Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.
« Les attaques des forces adverses sont inévitables; il faut les considérer comme des épreuves sur le chemin et tra verser courageusement la tourmente. La lutte peut être dure, mais quand on en sort, on a gagné quelque chose, on a avancé d’un pas. Il y a même une nécessité à l’exis tence des forces hostiles : elles rendent la résolution plus forte, l’aspiration plus claire. Il est vrai, aussi, qu’elles existent parce que vous leur donnez des raisons d’exister. Tant qu’il y a en vous quelque chose qui leur répond, leur intervention est parfaitement légitime. Si rien en vous ne répondait, si elles n’avaient de prise sur aucune partie de votre nature, elles se retireraient et vous laisse raient tranquille. » (Entretien du 5 mai 1929)
« Les attaques des forces adverses sont inévitables; il faut les considérer comme des épreuves sur le chemin et tra verser courageusement la tourmente. La lutte peut être dure, mais quand on en sort, on a gagné quelque chose, on a avancé d’un pas. Il y a même une nécessité à l’exis tence des forces hostiles : elles rendent la résolution plus forte, l’aspiration plus claire. Il est vrai, aussi, qu’elles existent parce que vous leur donnez des raisons d’exister. Tant qu’il y a en vous quelque chose qui leur répond, leur intervention est parfaitement légitime. Si rien en vous ne répondait, si elles n’avaient de prise sur aucune partie de votre nature, elles se retireraient et vous laisse raient tranquille. »
(Entretien du 5 mai 1929)
Quelquefois, quand on est attaqué par une force adverse et que l’on s’en sort, pourquoi est-on attaqué encore une fois par la même force?
Parce qu’il était resté quelque chose dedans. Nous avons dit là, que la force ne peut attaquer que parce qu’il y a quelque chose qui correspond dans la nature — si peu que ce soit. Il y a une sorte d’affinité, il y a quelque chose qui correspond, il y a un désordre ou une imperfection qui attire cette force adverse en lui répondant. Alors, si l’attaque vient, que l’on reste bien tranquille et qu’on la renvoie, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’on se soit débarrassé de la petite partie en soi qui permet à l’attaque de se produire.
Vous avez quelque chose qui attire cette force; mettez, par exemple (c’est l’une des choses les plus fréquentes), la force de dépression, cette espèce d’attaque, de vague de dépression qui vous tombe dessus : on perd confiance, on perd tout espoir, on a l’impression qu’on ne pourra jamais rien faire, on est déprimé. Cela veut dire qu’il y a dans le vital de l’être quelque chose qui est naturellement égoïste, sûrement un peu vaniteux et qui a besoin d’être encouragé pour rester en bon état. Alors c’est comme un petit signal pour ces forces-là, qui leur fait savoir : « Vous pouvez venir, la porte est ouverte. » Mais il y a une autre partie de l’être qui veillait quand les forces sont arrivées; au lieu de les laisser entrer, la partie qui voit clair, qui connaît, qui a le pouvoir, qui résiste, dit : « Non, je ne veux pas de ça, ce n’est pas vrai, je n’en veux pas », et les renvoie. Mais on n’a pas nécessairement guéri au-dedans de soi la petite chose qui a permis que cela vienne. Il faut aller très profondément, travailler d’une façon très soutenue au-dedans de soi pour effacer la possibilité d’appel. Et tant qu’on ne l’a pas complètement effacée, les attaques se reproduiront presque inattendues. Vous repoussez — c’est comme une balle qu’on renvoie sur le mur, cela revient; vous repoussez encore et cela revient; jusqu’au moment où il n’y a plus rien pour attirer. Alors cela ne revient plus.
Par conséquent, la chose la plus importante quand vous êtes attaqué par une force adverse, c’est de vous dire : « Oui, la force vient du dehors et l’attaque est là, mais il y a certainement une correspondance dans ma nature, autrement elle ne pourrait pas attaquer. Eh bien, je vais voir au-dedans de moi ce qui permet à cette force de venir et je vais le renvoyer, ou le transformer, ou mettre la conscience de la lumière dessus de façon que cela se convertisse, ou bien le chasser pour que cela ne reste plus audedans de moi... » Il y a un moyen, n’est-ce pas. Quand la force vient, la force adverse, quand elle attaque, la partie qui correspond se précipite à sa rencontre, elle va au-devant. Il y a une sorte d’union qui se produit. Si, à ce moment-là, au lieu d’être tout à fait débordé, pris par surprise et hors de ses gardes, on observe très attentivement ce qui au-dedans de soi a vibré (cela fait tat, tat, tat, une autre chose est arrivée), alors on peut l’attraper. À ce moment-là, on l’attrape, on lui dit : « Va-t’en avec tes amis, je ne te veux plus! » On renvoie les deux ensemble, la partie qui a attiré et ce qu’elle a attiré; on les renvoie et on est tout à fait clair.
Pour cela, il faut être très vigilant et avoir un petit peu de courage, dans le sens que quelquefois il faut pincer fort et puis arracher — cela fait un petit peu mal —, et puis on l’envoie promener avec les forces qu’on renvoie. Après cela, c’est fini. Et tant que ce n’est pas fait, cela revient et puis cela revient; alors, si on n’est pas soi-même suffisamment courageux ou vigilant, ou persévérant, à la quatrième ou cinquième fois, on s’aplatit, on dit : « C’est trop, j’en ai assez! » Alors la force s’installe, contente, satisfaite de son œuvre; et puis vous pouvez la voir rire, elle s’amuse beaucoup, elle a réussi son coup. Donc c’est une œuvre très considérable pour la renvoyer. Mais si vous suivez l’autre moyen, si vous regardez attentivement, comme cela : « Tiens, je vais attraper ce qui a permis à cela d’arriver », on voit quelque part dedans quelque chose qui se lève, qui frétille et qui arrive en réponse à la force mauvaise qui vient. Alors c’est le moment de l’attraper et puis de le jeter dehors avec le reste.
Mais quand on le jette en dehors, cela ne meurt pas. Alors cela peut aller ailleurs encore une fois, parce que cela reste dans le monde?
C’est exact. Cela reste dans le monde et cela s’en ira sûrement ailleurs — jusqu’à ce que ça rencontre quelqu’un qui ait le pouvoir spirituel et occulte suffisant pour le dissoudre, et c’est très difficile... Il faut être très fort, avoir une très grande connaissance et un très grand pouvoir pour dissoudre un mouvement qui a (tout ce que l’on peut dire au moins) sa raison d’être dans le monde — je ne dis pas légitime, mais enfin il a sa raison d’être. Il y a de ces choses que l’on peut dissoudre; mais si quelque part dans le monde cela existe dans quelqu’un, ce quelqu’un est capable de le reconstituer. C’est la même chose quand les gens sont attaqués par des petites entités du monde vital, des entités hostiles qui les attaquent, qui s’installent dans leur atmosphère en essayant de les posséder, c’est-à-dire d’entrer au-dedans d’eux et de se servir de leur corps et du reste. Ces êtres-là, il est très difficile pour l’individu de s’en débarrasser : cela veut dire yoga, très, très dur. Mais quelqu’un qui a la connaissance et le pouvoir, et qui les voit, peut très bien les faire sortir de l’atmosphère et les détruire. Mais si la personne qui avait été attaquée garde au-dedans d’elle cette petite affinité qui a permis à la chose d’entrer, elle la rappellera. J’ai eu des exemples comme cela, plusieurs.
J’ai eu l’exemple d’une personne qui était aux trois quarts possédée et qui, à ce moment-là, exprimait une sorte de puissance, de force — qui n’était pas très bonne, mais enfin cela donnait l’impression d’une force, d’une puissance, d’une capacité. Seulement elle se rendait compte que c’était mauvais, que c’était pour le mal, et elle priait pour en être débarrassée. L’occasion arrive : l’être se montre séparément de la personne qu’il possède, on peut l’attraper, le tirer, le dissoudre. Alors la personne qui était possédée sent tout d’un coup qu’elle devient aussi plate que n’importe qui. Cette sensation de pouvoir qu’elle avait, elle l’a perdue, elle a l’impression qu’elle devient tout à fait ordinaire et dit : « Je n’ai pas de facultés spéciales, je n’ai pas de valeur spéciale, je n’ai pas de capacité spéciale, je suis un être tout à fait ordinaire et plus qu’ordinaire, d’une banalité écœurante! » Qu’est-ce qu’elle fait? Elle prie pour ravoir sa possession. Et alors quelques jours après, je la retrouve aussi possédée qu’avant.
Là, ce n’est vraiment pas la peine, il n’y a qu’à les laisser à leur destin. C’est arrivé plusieurs fois. N’est-ce pas, chez ces gens, c’est une vanité qui ouvre généralement la porte à ces forces-là : ils ont voulu être grands, être puissants, jouer un rôle important, être quelqu’un ; cela attire la force et puis ils deviennent comme cela, possédés. On leur enlève cela : toute leur capacité remarquable disparaît en même temps, et leur vanité n’est pas contente. Ils ont l’impression qu’ils sont devenus quelque chose de tout à fait ordinaire, et une toute petite chose au-dedans dit : « Oh ! c’était mieux avant... » Pour un que l’on détruit, il y en a toujours dix qui sont prêts à venir. C’est cela, c’est une grande besogne!
Vous connaissez l’histoire de Durgâ, n’est-ce pas, qui tous les ans est obligée de détruire son Titan ; et elle est toujours obligée de recommencer. Cela va comme cela jusqu’à la fin du règne reconnu des Titans. Quand ils seront bannis de ce monde, alors ce ne sera plus. Mais jusque-là, c’est-à-dire tant qu’ils seront utiles pour (comme je l’ai dit dans ce livre) intensifier une aspiration, pour clarifier une conscience, pour mettre à l’épreuve la sincérité des gens, ils seront là. Le jour où l’on n’aura plus besoin d’être mis à l’épreuve, où la sincérité sera pure et existera en elle-même, alors ils disparaîtront. Alors, ce jour-là, Durgâ n’aura plus besoin de recommencer tous les ans sa bataille.
Est ce que ce ne serait pas mieux de les changer?
Ah! mon petit, certainement ce serait mieux, beaucoup mieux. Mais alors là...
C’est un domaine où j’ai une expérience très approfondie. Après quarante ans d’efforts soutenus, je me suis aperçue qu’il est absolument impossible de changer quelqu’un à moins que, vraiment, il ne le veuille sincèrement. S’il ne se met pas lui-même à l’ouvrage avec une sincérité absolue, eh bien — j’ai fait cela pendant quarante ans, on peut le faire pendant cent quarante ans, ce sera la même chose —, il ne bougera pas. Et ces êtres-là, c’est leur caractère même d’être parfaitement satisfaits d’euxmêmes, et ils ne désirent pas, ils n’ont pas la moindre intention de changer! Même actuellement parmi les êtres qui s’occupent de la terre, les êtres âsuriques, le plus grand des asuras qui reste à s’occuper de la terre maintenant, qui est l’asura du Mensonge et qui s’appelle le « Seigneur des Nations » (il s’est donné un beau nom, il est Seigneur des Nations), celui-là, partout où il y a quelque chose qui va mal, vous pouvez être sûr que lui ou un de ses représentants est là. Il est parfaitement sûr aussi que bientôt son heure sera venue et que ce sera fini pour lui, qu’il faudra qu’il disparaisse. Et il refuse absolument de changer. Il n’en a pas l’intention — parce que, immédiatement, il perdrait tout son pouvoir. C’est impossible. Et il sait qu’il disparaîtra. Mais il annonce d’une façon catégorique qu’avant de disparaître, il détruira tout ce qu’il peut... Au fond, il ne consentirait à disparaître que si tout disparaissait en même temps que lui. Malheureusement pour lui, ce n’est pas possible. Mais il fera tout ce qui est en son pouvoir pour détruire, démolir, abîmer, pourrir autant de choses qu’il pourra. C’est sûr. Et après, c’est la culbute. Il accepte la culbute à cette condition. Il ne lui a jamais traversé l’esprit qu’il puisse se convertir. Ce ne serait plus lui, n’est-ce pas, il ne serait plus lui.
Il y a une grande différence entre un être humain et ces êtres du domaine vital. Je vous l’ai déjà dit plusieurs fois, je vais vous le répéter :
Dans un être humain, il y a la Présence divine et l’être psychique — au commencement embryonnaire, mais à la fin un être tout à fait formé, conscient, indépendant, individualisé. Cela, ça n’existe pas dans le monde vital. C’est une grâce spéciale qui a été donnée aux êtres humains qui existent dans la matière et sur la terre. Et à cause de cela, il n’y a pas un être humain qui ne puisse se convertir, s’il le veut; c’est-à-dire qu’il y a une possibilité qu’il le veuille, et de la minute où il le veut, il peut le faire. Il est sûr de réussir, de la minute où il le veut. Tandis que ces êtres du vital n’ont pas d’être psychique en eux, ils n’ont pas la Présence divine directe (naturellement, à l’origine, ils descendaient directement du Divin, mais c’était à l’origine, il y a fort longtemps de cela). Ils ne sont pas en rapport direct avec le Divin au-dedans d’eux, ils n’ont pas d’être psychique. Et s’ils se convertissaient, il n’en resterait rien, parce qu’ils sont entièrement faits du mouvement opposé : ils sont entièrement faits d’affirmation personnelle, d’autorité despotique, de séparation de l’Origine, et du plus grand dédain pour tout ce qui est pur, beau et noble. Ils n’ont pas au-dedans d’eux cette chose psychique qui, dans un homme, même chez le plus avili, lui fait respecter ce qui est beau, pur; même l’être humain le plus bas, malgré lui, en dépit de sa propre volonté, respecte ce qui est pur, noble et beau. Mais ces êtres-là n’ont pas cela. Ils sont entièrement contre, totalement contre. Cela les dégoûte de toute façon. C’est pour eux la chose qu’on ne doit pas toucher, parce que cela vous détruit : c’est la chose qui vous fait disparaître. La bonne volonté, la sincérité, la pureté et la beauté, ce sont les choses qui les font disparaître. Alors ils les haïssent.
Alors je ne vois pas sur quel pied on pourrait les convertir. Quel serait le point d’appui? Je ne le trouve pas. Même les plus grands. C’est-à-dire qu’il y a de ces êtres qui ne disparaîtront que quand la haine disparaîtra de la terre... On pourrait me dire le contraire. On pourrait me dire que la haine disparaîtra de la terre quand ils disparaîtront; mais pour la raison que je viens de dire, le pouvoir de faire surgir la lumière au lieu de l’obscurité, la beauté au lieu de la laideur, la bonté au lieu de la méchanceté, ce pouvoir-là, l’homme le possède, mais l’asura ne le possède pas. Alors c’est l’homme qui fera la besogne, c’est lui qui changera, c’est lui qui transformera sa terre. Et c’est lui qui obligera l’asura à s’enfuir dans d’autres mondes, ou à se dissoudre. Alors après cela, ce sera bien tranquille. Voilà.
Question?
Tu as dit ici, à propos du mental : « Toute partie de l’être qui reste à sa place et joue le rôle qui lui est assi gné, est une aide; mais dès qu’elle sort de sa sphère, elle devient déformée et pervertie, et par conséquent fausse. Le mouvement d’un pouvoir est vrai quand ce pouvoir est mis en activité pour la cause Divine; le mouvement est faux quand le pouvoir entre en activité pour sa propre satisfaction. » (Entretien du 5 mai 1929)
Tu as dit ici, à propos du mental : « Toute partie de l’être qui reste à sa place et joue le rôle qui lui est assi gné, est une aide; mais dès qu’elle sort de sa sphère, elle devient déformée et pervertie, et par conséquent fausse. Le mouvement d’un pouvoir est vrai quand ce pouvoir est mis en activité pour la cause Divine; le mouvement est faux quand le pouvoir entre en activité pour sa propre satisfaction. »
Quand une partie de l’être sort de sa sphère, pour quoi se déforme-t-elle et se pervertit-elle?
J’emploie le mot « sphère » dans le sens de place et de rôle que l’on a à jouer. Chaque partie de l’être a sa place dans le tout et un rôle défini à jouer. Si, au lieu de jouer ce rôle-là, elle veut en jouer un autre, naturellement elle perd les qualités qui lui sont nécessaires pour jouer son vrai rôle, et elle ne peut pas prendre les autres parce qu’elles lui sont étrangères. Alors nécessairement, elle se déforme et elle se pervertit. Par exemple, nous disons ici que le vrai rôle du mental est un rôle formateur en vue de l’action. Une idée pénètre dans le mental, le mental s’en saisit, lui donne une forme pour la réalisation, la change en un mobile d’action et l’envoie vers le matériel. Il organise cette idée pour lui permettre de se réaliser dans une action. Cela, c’est son rôle vrai, et tant qu’il fait cela et qu’il le fait avec soin, il remplit son rôle, il reste à sa place et il est tout à fait utile. Mais si le mental s’imagine qu’il sait, qu’il n’a pas besoin de recevoir la connaissance et l’idée d’une autre partie de l’être — d’une partie supérieure —, s’il s’imagine qu’il sait et qu’en associant des mouvements intérieurs, il croit avoir trouvé une connaissance, qui n’est jamais que la réflexion de quelque chose d’autre, et qu’il veuille imposer cette connaissance à la vie physique, alors il sort de son rôle et il devient tyran — cela lui arrive assez souvent, il est complètement perverti, et au lieu d’aider la sâdhanâ, il la détruit. On peut facilement faire cette observation. Naturellement, il faut pouvoir suivre le fonctionnement vrai, les activités au-dedans de soi.
C’est la même chose avec le vital. Le vital est destiné à mettre l’élan, la force de réalisation, l’enthousiasme, l’énergie nécessaire pour que l’idée formée par le mental puisse être transmise au corps et réalisée en action. Eh bien, tant que le vital se borne à cette activité-là, c’est-à-dire à mettre toute son énergie, tout son enthousiasme, toute sa puissance à l’œuvre pour collaborer avec cette idée, c’est très bien. Mais si, au lieu de cela, tout d’un coup il est pris par un désir — ce qui lui arrive assez souvent — et qu’il emploie toutes ses activités pour réaliser non pas l’idée supérieure qui voulait se manifester, mais son propre désir, alors il sort de sa zone d’action, il se pervertit et il déforme tout, et il arrive à créer des catastrophes.
Quelquefois, nous ne nous apercevons pas que les forces adverses nous attaquent, pourquoi?
On ne s’en aperçoit pas! Cela, c’est quand on n’est pas vigilant, quand on n’est pas attentif et que l’on est occupé de choses tout à fait extérieures, des toutes petites choses de la vie pratique de chaque jour. Alors les forces peuvent vous attaquer, entrer, s’installer sans même que l’on s’en aperçoive. Le plus souvent, elles ne vous attaquent pas directement comme cela, parce que si elles vous attaquent directement, il y a une chance pour que vous le sentiez (vous vous sentez mal à l’aise tout d’un coup, cela peut éveiller votre attention). Elles descendent dans l’inconscient et puis remontent, comme ça, gentiment, par en bas. Alors vous ne savez pas du tout ce qui vous arrive. Quand vous vous en apercevez, c’est déjà là, tout installé, bien confortablement.
Quelquefois, on ne peut pas distinguer les forces adverses des autres.
Cela, c’est quand on est très inconscient.
Il n’y a que deux cas où cela puisse se produire. Ou bien on est très inconscient des mouvements de son être — on n’a pas étudié, on n’a pas observé, on ne sait pas ce qui se passe au-dedans de soi —, ou bien on est absolument insincère, c’est-à-dire que pour ne pas voir la réalité des choses, on fait l’autruche : on cache sa tête, on cache son observation, sa connaissance et on dit « ce n’est pas là ». Mais enfin cela, j’espère que ce n’est pas en question ici. Alors, c’est simplement parce que l’on n’a pas l’habitude de s’observer, qu’on est très inconscient de ce qui se passe au-dedans de soi.
Avez-vous jamais fait l’exercice de distinguer ce qui vient de votre mental, ce qui vient de votre vital, ce qui vient de votre physique?... Parce que c’est mélangé; c’est mélangé dans l’apparence extérieure. Si l’on ne prend pas soin de distinguer, cela fait une sorte de soupe, tout cela ensemble. Alors c’est indistinct, c’est difficile à trouver. Mais si l’on s’observe, au bout d’un moment on voit que certaines choses, vous les sentez là, comme ça, comme si elles étaient dans votre peau; certaines autres choses, vous avez l’impression qu’il faut rentrer au-dedans pour s’apercevoir d’où elles viennent; d’autres choses, il faut entrer encore un peu plus en dedans, ou alors il faut monter un petit peu là-haut : cela vient de l’inconscience. Et puis d’autres, alors, il faut aller très profond, très profond, pour trouver d’où elles viennent. Cela, c’est un petit commencement.
Simplement observez. Vous avez un certain état, vous vous trouvez dans un certain état, indéfinissable. Alors regardez : « Tiens! pourquoi est-ce que je suis comme cela ? » Vous cherchez d’abord si vous avez de la fièvre ou si vous avez une maladie quelconque; mais ça va bien, tout va bien. « Pas mal à la tête, pas de fièvre, mon estomac ne proteste pas, mon cœur fonctionne convenablement, enfin ça va, je suis normal. Mais pourquoi est-ce que je me sens si mal à l’aise?... » Alors on entre un petit peu au-dedans. Cela dépend des cas. Quelquefois on trouve tout de suite : tiens, il y a eu un petit incident qui n’était pas agréable, quelqu’un a dit un mot qui n’a pas fait plaisir, ou on a raté son exercice, ou bien on n’a pas très bien su sa leçon, le professeur a fait une remarque. Sur le moment, on n’a pas fait bien attention, mais après, cela commence à travailler, ça laisse une impression pénible. Cela, c’est le second stade. Après, s’il n’y a rien eu : « Tout est bien, tout est normal, tout est ordinaire, je n’ai rien à noter, il ne s’est rien passé; pourquoi est-ce que je me sens comme cela ? » Alors cela commence à être intéressant, parce qu’il faut entrer beaucoup plus profondément au-dedans de soi. Et alors, cela peut être toutes sortes de choses : ce peut être justement l’expression d’une attaque qui se prépare; ce peut être une petite angoisse intérieure à la recherche d’un progrès qu’il faut faire; ce peut être la prémonition qu’il y a quelque part en contact avec soi quelque chose qui n’est pas tout à fait harmonieux et que l’on doit changer, une chose qu’il faut voir, découvrir, changer, sur laquelle il faut mettre de la lumière, quelque chose qui est encore là au fond et ne devrait plus y être. Alors si l’on regarde bien soigneusement, on s’en aperçoit : « Tiens! je suis encore comme ça ; dans ce petit coin-là, il y a encore ça qui est comme ça, pas clair : un petit égoïsme, une petite mauvaise volonté, quelque chose qui refuse de changer. » Alors on le voit, puis on le prend par le bout du nez, ou par le bout de l’oreille, et puis on le met juste en pleine lumière : « Hein ! tu es caché! Tu t’es caché, toi? mais moi, je ne te veux plus. » Et puis c’est lui qui est obligé de s’en aller.
Cela, c’est un grand progrès.
Dans la classe, si cette sorte d’état arrive, si l’on se sent mal à l’aise...
Cela vous arrive en classe? Cela veut dire qu’on n’écoute pas son professeur, autrement cela ne vous arriverait pas. Si vous étiez bien attentif à la classe et à la leçon, cela ne pourrait pas vous arriver. Quand vous en sortiriez, vous le sentiriez, mais pas dans la classe. Cela veut dire que vous êtes en train de rêver ou de vivre au-dedans de vous ou de suivre votre imagination, mais que vous n’êtes pas à écouter votre classe... C’est cela qui est merveilleux, mes enfants : quand on apprend quelque chose, quand on étudie, quand on est concentré sur son étude, ces choses-là ne vous arrivent jamais. Cela peut vous arriver avant, cela peut vous arriver après; cela ne vous arrive pas à ce moment-là. Parce que si vous êtes bien concentrés, toutes les énergies sont concentrées sur l’étude, et là il n’y a pas de choses désagréables. On comprend ce qu’on apprend et on est intéressé par ce que l’on apprend.
Quelquefois, on tâche d’être concentré, mais on ne peut pas.
Alors, si vraiment on ne peut pas, il n’y a qu’à passer son temps à chercher au-dedans de soi pourquoi on est comme cela ! Puis, si le professeur vous interroge, on est obligé de lui dire : « Je regrette, je n’ai pas écouté. »
Tu n’aimes pas apprendre?
Si.
Alors comment cela peut-il arriver?
Mais dans certaines classes, on ne comprend pas.
Alors dans certaines classes, tu n’aimes pas apprendre! Tu peux dire d’une façon générale : « Oui, oui, j’aime apprendre! » Mais si on aime vraiment apprendre, il n’y a pas de classe où l’on ne puisse apprendre quelque chose. Sûrement, quelle que soit la classe, il y a toujours quelque chose que l’on ne sait pas, on peut toujours apprendre. Tu n’es pas une encyclopédie vivante! Même si (ce qui arrive, je crois, dans certaines classes) on redouble avec le même livre, alors on peut dire : « Oh! j’ai déjà vu ce livre, cela m’ennuie », mais c’est tout simplement parce que l’on ne veut pas apprendre; parce que certainement, si on redouble avec le même livre, cela veut dire que l’on n’a pas convenablement appris la première fois, et il faut prendre grand soin d’apprendre ce qu’on n’avait pas appris. Même un livre de grammaire! Je ne dis pas que les livres de grammaire soient très excitants, mais même un livre de grammaire est une chose intéressante si l’on se met à apprendre; même les règles de grammaire les plus abstraites. Vous ne pouvez pas vous imaginer comme c’est amusant quand on veut vraiment apprendre, si l’on veut comprendre pourquoi c’est comme cela ; au lieu de mettre simplement dans sa mémoire, de se souvenir, si l’on veut comprendre : « Qu’est-ce que ces mots qui sont mis là ? Pour quelle idée, quelle connaissance vraie, sont-ils mis là ? Qu’est-ce qu’ils représentent?... » N’importe quelle règle est tout simplement une formule mentale humaine de quelque chose qui existe en soi. Prenez n’importe quelle règle, quelle qu’elle soit, c’est tout simplement quelques cerveaux qui ont fait un effort pour formuler de la façon qui, pour eux, était la plus claire, la plus condensée, quelque chose qui existe en soi. Alors si l’on se met derrière les mots à rechercher ce quelque chose — la chose qui existe en elle-même, qui est là, derrière les mots —, comme cela devient intéressant! C’est palpitant, c’est passionnant! C’est comme de traverser la jungle pour trouver un pays nouveau, comme on fait une exploration au pôle nord! Et alors, si vous faites cela avec un théorème de grammaire, je vous assure que rien au monde ne peut vous ennuyer après.
Comprendre au lieu d’apprendre.
J’avoue que cela demande une très grande concentration. Cela demande une concentration qui est capable de pénétrer, de creuser un trou dans la carapace mentale et de passer de l’autre côté. Et après, cela vaut la peine... On est poussé contre quelque chose qui est froid, rigide, dur, sans élasticité. Puis on se concentre, concentre, concentre suffisamment jusqu’à ce que... tout à coup on est de l’autre côté. Et alors on émerge dans une lumière et on comprend : « Ah! ça, c’est épatant! Là, j’ai compris. » Une toute petite chose, cela vous donne une grande joie.
Vous voyez que l’on peut ne pas s’ennuyer à l’école.
À l’école, il y a un cours à finir dans une année. Il faut aller parfois un peu vite. Avant que l’on ait pu bien comprendre une question, il faut passer à l’autre chapitre.
Cela, mon petit, je suis pleinement d’accord avec toi, ce n’est pas bien. Mais nous essayerons de changer tout cela. Parce que, après tout, je ne vois aucune raison pour que l’on finisse un livre dans une année. C’est tout à fait arbitraire. On ne devrait laisser un chapitre que lorsqu’on l’a bien compris, puis prendre le suivant, et ainsi de suite. Et si on l’a fini, on l’a fini ; et si on n’a pas fini, on n’a pas fini.
La vérité, c’est qu’au lieu de faire son cours sur un livre, le professeur devrait se donner assez de mal pour faire son cours lui-même. Il devrait savoir assez et se donner assez de mal pour préparer au jour le jour son cours, et alors il n’arrêterait un sujet que lorsque... je ne dis pas lorsque tout le monde a compris, parce que c’est impossible, mais enfin lorsque ceux qu’il considère comme les éléments intéressants de sa classe ont compris. Alors on prend le sujet suivant. Et si cela dure, si un genre de sujet s’étend sur deux ans au lieu d’un an, ou un an et demi au lieu de deux, cela ne fait rien; parce que c’est sa propre production, son propre cours qu’il écrit, et il écrit suivant le besoin de sa classe. Cela, c’est ma conception de l’enseignement. Maintenant, cela a ses difficultés. Mais c’est la vraie façon de faire, parce que prendre un livre et le suivre, et surtout un livre qui peut très bien ne pas du tout être adapté aux élèves... Je ne dis pas qu’un cours puisse être adapté à tous, c’est impossible de contenter tout le monde. Mais il y a ceux qui veulent faire un effort; c’est de ceux-là qu’il faut s’occuper. Ceux qui sont paresseux ou endormis ou indolents, eh bien, il faut les laisser à leur paresse ou à leur sommeil ou à leur indolence. S’ils veulent dormir toute leur vie, qu’ils dorment jusqu’à ce qu’il y ait quelque chose qui les secoue assez pour les réveiller! Mais ce qui est intéressant dans une classe, ce sont ceux qui veulent apprendre, ceux qui veulent réellement apprendre, et c’est pour eux que la classe doit être faite. N’est-ce pas, la méthode d’instruction actuelle est une sorte de nivellement : il faut que tout le monde soit à la même hauteur. Alors ceux qui ont la tête au-dessus, on la leur coupe, et ceux qui sont trop petits, on les pousse par en bas. Mais cela ne fait rien de bon. Il faut s’occuper seulement de ceux qui émergent, les autres prendront ce qu’ils pourront. Et au fond, je ne vois aucune nécessité pour que tout le monde sache la même chose — parce que ce n’est pas normal. Mais ceux qui veulent savoir et ceux qui peuvent savoir, ceux qui doivent travailler, alors ceux-là, il faut leur donner tous les moyens possibles pour qu’ils travaillent et les pousser autant que possible, leur donner toujours de la nouvelle nourriture. Ce sont les affamés, il faut les nourrir... Ah! si j’avais du temps, je prendrais une classe. Cela m’intéresserait beaucoup, pour montrer comment il faut faire. Seulement on ne peut pas être partout à la fois!
Voilà, mes enfants, maintenant il est très tard. Bonne nuit.
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