m’étonne parce qu’elle ne répond pas à ce que je connais de lui et de son attitude.
Je profite de cette occasion pour vous assurer que le progrès spirituel et le service de la Vérité sont basés sur l’harmonie et non sur la division et la critique.
25 novembre 1968
Le progrès est dans l’élargissement; pas dans la restriction.
Il faut joindre les points de vue en mettant chacun à sa vraie place, non pas insister sur les uns aux dépens des autres.
Le vrai progrès est dans l’élargissement de l’esprit et l’abolition des limites.
22 octobre 1971
À propos des questions qui vont être posées aux élèves, je voudrais demander aux professeurs de penser avec des idées au lieu de penser avec des mots.
Et, un peu plus tard, quand normalement ils penseront toujours avec des idées, je leur demanderai un progrès de plus qui sera le progrès décisif, c’est, au lieu de penser avec des idées, de penser avec des expériences. Quand on peut le faire, on commence à vraiment comprendre.
Vous avez demandé aux professeurs « de penser avec des idées au lieu de penser avec des mots ». Vous avez aussi dit que vous leur demanderez plus tard de penser avec des expériences. Voudriez-vous donner un éclaircissement sur ces trois façons de penser?
Notre maison a une tour très haute; tout en haut de la tour il y a une chambre claire et nue, la dernière avant de surgir à l’air libre, en pleine lumière.
Parfois, lorsque nous en avons le loisir, nous montons jusqu’à cette chambre claire; et là, si nous y restons bien tranquilles, nous recevons la visite d’une ou de plusieurs visiteuses; les unes sont grandes, les autres petites, certaines sont seules, certaines en groupes; toutes sont claires et gracieuses.
Généralement, dans la joie que donne leur arrivée et dans notre hâte de les bien accueillir, nous perdons notre tranquillité et nous descendons au galop pour nous précipiter dans la grande Le Centre d’salle qui forme la base de la tour et qui est le magasin des mots. Là, dans une excitation plus ou moins grande, nous choisissons, nous rejetons, nous assemblons, nous combinons, nous dérangeons, nous réarrangeons tous les mots qui sont à notre portée, pour tâcher de reproduire telle ou telle visiteuse qui est venue à nous. Mais, le plus souvent, l’image que nous réussissons à faire d’elle ressemble plus à une caricature qu’à un portrait.
Pourtant, si nous étions plus sages, nous resterions là-haut, au sommet de la tour, bien tranquilles, dans une contemplation joyeuse. Alors nous nous apercevrions qu’au bout d’un certain temps, plus ou moins long, les visiteuses elles-mêmes descendent lentement, gracieusement, calmement, sans rien perdre de leur élégance ou de leur beauté; et en traversant le magasin des mots, sans effort, automatiquement elles se revêtent des mots nécessaires pour être perceptibles dans la maison matérielle elle-même.
C’est cela que j’appelle penser avec des idées.
Quand ce procédé n’aura plus pour vous de mystère, alors je vous expliquerai ce que c’est que de penser avec des expériences.
31 mai 1960
La seule manière d’être vraiment convaincant dans sa parole, c’est de penser, non pas avec des idées mais avec des expériences.
As-tu assisté à la réunion des professeurs avec X? Ils se réunissaient parce qu’en plus de leur étude, ils voulaient donner à chacun un projet particulier. Ils voulaient leur faire découvrir ce que les savants découvrent en ce moment — « Qu’est-ce que l’eau? », « Pourquoi le sucre se dissout dans l’eau? » — et toutes ces choses qui conduisent les savants à conclure qu’ils ne savent rien.
Alors moi, je leur ai posé la question : « Qu’est-ce que la mort? »
C’est très important! depuis des siècles les hommes se sont posé la question.
Ils n’en savent rien.
Ils diront (les élèves) : « On ne sait pas ce que c’est que la mort », mais ils apprendront en recherchant. Pour comprendre ça, il faut savoir ça (Mère fait de la main des gestes indiquant plusieurs directions), et à la fin, la connaissance est beaucoup plus large que si on suit une ligne.
Dans le silence, on entre en rapport avec la Vérité.
Après l’idée descend, passe par la bibliothèque des mots et elle ramassera ceux qui sont les plus aptes.
Au commencement ça vient flou. Il faut continuer jusqu’à ce que ce soit précis. On peut noter, mais il faut rester tranquille et continuer. Alors on a le mot exact. Le mot qui vient alors est employé dans son sens essentiel mais non pas dans son sens conventionnel.
Ce n’est pas tout à fait la réalité, c’est les mots qui se rapprochent le plus de la réalité. Il faudrait que les professeurs fassent cela, ce serait très utile au lieu de... (geste de tourbillons dans la tête)
(silence)
Je ne sais pas si vous avez essayé d’obtenir le silence mental. Vous pouvez y passer toute votre vie, vous n’arriverez à presque rien, tandis que ça, c’est passionnant.
D’abord il ne se passe rien. Il faut rester comme ça. Pas activement. Être dans une aspiration vers le Divin. Il ne faut pas de mouvement dans le mental, ce n’est même pas la soumission, c’est un mouvement de parfait... quelque chose entre le don de soi et l’abdication.
Et si le mental fait don de sa manière d’être, un jour la réponse vient spontanément. Ça tombe comme une lumière. Plus on est calme, plus on est confiant, plus on est attentif, plus ça vient clairement.
À un moment, on n’a plus qu’à faire ça (geste de s’ouvrir). L’élève pose une question. On reste (geste de s’ouvrir).
Et surtout pas penser activement : « Je veux savoir... Qu’est-ce qu’il faut lui dire? » Non!
Alors on a toujours la réponse pour l’élève.
Peut-être pas la réponse à la question qu’il a posée, mais la réponse dont il a besoin. Et ce sera toujours intéressant...
Là-haut, on sait. Quand on arrive à croire que le mental est impuissant, qu’il ne sait rien, on se tait. On a de plus en plus la conviction que là-haut, il y a une conscience, non seulement qui sait, mais qui peut, mais qui perçoit le moindre détail, et donc le besoin de l’élève — et qui répond à ça.
Quand on est convaincu de ça, on abdique son intervention personnelle et on dit : « Prends ma place. »
31 juillet 1967
J’ai laissé ces trois garçons se « droguer » avec leurs jeux, espérant que cela leur passerait plus vite.
C’est en effet ce qui est arrivé au début de la troisième semaine : les trois enfants s’inscrivent pour des jeux individuels et oublient leurs jeux bruyants.
Puis-je continuer d’agir ainsi : laisser les abcès extrascolaires se former puis craquer, sans m’occuper du temps qui passe et qui semble être perdu au point de vue scolaire?
Certainement, c’est la meilleure chose à faire.
Devons-nous admettre, dans le cadre de l’école, des jeux d’une certaine catégorie extra-scolaire, tels que cachecache, jeux de balle (cricket), construire une maison... En voyant les élèves réclamer à grands cris, cela nous fait penser à une activité dont nos enfants sont peut-être frustrés; pouvoir, parfois, jouer absolument librement dans un grand parc!
Y a-t-il un besoin réel des enfants?
Sans aucun doute.
23 novembre 1960
Il est très difficile de choisir des jeux qui soient utiles et profitables pour un enfant. Cela demande beaucoup de considération et de réflexion, et tout ce que l’on fait à la légère peut avoir des conséquences fâcheuses.
Les professeurs ne doivent pas s’absenter aux jours et aux heures de leurs classes.
Si quelqu’un est obligé d’avoir des activités extérieures aux heures des classes, il ne peut pas être professeur.
11 mars 1970
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