Dans ce volume ont été réunis des articles, des messages, des lettres et des conversations de la Mère avec des étudiants et des professeurs de l’école de l’Ashram, et trois pièces de théâtre.
Dans ce volume ont été réunis des articles, des messages, des lettres et des conversations de la Mère avec des étudiants et des professeurs de l’école de l’Ashram, et trois pièces de théâtre : Vers l’Avenir, Le Grand Secret et L’Ascension vers la Vérité.
Il y a, dans l’histoire de la terre, des moments de transition où les choses qui ont été pendant des millénaires doivent céder la place à celles qui sont sur le point de paraître. À ces moments-là se produit une concentration spéciale de la conscience universelle, on pourrait presque parler d’une intensification de son effort, qui varie suivant le genre de progrès à faire, la qualité de la transformation à accomplir. Or, nous sommes précisément à un de ces tournants de l’histoire universelle; et de même que la nature a déjà créé sur terre un être mental, l’homme, de même c’est dans cette mentalité que l’action se concentre pour donner naissance à une conscience et à une individualité supramentales.
Certains êtres qui sont, pourrais-je dire, au courant des secrets des dieux, sont informés de l’importance de ce moment dans la vie universelle, et ils ont pris naissance sur terre pour y participer dans la mesure de leurs moyens. Une grande conscience lumineuse plane au-dessus de la terre et produit une sorte de remous dans son atmosphère. Tous ceux qui sont ouverts reçoivent une vague de ce remous, un rayon de cette lumière et, selon leurs capacités, ils essayent de lui donner une forme. Nous avons ici l’incomparable privilège de nous trouver au centre même de ce rayonnement de lumière, à la source de cette force de transformation.
Sri Aurobindo, incarnant dans un corps humain la conscience supramentale, nous a non seulement révélé la nature de la route à suivre et les moyens de la suivre pour atteindre le but, mais il nous a lui-même donné l’exemple par sa réalisation personnelle; il nous a fourni, pour ainsi dire, la preuve que la chose peut être faite et que le moment est venu de la faire.
Nous ne sommes donc pas ici pour répéter ce que les autres ont fait, mais pour nous préparer à l’éclosion d’une conscience et d’une vie nouvelles. Et c’est pourquoi je m’adresse à vous tous, les élèves, c’est-à-dire à tous ceux qui veulent apprendre, apprendre toujours plus, et toujours mieux, pour être un jour capables de vous ouvrir à la force nouvelle et de lui donner la possibilité de se manifester sur le plan physique. Car tel est notre programme et il ne faut pas l’oublier. Pour comprendre la raison véritable de votre présence ici, il faut vous rappeler que nous voulons être des instruments aussi parfaits que possible exprimant la volonté divine dans le monde; et, pour que les instruments soient parfaits, il faut les cultiver, les instruire, les éduquer. Il ne faut pas les laisser comme un terrain en friche, ou un morceau de pierre informe. C’est quand le diamant est artistement taillé qu’il révèle toute sa beauté. Pour vous, c’est la même chose. Quand vous voulez faire de votre être physique un instrument parfait pour manifester la conscience supramentale, il faut le cultiver, l’aiguiser, le raffiner, compléter ce qui lui manque, perfectionner ce qu’il possède déjà. C’est pour cela, mes enfants, que vous allez en classe, que vous soyez petits ou grands; car à tout âge on peut apprendre : il vous faut donc aller en classe.
Parfois, si vous n’êtes pas trop bien disposés, vous vous dites : comme cela va être ennuyeux ! En effet, la classe peut être faite par un professeur qui ne sait pas vous amuser. Il peut être un très bon professeur, mais en même temps ne pas savoir vous amuser, parce que ce n’est pas toujours facile... il y a des jours où on n’a pas envie d’être amusant. Pour lui, comme pour vous, certains jours on voudrait être ailleurs qu’à l’école. Mais tout de même, vous allez à la classe; vous y allez parce qu’il faut y aller, parce que si vous obéissez à toutes vos fantaisies vous n’aurez jamais de contrôle sur vous-mêmes, ce sont vos fantaisies qui vous contrôleront. Vous allez donc en classe, mais au lieu d’y aller en pensant : « Comme je vais m’ennuyer, sûrement cela ne sera pas intéressant », il faut vous dire : « Il n’y a pas une minute de l’existence, pas une circonstance qui ne puisse être Aux élèves petits ou grands une occasion de progrès; quel est donc le progrès que je vais faire aujourd’hui? Dans la classe où je me rends maintenant, on traite d’un sujet qui ne m’intéresse pas; mais peut-être est-ce parce qu’il y a quelque chose qui me manque; peut-être que, quelque part dans mon cerveau, un certain nombre de cellules sont déficientes et c’est pourquoi je ne sais pas trouver d’intérêt dans ce sujet. S’il en est ainsi, je vais essayer : je vais bien écouter, bien me concentrer, et surtout chasser de mon esprit cette futilité, cette légèreté extérieure qui fait que je m’ennuie quand il y a quelque chose que je ne saisis pas. Je m’ennuie parce que je ne fais pas effort pour comprendre, parce qu’il n’y a pas en moi cette volonté de progrès. » Quand on ne fait pas de progrès, on s’ennuie, les grands et les petits, tout le monde, parce que nous sommes sur terre pour progresser. Sans le progrès, comme la vie serait ennuyeuse! Elle est monotone; le plus souvent elle n’est pas gaie; elle est loin d’être belle. Mais si vous la prenez comme un champ de progrès, alors tout change, tout devient intéressant et il n’y a plus de place pour l’ennui. La prochaine fois que votre professeur vous paraîtra ennuyeux, au lieu de perdre votre temps à ne rien faire, essayez de comprendre pourquoi votre professeur vous ennuie. Alors, si vous avez la capacité d’observation et si vous faites effort pour comprendre, vous vous apercevrez bientôt qu’une sorte de miracle s’est accompli et que vous ne vous ennuyez plus du tout.
Le remède est bon, d’ailleurs, dans presque tous les cas. Parfois, dans un certain concours de circonstances, tout vous paraît morne, ennuyeux, stupide; cela veut dire que vous êtes aussi ennuyeux que les circonstances, et c’est une preuve évidente que vous n’êtes pas dans un état de progrès. C’est simplement une vague d’ennui qui passe et rien n’est plus contraire à la raison d’être de l’existence. Si, à ce moment-là, vous faisiez un petit effort et que vous vous demandiez : « Cet ennui est la preuve que j’ai quelque chose à apprendre, un progrès à faire au-dedans de moi, une inertie à vaincre, une faiblesse à surmonter. » L’ennui est une platitude de la conscience, et si c’est en vous que vous cherchez sa guérison, vous verrez que tout de suite il se dissipera. La plupart des gens, quand ils s’ennuient, au lieu de faire effort pour monter d’un degré au-dedans de leur conscience, descendent d’un degré plus bas; ils s’abaissent encore au-dessous de ce qu’ils étaient et ils font des bêtises, ils se rendent vulgaires dans l’espoir de s’amuser. C’est ainsi que les hommes s’intoxiquent, abîment leur santé, abrutissent leur cerveau. Si au lieu de descendre, ils étaient montés, ils auraient profité de l’occasion pour faire un progrès.
Il en est de même, d’ailleurs, dans toutes les circonstances, lorsque la vie donne un grand coup, un de ces coups que les hommes appellent des malheurs. La première chose qu’ils essayent de faire, c’est d’oublier, comme s’ils n’oubliaient pas assez vite! Et pour oublier ils font n’importe quoi. Quand quelque chose est très douloureux, ils veulent se distraire, ce qu’ils appellent se distraire, c’est-à-dire faire des bêtises, descendre dans leur conscience, descendre au lieu de monter. S’il vous arrive quelque chose d’extrêmement pénible, il ne faut pas essayer de vous abrutir, il ne faut pas oublier, il ne faut pas descendre dans l’inconscience; il faut pousser jusqu’au fond de la douleur, et vous y trouverez la lumière, la vérité, la force et la joie que cette douleur cache. Mais pour cela il faut être ferme et refuser de glisser.
Ainsi tous les événements de la vie, grands ou petits, peuvent être l’occasion d’un progrès. Même les détails les plus insignifiants peuvent mener à des révélations, si on sait en tirer parti. Chaque fois que votre occupation n’exige pas une concentration absorbante, profitez-en pour développer votre faculté d’observation et vous verrez que vous ferez des découvertes intéressantes. Pour vous faire comprendre ce que je veux dire, je vous donnerai deux exemples; ce sont deux de ces petits instants de la vie qui, en eux-mêmes, sont très peu de chose et pourtant laissent une impression profonde et durable.
Aux élèves petits ou grands Le premier exemple se passe à Paris. Vous avez une course à faire dans cette ville immense; tout y est bruit, confusion apparente, activité ahurissante. Voilà, tout à coup, que, devant vous, une femme marche; elle ressemble à la plupart des autres femmes; son habillement n’a rien qui attire le regard mais sa démarche est admirable, souple, rythmique, élégante, harmonieuse; votre attention est captivée et vous admirez. Alors, ce corps qui se déplace gracieusement évoque pour vous toutes les splendeurs de la Grèce antique et la leçon de beauté incomparable que sa culture a donnée au monde entier et vous vivez un moment inoubliable; tout cela parce qu’une femme sait marcher!
Le second exemple est à l’autre bout du monde, au Japon. Vous venez d’arriver dans ce pays si beau, pour un séjour prolongé et bien vite vous vous apercevez que si vous n’avez pas au moins une connaissance minimum de la langue, il vous sera très difficile de vous tirer d’affaire. Vous vous mettez donc à étudier le japonais et pour vous familiariser avec la langue, vous ne manquez pas une occasion d’entendre les gens parler; vous les écoutez avec attention, vous essayez de comprendre ce qu’ils disent; et justement, à côté de vous, dans le tramway où vous venez de vous asseoir se trouve un petit enfant de quatre à cinq ans, avec sa mère. L’enfant se met à parler d’une voix claire et pure et en l’écoutant vous avez la remarquable expérience que, lui, sait spontanément ce que vous faites tant d’efforts pour apprendre et qu’en ce qui concerne la langue japonaise, il pourrait être votre maître malgré son jeune âge.
De la sorte, la vie devient admirable et vous donne une leçon à chaque pas. Regardée sous cet angle, elle vaut vraiment d’être vécue.
Bulletin, novembre 1953
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