A selection of Satprem's letters to Luc Venet
Selected letter from Satprem to Luc.
De Satprem à Luc
31 juillet 1986
Il y a déjà assez longtemps que j'avais vu la situation — qui n'est pas spéciale à Luc mais à la nature humaine générale — , mais ce que tu as écrit à X fait ressortir la difficulté assez clairement pour que tu puisses la voir (...) Toujours, je sentais en-dessous une violence sous-jacente et une espèce d'orgueil, ou de fierté en tous cas, et une sorte de persuasion intime de ta "supériorité". Or, s'il est une chose que l'on découvre dans ce dur chemin de la descente, c'est qu'il y a tristement aucune "supériorité", mais une crasse générale et une pauvreté très triste, sans parler de méchancetés diverses dont les forces jouent si bien. C'est ce qui se passent avec tous les êtres un peu "supérieurs", et c'est ce qui se passe avec toutes les vérités un peu puissantes : les infériorités profitent de la supériorité et elles s'en servent à leurs fins médiocres, égoïstes et vilaines. C'est cela, le chemin de la descente, il ne faut pas se le cacher.
Une autre fois encore, j'avais bien vu ta réaction lorsque j'ai écrit aux Auroviliens pour contrecarrer l'effet désastreux de ta lettre. Il était évident, à la suite de cette lettre, que les éléments les plus sincères et les meilleurs allaient déserter Auroville. Ta lettre était tout à fait inconsidérée et désinvolte. Il fallait donc que je répare ces dégâts et que je mette les meilleurs éléments devant la situation vraie. Je ne pouvais pas laisser l'Œuvre de Mère à l'abandon. Au lieu de comprendre ce que j'avais voulu dire aux Auroviliens, tu as vu d'abord ton propre ego mortifié et compris que c'était une attaque contre toi. C'est toujours la même chose : on se met au centre, et tout le reste est tout le reste. Mais si l'on n'apprend pas à sortir de ce petit centre obscur et limité, si l'on n'apprend pas à se mettre dans la peau des autres et dans la peau des situations, on ne comprend rien que soi-même, et un petit soi-même plein de réactions microscopiques. Tu as simplement compris que je voulais te "rabaisser". C'est d'une compréhension très limitée.
Une autre fois encore, à propos du livre de Sujata, lorsque j'avais voulu t'empêcher de faire davantage de corrections, qui non seulement étaient le plus souvent inutiles mais abîmaient les yeux de Sujata, tu m'as répondu une lettre violente et obscure que je n'ai pas voulu montrer à Sujata et que j'ai brûlée, parce que cela ne me semblait pas digne de Luc. (...)
Je me heurte à ton attitude intérieure qui ne me semble pas suivre le vrai chemin et qui risque de t'entraîner fort loin — désastreusement loin. (...) Je souhaite que tu apprennes ce que tu dois apprendre. Je te dis tout cela en simplicité, comme à un frère. J'espère que tu resteras ce frère et que tu auras le courage de nettoyer les étages inférieurs de ton être. Que tu redeviennes le vrai Luc.
Satprem
*
17 septembre 1986
Le problème "central", c'est ce qui se passe ici, c'est cet effort désespéré pour qu'une matière humaine puisse faire le PONT avec l'Autre Chose, le monde que nous voulons incarner. Et naturellement, les forces cherchent férocement à désorganiser, ébranler ou détruire ce Travail. Sans t'en rendre compte, tout à fait involontairement ou inconsciemment, tu te fais l'instrument de ces forces de désordre qui n'attendent qu'une microscopique petite ouverture pour se précipiter ici et tout saccager. (...) Il ne faut pas que tu tombes dans le piège de ces forces. Est-ce que tu comprends ? Je fais appel à ta conscience la plus haute. Vraiment, cette pauvre Terre est tout à fait au bord du précipice.
(...) Ton attitude semble toujours manquer d'une certaine compréhension humaine... Oh Luc ! Où est ton sens humain ? La Fraternité, ça existe, sinon pour quels frères humains travaillons-nous ?
De Sujata à Susie
18 novembre 1986
We all have our Augean stables. No one person is exempt from carrying his own. It is entirely between Luc and the truth of his being whether Luc wants to turn the waters of the river Alpheus to cleanse his stables or not. It is nobody else's business.
What is my business is to see that the real work, Mother's work, is not obstructed. That cannot be allowed. Nobody's whims-cum-egos can be allowed to interfere there. Let that be clear.
En réponse d'un mot de Luc qui disait : « Je désire arrêter le travail que vous m'avez donné à faire en Amérique. Je regrette de ne pas avoir la capacité et la force de continuer selon les conditions que vous avez fixees»
7 mars 1987
Pauvre frère,
Que puis-je dire ? Je dis "pauvre" avec tout mon cœur, mais que dire ? Je ne t'ai pas "donné du travail à faire en Amérique" — tu as choisi d'aller en Amérique.
(...) Je te prie — pour la Vérité des choses, pour le point de vue profond — de reconnaître explicitement que ta lettre n'est pas honnête. Deux fois, tu dis, vous m'avez donné un travail... vous avez fixé des conditions... Non ! Luc, c'est un Mensonge de ton ego et il faut que tu le voies, sinon tu te feras ramasser par les forces méchantes au prochain tournant (...) Nous n'avons pas besoin d'un Agenda américain à tout prix : nous avons besoin de quelques hommes honnêtes et sincères qui se donnent sans ego à cette Grâce. Voilà tout. À toi de choisir et sans réserve s.tp.
22 avril 1987
(...) Voyons Luc, tu débloques complètement ! excuse-moi. Est-ce que tu vas retrouver ta lucidité ou te laisser couler par ces vilaines forces ?... Alors je t'en prie, sois un peu simple et dénoue toi-même la situation que tu as créée. Si tu ne veux pas la dénouer, eh bien, que puis-je ? J'ai autre chose à faire, et c'est très difficile physiquement (si tu comprends).
AUTRE CHOSE, tu comprends ?
Et je ne veux plus écrire à qui que ce soit.
P.S. : Luc,
En pensant à toi, il y a plusieurs mois, ces lignes de Sri Aurobindo me sont venues :
This hidden foe lodged in the human breast Man must overcome or miss his higher fate. This is the inner war without escape.
Réponse de Luc, sept jours plus tard, le 29 avril 1987
(...) Peut-être le moment de trembler devant votre grande barbe en bataille est-il fini ?
(Apres un sursaut de lucidité chez Luc, qui parle d'un "petit être mesquin et jaloux" en lui :)
4 octobre 1987
C'est un grand pas de l'avoir mis en évidence, c'est même le pas élémentaire parce qu'il détruira tout (je veux dire tout Luc, le vrai) si tu le laisses aller à sa guise...
(A propos d’un déménagement de Luc et Susie.)
27 septembre 1990
Frère Luc,
Chacun choisit son chemin.
CHOISIR.
Le lieu choisi ne me regarde pas, mais l'individu, Luc, qui choisit ou non, qui a le courage ou non.
De Satprem à Susie
2 Novembre 1990
(A Susie)
Maintenant tout est clair et dit avec simplicité, il reste à faire votre propre travail de nettoyage, courageusement.
Avec toi et Luc, dans l'Amour vrai.
11 mai 1991
(...) Je veux beaucoup essayer d'éclairer mon frère Luc. Non de juger ni de critiquer inutilement, mais... oh ! frère, il faut que tu voies clair en toi-même. Tu es dans un embrouillement complet, si complet, mon pauvre frère. (...) C'est cet aveuglement, ou ce manque de discernement, ou ces réactions primesautières, vitales, qui sont ton malheur. Tu réagis selon des forces superficielles, ou souterraines qui sont complètement en dehors de ce qu'est Luc. Où est ta clarté, Luc ?(...)
Puis il y a eu ces lamentables histoires avec Micheline.* Je n'ai pas voulu savoir le détail de tout cela. Mais j'ai su, on m'a communiqué ton telégramme où tu parles des "devious ways" de Micheline... Frère Luc, encore une fois, où es-tu ? Où est ton discernement, où est ta clarté ? Micheline est honnête, il n'y a rien de "devious" dans Micheline ; qu'est-ce que c'est que ces réactions aveugles qui jaillissent d'une obscurité souterraine ? — ce n'est pas Luc, tout cela. (...) Si tu ne veux pas faire ton nettoyage intérieur, si tu ne veux pas mettre le phare de la conscience dans ces souterrains, tu vas au désastre, Luc.
Est-ce que la Fraternité sera jamais entre ces pauvres derniers hommes d'une époque, d'un âge qui s'effondre ? On est triste quand on pense que même ceux qui comprennent un peu, ceux qui ont de la bonne volonté, puissent encore se fourvoyer dans des petites histoires si peu fraternelles.
J'aimerais t'aider, mais je ne sais comment.
J'ai essayé, mais maintenant je ne sais plus.
Tu fermes les bonnes portes et tu ouvres les mauvaises ou qui ne conduisent sur rien. (...) Tu te souviens certainement de Sri Aurobindo : " La fin d'un stade de l'Evolution est marquée par une puissante recrudescence de tous les éléments qui doivent sortir de l'évolution."
Et c'est vrai des nations et des individus. Alors tous ces éléments malpropres et négatifs, il faut les extirper impitoyablement de sa propre chair. Sinon, on est balayé avec le vieux monde.
Voilà frère, je t'embrasse. Courage.
* Luc avait tenté de changer la direction de I.R.E., demandant à Micheline de mettre en application certaines mesures sans en référer à Satprem. Lorsque Micheline a préféré soumettre ce plan de Luc à Satprem, Luc a envoyé un furieux télégramme d'adieux à Micheline.
19 janvier 1992
Un acte de simple vérité peut tout sauver et en même temps sauver ta vie... L'Amérique, certainement, va être secouée, elle est trop pleine de mensonge et de faux-semblants — Luc ne doit pas être un faux-semblant qui sera balayé avec tant d'autres. Quelle "gloire" y a-t-il ici et là, s'il n'y a pas cette simple lumière de vérité qui porte nos pas ? On est seul, Luc, devant ça. Il n'y a pas d' "image" de soi, c'est de la poussière dorée qui va avec les débris du vieux monde. Devant le Nouveau, on est tout simple, ou on n'est rien du tout.
21 juin 1992
(...) Alors, Luc, il y a un abîme entre deux Luc. Et je vois — ce n'est pas la première fois que je le vois — que si tu n'exorcises pas tout de suite ce vilain petit bonhomme, tu vas à ta ruine, à la ruine du vrai Luc. (...)
Dans cette "sourdine" derrière ta lettre, j'entends aussi tes amertumes à propos de mes décisions pour l'Institut — qui n'ont rien de "surprenantes", je te l'ai écrit noir sur blanc. Tu t'es fâché avec Micheline qui, elle, fait fonctionner l'Institut de Paris — alors qui allait le faire fonctionner ? Avec les éditeurs Laffont, Buchet-Chastel, avec les mille questions pratiques ? Toi, Luc, là-bas à New York ? Ce n'est pas raisonnable. Donc j'ai fait cette division pratique et géographique. (...)
Luc, il te manque un discernement fondamental qui ne peut venir que de l'âme — tout le reste, c'est du grouillement de petites personnalités qui se donnent des "airs", et ça s'écroule naturellement.
Alors, si tu laisses une prise à ce grouillement dans ta conscience, où vas Luc ?
Voilà, frère. N'oublie jamais que je ne regarde pas, à aucun moment, les "personnes" et je ne fais jamais de "personnalités" —- je regarde le rôle profond de chacun par rapport à l'Œuvre qui seule nous intéresse, et mes décisions sont en fonction de ce rôle profond et non des petites superficialités du moment.
Alors, frère, mets-toi à ton œuvre et à ton propre exorcisme. Courage. Avec toi,
Satprem ÉLARGIS-TOI.
24 juin 1992
J'ai toujours vu aussi cet autre "bonhomme" que tu abrites, et qui n'est pas bon du tout et qui voudrait bien te détruire. Telle est la bataille. C'est l'Heure où tout se démasque, et il est temps que tu nettoies cela, sinon tout s'en ira avec la bouillie générale.
De Sujata à Luc
14 septembre 1992
The very first necessity to be able to undertake this "Work" is to get rid of one's ambition. It has to be abolished. No ego. No ambition. A surrender. Total. "Lord, Thou, thou,thou."
Juin 93 : Luc et Susie participent à une foire du livre à Miami, au cours de laquelle ils entrent en contact avec des néo-chrétiens et envisagent de devenir "membres de base" d'un groupe qui cherche à se créer autour de ces néo-chrétiens. Satprem le met en garde lui envoyant un mot qu'il citera dans sa lettre à Micheline du 10 octobre 1993.
17 juillet 1993
(...) Je t'ai assez souvent parlé de ce "hidden foe" que l'homme doit conquérir, "or miss his higher destiny".
Le Mensonge se débat partout.
Je vais avoir 70 ans.
Mais je lutte.
J'attends un dernier sursaut de vérité, de ce Luc, que j'appelais mon frère.
(Traduit du français par Luc Venet)
October 10, 1993
Dear Micheline,
I have just received a few lines from Luc announcing the formation of his new American group. On a piece of paper dated from Chicago, Luc had written: « American Laboratory for Evolutionary Research. » Strangely enough, this note from Luc was written on the back of an issue of the "Gazette Aurovilienne"
We all know the Auroville mixtures and I wonder what this new American mixture will be like — it will be a hodgepodge, as usual.
So I consider that our American Institute has ceased to exist, in view of the new direction taken by Luc. We do not seek to form groups and gather disciples under or in any name — we have only one Name, that of Mother and Sri Aurobindo, and Their Work, which we are ready to spread everywhere, whatever the groups, Aurovilians or American or whatever. Therefore I don't want the French Institute or any other Institute to be associated to those mixtures, even if we have good friends among them.
Last June, already, I had warned Luc as he was about to associate himself with some kind of "group" or other. I had then said to him: « If you want to have personal relations with this "group"... it is your business, but I want to make it absolutely clear that the Institute has nothing to do with all this well-intentioned spiritual mishmash... these types of people usually USE Sri Aurobindo and Mother to inflate their own Church or their own Ego or their own business. »
All this is perfectly clear, as it should have been perfectly clear to Luc. Therefore, I want you to officially communicate to Luc that he should make all necessary arrangements to close down the American Institute. I am sorry to ask you to do this unpleasant task, but everything becomes extremely entangled the moment Falsehood and human Mixtures come into the picture.
Le 28 avril 1994
Institut de Recherches Evolutives de Paris
Chers amis,
Beaucoup d'entre vous ont exprimé leur surprise devant la "soudaineté" du tournant pris par Luc Venet en 1993, tournant qui a amené Satprem à lui demander de cesser de s'occuper de l'Institut Américain et de le remettre entre les mains de l'IRE (ce que "Luc a refusé de faire). Ce tournant n'avait en réalité rien de soudain, et nous avons jugé bon de citer ici quelques extraits de lettres de Satprem à Luc au fil des années — depuis huit ans maintenant. Peu importent les occasions tristement multiples qui ont occasionné ces lettres, vous comprendrez sans mal comment Satprem, avec force mais aussi avec tout son amour, a tenté jusqu'au bout de sauver Luc de lui-même.
Qu'il soit clair que notre propos n'est pas de faire le procès de Luc Venet, mais de faire connaître quelques faits, afin que chacun puisse voir clair. Ce ne sont pas des "personnes" en jeu, mais des forces en bataille autour d'une Œuvre.
Bien amicalement,
Micheline
Août-septembre 1993 : Luc crée son "American Laboratory for Evolutionary Research" : un "rassemblement des disciples Américains autour de cette aspiration à la transformation corporelle".
10 octobre 1993 : Satprem écrit à Micheline, lui demandant de fermer l'Institut Américain. Micheline contacte Luc, qui après avoir dit qu'il prenait les mesures nécessaires, trouve toute sortes d'obstacles légaux ou comptables etc., dont une "dette" à Susie et lui de plus de 40.000 dollars (dont personne n'avait jamais entendu parler). Micheline lui demande les bilans de l'Institut Américain depuis le début pour comprendre ; Luc répond qu'il les enverra sous peu — il ne les enverra jamais.
Satprem envoie, le 28 novembre, à Luc, un denier message lui demandant de démissionner de l'Institut américain, et de le remettre entre les mains de l’I.R.E. avec stock de livres, fichier, bilans et compte-rendu. Il conclue : "Je continue à espérer que tu prendras le vrai chemin grâce à cette épreuve." Luc ne répondra jamais. En guise de comptes, le 20 décembre, Susie envoie à Satprem une lettre réclamant 44.500 dollars, sans aucune explication.
Janvier 94 : Luc envoie à Micheline sa démission de l'I.R.E., puis une lettre au sujet d'India's Rebirth, qu'un avocat américain enverra le 11 février à Harikant-Patel en proposant une "permanent injunction" (interdiction permanente) contre India's Rebirth. II faut préciser ici les points suivants, pour montrer la profondeur du mensonge dans lequel Luc est tombé :
— Luc fera écrire par son avocat que "neither Mr.Venet, nor his American Institute, was even aware that the subject book "India's Rebirth" was being written or published. His first knowledge of this fact came in the fall of 1993 when he received his first and only copy of said book".
— Or Luc avait été prévenu dès mars 93 de la préparation d’ India's Rebirth (le livre est sorti en juillet-août).
— Sujata écrivait encore à Susie, le 12 mai 93 : India's Rebirth" has just gone to press ; can be expected by mid-July."
— Luc a tout d'abord manifesté son enthousiasme, écrivant le 10 juin : "Bravo pour "India's Rebirth" ! J'espère bien que quelques Américains seront preneurs."
— Avant que le livre ne sorte, Luc en avait commandé 200 exemplaires à Mira Aditi en Inde ; il savait donc fort bien que l'adresse de l'Institut Américain figurerait dans le livre, puisqu'il devait être envoyé aux USA. (L'adresse de l'Institut Américain avait toujours été mise automatiquement dans tous les livres imprimés en Inde, de "l'Agenda" aux "Chroniques", et Luc le savait bel et bien.
— Dès que le livre a été imprimé, un exemplaire en a été envoyé à Luc. Il a alors eu une réaction violente vis-à-vis de son sous-titre "Out of the Ruins of the West" (sous titre d'ailleurs donné au livre par Satprem), et a télégraphié le 16 juillet à Sujata que le livre était un "disservice to Sri Aurobindo and a disservice to India". (Il n'a bien entendu plus été question de lui envoyer les exemplaires qu'il avait commandés.)
9 novembre 1998
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