Dans ce volume ont été réunis des articles, des messages, des lettres et des conversations de la Mère avec des étudiants et des professeurs de l’école de l’Ashram, et trois pièces de théâtre.
Dans ce volume ont été réunis des articles, des messages, des lettres et des conversations de la Mère avec des étudiants et des professeurs de l’école de l’Ashram, et trois pièces de théâtre : Vers l’Avenir, Le Grand Secret et L’Ascension vers la Vérité.
De toutes les é ducations, l’éducation vitale est peut-être la plus importante, la plus indispensable. Pourtant elle est rarement entreprise et poursuivie avec discernement et méthode. Il y a à cela plusieurs raisons, dont la première est que la pensée humaine est dans une grande confusion en ce qui concerne ce sujet spécial ; la seconde, que l’entreprise est très difficile et que pour y réussir, il faut une endurance, une persistance sans limite et une volonté qu’aucun insuccès ne peut fléchir.
En effet, dans la nature humaine, le vital est un tyran despotique et exigeant. De plus, comme il est le détenteur du pouvoir, de l’énergie, de l’enthousiasme et du dynamisme réalisateur, beaucoup de gens éprouvent pour lui un respect craintif et essayent toujours de lui plaire. Mais c’est un maître que rien ne satisfait et ses exigences n’ont pas de bornes. Deux idées très répandues, surtout en Occident, contribuent à rendre sa domination plus souveraine. L’une est que le but principal de la vie est d’être heureux. L’autre, que l’on naît avec un certain caractère et qu’il est impossible d’en changer.
La première de ces deux idées est la déformation enfantine d’une vérité très profonde. C’est que toute existence est basée sur la joie d’être et que sans la joie d’être il n’y aurait pas de vie. Mais il ne faut pas confondre cette joie d’être qui est un attribut du Divin et qui, par conséquent, est inconditionnée, avec la recherche du plaisir dans la vie, qui dépend dans une grande mesure des circonstances. La conviction de se croire le droit d’être heureux, conduit tout naturellement à la volonté de « vivre sa vie » coûte que coûte; cette attitude, par son obscur et agressif égoïsme, mène à tous les conflits, toutes les misères, toutes les déceptions, tous les découragements, et aboutit bien souvent à des catastrophes.
Dans le monde tel qu’il est à présent, le but de la vie n’est pas d’obtenir un bonheur personnel, mais d’éveiller progressivement l’individu à la conscience de la vérité.
La seconde idée provient du fait que changer fondamentalement le caractère, nécessite une maîtrise presque totale du subconscient et une discipline très rigoureuse de ce qui vient de l’inconscient et qui se traduit, dans les natures ordinaires, par les résultats de l’atavisme et du milieu dans lequel on naît. Seules une croissance presque anormale de la conscience et l’aide constante de la grâce peuvent venir à bout de cette tâche herculéenne. Aussi a-t-elle été rarement tentée; et beaucoup d’instructeurs célèbres l’ont déclarée irréalisable et chimérique. Pourtant elle n’est pas irréalisable; la transformation du caractère a été effectivement réalisée à l’aide d’une clairvoyante discipline et d’une persévérance si obstinée que rien, même les échecs les plus persistants, ne peut la décourager.
Le point de départ indispensable est une observation détaillée et perspicace du caractère que l’on veut transformer. Dans la plupart des cas, cela même est une tâche difficile et souvent très déroutante. Mais il est un fait que les anciennes traditions connaissaient et qui peut servir de fil conducteur dans le labyrinthe de la découverte intérieure. C’est que chacun, dans une grande mesure et avec une précision qui va s’affirmant chez les individus d’exception, possède dans son caractère, en proportion presque égale, les deux tendances opposées qui sont comme la lumière et l’ombre d’une même chose. Ainsi, celui qui portera en lui-même la capacité d’être exceptionnellement généreux, verra soudain surgir dans sa nature une avarice opiniâtre; le courageux sera quelque part un lâche et le bon aura soudain des impulsions méchantes. Ainsi la vie semble donner à chacun, avec la possibilité d’un idéal à exprimer, les éléments opposés qui peuvent représenter de façon concrète la bataille à livrer et la victoire à remporter pour que la réalisation devienne possible. Par suite, toute vie est une éducation poursuivie plus ou moins consciemment, plus ou moins volontairement. Dans certains cas cette éducation favorisera les mouvements qui exprimeront la lumière, dans d’autres, ce sera, à l’opposé, les mouvements qui exprimeront l’ombre; si les circonstances et le milieu sont favorables, la lumière croîtra au détriment de l’ombre, sinon, c’est le contraire qui se produira. Et ainsi se cristallisera le caractère de l’individu selon les caprices de la nature et les déterminismes de la vie matérielle et vitale. À moins que n’intervienne à temps un élément supérieur, une volonté consciente qui ne permettra pas à la nature de suivre ses procédés fantaisistes, en y substituant une discipline logique et clairvoyante. Cette volonté consciente est ce que nous appelons une méthode rationnelle d’éducation.
C’est pourquoi il est d’une importance capitale de commencer l’éducation vitale de l’enfant le plus tôt possible, en fait, dès qu’il est capable de se servir de ses sens; ainsi beaucoup de mauvaises habitudes seront évitées et beaucoup d’influences funestes seront annulées.
Cette éducation vitale a deux aspects principaux, très différents dans leur but et leurs procédés, mais tous deux également importants. Le premier concerne le développement et l’emploi des organes des sens, le second, la prise de conscience et la maîtrise progressive du caractère pour aboutir finalement à sa transformation.
L’éducation des sens a elle-même plusieurs aspects s’ajoutant l’un à l’autre à mesure que l’être croît, et, à vrai dire, elle ne devrait jamais cesser. Les organes des sens, par une culture appropriée, peuvent atteindre à une précision et à une puissance de fonctionnement dépassant de beaucoup ce que d’ordinaire on attend d’eux.
Certaines initiations antiques affirmaient que le nombre des sens que l’homme peut développer est non de cinq mais de sept, et dans certains cas spéciaux, même de douze. À certaines époques, certaines races humaines ont, par nécessité, développé L’éducation vitale 25 plus ou moins parfaitement l’un ou l’autre de ces sens supplémentaires. Par une discipline appropriée et tenace, ils sont à la portée de tous ceux qui sont sincèrement intéressés par ce développement et ses conséquences. Parmi les facultés dont il est souvent parlé, il y a celle, par exemple, d’élargir sa conscience physique, de la projeter hors de soi, pour la concentrer sur un point défini, et obtenir ainsi la vision, l’audition, l’odorat, le goût et même le contact à distance.
À cette éducation générale des sens et de leur fonctionnement s’ajoutera, le plus tôt possible, la culture du discernement et du sens esthétique, la capacité de choisir et d’adopter ce qui est beau et harmonieux, simple, sain et pur; car il y a une santé psychologique comme il y a une santé physique; il y a une beauté et une harmonie des sensations, comme il y a une beauté des corps et de leurs mouvements. Dans l’éducation, à mesure que la capacité de comprendre croîtra chez l’enfant, il faudra lui apprendre à ajouter le goût artistique et le raffinement à la puissance et à la précision. Il faudra lui montrer, lui faire apprécier, lui apprendre à aimer les choses belles, hautes, saines et nobles, que ce soit dans la nature ou dans la production humaine. Ce devra être une véritable culture esthétique qui le protégera contre les influences dégradantes. Car, à la suite des dernières guerres et de l’affreuse tension nerveuse qu’elles ont suscitée, comme un signe, peut-être, de dégénérescence de la civilisation et de décomposition sociale, une croissante vulgarité semble s’être emparée de la vie humaine, collective et individuelle, tout particulièrement sur le plan de ce qui fut la vie esthétique et sensorielle des hommes. Une culture méthodique et éclairée des sens peut éliminer peu à peu de l’enfant ce qui, par contagion, est vulgaire, banal et grossier; et cette culture aura de très heureuses répercussions sur son caractère lui-même. Car celui qui atteint à un vrai raffinement du goût se sentira empêché, par ce raffinement même, d’agir d’une façon grossière, brutale ou vulgaire. Le raffinement, s’il est sincère, apporte à l’être une noblesse et une générosité qui se traduiront spontanément dans sa façon d’agir et le mettront à l’abri de beaucoup de bassesses et de perversions.
Et ceci nous mène tout naturellement au second aspect de l’éducation vitale, celui qui concerne le caractère et sa transformation.
Généralement, toutes les disciplines s’occupant de l’être vital, de sa purification et de sa maîtrise, procèdent par coercition, suppression, abstinence, ascétisme. Certes le procédé est plus facile et plus rapide, quoique moins profondément durable et efficace que celui d’une éducation rigoureuse et détaillée. De plus, il supprime toute possibilité d’intervention, d’aide et de collaboration du vital. Pourtant cette aide est des plus importantes si l’on veut que la croissance de l’individu et son action soient totales.
Devenir conscient des divers mouvements en soi, se rendre compte de ce que l’on fait et de pourquoi on le fait, est un point de départ indispensable. Il faut apprendre à l’enfant à observer, à noter ses réactions, ses impulsions et leurs causes, à devenir le témoin perspicace de ses désirs, des mouvements de violence et d’emportement, des instincts de possession, d’accaparement et de domination et de l’arrière-fond de vanité sur lequel ils s’appuient avec leur contrepartie de faiblesse, de découragement, de dépression et de désespoir.
De toute évidence, pour que le procédé soit utile, en même temps que croîtra le pouvoir d’observation, doit croître aussi la volonté de progrès et de perfectionnement. Cette volonté sera inculquée à l’enfant dès qu’il sera capable d’avoir une volonté, c’est-à-dire beaucoup plus jeune qu’on ne le croit d’ordinaire.
Pour éveiller cette volonté de surmonter et de vaincre, il y a des modes différents qui s’adapteront aux cas différents. Sur certains individus les arguments raisonnables ont de l’effet; pour d’autres il faut faire agir les sentiments et la bonne volonté, chez d’autres encore la dignité et le respect de soi; L’éducation vitale pour tous, l’exemple donné constamment et sincèrement est le moyen le plus puissant.
Une fois que la résolution est bien établie, il n’y a plus qu’à procéder avec rigueur et persistance, et ne jamais accepter les défaites comme définitives. Pour éviter tout fléchissement et tout recul, il est un point très important à connaître, et que l’on ne doit jamais oublier : la volonté peut être cultivée et développée comme on développe les muscles, par l’exercice méthodique et progressif. Il ne faut pas craindre de demander à sa volonté son effort maximum, même pour une chose qui paraît sans importance, car c’est par l’effort que sa capacité croît et qu’elle acquiert peu à peu le pouvoir de s’appliquer même aux choses les plus difficiles. Ce que vous avez décidé de faire, il faut le faire, coûte que coûte, même si pour cela, il faut recommencer votre effort un grand nombre de fois. Votre volonté se fortifiera par l’effort et il ne vous restera plus qu’à choisir avec discernement le but auquel vous l’appliquerez.
Nous résumerons ainsi : acquérir la complète connaissance de son caractère, puis le contrôle de ses mouvements pour aboutir à une parfaite maîtrise et à la transformation des éléments qui doivent être transformés.
Maintenant tout va dépendre de l’idéal pour l’accomplissement duquel sera fait l’effort de maîtrise et de transformation. De la valeur de l’idéal, dépendra la valeur de l’effort et de son résultat. C’est le sujet qui sera traité dans l’éducation mentale.
Bulletin, août 1951
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