Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.
Cet Entretien est basé sur le chapitre I de Les Bases du Yoga, « Calme, Paix, Équanimité ».
« Une foi absolue, la foi que c’est le meilleur qui arrivera, mais aussi que, si vous réussissez à devenir un vrai instrument, le fruit sera celui que votre volonté, guidée par la lumière divine, voit comme la chose qui doit être faite, kartavyam karma. »
La foi que c’est toujours le meilleur qui arrive.
Nous pouvons ne pas, sur le moment, le considérer comme le meilleur, parce que nous sommes ignorants, et aussi aveugles, que nous ne voyons pas les conséquences des choses et ce qui arrivera après. Mais il faut garder la foi que si c’est comme cela, si l’on s’en remet au Divin, si on Lui donne la pleine charge de soi, si on Le laisse décider tout pour vous, eh bien, il faut savoir que c’est toujours ce qu’il y a de mieux pour vous qui arrive. C’est un fait absolu. Dans la mesure où vous vous soumettez, c’est le mieux qui vous arrive. Cela pourrait ne pas être en conformité avec ce que vous aimeriez, votre préférence, ou votre désir, parce que ces choses-là sont aveugles : le mieux au point de vue spirituel, le mieux pour votre progrès, votre développement, votre croissance spirituelle, pour votre vie vraie. C’est toujours cela.
Et il faut garder la foi; parce que la foi, c’est l’expression de la confiance dans le Divin et de l’abandon que l’on fait au Divin de soi-même. Et quand on le fait, c’est une chose absolument merveilleuse. C’est un fait, ce ne sont pas des mots, n’est-ce pas, c’est un fait. Quand on regarde en arrière, toutes sortes de choses que l’on n’avait pas comprises quand elles vous sont arrivées, on s’aperçoit que c’était juste la chose qu’il fallait pour vous faire faire les progrès nécessaires. Toujours, sans exception. C’est notre aveuglement qui nous empêche de le voir.
Est-ce que se blâmer soi-même est une bonne manière de progresser?
De se blâmer? Non, pas nécessairement. Cela peut être utile, c’est même utile de temps en temps pour se tirer de l’illusion de sa perfection propre. Mais on perd beaucoup d’énergie à se critiquer. Il vaut beaucoup mieux user cette même énergie à faire des progrès, à faire un progrès concret, quelque chose de plus utile. Par exemple, si vous avez des pensées que vous n’approuvez pas, qui sont laides, vulgaires et qui vous dérangent, si vous dites : « Ah, ah, que je suis insupportable, j’ai encore ces pensées-là, comme c’est ennuyeux ! », il vaudrait beaucoup mieux se servir de cette même énergie pour simplement faire comme ça (geste), et chasser les pensées.
Et ça, c’est un premier pas. Le second pas, c’est de tâcher d’en avoir d’autres, s’intéresser à quelque chose d’autre : ou lire, ou réfléchir, mais tâcher de se remplir la tête de quelque chose de plus intéressant, d’utiliser son énergie à construire plutôt qu’à détruire.
Il est nécessaire, naturellement, de temps en temps, de reconnaître ses fautes; c’est tout à fait indispensable. Mais s’appesantir là-dessus n’est pas nécessaire. Ce qui est nécessaire, c’est d’utiliser toute son énergie pour construire les qualités que l’on veut avoir, et pour faire la chose que l’on veut faire. C’est beaucoup plus important.
« Pour le moment vos expériences sont sur le plan mental. »
Ça, c’est la réponse à quelqu’un, je ne sais pas. C’est quelqu’un qui a écrit une lettre, et Sri Aurobindo lui a répondu : « Pour le moment vos expériences sont sur le plan mental. » Je ne sais pas quelle était cette lettre, ni cette personne.
Mais qu’est-ce que « seulement sur le plan mental » veut dire?
Qu’est-ce que cela veut dire? Eh bien, ce sont des expériences qui concernent la pensée, l’activité mentale, la compréhension des choses, l’observation des choses, la pensée, la déduction, le raisonnement, le contact avec l’enseignement, la connaissance, le résultat que cette connaissance a sur votre compréhension : toutes ces choses-là qui sont purement mentales. Et en fait, on doit toujours commencer par cela.
Si l’on a des expériences vitales — par exemple des visions —, certaines expériences vitales sans avoir une préparation mentale suffisante, cela peut avoir pour résultat de détruire votre équilibre et, en tout cas, vous ne comprenez rien à ce qui vous arrive, et c’est pratiquement inutile, si ce n’est pas nuisible. Tandis que si, d’abord, l’on a développé sa compréhension, si l’on a étudié, si l’on a compris et que l’on sache les raisons des choses et le but, par exemple, du yoga, et que l’on ait étudié les moyens d’arriver — enfin toute l’approche mentale de la chose —, alors, quand il vous arrive une expérience, on a une chance de pouvoir comprendre ce que c’est; autrement on ne comprend rien. Il faut une préparation mentale suffisante — sinon complète, au moins suffisante —, pour pouvoir comprendre un peu les expériences qui se produisent.
L’expérience dépend de quoi, Mère?
Ah, cela dépend de beaucoup de choses... Il y a des gens qui ont des expériences tout à fait spontanément, et il est entendu que cela dépend de leurs vies antérieures, ou de la façon dont ils ont été formés, des forces qui ont présidé à la construction de l’être physique actuel, et de l’influence sous laquelle ils ont été mis, même avant la naissance. Ceux-là ont les expériences d’une façon spontanée. Ils ne sont pas nombreux, mais il y en a. Il y en a d’autres pour qui c’est le résultat d’un effort très soutenu. Ils aspirent à avoir des expériences, et ils se donnent une discipline ou ils adoptent une discipline de façon à pouvoir les avoir. Quelquefois cela prend très longtemps pour obtenir quelque chose. Cela dépend absolument de la façon dont on est bâti. J’ai connu des gens qui étaient ignorants, n’est-ce pas, et qui avaient des expériences de voyance, de perception intérieure tout à fait remarquables. Ils ne comprenaient rien ni à ce qui leur arrivait ni à ce qu’ils voyaient. Mais ils avaient le don.
Mais ça n’a aucun effet sur leur vie extérieure?
Non.
Alors à quoi bon avoir des expériences?
Ce n’est pas une question d’« à quoi bon ». Tout n’est pas utilitaire dans le monde. C’est comme ça, c’est comme ça. Si, tu peux dire « à quoi bon » à quelqu’un qui se préoccupe exclusivement d’avoir des expériences, qui n’a aucune préparation intellectuelle et spirituelle intérieure, et qui, par une fantaisie quelconque, voudrait avoir des expériences, tu peux lui dire, oui : « À quoi bon? Ce n’est pas cela qui vous mènera vers la vie spirituelle. Cela peut vous aider si vous avez pris le chemin. Et si vous avez pris le chemin en toute sincérité, eh bien, elles viendront dans la mesure où elles seront utiles. Mais rechercher l’expérience pour l’expérience, c’est tout à fait inutile. » Et on peut dire aux gens : « À quoi bon? C’est une fantaisie, c’est une fantaisie sur un autre plan, c’est un autre genre de désir, mais c’est un désir. »
Mais dans la voie normale, à mesure que l’on progresse intérieurement, à chaque pas que l’on fait vers la conscience vraie, ce pas est accompagné d’un certain nombre d’expériences qui y correspondent, et qui vous permettent de reconnaître la situation dans laquelle vous vous trouvez : ça, c’est normal. C’est comme ça que ça doit être.
Mais alors, ce ne sont pas généralement des expériences tellement sensationnelles que les gens en fassent grand cas. Ils ont souvent, tout d’un coup, une illumination de conscience, une indication intérieure, une perception qui n’est pas habituelle. Mais quand ils ne sont pas exclusivement tournés vers le désir d’avoir des expériences, ils n’y attachent pas beaucoup d’importance. Quelquefois ils n’y attachent même pas assez d’importance. L’indication est venue, leur a montré quelque chose, mais ils n’en ont pas même tenu compte. Mais ce ne sont pas de ces choses qui vous donnent l’impression que vous vivez dans un monde merveilleux. Ce sont des choses assez normales. Tout d’un coup, une ouverture dans le cerveau, une lumière qui se fait, quelque chose que l’on comprend, que l’on n’avait pas compris avant. On prend cela pour un phénomène très naturel. Mais c’est une expérience spirituelle — ou la claire vision d’une situation, la compréhension de ce qui se passe en soi, de l’état dans lequel on se trouve, l’indication du progrès exact que l’on doit faire, de la chose qui est à corriger. Ça aussi, c’est une expérience, et c’est une expérience qui vient du dedans, c’est une indication que le psychique vous donne. On le prend aussi pour un fait tout à fait naturel. On n’y attache pas d’importance.
On appelle « expérience », généralement, ou les phénomènes tout à fait extravagants (comme la lévitation, des choses comme ça), ou bien des visions sensationnelles : les gens qui peuvent voir l’avenir, ou ceux qui voient à distance, ou alors, n’est-ce pas, les choses ordinaires : pouvoir dire où se trouve un objet perdu, ou toutes sortes de petits trucs comme ça. Ça, les gens appellent ça les « expériences ».
Eh bien, généralement, les gens qui ont ces choses-là sont des gens qui ne sont pas cultivés, mais qui, pour une raison quelconque, sont nés avec un don, comme il y en a qui sont nés musiciens, d’autres peintres, et d’autres savants. Eux, ils sont nés voyants, et alors, n’est-ce pas, s’ils sont dans le besoin, ils se servent de cela pour gagner leur vie, et ils l’abîment complètement. S’il se trouve qu’ils sont dans une situation aisée et qu’ils n’ont pas besoin de gagner leur vie, alors ils se font une renommée parmi leurs amis. En tout cas, c’est toujours une occasion d’un certain genre de commercialisme. Il y a très peu de gens qui peuvent avoir ces dons-là sans s’en servir pour se faire ou une réputation ou gagner de l’argent. Mais ce ne sont pas des dons d’un degré très avancé. On peut avoir cela sans avoir une vie très spirituelle. Cela ne dépend pas du tout d’une hauteur spirituelle intérieure. Il ne faut pas méprendre cela pour un signe de progrès.
D’ailleurs, il y a une chose certaine : ceux qui n’ont pas ces choses-là, et qui veulent les acquérir, par exemple la capacité de prévoir, prévoir ce qui va arriver, enfin le correspondant de la prophétie, la capacité de savoir les événements avant qu’ils se produisent (comme je dis, il y a des gens qui ont cela spontanément, à cause d’un phénomène de naissance quelconque), et si on veut l’obtenir soi-même, c’est-à-dire, entrer en contact avec les régions où l’on peut voir ces choses — alors non pas par hasard ou accidentellement, ou, n’est-ce pas, sans que l’on ait aucun contrôle là-dessus, mais au contraire, les voir à volonté —, ça, ça représente un travail formidable.
Et c’est pour cela qu’il y a des gens qui attachent une très grande valeur à ces choses-là. Mais elles n’ont de la valeur que si elles sont sous votre contrôle, et à volonté, et le résultat d’une discipline intérieure. Dans ce cas-là, oui, parce que cela prouve que vous êtes entré en rapport avec une certaine région où il est difficile d’entrer consciemment, volontairement, et d’une façon permanente. C’est très difficile, cela demande beaucoup de développement. Et alors, pour que vous soyez sûr de ce que vous avez vu... Parce que, je ne vous ai pas dit que ces gens qui font métier de leur clairvoyance, cela devient... j’ai dit « commercialisme »; c’est pire que cela, n’est-ce pas, c’est une tromperie! Quand ils ne voient rien, ils inventent. Quand ils en font métier, et qu’il y a des gens qui viennent leur demander quelque chose sur l’avenir, et qu’ils ne voient rien du tout, ils sont obligés d’inventer quelque chose, autrement ils perdraient leur réputation et leur clientèle. Alors cela devient, n’est-ce pas, « deception 21 », mensonge, tromperie, ou falsification.
Mais quand on veut avoir un renseignement pur, exact, être en rapport avec la vérité des choses, et voir d’avance non pas selon votre petite construction mentale, mais comme les choses sont décrétées, à l’endroit où elles sont décrétées, et au moment où elles sont décrétées, alors cela demande une très grande pureté mentale, un très grand équilibre vital, une absence de désir, de préférence. Il ne faut jamais vouloir qu’une chose soit d’une manière et non d’une autre, autrement cela falsifie immédiatement votre vision.
Tous les gens qui ont des visions, généralement ils les déforment, tous, presque sans exception. Je ne crois pas qu’il y en ait un sur un million qui ne déforme pas sa vision, parce que de la minute où elle touche le cerveau, elle touche le domaine des préférences, des désirs, des attachements, et ça, ça suffit pour donner une coloration, une apparence spéciale à ce que vous avez vu. Même si vous avez vu correctement, vous traduisez dans votre conscience faussement. Ça, ça demande une grande perfection.
Mais vous pouvez avoir la perfection sans le don de vision. Et la perfection peut être aussi grande sans le don qu’avec le don. Si cela vous intéresse particulièrement, vous pouvez faire un effort pour l’obtenir. Mais c’est si cela vous intéresse particulièrement. Si vous tenez beaucoup à savoir certaines choses, on peut faire une discipline; on peut faire une discipline aussi pour changer le fonctionnement de ses sens. Je crois que je vous ai déjà expliqué comment l’on peut entendre à distance, voir à distance, même physiquement; mais cela représente une quantité considérable d’efforts, qui ne sont peut-être pas toujours en proportion du résultat, parce que ce sont des à-côtés, ce n’est pas la chose centrale, la plus importante. Ce sont des à-cotés qui peuvent être intéressants, mais en soi, ce n’est pas la vie spirituelle; on peut avoir la vie spirituelle sans avoir cela.
Maintenant, les deux ensemble vous donnent peut-être une capacité plus grande. Mais pour cela aussi, il faut bien se dire : « Si je dois l’avoir — si je prends l’attitude vraie de soumission vis-à-vis du Divin et de complète consécration —, si je dois avoir cela, je l’aurai. » Comme : « Si je dois avoir le don de la parole, je l’aurai. » Et au fond, si l’on est vraiment soumis, de la vraie manière et totalement, à chaque minute on est ce que l’on doit être et on fait ce que l’on doit faire, et on sait ce que l’on doit savoir. Ça... mais pour ça, naturellement, il faut avoir surmonté les petites limitations de l’ego, et cela ne se fait pas du jour au lendemain. Mais cela peut se faire.
Autre question?
Douce Mère, qu’est-ce que c’est, « l’âme vitale de désir » ?
Mon petit, l’âme vitale, c’est-à-dire la chose qui anime le corps, la vie qui anime le corps. N’est-ce pas, dans le langage ordinaire, on dit : « Vous mourez quand votre âme quitte votre corps », ou : « Votre âme quitte votre corps quand vous mourez », d’une façon ou de l’autre; mais ce n’est pas l’âme, ce n’est pas que cette âme — ce que nous appelons l’âme, c’est-à-dire l’être psychique... c’est l’être vital. Quand l’être vital abandonne le corps, pour une raison quelconque, le corps meurt, ou la mort produit la coupure entre l’être vital et le corps; alors dans le sens d’animer, c’est-à-dire donner la vie.
C’est l’âme vitale de désir, Douce Mère?
Oui, l’âme vitale est pleine de désirs. L’être vital est plein de désirs. Il est bâti avec des désirs.
Douce Mère, ici il est écrit : « Une atmosphère spirituelle est plus importante que les conditions extérieures; si on peut l’obtenir et aussi créer son propre air spirituel pour y respirer et y vivre, cela est la vraie condition du progrès. » Comment peut-on l’obtenir et aussi créer sa vraie atmosphère spirituelle?
Obtenir quoi? Ça, c’est par — justement —, par la discipline intérieure; vous pouvez créer votre atmosphère en contrôlant vos pensées, en les tournant exclusivement vers la sâdhanâ, en contrôlant vos actions, en les tournant exclusivement vers la sâdhanâ, en abolissant tout désir et toute activité futile, extérieure, ordinaire, en vivant d’une vie intérieure plus intense, et en vous séparant des choses ordinaires, des pensées ordinaires, des réactions ordinaires, des actions ordinaires; alors, vous créez une sorte d’atmosphère autour de vous.
Par exemple, si au lieu de lire n’importe quoi, et de bavarder, et de faire n’importe quoi, si vous lisez seulement ce qui vous aide à suivre le chemin, si vous n’agissez que conformément à ce qui peut vous mener vers la réalisation divine, si vous abolissez en vous tous les désirs et toutes les impulsions tournés vers les choses extérieures, si vous calmez votre être mental, si vous apaisez votre être vital, si vous vous fermez aux suggestions du dehors, et que vous deveniez insensible à l’action des gens qui vous entourent, vous créez une atmosphère spirituelle telle que rien ne peut y toucher, et que cela ne dépend plus du tout des circonstances, ni avec qui vous vivez, ni dans quelles conditions vous vivez, parce que vous êtes enfermé dans votre propre atmosphère spirituelle.
Et c’est comme ça qu’on l’obtient : c’est en s’occupant seulement de la vie spirituelle, en ne lisant que ce qui peut vous aider dans la vie spirituelle, en ne faisant que ce qui vous conduit vers la vie spirituelle, et ainsi de suite. Alors vous créez votre atmosphère. Mais naturellement, si vous ouvrez toutes les portes, que vous écoutez ce que les gens vous disent, que vous suivez les avis de celui-là et les inspirations de celui-ci, et que vous êtes plein de désirs pour les choses du dehors, vous ne pouvez pas vous créer une atmosphère spirituelle. Vous aurez une atmosphère ordinaire comme tout le monde.
Douce Mère, ici il est écrit : « Ne vous laissez pas déranger par votre entourage et son opposition. Ces conditions sont souvent imposées au début comme une sorte d’épreuve. » Imposées par le Divin?
Sri Aurobindo n’a pas dit comme ça, n’est-ce pas. Il faut le prendre de la manière qui vous aide le plus. Ça, c’est une question très difficile.
Oh, je vous ai déjà très souvent expliqué que, quand vous vivez dans une conscience ordinaire, et dans la mesure où vous restez sur un certain plan, qui est une combinaison d’un mental-vital-physique le plus matériel, c’est-à-dire le plan ordinaire de la vie, vous êtes soumis au déterminisme de ce plan et c’est cette soumission au déterminisme de ce plan qui vous met justement dans ces conditions-là, parce que vous avez au fond de vous quelque chose qui aspire à une autre vie, mais qui ne sait pas encore vivre cette autre vie, et qui pousse du dedans pour obtenir les conditions nécessaires pour cette autre vie; ce sont des conditions intérieures, ce ne sont pas des conditions extérieures. Mais ça, ça prend son point d’appui sur les obstacles du dehors pour se fortifier dans sa volonté de progresser; et alors, si vous le prenez du dedans au dehors, vous pouvez même dire que c’est vous-même qui créez les difficultés pour vous aider à avancer.
Maintenant, si vous entrez sur un autre plan et que vous vous dites (mais ça, c’est une chose soumise à beaucoup d’explications et de discussions), si vous dites qu’il n’y a rien dans l’univers qui ne soit l’œuvre du Divin, ce qui est essentiellement vrai — mais qui n’est pas vrai ici —, alors vous dites : « Bien. C’est le Divin qui organise tout, par conséquent c’est Lui qui a organisé aussi les difficultés. » Mais ça, c’est une façon très enfantine de dire les choses — simpliste. Seulement, comme j’ai dit en commençant : « Si ça vous aide de penser comme ça, pensez comme ça. » N’est-ce pas, la pensée est une chose si approximative, c’est si loin de la vérité... C’est seulement une espèce de réflexion vague, incomplète, confuse, et pleine de mensonge, même quand c’est au mieux. Alors, au fond, c’est le moment d’être pratique et de se dire : « Eh bien, j’adopterai cette pensée si elle m’aide à progresser. » Mais si vous croyez que c’est la vérité absolue, alors vous êtes sûr de vous tromper, parce qu’il n’y a pas de pensée qui soit la vérité absolue.
Tiens, on va vous mettre, dans les livres qu’on vous prêtera à la bibliothèque de l’Université 22 , on va mettre une petite réflexion de Sri Aurobindo qui est merveilleuse (je l’ai fait imprimer aujourd’hui), où l’on dit que quel que soit l’enseignement, même le plus haut, le plus pur, le plus noble, le plus vrai, ce n’est jamais qu’un aspect de la Vérité, et ce n’est pas la Vérité (je commente, le texte n’est pas comme ça), ce n’est pas la Vérité tout entière. Eh bien, c’est ça. Quelle que soit votre pensée, même si elle est très haute, très pure, très noble, très vraie, ce n’est qu’un tout petit, microscopique aspect de la Vérité, et par conséquent elle n’est pas entièrement vraie. Alors, dans ce domaine-là, il faut être pratique, comme je dis, adopter la pensée pour le moment, celle qui vous aide à faire un progrès au moment où vous l’avez. Quelquefois, cela vient comme une illumination, et cela vous aide à faire un progrès. Tant qu’elle vous aide à faire un progrès, gardez-la ; quand elle commence à s’effriter, à ne plus avoir d’action, eh bien, laissez-la tomber, et tâchez d’en avoir une autre qui vous mènera un peu plus loin.
Il y aurait beaucoup de misères et de malheurs dans le monde qui disparaîtraient si les gens savaient la relativité de la connaissance, la relativité de la foi, la relativité des enseignements, et la relativité des circonstances aussi... à quel point une chose a une importance si relative! Pour le moment elle peut être capitale, elle peut vous conduire vers la vie ou vers la mort — je ne parle pas de la vie et de la mort physiques, je parle de la vie et de la mort de l’esprit —, mais c’est pour le moment. Et quand vous aurez fait un certain progrès, que vous serez de quelques années en avance au point de vue spirituel, et que vous regarderez en arrière cette chose, cette circonstance, ou cette idée, qui a décidé peut-être de votre existence, elle vous paraîtra si relative, si insignifiante... Et il vous faut quelque chose de très supérieur pour faire un nouveau progrès.
Si l’on pouvait toujours se rappeler cela, eh bien, on éviterait beaucoup de sectarisme, beaucoup d’intolérance, et on annulerait toutes les querelles, immédiatement, parce qu’une querelle, c’est tout simplement que l’un pense d’une manière et que l’autre pense d’une autre, que l’un a pris une attitude et que l’autre en a pris une autre, et qu’au lieu de tâcher de les mettre ensemble, et de trouver comment elles peuvent s’accorder, on se les oppose comme on se donne des coups de poing. Ce n’est pas autre chose que cela.
Mais si vous vous rendez compte de la complète relativité de votre point de vue, de votre pensée, de votre conviction, de ce qui est le bien, à quel point c’est relatif dans la marche de l’univers, alors vous serez moins violent dans vos réactions, plus tolérant. Voilà.
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