Letters on the integral yoga, other spiritual paths, the problems of spiritual life, and related subjects.
Letters on subjects including 'The Object of Integral Yoga', 'Synthetic Method and Integral Yoga', 'Basic Requisites of the Path', 'The Foundation of Sadhana', 'Sadhana through Work, Meditation, Love and Devotion', 'Human Relationships in Yoga' and 'Sadhana in the Ashram and Outside'. Part II includes letters on following subjects: 'Experiences and Realisations', 'Visions and Symbols' and 'Experiences of the Inner and the Cosmic Consciousness'. Sri Aurobindo wrote most of these letters in the 1930s to disciples living in his ashram.
LE BUT DU YOGA INTÉGRAL
Le but que nous poursuivons dans notre yoga est de pénétrer dans la Présence et la Conscience divines et d'en être possédés, d'aimer le Divin pour. le Divin seul, d'harmoniser notre nature à la nature du Divin et d'être, dans notre volonté, nos œuvres et notre vie, l'instrument du Divin. Dans notre yoga, le but n'est pas de devenir un grand yogi ou un surhomme (bien que cela puisse arriver), ni de s'emparer du Divin pour alimenter le pouvoir de l'ego, flatter son orgueil ou satisfaire son plaisir. Son but n'est pas non plus le moksha, bien qu'il mène à la libération et que tout le reste puisse s'ensuivre; ces objectifs ne doivent pas être nôtres. Le Divin seul est notre but.
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Aborder notre yoga dans la seule idée de devenir un surhomme serait un acte d'égoïsme vital qui irait à l'encontre du but même du yoga. Ceux qui placent cet objectif au premier plan de leurs préoccupations courent invariablement à l'échec dans le domaine spirituel et dans les autres. Dans notre yoga, le but est tout d'abord d'entrer dans la conscience divine en y fusionnant l'ego séparatif(soit dit en passant, on découvre par là même le vrai moi individuel qui n'est pas l'ego humain limité, vain et égoïste, mais une parcelle du Divin) et ensuite, de faire descendre la conscience supramentale sur la terre pour qu'elle transforme le mental, la vie et le corps. Tout le reste ne peut être qu'une conséquence de ces deux objectifs, non le but principal du yoga.
Vous devez vous débarrasser de certaines idées fausses que vous semblez avoir au sujet du yoga, car elles sont dangereuses et tout sâdhak devrait les rejeter:
1. L'objet du yoga n'est pas de devenir "comme" Sri Aurobindo ou la Mère. Ceux qui caressent cette idée sont
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facilement amenés à en déduire qu'ils peuvent devenir aussi grands et même plus grands qu'eux. Cela ne fait que nourrir l'ego.
2. L'objet du yoga n'est pas d'acquérir des pouvoirs ou d'être plus puissant que d'autres, d'avoir de grandes siddhi ou d'accomplir des actions grandioses, merveilleuses ou miraculeuses.
3. L'objet du yoga n'est pas de devenir un grand yogi ou un surhomme. Cette manière égoïste d'aborder le yoga ne peut rien amener de bon; évitez-la à tout prix.
4. Parler du supramental et penser à le faire descendre en vous est de tout le plus dangereux. Cela peut conduire à une mégalomanie et à une perte d'équilibre totales. Ce que doit rechercher le sâdhak, c'est une pleine ouverture au Divin, la transformation psychique de sa conscience, la transformation spirituelle. De ce changement de conscience, l'absence d'ego, l'absence de désir, l'humilité, la bhakti, le don de soi, le calme, l'égalité, la paix, une sincérité tranquille sont les composants nécessaires. Jusqu'à la transformation psychique et spirituelle, penser à devenir supramental est une absurdité, et une absurdité arrogante de surcroît.
Toutes ces idées égoïstes, si l'on s'y complaît, ne peuvent que magnifier l'ego, dénaturer la sâdhanâ et mener à de graves dangers spirituels. Il faut les rejeter totalement.
Bien sûr que c'est possible [de faire le yoga sans être un grand homme]. La grandeur n'est pas nécessaire. Au contraire, la première nécessité est l'humilité, car celui qui a de l'ego et de l'orgueil ne peut pas réaliser le Suprême.
J'ignore malheureusement la langue télougou et n'ai donc pas pu lire l'original de votre livre, mais je me suis fait une certaine idée de son contenu grâce au compte rendu qui en est donné en anglais. Il s'agit essentiellement, me semble-t-il,
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d'un exposé et d'une justification du Pourna Yoga et de mon message; je crois que vous en avez correctement défini les deux principaux éléments: d'abord l'acceptation du monde comme manifestation du Pouvoir divin, et non son rejet en tant qu'erreur ou illusion, ensuite le caractère de cette manifestation considérée comme une évolution spirituelle, le yoga étant le moyen de transformer le mental, la vie et le corps pour qu'ils deviennent les instruments d'une perfection spirituelle et supramentale. L'univers n'est pas seulement un fait matériel, il est aussi un fait spirituel; la vie n'est pas seulement un jeu de forces ou une expérience mentale, elle est aussi un champ d'évolution pour l'esprit caché. La vie humaine ne trouvera sa plénitude et ne pourra se transformer en quelque chose qui la dépasse que lorsque cette vérité aura été saisie, que nous en aurons fait la force motrice de notre existence et que nous aurons découvert le moyen de la concrétiser dans les faits. Ce moyen, nous le trouverons dans un yoga intégral et dans une union de toutes les parties de notre être avec le Divin, ce qui aura pour effet de transmuer tous ces éléments aujourd'hui discordants en l'harmonie d'une conscience et d'une existence supérieures et divines.
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réalisation de ce but. Si vous pouvez accepter l'idéal de tout votre cœur, affronter toutes les difficultés, laisser derrière vous le passé et ses attaches, et si vous êtes prêt à renoncer à tout et à tout risquer pour cette divine possibilité, alors seulement vous pouvez espérer découvrir par l'expérience la Vérité qui est derrière.
La sâdhanâ de notre yoga ne procède par aucun enseignement mental fixe ni par des formes prescrites de méditation, mantra ou autres, mais par aspiration, par concentration à l'intérieur ou vers le haut, par l'ouverture à l'Influence, au Pouvoir divin au-dessus de nous et à son action, à la Présence divine dans le cœur, et par le rejet de tout ce qui leur est étranger. Ce n'est que par la foi, l'aspiration et la soumission que cette ouverture peut se faire.1
Apparemment vous ressentez un appel et vous étés peut-être apte au yoga, mais il existe plusieurs chemins et chacun d'eux se propose un but différent et une réalisation différente. Tous les sentiers ont en commun la conquête des désirs et l'abandon des relations ordinaires de la vie, tous essaient de passer de l'incertitude à la certitude éternelle. On peut aussi essayer de conquérir le rêve et le sommeil, la faim et la soif, etc. Mais il n'entre pas dans l'objectif de mon yoga que l'on n'ait aucune relation avec te monde ou avec la vie, que l'on annihile les sens ou que l'on inhibe entièrement leur action. Mon yoga a pour objectif de transformer la vie en y faisant descendre la Lumière, le Pouvoir et la Béatitude de la Vérité divine et ses certitudes dynamiques. Ce n'est pas un yoga ascétique, il ne fuit pas le monde, c'est un yoga de la vie divine. Votre but, au contraire, ne peut être atteint qu'en entrant en samâdhi et en coupant ainsi tout lien avec l'existence dans le monde.2
1. Lumières sur le Yoga, chapitre I. Traduction de la Mère.
2. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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Il n'est pas indispensable d'être un ascète; il suffit de pouvoir apprendre à vivre au-dedans, dans l'être intérieur, au lieu de vivre à la surface, de découvrir l'âme ou l'individualité véritable qui est voilée par les forces mentales et vitales de surface, et d'ouvrir l'être à la Réalité supraconsciente. Mais on ne peut pas y parvenir à moins d'être entièrement sincère et unifié dans son effort.
Pour répondre à votre seconde question, je dirai que participer à la mission de Sri Aurobindo dépend soit de l'aptitude à pratiquer un yoga difficile, soit d'une vocation à se consacrer à cet idéal sans accorder une seule pensée aux revendications de l'ego ou des désirs vitaux; sinon mieux vaut ne pas l'envisager.
Oui, à moins que la nature extérieure ne soit transformée, on peut monter aussi haut qu'il est possible et avoir les plus grandes expériences, le mental extérieur n'en demeure pas moins un instrument de l'Ignorance.
Il est toujours possible d'obtenir certaines réalisations sur le plan du mental spirituel, même si le vital est encore impur. Il y a une sorte de séparation entre le Pourousha et la Prakriti au niveau mental qui donne une connaissance sans effets transformateurs sur la vie. Mais la théorie de ces yogis est qu'il faut connaître le Moi; la vie et ce que l'on fait dans la vie, c'est sans importance. Avez-vous lu l'histoire du yogi qui était venu avec sa concubine et à qui Râmakrishna demandait: "Pourquoi vivez-vous ainsi?" Il lui répondit: "Tout est Maya, donc peu importe, puisque je connais le Brahman." Il est vrai que Râmakrishna lui répondit: "Je crache sur votre Védânta," mais logiquement l'argument du yogi se tenait, car si toute la vie et toute l'action sont Maya et que seul le Brahman silencieux est réel, alors...
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Dans l'état du Brahman, on sent le moi intact et pur, mais la nature reste imparfaite. Le sannyâsî ordinaire ne s'en soucie pas, parce que son but n'est pas de rendre sa nature parfaite, mais de s'en séparer.
La paix est une base nécessaire, mais elle ne suffit pas. La paix, si elle est forte et permanente, peut libérer l'être intérieur qui devient alors le témoin calme et impassible des mouvements extérieurs. C'est la libération du sannyâsî. Dans certains cas elle peut libérer aussi l'être extérieur puisque l'ancienne nature se trouve rejetée au-dehors, dans la conscience environnante. Mais là encore il s'agit d'une libération, non d'une transformation.
Ils [les anciens yogis] avaient pour but la réalisation et ne se souciaient pas de la divinisation, sauf dans le yoga tantrique et quelques autres. Même dans ceux-ci, cependant, leur but était de devenir des saints et des siddha plutôt qu'autre chose.
Le pouvoir, la luminosité, la plénitude, etc. d'une expérience dépendent dans une très large mesure du plan sur lequel elle se déroule. Une réalisation mentale est très différente d'une réalisation surmentale ou d'une réalisation supramentale, bien que la Vérité réalisée puisse être la même. Ainsi la connaissance de la Matière comme Brahman a un effet très différent de la connaissance de la Vie, du Mental, du Supramental ou de l'Ananda comme Brahman. Si la réalisation du Divin par le mental revenait au même que sa réalisation sur des plans supérieurs, notre yoga n'aurait aucun sens: monter jusqu'au supramental ou le faire descendre serait inutile.
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Être en union complète avec le Divin est le but final. Quand sur un plan ou un autre l'union est constante, on peut être qualifié de yogi, mais il faut rendre cette union complète. Il y a des yogis qui possèdent l'union sur le seul plan spirituel, d'autres qui sont unis dans le mental et dans le cœur, d'autres également dans le vital. Dans notre yoga, nous avons en outre pour but l'union dans la conscience physique et sur le plan supramental.
Mais pourquoi [les yogis des sentiers traditionnels] sentiraient-ils la pression [de la descente du supramental], puisqu'ils sont satisfaits de la réalisation qu'ils ont obtenue? Ils vivent dans le mental spirituel et le mental est par nature séparateur; dans leur cas, il s'agit de séparer un aspect ou un état élevé du Divin et de le rechercher à l'exclusion de tout le reste. Toutes les philosophies spirituelles, toutes les écoles de yoga le font. Si elles vont au-delà, c'est dans l'Absolu, et le mental ne peut concevoir l'Absolu sinon comme quelque chose d'inconcevable, néti néti. De plus, pour obtenir le samâdhi, ces yogis se concentrent sur une idée unique et ce qu'ils atteignent, c'est ce que cette idée représente. Le samâdhi est, par nature, une concentration exclusive sur cela; pourquoi donc les ouvrirait-il à autre chose? Peu de yogis sont suffisamment souples pour échapper à cette limitation que s'impose la sâdhanâ; ils sentent que la réalisation n'a pas de fin: quand on parvient à un sommet, on en découvre un autre plus loin. Pour en savoir davantage, il faut entrer en contact conscient et éveillé avec le supramental ou au moins l'entrevoir, c'est-à-dire dépasser le mental spirituel.
C'est le principe même de notre yoga: la transformation finale ne peut se produire que par la supramentalisation de la conscience, c'est-à-dire par une ascension au-dessus du mental dans le supramental et par la descente du supramental dans la
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nature. Donc si personne ne peut s'élever du mental au supramental, ni obtenir la descente du supramental, logiquement ce yoga devient impossible. Mais chaque être est un en essence avec le Divin et dans son être individuel, il est une parcelle du Divin, de sorte que nulle barrière infranchissable ne lui interdit de devenir supramental. Il est sans aucun doute impossible pour la nature humaine, étant donné qu'elle a pour base le mental, de triompher de l'Ignorance et de s'élever jusqu'au supramental ou d'en obtenir la descente sans qu'aucune aide ne soutienne ses efforts. Cependant, par la soumission au Divin, cela peut être fait. On fait descendre le supramental dans la nature terrestre par l'intermédiaire de sa propre conscience et on ouvre ainsi la voie à d'autres, mais la transformation doit se répéter dans chaque conscience pour devenir individuellement efficace.
Le but du yoga est d'ouvrir la conscience au Divin et de vivre de plus en plus dans la conscience intérieure, tout en agissant sur la vie extérieure à partir de cette conscience; d'amener l'être psychique profond au premier plan et, par le pouvoir du psychique, de purifier et de changer l'être afin qu'il soit prêt pour la transformation et uni à la Connaissance divine, à la Volonté divine et à l'Amour divin. Deuxièmement, il faut développer la conscience yoguique, c'est-à-dire universaliser l'être sur tous les plans, devenir conscient de l'être cosmique et des forces cosmiques, s'unir au Divin sur tous les plans jusqu'au surmental. Troisièmement, il faut entrer en contact avec le Divin transcendant, au-delà du surmental, au moyen de la conscience supramentale, supramentaliser la conscience et la nature, et se faire l'instrument de la. réalisation de la Vérité divine dynamique et de sa descente transformatrice dans la nature terrestre.3
3. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre I.
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Le Divin a pour nous trois aspects:
1. Il est le Moi et l'Esprit cosmique qui est dans et derrière toutes les choses et tous les êtres; tout dans l'univers est manifesté à partir de lui et en lui, même si cette manifestation se produit maintenant dans l'Ignorance.
2. Il est l'Esprit et le Maître de notre propre être en nous; nous devons le servir, nous devons apprendre à exprimer sa volonté dans tous nos mouvements, afin de pouvoir, par notre croissance, sortir de l'Ignorance pour entrer dans la Lumière.
3. Le Divin est Être et Esprit transcendant, tout béatitude et lumière, connaissance divine et pouvoir divin; nous devons nous élever vers cette suprême existence divine et sa Lumière, et en faire descendre progressivement la réalité dans notre conscience et notre vie.
Dans la nature ordinaire, nous vivons dans l'Ignorance et ne connaissons pas le Divin. Les forces de la nature ordinaire sont des forces non divines parce qu'elles tissent un voile d'ego, de désir et d'inconscience qui nous dissimule le Divin. Pour entrer dans la conscience plus haute et plus profonde qui connaît le Divin et vit lumineusement en lui, nous devons nous débarrasser des forces de la nature inférieure et nous ouvrir à l'action de la Shakti divine qui transformera notre conscience en celle de la Nature divine.
C'est de cette conception du Divin qu'il nous faut partir; la réalisation de sa vérité ne peut venir qu'avec l'ouverture de la conscience et sa transformation.
La distinction entre le Divin transcendant, le Divin cosmique et le Divin individuel n'est pas de mon invention, elle n'est pas non plus originaire de l'Inde ni de l'Asie; c'est au contraire un enseignement européen reconnu et courant dans la tradition ésotérique de l'Église catholique où elle est l'explication autorisée de la Trinité - Père, Fils et Saint-Esprit - et elle est très répandue dans l'expérience mystique européenne. En essence elle existe dans toutes les disciplines spirituelles qui
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admettent l'omniprésence du Divin, dans l'expérience védântique indienne et dans le yoga musulman (non seulement dans le soufisme, mais aussi dans d'autres écoles); les musulmans parlent même non seulement de deux ou trois plans du Divin, mais de plusieurs jusqu'au Suprême. En ce qui concerne la conception elle-même, nul doute qu'il existe une différence entre l'individu, le cosmos dans l'espace et le temps, et quelque chose qui dépasse cette formule cosmique ou même toutes les formules cosmiques. Nombreux sont ceux qui ont eu l'expérience d'une conscience cosmique tout à fait différente, en portée et en action, de la conscience individuelle, et si, au-delà de la conscience cosmique, il existe une conscience infinie et éternelle par essence et non seulement par son étendue dans le Temps, celle-ci doit, elle aussi, être différente des deux autres. Et si le Divin existe ou se manifeste dans les trois, n'est-il pas concevable que par Son aspect, dans Son action, Il puisse se différencier Lui-même au point que nous soyons conduits, si nous ne voulons pas brouiller toute la vérité de l'expérience, si nous ne devons pas nous limiter à une expérience purement statique de quelque chose d'indéfinissable, à parler d'un triple aspect du Divin?
Dans la pratique du yoga la dynamique est très différente selon la manière dont on aborde ces trois réalisations possibles. Si je réalise le Divin uniquement comme ce qui n'est pas mon moi personnel, mais qui cependant fait mouvoir secrètement tout mon être personnel et que je puis faire sortir de derrière le voile, ou si je crée une image de cette divinité dans les divers éléments de moi-même, c'est une réalisation, mais elle est limitée. Si c'est la Divinité cosmique que je réalise, si je dissous en elle tout mon moi personnel, c'est une réalisation très vaste, mais je deviens un simple canal pour le Pouvoir universel et aucun accomplissement personnel ou divinement individuel n'est possible pour moi. Si je m'élance vers la seule réalisation transcendante, je me perds, et du même coup je perds le monde, dans l'Absolu transcendant. Si au contraire mon but n'est rien de tout cela, mais que je veuille réaliser et aussi manifester le Divin dans le monde,
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faire descendre à cette fin un Pouvoir non encore manifesté - comme le supramental - une harmonisation de ces trois réalisations devient indispensable. Il faut que je le fasse descendre, et d'où le ferais-je descendre, puisqu'il n'est pas encore manifesté dans la formule cosmique, sinon de la Transcendance non manifestée que je dois atteindre et réaliser? Il faut que je le fasse descendre dans la formule cosmique et s'il en est ainsi, je dois réaliser le Divin cosmique et devenir conscient du moi cosmique et des forces cosmiques. Mais il faut que je lui fasse prendre corps ici, sinon il continue à n'être qu'une influence et non une chose fixée dans le monde physique, et c'est seulement par l'entremise du Divin dans l'individu que cela peut être fait.
Ce sont là des éléments de la dynamique de l'expérience spirituelle et je suis obligé de les admettre pour qu'une œuvre divine soit accomplie.
Il est évident que chercher le Divin uniquement pour ce que l'on peut obtenir de Lui n 'est pas l'attitude juste ; mais s'il était absolument interdit de Le rechercher à cette fin, la plupart des gens dans le monda ne se tourneraient pas vers Lui du tout. Je suppose donc qu'on les laisse faire pour qu'ils puissent prendre le départ; s'ils ont la foi, il est possible qu'ils reçoivent ce qu'ils demandent, qu'ils pensent que c'est bien de continuer, et puis qu'un jour l'idée leur vienne qu'après tout ce n'est pas vraiment ce qu'il convient de faire et qu'on peut aborder le Divin d'une meilleure manière et dans un meilleur esprit. S'ils n'en reçoivent pas ce qu'ils veulent et malgré tout se tournent vers le Divin et Lui font confiance, alors cela prouve qu'ils commencent à être prêts. Considérons cela comme une sorte d'école maternelle pour ceux qui ne sont pas prêts. Mais ce n'est évidemment pas la vie spirituelle, ce n'est qu'une sorte de voie d'accès religieuse et simpliste. Car dans la vie spirituelle, la règle est de donner et de ne rien exiger. Le sâdhak peut cependant demander à la Force divine de l'aider à
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préserver sa santé ou à la rétablir, s'il le fait comme une partie de sa sâdhanâ, pour que son corps fonctionne bien et soit apte à la vie spirituelle, qu'il soit un instrument capable d'accomplir l'Œuvre divine.
Laissons tout d'abord de côté la question hors de propos ici, de savoir ce que nous ferions si l'union avec le Divin apportait une éternelle absence de joie, le Nirânanda ou la souffrance. Rien de tel n'existe et introduire à toute force ce problème dans le débat ne fait que l'obscurcir. Le Divin est Ânandamaya et on peut le chercher pour l'Ânanda qu'il donne; mais il contient aussi beaucoup d'autres choses et on peut le chercher pour n'importe laquelle d'entre elles: pour la paix, pour la libération, pour la connaissance, pour le pouvoir, pour tout ce qui suscite une attirance ou un élan. On peut fort bien dire: "Puisse-je recevoir du Divin le Pouvoir, faire Son travail ou Sa volonté, et je serai satisfait, même si l'usage du Pouvoir entraîne aussi la souffrance." Il est possible de fuir la béatitude si elle paraît trop écrasante ou trop extatique et de demander seulement, ou de préférence, la paix, la libération, le Nirvana. Vous parlez d'accomplissement de soi; vous pouvez considérer le Suprême non comme le Divin, mais comme votre propre Moi suprême, et rechercher la plénitude de votre être dans ce Moi suprême, mais il n'est pas nécessaire de le considérer comme un moi de félicité, d'extase, d'Ananda; on peut le considérer comme un moi de liberté, d'immensité, de connaissance, de tranquillité, de force, de calme, de perfection - trop calme peut-être pour qu'y pénètre ne serait-ce qu'une ondulation de quelque chose d'aussi bouleversant que la joie. Ainsi, même si l'on aborde le Divin pour ce que l'on peut y gagner, il n'est pas exact que l'on puisse l'aborder ou rechercher l'union avec Lui pour le seul Ânanda qu'il procure et rien d'autre.
Ce qui en découle fait que tout votre raisonnement ne tient plus debout. Car ce sont là des aspects de la Nature
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divine, des pouvoirs du Divin, des états de son être, mais le Divin Lui-même est quelque chose d'absolu, quelqu'un qui existe en soi, qui n'est pas limité par ses aspects; merveilleux et ineffable, ce n'est pas Lui qui existe par eux, ce sont eux qui existent à cause de Lui. Il s'ensuit que s'il attire par ses aspects, il peut attirer plus encore par l'absolu même de son moi qui est plus suave, plus imposant, plus profond qu'aucun de ses aspects. Sa paix, son extase, sa lumière, sa liberté, sa beauté sont merveilleuses et ineffables parce qu'il est lui-même magiquement, mystérieusement, transcendentalement merveilleux et ineffable. On peut alors le rechercher pour son moi merveilleux et ineffable, et pas seulement pour l'un ou l'autre de ses aspects. Pour cela, la seule chose nécessaire est d'abord de parvenir à un point où l'être psychique sent en lui que le Divin l'attire, et ensuite d'atteindre le point où le mental, le vital et chaque autre élément commence à sentir aussi que c'était cela qu'il voulait, et que la poursuite superficielle de l'Ânanda ou d'on ne sait quoi d'autre n'était qu'un prétexte pour attirer la nature vers cet aimant suprême.
Selon vous, parce que nous savons que l'union avec le Divin nous apportera l'Ânanda, c'est nécessairement pour l'Ânanda que nous recherchons l'union; cet argument n'est pas juste et n'a aucun poids. L'amoureux d'une reine a beau savoir que si elle répond à son amour, il en résultera pour lui le pouvoir, le rang, les richesses, ce n'est pas forcément pour le pouvoir, le rang, les richesses qu'il cherche à en être aimé. Il peut l'aimer pour elle-même et pourrait l'aimer tout autant si elle n'était pas reine; il peut n'avoir aucun espoir d'être aimé en retour et pourtant l'aimer, l'adorer, vivre pour elle, mourir pour elle simplement parce qu'elle est elle. C'est arrivé, et certains hommes ont aimé une femme sans aucun espoir de possession ou d'aboutissement, aimé avec constance, avec passion, alors même que devenue vieille, elle avait perdu sa beauté. Les patriotes n'aiment pas seulement leur patrie quand elle est riche, puissante, grande et qu'elle a beaucoup à leur offrir; l'amour de la patrie a été le plus ardent, le plus passionné, le plus absolu quand le pays était pauvre, déchu,
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misérable, n'ayant rien à offrir que la ruine, les blessures, la torture, la prison, la mort pour gages des services rendus; et pourtant même en sachant qu'ils ne la verraient jamais libre, des hommes ont vécu, servi, sont morts pour elle, pour elle-même et non pour ce qu'elle pouvait leur donner. Certains hommes ont aimé la Vérité pour elle-même et pour ce qu'ils pouvaient chercher et trouver en elle, ont accepté la pauvreté, les persécutions et même la mort; ils se sont même contentés de la chercher toujours sans jamais la trouver, et pourtant n'ont jamais abandonné leur quête. Qu'est-ce que cela signifie? Que l'être humain, la patrie, la Vérité, d'autres choses encore peuvent être aimées pour elles-mêmes et pour rien d'autre, pour aucune circonstance ni qualité accessoire, aucune conséquence agréable, mais pour quelque chose d'absolu qui est en elles ou derrière les apparences ou les circonstances. Le Divin est plus qu'un homme ou une femme, plus qu'un morceau de terre ou une croyance, une opinion, une découverte, un principe. Il est La Personne au-delà de toutes les personnes. Patrie et Pays de toutes les âmes, Vérité dont toutes les vérités ne sont que des images imparfaites. Ne peut-Il donc pas être aimé et recherché pour Lui-même, autant et plus que ceux-ci ne l'ont été des hommes, même dans leur moi et leur nature inférieurs?
Ce que votre raisonnement passe sous silence, c'est ce qui est absolu ou tend vers l'absolu, tant dans l'homme et dans sa recherche que dans le Divin, quelque chose qui ne s'explique ni par un raisonnement mental ni par un mobile vital. Il y a certes un mobile, mais c'est un mobile de l'âme et non du désir vital; il y a certes une raison, mais c'est une raison qui appartient non pas au mental, mais au moi et à l'esprit. Une quête aussi, mais une quête qui est une aspiration inhérente à l'âme, non une convoitise du vital. C'est ce qui apparaît avec le pur don de soi, quand le "je te cherche pour ceci, je te cherche pour cela" fait place au pur "Je te cherche pour toi". C'est de cet absolu merveilleux et ineffable dans le Divin que parle X quand il dit: "Non la connaissance, ni ceci, ni cela, mais Krishna." Cette attirance est en vérité un impératif
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catégorique, le moi en nous est attire vers le Divin à cause de l'appel impératif du Moi plus grand, de l'âme ineffablement attirée vers l'objet de son adoration parce qu'il ne peut pas en être autrement, parce que cela est cela, et que Lui est Lui. C'est tout.
Si j'ai tant écrit, c'est seulement pour expliquer ce que nous voulons dire quand nous parlons de chercher le Divin pour lui-même et pour rien d'autre... pour autant que ce soit explicable. Explicable ou non, c'est l'un des faits dominants de l'expérience spirituelle. La volonté de se donner n'est qu'une expression de ce fait. Mais cela ne signifie pas que je vous reproche de demander l'Ânanda. Demandez-le sans hésiter, dès lors que cette demande correspond à un besoin dans une certaine partie de votre être, car ce sont ces choses qui mènent vers le Divin, tant que l'appel intérieur absolu, qui est là tout le temps, ne s'est pas hissé à la surface. Mais c'était lui, en réalité, qui exerçait son attirance dès le début et qui est là derrière: c'est l'impératif spirituel catégorique, le besoin absolu de l'âme pour le Divin.
Je ne dis pas qu'il n'y aura pas d'Ânanda. Le don de soi est lui-même un Ânanda profond; ce qu'il apporte entraîne dans son sillage un Ânanda inexprimable, et cette méthode l'apporte plus tôt qu'aucune autre, de sorte que l'on peut presque dire: "Un don de soi sans ego est la meilleure tactique." Seulement on ne se donne pas pour des raisons tactiques. Si l'Ânanda est le résultat, le don de soi n'est pas accompli pour ce résultat, mais pour lui-même et pour le Divin lui-même; la distinction peut sembler subtile au mental, mais elle est très réelle.
Je ne voulais pas dire que c'était une erreur d'aspirer à l'Ânanda. Ce que je voulais indiquer, c'était la condition nécessaire à la possession permanente de l'Ânanda (des signes, des visites, des descentes soudaines, on peut en avoir avant); la condition essentielle de cette possession permanente
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est une transformation de la conscience, la venue de la paix, de la lumière, etc., de tout ce qui détermine le passage de la nature normale à la nature spiritualisée. Et puisqu'il en est ainsi, mieux vaut faire de ce changement de conscience le premier objectif de la sâdhanâ. Au contraire, s'évertuer à obtenir immédiatement l'Ânanda constant dans une conscience qui n'est pas encore capable de le retenir, et plus encore y substituer des joies et des plaisirs moindres (vitaux), peut fort bien arrêter le flot des expériences spirituelles qui rendent l'extase continue essentiellement possible. Mais je n'ai certes jamais voulu dire que l'Ânanda ne devait pas être atteint, ni insisté pour que vous vous dirigiez vers un Brahman nirânanda (sans joie). Au contraire, j'ai dit que l'Ânanda était le couronnement du yoga: cela signifie bien qu'il fait partie de la siddhi la plus élevée.
Tout ce que l'on veut, avec sincérité et persévérance, obtenir du Divin, le Divin le donne à coup sûr. Si donc vous voulez l'Ânanda et que vous persistez à le vouloir, vous finirez sûrement par l'obtenir. La seule question est de savoir quel pouvoir vous utiliserez principalement dans votre quête: exigence vitale ou aspiration psychique se manifestant au moyen du cœur et se communiquant à la conscience mentale, vitale et physique. De ces deux pouvoirs, l'aspiration psychique est le plus grand et raccourcit le chemin; par ailleurs, il faut en arriver là tôt ou tard.
Trouver le Divin est en réalité la raison principale de rechercher la Vérité spirituelle et la vie spirituelle; c'est la seule chose indispensable et sans elle tout le reste n'est rien. Une fois que l'on a trouvé le Divin, il faut Le manifester, c'est-à-dire transformer tout d'abord notre conscience limitée en la Conscience divine, vivre dans la Paix, la Lumière, l'Amour, la Force, la Félicité infinis, devenir tout cela dans notre nature essentielle et, en conséquence, en être le réceptacle, le canal, l'instrument dans notre nature active. Introduire dans l'activité
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le principe de l'unité sur le plan matériel, ou travailler pour l'humanité, est une interprétation mentale erronée de la Vérité: tel ne peut pas être le premier et le véritable but de la quête spirituelle. Il nous faut trouver le Moi, le Divin; alors seulement nous pourrons savoir quel travail le Moi ou le Divin exige de nous. Jusque là, notre action dans la vie ne peut être qu'une aide ou un moyen pour trouver le Divin et ne devrait pas avoir d'autre raison d'être. À mesure que nous grandissons dans la conscience intérieure, ou à mesure que la Vérité spirituelle du Divin croît en nous, notre vie et notre action doivent en effet découler de plus en plus de cette recherche, faire corps avec elle. Mais décider par avance, selon nos conceptions mentales limitées, de ce qu'elles doivent être, entrave la croissance en nous de la Vérité spirituelle. À mesure que celle-ci grandira, nous sentirons la Lumière et la Vérité divines, la Puissance et la Force divines, la Pureté et la Paix divines travailler en nous, se charger de nos actions et aussi de notre conscience, les utilisant pour nous remodeler à l'Image du Divin, éliminant les scories pour y substituer l'or pur de l'Esprit. C'est seulement quand la Divine Présence sera permanente en nous et que la conscience sera transformée que nous aurons le droit de nous dire prêts à manifester le Divin sur le plan matériel. Si nous érigeons un idéal ou un principe mental et l'imposons au travail intérieur, nous courons le risque de nous limiter à une réalisation mentale ou d'entraver et même de fausser, par une formation arrêtée à mi-chemin, la véritable croissance vers une communion et une unité totales avec le Divin et le jaillissement libre et intime de Sa volonté dans notre vie. Le mental moderne est particulièrement sujet à cette erreur d'orientation. Il est infiniment préférable d'aborder le Divin pour la Paix, la Lumière ou la Félicité que donne Sa réalisation que de faire intervenir ces mobiles secondaires qui peuvent nous détourner de la seule chose indispensable. La divinisation de la vie matérielle, tout autant que celle de la vie intérieure, fait partie de notre vision du Plan divin, mais elle ne peut être accomplie que par un jaillissement de la réalisation intérieure, quelque chose qui
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croît du dedans vers le dehors, non par la mise en œuvre d'un principe mental.
Vous m'avez demandé quelle discipline il fallait suivre pour convertir la recherche mentale en une expérience spirituelle vivante. La première nécessité est de pratiquer la concentration de votre conscience au-dedans de vous. Le mental humain ordinaire a, en surface, une activité qui voile le vrai Moi. Mais il y a une autre conscience, cachée au-dedans derrière la conscience de surface, où nous pouvons acquérir la perception du vrai Moi et d'une vérité plus vaste et plus profonde de la nature, où nous pouvons réaliser le Moi, libérer la nature et la transformer. Tranquilliser le mental de surface et commencer à vivre au-dedans est le but de cette concentration. Cette conscience véritable, distincte de la conscience de surface, a deux centres principaux, l'un dans le cœur (non pas le cœur physique, mais le centre cardiaque au milieu de la poitrine), l'autre dans la tête. Par la concentration dans le cœur .on s'ouvre vers le dedans et en poursuivant cette ouverture intérieure, en pénétrant profondément, on devient conscient de l'âme ou être psychique, de l'élément divin dans l'individu. Cet être dévoilé commence à venir au premier plan, à gouverner la nature, à l'orienter, elle et tous ses mouvements, vers la Vérité, vers le Divin, et à appeler en elle tout ce qui est au-dessus. Il apporte la conscience de la Présence, la consécration de l'être au Suprême, il fait descendre dans notre nature une Force, une Conscience plus grande qui attendait au-dessus de nous. La concentration dans le centre du cœur, accompagnée de l'offrande de soi au Divin et de l'aspiration à cette ouverture intérieure et à la Présence dans le cœur, est le premier mode de concentration et, si on peut le pratiquer, c'est un début naturel; car son résultat, une fois acquis, rend le chemin spirituel beaucoup plus aisé et sûr que si l'on commence d'une autre manière.
Cette autre manière consiste à se concentrer dans la tête, dans le centre mental. Si elle apporte le silence dans le mental de surface, elle ouvre au-dedans un mental intérieur plus vaste et plus profond qui est davantage capable de recevoir
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l'expérience et la connaissance spirituelles. Mais une fois que l'on est concentré à cet endroit, il faut ouvrir la conscience mentale silencieusement vers le haut à tout ce qui est au-dessus du mental. Après un certain temps, on sent la conscience s'élever au-dessus; elle monte enfin au-delà du couvercle qui l'a si longtemps tenue enfermée dans le corps et trouve au-dessus de la tête un centre où elle se libère dans l'Infini. Là, elle commence à entrer en contact avec le Moi universel, la Paix, la Lumière, le Pouvoir, la Connaissance, la Béatitude du Divin, à y pénétrer, à devenir tout cela et à en sentir la descente dans la nature. Se concentrer dans la tête en aspirant à la tranquillité du mental et à la réalisation du Moi et du Divin au-dessus est le deuxième mode de concentration. Il est important, cependant, de se souvenir que la concentration de la conscience dans la tête n'est qu'une préparation à l'ascension de cette conscience vers le centre qui se trouve au-dessus; autrement on peut rester enfermé dans son propre mental et ses expériences ou, au mieux, atteindre seulement un reflet de la Vérité qui est au-dessus au lieu de monter dans la transcendance spirituelle pour y vivre. Pour certains la concentration mentale est plus facile, pour d'autres c'est la concentration dans le centre du cœur; certains sont capables de faire les deux alternativement, mais il est préférable, si l'on en est capable, de commencer par le centre du cœur.
L'autre aspect de la discipline concerne les activités de la nature, du mental, du moi-de-vie ou vital, de l'être physique. Ici le principe consiste à harmoniser la nature à la réalisation intérieure afin de ne pas être divisé en deux parties discordantes. Plusieurs disciplines ou méthodes sont possibles. Dans l'une on offre toutes les activités au Divin, on appelle le guide intérieur et on demande que la nature soit prise en charge par un Pouvoir supérieur. Si l'on est ouvert à l'âme au-dedans, si l'être psychique vient au premier plan, alors il n'y a pas grande difficulté: cet état s'accompagne d'une discrimination psychique, d'une indication constante, et enfin d'une direction qui révèle toutes les imperfections et, tranquillement et patiemment, les élimine, introduit dans le
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mental et le vital les mouvements justes et donne aussi une forme nouvelle à la conscience physique. Une autre méthode consiste à faire un pas en arrière en se détachant des mouvements de l'être mental, vital et physique, à ne considérer leurs activités que comme une formation habituelle de la Nature générale dans l'individu, formation qui nous est imposée par les fonctionnements du passé et qui ne fait nullement partie de notre être vrai; dans la mesure où nous réussissons, où nous nous détachons, où nous voyons le mental et ses activités comme n'étant pas nous, la vie et ses activités comme n'étant pas nous, le corps et ses activités comme n'étant pas nous, nous commençons à percevoir un Être intérieur en nous - mental intérieur, vital intérieur, physique intérieur - silencieux, calme, non lié, non attaché, qui reflète le vrai Moi au-dessus et peut être son représentant direct; de cet Être intérieur silencieux proviennent le rejet de tout ce qui doit être rejeté, l'acceptation de ce qui peut être gardé et transformé à l'exclusion du reste, une Volonté profonde qui tend vers la perfection ou un appel au Pouvoir divin pour qu'il fasse à chaque pas ce qui est nécessaire à la transformation de la nature. Cet Être intérieur peut aussi ouvrir le mental, la vie et le corps à l'entité psychique intérieure et à son influence qui nous guide, ou à son gouvernement direct. Dans la plupart des cas ces deux méthodes apparaissent simultanément et vont de pair, puis finissent par se fondre en une seule. Mais on peut commencer par l'une ou par l'autre, celle que l'on trouve la plus naturelle et la plus facile à suivre.
Enfin, dans toutes les difficultés où l'effort personnel est entravé, l'Instructeur peut intervenir et apporter l'aide nécessaire pour nous faire parvenir à la réalisation ou pour nous faire franchir la prochaine étape.
Notre yoga exige que l'on consacre totalement sa vie à l'aspiration à découvrir et à incarner la Vérité divine et à rien d'autre. Partager sa vie entre le Divin et quelque activité ou
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quelque but extérieurs qui n'ont rien à voir avec la recherche de la Vérité est inadmissible. La moindre division de ce genre rend impossible tout succès dans le yoga.
Vous devez aller au-dedans de vous-même et vous engager à une consécration complète à la vie spirituelle. Tout attachement aux préférences mentales doit tomber de vous, toute insistance sur les fins, les intérêts et les attractions du vital doit être mise de côté, tout attachement égoïste à la famille, aux amis, au pays doit disparaître si vous voulez réussir dans le yoga. Tout ce qui doit s'exprimer au-dehors comme énergie et action, doit procéder de la Vérité découverte, et non des motifs inférieurs du mental et du vital; de la Volonté divine et non d'un choix personnel ni des préférences de l'ego.4
C'est un principe universellement admis de l'effort spirituel que l'on doit être prêt à tout sacrifier sans réserve pour atteindre le Divin par la spiritualisation de la conscience. Si l'on a pour but le développement personnel sur le plan mental, vital et physique, c'est une autre affaire: c'est la vie de l'ego, l'âme restant en arrière, non développée ou à demi développée. Mais pour le chercheur spirituel, le seul développement recherché est celui de la conscience psychique et spirituelle, et cela, uniquement parce que c'est nécessaire pour atteindre et servir le Divin, non pour le développement lui-même. Tout développement du mental, du vital, du physique, toute utilisation des facultés qui peuvent faire partie de la vie spirituelle et servir d'instrument au Divin peuvent être conservés, à condition qu'ils soient offerts pour être transformés et reformulés sur une base spirituelle. Mais ils ne doivent pas être conservés pour eux-mêmes, ni pour l'ego, ni considérés comme une possession personnelle ou utilisés pour soi-même, mais seulement pour le Divin.
Ce que dit James est évidemment vrai, sauf dans la mesure où le politicien peut s'adonner à d'autres activités comme
4. Les Bases du Yoga, chapitre Il Traduction de la Mère.
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passe-temps pendant ses heures de loisir, mais s'il veut réussir en tant que politicien, il doit consacrer le meilleur de ses énergies à la politique. Inversement, si Shakespeare ou Newton avaient dépensé une partie de leurs énergies dans la politique, ils n'auraient pas été capables d'atteindre de tels sommets dans la poésie ou la science; ou même s'ils l'avaient fait, leur production aurait été beaucoup moins abondante. Les énergies principales doivent être concentrées sur un objectif unique; pour le reste, il ne peut s'agir que de recherches mineures, aux moments de loisir ou pour se distraire, ou d'intérêts plutôt que de recherches, utiles à l'entretien d'une culture générale.
Tout dépend du but de la vie. Pour celui dont le but est de découvrir et de posséder la vérité spirituelle la plus haute et la vie divine, je ne pense pas qu'une chaire d'université puisse beaucoup compter, pas plus que je ne vois de lien pratique entre les deux. Ce serait différent s'il avait pour objectif une vie d'écrivain et de penseur sur le seul plan intellectuel, sans aucune envolée supérieure ou quête plus profonde. Je ne pense pas que votre refus de vous engager dans un travail de ce genre dénote une faiblesse. Il provient plutôt du fait que seule une petite partie de votre nature, qui n'est ni la plus profonde ni la plus forte, se satisferait de ce travail et de l'atmosphère où vous devriez vous en acquitter.
Dans les cas de ce genre, ce n'est pas le mental pensant, mais l'être vital - la force de vie et la nature de désir, ou une partie de celle-ci au moins - qui détermine d'ordinaire les actions des hommes et leur choix, quand ce n'est pas une nécessité ou une pression extérieure qui force la décision ou l'influence principalement. Le mental n'est qu'un agent d'interprétation, de justification, d'organisation. Parce que vous avez entrepris la sâdhanâ, une pression venue d'en haut et du dedans s'est exercée sur cette partie de votre être vital et l'a détournée des anciennes tendances de ses désirs, de ses
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anciens penchants et de ses vieilles ornières, celles qui auraient autrefois déterminé son orientation ; ce vital - c'est souvent l'une des premières conséquences - est devenu silencieux et neutre. Il n'est plus fortement attiré par la vie ordinaire; il n'a pas encore reçu du centre psychique ou de la volonté mentale supérieure, ou par leur intermédiaire, une illumination et une impulsion suffisantes pour pouvoir adopter un mouvement vital nouveau et s'élancer avec vigueur vers une nouvelle vie. C'est la raison du manque d'énergie dont vous parlez, et c'est pourquoi l'avenir vous paraît flou.
Si votre âme aspire sans cesse à la transformation, alors c'est à cela que vous devez vous attacher. Rechercher le Divin ou plutôt un certain aspect du Divin - car on ne peut réaliser entièrement le Divin sans transformation - peut suffire à certains, non à ceux dont l'âme aspire à la transformation divine intégrale.
Devant les hésitations scrupuleuses de X entre Krishna, Shiva et Shakti, je n'ai pas pu m'empêcher de sourire. Si un homme est attiré par une ou deux formes du Divin, c'est très bien, mais s'il est attiré par plusieurs formes à la fois, il n'a pas besoin de s'en tourmenter. Un individu tant soit peu développé a nécessairement, dans sa nature, plusieurs côtés, et il est tout à fait naturel que différentes formes attirent ou dominent différentes personnalités en lui; il peut les accepter toutes et les harmoniser dans le Divin unique et dans l'Âdyâ Shakti unique dont toutes sont les manifestations.
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MÉTHODE SYNTHÉTIQUE ET YOGA INTÉGRAL
En ce qui concerne la question de X, notre yoga n'est pas seulement un yoga de la bhakti, il est ou du moins se déclare un yoga intégral, c'est-à-dire qu'il oriente tout l'être, dans toutes ses parties, vers le Divin. Il doit par conséquent englober la connaissance et les œuvres autant que la bhakti; en outre il implique une transformation totale de la nature, une recherche de la perfection, afin que la nature puisse, elle aussi, devenir une avec la nature du Divin. Ce n'est pas seulement le cœur qui doit se tourner vers le Divin et se transformer, mais aussi le mental, donc la connaissance est nécessaire; mais aussi la volonté et le pouvoir d'agir et de créer, donc les œuvres aussi sont nécessaires. Bien que notre yoga adopte les méthodes des autres yogas, comme celle de Pourousha-Prakriti, son objectif ultime est différent. Pourousha se sépare de Prakriti, non pas afin de l'abandonner, mais pour se connaître lui-même et la connaître afin de ne plus en être le jouet et de devenir au contraire celui qui connaît la nature, règne sur elle et la soutient; mais une fois que l'on est parvenu à cet état ou même lorsqu'on est encore en train d'y parvenir, on offre tout cela au Divin. On peut commencer par la connaissance, par les œuvres ou par la bhakti, ou encore par une tapasyâ purificatrice visant à la perfection (c'est la transformation de la nature), puis développer le reste dans un mouvement ultérieur; ou bien on peut tout combiner en un seul mouvement. Il n'y a pas de règle unique pour tous, la méthode dépend de la personnalité et de la nature de chacun. Le don de soi est le principal pouvoir du yoga, mais il est par nature progressif: un don de soi complet n'est pas possible dès le début: tout ce qu'il peut y avoir dans l'être c'est une volonté qui tend vers cette complète soumission; en fait elle prend du temps; et pourtant c'est seulement quand le don de soi est complet que le plein flot de la sâdhanâ est possible. Jusque-là, il faut l'effort personnel, accompagné d'un don de soi de plus en plus réel. On fait appel au pouvoir de la Shakti divine et dès
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qu'il commence à pénétrer l'être, il soutient d'abord l'effort personnel puis, peu à peu, assume la totalité de l'action, bien que le consentement du sâdhak demeure toujours nécessaire. A mesure que la Force agit, elle apporte au sâdhak les diverses méthodes qui lui sont nécessaires: méthode de connaissance, de bhakti, d'action spiritualisée, de transformation de la nature. C'est une erreur de penser que ces méthodes ne peuvent pas se combiner.
La sâdhana a pour but l'ouverture de la conscience au Divin et la transformation de la nature. La méditation ou contemplation est l'un des moyens d'atteindre ce but, non le seul: la bhakti en est un autre, le travail un autre encore. La chittashouddhi était prônée par les yogis comme un premier moyen de parvenir à la réalisation et par elle, ils obtenaient la sainteté du saint et la quiétude du sage, mais la transformation de la nature dont nous parlons est plus que cela et ne vient pas par la seule contemplation: les œuvres sont nécessaires, le yoga dans l'action est indispensable.
On peut sortir du mental ordinaire pour croître dans la conscience spirituelle soit par la méditation, soit par le travail consacré, soit par la bhakti pour le Divin. Dans notre yoga qui ne cherche pas seulement une paix ou une absorption statique, mais aussi une action spirituelle dynamique, le travail est indispensable. Atteindre la Vérité supramentale est une autre affaire; cela dépend uniquement de la descente du Divin et de l'action de la Force suprême et ne relève d'aucune méthode ni d'aucune règle.
Jamais je n'ai contesté la vérité des anciens yogas: j'ai eu moi-même l'expérience de la bhakti vishnouïte et du Nirvana
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dans le Brahman; je reconnais leur vérité dans leur propre domaine et pour leurs propres fins - la vérité de leur expérience pour ce qu'elle vaut- sans être en aucune manière obligé d'admettre la vérité des philosophies mentales fondées sur cette expérience. De même, je trouve que mon yoga est vrai dans son propre domaine - qui est, je crois, plus vaste - et pour ses propres fins. L'objectif des yogas anciens est de sortir de la vie pour rejoindre le Divin; il faut donc, c'est évident, abandonner le karma. L'objectif du nouveau yoga est d'atteindre le Divin et d'introduire dans la vie tout ce que l'on a ainsi gagné; à cette fin, le yoga des œuvres est indispensable. Il me semble qu'il n'y a là aucun mystère, ni rien qui puisse décontenancer qui que ce soit: c'est rationnel et inéluctable. Seulement vous dites que c'est impossible; mais c'est ce qu'on dit de n'importe quoi avant que ce soit fait.
Je vous ferais remarquer que le karmayoga n'est pas nouveau mais très ancien ; la Guîtâ n'a pas été écrite hier et le karmayoga existait avant la Guîtâ. Selon vous, le seul argument par lequel la Guîtâ justifie les œuvres est que le travail étant un désagrément inévitable, mieux vaut en faire le meilleur usage possible; votre idée est plutôt sommaire et rudimentaire. Si c'était là tout, la Guîtâ serait la production d'un imbécile et je n'aurais guère été fondé à lui consacrer deux volumes, ni le monde à l'admirer comme l'une des plus grandes Écritures, en particulier pour sa manière de traiter le problème de la place des œuvres dans l'effort spirituel. Il y a sûrement plus que vous ne le dites dans la Guîtâ. Quoi qu'il en soit, vos doutes sur le point de savoir si les œuvres peuvent mener à la réalisation ou plutôt votre négation catégorique et radicale de cette possibilité sont en contradiction avec l'expérience de ceux qui ont réalisé cette prétendue impossibilité. Vous dites que le travail abaisse la conscience, vous fait sortir de la conscience intérieure et entrer dans la conscience extérieure: c'est vrai si vous consentez à vous extérioriser dans le travail au lieu de le faire du dedans; et c'est justement ce qui! faut apprendre à ne pas faire. Les pensées et les sentiments peuvent aussi vous extérioriser de la même manière,
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mais il s'agit de relier solidement la pensée, le sentiment et l'action à la conscience intérieure en vivant en elle et en en faisant un instrument de cette conscience. C'est difficile? Même la bhakti n'est pas facile et le Nirvana, pour la plupart des hommes, est ce qu'il y a de plus difficile.
Je ne vois pas ce que viennent faire ici l'humanitarisme, l'activisme, la sévâ philanthropique, etc. Rien de tout cela ne fait partie de mon yoga ni ne s'accorde avec ma définition des œuvres; je n'en suis donc pas affecté. Jamais je n'ai pensé que la politique, la distribution de nourriture aux pauvres ou la composition de beaux poèmes conduirait tout droit à Vaïkountha ou à l'Absolu. S'il en était ainsi, Romesh Dutt d'une part et Baudelaire de l'autre seraient les premiers à atteindre le Suprême et à nous accueillir là-haut. L'essence du karmayoga, ce n'est pas la forme de l'œuvre elle-même ni la simple activité, mais la conscience et, à l'arrière-plan de celle-ci, la volonté d'atteindre le Divin; l'œuvre n'est que l'instrument nécessaire à l'union avec le Maître des œuvres, le passage de la volonté et du pouvoir de l'Ignorance à la Volonté pure et au pouvoir de Lumière.
Pourquoi enfin supposer que je suis contre la méditation ou la bhakti? Je n'ai pas la moindre objection à ce que vous choisissiez l'une ou l'autre, ou les deux, comme voies d'approche du Divin. Seulement je ne vois pas du tout pourquoi quiconque se brouillerait avec les œuvres et contesterait la vérité de ceux qui ont, comme dit la Guîtâ, atteint par les œuvres la parfaite réalisation et l'unité de la nature avec le Divin, samsiddhim sâdharmyam (comme Janaka et d'autres) simplement parce que lui-même ne peut pas trouver ou n'a pas encore trouvé leur secret profond; d'où ma défense des œuvres.
Par "travail", je ne veux pas dire l'action faite dans l'ego et dans l'ignorance, pour la satisfaction de l'ego et sous la poussée du désir radjasique. Il ne peut pas y avoir de karmayoga sans la volonté de se débarrasser de l'ego, du
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radjas et du désir, qui sont les sceaux de l'ignorance.
Je ne veux pas parler non plus de philanthropie ni de service de l'humanité ni de tous les autres buts moraux ou idéalistes que le mental humain substitue à la vérité profonde des œuvres.
Par "travail", j'entends l'action faite pour le Divin et de plus en plus en union avec le Divin - pour le Divin seul, et rien d'autre. Naturellement, ce n'est pas facile au début, pas plus que ne le sont la méditation profonde et la connaissance lumineuse, ni même l'amour et la bhakti véritables. Mais comme le reste, le travail doit être entrepris dans l'esprit et l'attitude véritables, avec la volonté juste en vous, et toutes les autres choses viendront d'elles-mêmes.
Le travail accompli dans cet esprit est tout aussi efficace que la bhakti ou la contemplation. Par le dépouillement du désir, du radjas et de l'ego, on obtient une quiétude et une pureté en lesquelles peut descendre la Paix ineffable. Par la consécration de sa volonté au Divin, par l'immersion de sa volonté en la Volonté divine, on obtient la mort de l'ego et l'expansion dans la conscience cosmique, ou bien l'élévation en ce qui est au-dessus du cosmique; on a l'expérience de la séparation du Pourousha et de la Prakriti et on est délivré des entraves de la nature extérieure; on prend conscience de son être intérieur et on voit l'être extérieur comme un instrument; on sent que son travail est accompli par la Force universelle tandis que le Moi ou Pourousha regarde ou est témoin, mais libre; on sent que tout le travail nous est enlevé et qu'il est fait désormais par la Mère universelle ou suprême, ou par le Pouvoir divin qui dirige et agit derrière le cœur. Si l'on réfère constamment toute sa volonté, tout son travail au Divin, l'amour et l'adoration grandissent, l'être psychique vient en avant. Si l'on réfère tout au Pouvoir qui est en haut, on peut arriver à le sentir au-dessus de soi, à sentir sa descente et l'ouverture à une conscience et à une connaissance croissantes. Finalement, travail, bhakti et connaissance vont ensemble, et la perfection de soi devient possible - c'est ce que nous appelons la transformation de la nature.
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Ces résultats ne se produisent certainement pas tous instantanément; ils viennent plus ou moins lentement, plus ou moins complètement, selon l'état de l'être et sa croissance. Il n'existe pas de voie royale qui mène à la réalisation du Divin.
Tel est le karmayoga exposé dans la Guîtâ, comme je l'ai développé pour la vie spirituelle intégrale. Il ne se fonde pas sur des spéculations ni des raisonnements, mais sur l'expérience. Il n'exclut pas la méditation, et certainement il n'exclut pas la bhakti, car l'offrande de soi au Divin, la consécration totale de soi au Divin, qui est l'essence de ce karmayoga, sont essentiellement des mouvements de bhakti. Par contre, il rejette une méditation exclusive qui fuit la vie ou une bhakti émotive enfermée dans son propre rêve intérieur, et n'en fait pas le mouvement total du yoga. On peut avoir des heures d'absorption dans une méditation pure ou d'immobiles adorations et extases intérieures; mais elles ne constituent pas la totalité du yoga intégral.1
Je n'ai jamais mis d'interdiction sur la bhakti. Et je n'ai pas conscience d'avoir jamais non plus interdit la méditation. Dans mon yoga, j'ai insisté sur la bhakti et sur la connaissance autant que sur les œuvres, même si je n'ai donné à aucune d'elles une importance exclusive comme l'ont fait Shankara ou Chaïtanya.
La difficulté que vous éprouvez ou que n'importe quel sâdhak éprouve dans la sâdhanâ, ne vient pas en fait d'une opposition entre la méditation et la bhakti ou le travail. La difficulté est dans l'attitude à prendre, dans l'approche, de quelque nom que vous vouliez l'appeler.
Si vous ne pouvez pas encore vous souvenir tout le temps du Divin quand vous travaillez, cela n'a pas grande importance. Il devrait suffire, pour le moment, de vous souvenir et de consacrer votre travail quand vous le commencez et de rendre grâce quand vous le terminez. Ou tout au plus, de vous souvenir aussi lorsque vous vous arrêtez un moment. Votre
1. Lumières sur le Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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méthode me paraît plutôt pénible et difficile; vous semblez essayer de vous souvenir et de travailler avec une seule et même partie de votre mental. Je ne sais pas si c'est possible. Quand on se souvient tout le temps pendant son travail (ce qui peut se faire), c'est généralement avec l'arrière-plan du mental, ou alors il se crée progressivement une faculté de dédoublement de la pensée, ou encore un dédoublement de la conscience: une partie frontale qui travaille et une à l'intérieur qui reste témoin et se souvient. Il y a aussi une autre manière, qui fut la mienne pendant longtemps: c'est un état dans lequel le travail se fait automatiquement et sans intervention de la pensée personnelle ni de l'action mentale, tandis que la conscience reste silencieuse dans le Divin. Mais cet état ne s'obtient pas tant par des efforts que par une aspiration et une volonté de consécration très simples et constantes- ou encore par un mouvement de la conscience qui sépare l'être intérieur de l'être instrumental. Faire descendre, par l'aspiration et la volonté de consécration, une Force plus grande pour accomplir le travail, est une méthode qui donne de grands résultats, même si pour certains elle demande assez longtemps. Un grand secret de la Sâdhanâ est de savoir faire faire les choses par le Pouvoir qui est derrière ou au-dessus, au lieu de tout faire par l'effort du mental. Je ne veux pas dire par là que l'effort mental ne soit pas nécessaire ni qu'il ne donne pas de résultat, mais si le mental essaie de tout faire par lui-même, cela devient un effort laborieux pour tout le monde, sauf les athlètes spirituels. Je ne veux pas dire non plus que l'autre méthode offre le raccourci désiré; comme je l'ai dit, le résultat peut se faire attendre longtemps. Dans toute méthode de sâdhanâ, il est nécessaire d'avoir de la patience et une ferme résolution.
La force est très bien pour les forts, mais l'aspiration et la Grâce qui y répond ne sont pas tout à fait des mythes: ce sont de grandes réalités de la vie spirituelle.2
2. Lumières sur le Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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Inclure la conscience extérieure dans la transformation est d'une importance capitale dans notre yoga; la méditation ne peut pas le faire. La méditation ne peut agir que sur l'être intérieur. Le travail est donc d'une importance primordiale, mais il doit être accompli dans l'attitude juste et dans la conscience juste; il est alors aussi fructueux que n'importe quelle méditation.
Garder un travail aide à conserver l'équilibre entre l'expérience intérieure et le développement extérieur; sinon, on risque de trop pencher d'un côté, de manquer de mesure et de pondération. De plus, il est nécessaire de poursuivre la sâdhanâ du travail pour le Divin, parce que finalement elle permet au sâdhak de faire passer dans la nature et dans la vie extérieures le progrès réalisé intérieurement et elle contribue à l'intégralité de la sâdhanâ.3
A aucun stade de la sâdhanâ le travail n'est impossible ; il n'est aucun passage du sentier où l'on soit sans point d'appui et où il faille renoncer à l'action sous prétexte qu'elle est incompatible avec la concentration sur le Divin. Le point d'appui est toujours là; c'est de s'appuyer sur le Divin, d'ouvrir son être, sa volonté, ses énergies au Divin, de faire sa soumission au Divin. Tout travail fait dans cet esprit peut devenir un moyen de la sâdhanâ. Il peut être nécessaire pour un individu ici et là de se plonger dans la méditation pendant un certain temps et, pendant ce temps, d'interrompre son travail ou de lui donner une importance secondaire; mais ce ne peut être que dans certains cas individuels et pour une retraite temporaire. En outre, une cessation complète du travail et le retrait total en soi-même sont rarement à conseiller; ceci peut encourager un état trop exclusif et visionnaire où l'on vit dans une sorte de monde intermédiaire d'expériences purement subjectives sans
3. Lumières sur le Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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avoir de prise solide sur la réalité extérieure ni sur la Réalité suprême, et sans utiliser correctement l'expérience subjective pour créer un lien solide, puis l'unification, entre la Réalité suprême et la réalisation extérieure dans la vie.
Le travail peut être de deux sortes: celui qui est un champ d'expérience utilisé pour la sâdhanâ, pour une harmonisation et une transformation progressives de l'être et de ses activités, et celui qui est une expression réalisée du Divin. Mais ce dernier travail ne peut venir qu'au moment où la Réalisation est pleinement descendue dans la conscience terrestre; jusque-là, tout travail doit être un champ d'entraînement, une école d'expérience.4
Le travail en lui-même n'est qu'une préparation, la méditation en elle-même aussi, mais le travail exécuté dans une conscience yoguique croissante est un moyen de réalisation, tout autant que la méditation... J'espère que je n'ai pas dit que le travail est seulement une préparation. La méditation, elle aussi, prépare au contact direct. Si nous ne devions travailler que pour nous préparer à devenir ensuite des ascètes méditatifs et immobiles, alors tout mon enseignement spirituel serait faux et il serait vain de rechercher la réalisation supramentale ou quoi que ce soit qui n'ait pas déjà été accompli dans le passé...
Cette attitude repose sur une ignorance: l'idée qu'il faut uniquement soit travailler, soit méditer. Le travail est le moyen, ou alors la méditation est le moyen, mais pas les deux! A ma connaissance je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas méditer. Instituer une compétition, ouverte ou non, entre travail et méditation est un artifice du mental séparateur et appartient à l'ancien yoga. Souvenez-vous de ce que j'ai toujours déclaré: mon yoga est un yoga intégral dans lequel la Connaissance, la Bhakti, les Œuvres - la lumière de conscience, d'Ananda et d'amour, la volonté et le pouvoir dans les Œuvres - la méditation, l'adoration, le service du Divin ont
4. Lumières sur le Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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tous leur place. La méditation n'est pas supérieure au yoga des œuvres, les œuvres ne sont pas supérieures au yoga de la connaissance: les deux sont à égalité.
Autre chose. C'est une erreur de raisonner à partir de sa propre expérience très limitée, en négligeant celle des autres, et de bâtir sur elle de vastes généralisations au sujet du yoga. Beaucoup le font, mais cette méthode a des inconvénients évidents. Vous n'avez aucune expérience des réalisations majeures obtenues par les œuvres, et vous en déduisez que ces réalisations sont impossibles. Mais qu'en est-il de tous ceux qui les ont obtenues, ailleurs et ici même, à l'Ashram?
N'en tirez pourtant pas la conclusion que j'exalte les œuvres comme seul moyen de réalisation. Je ne fais que leur donner leur juste place.
Vous oubliez que les hommes ont des natures différentes et que par conséquent chacun abordera la sâdhanâ à sa propre manière: l'un par le travail, l'autre par la bhakti, un autre encore par la méditation et la connaissance et ceux qui en sont capables par tous ces moyens à la fois. Il est parfaitement légitime que vous suiviez votre propre voie, quelles que soient les théories des autres; mais laissez les autres suivre la leur. Tous convergeront finalement vers le même but.
Ce que vous ressentiez auparavant se situait dans votre être mental et dans votre conscience mentale; lorsque vous êtes venu ici, vous en êtes sorti, c'est évident, pour entrer dans votre conscience extérieure et physique; c'est pourquoi vous avez l'impression que tout votre acquis s'en est allé. Il est Seulement recouvert par l'obscurité de la conscience physique, il n'est pas parti.
Par sâdhanâ, je suppose que vous entendez une sorte d'exercice de concentration, etc. Car le travail aussi est une
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sâdhanâ s'il est fait dans l'attitude et l'esprit justes. La sâdhanâ de la concentration intérieure consiste:
1. à fixer la conscience dans le cœur et à s'y concentrer sur l'idée, l'image ou le nom de la Mère divine: ce qui, parmi les trois, vous est le plus facile;
2. à calmer graduellement et progressivement le mental par cette concentration dans le cœur;
3. à aspirer à la présence de la Mère dans le cœur et à sa maîtrise sur le mental, la vie et l'action.
Mais pour calmer le mental et obtenir l'expérience spirituelle, il est tout d'abord nécessaire de purifier et de préparer la nature. Cela prend parfois de longues années. Le travail exécuté dans l'attitude juste est la méthode la plus facile, un travail accompli sans désir ni ego, en rejetant tous les mouvements de désir, d'exigence ou d'ego lorsqu'ils apparaissent, un travail accompli en offrande à la Mère divine, en se souvenant d'elle et en la priant pour qu'elle manifeste sa force et s'empare de l'action afin que là aussi, et pas seulement dans le silence intérieur, vous puissiez la sentir présente et à l'oeuvre.
La prière et la méditation ont une très grande importance dans le yoga. Mais la prière doit jaillir du fond du cœur sur la crête d'une émotion ou d'une aspiration, le japa ou la méditation venir dans un élan vivant portant en lui la joie ou la lumière que contient son objet. L'un ou l'autre, exécuté mécaniquement comme quelque chose qui doit être fait (devoir austère et rébarbatif!) tend inévitablement à perdre son intérêt, à devenir aride et par conséquent inefficace... Vous utilisiez le japa beaucoup trop comme un moyen d'obtenir un résultat, je veux dire comme un truc, une procédure établie pour expédier les affaires. C'est pourquoi je voulais que les conditions psychologiques nécessaires se développent en vous - conditions psychiques, conditions mentales - car lorsque le psychique est au premier plan, la prière, l'aspiration, la recherche ne manquent ni de vie ni de joie, un
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courant continu de bhakti s'établit sans difficulté, et quand le mental est tranquille, tourné vers l'intérieur et vers le haut, on ne rencontre pas de difficulté non plus, ni de manque d'intérêt, dans la méditation. La méditation, soit dit en passant, est un processus qui mène à la connaissance par la connaissance, son domaine est la tête et non le cœur; donc si vous voulez le dhyâna, vous ne pouvez pas avoir une aversion pour la connaissance. La concentration dans le cœur n'est pas la méditation, c'est un appel au Divin, à l'Aimé. En outre, notre yoga n'est pas seulement un yoga de la connaissance; la connaissance est l'un de ses moyens, mais puisqu'il a pour base l'offrande de soi, le don de soi, la bhakti, il se fonde sur le cœur et rien en fin de compte ne peut être fait sans cette base. Nombreux sont ceux ici qui pratiquent ou ont pratiqué le japa et se fondent sur la bhakti; très peu, en comparaison, ont pratiqué la méditation "dans la tête"; l'amour, la bhakti, les œuvres sont en général la base: combien peuvent avancer par la connaissance? Un petit nombre seulement.
C'est très sérieusement que je parlais du progrès que vous avez accompli par le mouvement psychique et l'effort de détection et d'élimination de l'ego. Je vous avais déjà écrit que j'approuvais vigoureusement cette méthode. C'est, dans notre yoga, la voie qui mène à la dévotion et au don de soi; car le mouvement psychique conduit à la dévotion pure et constante et l'élimination de l'ego rend possible le don de soi. De fait, les deux vont ensemble.
L'autre voie, qui est la voie de la connaissance, consiste à méditer dans la tête; elle amène l'ouverture au-dessus, la tranquillité ou le silence du mental et la descente de la paix, etc. de la conscience supérieure en général, jusqu'à ce que cette conscience enveloppe l'être, emplisse le corps et commence à prendre en charge tous les mouvements. Mais il faut alors passer par le silence et par un certain vide des activités ordinaires: celles-ci sont poussées au-dehors et accomplies
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comme une action purement superficielle... et vous avez une forte aversion pour le silence et le vide.
Dans la troisième voie, qui est l'une des deux voies du yoga par les œuvres, le Pourousha se sépare de la Prakriti, l'être intérieur silencieux de l'être extérieur actif, de sorte que l'on a deux consciences ou une conscience double: l'une, en arrière, surveille, observe et enfin maîtrise et transforme l'autre, celle qui est active au premier plan. Mais là aussi il faut vivre dans une paix et un silence intérieurs et accomplir les actions comme si elles étaient quelque chose à la surface. L'autre manière d'aborder le yoga des œuvres consiste à les accomplir pour le Divin, pour la Mère, et non pour soi-même, à les consacrer et à les dédier jusqu'à ce que vos sentiez concrètement la Force divine s'emparer des activités et les accomplir à votre place.
S'il y a pour mon yoga une clé, un secret que vous dites ne pas avoir découvert, il réside dans ces méthodes; en réalité elles ne contiennent rien en elles-mêmes de tellement mystérieux, de si impossible ni même de nouveau. Seuls le développement ultérieur, à un stade plus avancé, et le but du yoga sont nouveaux. Mais il n'est pas nécessaire de s'en préoccuper aux premiers stades, sauf si l'on veut en faire l'objet d'une connaissance mentale.
La méditation est l'une des voies d'approche du Divin, et une grande voie, mais on ne peut pas dire qu'elle soit un raccourci: pour la plupart des sâdhak c'est une ascension longue et très difficile, bien qu'elle mène très haut. Elle ne peut en aucune manière être courte à moins qu'elle ne provoque une descente et même dans ce cas, seule la fondation est posée rapidement; ensuite la méditation doit construire laborieusement sur elle une vaste superstructure. La méditation est tout à fait indispensable, mais elle est tout sauf un raccourci.
Le karma est une route beaucoup plus simple à condition que le mental ne fixe pas son attention sur le karma à l'exclusion du Divin. Le but doit être le Divin et le travail ne
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peut être qu'un moyen. La poésie, etc. sert à garder le contact avec l'être intérieur, ce qui aide à préparer le contact direct avec l'être le plus profond, mais on ne doit pas s'arrêter là, il faut aller jusqu'à la vraie chose. Si l'on envisage de devenir un homme de lettres, un poète ou un peintre et que l'on considère que cette activité a une valeur en soi, alors ce n'est plus l'esprit yoguique. C'est pour cette raison que je suis parfois obligé de rappeler que notre affaire est de devenir des yogis et pas seulement des poètes, des peintres, etc.
L'amour, la bhakti, le don de soi, l'ouverture psychique sont les seuls raccourcis vers le Divin... ou peuvent l'être; car si l'amour et la bhakti sont de nature trop vitale, alors un va-et-vient risque de se produire entre l'attente extatique et le viraha, l'abhimâna, le désespoir, etc. qui feront de la route non un raccourci mais un détour, un zigzag, non un vol direct mais un tournoiement sans fin autour de l'ego au lieu d'une course en droite ligne vers le Divin.
J'ai toujours dit que le travail accompli comme une sâdhanâ- c'est-à-dire comme le déversement d'une énergie venue du Divin et offerte au Divin, ou accompli pour le Divin, ou encore dans un esprit de dévotion - est un moyen puissant dans la sâdhanâ et qu'un travail ainsi exécuté est particulièrement nécessaire dans notre yoga. Le travail, la bhakti et la méditation sont les trois soutiens du yoga. On peut le pratiquer au moyen des trois ou de deux d'entre eux, ou d'un seul. Certains ne peuvent pas méditer selon la manière prescrite que l'on appelle méditation mais progressent par le travail, par la bhakti ou par les deux ensemble. Par le travail et la bhakti on peut élaborer une conscience dans laquelle à la longue une méditation et une réalisation naturelles deviennent possibles.
Tout cela n'a rien à voir avec l'idée de X qui voudrait que l'on se forme à la vertu, à la maîtrise de soi et à la pureté par un mystérieux pouvoir inhérent à la pratique de la littérature. S'il
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m'avait interrogé sur le travail et la sâdhanâ, je lui aurais répondu autrement. Certes l'art et la littérature sont ou peuvent constituer une première prise de contact avec l'être intérieur, le mental intérieur et le vital intérieur, car c'est de là qu'ils viennent. Et si l'on écrit des poèmes de bhakti, des poèmes de quête divine, etc., ou si l'on crée de la musique de cette sorte, cela signifie qu'au-dedans un bhakta ou un chercheur vit de cette expression. Mais ce n'est pas de ce point de vue que X a posé la question, et ce n'est pas non plus de ce point de vue que j'y ai répondu. Il s'agissait de quelque vertu spéciale, apte à former le caractère, qu'il semblait attribuer à la littérature.
Il est tout à fait stérile de chercher à savoir quel sâdhak ou quelle catégorie de sâdhak arrivera premier ou dernier au but. Le chemin spirituel n'est pas un terrain de compétition ou un champ de course où la rapidité est importante. Ce qui importe, c'est votre propre aspiration au Divin, votre foi, votre soumission, le don de soi sans ego. Les autres sâdhak peuvent être confiés au Divin qui conduira chacun selon sa nature. La méditation, le travail, la bhakti sont autant de moyens qui aident à préparer l'accomplissement; tous font partie de notre sentier. Si l'on peut se consacrer par le travail, c'est l'un des moyens les plus puissants de s'acheminer vers le don de soi qui est lui-même l'élément le plus puissant, l'élément indispensable de la sâdhanâ.
S'accrocher au sentier signifie le suivre sans l'abandonner ou sans s'en détourner. Dans ce chemin l'être s'offre tout entier dans toutes ses parties: offrande du mental pensant et du cœur, de la volonté et des actes, des instruments intérieurs et extérieurs, afin de parvenir à l'expérience du Divin, à la Présence au-dedans, à la transformation psychique et spirituelle. Plus on donne de soi-même de toutes les manières, mieux cela vaut pour la sâdhanâ. Mais tous ne peuvent pas le faire au même degré, avec la même rapidité, de la même manière. Comment les autres le font ou ne le font pas ne
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devrait pas vous préoccuper, comment le faire fidèlement vous-même est la seule chose qui importe.
Il est exagéré de dire que l'on ne peut entrer dans le courant de la sâdhanâ que par le travail. On peut y entrer aussi par la méditation et par la bhakti, mais le travail est nécessaire pour entrer dans le fort du courant et ne pas dériver vers la berge où l'on tournerait en rond. Évidemment tout travail est une aide à condition qu'il soit exécuté dans l'esprit juste.
Plusieurs sâdhak ont avancé très loin parle seul travail, par un travail consacré à la Mère, ou surtout par le travail en accordant très peu de temps à la méditation. D'autres sont allés très loin surtout par la méditation, mais aussi par le travail. Ceux qui ont essayé de ne pratiquer que la méditation et n'ont plus supporté le travail (parce qu'ils ne pouvaient pas le consacrer à la Mère) ont en général échoué, comme X et Y. Mais il est possible qu'un ou deux sâdhak réussissent par la seule méditation si telle est leur nature ou s'ils ont une foi et une bhakti intenses et inébranlables. Tout dépend de la nature du sâdhak.
Quant au pourâtan mânoush,5 je ne constate pas que ceux qui travaillent soient moins transformés que d'autres dans leur être extérieur. Certains n'ont pas bougé ou n'ont fait qu'un petit progrès, d'autres ont beaucoup changé; aucun n'est complètement transformé, bien que certains aient trouvé une base spirituelle et psychique sûre et solide. Mais cette remarque s'applique aussi bien aux travailleurs qui pratiquent peu la méditation qu'à ceux qui y consacrent beaucoup de temps.
Il faut laisser à chaque sâdhak et à la Mère le soin de
5. Pourâtan mânoush (bengali): le vieil homme, la vieille personnalité qui reprend toujours le dessus.
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trouver sa vraie voie qui n'est pas nécessairement celle de son voisin.
Le choix de la méthode à appliquer en priorité dépend de la nature de chacun. Certains ne sont pas faits pour la méditation et ne peuvent se préparer que par le travail; pour d'autres c'est le contraire. Quant au développement considérable de l'égoïsme, il peut apparaître quel que soit le chemin suivi. Je l'ai vu fleurir chez le dhyânî autant que chez le travailleur; X dit qu'il en est de même chez le bhakta. Il est donc évident que tous les terrains sont favorables à cette fleur de Narcisse. Quant à dire "pas besoin de sâdhanâ", il est évident que celui qui ne fait aucune sâdhanâ ne peut ni se transformer ni progresser. Travail, méditation, bhakti, il faut tout faire dans la sâdhanâ.
Pourquoi argumenter sur la base de votre expérience personnelle, grande ou petite, et en tirer des généralisations? Un grand nombre de sâdhak (la majorité peut-être) trouve la sâdhanâ par les œuvres la plus facile de toutes. Nombreux sont ceux à qui il est facile de penser à la Mère en travaillant et pourtant, quand ils lisent ou écrivent, leur mental se perd dans ce qui est lu ou écrit et ils oublient tout le reste. Il en est ainsi, je crois, dans la plupart des cas. Le travail physique, au contraire, peut être exécuté avec la partie la plus extérieure du mental et laisse le reste libre de se souvenir ou d'avoir l'expérience.
Qu'appelez-vous méditer? fermer les yeux et se concentrer? Ce n'est que l'une des méthodes pour faire descendre la vraie conscience. La seule chose qui importe, c'est de s'unir à la vraie conscience ou de la sentir descendre; et si elle vient sans
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que l'on ait recours aux méthodes orthodoxes, comme ce fut le cas pour moi, tant mieux. La méditation n'est qu'un moyen, un procédé; le vrai mouvement consiste à rester en état de sâdhanâ même en marchant, en travaillant ou en parlant.
Ce n'est pas la méditation (penser avec le mental) qui importe, c'est une concentration ou une orientation de la conscience; et cela, on peut l'obtenir en travaillant, en écrivant, en exerçant n'importe quelle activité aussi bien qu'en restant assis en contemplation.
La meilleure méditation est celle qui vient spontanément. Mais il faut que la concentration dans le travail soit complète si celui-ci doit remplacer la méditation.
N'ayez pas de scrupules quant au temps que vous consacrez à l'action et au travail créateur. Ceux qui ont un vital créateur et expansif ou fait pour l'action sont pleins d'entrain quand le vital n'est pas entravé dans son mouvement et ils peuvent se développer plus vite par l'action que par la méditation introspective. Tout ce qu'il faut, c'est que cette action soit consacrée, afin que grâce à elle ils deviennent de plus en plus aptes à sentir la Force divine et à lui obéir quand elle les fait agir. C'est une erreur de penser que vivre tout le temps dans une méditation introspective est invariablement la meilleure ou même la seule manière de pratiquer le yoga.
Alors comment se fait-il qu'elle [la méditation] soit nécessaire à tous puisqu'on demande à certains de ne pas méditer?
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Méditer beaucoup convient à ceux qui peuvent beaucoup méditer. Il ne s'ensuit pas que parce qu'il est bon de méditer beaucoup, personne ne devrait rien faire d'autre.
Je n'ai pas laissé entendre que vous deviez progresser exclusivement par le dhyâna; mais vous avez une grande aptitude pour cette pratique et vous ne pouvez pas progresser pleinement sans elle. Dans notre yoga, une certaine forme d'activité est nécessaire à tous, bien qu'il ne s'agisse pas forcément d'un travail fixe. Mais pour le moment, la première nécessité pour vous est de progresser par la concentration et l'expérience intérieure.
C'est ce que nous appelons l'activité du mental qui s'interpose toujours dans la concentration et essaie de susciter le doute et la dispersion des énergies.
On peut s'en débarrasser de deux manières: en la rejetant et en la poussant au-dehors jusqu'à ce qu'elle ne subsiste plus que comme une force extérieure, ou en faisant descendre la paix et la lumière d'en haut dans le mental physique.
Il faut qu'il apprenne à consacrer son travail et à y sentir l'action de la Mère. Une réalisation purement subjective et statique n'est qu'une demi-réalisation.
Je puis cependant insister sur un point: il n'y a pas obligatoirement une seule voie pour réaliser le Divin. Si on ne réussit pas, ou si l'on n'a pas encore réussi à atteindre le Divin, à le sentir ou à le voir par le procédé reconnu de la méditation ou par des procédés comme le japa, on peut tout de même avoir progressé dans cette direction par un appel fréquent de la bhakti dans le cœur, par un élargissement toujours plus grand dans la
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conscience ou par le travail pour le Divin, ou encore par la consécration dans le service. Vous avez certainement progressé dans ces directions, accru votre dévotion et fait la preuve de votre aptitude à servir. Vous avez aussi essayé de vous débarrasser des obstacles de votre nature vitale et effectué ainsi, non sans succès, une certaine purification dans plusieurs domaines difficiles. Le sentier du don de soi est ardu, c'est vrai, mais si l'on y persévère avec sincérité, on doit obligatoirement obtenir un certain succès et surmonter en partie l'ego ou le minimiser, ce qui aide grandement à avancer plus loin sur le chemin. Il faut apprendre à aller de l'avant sur le sentier du yoga, comme le prescrit la Guîtâ, avec une conscience libre de découragement, anirvinnacetasâ. Même si l'on glisse, on doit rectifier la position; même si l'on tombe, on doit se relever et avancer sans désespérer sur le Chemin divin. L'attitude doit être celle-ci:
"Le Divin s'est promis à moi si je m'attache
à Lui toujours; c'est ce que je ne cesserai
jamais de faire, quoi qu'il puisse arriver."
La sâdhanâ est la pratique du yoga. La tapasyâ est la¦ concentration de la volonté en vue de recueillir les fruits de la sâdhanâ et de vaincre la nature inférieure. L'ârâdhana est l'adoration du Divin, l'amour, le don de soi, l'aspiration au Divin, l'appel du nom, la prière. Le dhyâna est la concentration intérieure de la conscience, la méditation, l'intériorisation en samâdhi. Le dhyâna, la tapasyâ et l'ârâdhana font tous trois partie de la sâdhanâ.6
6. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
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LES CONDITIONS REQUISES POUR LA SÂDHANÂ
Le but du yoga est toujours difficile à atteindre, mais celui-ci est plus difficile que tout autre; il est fait seulement pour ceux qui ont la vocation et la capacité, qui sont résolus à faire face à tout et à tous les risques, même le risque d'insuccès, et qui ont la volonté de progresser vers une complète absence d'égoïsme et de désir et une soumission entière.1
Ce yoga n'implique pas seulement la réalisation de Dieu, mais une consécration et une transformation complètes de la vie intérieure et extérieure jusqu'à ce que celles-ci soient capables de manifester une conscience divine et de faire partie d'une œuvre divine. Ceci implique une discipline intérieure bien plus exigeante et bien plus difficile que de simples austérités morales et physiques. On ne doit pas s'engager sur cette voie, beaucoup plus vaste et plus ardue que celle de la plupart des autres yogas, à moins d'être sûr de l'appel psychique et de notre résolution de persévérer jusqu'au bout.2
En parlant de résolution je voulais dire bonne volonté plutôt que capacité. S'il y a, au-dedans, la volonté de faire face à toutes les difficultés et d'aller jusqu'au bout, quel que soit le temps requis, alors on peut s'engager dans le sentier.
Un simple mécontentement inquiet à l'égard de la vie ordinaire n'est pas une préparation suffisante pour notre yoga. Un
1. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
2. Lumières sur le Yoga, chapitre I. Traduction de la Mère.
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appel intérieur positif, une forte volonté et une grande stabilité sont nécessaires pour réussir dans la vie spirituelle.3
Les théories mentales n'ont pas une importance capitale, car le mental façonne ou accepte les théories qui soutiennent l'orientation de l'être. Ce qui importe, c'est cette orientation et l'appel en vous.
Savoir qu'il y a une Existence, une Conscience et une Béatitude suprêmes, et qu'elles ne sont pas simplement un nirvana négatif ou un absolu statique et amorphe, mais qu'elles sont dynamiques; percevoir qu'elles peuvent être •réalisées, non seulement dans l'au-delà mais ici même, et par suite accepter la vie divine pour but du yoga, tout cela n'appartient pas au mental. Ce n'est pas une question de théorie mentale (bien que cette façon de voir puisse se soutenir intellectuellement aussi bien qu'une autre, sinon mieux), mais d'expérience, et avant que l'expérience ne vienne, de foi de l'âme qui entraîne l'adhésion du mental et de la vie. Celui qui est en contact avec la Lumière supérieure et qui a l'expérience peut suivre ce chemin, si ardu soit-il pour les parties inférieures de son être. Celui qui est touché par la Lumière sans avoir l'expérience mais qui sent l'appel, la conviction, la contrainte de l'adhésion de l'âme, celui-là aussi peut suivre ce chemin.4
La lumière spirituelle n'a rien à voir avec une conception idéaliste, une croyance religieuse ou une émotion. Une conception idéaliste peut vous disposer à recevoir la lumière spirituelle; elle n'est pas la lumière. Il est vrai, cependant, que "l'esprit souffle où il veut" et qu'une impulsion émotive, un contact ou une réalisation mentale des choses spirituelles
3. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
4. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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peuvent nous être apportés par n'importe quelle circonstance ou presque: Bilwamangal,5 par exemple, s'est ouvert ainsi grâce aux paroles d'une courtisane, sa maîtresse. De toute évidence, cela se produit parce que quelque chose est prêt quelque part; l'être psychique attend pour ainsi dire son heure et saisit n'importe quelle occasion dans le mental, le vital ou le cœur pour ouvrir toute grande une fenêtre quelque part.
L'idéalisme à lui seul ne peut être efficace que si l'on a dans le mental une volonté puissante, capable de forcer le vital à suivre le mouvement.
L'impulsion à se noyer dans le Divin est très rare. C'est en général une idée mentale, une ardeur vitale ou une raison tout à fait hors de proportion qui ouvre la voie... ou encore pas de raison du tout. Seule est réelle, à l'arrière-plan, l'impulsion psychique occulte que la conscience de surface ne perçoit pas ou perçoit à peine.
Ce que vous écrivez au sujet de l'âme véritable, de l'être psychique, est tout à fait exact. Mais les gens désignent des choses différentes lorsqu'ils parlent de l'âme. Il s'agit parfois de ce que j'ai appelé dans l'Ârya l'âme de désir, c'est-à-dire le vital et ses aspirations impures, ses désirs, ses soifs de toutes sortes, bonnes ou mauvaises, ses émotions raffinées et grossières, ou de pulsions des sens parcourues d'idéalisations mentales et de poussées psychiques. Il peut s'agir aussi du mental et du vital soumis à la poussée d'un élan psychique. Tant que le psychique est voilé, il est obligé de s'exprimer par
5. Célèbre saint vishnouïte (8°-9° siècle). Sa conversion soudaine, après "ne jeunesse de débauche, en fit un mystique passionné. Il est l'auteur d'un Poème dévotionnel à Krishna.
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l'intermédiaire du mental et du vital et ses aspirations sont alors mêlées et nuancées par la substance mentale et vitale. Ainsi l'élan psychique voilé peut s'exprimer dans le mental par une soif de la pensée à connaître le Divin: c'est ce que les Européens appellent l'amour intellectuel de Dieu. Dans le vital cet élan psychique peut s'exprimer comme une soif ou un désir passionné du Divin. Cela peut entraîner de grandes souffrances en raison de la nature du vital, de ses passions inquiètes, de ses désirs, de ses ardeurs, de ses émotions troubles, de ses obscurcissements, de ses dépressions, de ses désespoirs. Néanmoins tous ne peuvent aborder le Divin à la manière pure et psychique, ou ne peuvent l'aborder ainsi dès le début; il est souvent nécessaire au commencement de l'aborder par le mental et le vital, ce qui, du point de vue spirituel, vaut mieux que d'être insensible au Divin. Dans les deux cas il s'agit d'un appel de l'âme, d'un élan de l'âme qui ne fait que revêtir une forme ou une nuance particulière due au fait que la nature est à prédominance mentale ou vitale.
Il est tout à fait évident que X s'est ouvert à l'expérience spirituelle avec une soudaineté qui peut paraître surprenante; mais cette ouverture se produit souvent ainsi, surtout lorsque dans l'être extérieur le mental est sceptique alors qu'au-dedans l'âme est prête. Dans ces cas l'ouverture vient souvent aussi à la suite d'un choc comme la maladie de son frère, mais je pense qu'il était déjà préparé par un certain penchant du mental. Cette visualisation soudaine et prolongée montre aussi qu'une certaine faculté existait au-dedans et qu'elle a brisé les portes qui la tenaient enfermée: la faculté de vision supraphysique. L'apparition du mot "consécration" est aussi un phénomène fréquent dans ces expériences; c'est ce que j'appelle la voix du psychique par laquelle l'âme suggère au mental ce qu'elle veut qu'il fasse. Il faut maintenant que X s'y soumette, car l'assentiment de la nature, l'assentiment de l'homme extérieur à la voix intérieure est nécessaire pour que
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cette suggestion produise ses effets. X est à un tournant et il a reçu une indication de la route nouvelle que son être intérieur, l'Antarâtman, veut qu'il suive ; mais comme je l'ai dit, le consentement de son mental et de son vital est nécessaire. S'il peut se décider à se consacrer, il doit accomplir le sankalpa de consécration, s'offrir au Divin et demander son aide et sa direction. S'il n'est pas capable de le faire tout de suite, qu'il se tienne en attente; mais qu'il veille à rester pour ainsi dire ouvert à la poursuite et au développement de l'expérience qui a commencé, jusqu'à ce qu'elles impose définitivement à son propre sentiment. Il recevra l'aide et, s'il en devient conscient, la question ne se posera plus: il lui sera facile de poursuivre son chemin.
Votre influence pour l'orienter vers le yoga était bonne, mais elle n'a pas pu transformer sa nature vitale. Aucune influence humaine - qui ne peut être que mentale et morale - n'en est capable; vous voyez qu'il est resté tel qu'il était avant. Cette transformation ne peut s'accomplir que si son âme se tourne d'elle-même vers le Divin.
La connaissance du chemin ne suffit pas; il faut le parcourir ou, si l'on n'en est pas capable, se laisser porter. La nature humaine extérieure, vitale et physique, résiste jusqu'au bout, mais si l'âme a une seule fois entendu l'appel, elle arrivera tôt ou tard.
Chez ceux qui ont en eux un appel sincère pour le Divin, quelles que soient les difficultés opposées par le mental ou le vital ou les attaques qui surviennent, même si leurs progrès sont lents et pénibles, même s'ils reculent ou s'écartent un moment du sentier, le psychique finit toujours par prédominer
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et l'Aide divine se montre efficace. Fiez-vous toujours à cela et persévérez: alors vous êtes sûr d'atteindre le but.
J'ai déjà répondu à votre question. Vous êtes venu ici parce que votre âme était poussée à chercher le Divin. C'est un fait qu'une certaine partie de votre vital reste fortement attachée à ceux que vous avez quittés, mais la recherche de votre âme n'en demeure pas moins réelle. Si la présence et la persistance de difficultés vitales prouvaient qu'un sâdhak est inapte et n'a aucune chance de réussir, un ou deux seulement dans l'Ashram survivraient à l'épreuve... peut-être même aucun. Le sentiment d'aridité et d'impossibilité à aspirer n'est pas non plus une preuve. Chaque sâdhak traverse ainsi des périodes - et même parfois de longues périodes - de vide. Je pourrais en nommer plusieurs qui sont considérés comme parmi les sâdhak les plus "avancés" et qui pourtant ne sont pas encore complètement libérés de l'instinct familial. Il est donc tout à fait déraisonnable d'être bouleversé parce que ces réactions subsistent encore en vous. Elles vont et viennent, mais le besoin de l'âme est permanent, même quand il est caché et silencieux; il restera toujours et émergera de nouveau.
Ceux qui sont venus ici ne recherchaient pas tous consciemment le Divin. C'est à l'insu du mental que l'âme au-dedans les a conduits ici. Dans votre cas, c'était cela, et aussi la relation qu'avait votre âme avec la Mère. Une fois qu'on est ici, la force du Divin agit sur la nature humaine jusqu'à ce qu'une voie s'ouvre à l'âme au-dedans pour qu'elle se dévoile. La recherche consciente du Divin ne suffit pas à éviter la lutte contre l'ignorance de la nature; seul le don de soi à la Mère peut le faire.
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Lorsque quelqu'un est destiné à suivre le Sentier, toutes les circonstances contribuent d'une manière ou d'une autre, par le biais de toutes les déviations du mental et de la vie, à l'y conduire. C'est son propre être psychique en lui et le Pouvoir divin au-dessus qui utilisent à cette fin toutes les vicissitudes, qu'elles viennent du mental ou des circonstances extérieures.
Quand l'âme est destinée à avancer et qu'il existe une faiblesse extérieure comme celle dont vous parlez, certaines circonstances se présentent ainsi pour aider l'être extérieur en dépit de lui-même, ce qui signifie qu'à l'arrière-plan l'aspiration est vraiment sincère; autrement cela n'arriverait pas.
La destinée spirituelle est toujours là; elle peut être retardée ou sembler se perdre pendant un moment, elle n'est jamais abolie.
Une occasion spirituelle n'est pas une chose que l'on puisse laisser passer d'un cœur léger, en pensant qu'on pourra toujours la saisir une autre fois; on ne peut pas être vraiment sûr qu'il y aura une autre fois. Par ailleurs, ces choses laissent une empreinte et là où est l'empreinte, elles peuvent se reproduire.
La vision de la Lumière et la vision du Seigneur sous la forme de Jagannath6 sont toutes deux des indications de son aptitude au yoga et de l'appel du Divin à son être intérieur. Mais aptitude ne suffit pas: il faut aussi la volonté de rechercher le in, le courage et la persévérance de suivre le sentier. La
6. L'un des noms de Krishna.
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peur est la première chose à rejeter, la deuxième étant l'inertie de l'être extérieur qui l'a empêché de répondre à l'appel.
La Lumière est celle de la Conscience divine. Le but de notre yoga est d'abord d'entrer en contact avec cette conscience, puis de vivre dans sa lumière et de laisser la lumière transformer toute la nature pour que l'être vive en union avec le Divin et que la nature, devienne un champ d'action pour la Connaissance divine, le Pouvoir divin et l'Ânanda divin.
Il ne pourra y réussir que s'il en fait l'objectif suprême de sa vie et s'il est prêt à subordonner tout le reste à ce but unique. Autrement il ne pourra pas aller dans cette vie au-delà d'un certain travail préparatoire: un premier contact et une transformation spirituelle préliminaire dans une partie de la nature.
Tous peuvent pratiquer un certain yoga conforme à leur nature, s'ils en ont la volonté. Mais rares sont ceux dont on peut dire qu'ils ont une aptitude pour ce yoga-ci. Quelques-uns seulement peuvent se construire une aptitude, les autres non.
Personne n'est apte à faire la sâdhanâ, c'est-à-dire que personne ne peut la faire uniquement par sa propre capacité. Il s'agit de se préparer à faire entrer en soi, dans sa plénitude, une Force qui n'est pas nôtre et qui pourra faire la sâdhanâ avec notre consentement et notre aspiration.
Il est difficile de dire qu'une qualité particulière rend quelqu'un apte au yoga ou que son absence le rend inapte. On peut avoir de fortes impulsions sexuelles, des doutes, des révoltes, et pourtant en fin de compte réussir là où un autre
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échouera. Si l'on a, à la base, une sincérité, une volonté d'aller jusqu'au bout en dépit de tout, et que l'on est disposé à être de bonne foi, c'est la meilleure sécurité dans la sâdhanâ.
Quand on entre dans la conscience véritable (yoguique), alors on voit que tout peut être fait, même si à présent seul un petit commencement a été réalisé; mais un commencement suffit, puisque la Force et le Pouvoir sont là. En réalité le succès ne dépend pas de l'aptitude de la nature extérieure (car pour la nature extérieure, tout dépassement de soi paraît d'une difficulté insurmontable), mais de l'être intérieur, et pour l'être intérieur tout est possible. Il suffit d'entrer en contact avec l'être intérieur et, sous l'effet de la vision et de la conscience intérieures, de transformer la vision et la conscience extérieures; c'est le travail de la sâdhanâ et ce changement viendra à coup sûr grâce à la sincérité, à l'aspiration et à la patience.
Vous devez comprendre que ces changements d'humeur sont des attaques et doivent être rejetés aussitôt, car ils ne reposent sur rien sinon des suggestions qui vous font douter de vous-même et de votre capacité, et qui n'ont aucun sens, puisque c'est par la Grâce du Divin et avec l'aide d'une Force plus grande que la vôtre, non par votre valeur et vos capacités personnelles, que vous pouvez atteindre le but de la sâdhanâ. Vous devez vous en souvenir et vous dissocier de ces suggestions quand elles surviennent, ne jamais les accepter ni leur céder. Aucun sâdhak, même s'il avait l'aptitude des anciens Rishi et des Tapaswî d'autrefois ou la force d'un Vivékânanda, ne pourrait espérer conserver, durant les premières années de sa sâdhanâ, une condition perpétuellement bonne, une union constante avec le Divin ou un appel, une hauteur d'aspiration sans faille. Il faut beaucoup de temps pour spiritualiser toute la nature et jusqu'à ce que ce soit fait, ces fluctuations sont
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inévitables. Vous devez cultiver une confiance, une patience constantes, les acquérir, et cela surtout quand les circonstances sont contraires; car lorsqu'elles sont favorables, con fiance et patience viennent aisément.
Il va sans dire que les qualités dont vous pariez facilitent l'accès au sentier spirituel, tandis que chacun des défauts que vous énumérez est une sérieuse pierre d'achoppement sur le chemin. La sincérité est particulièrement indispensable à l'effort spirituel et la fausseté un obstacle constant. La nature sattwique a toujours été considérée comme la plus apte et la mieux préparée à la vie spirituelle, alors que la nature radjasique est encombrée par ses désirs et ses passions. La spiritualité, toutefois, est au-dessus des dualités, et ce qui est le plus nécessaire pour l'atteindre, c'est une aspiration véritable vers le haut. Cette aspiration peut venir à l'homme radjasique autant qu'à l'homme sattwique. Si elle vient, le premier peut s'élever grâce à elle au-dessus de ses imperfections, de ses désirs et de ses passions, tout comme le second peut s'élever au-dessus de ses vertus jusqu'à la Pureté divine, la Lumière divine, l'Amour divin. Forcément cela ne peut se produire que si l'un comme l'autre triomphe de sa nature inférieure et la rejette loin de lui; car s'il y retombe, il est probable qu'il quittera le sentier ou qu'au moins, tant que durera la rechute, son progrès intérieur s'arrêtera. Mais en dépit de tout cela les conversions de grands pécheurs en grands saints, d'hommes de peu de vertu ou d'hommes sans vertu en chercheurs spirituels et en amants de Dieu ont été fréquentes dans l'histoire religieuse et spirituelle, comme en Europe celle de saint Augustin, en Inde celle de Jagaï et Madhaï, disciples de Chaïtanya, celle de Bilwamangal et de bien d'autres. La demeure du Divin n'est jamais fermée pour ceux qui frappent sincèrement à ses portes, quelles que soient leurs erreurs et leurs chutes passées. Les vertus et les erreurs humaines sont les vêtements lumineux ou sombres dont se
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drape un élément divin intérieur qui, lorsqu'il a percé le voile, peut élever sa flamme, en consumant les unes comme les autres, jusqu'aux sommets de l'Esprit.
L'humilité devant le Divin est aussi une condition sine qua non de la vie spirituelle; l'orgueil spirituel, l'arrogance ou la vanité et la présomption poussent toujours vers le bas. Mais la confiance en le Divin et la foi en sa propre destinée spirituelle (c'est-à-dire: puisque mon cœur et mon âme cherchent le Divin, je ne puis manquer de L'atteindre un jour) sont très nécessaires en raison des difficultés du Chemin. Le mépris à l'égard des autres est hors de propos, d'autant plus que le Divin est en tous. De toute évidence, les activités et les aspirations des hommes ne sont pas insignifiantes et sans valeur, puisque la vie tout entière est une croissance de l'âme qui sort de l'obscurité pour aller vers la Lumière. Mais selon notre manière de voir, l'humanité ne saurait sortir de ses limitations par les moyens qu'adopte d'ordinaire le mental humain: politique, réformes sociales, philanthropie, etc.; ceux-ci ne peuvent être que des palliatifs temporaires ou locaux. La seule véritable issue est une transformation de la conscience en une manière d'être plus grande, plus vaste et plus pure, et une vie, une action fondées sur cette transformation. C'est donc vers elle que les énergies doivent se tourner lorsque l'orientation spirituelle est devenue complète. Cette attitude n'a rien de méprisant: c'est un choix des seuls moyens efficaces, de préférence à ceux dont l'inefficacité a été démontrée.
On peut l'exprimer ainsi ; mais hommes vertueux et pécheurs ne sont pas des termes appropriés, car il n'est pas exact que les hommes vertueux souffrent plus que les pécheurs. Bien des pécheurs s'apprêtent à se tourner vers le Divin, alors que se beaucoup d'hommes vertueux devront passer par une longue série de es avant même d'y penser.
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Les qualités comme la foi, la sincérité, l'aspiration, la dévotion, etc., constituent la perfection telle qu'elle est définie dans notre langage des fleurs.7 Dans le langage ordinaire, perfection signifierait autre chose: pureté, amour, bienveillance, fidélité, une foule d'autres vertus.
Amenez l'être psychique au premier plan et gardez-le au premier plan en mettant le mental, le vital et le physique sous son pouvoir, afin qu'il leur communique la force de son aspiration exclusive, de sa confiance, de sa foi, de sa soumission, de sa détection immédiate et directe de tout ce qui est faux dans la nature, de tout ce qui est tourné vers l'ego et l'erreur, hors de la Lumière et de la Vérité.
Éliminez l'égoïsme sous toutes ses formes, éliminez-le de chaque mouvement de votre conscience.
Développez la conscience cosmique. Faites disparaître le point de vue égocentrique, fondez-le dans l'étendue, l'impersonnalité, le sens du Divin cosmique, la perception des forces universelles, la réalisation et la compréhension de la manifestation cosmique, du jeu.
À la place de l'ego, découvrez l'être véritable, parcelle du Divin, issu de la Mère du monde et instrument de la manifestation. Ce sentiment d'être un instrument et une parcelle du Divin doit être exempt de toute vanité, de tout sens de l'ego ou revendication égoïste, ou de toute affirmation de supériorité, toute exigence, tout désir. Car si ces éléments sont présents, c'est que l'on n'a pas trouvé la vraie chose.
La plupart des gens qui font le yoga, vivent dans le mental, le vital ou le physique, occasionnellement et partiellement éclairés par le mental supérieur et par le mental illuminé. Mais
7. La Mère avait donné aux fleurs des significations symboliques. "C'est quand la Mère met sa Force dans la fleur que celle-ci devient plus qu'un symbole. Elle peut alors devenir très efficace si celui à qui Mère la donne est réceptif." (Sri Aurobindo, lettre du 10 juillet 1937 in Édition du Centenaire, volume XXV, page 294.)
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pour se préparer à la transformation supramentale, il est nécessaire (dès que le moment en est venu pour chacun) de s'ouvrir à l'Intuition et au Surmental, afin que ceux-ci puissent préparer tout l'être et toute la nature au changement supramental. Laissez la conscience se développer et s'élargir tranquillement, et la connaissance de ces choses viendra progressivement.
Le calme, le discernement, le détachement - sans indifférence - sont tous très importants, car leurs contraires sont une entrave considérable à l'action transformatrice. L'intensité de l'aspiration est nécessaire, mais elle doit être accompagnée de ce calme, ce discernement et ce détachement. Pas de hâte et pas d'inertie; pas d'impatience radjasique ni de découragement tamasique; un appel et un mouvement réguliers, persistants, et pourtant calmes. Il ne faut ni arracher, ni agripper la réalisation, mais la laisser apparaître du dedans et d'en haut, en observant avec exactitude son champ, sa nature, ses limites.
Laissez le pouvoir de la Mère travailler en vous, mais ayez soin d'éviter qu'il s'y mêle ou s'y substitue l'action d'un ego magnifié ou d'une force d'Ignorance qui se fait passer pour la Vérité. Aspirez spécialement à l'élimination de toute obscurité et de toute inconscience dans la nature.
Telles sont les conditions principales pour se préparer à la transformation supramentale. Mais aucune n'est facile, et elles doivent être complètes avant que l'on puisse dire que la nature est prête. Si l'on peut établir la véritable attitude (psychique, sans égoïsme, ouverte seulement à la Force divine), le développement se fait beaucoup plus rapidement. Prendre la véritable attitude et la garder, faciliter son propre changement, telle est l'aide que l'on peut donner, la seule qui soit demandée pour seconder le changement général.8
La meilleure manière de répondre à votre lettre est, je crois,
8. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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de traiter séparément chacune des questions qu'elle soulève. Je commencerai par la conclusion à laquelle vous aboutissez: le yoga serait impossible pour une nature non orientale.
Je ne vois aucune base à une telle conclusion; elle est contraire à toute expérience. Les Européens, à travers les siècles, ont pratiqué avec succès des disciplines spirituelles qui s'apparentaient au yoga oriental et ont suivi aussi des voies de vie intérieure qui leur venaient d'Orient. Leur nature non orientale ne constituait pas un obstacle. La démarche et les expériences de Plotin et des mystiques européens qui se sont inspirés de lui étaient, comme on l'a démontré récemment, identiques à la démarche et aux expériences d'un certain type de yoga indien. En particulier, depuis l'avènement du christianisme, les Européens ont suivi ses disciplines mystiques qui étaient essentiellement les mêmes que celles de l'Asie, même si elles en différaient par les formes, les noms et les symboles. S'il s'agit du yoga indien lui-même dans les formes caractéristiques qui lui sont propres, cette prétendue incapacité est, là aussi, démentie par l'expérience. Dans les temps anciens, les Grecs et les Scythes en Occident, tout comme les Chinois, les Japonais et les Cambodgiens en Orient, ont suivi sans difficulté des disciplines bouddhistes ou hindoues; à l'heure actuelle un nombre croissant d'Occidentaux se sont mis à observer les pratiques spirituelles du Védânta, du Vishnouïsme ou d'autres disciplines indiennes, et aucune objection fondée sur l'incapacité ou l'inadaptation n'a jamais été soulevée ni par les disciples, ni par les maîtres. Je ne vois pas non plus pourquoi il y aurait un abîme aussi infranchissable entre les 1 deux; car il n'y a pas de différence essentielle entre la vie g spirituelle de l'Orient et la vie spirituelle de l'Occident: la seule différence a toujours résidé dans les noms, les formes et les symboles, ou encore dans la prédominance accordée à tel ou tel objectif particulier ou à tel aspect de l'expérience psychologique. Et même dans ce domaine, on invoque souvent des différences qui n'existent pas ou qui sont moins grandes qu'elles ne paraissent. J'ai vu un écrivain chrétien (qui ne semble pas partager l'objection de votre ami Angus à l'égard
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de ces petites distinctions scholastiques) alléguer que la pensée et la vie spirituelle hindoues ne reconnaissaient que la Divinité transcendante ou ne poursuivaient qu'elle et négligeaient la Divinité immanente, alors que le christianisme donnait à chacun de ces Aspects la place qui lui revient; mais en fait, la spiritualité indienne, même si en fin de compte elle privilégiait le Suprême au-delà de la forme et du nom, reconnaissait néanmoins largement la place du Divin immanent dans le monde et du Divin immanent dans l'être humain. La spiritualité indienne a, il est vrai, derrière elle une connaissance plus vaste et plus détaillée, elle a suivi des centaines de chemins différents, admis toutes sortes de voies d'approche du Divin et a pu ainsi pénétrer dans des régions qui sont restées hors du domaine moins vaste de la pratique occidentale; mais cela n'entraîne aucune différence d'essence, et seule l'essence importe.
Vous semblez attribuer l'aptitude de nombreux Occidentaux à pratiquer le yoga indien au fait qu'ils sont dotés d'un tempérament hindou dans un corps européen ou américain. De même que Gandhi est intérieurement un moraliste occidental et chrétien, dites-vous, de même les autres membres non orientaux de l'Ashram sont essentiellement des hindous par leur manière de voir. Mais qu'est-ce exactement que ce point de vue hindou? Je n'ai rien vu moi-même en eux qui puisse être ainsi décrit et la Mère non plus. Ma propre expérience contredit entièrement votre explication. J'ai très bien connu Sœur Nivédita (elle a été pendant de longues années une amie et une camarade dans la vie politique), et j'ai rencontré Sœur Christine; parmi les disciples européens de Vivékânanda, elles étaient les plus proches de lui. Toutes deux étaient profondément occidentales et n'avaient rien d'hindou dans leur manière de voir; Sœur Nivédita, qui était irlandaise, avait, par une sympathie intense, le pouvoir de comprendre intimement les modes de vie de ceux qui l'entouraient, et malgré cela sa propre nature est restée non orientale jusqu'à la fin. Elle est pourtant parvenue sans difficulté à la réalisation selon le Védânta. Ici, dans notre Ashram, j'ai
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constaté que les membres venus d'Occident (je pense en particulier à ceux qui sont id depuis longtemps) étaient typiquement occidentaux, avec toutes les qualités, mais aussi toutes les difficultés du mental et du tempérament de l'Occidental; ils ont dû faire face à leurs difficultés, tout comme les membres indiens ont été obligés de lutter contre les limitations et les obstacles créés par leur tempérament et leur éducation. Les Occidentaux avaient sans nul doute accepté en : principe les conditions du yoga, mais ils n'avaient pas le point de vue hindou quand ils sont arrivés, et je ne pense pas qu'ils aient essayé de l'acquérir. Pourquoi l'auraient-ils fait? Ce n'est pas le point de vue hindou ou le point de vue occidental qui est fondamental dans le yoga, c'est la tendance psychique et l'élan spirituel, et ceux-ci sont les mêmes partout.
Du point de vue du yoga, quelles sont, somme toute, les différences entre un sâdhak né indien et un sâdhak né européen? Vous dites que pour l'Indien le yoga est déjà à moitié fait, tout d'abord parce que son psychique s'ouvre beaucoup plus directement au Divin transcendant. Si nous laissons de côté l'adjectif (car ils sont rares, ceux dont la nature est attirée par le Transcendant; la plupart cherchent de préférence le Personnel, le Divin immanent ici-bas, surtout s'ils peuvent le trouver dans un corps humain), il y a là, certes, un avantage. Cet avantage provient simplement du fait qu'en Inde, l'atmosphère de recherche spirituelle et la longue tradition de pratique et d'expérience sont restées fortes et vivantes, alors qu'en Europe l'atmosphère s'est perdue, la tradition a été interrompue, et il faut les reconstruire toutes les deux. Un autre avantage est l'absence du doute essentiel qui affecte tant le mental des Européens et, peut-on ajouter, des Indiens européanisés, bien que le sâdhak indien ne soit pas préservé pour autant d'une sorte de doute pratique très actif et très vif. Mais quand vous parlez d'indifférence à l'égard de nos frères humains dans un quelconque aspect plus profond, je ne vous suis plus. Selon mon expérience, l'attachement aux personnes - mère, père, épouse, enfants, amis - qui ne vient pas du sens du devoir ou des relations sociales, mais
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d'étroits liens du cœur, est tout aussi fort qu'en Europe et souvent plus intense: c'est l'une des forces les plus perturbatrices sur le chemin; certains succombent à son attraction et de nombreux sâdhak, même avancés, sont encore incapables de faire sortir cela de leur sang et de leurs fibres vitales. L'envie d'établir avec les autres une relation "spirituelle" ou "psychique" (sous laquelle se dissimule très fréquemment un mélange vital qui les détourne du but unique) est un trait commun qui persiste chez tous. En cela il n'y a pas de différence entre la nature humaine orientale et la nature humaine occidentale. Mais en Inde on enseigne depuis fort longtemps que tout doit être tourné vers le Divin et le reste sacrifié ou transformé en un mouvement secondaire et accessoire, ou encore sublimé en quelque chose qui n'est qu'un premier pas vers la recherche du Divin. Cet enseignement aide sans aucun doute le sâdhak indien sinon à atteindre tout de suite la pleine adhésion du cœur, du moins à s'orienter plus complètement vers le but. Pour lui ce but n'est pas toujours le Divin seul, bien que cet état soit considéré comme le plus élevé, mais l'idéal du Divin d'abord et avant tout lui est d'un accès facile.
Le sâdhak indien a ses difficultés particulières dans son approche du yoga - ou du moins de notre yoga - qui affectent dans une moindre mesure le sâdhak d'Occident. Les difficultés nées de la nature occidentale proviennent de la tendance qui a dominé le mental européen dans un passé récent. Une plus grande propension au doute essentiel et à la réserve sceptique; l'habitude de l'activité mentale, nécessité de la nature qui rend plus difficile la réalisation du silence mental complet; une tendance plus forte à se tourner vers l'extérieur, engendrée par une vie active pleinement développée (alors que l'Indien souffre en général de défauts nés plutôt d'une force vitale diminuée ou réprimée); l'habitude de s'affirmer sur le plan vital et mental et, parfois, une indépendance agressivement vigilante qui rend difficile la soumission intérieur complète, même à une Lumière et à une Connaissance plus grandes, même à l'Influence divine: ce sont là des
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obstacles fréquents. Mais ils ne sont pas universels chez les Occidentaux et ils sont, par ailleurs, présents chez de nombreux sâdhak indiens; comme les difficultés typiques de la nature indienne, ce sont des formations surajoutées, non la substance de l'être. Ils ne peuvent indéfiniment barrer la route de l'âme si son aspiration est forte et ferme, si le but spirituel est l'objet principal de la vie. Ce sont des obstacles que le feu intérieur peut facilement anéantir si la volonté de s'en débarrasser est forte, et dont il finira certainement par venir à bout - bien qu'avec moins de facilité - même si la nature extérieure s'y accroche longtemps et les justifie, pourvu que le feu, la volonté centrale, l'impulsion profonde soient derrière tout, réels et sincères.
Seule une conscience trop aiguë de vos propres difficultés vous accable et vous porte à conclure que les non Orientaux sont inaptes au yoga indien; vous n'avez pas vu les difficultés tout aussi grandes qui ont longtemps perturbé ou perturbent encore les autres. Ni pour l'Indien, ni pour l'Européen le sentier du yoga ne peut être uni et facile; la nature humaine qui leur est commune est là pour y veiller. A chacun ses propres difficultés paraissent énormes, foncières et même incurables du fait de leur continuité et de leur persistance; elles entraînent de longues périodes d'abattement et des crises de désespoir. À peine deux ou trois sur cent ont une foi ou une vision psychique suffisantes pour réagir aussitôt ou presque et prévenir ces attaques. Mais il ne faut pas s'installer dans cette idée fixe que l'on est incapable, ni lui permettre de devenir une obsession; car une telle attitude n'a aucune justification réelle et accroît sans nécessité les difficultés du chemin. Là où il y a une âme qui s'est un jour éveillée, il y a à coup sûr une faculté intérieure qui peut prévaloir sur tous les défauts superficiels et remporter en fin de compte la victoire.
Si votre conclusion était juste, tout l'objectif de notre yoga serait chose vaine; car nous ne travaillons ni pour une race, ni pour un peuple, ni pour un continent, ni pour une réalisation dont seuls les Indiens ou seuls les Orientaux seraient capables. Notre but n'est pas non plus de fonder une religion, une école
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de philosophie ou une école de yoga, mais de créer une base de croissance et d'expérience spirituelles et une voie qui fera descendre une Vérité plus grande qui dépasse le mental sans être inaccessible à l'âme et à la conscience de l'homme. Tous peuvent passer s'ils sont attirés par cette Vérité, qu'ils soient originaires de l'Inde ou d'ailleurs, d'Orient ou d'Occident. Tous peuvent rencontrer de grandes difficultés dans la nature humaine, qu'elle soit personnelle ou générale; mais ni leur origine physique, ni leur tempérament racial ne peut être un obstacle insurmontable à leur libération.
II
Une seule condition est indispensable: la sincérité.
L'adjectif "sincère" signifie simplement que la volonté doit être une vraie volonté. Si vous vous contentez de penser "j'aspire" tandis que vos actes sont sans rapport avec l'aspiration, ou si vous cédez à vos désirs, ou encore si vous vous ouvrez à des influences contraires, alors la volonté n'est pas sincère.
Il est vrai qu'une sincérité centrale ne suffît pas sinon comme base et comme point de départ; la sincérité doit s'étendre, comme vous le décrivez, à la nature tout entière. Cependant, à moins que la nature ne soit double (sans "science centrale pour l'harmoniser), cette base suffit en général pour que l'extension se produise.
Quand tout est en accord avec la vérité "" ou en est Passion, c'est l'harmonie.
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La sincérité dans le vital est la plus difficile à obtenir et la plus nécessaire.
Vous parlez d'une insincérité dans votre nature. Si par insincérité vous entendez la réticence d'une certaine partie de l'être qui refuse de vivre selon la lumière la plus haute que vous puissiez atteindre ou à amener l'homme extérieur à égalité avec l'homme intérieur, alors cette partie est toujours insincère chez tout le monde. La seule manière d'en sortir est de donner la prédominance à l'être intérieur et d'y faire croître la conscience psychique et spirituelle jusqu'à ce que descende en lui ce qui chassera aussi l'obscurité hors de l'être extérieur.
Je n'ai jamais dit que le vital ne devait avoir aucune part dans l'amour pour le Divin, mais seulement qu'il devait se purifier et s'ennoblir à la lumière de l'être psychique. Les conséquences de l'amour égocentrique entre êtres humains finissent par être si médiocres et si contraires - c'est ce que j'entendais par amour vital ordinaire - que je veux quelque chose de plus pur, de plus noble, de plus élevé dans le vital aussi lorsqu'il s'agit du mouvement qui s'adresse au Divin.
Les hommes sont toujours complexes et les qualités et les défauts se mêlent dans leur nature de façon presque inextricable. Ce qu'un homme veut être ou ce qu'il veut que les autres voient en lui, ou encore ce qu'il est quelquefois par un côté de sa nature ou dans les relations qu'il a avec certaines personnes, peut être très différent de ce qu'il est en réalité ou dans ses relations avec d'autres personnes, ou encore par un autre aspect de sa nature. Être absolument sincère, droit, ouvert, n'est pas facile pour la nature humaine. C'est seulement par l'effort spirituel que l'on peut y parvenir et cet accomplissement exige une vision introspective sévère, l3 rigueur impitoyable d'une observation de soi dont bien des
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sâdhak et même bien des yogis ne sont pas capables; et c'est seulement par une Grâce illuminatrice qui révèle le sâdhak à lui-même et transforme ce qui est défectueux en lui que ce résultat peut être atteint. Encore faut-il que le sâdhak lui-même consente à l'action divine et s'y prête totalement.
Il est absolument nécessaire que X comprenne certaines choses dans un esprit sincère et droit, sans chercher à se justifier, sinon sa sâdhanâ tournera sans cesse en rond jusqu'à la fin ou alors elle échouera et tombera en pièces.
Le but de notre yoga est de s'ouvrir à une Vérité divine plus haute au-delà de la vie, du mental et du corps, et de les transformer tous trois à l'image de cette Vérité. Mais cette transformation ne peut pas avoir lieu, la Vérité elle-même ne peut pas être connue dans son esprit indubitable, dans sa parfaite lumière et son véritable corps tant que l'âdhâra tout entier n'a pas été patiemment et fondamentalement purifié, rendu plastique et capable de recevoir ce qui est au-delà des constructions du mental, des désirs de l'être vital et des habitudes de la conscience physique et de l'être physique.
L'obstacle le plus évident que X rencontre, celui dont il ne s'est pas le moins du monde débarrassé jusqu'à présent, est un ego vital fortement radjasique pour lequel son mental trouve des justifications et des masques. Rien n'est plus naturel et agréable pour l'ego vital que de revêtir les atours du yoga et de s'imaginer qu'il est libre, divinisé, spiritualisé, siddha et tout le reste ou qu'il s'achemine vers ce but, alors qu'en réalité il n en fait rien mais demeure toujours semblable à lui-même sous de nouvelles formes. Si l'on ne s'observe pas avec une sincérité constante, il est impossible de sortir de ce cercle.
Tout en expulsant l'ego vital qui se ment à lui-même, il faut chasser aussi ce qui l'accompagne habituellement dans les parties mentales: arrogance mentale, faux sentiment de supériorité, étalage de connaissance. Toute affectation, toute Prétention doivent être abandonnées, toute prétention, vis-à-vis de soi-même ou des autres, d'être ce qu'on n'est pas ou de
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savoir ce qu'on ne sait pas, et toute idée que l'on est plus grand que sa véritable stature spirituelle.
Parallèlement à l'ego vital, X a en lui une épaisseur, une lourdeur tamasiques dans l'être physique et une absence de raffinement psychique et spirituel. Tous ces défauts doivent être éliminés, sinon ils constitueront toujours un obstacle au changement véritable et complet de l'être vital et du mental.
À moins que tout cela ne soit radicalement changé, le simple fait d'avoir des expériences ou d'établir un calme temporaire et précaire dans les parties mentales et vitales ne sera en fin de compte d'aucune aide. Il n'y aura aucun changement fondamental, mais seulement une alternance d'un état à l'autre, parfois un retour des désagréments et toujours la même tare qui subsistera jusqu'à la fin de l'épisode.
La seule condition nécessaire pour se débarrasser des choses, c'est une sincérité centrale absolue de toutes les parties de l'être, qui consiste à exiger absolument la Vérité et rien que la Vérité. Alors apparaîtront une disposition à se critiquer impitoyablement, une ouverture vigilante à la lumière, un malaise lorsque survient le mensonge, qui finiront par purifier tout l'être.
Les imperfections mentionnées ici sont plus ou moins fréquentes, à des degrés divers, chez presque tous les sâdhak, bien que certains n'en soient pas atteints. On peut s'en débarrasser si la sincérité requise est là. Mais si elles occupent les parties centrales de l'être et corrompent l'attitude du sâdhak, il leur apportera un appui constant, ouvertement ou secrètement; son mental sera toujours prêt à leur fournir des déguisements et des justifications, à essayer de se dérober au projecteur de la faculté critique et aux protestations de l'être psychique. Alors le yoga échouera, du moins dans cette existence-ci.
Il est tout à fait naturel que le comportement soit très inégal tant que tout n'est pas clair; la nature ordinaire s'attache à l'action et la transformation ne peut pas être complète d'un
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seul coup. Ce qui est nécessaire, c'est que la conscience de base s'établisse fermement dans le Divin; on peut alors discerner le mélange dans le reste de l'être et l'éliminer progressivement. Posséder cette conscience dans l'être extérieur autant que dans l'être intérieur est un grand progrès.
Il est difficile pour le chrétien ordinaire d'être tout d'une pièce car les enseignements du Christ se situent sur un plan tout autre que le plan de conscience de l'homme intellectuel et vital formé par l'éducation et la société d'Europe: celui-ci, même s'il est pasteur ou prêtre, n'a jamais été appelé à pratiquer tout à fait sérieusement ce qu'il prêche. Mais il est difficile à la nature humaine, d'où qu'elle soit, de penser, de sentir et d'agir à partir d'un centre unique de vraie foi, de vraie croyance ou de vision véritable. L'hindou moyen considère la vie spirituelle comme la plus haute forme de vie possible, révère le sannyâsi, s'émeut à la vue du bhakta; mais si un membre de sa famille quitte le monde pour mener la vie spirituelle, quels pleurs, quelles querelles, quelles remontrances, quelles lamentations! Il vaudrait presque mieux qu'il fût mort de mort naturelle. Ce n'est pas de l'insincérité mentale consciente: ils raisonneront comme des pandits et recourront aux shastra pour vous prouver que vous avez tort; c'est de l'inconscience, une insincérité vitale dont ils ne sont pas conscients et qui s'appuie sur la complicité du mental raisonnant.
C'est pourquoi nous insistons tant sur la sincérité dans le yoga; et par là nous voulons dire que tout l'être doit se tourner consciemment vers l'unique Vérité, vers le Divin unique. Mais cette tâche est, pour la nature humaine, l'une des plus difficiles, beaucoup plus difficile qu'un ascétisme rigide ou une piété fervente. Même la religion ne donne pas cette sincérité complète et harmonisée: seuls l'être psychique et l'aspiration spirituelle de l'âme unifiée peuvent la donner.9
9. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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III
L'aspiration doit avoir pour objet la pleine descente de la Vérité et sa victoire sur le mensonge dans le monde.
Ceux qui viennent ici ont une aspiration et une possibilité: quelque chose dans leur être psychique les pousse et s'ils obéissent à cette impulsion, ils arriveront; mais ce n'est pas la conversion. La conversion est le mouvement de l'être qui abandonne les choses inférieures pour se tourner vers le Divin.
L'aspiration peut amener plus tard la conversion, elle n'est pas la conversion.
La Mère a parlé de trois choses différentes: la conversion, le mouvement décisif de l'âme qui se tourne vers le Divin (la réalisation intérieure du Divin) et la transformation de la nature. Les deux premières peuvent être rapides, soudaines et définitives, la troisième prend toujours du temps et ne peut se faire d'un seul coup, en un instant. On peut s'apercevoir d'un changement rapide dans tel ou tel détail de la transformation; même dans ce cas, cependant, il s'agit de l'effet rapide d'un long travail.
La consécration est un processus par lequel on éduque la conscience à se donner au Divin. La conversion, en revanche, est un mouvement spontané de la conscience par lequel elle se détourne des choses extérieures pour s'orienter vers le Divin. Elle vient d'un contact du dedans et d'au-dessus dont elle est le résultat. La consécration peut aider l'être à s'ouvrir au contact ou le contact venir de lui-même. Mais la conversion peut aussi venir couronner un long processus d'aspiration e1 de tapasyâ. Il n'y a pas de règle fixe en ces matières.
Si l'être psychique vient au premier plan, la conversion devient facile ou peut venir aussitôt; ou c'est la conversion qui
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fait venir l'être psychique au premier plan. Là encore il n'y a pas de règle.
Les choses peuvent se passer dans un sens ou dans l'autre: il y a un contact et en même temps la réalisation, et en conséquence le psychique prend la place qui lui revient, ou bien le psychique vient au premier plan et prépare la nature à la réalisation.
La transformation est progressive, mais la réalisation doit certes avoir lieu avant que la transformation puisse atteindre son but.
Ce que vous dites est tout à fait vrai. Seuls importent un appel et une aspiration simples, directs et sincères venant du cœur. Ils sont plus importants et plus efficaces que les aptitudes. Il est aussi très important d'amener la conscience à se tourner vers l'intérieur au lieu de rester extériorisée; il faut parvenir à l'appel intérieur, à l'expérience intérieure, à la Présence intérieure.
L'aide que vous demandez sera avec vous. Laissez l'aspiration grandir et ouvrir complètement la conscience intérieure.
De quelle "raison" avez-vous besoin pour aspirer à la paix, à la pureté, à être libéré de la nature inférieure, à la lumière, à la force, à l'Ânanda, à l'amour divin, au service du Divin? Ces choses sont bonnes en elles-mêmes, c'est le but le plus élevé qui soit pour l'effort humain.
Oui, c'est ainsi que les choses se passent: l'intensité de l'aspiration amène l'intensité de l'expérience et, par l'intensité répétée de l'expérience, le changement.
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L'aspiration est un appel au Divin; la volonté est la pression d'une force consciente sur la nature.
L'aspiration n'a pas besoin de mots. Elle peut s'exprimer ou ne pas s'exprimer en mots.
L'aspiration n'a pas besoin de se formuler en pensée, elle peut être un sentiment intérieur qui subsiste même quand le mental est occupé à travailler.
Aspirer, c'est appeler les forces. Quand les forces ont répondu, il y a un état naturel de réceptivité tranquille, concentrée mais spontanée.
Il faut aspirer au Divin, se donner à Lui et Lui laisser le soin de faire de l'âdhâra ce qui est vrai et juste, une fois qu'il est devenu parfait.
Tout dépend du stade que l'on a atteint. L'aspiration personnelle est nécessaire jusqu'à ce que s'établisse un état où tout vient automatiquement et où seuls une certaine connaissance et un certain assentiment sont nécessaires au développement.
On "tire", en général, par désir de recevoir pour soi-même; dans l'aspiration on se donne pour que la conscience supérieure descende et prenne possession de l'être; plus intense est l'appel, plus grand le don de soi.
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Le désir est sans aucun doute mêlé à ce que vous faites et même à vos efforts de sâdhanâ; c'est là qu'est la difficulté. Le désir introduit dans l'effort un mouvement d'impatience, une réaction de déception et de révolte chaque fois qu'une difficulté se présente et que le résultat n'est pas immédiat, et aussi d'autres sentiments qui provoquent le trouble et le désordre. L'aspiration ne doit pas être une forme de désir, mais le sentiment d'un besoin de l'âme intérieure et une volonté ferme et calme de se tourner vers le Divin et de chercher le Divin. Il n'est certes pas facile de se débarrasser entièrement de ce mélange de désir, ce n'est facile pour personne; mais quand on a la volonté de le faire, on peut y arriver grâce à l'aide et au soutien de la Force.
Si l'on a de bons désirs, de mauvais désirs viendront aussi. Il y a place pour la volonté et l'aspiration, non pour le désir. S'il y a désir, il y aura attachement, exigence, avidité, absence d'équanimité, chagrin de ne pas obtenir, tout ce qui est anti-yoguique.
On doit être satisfait de ce que l'on reçoit et pourtant continuer tranquillement, sans lutte, d'aspirer à recevoir davantage, jusqu'à ce que tout soit venu. Pas de désir, pas de lutte: aspiration, foi, ouverture... et la grâce.
Quant au procédé, cela dépend de ce que vous entendez par ce mot. Le désir mène souvent à un excès d'effort qui produit beaucoup de labeur pour un résultat limité et une tension, un épuisement et - en cas de difficulté ou d'insuccès - le découragement, le doute ou la révolte. Ou encore, le désir conduit à "tirer" la Force. On peut le faire, mais sauf pour ceux qui sont solides yoguiquement et qui ont l'expérience
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yoguique, ce n'est pas toujours sans danger, bien que ce soit souvent très efficace. Ce n'est pas sans danger, d'abord parce que cela peut amener de violentes réactions ou faire descendre des forces contraires ou mauvaises ou mélangées, que le sâdhak inexpérimenté ne peut distinguer des vraies. Et aussi parce que cela peut substituer au libre don du Divin et à la vraie direction divine le propre pouvoir d'expérience du sâdhak, qui est limité, ou ses constructions mentales et vitales. Les cas varient; chacun a son propre chemin de sâdhanâ. Mais pour vous, je recommanderais une ouverture constante, une aspiration tranquille et continue, sans ardeur excessive, une confiance et une patience joyeuses.10
C'est le psychique qui donne l'aspiration véritable; si le vital est purifié et soumis au psychique, le vital donne l'intensité; mais s'il n'est pas purifié, il introduit dans l'aspiration une intensité radjasique et aussi de l'impatience et des réactions de dépression et de déception. Quant au calme et à l'égalité nécessaires, ils doivent descendre d'au-dessus en passant par le mental.
C'est l'aspiration psychique, le feu psychique. Ce qu'apporte le vital, c'est cette impatience d'obtenir un résultat et cette insatisfaction si le résultat n'est pas immédiat. Il faut que cela cesse.
Il est dans la nature de la partie vitale de surface, lorsqu'elle n'est pas régénérée, d'agir ainsi. Le vital véritable est différent, calme et fort, instrument puissant soumis au Divin. Mais pour qu'il vienne au premier plan il faut tout d'abord que l'équilibre s'établisse au-dessus, dans le mental; quand la conscience est là et que le mental est calme, libre et vaste, alors le vital véritable peut venir au premier plan.
10. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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L'impatience et l'agitation inquiète viennent du vital qui les introduit jusque dans l'aspiration. Cette aspiration doit être intense, calme et forte (telle est aussi la nature du vital véritable), non pas agitée et impatiente; alors seulement elle peut être stable.
Il peut y avoir une aspiration intense mais tranquille qui ne trouble pas l'harmonie de l'être intérieur.
Inutile de faire des Âsana ou du Prânâyâma. Il n'est pas nécessaire de brûler de passion. Ce qu'il faut, c'est acquérir avec patience le pouvoir de concentration et d'aspiration stable afin que le silence dont vous parlez puisse s'établir dans le cœur et s'étendre aux autres parties de l'être. Alors le mental physique et le subconscient pourront être nettoyés et calmés.
C'est une erreur de penser que l'absence continue de vyâkoulatâ11 est un signe que l'aspiration ou la volonté d'atteindre le Divin n'est pas authentique. Un vyâkoulatâ constant, des pleurs ou le hâhâkâra12 (celui-ci plus souvent vital que psychique) ne sont de règle que dans certaines formes exclusives du Bhakti Yoga. Ici, bien qu'un ardent désir psychique puisse apparaître parfois, ou même souvent, en vagues intenses, la base qui s'établit dans l'être est faite de quiétude, d'une quiétude qui contient une perception de plus en plus ferme de la vérité et de la recherche du Divin, du besoin du Divin, de sorte que tout s'oriente de plus en plus dans cette direction. C'est sur cette base que vient l'expérience et que grandit la réalisation. Parce que l'ouverture grandit en vous,
11. Ardeur passionnée; passion du cœur dans sa recherche du Divin.
12. Lamentations, gémissements.
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vous avez cet âbhâsa13 de la présence (au-delà de la forme) de la Mère. À mesure que la réalisation intérieure progresse, la présence dans la forme physique prend sa pleine valeur.
Les prières doivent être pleines de confiance, sans chagrin ni lamentations.
Naturellement, plus l'aspiration se concentre sur un seul point, plus rapide est le progrès. La difficulté apparaît quand interfèrent le vital avec ses désirs ou le physique avec ses mouvements habituels du passé, ce qui arrive à presque tout le monde. Alors viennent l'aridité et la difficulté à avoir une aspiration spontanée. Cette aridité est un obstacle bien connu dans la sâdhanâ. Mais il faut persister et non se décourager. Si l'on maintient ferme la volonté même pendant ces périodes arides, elles passent, et lorsqu'elles ont disparu l'aspiration et l'expérience peuvent venir avec plus de force.
Ce sont les forces tamasiques qui s'obstinent à suggérer la difficulté, qui la créent, et la conscience physique l'accepte. L'aspiration ne présente jamais de véritable difficulté. Le rejet peut ne pas être aussitôt efficace, mais il est toujours possible d'entretenir la volonté de rejeter et de refuser.
Nul doute, l'aspiration vraie et forte est nécessaire, mais il est inexact de dire que la vôtre n'est pas authentique. Si cela n'avait pas été le cas, la Force n'aurait pas pu agir sur vous. Cette aspiration véritable avait son siège dans le psychique et dans le cœur, et chaque fois que ceux-ci étaient actifs en
13. Reflet, ressemblance.
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méditation, elle apparaissait. Pour que l'action de la Force soit complète, il lui fallait cependant descendre dans la conscience physique et y établir la tranquillité et l'ouverture. La conscience physique est toujours, chez tout le monde et par sa nature même, un peu inerte, et une aspiration constante et forte ne lui est pas naturelle, il faut la créer. Mais d'abord une ouverture, une purification, une ferme tranquillité doivent s'établir; autrement le vital physique changera la forte aspiration en ardeur exagérée et en impatience, ou plutôt il essaiera de lui donner cette forme. Ne soyez donc pas troublé si votre nature vous semble trop neutre et trop calme, ne semble pas contenir assez d'aspiration et de mouvement. Cet état de transition est nécessaire au progrès; le reste viendra.
Il vous semble encore difficile de supporter les périodes intermédiaires où tout est tranquille et rien ne se fait en surface. Mais ces périodes intermédiaires, tout le monde en a; elles sont inévitables. Vous ne devez pas entretenir l'idée qu'elles viennent de votre manque d'aspiration ou d'une quelconque incapacité et que si votre aspiration était ardente et constante, ces périodes n'existeraient pas et les expériences se dérouleraient sans interruption. Les choses ne se passent pas ainsi. Même si l'aspiration était là, ces périodes intermédiaires viendraient. Si l'on peut aspirer, même pendant ces périodes, tant mieux; mais l'essentiel est d'y faire face avec tranquillité au lieu de se laisser gagner par l'agitation, la dépression ou l'abattement. Le feu ne peut être constant que lorsqu'on a atteint un certain stade, c'est-à-dire lorsque l'on est sans cesse au-dedans, vivant consciemment dans l'être psychique, mais pour en arriver là toute cette préparation du mental, du vital et du physique est nécessaire. Car ce feu appartient au psychique et on ne peut pas toujours en disposer Par un simple effort du mental. Il faut que le psychique soit pleinement libéré et c'est pour qu'une libération complète soit Possible que la Force agit.
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IV
Foi [faith]: Croyance et acceptation dynamiques et complètes.
Croyance [belief]: Acceptation de l'intellect seulement.
Conviction [conviction] : Croyance intellectuelle fondée sur ce qui semble être de bonnes raisons.
Confiance [reliance}: Le fait de dépendre de quelqu'un dans un certain domaine, sur une base de confiance [trust].
Confiance [trust]: Sentiment de certitude que l'autre vous aidera, le fait de pouvoir se fier [reliance} à sa parole, son caractère, etc.
Confiance [confidence]: Sentiment de sécurité qui accompagne la confiance [trust].
La foi est ressentie dans tout l'être, la croyance est mentale; la confiance consiste à se fier à une personne ou au Divin, ou encore c'est un sentiment de certitude quant au résultat de la recherche ou de l'effort personnel.
La foi mentale combat le doute et aide à s'ouvrir à la vraie connaissance; la foi vitale prévient les attaques des forces hostiles ou les met en déroute et aide à s'ouvrir à la volonté et à l'action spirituelles véritables; la foi physique entretient la fermeté à travers toute l'obscurité, l'inertie ou la souffrance du physique et aide à s'ouvrir à la fondation de la vraie conscience; la foi psychique ouvre au contact direct du Divin et aide à amener l'union et la soumission.
La foi mentale est une grande aide, mais elle peut toujours être temporairement ébranlée ou entièrement voilée - jusqu'à
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ce que la conscience et l'expérience supérieures se fixent pour de bon. Ce qui dure, même en restant caché, c'est l'aspiration de l'être intérieur et son besoin de quelque chose de plus élevé qui est la foi de l'âme. Elle aussi peut être cachée pendant un certain temps, mais elle s'affirme de nouveau: elle subit une éclipse, non une extinction.
C'est cela, la vraie résolution. Gardez-la ferme au-dedans de vous, même si des vagues d'une autre conscience la couvrent en surface. Si l'on implante ainsi fermement en soi une foi ou une résolution, alors elle persiste, et même si le mental s'obscurcit pour un temps ou que la résolution faiblit, on la voit pourtant resurgir automatiquement comme un navire émerge de la vague qui l'avait recouvert et poursuit invinciblement sa route à travers toutes les vicissitudes jusqu'à ce qu'il atteigne le port.
Cette expression ["foi aveugle"] n'a pas vraiment de sens. Je suppose qu'ils veulent dire qu'ils ne croiront pas sans preuve; mais la conclusion tirée d'une preuve n'est pas une foi: c'est une connaissance, ou c'est une opinion mentale. La foi, c'est quelque chose que l'on a avant la preuve et la connaissance et qui aide à parvenir à la connaissance ou à l'expérience. Il n'y a aucune preuve que Dieu existe, mais si j'ai foi en Dieu, je puis parvenir à l'expérience du Divin.
La foi ne dépend pas de l'expérience, c'est quelque chose qui est là avant l'expérience. Quand on commence à pratiquer le yoga, ce n'est en général pas en se fondant sur l'expérience, mais sur la foi. Il en est ainsi non seulement dans le yoga et la e spirituelle, mais aussi dans la vie ordinaire. Tous les hommes d'action, les découvreurs, les inventeurs, les créateurs
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de connaissance procèdent par la foi et jusqu'à ce que la preuve soit faite ou le but atteint, ils persévèrent malgré les déceptions, les échecs, les réfutations, les dénégations, parce que quelque chose en eux leur dit que c'est la vérité, la chose qui doit être poursuivie et accomplie. Râmakrishna allait même jusqu'à dire, quand on lui demandait si la foi aveugle n'était pas une erreur, que la foi aveugle était la seule foi, car la foi est aveugle ou elle n'est pas la foi, mais autre chose: déduction raisonnée, conviction démontrée ou connaissance vérifiée.
La foi est, pour l'âme, le témoignage de quelque chose qui n'est encore pas manifesté, accompli ou réalisé, mais que cependant Celui en nous qui sait, même en l'absence de toute indication, ressent comme vrai ou suprêmement digne d'être recherché ou accompli. Ce sentiment en nous peut persister même quand il n'y a pas de croyance fixe dans le mental, même quand le vital lutte, se révolte et se refuse. Qui, en pratiquant le yoga, n'a pas des périodes, de longues périodes de déception, d'échec, de doute et d'obscurité? Mais quelque chose le soutient et même persiste en dépit de lui-même, parce que ce quelque chose sent que l'objet de sa recherche était pourtant vrai, et cela fait plus que sentir, cela sait. La foi fondamentale dans le yoga est ceci, qui est inhérent à l'âme: le Divin existe et le Divin seul vaut d'être recherché; comparé à cela rien dans la vie ne vaut la peine d'être possédé. Dès lors qu'un homme a cette foi, il est marqué pour la vie spirituelle et j'affirme que même si sa nature est pleine d'obstacles, remplie de dénégations et de difficultés, et même s'il doit lutter pendant des années, il est appelé à réussir dans la vie spirituelle.
C'est cette foi qu'il vous faut développer, une foi conforme à la raison et au bon sens: si le Divin existe et vous a appelé vers le Sentier (ce qui est évident), ce doit être Lui qui vous guide par-derrière et à travers toutes les difficultés et malgré elles, vous arriverez. N'écoutez pas les voix hostiles qui insinuent l'échec ou les voix de la hâte impatiente et vitale qui leur fait écho, ne croyez pas que parce qu'il y a de grandes
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difficultés, il ne peut y avoir de succès, ou que parce que le Divin ne s'est pas encore montré il ne se montrera jamais, mais adoptez l'attitude que chacun prend en se fixant un but grandiose et difficile: "Je continuerai jusqu'à ce que je réussisse, en dépit de toutes les difficultés." À cela, celui qui croit en le Divin ajoute: "Le Divin existe, ma recherche du Divin ne peut échouer. Je continuerai en dépit de tout jusqu'à ce que je le trouve".14
Vous dites que l'expérience est nécessaire à la foi et qu'aucune foi n'est possible sans elle. C'est en complète contradiction avec la psychologie humaine. Des milliers d'individus ont eu la foi avant d'avoir l'expérience. La doctrine "pas de croyance sans expérience" serait un désastre pour la spiritualité ou même pour l'action humaine. Le saint, le bhakta ont foi en Dieu bien avant d'avoir l'expérience de Dieu; l'homme d'action a foi en sa cause bien avant que sa cause soit couronnée de succès, sinon ni les uns ni les autres n'auraient été capables de lutter avec persévérance pour atteindre leurs buts malgré les défaites, les échecs et les périls de mort. Je ne sais pas ce que X entend par vraie foi. Pour moi, la foi n'est pas une croyance intellectuelle, elle est une fonction de l'âme; quand ma croyance a vacillé, failli, disparu, l'âme est restée inébranlable, répétant obstinément: "Ce chemin-ci et nul autre: la Vérité que j'ai sentie est la Vérité, quoi que le mental puisse croire." Au contraire, les expériences ne conduisent pas nécessairement à la foi. Un sâdhak m'écrit: "Je sens la grâce de Mère descendre en moi, mais je ne peux pas y croire, parce que c'est peut-être l'effet de mon imagination vitale." Un autre a eu des expériences pendant des années et le voilà qui tombe parce que, dit-il, il a "perdu la foi". Tout cela n'est pas une imagination de ma part, ce sont des faits qui parlent d'eux-mêmes.
Ce n'est certainement pas d'une transformation morale,
14. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre V.
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mais d'une transformation spirituelle que je voulais parler; un homme moral peut fort bien être bourre d'ego, d'un ego accru par sa propre bonté et par sa propre rectitude. La libération de l'ego est précieuse au point de vue spirituel parce qu'alors on peut se centrer non sur soi-même, mais sur le Divin. Et c'est aussi la condition de la bhakti...
Je ne sais pas ce que X a contre l'émotion; elle a sa place, seulement il ne faut pas la projeter toujours au-dehors, mais la presser à l'intérieur pour qu'elle ouvre toutes grandes les portes du psychique. Ce que vous dites est parfaitement exact; je suis heureux que vous deveniez si lucide et si clairvoyant, c'est à coup sûr la conséquence d'une transformation psychique. L'ego est une chose très curieuse, surtout par sa manière de se cacher et de prétendre qu'il n'est pas l'ego. Il est toujours capable de se dissimuler, même derrière une aspiration à servir le Divin. La seule chose à faire est de le chasser de tous ses déguisements et de tous ses recoins. Vous avez raison aussi de penser que c'est vraiment la partie la plus importante du yoga. Les râdjayogis ont raison de donner à la purification la première place, de même que j'ai eu raison de lui donner la première place, avec la concentration, dans La Synthèse des Yogas. Vous n'avez qu'à regarder autour de vous pour constater que les expériences et même les réalisations ne peuvent pas vous mener au but si cela n'est pas fait: à tout moment elles peuvent disparaître à cause du vital qui est resté impur et plein d'ego.
Aucun don de soi à l'être psychique n'est exigé, c'est au Divin que l'on se donne. On aborde le Divin par la foi; l'expérience concrète est une conséquence de la sâdhanâ. On ne peut pas exiger une expérience directe sans rien faire pour y préparer la conscience.
Si l'on entend l'appel, on y répond; s'il n'y a pas d'appel, alors il n'est pas nécessaire de chercher le Divin. La foi suffit pour commencer; l'idée qu'il faut comprendre et réaliser avant de pouvoir chercher est une erreur mentale et si elle
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était juste, elle rendrait toute sâdhanâ impossible: la réalisation ne peut être qu'un résultat de la sâdhanâ, non sa condition préalable.
J'ai parlé d'une foi centrale forte et si possible entière parce que votre attitude semblait indiquer que rien ne vous intéressait sinon la réponse complète, c'est-à-dire la réalisation, la présence, et que vous considérez que rien d'autre ne peut vous satisfaire, alors que vos prières ne vous apportent pas ce que vous cherchez. Mais d'ordinaire la prière ne l'apporte pas tout de suite à moins qu'il n'y ait une foi brûlante au centre ou une foi totale dans toutes les parties de l'être. Cela ne signifie pas que ceux dont la foi est moins forte ou la soumission moins complète ne peuvent pas réussir, mais en général ils doivent d'abord aller pas à pas et affronter les difficultés de leur nature jusqu'à ce que, par la persévérance ou la tapasyâ, ils obtiennent une ouverture suffisante. Même une foi vacillante ou une soumission lente et partielle ont leur force et apportent des résultats; s'il en était autrement, rares sont ceux qui pourraient faire une quelconque sâdhanâ. Ce que je voulais dire par foi centrale est une foi dans l'âme ou dans l'être central à l'arrière-plan, une foi qui est là même quand le mental doute, quand le vital se désespère et que le physique veut s'effondrer, et qui, lorsque l'attaque est passée, réapparaît et vous pousse à nouveau sur le sentier. Elle peut être forte et lumineuse, elle peut être pâle et faible en apparence, mais si chaque fois elle persiste à aller de l'avant, c'est qu'elle est authentique. Les accès de dépression, d'obscurité et de désespoir sont de tradition sur le chemin de la sâdhanâ; dans tous les yogas d'Orient ou d'Occident il semblerait qu'ils aient été de règle. Personnellement, je les connais bien, mais mon expérience m'a conduit à percevoir que cette tradition n'est pas justifiée et que l'on peut s'en dispenser si l'on veut. C'est pourquoi chaque fois que ces accès apparaissent chez vous ou chez les autres, j'essaie de brandir devant vous l'évangile de la foi. Si malgré tout ils reviennent, il faut les surmonter le plus
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vite possible et retourner au soleil. Votre rêve de l'océan était parfaitement vrai: la tempête et la houle ne peuvent empêcher à la longue la venue de la Grâce elle-même. C'est, je crois, ce que quelque chose en vous demande sans cesse; le miracle supramental de la Grâce ; quelque chose qui ne supporte pas la contrainte de la tapasyâ, de la recherche de la perfection et du long labeur. Eh bien, ce miracle, il peut venir, il est venu à plusieurs sâdhak ici après des années d'échec cuisant, de difficultés ou de terribles luttes. Mais il vient d'ordinaire ainsi, non pas comme une Grâce qui s'épanouit lentement, mais après beaucoup de difficultés et pas dès le début. Si vous continuez à le demander en dépit d'une absence apparente de réponse, il viendra à coup sûr.
Jusqu'à ce que nous connaissions la Vérité (pas mentalement, mais par l'expérience, par un changement de conscience), nous avons besoin de la foi de l'âme pour nous soutenir et pour nous accrocher à la Vérité; mais quand nous vivons dans la connaissance cette foi se change en connaissance.
Je parle évidemment de connaissance spirituelle directe. La connaissance mentale ne peut pas remplacer la foi; tant que la connaissance n'est que mentale, la foi est encore nécessaire.
La foi précède la connaissance, elle ne vient pas après. Elle est l'aperçu d'une vérité que le mental n'a pas encore saisie comme connaissance.
Ce n'est pas par l'intellect que l'on peut progresser dans le yoga, mais par la réceptivité psychique et spirituelle; de même pour la connaissance et la vraie compréhension: elles se développent dans la sâdhanâ par la croissance de l'intuition, non par celle de l'intellect physique.
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Pour les choses de nature subtile qui concernent le fonctionnement de la conscience dans la sâdhanâ, on doit apprendre à sentir, à observer et à voir avec la conscience intérieure et décider par intuition, en jetant sur les choses un regard souple qui n'érige pas de définitions et de règles fixes comme on est obligé de le faire dans la vie extérieure.
Ayez foi en le Divin, en la Grâce divine, en la vérité de la sâdhanâ, en le triomphe final de l'esprit sur les difficultés mentales, vitales et physiques; ayez foi en le Sentier et en le Gourou, en l'expérience d'autres choses que celles qui sont écrites dans la philosophie de Haeckel, Huxley ou Bertrand Russell, parce que si ces choses ne sont pas vraies, le yoga n'a aucune signification.15
Je ne vois pas en quoi la méthode de la foi dans les cellules pourrait être assimilée à prendre la lune avec les dents. Personne n'a jamais pris la lune avec les dents alors que la guérison par la foi dans les cellules est un fait et une loi de la Nature qui a été démontrée bien souvent, même en dehors du yoga. Le moyen d'acquérir la foi et toutes les autres choses est de s'obstiner à les avoir et de refuser de fléchir, de désespérer ou d'abandonner jusqu'à ce qu'on les ait; c'est par ce moyen que tout à été acquis depuis que cette terre difficile a commencé à porter des créatures qui pensent et qui aspirent. Il consiste à s'ouvrir sans cesse et sans relâche à la Lumière et à tourner le dos à l'Obscurité. Il consiste à refuser d'écouter les voix qui répètent avec insistance: "Tu ne peux pas, tu ne le feras pas, tu es incapable, tu es le pantin d'un rêve," car ces voix sont hostiles, elles vous coupent du résultat qui allait venir par leurs clameurs stridentes et ensuite montrent triomphalement la nullité du résultat comme preuve de leur thèse.
15. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre V.
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La difficulté de l'entreprise est connue, mais difficile ne signifie pas impossible: ce qui est difficile a toujours fini par être accompli et tout ce qui a une valeur dans l'histoire de la terre est fait de victoires sur les difficultés. Dans l'entreprise spirituelle il en sera de même.
Vous n'avez qu'à prendre la résolution de tuer le Râkshasa et les portes s'ouvriront devant vous comme elles se sont ouvertes devant bien d'autres qui étaient freinés par leur propre nature mentale et vitale.16
Il y a deux sortes de foi:
La foi qui appelle la descente de l'égalité d'âme et la foi qui appelle la descente de la réalisation.
Ces deux sortes de foi correspondent à deux aspects différents du Divin:
Il y a le Divin transcendant, et il y a le Divin cosmique.
La Volonté de réalisation appartient au Divin transcendant.
Le Divin cosmique est celui qui s'occupe de la marche des choses dans les circonstances actuelles. C'est la Volonté de ce Divin cosmique qui se manifeste dans chaque circonstance, chaque mouvement de ce monde.
Pour notre conscience ordinaire, la Volonté cosmique n'agit pas comme un pouvoir indépendant qui fait tout ce qu'il choisit de faire : il agit au moyen de tous ces êtres, des forces en jeu dans le monde, par l'intermédiaire de la loi de ces forces et de leurs résultats; ce n'est que lorsque nous nous ouvrons à elle et que nous sortons de la conscience ordinaire que nous pouvons la sentir qui intervient comme un pouvoir indépendant, outrepassant le jeu ordinaire des forces.
Nous pouvons alors voir aussi que même dans le jeu des forces et en dépit de leurs déformations, la Volonté cosmique œuvre en vue de l'ultime réalisation de la Volonté du Divin transcendant.
16. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre V.
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La Réalisation supramentale est la Volonté du Divin transcendant que nous devons accomplir. Les circonstances dans lesquelles nous devons l'accomplir sont celles d'une conscience inférieure où les choses peuvent être déformées par notre propre ignorance, nos faiblesses et nos erreurs, et par le choc des forces antagonistes. C'est pourquoi la foi et l'égalité d'âme sont indispensables.
Nous devons avoir la foi qu'en dépit de notre ignorance, de nos erreurs et de nos faiblesses, en dépit des attaques des forces hostiles, en dépit de tout ce qui, dans l'immédiat, nous apparaît comme un échec, la Volonté divine nous conduit, à travers chaque circonstance, vers la Réalisation finale. Cette foi nous donnera l'égalité d'âme; c'est une foi qui accepte les événements non pas définitivement, mais comme des choses par où il faut passer sur le chemin. L'égalité d'âme établie, une autre sorte de foi peut s'établir aussi, soutenue par elle, qui peut être rendue dynamique par ce qui vient de la conscience supramentale, qui peut surmonter les circonstances présentes, déterminer ce qui se produira et aider à faire descendre la Réalisation de la Volonté du Divin transcendant.
La foi qui s'adresse au Divin cosmique est limitée, dans le pouvoir de son action, par les nécessités du jeu.
Pour se libérer entièrement de ces limitations, il faut atteindre le Divin transcendant.
Dans le jeu des forces cosmiques, ce qu'on pourrait appeler la volonté dans le cosmos ne contribue pas toujours de façon évidente au déroulement direct et sans heurts de la sâdhanâ: souvent, elle introduit d'apparents bouleversements, des tournants soudains qui interrompent ou font dévier la route, des circonstances contraires ou troublantes, des écarts déconcertants par rapport à ce qui avait été temporairement décidé ou établi. La seule chose à faire est de conserver l'égalité et de transformer en occasion et en moyen de progrès tout ce qui arrive dans le cours de la vie et de la sâdhanâ. Il y a
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une Volonté secrète suprême et transcendante derrière le jeu et la volonté des forces cosmiques - jeu qui est toujours un mélange d'éléments favorables et défavorables- et c'est cette Volonté que l'on doit servir, c'est à elle qu'il faut se fier; mais vous ne devez pas vous attendre à être toujours capable de comprendre sa manière d'agir. Le mental veut que ceci ou cela soit fait, il veut suivre le chemin qu'il a adopté, mais ce que veut le mental n'est pas toujours conforme aux intentions d'un dessein plus vaste. Il faut, c'est vrai, poursuivre un but central fixe dans la sâdhanâ et ne pas en dévier, mais il ne faut rien échafauder sur les circonstances, les conditions extérieures, etc., comme si elles étaient fondamentales.
Il ne peut pas y avoir de réponse à la question que vous posez dans votre dernière lettre, sinon que seule une foi sans faille ou une volonté immuable peut vous ouvrir la route du yoga. C'est parce que vos idées et votre volonté sont sans cesse en train de fluctuer ou d'osciller que vous ne réussissez pas. Même si votre foi est défectueuse, un mental et une volonté fermes peuvent vous porter et amener les expériences grâce auxquelles votre foi incertaine se changera en certitude.
C'est pour cette raison qu'il m'est difficile de répondre à vos questions concernant les différentes options possibles. Je puis dire que la voie de la Guîtâ fait elle-même partie de notre yoga et ceux qui l'ont suivie au commencement ou dans les premiers stades ont une base plus solide que les autres pour ce yoga. Il n'est par conséquent pas juste de la regarder de haut en la considérant comme une chose à part et inférieure. Quoi qu'il en soit, le choix vous appartient, personne ne peut le faire pour vous. Ceux qui vont et viennent ne peuvent en tirer profit qu'à condition d'en avoir pris la décision et de s'y tenir, ou parce qu'ils l'ont prise et s'y tiennent: quand ils sont ici, c'est pour le yoga qu'ils sont venus; quand ils sont ailleurs, la volonté de yoga demeure en eux. Vous devez vous débarrasser de vos constantes ratiocinations et voir si, oui ou non, vous
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pouvez vivre sans l'impulsion qui vous conduit au yoga: si vous ne le pouvez pas, alors il est inutile de penser à mener la vie ordinaire sans yoga, votre nature vous contraindra à le chercher, même si vous devez le chercher toute votre vie avec peu de résultat. Mais la petitesse du résultat est due principalement au mental qui s'interpose toujours et à la faiblesse vitale qui le soutient dans ses raisonnements. Si vous vous décidiez avec une volonté irrévocable, vous auriez une chance de réussir; que vous la poursuiviez ici ou ailleurs, la différence serait minime.
Je vous ai suggéré d'appliquer la méthode de la Guîtâ parce que l'ouverture nécessaire au yoga pratiqué ici semble être trop difficile pour vous. Si vous étiez moins exigeant vis-à-vis de vous-même, vos chances seraient plus grandes. En tout cas si vous ne pouvez pas retourner à la vie ordinaire et que vous n'êtes pas ouvert au Pouvoir qui est ici, cette voie semble être la seule qui s'offre à vous.
Il suffit d'une volonté ferme et constante qui tend vers la foi et l'offrande de soi. Il est entendu qu'il n'est pas possible à la nature humaine d'être toujours exempte de mouvements de doute, d'obscurité ou de choses qui ne sont pas encore offertes, tant que la conscience intérieure n'a pas suffisamment grandi pour qu'il ne puisse en être autrement. C'est pour cette raison que la volonté est nécessaire, afin que la Force puisse travailler à éliminer tout cela avec le plein consentement et la pleine volonté du mental et du cœur du sâdhak. Essayer de rejeter ces mouvements et d'acquérir une volonté permanente suffit, car c'est cet effort qui, à la longue, amène la permanence.
Si dans votre expérience le sommeil était si profond, c'était afin de vous faire pénétrer profondément au-dedans et, aussitôt que vous l'avez fait, vous êtes entré dans l'état psychique et spirituel qui prend la forme d'un beau maïdân,17
17. Esplanade.
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dans un flot de lumière blanche, dans la fraîcheur et dans la paix. L'escalier symbolisait l'ascension depuis cet état psychique et spirituel jusqu'à des niveaux de plus en plus élevés de la conscience spirituelle où est la source de la lumière. La main de la Mère était le symbole de sa présence et de son aide qui vous tireront vers le haut et vous conduiront jusqu'au sommet de l'échelle.
La foi peut être tamasique et inefficace, par exemple: "Je crois que la Mère fera tout, alors je ne ferai rien. Quand elle le voudra, elle me transformera." Ce n'est pas là une foi dynamique, c'est une foi statique et inerte.
La foi, la confiance en Dieu, la soumission et le don de soi au Pouvoir divin sont nécessaires et indispensables. Mais avoir confiance en Dieu ne doit pas être une excuse pour s'abandonner à l'indolence, à la faiblesse et aux impulsions de la nature inférieure; il faut en même temps une aspiration infatigable et un rejet persistant de tout ce qui fait obstacle à la Vérité divine. La soumission au Divin ne doit pas devenir une excuse, un masque ou une occasion de se soumettre à ses propres désirs et à ses mouvements inférieurs ou à son ego, ou à quelque force d'ignorance ou d'obscurité qui faussement se donne l'apparence du Divin.18
On doit se reposer sur le Divin et pourtant faire une certaine sâdhanâ qui donne la capacité de recevoir: le Divin accorde le fruit non à la mesure de la sâdhanâ, mais à la mesure de la sincérité de l'âme et de son aspiration (par sincérité de l'âme, j'entends sa soif du Divin et son aspiration à la vie supérieure). Je voudrais aussi vous dire qu'il n'est pas bon de se
18. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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faire du souci: "Je serai ceci, je serai cela, que serai-je?" Dites: "Je suis prêt à être non ce que je veux, mais ce que le Divin veut que je sois;" tout le reste doit se faire sur cette base.
Une fois de plus vous avez saisi le bon principe: être tout entier pour la Mère et avoir pleinement confiance qu'il surfit de continuer en toute tranquillité à avoir confiance; tout ce qui est nécessaire viendra, et tout ce que veut le Divin sera fait. Les fonctionnements du monde sont trop subtils, étranges et complexes pour que le mental humain les comprenne; c'est seulement quand la connaissance vient d'en haut et que l'on a été porté dans la conscience supérieure que la compréhension peut venir. Dans l'intervalle, il faut suivre ce que dicte, sur la base de cette foi et de cet amour, le cœur psychique profond au-dedans, seule étoile qui nous guide avec certitude.
Je vous ai déjà expliqué tout cela. Il est vrai qu'abandonné à vous-même vous ne pouvez rien faire; c'est pourquoi vous devez être en contact avec la Force dont le rôle est de faire pour vous ce que vous ne pouvez pas faire par vous-même. La seule chose que vous devez faire, c'est permettre à la force d'agir et vous ranger de son côté, et cela signifie avoir foi en elle, vous reposer sur elle, ne pas vous troubler ni vous harceler vous-même, vous en souvenir avec tranquillité, faire appel à elle avec tranquillité, la laisser agir avec tranquillité. Si vous faites cela, tout le reste sera fait pour vous; pas tout de suite, parce qu'il y a beaucoup à déblayer, mais tout de même ce sera fait, sans à-coup et de plus en plus.
La Grâce et le Pouvoir du Divin peuvent tout faire, mais seulement s'ils ont le plein consentement du sâdhak. Apprendre à donner ce plein consentement est tout le sens de la
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sâdhanâ. Cela peut prendre du temps, à cause des idées dans le mental, des désirs dans le vital ou de l'inertie dans la conscience physique, mais tout cela doit être éliminé et peut l'être avec l'aide de la Force divine ou par un appel à son action.
Ne permettez à aucun découragement de vous envahir; ne perdez pas confiance en la Grâce divine. Quelles que soient les difficultés autour de vous, quelles que soient les faiblesses en vous, si vous vous accrochez fermement à votre foi et à votre aspiration, le Pouvoir secret vous aidera à les surmonter et vous ramènera ici. Même si vous êtes accablé par les résistances et les difficultés, même si vous trébuchez, même si la voie vous semble fermée, ne lâchez pas votre aspiration; si la foi est voilée pendant un temps, tournez-vous toujours vers nous, mentalement et dans le cœur, et le voile sera retiré. L'aide extérieure sous forme de lettres, nous sommes tout prêts à vous la donner... Mais restez ferme sur le chemin; alors les choses finiront par s'épanouir d'elles-mêmes et les circonstances céderont à l'esprit au-dedans.
La difficulté a dû venir d'un manque de confiance et d'obéissance. Car la méfiance et la désobéissance sont comme le mensonge (elles sont elles-mêmes des faussetés, fondées sur des idées et des impulsions fausses), elles s'insinuent dans l'action du Pouvoir, l'empêchent de se faire sentir ou d'agir pleinement et diminuent la force de la Protection.
Vous devez prendre la vraie attitude, non seulement dans votre concentration intérieure mais dans vos actes et dans vos mouvements extérieurs. Si vous faites cela et que vous mettiez tout sous la direction de la Mère, vous vous apercevrez que les difficultés commencent à diminuer ou qu'elles sont beaucoup plus faciles à surmonter et que tout devient régulièrement plus simple.
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Il faut faire dans votre travail et dans vos activités comme dans votre concentration. Ouvrez-vous à la Mère, mettez-les sous sa direction, appelez la paix, le Pouvoir qui soutient, la protection, et pour qu'ils puissent agir, rejetez toutes les mauvaises influences qui pourraient intervenir en créant des mouvements faux, négligents ou inconscients.
Suivez ce principe et votre être tout entier s'unifiera sous une direction unique, dans la paix, la Lumière et le Pouvoir qui abritent.19
Elles [la foi, la soumission et la samatâ] doivent être introduites dans chaque partie, chaque atome de l'être pour qu'il ne puisse plus y avoir, où que ce soit, aucune possibilité de vibration contraire.
Quelles que soient les circonstances adverses qui se présentent, vous devez y faire face avec courage; elles disparaîtront et l'aide viendra. La vraie attitude, faite de foi et de courage, doit toujours être conservée dans la vie et le travail, et aussi dans l'expérience spirituelle.
Dans les moments d'épreuve la foi en la divine protection et l'appel à cette protection; à tout moment, la foi que ce que veut le Divin est le mieux.
C'est ce qui vous tourne vers le Divin que vous devez accepter comme bon pour vous; tout ce qui vous détourne du Divin est mauvais pour vous.
Vos ennuis n'ont d'autre cause que le fait que vous soyez toujours prêt à les écouter frapper à la porte et à leur ouvrir. Si us ne désirez que le Divin, la certitude que vous l'atteindrez
19. Les Bases du Yoga, chapitre in. Traduction de la Mère.
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est absolue, mais toutes ces questions et toutes ces doléances à chaque mouvement ne font que retarder; elles sont comme un rideau toujours prêt à descendre devant le cœur et les yeux. Car à chaque pas, chaque fois que vous ferez un progrès, les forces contraires vous lanceront ces doutes dans les jambes comme une corde et arrêteront votre marche en vous faisant tomber; c'est leur métier20 d'agir ainsi... Il faut dire: "Puisque je ne veux rien que le Divin, mon succès est assuré: je n'ai qu'à avancer en toute confiance et Sa Main sera là, me conduisant en secret vers Lui, à Sa manière et en Son temps." C'est la formule que vous devez garder constamment en vous comme un mantra. On peut douter de tout le reste, mais le fait que celui qui ne désire que le Divin atteindra le Divin est une certitude plus certaine que deux et deux font quatre. Telle est la foi que chaque sâdhak doit avoir au fond de son cœur, le soutenant à travers tous les faux pas, tous les coups et toutes les épreuves. Seules les idées fausses qui projettent encore leurs ombres sur votre mental vous empêchent de l'avoir. Écartez-les et la difficulté se cassera les reins.
Gardez fermement la foi en la victoire de la Lumière et faites face avec une calme égalité d'âme aux résistances qu'opposent la Matière et la personnalité humaine à leur propre transformation.
La transformation complète de la nature se produira: ce n'est pas un espoir, mais une certitude.
Même s'il y a beaucoup d'obscurité - et ce monde en est plein, et la nature physique de l'homme aussi - un rayon de la vraie Lumière peut pourtant l'emporter à la longue sur une obscurité dix fois plus grande. Croyez-le et accrochez-vous à cela toujours.
20. En français dans le texte.
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V
La consécration consiste à se donner au Divin, à donner tout ce que l'on est ou tout ce que l'on a au Divin, à ne rien considérer comme sa propre possession, à obéir à la seule volonté divine et à nulle autre, à vivre pour le Divin et non pour l'ego.
Le don de soi consiste à être tout entier entre les mains de la Mère, à ne résister en aucune manière, par égoïsme ou pour toute autre cause, à sa Lumière, à sa Connaissance, à sa Volonté, à l'action de sa Force, etc.
C'est alors un sankalpa de soumission. Mais il faut se soumettre à la Mère; pas même à la Force, mais à la Mère elle-même.
Toute cette complication est inutile. Si le psychique se manifeste, il ne vous demandera pas de vous consacrer à lui, mais de vous consacrer à la Mère.
Le Divin se donne à ceux qui se donnent eux-mêmes au Divin sans réserve et dans toutes les parties de leur être. À eux le calme, la lumière, le pouvoir, la béatitude, la liberté, l'étendue, les sommets de la connaissance, les océans de l'Ânanda.21
Ce passage22 s'entend seulement au sens intérieur; il ne s'agit
21. Lumières sur le Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
22. "La consécration ne vous diminuera pas, mais vous augmentera; elle ne réduira pas, ni n'affaiblira, ni ne détruira votre personnalité, mais au contraire la fortifiera et l'agrandira." (Entretiens 1929, 4 août).
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en rien de grandeur extérieure. Toute soumission est considérée par l'ego comme une dégradation et un amoindrissement, mais en réalité la soumission au Divin accroît et grandit l'être: c'est ce que cela veut dire.
Sans consécration, il ne peut y avoir de transformation totale de l'être.
Si l'on voulait le Divin, le Divin lui-même se chargerait de purifier le cœur, de faire avancer la sâdhanâ et de donner les expériences nécessaires; cela peut arriver et il en est ainsi lorsqu'on a envers le Divin un sentiment de certitude confiante et la volonté de se consacrer. Pour que le Divin se charge de la sâdhanâ, il faut en effet se placer entre ses mains au lieu de se fier seulement à ses propres efforts; il faut faire confiance au Divin et se donner à lui de plus en plus. C'est en fait ce principe que j'ai appliqué dans ma propre sâdhanâ et c'est le processus central du yoga tel que je l'envisage. C'est aussi, je suppose, ce que Sri Râmakrishna voulait dire par sa métaphore du petit chat. Mais tous ne peuvent suivre cette méthode dès le début: il leur faut du temps pour y accéder; elle se développe surtout quand le mental et le vital sont calmés.
Par consécration, j'entends la consécration intérieure du mental et du vital. Il y a aussi, évidemment, la consécration extérieure, l'abandon de tout ce qui se trouve en conflit avec l'esprit ou les nécessités de la sâdhanâ, l'offrande, l'obéissance au Divin Guide, que ce soit directement - lorsqu'on a atteint ce stade - ou par l'intermédiaire du psychique, ou encore en suivant les conseils du Gourou. Je dois dire que le prâyopavéshana (jeûne prolongé) n'a rien à voir avec la consécration: c'est une forme de tapasyâ d'un genre très austère et, à mon avis, très excessif et souvent dangereux.
Le cœur de la consécration intérieure est la confiance en le
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Divin et le sentiment de certitude qui l'accompagne. L'attitude à prendre est: "Je veux le Divin et rien d'autre. Je veux me donner entièrement à lui et puisque c'est ce que veut mon âme, je le rencontrerai et le réaliserai: il ne peut en être autrement. Je ne demande rien de plus sinon qu'il agisse en moi pour m'amener à lui par une action cachée ou visible, voilée ou manifeste. Je n'insiste pas pour que cela arrive à mon heure et à ma manière; qu'il fasse tout à sa manière et à son heure; je croirai en lui, j'accepterai sa volonté, j'aspirerai sans relâche à sa lumière, à sa présence, à sa joie, j'irai à travers toutes les difficultés, tous les retards, m'en remettant à Lui, n'abandonnant jamais. Que mon mental soit calme, qu'il fasse confiance au Divin et lui permette de l'ouvrir à sa lumière; que mon vital soit tranquille et se tourne vers lui seul, qu'il lui permette de l'ouvrir à son calme et à sa joie. Tout pour lui et moi pour lui. Quoi qu'il arrive, je me tiendrai à cette aspiration et à ce don de moi-même et je continuerai, m'en remettant à lui, parfaitement confiant que tout sera fait."
Telle est l'attitude que l'on doit adopter peu à peu; car elle ne saurait être parfaite d'un seul coup: les mouvements du mental et du vital interviennent, mais si l'on garde la volonté d'y parvenir, elle grandira dans l'être. Pour le reste il surfit d'obéir à la Direction quand elle se manifeste, sans permettre aux mouvements du vital et du mental d'y faire obstacle.
Je ne prétends pas que cette voie soit la seule ni que la sâdhanâ ne puisse pas être faite autrement: il y a bien d'autres manières d'approcher le Divin; mais c'est la seule que je connaisse où le fait que le Divin se charge de la sâdhanâ devienne perceptible avant même que la préparation de la nature soit achevée. Dans d'autres méthodes l'action du Divin peut être sentie par moments, mais elle reste la plupart du temps derrière le voile jusqu'à ce que tout soit prêt. Certaines sâdhanâ ne reconnaissent pas l'action divine: tout doit se faire par tapasyâ. La plupart d'entre elles combinent les deux; la tapasyâ finit par appeler l'aide et l'intervention directes. L'idée et l'expérience d'un Divin qui fait tout appartiennent à
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un yoga fondé sur la consécration. Mais quel que soit le chemin suivi, la seule chose à faire est d'y être fidèle et d'aller jusqu'au bout.
Le Divin peut tout faire - purifier le cœur et la nature, éveiller la conscience intérieure, retirer les voiles - si l'on se donne à lui avec confiance; et même si l'on ne peut pas le faire complètement dès le début, plus on le fait, plus l'aide et la direction intérieures viennent et plus l'expérience intérieure du Divin s'accroît. Si le mental questionneur devient moins actif et qu'augmentent l'humilité et la volonté de se soumettre à lui, cela devrait être tout à fait possible. Aucune autre force, aucune autre tapasyâ n'est alors nécessaire: celle-ci suffit.
Dans la première période de la sâdhanâ (et par là je n'entends pas une période brève), l'effort est indispensable. Soumettez-vous, bien entendu, mais la soumission n'est pas une chose qui s'effectue en un jour. Le mental a ses idées et il s'y cramponne; le vital humain résiste à la soumission, car ce qu'il appelle soumission, au début, est un don de soi d'un genre douteux, mélangé d'exigences; la conscience physique est comme une pierre, et ce qu'elle appelle soumission n'est souvent rien d'autre que de l'inertie. C'est seulement le psychique qui sait se soumettre, et le psychique est en général très voilé au commencement. Quand le psychique s'éveille, il peut amener une soumission brusque et véritable de l'être tout entier, car la difficulté soulevée par le reste est vite surmontée et disparaît. Mais jusque-là, l'effort est indispensable. Ou du moins il est nécessaire jusqu'à ce que d'en haut, la Force se déverse à flots dans l'être et se charge de la sâdhanâ, la fasse pour nous de plus en plus, laissant à l'effort individuel un rôle de moins en moins grand. Cependant, même alors, l'aspiration et la vigilance, sinon l'effort, sont pour le moins nécessaires jusqu'à ce que le mental, la volonté, la vie et le corps soient complètement possédés par le Pouvoir divin. J'ai traité de ce sujet, je crois, dans l'un des chapitres de La Mère.
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Par contre, il est des gens qui, dès le début, partent d'une volonté sincère et dynamique de faire une soumission totale. Ce sont ceux qui sont gouvernés par le psychique ou par une volonté mentale lucide et éclairée qui, lorsqu'elle a accepté la soumission comme loi de la sâdhanâ, n'admet plus aucune sottise et exige que les autres parties de l'être suivent sa direction. Là, il y a encore effort; mais cet effort est si facile et spontané, et il se sent tellement appuyé derrière par une Force qui le dépasse, que le sâdhak se rend à peine compte qu'il fait un effort. Mais quand le mental et le vital sont déterminés à conserver leur volonté autonome et répugnent à renoncer à l'indépendance de leurs mouvements, il faut bien qu'il y ait lutte et effort jusqu'à ce que soit brisé le mur entre l'instrument qui est en avant et la Divinité derrière ou au-dessus. On ne peut fixer aucune règle applicable à tous sans distinction; les variations de la nature humaine sont trop grandes pour qu'une unique règle tranchante convienne à tous les cas.23
Il n'est pas possible de se débarrasser immédiatement de cette insistance sur l'effort personnel, et ce n'est pas toujours désirable, car l'effort personnel est préférable à l'inertie tamasique.
L'effort personnel doit être progressivement transformé en un mouvement de la Force divine. Si vous êtes conscient de la Force divine, appelez-la de plus en plus pour qu'elle gouverne votre effort, qu'elle en prenne la charge et le transforme en quelque chose qui ne soit plus à vous, mais à la Mère. Il se produira une sorte de transfert, une prise en main des forces qui travaillent dans l'âdhâr personnel, un transfert qui ne sera pas subitement complet, mais progressif.
Mais l'équilibre psychique est nécessaire: on doit cultiver le discernement qui voit exactement ce qui vient de la Force divine, ce qui vient de l'élément d'effort personnel et ce qui s'introduit comme mélange des forces cosmiques inférieures.
23. Lumières sur le Yoga, chapitre in. Traduction de la Mère.
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Et jusqu'à ce que le transfert soit complet - ce qui prend toujours du temps - il faut toujours la contribution personnelle d'un consentement constant à la Force vraie et un constant rejet de tout mélange inférieur.
Pour le moment, ce n'est pas de cesser l'effort personnel qu'il faut, mais d'appeler de plus en plus le Pouvoir divin pour qu'il gouverne et guide la tentative personnelle.24
Aux premiers stades de la sâdhanâ, il n'est pas à recommander de laisser tout au Divin et de tout attendre de lui sans qu'il soit besoin de rien entreprendre personnellement. Ce n'est possible que quand l'être psychique est au premier plan et qu'il influence toute l'action (et même alors, une vigilance et un assentiment constants sont nécessaires), ou bien plus tard, aux dernières étapes du yoga, quand une force supramentale directe, ou presque directe, se saisit de la conscience; mais ce dernier état est encore très éloigné. En d'autres conditions, cette attitude risque de mener à la stagnation et à l'inertie.
Seules les parties les plus mécaniques de l'être peuvent dire avec vérité qu'elles sont impuissantes, surtout la conscience physique (matérielle) qui est inerte par nature et mue par le mental ou le vital, ou par les forces supérieures. Mais on a toujours le pouvoir de mettre au service du Divin la volonté mentale ou l'élan vital. On ne peut pas être sûr d'un résultat immédiat, car l'obstruction de la Nature inférieure ou la pression des forces adverses réussit souvent à contrarier pendant un temps, et même pendant longtemps, le changement nécessaire. Il faut alors persister, mettre toujours sa volonté du côté du Divin en rejetant ce qui doit être rejeté, en s'ouvrant à la vraie Lumière et à la vraie Force, en invoquant leur descente avec tranquillité et constance, sans se lasser, sans dépression ni impatience, jusqu'à ce que l'on sente la Force divine à l'œuvre et les obstacles qui commencent à céder.
24. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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Vous dites que vous êtes conscient de votre ignorance et de votre obscurité. Si c'est seulement une conscience générale, ce n'est pas suffisant. Mais si vous en êtes conscient en détail, dans le fonctionnement pratique, cela suffit pour commencer: vous devez rejeter résolument les fonctionnements faux dont vous avez conscience et faire de votre mental et de votre vital un champ clair et tranquille pour l'action de la Force divine.25
La consécration est active quand vous associez votre volonté à la Volonté divine, quand vous rejetez ce qui n'est pas le Divin, quand vous donnez votre assentiment à ce qui est le Divin. La consécration est passive quand tout est laissé entièrement au Divin; bien peu en sont capables car dans la pratique, le résultat est que vous vous soumettez à la nature inférieure sous prétexte de vous soumettre au Divin.
Il y a deux possibilités: l'une est la purification par l'effort personnel, qui prend beaucoup de temps, l'autre est une intervention directe de la Grâce divine dont l'action, en général, est rapide. Cette intervention ne peut se produire que si la consécration et le don de soi sont complets et pour qu'ils le soient, il faut d'ordinaire que le mental soit capable de rester tout à fait tranquille et de laisser agir la Force divine en la soutenant à chaque pas par une adhésion complète, tout en demeurant calme et immobile. Cet état, qui est comparable à l'attitude du petit chat dont parle Râmakrishna, est difficile à acquérir. Ceux qui sont habitués, dans tout ce qu'ils font, à un mouvement très actif de la pensée et de la volonté ont du mal à calmer l'activité pour passer à la quiétude du don de soi mental. Cela ne signifie pas qu'ils sont incapables de faire le yoga ou qu'ils ne peuvent pas parvenir au don de soi; seulement il faut beaucoup de temps pour que la purification
25. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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et le don de soi deviennent complets: il y faut beaucoup de patience et de ténacité, et aussi la détermination d'aller jusqu'au bout.
Une soumission complète n'est pas possible en si peu de temps, car une soumission complète implique que le nœud de l'ego soit coupé dans toutes les parties de l'être et que celui-ci soit offert, intégral et libre, au Divin. Le mental, le vital et la conscience physique (et même chacune de leurs parties en chacun de ses mouvements) doivent se soumettre l'un après l'autre, abandonner leur manière propre et accepter la manière du Divin. Mais ce que l'on peut faire, c'est prendre dès le début une résolution centrale de consécration et appliquer cette résolution de toutes les façons possibles, à chaque pas, en profitant de chaque occasion pour parfaire le don de soi.
La soumission dans une direction rend les autres plus faciles, plus inévitables; mais d'elle-même, elle ne suffit pas à couper ni à délier les autres nœuds, surtout ceux qui sont très intimement liés à la présente personnalité et à ses formations les plus chères; ceux-là présentent souvent de grandes difficultés, même une fois que la volonté centrale s'est fixée et que les premiers sceaux de la pratique ont été apposés sur sa résolution.26
Elle [l'attitude de consécration] ne peut pas être absolument complète au début, mais elle peut être vraie si la volonté centrale est sincère et si la foi et la bhakti sont là. Des mouvements contraires pourront se produire, mais ils ne pourront persister longtemps et l'imperfection du don de soi dans la partie inférieure n'opposera pas d'obstacle sérieux.
Tout dépend de ce que l'on veut dire par don de soi absolu:
26. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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une expérience dans l'une des parties de l'être ou un fait dans toutes les parties de l'être. La première peut venir facilement à n'importe quel moment, c'est pour que le second devienne complet qu'il faut du temps.
Le don de soi absolu ne doit pas être seulement une expérience en méditation, mais un fait qui gouverne toute la vie, toutes les pensées, tous les sentiments, toutes les actions. Jusque là, il faut utiliser la volonté et l'effort personnels, mais l'effort doit contenir aussi l'esprit de soumission qui fait appel à la Force pour soutenir la volonté et l'effort, et qui n'est troublé ni par le succès ni par l'échec. Quand la Force se chargera de la sâdhanâ, l'effort pourra vraiment cesser, mais l'assentiment constant de l'être restera pourtant nécessaire, et aussi la vigilance afin qu'à aucun moment, aucune Force mensongère ne puisse être admise.
[L'idée que la sâdhanâ est faite par le Divin et non par soi-même:] C'est une vérité, mais cette vérité ne produit ses effets dans la conscience qu'à partir du moment où elle est réalisée ou dans la mesure où elle l'est. Ceux qui stagnent pour cette raison sont ceux qui acceptent cette idée sans la réaliser, de sorte qu'ils n'ont ni la force de la tapasyâ, ni celle de la Grâce divine. Au contraire, ceux qui peuvent la réaliser sentent, même derrière leur tapasyâ et en elle, l'action de la Force divine.
Quant à ceux qui ne font aucun effort (cette absence d'effort est en elle-même une difficulté), ils ne progressent pas.
Parler de soumission ou n'avoir qu'une simple idée, un tiède
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désir de la consécration intégrale ne suffit pas; il faut vouloir avec élan la transformation radicale et totale.
Ce n'est pas en adoptant simplement une attitude mentale que cette transformation peut se faire, ni même par des quantités d'expériences intérieures qui laissent l'homme extérieur tel qu'il est. C'est cet homme extérieur qui doit s'ouvrir, se soumettre et changer. La moindre de ses habitudes, de ses actions, le moindre de ses mouvements doit être soumis, vu, présenté, exposé à la Lumière divine, offert à la Force divine pour que ses vieilles formes, ses vieux mobiles, soient détruits et que la Vérité divine et l'action de la conscience transformatrice de la Mère divine prennent leur place.27
Si la soumission n'est pas complète, alors il n'est pas possible d'adopter l'attitude du petit chat: elle devient une simple passivité tamasique qui prétend être une soumission. Si, au début, la soumission ne peut pas être complète, il s'ensuit que l'effort personnel est nécessaire.
Les mouvements mécaniques sont toujours plus difficiles à arrêter par la volonté mentale, parce qu'ils ne dépendent pas le moins du monde de la raison ni d'aucune justification mentale; ils se fondent sur des associations ou simplement sur une mémoire et une habitude mécaniques.
La pratique du rejet finit par triompher; mais par le seul effort personnel, cela peut prendre très longtemps. Si vous pouvez sentir le Pouvoir divin travailler en vous, cela devient plus facile.
Il ne faut rien d'inerte ni de tamasique dans le don de soi à la Direction intérieure; aucune partie du vital ne doit en faire une excuse pour ne pas rejeter les suggestions des impulsions et des désirs inférieurs.
Il y a toujours deux manières de faire le yoga. L'une, par
27. Lumières sur le Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
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l'action d'un mental et d'un vital vigilants qui voient, observent, pensent et décident ce qui doit ou ne doit pas être fait. Bien entendu, cette action s'appuie sur la Force divine qu'elle tire ou appelle, car autrement on ne peut pas grand'chose. Mais c'est encore l'effort personnel qui prédomine et prend la plus grande part du fardeau.
L'autre manière est celle de l'être psychique: la conscience s'ouvre au Divin, et non seulement elle ouvre l'être psychique et l'amène au premier plan, mais elle ouvre aussi le mental, le vital et le physique, reçoit la Lumière, perçoit ce qui doit être fait, sent et voit que c'est par la Force divine elle-même que c'est fait, tout en aidant constamment le travail du Divin par son propre consentement et son appel vigilants et conscients.
D'ordinaire, il y a toujours un mélange de ces deux manières jusqu'à ce que la conscience soit prête à s'ouvrir complètement et à accepter complètement le Divin comme source de tous ses actes. Alors, toute responsabilité cesse et tout fardeau personnel disparaît des épaules du sâdhak.28
Tant qu'il n'y a pas la pleine présence et que l'on n'est pas conscient du travail de la Force supérieure, un certain effort personnel est indispensable. Faire la sâdhanâ pour le Divin et non pour soi est évidemment la vraie attitude.
Tout doit être fait pour le Divin, cela aussi. Quant à laisser le résultat au Divin, tout dépend de ce que vous voulez dire par cette formule. Si elle comprend implicitement la dépendance à l'égard de la Grâce divine, l'égalité d'âme, la patience dans la persévérance de l'aspiration, alors c'est très bien. Mais il ne faut pas l'élargir au point qu'elle comprenne aussi le laisser-aller et l'indifférence dans l'aspiration et l'effort.
28. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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Je ne vois pas pourquoi le don de soi, de quelque genre qu'il soit, consisterait à s'endormir ou à s'enfermer à l'écart de tout ce qui est extérieur, y compris la Mère. En tout cas, c'est un don de soi conscient qu'il faut accomplir; mais il n'est pas nécessaire qu'il s'accompagne d'une lutte agitée ou qu'il porte une attention exagérée aux défauts et aux difficultés. Quant à l'attitude de la Mère, vous devez regarder au-dedans pour la connaître; si vous regardez de l'extérieur, vous ne pourrez pas la comprendre.
La tapasyâ a prédominé dans votre sâdhanâ, car vous avez une ferveur et une énergie active qui vous y prédisposent. Aucune voie n'est facile tout au long, et dans celle du don de soi la difficulté consiste à accomplir un don de soi véritable et complet. Cela fait, les choses deviennent certes plus aisées, ce qui ne veut pas dire qu'elles se font en un rien de temps ou qu'il n'y a pas de difficulté; mais il y a alors une assurance, un soutien, une absence de tension qui donnent à la conscience le repos autant que la force et la liberté et lui épargnent les formes les plus néfastes de résistance.
Oui, évidemment, vous avez raison. Le processus de la consécration est en soi une tapasyâ. Et plus encore, un double processus de tapasyâ et de consécration croissante se poursuit en fait pendant longtemps, même quand celle-ci est bien engagée. Mais à partir d'un certain moment, on sent constamment la Présence, la Force, et l'on sent de plus en plus que c'est elle qui fait tout, de sorte que les pires difficultés ne peuvent troubler ce sentiment et que l'effort personnel n'est plus nécessaire; il devient même presque impossible. C'est le signe que la nature tout entière s'est remise entre les mains du Divin. Certains adoptent cette attitude par la foi avant même d'avoir cette expérience et si la bhakti et la foi sont fortes, elles les portent jusqu'à ce qu'ils aient l'expérience. Mais tous ne
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peuvent pas adopter cette attitude dès le début, et pour certains ce serait dangereux, car ils pourraient se placer entre les mains d'une Force contraire qu'ils prendraient pour le Divin. Pour la plupart il est nécessaire de croître par la tapasyâ jusqu'à la consécration.
Oui, s'il y a derrière toute la tapasyâ le sentiment que la Volonté divine la reçoit et en distribue le fruit, c'est au moins une première forme de consécration.
Quand la volonté et l'énergie sont concentrées et utilisées pour maîtriser le mental, le vital et le physique et les transformer, pour faire descendre la conscience supérieure ou pour tout autre objectif yoguique ou entreprise élevée, c'est ce qui s'appelle la tapasyâ.
Les voies du Divin ne sont pas celles du mental humain; elles ne se conforment pas à nos plans. Il est donc impossible de les juger ou de décider pour le Divin ce qu'il devra faire ou ne pas faire, car le Divin le sait mieux que nous. Si l'on admet le moins du monde l'existence du Divin, il me semble que la vraie raison et la bhakti sont toutes deux d'accord pour exiger une foi implicite et la soumission.29
Pour comprendre les mouvements divins il faut entrer dans la conscience divine; jusque là, la foi et la consécration sont la seule attitude juste. Comment le mental pourrait-il juger ce qui dépasse toutes ses mesures?
29. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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La vraie attitude dans la sâdhanâ est de ne pas imposer son mental et sa volonté vitale au Divin, mais de recevoir la volonté divine et de la suivre. De ne pas dire: "J'ai droit à ceci, j'en ai besoin, je le demande, je le réclame, cela m'est nécessaire, pourquoi ne l'ai-je point?" mais de se donner, de s'abandonner et de recevoir avec joie tout ce que le Divin octroie, sans s'affliger ni se révolter. C'est la meilleure attitude. Alors, ce que vous recevrez sera la vraie chose pour vous.30
Le Divin n'est pas obligé de le faire [pourvoir à tous nos besoins réels]. Il peut donner ou ne pas donner; qu'il donne ou ne donne pas est indifférent à celui qui s'est consacré à Lui. Autrement, il y a une arrière-pensée31 dans la consécration qui de ce fait n'est pas complète.
Aucun être humain ne peut de prime abord se débarrasser de toute préférence et accepter joyeusement tout ce qui vient de la Volonté divine. Ce qu'il faut au début, c'est avoir l'idée constante que ce que veut le Divin est toujours pour le mieux, même si le mental ne voit pas comment, et accepter avec résignation ce que l'on ne peut pas encore accepter avec joie; ainsi on arrive à une calme égalité qui n'est pas ébranlée même si une réaction momentanée à des événements extérieurs engendre à la surface des mouvements passagers. Cela fermement établi, le reste peut venir.
L'essence du don de soi, c'est d'accepter avec tout son cœur l'influence et la direction quand la joie et la paix descendent, de les accepter sans discuter ni ergoter et de les laisser grandir;
30. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
31. En français dans le texte.
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quand on sent travailler la Force, la laisser agir sans s'y opposer; quand la Connaissance est donnée, la recevoir et s'y conformer; quand la Volonté est révélée, s'en faire l'instrument.
Le Divin peut conduire, mais il ne contraint pas. Tout être mental nommé "homme" est laissé intérieurement libre de donner son assentiment à la direction du Divin ou de ne pas le donner; sinon, comment lui serait-il possible d'effectuer une véritable évolution spirituelle?
Chacun a, jusqu'à un certain point, la liberté de choisir - à moins qu'il n'accomplisse la soumission complète - et quand il fait usage de cette liberté il doit en accepter les conséquences, spirituelles ou autres. L'aide peut seulement lui être offerte, non imposée. Le silence, l'absence de confession franche indiquent un désir du vital d'agir à sa guise. Quand il n'y a plus de dissimulation, quand le physique s'est ouvert au Divin, alors le Divin peut intervenir.
Le grand jeu du monde est basé sur un certain libre arbitre relatif dans l'être individuel. Ce libre arbitre persiste même dans la sâdhanâ et le consentement de l'individu est nécessaire à chaque pas; bien que ce soit par la consécration au Divin qu'il échappe à l'ignorance, à la séparativité et à l'ego, à chaque pas sa consécration doit être libre.
On offre au Divin afin de se débarrasser de l'illusion de la séparation: l'acte même d'offrir sous-entend que tout appartient au Divin.
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Le don de soi vient d'abord par l'amour et la bhakti plutôt que par l'âtmajnâna. Mais il est vrai que l'atmajnâna accroît la possibilité d'une soumission complète.
La soumission et la bhakti d'amour ne sont pas contradictoires, elles vont ensemble. Il est vrai que la soumission peut se faire d'abord par une connaissance du mental, mais elle entraîne alors une bhakti mentale; dès que la soumission atteint le cœur, la bhakti se manifeste comme un sentiment et avec ce sentiment de bhakti l'amour apparaît.
La dévotion et la soumission peuvent accompagner l'expérience du mental supérieur; elles n'y sont cependant pas indissolublement liées, comme c'est le cas dans l'expérience psychique. Dans le mental supérieur, on peut être conscient de l'identité avec le Brahman au point de ne ressentir ni dévotion ni soumission.
L'état du Brahman peut exister sans le don de soi, parce que c'est vers le Brahman impersonnel que l'on se tourne. La renonciation aux désirs et à toute identification avec la Nature caractérise cet état. On peut faire au Divin le don de sa nature autant que de son âme et par là atteindre l'état du Brahman qui n'est pas seulement négatif, mais aussi positif, car il libère la nature elle-même et ne libère pas seulement de la nature.
L'état du Brahman apporte une paix négative - shânti - et la moukti dans l'âme. Le don de soi apporte une liberté positive qui peut devenir aussi une force dynamique d'action dans la nature.
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Si vous n'êtes soumis que dans la conscience supérieure, sans paix ni pureté dans la conscience inférieure, cela ne suffit certes pas et vous devez aspirer à la paix et à la pureté partout.
Quand l'être psychique, le cœur et le mental pensant sont offerts, le reste est affaire de temps et de méthode et il n'y a plus de raison d'être troublé. Le don de soi central et réel a été accompli.
Il n'est jamais trop tôt pour accomplir le don de soi complet. Pour certaines choses il peut être nécessaire d'attendre, pas pour celle-ci.
C'est sur cette conscience d'une consécration complète que la fondation psychique de la sâdhanâ peut se construire. Une fois qu'elle est fermement établie, le cours de la sâdhanâ, quelles que soient les difficultés qui restent à surmonter, devient parfaitement facile, ensoleillé, aussi naturel que l'éclosion d'une fleur. Ce que vous ressentez est une indication de l'état qui peut et doit se développer en vous.
Si les difficultés qui surgissent sont dans la nature même, il est inévitable qu'elles sortent et se manifestent. Le don de soi n'est pas facile, une grande partie de la nature y résiste. Si le mental forme la volonté de se consacrer, tous ces obstacles intérieurs apparaissent inévitablement; le sâdhak doit alors les observer et s'en détacher, les rejeter de sa nature et vaincre. Cela peut prendre très longtemps, mais il faut le faire. Les obstacles extérieurs ne peuvent empêcher la consécration intérieure, à moins qu'ils ne soient soutenus par une résistance dans la nature elle-même.
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Cela dépend des sâdhak. Certains ont besoin de consacrer d'abord les activités extérieures pour amener la consécration intérieure.
La soumission du vital est toujours difficile à cause du mauvais vouloir des forces de l'Ignorance vitale universelle. Cette difficulté n'est pas le signe d'une incapacité fondamentale.
Il est impossible de devenir comme un enfant qui se donne entièrement, avant que le psychique ait établi sa maîtrise et soit devenu plus fort que le vital.
Le vital ordinaire n'est jamais disposé à se consacrer. Le vrai vital profond est différent: la consécration au Divin lui est aussi nécessaire qu'au psychique.
Si l'on s'identifie le moins du monde aux exigences et aux clameurs du vital, la soumission ne peut que diminuer tant que dure cette identification.
C'est la réaction que vous décrivez qui m'a fait parler d'exigence vitale. Dans le don de soi purement psychique et spirituel, il n'y a aucune réaction de ce genre, pas de dépression, pas de désespoir; on ne dit pas: "Qu'ai-je gagné à chercher le Divin?"; il n'y a ni colère ni révolte, pas d'abhimâna, pas de désir de partir comme vous l'avez écrit - mais une confiance absolue et une persévérance à s'accrocher au Divin en toutes circonstances. C'est ce que je voulais pour
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vous; c'est la seule base qui permette de n'avoir ni ennuis, ni réactions et d'avancer avec régularité.
Mais des sentiments de ce genre indiquent-ils que l'âme s'est donnée? Si le vital ne se mêle pas à eux, comment se fait-il qu'ils apparaissent quand je vous écris, et comme une conséquence du fait que je vous écrive et que j'essaie de vous montrer le chemin?
Le premier mouvement de cette partie de l'être est de se révolter lorsqu'on lui révèle sa nature et qu'on lui demande de changer.
Difficile? Le premier principe de notre sâdhanâ est que la consécration est le moyen de l'accomplissement et tant que l'on flatte l'ego ou les exigences et les désirs du vital, la consécration complète est impossible; le don de soi est incomplet. Nous ne l'avons jamais dissimulé. C'est peut-être difficile, c'est difficile, mais c'est le principe même de la sâdhanâ. Parce que c'est difficile, il faut le faire posément et avec patience jusqu'à ce que le travail soit terminé.
Vous devez rejeter avec persistance toute immixtion du vital chaque fois qu'elle apparaît. Si vous la rejetez avec fermeté, elle perdra peu à peu de sa force et s'estompera.
Votre réaction est le signe d'une survivance obstinée, mais irrationnelle et mécanique, du mouvement antérieur. C'est ainsi, en fait, que ces mouvements essaient de survivre. Ils s'en iront à coup sûr si vous ne les ravivez pas.
Je n'en doute pas un instant: vous n'avez qu'à bien comprendre et vous irez aussitôt dans la bonne direction.
La plupart des sâdhak ont des pensées de ce genre ou les ont eues à un moment ou à un autre. Elles proviennent de l'ego vital qui ne veut pas le Divin ou Le veut pour ses propres fins, non pour les fins du Divin. Il se met en fureur quand on le presse de changer ou quand ses désirs ne sont pas satisfaits: telle est l'origine de toutes ces pensées. C'est pourquoi nous attachons tant d'importance à la consécration dans notre
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yoga, car c'est seulement par la consécration (en particulier celle de l'ego vital) que ces mouvements peuvent disparaître; accepter le Divin pour le Divin et pour nul autre motif, à la manière du Divin et non à votre propre manière ou selon vos propres conditions.
C'est la soumission psychique dans le physique dont vous commencez à avoir l'expérience.
Toutes les parties sont essentiellement offertes, mais la soumission doit être rendue complète par un don de soi psychique grandissant en chacune des parties et dans tous leurs mouvements, ensemble et séparément.
Appartenir au Divin, c'est être entièrement soumis, si bien que l'on sent la Présence, le Pouvoir, la Lumière et l'Ânanda du Divin possédant tout l'être, au lieu de sentir qu'on les possède soi-même pour sa propre satisfaction. Il y a une bien plus grande extase à être soumis ainsi au Divin et possédé par Lui, qu'à être soi-même le possesseur. Et en même temps, par cette soumission, vient une heureuse et calme maîtrise de soi et de la nature.32
J'ai dit que si le principe de la consécration et de l'union est établi dans le mental et dans le cœur, il n'est pas difficile de l'étendre aux parties plus obscures du physique et du subconscient. Comme vous avez cette consécration et cette union centrale, vous pouvez facilement les rendre complètes partout. Il suffit d'aspirer en toute tranquillité à la conscience complète. Alors la lumière pénétrera la partie matérielle et le subconscient comme le reste; alors viendront une quiétude, une immensité, une harmonie dénuées de toute réaction, qui seront la base de la transformation finale.
32. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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Il existe un état où le sâdhak a conscience de la Force divine qui travaille en lui, ou tout au moins de ses résultats, et où il ne fait pas obstruction à sa descente ou à son action par ses propres activités mentales, son agitation vitale ou son obscurité et son inertie physiques. C'est cela, l'ouverture au Divin. La soumission est le meilleur moyen de s'ouvrir; mais tant que la soumission n'est pas faite, l'aspiration et la tranquillité peuvent y mener jusqu'à un certain point. Se soumettre signifie consacrer au Divin tout ce qui est en soi, lui offrir tout ce que l'on est et tout ce que l'on a, ne pas insister sur ses idées, ses désirs, ses habitudes, etc., mais permettre à la Vérité divine de les remplacer par sa connaissance, sa volonté et son action partout.33
L'ouverture se produit d'elle-même par la sincérité de la volonté et de l'aspiration. Être ouvert, c'est être capable de recevoir les forces supérieures qui viennent de la Mère.
L'ouverture de soi a pour but de permettre à la force du Divin de se déverser au-dedans, apportant la lumière, la paix, l'Ânanda, etc., et d'y accomplir la transformation. Quand l'être reçoit ainsi la Divine Shakti et qu'elle agit en lui et produit des effets (qu'il soit entièrement conscient du processus ou non), on dit qu'il est ouvert.
Ce sont des actes du mental, alors que l'ouverture est un état de la conscience dans lequel celle-ci reste tournée vers la Mère, sans autres mouvements; un état où elle se tient dans l'attente de ce qui peut venir du Divin et est capable de le recevoir.
33. Lumières sur le Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
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C'est par la confiance en la Mère que viendra l'ouverture nécessaire quand votre conscience sera prête.
Ce n'est pas par la méditation seule que viendra ce qui est nécessaire. C'est par la foi et l'ouverture à la Mère.
Veillez à rester ouvert à la Mère, souvenez-vous d'elle toujours et laissez sa Force travailler en vous, en rejetant toutes les autres influences; c'est la règle du yoga.
Dans la pratique du yoga, le but cherché ne peut être atteint que par l'ouverture de l'être à la force de la Mère et par le rejet persistant de tout égoïsme, de toute exigence, tout désir, tout motif, sauf l'aspiration à la Vérité divine. Si l'on fait cela comme il convient, la lumière et le Pouvoir divins se mettront à l'œuvre et amèneront la paix et l'équanimité, la force intérieure, la dévotion purifiée, une conscience et une connaissance de soi croissantes, car tels sont les fondements nécessaires à la siddhi du yoga.34
Le principe même de notre yoga est de s'ouvrir à l'Influence divine. Elle est là, au-dessus de vous, et si vous pouvez une fois en être conscient, vous n'avez qu'à l'appeler en vous. Elle descend dans le mental et dans le corps comme une Paix, une Lumière, une Force qui travaille, une Présence divine avec ou sans forme, un Ânanda. Avant d'avoir cette conscience, il faut avoir la foi et aspirer à s'ouvrir. L'aspiration, l'appel, la prière, ne sont que des formes différentes d'une seule et même chose, et toutes sont efficaces. Vous pouvez adopter la forme qui se présente à vous ou celle qui vous est la plus facile.
L'autre manière est la concentration; vous concentrez
34. Les Bases du Yoga, chapitre II, Traduction de la Mère.
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votre conscience dans le cœur (certains le font dans la tête ou au-dessus de la tête), vous méditez sur la Mère dans le cœur et vous l'appelez là. On peut suivre l'une ou l'autre méthode, ou les deux à des moments différents, selon ce qui vient à vous naturellement ou ce que vous êtes porté à faire sur le moment.
La seule grande nécessité, surtout au commencement, est de tranquilliser le mental, de rejeter pendant la méditation toutes les pensées et tous les mouvements étrangers à la sâdhanâ. Dans le mental tranquille se fera une préparation progressive à l'expérience. Mais vous ne devez pas vous impatienter si tout ne se fait pas immédiatement; il faut du temps pour établir dans le mental une tranquillité parfaite; vous devez persister jusqu'à ce que la conscience soit prête.35
Dans notre yoga, tout dépend si l'on peut s'ouvrir à l'Influence ou non. S'il y a une aspiration sincère et une patiente volonté d'arriver à la conscience supérieure en dépit de tous les obstacles, l'ouverture viendra sûrement sous une forme ou une autre. Mais cela prend plus ou moins de temps suivant l'état du mental, du cœur et du corps, et leur degré de préparation. Ainsi, si l'on n'a pas la patience nécessaire, les difficultés du commencement peuvent faire abandonner la tentative.
Il n'y a pas de méthode dans notre yoga, sauf de se concentrer - de préférence dans le cœur - et d'appeler la présence et le pouvoir de la Mère pour qu'elle occupe l'être et que par l'action de sa force, elle transforme la conscience. On peut se concentrer dans là tête ou entre les sourcils; mais pour beaucoup, c'est une ouverture trop difficile. Quand le mental se tranquillise et que la concentration devient forte et l'aspiration intense, c'est qu'il y a un début d'expérience. Plus grande est la foi, plus on peut s'attendre à un résultat rapide. Pour le reste, on ne doit pas dépendre de son propre effort
35. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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seulement, mais réussir à établir le contact avec le Divin et une réceptivité au Pouvoir et la Présence de la Mère.36
Votre mental et votre être psychique sont concentrés sur le but spirituel et ouverts au Divin; c'est pourquoi l'Influence descend seulement dans la tête et jusqu'au cœur; mais elle ne descend pas plus loin car l'être vital et la conscience physique sont sous l'influence de la nature inférieure. Tant que l'être vital et l'être physique ne seront pas soumis ou n'appelleront pas d'eux-mêmes la vie supérieure, le conflit continuera probablement.
Que tout en vous se soumette. Rejetez tout autre désir ou intérêt, faites appel à la Shakti divine pour qu'elle ouvre la nature vitale et fasse descendre le calme, la paix, la lumière et l'Ânanda dans tous les centres. Aspirez et attendez avec foi et patience le résultat. Tout dépend de la perfection de la sincérité ainsi que de l'intégralité de l'aspiration et de la consécration.
Le monde vous tourmentera aussi longtemps qu'une partie quelconque de vous appartiendra au monde. C'est seulement si vous appartenez entièrement au Divin que vous pouvez devenir libre.37
L'ouverture est la même pour tous. Elle commence par une ouverture du mental et du cœur, puis du vital proprement dit; quand elle atteint le vital inférieur et le physique, elle est complète. Mais l'ouverture doit s'accompagner du plein don de soi à ce qui descend: c'est la condition de la transformation complète. La vraie difficulté apparaît au dernier stade et c'est là que tout le monde trébuche jusqu'à ce qu'elle soit surmontée.
36. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
37. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
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Restez toujours en contact avec la Force divine. Le mieux pour vous est de faire cela tout simplement et de la laisser accomplir son œuvre. Partout où ce sera nécessaire, elle s'emparera des énergies inférieures et les purifiera; à d'autres moments, elle vous videra des forces inférieures et vous remplira d'elle-même. Mais si vous laissez votre mental gouverner, discuter, décider de ce qu'il faut faire, vous perdrez le contact avec la Force divine, et les énergies inférieures commenceront à agir à leur guise, et tout deviendra confusion et mouvement faux.38
1. Offrez-vous de plus en plus: toute la conscience, tout ce qui s'y passe, tout votre travail, toute votre action.
2. Si vous avez des défauts ou des faiblesses, présentez-les au Divin pour qu'ils soient changés ou abolis.
3. Essayez de faire ce que je vous ai dit, concentrez-vous dans le cœur jusqu'à ce que vous y sentiez la Présence constante.
L'ouverture et, chaque fois que c'est nécessaire, la passivité, mais à la conscience supérieure, pas à tout ce qui se présente.
Par conséquent, même la passivité doit s'accompagner d'une certaine vigilance tranquille. Autrement il peut y avoir soit des mouvements erronés, soit de l'inertie.39
Abandonner toute retenue serait donner libre cours au vital et par là laisser entrer toutes sortes de forces. Tant que la conscience supramentale n'est pas venue pour tout maîtriser et tout pénétrer, dans l'être tout entier, depuis le surmental jusqu'en bas, le jeu des forces est ambigu et chaque force, si
38. Lumières sur le Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
39. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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divine soit-elle dans son origine, peut être utilisée par les pouvoirs de Lumière ou interceptée par les Pouvoirs de l'ombre lorsqu'elle passe par le mental et le vital. La vigilance, la discrimination, la maîtrise ne peuvent être abandonnées avant que la victoire ne soit complète et la conscience transmuée.40
Non, la vigilance ne doit pas se relâcher. En fait, c'est seulement quand la Connaissance et l'action automatiques se sont établies dans l'être qu'une vigilance constante cesse d'être nécessaire; même alors, on ne peut pas l'abandonner tout à fait avant que la pleine Lumière soit venue.
Trois possibilités principales s'offrent au sâdhak: (1) compter sur la Grâce et s'en remettre au Divin; (2) tout faire par lui-même comme l'adwaïtin et le bouddhiste; (3) prendre la voie du milieu et avancer par aspiration, rejet, etc., avec l'aide de la Force.
Chaque mental peut avoir sa propre manière d'approcher la Vérité suprême; il y a pour chacun une porte d'entrée et aussi mille routes pour y parvenir. Il n'est pas nécessaire que chacun croie en la Grâce ni qu'il reconnaisse une Divinité distincte de son propre Moi suprême: certains n'ont besoin d'aucune forme de yoga ; ils atteignent leur réalisation par une sorte de pression du mental, du cœur ou de la volonté, qui crève l'écran tendu entre ceux-ci et ce qui, à la fois, les dépasse et en est l'origine. L'écran une fois déchiré, la suite dépend de l'action de la Vérité sur la conscience et des tendances de la nature. Il n'y a par conséquent aucune raison que X n'obtienne pas la réalisation de son être à sa manière, par une croissance du dedans; non par la Grâce divine, si son mental
40. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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s'oppose à cette définition, mais par ce que nous pourrions appeler le mouvement spontané du Moi en lui.
Car cette "Grâce", nous la décrivons ainsi parce que nous sentons, dans l'Esprit infini ou l'Existence absolue, une Présence ou un Être, une Conscience - c'est ce que nous appelons le Divin - qui détermine non pas une personne séparée, mais l'Être unique dont notre moi individuel est une parcelle ou un réceptacle. Mais il n'est pas indispensable que tous l'envisagent ainsi. Supposons qu'il ne soit rien d'autre que le Moi impersonnel de tous; l'Oupanishad dit pourtant de ce Moi et de sa réalisation: "Cette compréhension ne peut être acquise ni par le raisonnement, ni par la Tapasyâ, ni par une longue étude; mais celui que ce Moi choisit, il lui révèle son propre corps." Eh bien, c'est la même chose que ce que nous appelons la Grâce divine. C'est une action d'en haut ou du dedans, indépendante de causes mentales, qui décide elle-même de ses propres mouvements. Nous pouvons l'appeler Grâce divine; nous pouvons dire que c'est le Moi intérieur qui choisit son heure et sa manière de se manifester à l'instrument mental de surface; nous pouvons l'appeler épanouissement de l'être intérieur ou de la nature intérieure en une réalisation du moi et une connaissance du moi. Quelque chose en nous l'aborde d'une certaine manière, ou elle-même se présente à nous sous une certaine forme, et c'est ainsi que le mental la verra. Mais en réalité c'est la même chose et le même processus de l'être dans la Nature.
Je voudrais vous parler de la Grâce divine, car vous semblez penser que c'est une sorte de Raison divine dont la démarche diffère assez peu de celle de l'intelligence humaine. Il n'en est rien. Ce n'est pas non plus une Compassion divine universelle qui agit impartialement à l'égard de tous ceux qui l'approchent et exauce toutes les prières. Elle ne choisit pas le juste pour rejeter le pécheur. La Grâce divine vient en aide au persécuteur (Paul de Tarse), elle est venue à saint Augustin le
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débauché, à Jagaï et Madhaï,41 tristement célèbres, à Bilwamangal et à bien d'autres dont la conversion a de quoi scandaliser le puritanisme de l'intelligence morale humaine; mais elle peut aussi venir aux justes et les guérir de leur pharisaïsme pour les mener plus loin, vers une conscience plus pure. C'est un pouvoir supérieur à toute règle, même à la Loi cosmique, car tous les voyants spirituels ont fait la distinction entre la Loi et la Grâce. Elle n'est pourtant pas sans discernement; seulement elle a un discernement à elle, qui voit les choses, les personnes, le moment et l'époque justes, dans une vision différente de celle du Mental ou de tout autre pouvoir normal. Souvent, un état de Grâce se prépare dans l'individu derrière des voiles épais, par des moyens que le mental ne peut calculer, et quand vient l'état de Grâce, alors la Grâce elle-même agit. Il y a trois pouvoirs: (1) la Loi cosmique, Karma ou autre; (2) la Compassion divine qui agit sur tous ceux qu'elle peut saisir en dépit des filets de la Loi, pour leur donner leur chance; (3) la Grâce divine dont l'action est plus incalculable, mais aussi plus irrésistible que celle des deux autres. Toute la question est de savoir si, derrière toutes les fluctuations de la vie, quelque chose peut répondre à l'appel et s'ouvrir, même avec difficulté, au point de devenir prêt à recevoir l'illumination de la Grâce divine; et ce quelque chose ne doit pas être un mouvement mental et vital, mais un quelque chose d'intérieur très visible pour la vision intérieure. Si ce quelque chose est là et devient actif au premier plan de l'être, alors la Compassion peut agir, même si parfois la Grâce, pour déployer tout son action, doit encore attendre la décision finale ou la transformation définitive; car celles-ci peuvent être reportées à plus tard si une parcelle ou un élément de l'être, qui n'est pas encore prêt à la recevoir, vient s'interposer.
Mais pourquoi, permettre à n'importe quoi d'intervenir entre vous et le Divin, n'importe quelle idée, n'importe quel
41. Deux voleurs de grand chemin que Chaïtanya convertit d'un regard avant de les mener jusqu'à la Réalisation.
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incident? Quand vous êtes plein d'aspiration et de joie, rien ne doit compter, rien ne doit avoir d'importance si ce n'est le Divin et votre aspiration. Si l'on veut le Divin rapidement, absolument, totalement, tel doit être l'esprit dans lequel on l'aborde: absolu, embrassant tout, objectif unique auquel rien ne doit s'opposer.
Quelle valeur peuvent avoir les idées mentales sur le Divin, les idées sur ce qu'il devrait être, comment il devrait agir, comment il ne devrait pas agir? Elles ne peuvent que barrer la route. Le Divin seul importe. Quand votre conscience embrassera le Divin, alors vous pourrez savoir ce qu'est le Divin, pas avant. Krishna est Krishna, on ne se soucie pas de savoir ce qu'il a fait ou n'a pas fait; tout ce qui compte, c'est de le voir, de le rencontrer, de sentir la Lumière, la Présence, l'Amour et l'Ânanda. Ainsi en est-il toujours de l'aspiration spirituelle: telle est la loi de la vie spirituelle.
"L'action ordinaire du Divin est une intervention constante dans la loi même des choses": qu'il en soit ainsi ou non, ce n'est pas ce que l'on appelle en général la Grâce divine. La Grâce divine n'est pas prévisible, elle n'est liée par aucune condition que puisse fixer l'intellect; bien que d'ordinaire un appel, une aspiration, une intensité de l'être psychique suscite son intervention, elle agit parfois sans cause apparente, pas même une cause de ce genre.
Il n'est pas indispensable que la Grâce agisse d'une manière accessible au mental humain; d'ordinaire elle ne le fait pas. Elle agit à sa propre manière qui est "mystérieuse". Au début, elle agit en général derrière le voile, prépare les choses sans se manifester. Ensuite elle peut se manifester, mais le sâdhak ne comprend pas très bien ce qui se passe; quand enfin
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il est capable de comprendre, il sent et comprend à la fois ou du moins commence à le faire. Certains sentent et comprennent dès le début ou très tôt, mais d'habitude ce n'est pas le cas.
Il n'y a rien d'inintelligible dans ce que j'ai dit sur la force du sâdhak et la Grâce. La force a sa valeur pour la réalisation spirituelle, mais dire que cette réalisation ne peut être atteinte que par la force à l'exclusion de tout autre moyen est une furieuse exagération. La Grâce n'est pas une invention, c'est un fait d'expérience spirituelle. Nombreux sont ceux qui seraient considérés comme des rien du tout par les sages et les forts et qui ont réussi par la Grâce: illettrés, sans pouvoir mental, sans instruction, sans "force" de caractère ou de volonté, ils ont pourtant aspiré et ont grandi soudain, ou très vite, dans la réalisation spirituelle, parce qu'ils avaient la foi ou parce qu'ils étaient sincères. Je ne vois pas pourquoi ces faits, qui sont des faits de l'histoire spirituelle et d'une expérience spirituelle tout à fait ordinaire, devraient être discutés, niés ou débattus comme s'ils étaient matière à spéculation.
La force, si elle est spirituelle, est un pouvoir de réalisation spirituelle ; la sincérité est un pouvoir plus grand ; le plus grand de tous les pouvoirs est la Grâce. Je l'ai dit et répété, si un homme est sincère, il ira jusqu'au bout, en dépit de la longueur du chemin et du poids accablant des difficultés. J'ai parlé à de nombreuses reprises de la Grâce divine. J'ai cité très souvent le verset de la Guîtâ:
"Je te délivrerai de tout péché et de tout mal, ne t'afflige point."42
C'est une question à laquelle il ne peut y avoir de réponse tranchée, parce qu'elle met en opposition deux aspects dont chacun est une vérité. Sans la Grâce du Divin rien ne peut être
42. Bhagavad Guîtâ, 18, 66.
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fait, mais pour que la Grâce se manifeste dans sa plénitude, le sâdhak doit s'être lui-même préparé. Si tout dépend de l'intervention divine, alors l'homme n'est qu'un pantin, la sâdhanâ est sans utilité et il n'y a ni conditions, ni loi des choses, par conséquent pas d'univers, mais seulement le Divin qui fait rouler les choses ça et là selon son bon plaisir. On peut, sans aucun doute, dire qu'en dernier ressort tout est le travail cosmique du Divin, mais c'est par l'intermédiaire des personnes et des forces qu'il se fait, selon les conditions imposées par la Nature. Des interventions spéciales, il peut y en avoir, mais tout ne peut pas être intervention spéciale. Quant à l'expérience citée, elle se déroulait probablement sur le plan vital: son caractère vif et soudain porte la marque du vital, mais les expériences de ce genre ne durent pas, elles ne sont qu'une préparation. C'est d'ordinaire quand on est entré en contact avec ce qui est au-delà du mental, du vital et du corps et que l'on s'est élevé jusque-là que viennent les grandes réalisations fondamentales et durables.
Le yoga est un effort, une tapasyâ; il ne peut cesser de l'être que lorsqu'on s'offre sincèrement à une Action supérieure, que l'on garde cette attitude d'offrande et qu'on la rend complète. Ce n'est ni une fantaisie dénuée de toute raison et de toute cohérence, ni un pur miracle. Il a ses lois et ses conditions et je ne vois pas comment vous pouvez exiger du Divin qu'il bouleverse tout par miracle.
Je n'ai jamais dit que notre yoga était sans danger: aucun yoga n'en est dépourvu. Chacun a ses dangers, comme toute grande tentative de la vie humaine. Mais il peut être mené à bien si l'on a une sincérité centrale et une fidélité au Divin. Ce sont les deux conditions nécessaires.
Ce que dit Brahmânanda sur la tapasyâ est évidemment vrai.
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Si l'on n'est pas prêt à s'adonner au labeur et à la tapasyâ, à maîtriser le mental et le vital, on ne peut pas exiger de grands bénéfices spirituels, car le mental et le vital trouveront toujours des astuces et des prétextes pour prolonger leur règne, imposer leurs goûts et dégoûts et retarder le jour où il leur faudra devenir des instruments obéissants et de libres passages pour l'âme et l'esprit. La Grâce peut parfois apporter des fruits immérités ou qui semblent tels, mais on ne peut pas exiger la Grâce comme un droit et un privilège, car alors elle ne serait plus la Grâce. Vous l'avez vu, on ne peut pas prétendre qu'il suffit de crier pour que vienne la réponse. Par ailleurs j'ai toujours constaté qu'une longue préparation, à laquelle on n'avait pas prêté attention, avait précédé l'intervention de la Grâce, et aussi qu'après cette intervention il faut encore beaucoup œuvrer pour conserver et développer ce que l'on a reçu, comme c'est le cas pour tout le reste tant que la siddhi n'est pas complète. Lorsqu'elle est achevée, le labeur est bien sûr terminé et la possession sûre. La tapasyâ, d'un genre ou d'un autre, est donc inévitable.
Vous avez raison aussi de parler d'obstacles imaginaires... C'est pourquoi nous avons toujours dénigré les constructions mentales et les formations vitales: elles sont les lignes de défense qu'élèvent le mental et le vital pour ne pas être la proie du Divin. Quoi qu'il en soit, la première chose à faire est de prendre conscience de tout cela, ce que vous avez maintenant réalisé; le secret est de continuer avec fermeté à tout jeter à bas et à faire une table rase, à établir une fondation de calme, de paix, d'ouverture heureuse où puisse s'élaborer la vraie construction.
La meilleure méthode est de permettre à la Grâce divine d'agir en vous, de ne jamais vous opposer à elle, de ne jamais manquer de reconnaissance envers elle, de ne jamais vous retourner contre elle, mais au contraire de toujours la suivre vers le but de Lumière, de Paix, d'Unité, d'Ânanda.
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Rares sont ceux à qui la Grâce est retirée ; nombreux sont ceux qui se retirent de la Grâce.
Le don de soi est bon quel que soit le moyen employé, mais de toute évidence l'Impersonnel ne suffit pas, car le don de soi à l'Impersonnel peut n'avoir qu'un résultat limité à l'expérience intérieure, sans aucune transformation de la nature extérieure.
Oui, la soumission au Divin impersonnel (sans forme) laisserait certaines parties de l'être assujetties aux gouna et à l'ego, car les parties statiques seraient libérées dans le sans-forme alors que la nature active resterait livrée au jeu des gouna. Nombreux sont ceux qui se croient libérés de l'ego parce qu'ils ont le sentiment d'une existence sans forme. Ils ne voient pas que des éléments égoïstes subsistent dans leurs actes tout comme avant.
Vous parlez de l'Impersonnel comme si c'était une Personne. L'Impersonnel n'est pas Lui, c'est Cela. Comment un Cela pourrait-il guider ou aider? Le Brahman impersonnel est inactif, lointain, indifférent, il ne se soucie pas de ce qui se passe dans l'univers. C'est le Permanent du Bouddha. Quelle que soit la Vérité ou la Lumière impersonnelle, il vous faut la découvrir, l'employer et en faire ce que vous pouvez. Elle ne prend pas la peine de vous courir après. Vous devez tout faire par vous-même: c'est la conception bouddhiste.
On dit que la soumission au Gourou surpasse toutes les soumissions parce qu'en elle, vous vous donnez non seulement à l'impersonnel, mais aussi au personnel, non seulement
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au Divin dans le moi mais aussi au Divin extérieur à vous; ainsi vous avez l'occasion de surmonter l'ego non seulement par un retrait dans le moi où l'ego n'existe pas, mais aussi en demeurant dans la nature personnelle où il est le maître. C'est le signe que la volonté de se donner au Divin tout entier est complète, samagram mâm.43 ...mânoushîm tanoum âshritam .44 Pour que tout cela soit vrai, il faut, c'est évident, que la soumission spirituelle soit authentique.
Le Gourou doit être accepté de toutes les manières: transcendante, impersonnelle, personnelle.
Le Gourou est le Guide dans le Yoga. Quand le Divin est accepté comme Guide, Il est accepté comme Gourou.
La relation entre Gourou et disciple n'est que l'une des nombreuses relations que l'on peut avoir avec le Divin et dans notre yoga, où le but est une réalisation supramentale, il n'est pas habituel de lui donner ce nom; le Divin est plutôt considéré comme la Source, le vivant Soleil de Lumière, de Connaissance, de Conscience et de réalisation spirituelle, et tout ce que l'on reçoit, on le sent venir de là, on sent que tout l'être est remodelé par la Main divine. C'est une relation plus grande et plus intime que la relation entre Gourou humain et disciple qui relève d'un idéal mental plus limité. Néanmoins si l'intellect a encore besoin de cette conception mentale, qui lui est plus familière, elle peut être conservée tant qu'elle est nécessaire; seulement ne permettez pas à l'âme de s'y attacher,
43. Samagram mâm (jnâtvâ): Tu me connaîtras intégralement (Guîtâ, 7.1).
44. Logé dans le corps humain (Guîtâ, 9.11).
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ne laissez pas cette conception mentale restreindre l'afflux d'autres relations avec le Divin et de formes d'expérience plus vastes.45
Le mot gourou n'est pas employé d'habitude dans le yoga supramental; ici tout vient du Divin lui-même. Mais si quelqu'un veut l'utiliser, il le peut, pour le moment.
Non, la soumission au Divin et la soumission au Gourou sont deux choses différentes. En se soumettant au Gourou, c'est au Divin en lui que l'on se soumet; si le don de soi ne s'adressait qu'à l'entité humaine, il serait inefficace. Mais c'est la conscience de la Présence divine qui fait du Gourou un vrai Gourou, de sorte que même si le disciple se soumet à lui en pensant à l'être humain auquel il se soumet, cette Présence rendra tout de même le don de soi efficace.
Tous les vrais Gourous sont un même Gourou, le Gourou unique, parce que tous sont le Divin unique. C'est là une vérité fondamentale et universelle. Mais il est vrai aussi qu'ils sont différents: le Divin réside dans des personnalités dont chacune a un mental et un enseignement différents, une influence différente, afin de pouvoir guider vers la réalisation, par des voies différentes, des disciples différents qui ont chacun leurs besoins, des caractères et des destins qui leur sont propres. Parce que tous les Gourous sont le même Divin, il ne s'ensuit pas que le disciple ait raison d'abandonner celui qui lui était destiné pour en suivre un autre. La tradition indienne exige de chaque disciple la fidélité au Gourou. "Tous sont le même" est une vérité spirituelle, mais vous ne pouvez pas convertir sans discrimination cette vérité en actes: on ne peut pas traiter toutes les personnes de la même
45. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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manière parce qu'elles sont toutes le Brahman unique; si l'on agissait ainsi le résultat pratique serait un affreux gâchis. C'est la rigidité de la logique mentale qui crée la difficulté; mais en matière de spiritualité la logique mentale se trompe aisément: l'intuition, la foi, une souple raison spirituelle sont ici les seuls guides.
Quant à la foi, elle n'est pas, au sens spirituel, une croyance mentale qui peut vaciller et changer. Elle peut revêtir cette forme dans le mental, mais alors cette croyance n'est pas la foi, elle n'en est que la forme extérieure. De même le corps - la forme extérieure - peut changer alors que l'esprit ne change pas. La foi est une certitude de l'âme qui ne dépend ni du raisonnement, ni de telle ou telle conception mentale, ni des circonstances, ni de tel ou tel état passager du mental, du vital ou du corps. Elle peut être cachée, éclipsée, elle peut même sembler éteinte, .elle réapparaît après la tempête ou l'éclipsé; on la voit brûler encore dans l'âme alors qu'on la Croyait morte à jamais. Le mental peut être un mouvant océan de doutes, et pourtant il se peut que la foi soit là, au-dedans, et s'il en est ainsi elle maintiendra le mental dans le chemin, même s'il est labouré par les doutes, de sorte qu'en dépit de lui-même il poursuivra sa marche vers le but qui lui est assigné. La foi est une certitude spirituelle de l'existence de l'esprit, du divin, de l'idéal de l'âme, quelque chose qui s'accroche à eux même s'ils ne se réalisent pas dans la vie, même quand les données immédiates ou les circonstances persistantes semblent les nier. Cette expérience est générale dans la vie de l'être humain; s'il n'en .était pas ainsi, l'homme serait le pantin d'un mental changeant ou le jouet des circonstances.
À la lecture des lettres de X je ne suis pas frappé d'admiration par 1'aperçu46 qu'elles donnent des courants de pensée actuels et des tendances générales; ce que j'ai trouvé admirable, c'est
46. En français dans le texte.
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plutôt son pouvoir de prendre un recul aussi total à l'égard de ces pensées et de ces tendances et de les contempler à partir d'une source de connaissance nouvelle (pour lui) et permanente. S'il avait continué à s'intéresser à ces mouvements actuels de l'humanité et qu'il était resté en contact avec eux, je ne pense pas qu'il en aurait tiré davantage que Romain Rolland ou un autre. Mais il est parvenu au point de vue yoguique, à la vision d'en haut, et c'est la spontanéité avec laquelle il a été capable de le faire qui m'a frappé.
J'expliquerais le fait que son progrès l'ait mené si loin non pas entièrement par sa propre supériorité, je veux dire par une aptitude générale au yoga, mais par la rapidité et la perfection avec lesquelles il a pris l'attitude intérieure du bhakta et du disciple. Il est rare qu'un mental moderne y parvienne, que ce soit celui d'un Européen ou d'un Indien "éduqué"; car le mental moderne est analytique, dubitatif, instinctivement "indépendant" même quand il ne veut pas l'être; il se retient et hésite devant la Lumière et l'Influence qui viennent à lui; il n'y plonge pas avec une simplicité directe pour s'écrier: "Me voici, prêt à rejeter loin de moi tout ce qui était ou semblait être moi, si par là je puis entrer en Toi; remodèle ma conscience en la Vérité à Ta manière, la manière du Divin." Quelque chose en nous est prêt à le faire, mais l'autre élément intervient et tisse un rideau de non-réceptivité; je sais par expérience - la mienne et celle des autres - combien peut s'en trouver allongée une route qui jamais, pour nous peut-être qui cherchons l'entière vérité, n'eût été courte ni aisée: nous aurions pourtant pu nous épargner bien des errances, bien des arrêts, des reculs et des détours. J'en admire d'autant plus l'aisance avec laquelle X semble avoir surmonté ce formidable obstacle.
Je ne sais pas si son Gourou est toujours à la hauteur, mais avec l'attitude que X a prise, ses lacunes, s'il en a, sont sans importance. Les défauts humains du Gourou ne peuvent pas constituer un obstacle quand l'ouverture psychique, la confiance et la soumission sont là. Le Gourou est le canal du Divin, son représentant ou sa manifestation, selon la mesure de sa
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personnalité ou de sa réalisation; mais quel qu'il soit, c'est au Divin que l'on s'ouvre en s'ouvrant à lui et si le pouvoir du canal détermine quelque chose, l'attitude intrinsèque inhérente à la conscience réceptrice est encore plus déterminante: un élément émerge dans son mental de surface, confiance simple ou don de soi inconditionnel et direct, et une fois que cet élément est là, l'essentiel peut être obtenu même de quelqu'un qui paraît, à tout autre que le disciple, une source spirituelle inférieure; le reste grandira de soi-même dans le sâdhak par la Grâce du Divin, même si l'être humain dans le Gourou n'est pas capable de le donner. C'est ce que X semble avoir fait, peut-être dès le début; mais de nos jours la plupart des disciples ne semblent pouvoir adopter cette attitude qu'avec difficulté, après beaucoup d'hésitations, de retards et d'ennuis. En ce qui me concerne, je dois le premier tournant décisif de ma vie intérieure à quelqu'un qui m'était de très loin inférieur par l'intellect, l'éducation et la capacité et qui n'était en aucun cas spirituellement parfait ou suprême; mais puisque j'avais vu derrière lui un Pouvoir et que j'avais décidé de m'adresser à ce Pouvoir pour recevoir son aide, je me suis remis entièrement entre ses mains et j'ai suivi ses directives avec la passivité d'un automate. Il en était lui-même stupéfié et a dit aux autres disciples que jamais il n'avait rencontré personne qui soit capable de se soumettre aussi totalement, sans réserve ni discussion, à la direction de celui qui était là pour l'aider. Le résultat fut une série d'expériences transformatrices d'un caractère si radical qu'il était incapable de suivre et qu'il a dû me dire de m'abandonner à l'avenir au Guide intérieur avec une soumission aussi totale que celle que j'avais manifestée à l'égard de son canal humain. Je donne cet exemple pour montrer comment ces choses fonctionnent; elles ne se conforment pas aux calculs que la raison humaine voudrait imposer, mais à une loi plus mystérieuse et plus grande.
Votre Gourou peut être inférieur en capacités spirituelles (à
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vous-même ou à d'autres Gourous), porter en lui de nombreuses imperfections humaines, et pourtant si vous avez la foi, la bhakti, l'étoffé spirituelle qu'il faut, vous pouvez par son intermédiaire entrer en contact avec le Divin, accéder à des expériences spirituelles, à la réalisation spirituelle, avant que le Gourou lui-même y parvienne. Notez bien le "si" car cette stipulation est indispensable; n'importe quel disciple ne peut pas le faire avec n'importe quel Gourou. D'un charlatan, vous n'obtiendrez rien que son charlatanisme. Le Gourou doit avoir en lui quelque chose qui rend possible le contact avec le Divin, quelque chose qui agit même si dans son mental extérieur, il n'a pas tout à fait conscience de cette action. S'il n'a rien de spirituel en lui, ce n'est pas un Gourou, mais une contrefaçon. Nul doute que la réalisation spirituelle puisse être très différente d'un Gourou à un autre; mais elle dépend beaucoup de la relation intérieure entre Gourou et shishya. On peut s'adresser à un très grand maître spirituel et ne rien recevoir de lui, ou n'en recevoir que peu de chose; on peut s'adresser à un homme d'une moindre capacité spirituelle et en recevoir tout ce qu'il a à donner et plus. Les causes de cette disparité sont diverses et subtiles; je n'ai pas besoin de m'étendre là-dessus. C'est différent avec chacun. Je crois que le Gourou est toujours prêt à donner ce qui peut être donné, si le disciple peut recevoir ou, peut-être, quand il est prêt à recevoir. S'il refuse de recevoir ou s'il se conduit, à l'intérieur ou à l'extérieur, de telle manière qu'il soit incapable de recevoir, s'il n'est pas sincère ou prend la mauvaise attitude, alors les choses deviennent difficiles. Mais si l'on est sincère, fidèle et que l'on a l'attitude juste, et si le Gourou est un vrai Gourou, alors après un temps plus ou moins long, cela viendra.
Râmakrishna a eu lui-même la siddhi avant de commencer à donner aux disciples; il en est de même de Bouddha. Pour les autres, je ne sais pas. Par perfection on entend évidemment siddhi dans son propre sentier, réalisation. Râmakrishna a
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toujours posé comme règle que l'on ne doit pas enseigner aux autres avant d'en avoir la pleine autorité.
L'action de la Force n'exclut pas la tapasyâ, la concentration et la nécessité de la sâdhanâ. Elle vient plutôt en réponse à leur appel ou pour les aider. Il est vrai que la Force agit parfois sans elles; très souvent, elle répond à ceux qui ne s'y sont pas prépares et ne semblent pas être prêts. Mais elle n'agit pas toujours ou pas généralement ainsi, ce n'est pas non plus une sorte de magie qui fonctionne dans le vide ou sans aucune méthode. Pas plus que ce n'est une machine qui agirait de la même manière sur tout le monde ou en toutes conditions et circonstances; ce n'est pas une Force physique, c'est une Force spirituelle et son action ne peut pas se réduire à quelques règles.
En ce qui concerne le pouvoir du Gourou qui se bornerait à être celui d'un instructeur capable de montrer la voie, mais non d'aider ni de guider, c'est la conception de certains chemins de yoga comme le pur adwaïta et le bouddhisme selon lesquels vous devez vous reposer uniquement sur vous-même sans que personne ne puisse vous aider; cependant, le pur adwaïtin lui-même se repose en fait sur le gourou et le principal mantra du bouddhisme préconise le sharanam en Bouddha. Dans d'autres sentiers de sâdhanâ, en particulier ceux qui, comme celui de la Guîtâ, admettent la réalité de l'âme individuelle, "parcelle éternelle" du Divin, ou qui croient à la fois en la réalité du Bhagavân et en celle du bhakta, on a toujours considéré l'aide du gourou comme un appui indispensable.
Je ne comprends pas l'objection contre la validité de l'expérience de Vivékânanda: c'est exactement la réalisation décrite dans les Oupanishad comme l'expérience suprême du Moi. Il est inexact qu'une expérience acquise en samâdhi ne puisse pas se prolonger dans l'état de veille.
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Oui, c'est un défaut du vital; la volonté de se discipliner est absente. On doit recevoir l'enseignement du professeur et agir selon ses instructions, parce que le professeur connaît le sujet et sait comment il doit être appris, tout comme en matière spirituelle on doit obéir à un gourou qui a la connaissance et connaît le chemin. Si l'on apprend tout par soi-même on risque d'apprendre tout de travers. À quoi sert la liberté d'apprendre de travers? Évidemment, si l'élève est plus intelligent que le professeur, il apprendra plus que le professeur, de même que par une grande capacité spirituelle on peut parvenir à une réalisation que le gourou n'a pas; même dans ce cas, cependant, la surveillance et la discipline sont indispensables dans les premiers stades.
Aucun homme libéré ne s'est élevé jusqu'à présent contre le gourouvâda; en général, seuls ceux qui vivent dans le mental ou le vital et ont l'orgueil du mental et l'arrogance du vital trouvent qu'il est au-dessous de leur dignité de se reconnaître un gourou.47
Tout cela, c'est du yoga populaire. Le contact du gourou ou sa grâce peuvent ouvrir quelque chose, mais les difficultés n'en doivent pas moins être résolues. La vérité, c'est que si la soumission est complète et s'accompagne de la prédominance du psychique, ces difficultés ne sont plus ressenties comme des entraves ou des obstacles, mais seulement comme des imperfections superficielles que l'action de la grâce éliminera.
Je pense que cette parole de Râmakrishna48 témoigne d'un
47. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
48. "Par la grâce (kripâ) du Gourou toutes les difficultés peuvent disparaître en un éclair, comme se dissipe une obscurité immémoriale dès l'instant où vous craquez une allumette."
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certain événement caractéristique dans la sâdhanâ et ne peut pas être interprétée dans un sens général et absolu, car dans ce sens elle peut difficilement être vraie. Toutes les difficultés disparaissant en une minute? Vivékânanda avait la grâce de Râmakrishna dès le début, et pourtant la difficulté causée par ses doutes a duré, je crois, assez longtemps; jusqu'à la fin de sa vie il a eu des difficultés à maîtriser la colère au point de dire que tout ce qui était bon en lui était un don de son gourou, alors que ces défauts (colère, etc.) lui appartenaient en propre. Ce qui est peut-être vrai, c'est que la difficulté centrale peut disparaître par un certain contact entre le gourou et le disciple. Mais qu'entend-on parkripâ7 Si c'est la compassion et la grâce générales du gourou, on pourrait penser qu'elles sont toujours sur le disciple; le fait même d'avoir été accepté comme disciple est une grâce et l'aide est là pour que le disciple la reçoive. Mais le contact de la grâce, de la grâce divine, qu'elle vienne directement ou par l'intermédiaire du gourou, est un phénomène spécial qui a deux aspects: la grâce du gourou ou du Divin - en fait les deux ensemble - d'une part, et de l'autre un "état de grâce" dans le disciple. Cet "état de grâce" est souvent préparé par une longue tapasyâ ou une longue purification où rien de décisif ne semble se produire, tout au plus des contacts, des aperçus ou des expériences passagères, et il apparaît soudain sans prévenir. Si c'est bien de cela qu'il s'agit dans cette parole de Râmakrishna, alors il est vrai que, lorsque vient cet état de grâce, les difficultés fondamentales peuvent disparaître en un moment et en général c'est ce qu'elles font. Ou du moins quelque chose se passe qui rend la suite de la sâdhanâ - si longue soit-elle - sûre et sans danger.
C'est aux disciples du type "petit chat" que ce contact décisif vient le plus facilement, à ceux qui, à un certain point situé entre le psychique et le vital émotif, ont un mouvement rapide et décisif de soumission au Gourou ou au Divin. J'ai constaté que lorsque ce mouvement est possible et qu'un sentiment de dépendance consciente et centrale domine aussi le mental et le reste du vital, la difficulté fondamentale
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disparaît. Si d'autres difficultés subsistent, elles ne sont pas ressenties comme telles, mais comme des choses qui doivent tout simplement être faites et dont on n'a pas besoin de se préoccuper. Parfois aucune tapasyâ n'est nécessaire; on se contente d'en référer au Pouvoir que l'on sent guider ou faire la sâdhanâ et on consent à son action en rejetant tout ce qui s'y oppose. Le Pouvoir élimine alors ce qui doit être éliminé, transforme ce qui doit être transformé par un mouvement rapide ou lent; mais cette rapidité ou cette lenteur paraissent sans importance puisqu'on est sûr que ce sera fait. Si une tapasyâ est nécessaire, on la sent si fortement soutenue qu'elle n'a rien d'austère ni de pénible.
Quant aux autres disciples, ceux du type "petit singe" ou ceux qui, encore plus indépendants, suivent leurs propres conceptions, font la sâdhanâ par eux-mêmes et ne demandent qu'un enseignement ou une aide, la grâce du gourou est là, mais elle agit selon la nature du sâdhak et accompagne ses efforts dans une mesure plus ou moins grande; elle donne son aide, porte secours dans la difficulté, sauve au moment du danger, mais le disciple n'est pas toujours conscient de ce qui se fait, il en est peut-être à peine conscient, tout absorbé qu'il est en lui-même et dans son effort. Dans les cas de ce genre le mouvement psychologique décisif, le contact qui éclaircit tout, peut exiger plus de temps.
Mais pour tous la kripâ est là à l'oeuvre, d'une manière ou d'une autre, et elle ne peut abandonner le disciple que si le disciple lui-même l'abandonne ou la rejette par une révolte décisive et définitive, par le rejet du gourou, en coupant les amarres et en déclarant son indépendance, ou par un acte ou un parti pris de trahison qui le sépare de son être psychique. Même dans ces cas, sauf peut-être le dernier s'il est poussé à l'extrême, un retour à la grâce n'est pas impossible.
Telle est ma connaissance et telle est mon expérience en la matière. Quant à savoir ce qu'il y a derrière cette parole de Râmakrishna et s'il l'entendait lui-même dans un sens général et absolu, je ne me prononce pas.
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n a toujours dit qu'en prenant des disciples on prenait sur soi les difficultés des disciples autant que les siennes propres. Mais si le gourou ne s'identifie pas au disciple, ne l'inclut pas dans sa conscience, le laisse à l'extérieur et se contente de lui donner l'oupadésha en le laissant faire tout le reste, il est évident que le risque est très minimisé, devient pratiquement nul.
Lorsqu'on est sincèrement déterminé à se soumettre, il ne faut rien dissimuler qui soit de quelque importance pour la vie de la sâdhanâ. La confession aide à purger la conscience des éléments qui l'encombrent, débarrasse l'atmosphère intérieure et rend plus proche, plus intime et plus efficace la relation entre le gourou et le disciple.
VI
Tout est ainsi sur le chemin de la sâdhanâ: il faut persévérer quel que soit le temps requis; c'est la seule façon de réussir.
Le pouvoir nécessaire dans le yoga, c'est le pouvoir d'endurer l'effort, les difficultés ou les vicissitudes sans être fatigué, déprimé, découragé ni impatient et sans interrompre son effort, sans abandonner son but ou sa résolution.
Quelle que soit la méthode utilisée, la persistance et la persévérance sont essentielles. Car quelle que soit la méthode utilisée, la complexité de la résistance naturelle sera là pour la combattre.
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Un yoga comme celui-ci exige de la patience, car il consiste à transformer à la fois les mobiles fondamentaux de la nature et chacune de ses parties, chacun de ses détails. Cela n'avance à rien de dire: "Hier j'avais décidé de me donner tout entier à la Mère et voyez, ce n'est pas fait, au contraire, toutes les vieilles choses qui s'y opposent reviennent une fois de plus." Évidemment, quand vous en êtes au point où vous prenez une résolution de ce genre, tout ce qui y est contraire se soulève aussitôt; c'est ce qui arrive, invariablement. Ce qu'il faut faire, c'est reculer d'un pas, observer et rejeter, ne pas permettre à ces choses de s'emparer de vous, tenir votre volonté centrale séparée d'elles et faire appel à la Force de la Mère pour qu'elle les affronte en vous; si l'on s'y laisse prendre, comme cela arrive souvent, il faut se dégager le plus vite possible et se remettre à avancer. C'est ce que tout le monde fait, c'est ce qui se fait dans tous les yogas: être déprimé parce qu'on ne peut pas tout faire à toute allure est tout à fait contraire à la réalité des choses.
La régularité que vous avez acquise n'est pas une vertu personnelle; elle ne peut persister que si vous maintenez le contact avec la Mère; car c'est sa Force qui est derrière, comme elle est à l'arrière-plan de tous les progrès que vous pouvez faire. Apprenez à compter sur cette Force, à vous ouvrir plus complètement à elle et à rechercher même le progrès spirituel non pour vous-même, mais pour le Divin; alors vous avancerez avec moins d'à-coups.
Il est certain qu'une ardente aspiration pour le Divin aide à progresser, mais la patience est nécessaire aussi. Le changement à faire est très grand et bien qu'à certains moments il puisse être très rapide, il ne l'est jamais tout le temps. Les vieilles choses essaient de se cramponner le plus longtemps possible; les nouvelles doivent se développer et il faut du temps à la conscience pour qu'elle les assimile et en fasse des éléments normaux de la nature.
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Gardez ferme dans votre mental la foi que ce qui est nécessaire est en train de se faire et sera fait entièrement. Il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet.
Il est vrai qu'une grande patience et une grande fermeté sont nécessaires. Soyez donc ferme, patient, fixé sur les buts de la sâdhanâ, mais ne soyez pas trop avide de les atteindre tout de suite. Un travail doit être fait en vous et il est en train d'être fait; aidez-le à se faire en conservant une ferme attitude de foi et de confiance. Les doutes apparaissent en tous, ils sont naturels au mental physique humain: rejetez-les. L'impatience et un désir trop ardent d'obtenir un résultat immédiat sont naturels au vital humain: c'est par la ferme confiance en la Mère qu'ils disparaîtront. Opposez à tous les sentiments contraires l'amour et la croyance qu'Elle est le Divin à qui votre vie est donnée; alors ces sentiments contraires, après un certain temps, ne pourront plus venir en vous.
L'impatience est toujours une erreur, elle n'aide pas mais retarde. Une foi et une confiance heureuses et tranquilles sont la meilleure fondation pour la sâdhanâ et, pour le reste, une ouverture large et constante de soi pour recevoir et une aspiration qui peut être intense, mais doit toujours être calme et soutenue. La pleine réalisation yoguique ne vient pas tout d'un coup, elle vient après une longue préparation de l'Âdhâr, qui peut prendre beaucoup de temps.
Il ne peut y avoir aucun doute au sujet de la Grâce divine. Il est aussi tout à fait vrai que si un homme est sincère, il atteindra le Divin. Mais il ne s'ensuit pas qu'il l'atteindra immédiatement, aisément et sans tarder. C'est là que réside
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votre erreur: vous fixez au Divin un délai - cinq ans, six ans - et vous doutez parce que le résultat n'est pas encore atteint. Un sâdhak peut avoir une sincérité centrale et pourtant beaucoup de choses en lui doivent encore être transformées avant que la réalisation puisse commencer. Sa sincérité doit le rendre capable de persévérer toujours, car elle est une passion pour le Divin que rien ne peut éteindre: aucun retard, aucune déception, aucune difficulté ni rien d'autre.
"J'essaierai encore" ne suffit pas; ce qu'il faut, c'est essayer toujours, fermement, avec un cœur qui ne se décourage pas, comme dit la Guîtâ, anirvinnacetasâ. Vous parlez de cinq ans et demi comme s'il s'agissait d'une durée interminable pour parvenir à un tel but, mais un yogi qui serait capable, en cet espace de temps, de transformer radicalement sa nature et d'avoir l'expérience décisive et concrète du Divin devrait être considéré comme l'un des rares à avoir parcouru la Route spirituelle au galop. Personne n'a jamais dit que la transformation spirituelle était chose facile; tous les chercheurs spirituels diront que c'est difficile, mais suprêmement digne d'être fait. Si le désir pour le Divin est devenu le désir dominant, on peut bien y consacrer toute sa vie sans rechigner et sans marchander ni le temps, ni la difficulté, ni le labeur.
En pariant de vos expériences, vous dites aussi qu'elles sont vagues et semblables à des rêves. D'abord le dédain des petites expériences de la vie intérieure n'est pas un signe de sagesse, de raison ou de bon sens. Les petites expériences viennent tour à tour au début de la sâdhanâ et se poursuivent longtemps, et si on leur donne toute leur valeur, ce sont elles qui préparent le terrain, édifient une conscience préparatoire et abattent un jour les murs pour laisser la voie libre aux grandes expériences. Mais si vous les méprisez dans l'idée ambitieuse que vous devez avoir les grandes expériences ou rien du tout, il n'est pas surprenant qu'elles viennent une fois tous les trente-six du mois et ne puissent pas faire leur travail.
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En outre, toutes vos expériences n'étaient pas petites. Quiconque ayant une certaine connaissance spirituelle aurait reconnu certaines d'entre elles (comme, par exemple, la descente dans le corps d'un Pouvoir qui vous immobilisait, que vous aviez coutume d'appeler un engourdissement) comme un premier pas décisif vers la Paix et la Lumière d'en haut. Mais elles n'étaient pas conformes à votre attente et vous ne leur avez accordé aucune valeur particulière. Vagues et comme des rêves... vous les ressentez ainsi parce que vous les regardez, comme tout ce qui se passe en vous, du point de vue du mental physique extérieur et de l'intellect qui ne peut considérer comme réelles, importantes et vivantes que les choses physiques, et pour qui les phénomènes intérieurs sont des choses irréelles, vagues et sans vérité. L'expérience spirituelle ne méprise pas même les visions et les rêves: elle sait que beaucoup d'entre eux ne sont en rien des rêves, mais sont des expériences sur un plan intérieur, et si l'on n'accepte pas les expériences des plans intérieurs qui mènent à l'ouverture du moi intérieur vers le moi extérieur afin de l'influencer et de le transformer, si l'on n'accepte pas les expériences de la conscience subtile et de la conscience de transe, comment la conscience de veille pourra-t-elle s'étendre hors de l'étroite prison du corps, du mental corporel et des sens? Car pour le mental physique non touché par la conscience intérieure éveillée, même l'expérience de la conscience cosmique ou celle du Moi éternel peut fort bien sembler purement subjective et peu convaincante. Le mental physique penserait: "Curieux, sans aucun doute, assez intéressant, mais très subjectif, ne trouvez-vous pas? Hallucinations, certes!" La première chose à faire, pour le chercheur spirituel, est de sortir du point de vue du mental extérieur et de regarder les phénomènes intérieurs avec un mental tourné vers l'intérieur, pour lequel ils deviennent bientôt des réalités puissantes et stimulantes. Si on le fait, alors on commence à voir qu'il y a là un vaste domaine de vérité et de connaissance où l'on peut aller de découverte en découverte pour atteindre la découverte suprême. Mais le mental physique extérieur, s'il a une
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quelconque idée du Divin et de la spiritualité, n'a que des idées hâtives et préconçues, à mille lieues du terrain solide de la vérité et de l'expérience intérieures.
Je ne me suis pas réservé assez de temps pour m'étendre sur les autres questions. Vous parlez des exigences sévères du Divin et de dures conditions; mais quelles exigences sévères, quelles conditions de fer imposez-vous au Divin! Pratiquement, vous lui dites: "Je douterai de toi, je te renierai à chaque pas, mais tu dois me remplir de Ta Présence indubitable; je serai plein de tristesse et de désespoir chaque fois que je penserai à toi ou au yoga, mais tu dois noyer ma tristesse sous le flot irrésistible de Ton Ânanda extatique; je ne viendrai vers toi qu'avec ma conscience et mon mental physiques extérieurs, mais tu dois me donner en. eux le Pouvoir qui transformera rapidement toute ma nature". Eh bien, je ne dis pas que le Divin ne veuille pas ou ne puisse pas le faire, mais si un tel miracle doit s'opérer, vous devez lui laisser un peu de temps et lui donner ne serait-ce qu'un millionième de chance.
Le Divin est peut-être difficile, mais on peut surmonter cette difficulté si l'on s'attache à lui sans relâche.
Cette sâdhanâ est difficile et il ne faut pas lésiner sur le temps; c'est seulement aux derniers stades que l'on peut compter sur des progrès constants et très rapides.
Quant à la Shakti, sa descente n'est pas sans danger si elle se produit avant que le vital soit pur et soumis. Mieux vaut pour X qu'il prie pour obtenir la purification, la connaissance, l'aspiration intense du cœur et l'action du Pouvoir dans la mesure où il peut la supporter et l'assimiler.
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Restez toujours intériorisé et agissez sans être absorbé dans l'action; rien de néfaste ne pourra alors vous arriver, et même si c'était le cas, aucune conséquence grave n'en résulterait.
L'idée de partir, pour quelque raison que ce soit, est bien entendu absurde et il n'en est pas question. Huit ans est une période très brève pour la transformation. La plupart des sâdhak mettent autant ou plus de temps pour devenir conscients de leurs défauts et acquérir la volonté sérieuse de se transformer; ensuite, il faut encore beaucoup de temps pour que cette volonté devienne un accomplissement total et définitif. Chaque fois que l'on trébuche, on doit reprendre pied et continuer avec une résolution nouvelle; c'est en agissant ainsi que vient la transformation complète.
Ce que je vous demande en plus d'aspirer à la foi? Eh bien, seulement d'aller un peu plus au fond des choses et de persévérer dans la méthode ! N'aspirez pas pendant deux jours pour sombrer ensuite dans les humeurs noires en bâtissant un évangile de cataclysmes, de Schopenhauer plus l'âne49 et tout le reste. Donnez au Divin une chance équitable. Quand il allume quelque chose en vous ou prépare une lumière, n'étouffez pas cette pauvre flamme sous le bonnet de nuit de votre désespoir. "Ce n'est qu'une petite bougie qui est allumée, direz-vous, ce n'est rien du tout!" Mais en ces matières, quand l'obscurité du mental, de la vie et du corps de l'homme doit être dissipée, une bougie, c'est déjà un début: une lampe peut la suivre, puis un soleil; mais il faut permettre au commencement d'avoir une suite, et non mettre entre lui et sa conséquence naturelle de gros blocs de tristesse, de doute
49. Dans une correspondance antérieure, le disciple avait évoqué la fable suivante: un âne vivait auprès d'un sage yogi. Un beau jour la rivière voisine déborda et inonda la contrée. Le yogi se réfugia en haut d'une colline; l'âne, emporté par le courant, se mit à braire: "Le monde se noie!" À quoi le yogi répondit: "Mais non, âne, c'est toi qui te noies." "Mais, rétorqua l'âne, si je me noie, comment puis-je être sûr que ce vaste monde survivra?"
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et de désespoir. Au début, et pendant longtemps, les expériences viennent en effet en petits quanta entrecoupés d'espaces vides; si on laisse évoluer ce commencement, les espaces diminueront, et la théorie des quanta fera place à la continuité newtonienne de l'esprit. Mais jamais encore vous ne lui avez donné une vraie chance. Les espaces vides ont été peuplés de doutes et de négations, et ainsi les quanta se sont faits rares, le commencement reste un commencement. Vous avez fait face à d'autres difficultés et les avez rejetées, mais celle-ci, vous l'avez bercée pendant si longtemps qu'elle a pris des forces; il faut l'affronter avec persévérance. Je ne dis pas que tous les doutes doivent disparaître avant qu'autre chose puisse venir; cela rendrait la sâdhanâ impossible, car le doute est l'assaillant acharné du mental. Tout ce que je dis, c'est: ne laissez pas l'assaillant devenir un compagnon, ne lui ouvrez pas toute grande la porte et ne le faites pas asseoir au coin du feu. Par-dessus tout, ne chassez pas le Divin en lui opposant le rebutant bonnet de nuit de votre tristesse et de votre désespoir!
Pour parler plus sérieusement, acceptez une fois pour toutes que ce yoga doit être fait, que c'est la seule chose qui vous reste à faire, à vous ou à la terre. Au dehors il y a les cataclysmes, les Hitler et une civilisation croulante et, plus généralement, l'âne et l'inondation. Raison de plus pour se diriger vers la seule chose à faire: vous avez été envoyé pour aider à ce qu'elle soit faite. C'est difficile, la route est longue et les encouragements dispensés sont maigres? Et alors? Pourquoi s'attendre à ce que quelque chose de si grand soit facile, ou à ce qu'il doive y avoir un succès rapide ou rien du tout? Il faut faire face aux difficultés et plus on y fait face avec bonne humeur, plus tôt elles seront surmontées. La seule chose à faire est de répéter le mantra du succès, de maintenir la détermination à vaincre, la résolution inébranlable: "Je dois l'avoir et je l'aurai." Impossible? Rien n'est impossible; il y a des difficultés et des travaux de longue baleine,50 mais pas
50. En français dans le texte.
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d'impossibilités. La chose que l'on est fermement déterminé à faire sera faite tôt ou tard: elle devient possible. Chassez le sombre désespoir et poursuivez bravement votre yoga. A mesure que l'obscurité disparaîtra, les portes intérieures s'ouvriront.
Que ce soit par la tapasyâ ou par la soumission importe peu; la seule chose qui importe est de garder fermement le visage tourné vers le but. Une fois que l'on a posé le pas sur le chemin, comment peut-on revenir en arrière pour retomber dans les voies inférieures? Si l'on reste ferme, les chutes n'ont pas d'importance; on se relève et on va de l'avant. Pour celui qui est résolu à atteindre le but, il ne peut pas y avoir d'échec définitif sur le chemin qui mène au Divin. Et s'il y a en vous quelque chose qui pousse en avant - ce qui est sûrement le cas - les défaillances, les chutes et les vacillements de la foi ne font finalement aucune différence. Il faut persister jusqu'à ce que le conflit soit passé et que s'ouvre devant vous le chemin libre, droit et sans épines.51
Vous n'avez qu'à demeurer tranquille et ferme dans votre marche sur le sentier et dans votre volonté d'aller jusqu'au bout. Si vous le faites, les circonstances finiront par être contraintes de se modeler selon votre volonté parce qu'elle sera la Volonté du Divin en vous.
Aux premiers stades, il y a toujours des difficultés et des entraves au progrès, et jusqu'à ce que l'être soit prêt, un délai dans l'ouverture des portes intérieures. Si chaque fois que vous méditez, vous sentez la quiétude et les éclairs de la Lumière intérieure, et si l'attraction du dedans devient si forte que l'emprise du dehors diminue et que les perturbations
51. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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vitales perdent de leur force, c'est déjà un grand progrès.
Le chemin du yoga est long; chaque pouce de terrain doit être conquis contre une grande résistance, et il n'est pas de qualité plus nécessaire au sâdhak que la patience et une persévérance sans fluctuations, avec une foi qui reste inébranlable à travers toutes les difficultés, les retards et les échecs apparents.52
Celui qui a peur de la monotonie et qui veut toujours du nouveau ne sera pas capable de faire le yoga, ou du moins ce yoga-ci qui demande une persévérance et une patience inépuisables. La peur de la mort témoigne d'une faiblesse vitale qui, elle aussi, est contraire à l'aptitude au yoga. De même, celui qui est sous la domination de ses passions trouvera le yoga difficile, et à moins qu'il ne soit soutenu par le vrai appel intérieur, par une aspiration sincère et forte à la conscience spirituelle et à l'union avec le Divin, il pourra très facilement faire une chute fatale et son effort n'aboutira à rien.53
La détermination est nécessaire et aussi une ferme patience; il ne faut pas être découragé par tel ou tel échec. C'est une transformation des habitudes de la nature physique qui nécessite un travail de détail long et patient.
Votre attitude devant la transformation nécessaire et la vie nouvelle est la bonne. Une persévérance tranquille et vigilante qui ne s'afflige de rien est la meilleure manière d'y parvenir.
Pour que l'intimité intérieure se rétablisse, la tranquillité
52. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
53. Les Bases du Yoga, chapitre II. Traduction de la Mère.
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doit s'approfondir afin que le psychique puisse émerger dans le physique, comme il a émergé dans les parties supérieures.
Celui qui n'a pas le courage de faire face avec patience et fermeté à la vie et à ses difficultés ne sera jamais capable de venir à bout des difficultés intérieures bien plus grandes de la sâdhanâ. La toute première leçon dans notre yoga est d'affronter la vie et ses épreuves avec un mental tranquille, un ferme courage et une confiance complète en la Shakti divine.54
Demeurez ferme et tourné dans une seule direction: vers la Mère.
54. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
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LA SÂDHANÂ PAR LE TRAVAIL
La vie ordinaire consiste à faire un travail dans un but personnel et pour satisfaire ses désirs sous une direction mentale ou morale, parfois influencée par un idéal mental. Le yoga de la Guîtâ consiste à offrir son travail en sacrifice au Divin, à conquérir le désir, à agir sans ego et sans désir, à avoir de la bhakti pour le Divin, à entrer dans la conscience cosmique, à sentir son unité avec toutes les créatures et à s'unir au Divin. Notre yoga y ajoute la descente de la Lumière et de la Force supramentales (ce qui est son but ultime) et la transformation de la nature.1
En général les hommes travaillent et vaquent à leurs affaires sous l'impulsion des mobiles ordinaires de l'être vital: nécessité, désir de la richesse, de la réussite, d'une situation en vue, du pouvoir ou de la renommée, ou encore besoin d'agir et plaisir de manifester ses capacités; ils réussissent ou échouent selon leurs possibilités, leur puissance de travail et la fortune, bonne ou mauvaise, qui est la conséquence de leur nature et de leur karma. Quand on entreprend le yoga et que l'on désire consacrer sa vie au Divin, ces mobiles ordinaires de l'être vital ne peuvent plus avoir leur pleine liberté d'action; ils doivent être remplacés par un autre mobile, principalement psychique et spirituel, qui permettra au sâdhak de travailler avec autant de force qu'auparavant non plus pour lui-même, mais pour le Divin. Si les mobiles ou la force ordinaires du vital ne peuvent plus agir en toute liberté et ne sont pourtant pas remplacés par autre chose, l'élan, la force apportés dans le travail peuvent décliner ou le pouvoir de s'assurer la réussite disparaître. Si le sâdhak est sincère cette difficulté ne peut être que temporaire, mais il doit déceler le défaut dans sa conscience ou dans son attitude et l'éliminer. Alors le Pouvoir divin lui-même
1. Lumières sur le Yoga. chapitre IV. Traduction de la Mère.
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agira par l'intermédiaire du sâdhak et utilisera ses capacités et sa force vitale à ses propres fins. Dans votre cas, c'est l'être psychique et une partie du mental qui vous ont attiré vers le yoga et y étaient prédisposés. Mais la nature vitale, au moins en grande partie, ne s'est pas encore alignée sur le mouvement psychique. La consécration pleine et entière de la nature vitale n'est pas encore venue.
Les signes de cette consécration du vital dans l'action sont entre autres les suivants:
Le sentiment (pas seulement l'idée ou l'aspiration) que toute la vie et tout le travail appartiennent à la Mère et une joie puissante de la nature vitale dans cette consécration et ce don de soi. Un calme contentement et la disparition de l'attachement égoïste au travail et aux satisfactions personnelles qu'il procure, mais en même temps une grande joie dans le travail et dans l'usage des capacités à des fins divines.
Le sentiment que la Force divine agit à l'arrière-plan et guide les actes à tout moment.
Une foi tenace qu'aucune circonstance, aucun événement ne peut entamer. Si des difficultés se présentent, elles font naître non des doutes dans le mental ou une acceptation inerte, mais la ferme conviction que si la consécration est sincère, la Shakti divine éliminera les difficultés; cette conviction s'accompagne d'un recours plus fréquent à la Shakti et d'une confiance plus complète en elle à cette fin. Quand la foi et la consécration sont totales, une réceptivité à la Force vient aussi qui vous fait accomplir l'action juste et adopter les moyens justes; alors les circonstances s'adaptent et le résultat apparaît.
Pour parvenir à cet état, l'important est une aspiration, un appel et une offrande de soi persévérants et une volonté de rejeter tout ce qui, en soi et autour de soi, obstrue le chemin. Des difficultés, il y en aura toujours au début et aussi longtemps que ce sera nécessaire au changement; mais elles ne pourront manquer de disparaître si l'on y oppose une foi, une volonté et une patience stables.
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C'est dans le karmayoga ordinaire que le sâdhak choisit lui-même son travail et l'offre au Divin; le travail lui est donné dans le sens où il est amené à le choisir par une impulsion de son mental, de son cœur ou de son vital derrière laquelle il sent un pouvoir cosmique ou le Pouvoir cosmique; il essaie alors de s'entraîner à voir à l'arrière-plan de toutes les actions la Force unique qui élabore en lui et dans les autres le Dessein cosmique.
Dès qu'il a pour idéal de se donner directement au Divin, il doit trouver ce qui le fera mouvoir ou le guidera directement; c'est pourquoi il rejette tout ce qu'il identifie comme des impulsions purement mentales, vitales ou physiques issues de sa propre nature ou de la Nature universelle. Bien entendu ce don de soi ne prend tout son sens que lorsque le sâdhak est prêt.
Je ne crois pas pouvoir vous donner un conseil sur la voie que vous avez choisie; il m'est en tout cas difficile de dire quoi que ce soit de définitif sans connaître davantage de faits précis que n'en contient votre lettre.
Vous n'avez pas besoin de changer le mode de vie et de travail que vous avez choisi tant que vous sentez qu'il est la voie de votre nature (swabhâva), qu'il vous est dicté par votre être intérieur ou que, pour une raison ou pour une autre, vous le considérez comme votre vrai dharma. Ce sont les trois signes; à part cela je ne sais pas si l'on peut fixer une ligne de conduite, prescrire un mode de travail ou un mode de vie pour pratiquer le yoga de la Guîtâ. Le plus important, c'est l'esprit ou la conscience qui préside au travail; la forme extérieure peut varier grandement selon les différentes natures. Il en est ainsi tant que l'on n'a pas l'expérience constante du Pouvoir divin qui se charge de nos œuvres et les accomplit; ensuite c'est le Pouvoir qui détermine ce qui doit ou ne doit pas être fait.
Surmonter tous les attachements est nécessairement difficile et ne peut être que le fruit d'une longue sâdhanâ, à moins d'une croissance générale rapide dans l'expérience spirituelle
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intérieure qui est la substance même de l'enseignement de la Guîtâ. La cessation du désir des profits tirés du travail et de l'attachement au travail lui-même, la croissance de l'égalité à l'égard de tous les êtres, de tous les événements, de la bonne et de la mauvaise réputation, de la louange et du blâme, de la bonne et de la mauvaise fortune, l'abandon de l'ego qui sont nécessaires pour perdre tous les attachements, ne peuvent être complets que lorsque le travail tout entier devient un sacrifice spontané au Divin, lorsque le cœur Lui est offert et que l'expérience du Divin en toutes choses et en tous les êtres est devenue stable. Cette conscience ou cette expérience doit venir dans toutes les parties et tous les mouvements de l'être, sarvabhâvéna, pas seulement dans le mental et l'idée; tous les attachements disparaissent alors aisément. Je parle de la voie du yoga de la Guîtâ, car dans la vie ascétique on atteint le même but par une voie différente, en se séparant de tous les objets d'attachement, d'où une atrophie de l'attachement lui-même par le rejet et la désuétude.
Tout ce que je puis lui suggérer est de pratiquer une forme de karmayoga en se souvenant du Suprême dans toutes ses actions, des plus petites aux plus grandes, en les accomplissant avec un mental tranquille sans aucun sens de l'ego ni aucun attachement, et en les Lui offrant en sacrifice. Il peut aussi s'essayer ou aspirer à sentir la présence de la divine Shakti derrière le monde et ses forces, à distinguer entre la nature inférieure de l'Ignorance et la nature divine supérieure dont le caractère est un calme, une paix, un pouvoir, une Lumière et une Béatitude absolus, et aspirer à être soulevé et mené peu à peu de la nature inférieure à la nature supérieure.
S'il est capable de cet effort, il deviendra, au bout d'un certain temps, apte à se consacrer au Divin et à mener une vie tout à fait spirituelle.2
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La voie qui, pour lui, semble naturelle est le karmayoga et il a par conséquent raison d'essayer de vivre selon l'enseignement de la Guîtâ; car la Guîtâ est le grand guide sur ce chemin. Avant d'aborder cette voie, on s'y prépare en se purifiant des mouvements égoïstes et du désir personnel et en suivant fidèlement la meilleure lumière dont on dispose; dans la mesure où il a suivi ces préceptes, il était sur le bon chemin; on ne doit cependant pas considérer qu'il est égoïste de demander la force et la lumière dans l'action, car elles sont nécessaires au développement intérieur.
Il est clair qu'une sâdhanâ plus systématique et plus intensive est désirable; en tout cas, une aspiration soutenue et une attention plus constamment fixée sur le but central pourraient établir en lui un détachement stable, même au milieu des événements et des activités extérieures, ainsi qu'une direction intérieure constante. La perfection, la siddhi de cette voie de yoga - je parle du sentier particulier du karma ou action spirituelle - commence lorsqu'on est lumineusement conscient du Guide et de sa Direction et lorsqu'on sent travailler le Pouvoir dont on est soi-même un instrument et un collaborateur dans l'oeuvre divine.
De la lettre qu'il vous a adressée je déduis qu'il a pratiqué une méthode très solide et qu'il a obtenu quelques bons résultats. Le premier pas dans un karmayoga de ce genre est de faire décroître l'égocentrisme dans les œuvres, les réactions vitales inférieures et le principe du désir pour enfin s'en débarrasser. Il doit assurément continuer dans cette voie jusqu'à ce qu'il parvienne à quelque chose qui ressemble à son aboutissement. Je ne voudrais en aucune manière l'en détourner.
Ce que j'avais en vue, en parlant d'une sâdhanâ systématique, était l'adoption d'une méthode par laquelle se généraliserait toute l'attitude de la conscience et qui embrasserait tous ses mouvements à la fois, au lieu de travailler seulement sur des détails, bien que ce travail soit toujours nécessaire. Je
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pourrais donner comme exemple la méthode où le Pourousha se sépare de la Prakriti, devient l'Être conscient qui se tient en arrière, détaché de tous les mouvements de la Nature, et les observe comme un témoin, comme celui qui sait et enfin comme celui qui donne ou refuse la sanction; au stade supérieur du développement, il devient l'îshwara, volonté pure, maîtrise de la Nature tout entière.
Par sâdhanâ intensive j'entendais un effort tendu vers l'une des grandes réalisations positives qui serait une base ferme pour tout le mouvement. Je note qu'il parle d'un vaste calme dont il a eu parfois un aperçu... Une descente de ce vaste calme qui l'établirait en permanence dans la conscience est l'une des réalisations auxquelles je pensais. Le fait qu'il sente ce calme à certains moments semble indiquer qu'il pourrait avoir la capacité de le recevoir et de le garder. Si tel était le cas ou s'il obtenait la réalisation de Pourousha-Prakriti, toute la sâdhanâ se poursuivrait sur une base forte et permanente dans une conscience nouvelle et tout entière yoguique, au lieu de procéder par un effort purement mental, toujours difficile et lent. Je ne veux cependant rien lui imposer: les choses viennent à leur heure et vouloir presser le pas prématurément ne hâte pas toujours leur venue. Qu'il poursuive sa tâche préliminaire de purification et de préparation.
Si je ne vous ai pas écrit, c'est que je n'avais rien à ajouter à mes précédentes lettres. Je ne peux pas vous promettre qu'en un temps donné vous obtiendrez un résultat qui vous permettra soit d'aller dans le monde extérieur avec un esprit plus fort, soit de réussir dans le yoga. Pour le yoga, vous dites vous-même que vous ne pouvez pas encore y consacrer toutes vos pensées et sans cette entière consécration du mental, le succès n'est guère possible dans la sâdhanâ. Pour le reste, ce n'est guère la fonction de la sâdhanâ de préparer l'homme à la vie ordinaire dans le monde. Une seule chose pourrait vous orienter dans une direction qui vous aiderait à trouver
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quelque chose qui n'est pas une préparation à la vie ordinaire, mais qui n'est pas non plus le yoga tout entier pour lequel vous m'avez laissé entendre que vous n'êtes pas entièrement prêt. Ce serait d'acquérir l'esprit du yoga des œuvres tel qu'il est décrit dans la Guîtâ: oubliez-vous, vous-même et vos misères, dans l'aspiration à une conscience plus vaste, sentez la Force plus grande à l'oeuvre dans le monde et faites de vous-même un instrument pour un travail à faire, si petit soit-il. Mais quelle que soit la méthode, vous devez l'accepter tout entière et y mettre toute votre volonté; avec une volonté divisée et vacillante vous ne pouvez espérer réussir en rien: ni dans la vie, ni dans le yoga.
On peut faire n'importe quel travail en le considérant comme un domaine d'application pour pratiquer l'esprit de la Guîtâ.
Vous utilisiez la Force pour ce travail et elle vous a soutenu tant que vous avez choisi de vous y tenir. Ce qui est de première importance, ce n'est pas le caractère religieux ou non religieux du travail effectué, mais l'attitude intérieure dans laquelle il est fait. Si l'attitude est vitale et non psychique, alors on se projette dans le travail et on perd le contact intérieur. Si elle est psychique, le contact intérieur demeure, on sent la Force soutenir ou effectuer le travail et la sâdhanâ progresse.
Certains ont exercé une profession juridique avec la Force de Mère à l'œuvre en eux et ils ont, grâce à ce travail, progressé dans la conscience intérieure. Un travail religieux peut au contraire être purement extérieur et vital dans sa nature ou son influence.
Je dois dire cependant que je ne considère pas les affairess
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comme une activité mauvaise ou corrompue, pas plus que ce n'était le cas dans l'Inde spirituelle de l'antiquité. Si telle était mon attitude, je ne pourrais pas recevoir d'argent de X ni de ceux de nos disciples qui, à Bombay, commercent avec l'Afrique orientale; nous ne pourrions pas non plus les encourager à continuer leur travail: nous devrions au contraire leur dire de l'envoyer promener et de ne s'occuper que de leur seul progrès spirituel. Comment devons-nous réconcilier la quête de X pour la lumière spirituelle et son usine? Ne devrais-je pas lui dire de laisser là son usine, de l'envoyer au diable et d'aller méditer dans quelque Ashram? De même, si j'avais reçu l'ordre de faire des affaires comme j'ai reçu l'ordre de faire de la politique, je l'aurais fait sans le moindre scrupule spirituel ou moral. Tout dépend de l'esprit dans lequel une chose est faite, sur quels principes elle se fonde et l'usage qu'on en fait. J'ai fait de la politique, et de la politique révolutionnaire du genre le plus violent, ghoram karma, j'ai soutenu une guerre et j'y ai envoyé des hommes, bien que la politique ne soit pas toujours ni même souvent une occupation très propre et que la guerre ne puisse pas être qualifiée de ligne d'action spirituelle. Mais Krishna somme Ardjouna de livrer une bataille de la plus terrible espèce et par cet exemple, il encourage les hommes à faire toutes sortes de travaux humains, sarvakarmâni. Soutiendrez-vous que Krishna était un homme non spirituel et que son conseil à Ardjouna était entaché d'erreur ou faux dans son principe? Krishna va même plus loin et déclare qu'un homme, en faisant de la manière juste et dans l'esprit juste le travail qui lui est dicté par le fond de sa nature, de son tempérament et de ses capacités, selon son dharma et celui du travail, peut se rapprocher du Divin. Il légitime la fonction du Vaïshya et son dharma autant que ceux du Brahmin ou du Kshatriya. Il est, selon lui, tout à fait possible qu'un homme fasse des affaires, gagne de l'argent et encaisse des bénéfices tout en étant un homme spirituel, en pratiquant le yoga et en ayant une vie intérieure. La Guîtâ justifie sans cesse les œuvres comme moyen de salut spirituel et préconise un Yoga des Œuvres autant que de la Bhakti et de
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la Connaissance. Krishna, cependant, y superpose aussi une loi plus haute selon laquelle le travail doit être accompli sans désir, sans attachement à aucun fruit ni récompense, sans aucune attitude ni aucun mobile égoïstes, comme une offrande ou un sacrifice au Divin. C'est l'attitude indienne traditionnelle à cet égard que tout travail est légitime s'il est fait selon le dharma et, s'il est accompli dans l'esprit juste, il n'empêche pas d'approcher le Divin ni d'accéder à la connaissance spirituelle et à la vie spirituelle.
Il y a aussi, bien sûr, l'idée d'ascèse dont peu de gens peuvent se passer et qui a sa place dans l'ordre spirituel. Pour ma part je dirais que nul ne peut être spirituellement complet s'il n'est pas capable de vivre une vie ascétique ou de mener une vie aussi nue que celle du plus nu des anachorètes. Il est évident que l'avidité pour la richesse et le besoin de gagner de l'argent doivent être absents de la nature autant que l'avidité pour la nourriture ou toute autre avidité, et la conscience doit renoncer à tout attachement de ce genre. Mais je ne considère pas qu'une vie ascétique soit indispensable à la perfection spirituelle ni identique à elle. Il y a aussi la voie de la maîtrise spirituelle de soi et la voie du don de soi spirituel, de l'offrande de soi au Divin, où sont abandonnés l'ego et le désir, même au cœur de l'action, au cœur de n'importe quelle sorte de travail ou de toutes les sortes de travaux qui sont exigés de nous par le Divin. S'il n'en était pas ainsi, de grands hommes spirituels comme, en Inde, Janaka ou Vidoura n'auraient pas existé et il n'y aurait même pas eu de Krishna, ou alors Krishna n'aurait pas été le Seigneur de Brindavan, Mathoura et Dwarka, un prince et un guerrier, ni le conducteur du char de Kouroukshétra, mais seulement un grand anachorète de plus. Les Écritures et la tradition indiennes, dans le Mahâbhârata et ailleurs, font place à la fois à la spiritualité du renoncement à la vie et à la vie spirituelle de l'action. On ne peut pas dire que seule l'une des deux est la tradition indienne et que l'acceptation de la vie et des œuvres de toutes sortes, sarvakarmâni, est anti-indienne, européenne ou occidentale et anti-spirituelle.
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Tous les actes sont inclus dans l'action; le travail est une action réglée en vue d'un but précis, accomplie avec méthode et de façon suivie ; le service est le travail accompli pour les fins de la Mère et sous sa direction.
La recommandation adressée à X de ne pas vous emmener, mais de vous laisser réaliser le Divin d'abord n'a pas de sens. Doit-on réaliser le Divin avant de pouvoir Le servir? Le service du Divin n'est-il pas plutôt un pas vers Lui? Quoi qu'il en soit le service et la réalisation sont tous deux nécessaires pour que le yoga soit complet et on ne peut pas fixer une règle de préséance immuable entre les deux.
Votre but n'est pas seulement de pratiquer le yoga pour votre progrès intérieur et pour recevoir la protection, mais aussi de faire un travail pour le Divin.
Le seul travail qui purifie spirituellement est celui que l'on fait sans motifs personnels, sans désirer la renommée ni la reconnaissance publique ni les honneurs de ce monde, sans mettre en avant ses propres mobiles mentaux, ses exigences ou ses convoitises vitales, ses préférences physiques, sans vanité, sans vouloir brutalement s'imposer ni chercher position ou prestige: un travail fait pour l'amour du seul Divin et sur l'ordre du Divin. Tout travail accompli dans un esprit égoïste, si bon soit-il pour les gens qui vivent dans le monde de l'Ignorance, n'est d'aucune utilité pour le chercheur du yoga.3
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L'efficacité spirituelle du travail dépend bien entendu de l'attitude intérieure. L'important, c'est l'esprit d'offrande que l'on apporte dans le travail. Si en plus, on peut se souvenir de la présence de la Mère durant le travail ou, par une certaine concentration, sentir la présence ou la force de la Mère soutenir le travail ou l'exécuter, l'efficacité spirituelle en est encore renforcée. Cependant même si, dans les moments d'obscurcissement, de dépression ou de lutte, on n'en est pas capable, il peut pourtant y avoir à l'arrière-plan un amour ou une bhakti qui était à l'origine la puissance motrice du travail, qui peut subsister derrière les nuages et réapparaître comme le soleil après une période sombre. Toute la sâdhanâ est ainsi; c'est pourquoi on ne devrait pas se laisser décourager par les périodes sombres, mais comprendre que l'impulsion originelle est toujours là et que par conséquent ces périodes sombres ne sont qu'un épisode du voyage qui conduira à un plus grand progrès lorsqu'elles seront passées.
Être dénué de tout mobile égoïste, soucieux de vérité en parole et en actes, dépourvu de volonté personnelle et de volonté de s'affirmer, vigilant en tout, telles sont les conditions pour être un serviteur sans défaut.
Tout effort pour acquérir le pouvoir, toute ambition, tout égoïsme dans l'exercice du pouvoir devraient être éliminés. On ne doit pas considérer le pouvoir ou les pouvoirs qui viennent comme siens, mais comme des dons du Divin en vue de l'accomplissement des desseins du Divin. Il faut éviter avec soin tout mauvais usage du pouvoir par ambition ou par égoïsme, tout orgueil, toute vanité, tout sentiment de supériorité, toute revendication, tout égoïsme de l'instrument; la nature ne doit être qu'un ensemble psychique simple et pur
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d'instruments adaptés, de toutes les manières, au service du Divin.4
C'est l'esprit et la conscience à partir desquels elle est accomplie qui font qu'une action est yoguique, ce n'est pas l'action elle-même.
La consécration de soi ne dépend pas du travail particulier que l'on fait, mais de l'esprit dans lequel est accompli ce travail, de quelque sorte qu'il soit. Tout travail est un moyen de consécration de soi par le karma, s'il est bien et soigneusement accompli comme un sacrifice au Divin, sans désir ni égoïsme, avec une égalité mentale, une calme tranquillité dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, pour l'amour du Divin et non en vue d'un gain, d'une récompense ni d'un résultat personnels, et avec la conscience que c'est au Pouvoir divin qu'appartient tout travail.5
L'idée de grandeur ou de petitesse est bien entendu tout à fait étrangère à la vérité spirituelle... Spirituellement rien n'est grand ni petit. Ces conceptions rappellent celles des hommes de lettres qui pensent qu'écrire un poème est un travail élevé et fabriquer des chaussures ou faire la cuisine est un travail petit et bas. Mais tout est égal au regard de l'Esprit et seul importe l'esprit intérieur dans lequel le travail est fait. Il en est de même d'une catégorie particulière de travail: rien n'est grand ni petit.
Je puis ajouter que dans la conscience vaste on peut s'occuper de petites choses autant que de grandes, mais on arrive à les traiter avec une vision plus large et aussi plus profonde, plus
4. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
5. Lumières sur le Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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subtile et plus exacte qui émane d'une conscience de plus en plus perspicace et lumineuse, si bien que les pensées qui concernent les petites choses cessent d'être elles aussi petites ou banales, car elles participent de plus en plus d'une Connaissance supérieure.
Presque tous les artistes (il peut y avoir de rares exceptions) ont en eux quelque chose de l'homme public dans leurs parties physiques et vitales qui leur fait rechercher ardemment le stimulant d'un auditoire, les succès mondains, la satisfaction de la vanité, l'estime, la célébrité. Il faut absolument que tout cela disparaisse si vous voulez devenir un yogi: votre art doit être au service non de votre propre ego, ni de rien, ni de personne, mais au seul service du Divin.6
Si vous désirez vous affranchir de ce que les gens attendent de vous et du sentiment d'être leur obligée, mieux vaut en effet ne pas recevoir de rémunération; car autrement vous aurez le sentiment de leur devoir quelque chose. Non que ce sentiment sera entièrement absent même si vous ne touchez rien, mais vous n'aurez plus aucune obligation.
Ce que vous m'écrivez sur le chant est tout à fait exact. C'est seulement quand vous vous oubliez vous-même et que vous laissez votre chant venir du dedans, sans penser à la nécessité d'exceller ni à l'impression qu'il peut faire, que vous chantez le mieux. La chanteuse extérieure doit en effet disparaître dans le passé; c'est seulement ainsi que la chanteuse intérieure pourra la remplacer.
En parlant de votre chant, je ne pensais pas à une création
6. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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nouvelle du point de vue esthétique, mais à la transformation spirituelle; la forme qu'il prendra doit dépendre de ce que vous trouverez au-dedans quand la base profonde sera établie.
Je ne vois pour vous aucune raison d'abandonner complètement le chant; je voulais seulement dire - c'est la conclusion logique de ce que je vous ai écrit, non seulement cette fois-ci mais auparavant - que votre première considération doit être la transformation intérieure et que tout le reste doit venir de là. Si chanter en public vous fait sortir de l'état intérieur, alors vous pourriez cesser pour le moment et chanter pour vous-même et pour le Divin jusqu'à ce que vous soyez capable, même en présence d'un auditoire, d'oublier cet auditoire. Si vous êtes troublée par l'échec ou exaltée par le succès, cela aussi vous devez le surmonter.
La question n'est pas de faire ce que vous détestez, mais de cesser de détester. Ne faire que ce que vous aimez, c'est vous laisser aller au vital et entretenir sa domination sur la nature; car le principe même de la nature non transformée est d'être gouvernée par ses goûts et ses dégoûts. Être capable de faire n'importe quoi avec équanimité est le principe du karmayoga et le faire avec joie parce qu'on le fait pour la Mère est la vraie condition psychique et vitale dans notre yoga.
On doit être capable de faire toujours le même travail avec enthousiasme, tout en étant prêt à faire autre chose ou à élargir son champ d'action d'un instant à l'autre.
Oui, cela dépend d'une certaine extension et d'une certaine intensification de la conscience par laquelle toute activité devient intéressante non pour elle-même, mais en raison de la
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conscience qu'on y apporte; par l'intensité de l'énergie, on prend plaisir aussi à exercer cette énergie et à accomplir parfaitement le travail, quel qu'il soit.
En règle générale - je veux dire lorsqu'elles ne sont pas transformées - les parties inférieures participent au travail avec intérêt et enthousiasme quand l'ego se mêle à l'intérêt. Mais l'enthousiasme pur peut venir en elles à mesure qu'elles se convertissent et se purifient; alors elles deviennent des forces tout à fait indispensables à la réalisation.
Il est naturel que le vital ou même le mental se sente dynamisé par une activité nouvelle, mais dans le plan physique un travail sans cesse répété est la base; on doit donc être capable d'y trouver toujours ne serait-ce qu'un intérêt calme et soutenu. Mais dans ce cas je pense que c'est une force particulière que la Mère vous a envoyée quand elle vous a vu là.
Une partie du physique ne peut se passer du travail, une autre partie (plus matérielle) y voit une vexation. Ce qui donne la force et la joie dans le travail n'est cependant pas physique, mais vital.
Si ces deux humeurs différentes aboutissent dans le travail à des résultats différents, c'est que la première correspond à une joie vitale alors que la seconde se fonde sur une tranquillité psychique. La joie vitale, bien qu'elle soit très salutaire dans la vie humaine ordinaire, est quelque chose d'excité, d'avide, de versatile qui n'a aucune base stable; c'est pourquoi elle se lasse vite et ne peut durer. La joie vitale doit être remplacée
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par un contentement psychique tranquille et stable qui s'accompagne d'un mental et d'un vital très clairs et très paisibles. Quand on travaille sur cette base, tout devient joyeux et facile, en contact avec la force de Mère, et la fatigue ou la dépression n'apparaissent pas.
Avant que les choses ne soient tout à fait mûres dans la conscience, le fait de travailler entraîne en effet la conscience au-dehors, à moins que l'on ne se soit fait une sâdhanâ de sentir la "Force plus grande que soi" travailler à travers soi. C'est, je suppose, la raison pour laquelle les Shankariens considéraient que le travail est, par sa nature même, une opération de l'Ignorance et qu'il est incompatible avec un état de réalisation. Mais en fait il y a trois étapes: (I) où le travail vous porte dans une conscience inférieure autant qu'extérieure, de sorte que vous devez ensuite recouvrer la réalisation; (II) où le travail vous extériorise, mais la réalisation reste à l'arrière-plan (ou au-dessus); vous ne la percevez pas pendant que vous travaillez, mais aussitôt que le travail cesse vous la retrouvez là, comme avant; (III) où le travail ne fait aucune différence, car la réalisation ou l'état spirituel persiste tout au long du travail. Vous semblez cette fois-ci avoir eu l'expérience de (II).
[Ce passage] concerne une certaine étape où la conscience est tantôt en activité et tantôt, quand elle n'est pas active, retirée en elle-même. Au stade suivant l'état du Satchidânanda est présent aussi dans le travail. A une étape encore ultérieure, les deux états ne font pour ainsi dire qu'un seul, mais c'est le supramental. Ces deux états sont le Brahman silencieux et le Brahman actif et ils peuvent alterner (premier stade), coexister (deuxième stade), fusionner (troisième stade)...
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Assurément elle [la réalisation du Satchidânanda suprême] est possible dans le travail. Grand Dieu! comment le yoga intégral pourrait-il exister si elle ne l'était pas?
Ce passage décrit un état de conscience où l'on est éloigné de toutes choses même lorsqu'on y est plongé, où tout est ressenti comme une irréalité, une illusion. Il n'y a alors ni préférence ni désir parce que les choses sont trop irréelles pour que l'on puisse les désirer ou préférer l'une à l'autre. Mais en même temps, on ne ressent nullement la nécessité de fuir le monde ou de n'accomplir aucune action parce qu'étant libéré de l'illusion, agir ou vivre dans le monde ne pèse pas; on n'est pas lié, on n'est pas en cause. Ceux qui fuient le monde ou évitent l'action (les sannyâsi) agissent ainsi parce qu'ils s'y laisseraient prendre ou lier; ils croient que le monde est irréel, mais en fait ce monde pèse sur eux comme une réalité tant qu'ils y restent. Quand on est parfaitement libéré de l'illusion de la réalité des choses, elles ne peuvent plus peser ni lier du tout.
Agir? Pourquoi voudrait-il agir, puisqu'il est dans la paix éternelle, dans l'Ânanda ou en union avec le Divin? Si un homme vit dans l'Esprit et qu'il a dépassé le vital et le mental, il n'a pas besoin d'être tout le temps en train de "faire" quelque chose. Le moi ou esprit a la joie d'exister. Il est libre de tout faire, mais pas parce qu'il est lié à l'action et incapable d'exister sans elle.
Mais le Jîvanmoukta ne ressent aucune servitude. Dans toute œuvre, dans toute action il se sent parfaitement libre parce que le travail n'est pas fait par lui personnellement (il n'a pas le sens de l'ego limité), mais par la Force cosmique. Les limitations du travail sont celles que fixe la Force cosmique
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elle-même à sa propre action. Le Jîvanmoukta vit dans la communion de l'unité avec le Transcendant qui est au-dessus du cosmos et ne sent aucune limitation. Du moins est-ce ainsi qu'on le ressent dans le surmental.
Puisque l'ego et le désir sont distincts des gouna, il peut y avoir une action des gouna sans ego ni désir et par conséquent sans attachement. Telle est la nature de l'action de ces gouna chez le yogi détaché et libéré. Si c'était impossible, alors il serait absurde de parler de yogis détachés, car un attachement subsisterait encore dans une partie de leur être. Dire qu'ils sont détachés dans le Pourousha, mais attachés dans la Prakriti, et que par conséquent ils sont détachés, c'est énoncer une absurdité. L'attachement est l'attachement, en quelque partie de l'être qu'il réside. Pour être détaché, il faut être détaché partout: dans l'action mentale, vitale et physique et pas seulement dans l'âme silencieuse quelque part au-dedans.
Dans l'état de libération, ce n'est pas le seul Pourousha intérieur qui reste détaché: le Pourousha intérieur est toujours détaché, seulement dans l'état ordinaire, on n'en est pas conscient. Dans l'état de libération, la Prakriti non plus n'est pas troublée par l'action des gouna et n'y est pas attachée: la Prakriti, quelle qu'elle soit (mentale, vitale, physique) commence à acquérir la même tranquillité, la même paix imperturbable et le même détachement que le Pourousha, mais c'est une tranquillité, non une cessation de toute action. C'est la tranquillité dans l'action elle-même. S'il n'en était pas ainsi, ce que je dis dans l'Ârya - qu'il peut y avoir une action libérée ou sans désir sur laquelle je fonde la possibilité d'une action libre (moukta) - serait faux. Tout l'être, Pourousha-Prakriti, devient détaché (n'a ni désir ni attachement), même dans l'action des gouna.
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L'être extérieur aussi est détaché: tout l'être est sans désir ni attachement et pourtant l'action est possible. L'action sans désir est possible, l'action sans attachement est possible, l'action sans ego est possible.
Vous semblez croire que l'action et la Prakriti sont la même chose et que quand il n'y a pas d'action, il ne peut pas y avoir de Prakriti! Le Pourousha et la Prakriti sont des pouvoirs séparés dans l'être. Ce n'est pas Pourousha= tranquillité et Prakriti=action, de sorte que lorsque tout est tranquille il n'y a pas de Prakriti, et lorsque tout est actif il n'y a pas de Pourousha. Quand tout est actif, le Pourousha est toujours là, derrière la Nature active, et quand tout est tranquille, la Prakriti est toujours là, mais c'est une Prakriti au repos.
Prakriti est la Force qui agit. Une Force peut être en action ou au repos; quand elle est au repos elle est autant une Force que quand elle agit. Les gouna sont une action de la Force, elles sont dans la Force même. La mer est là et les vagues sont là, mais les vagues ne sont pas la mer, et quand il n'y a pas de vagues, quand la mer est calme, elle ne cesse pas d'être la mer.
[Dans l'action libérée] le sattwa prédomine, le radjas agit comme une énergie cinétique sous le contrôle de sattwa jusqu'à ce que le tamas impose la nécessité d'un repos. C'est ce qui se produit en général. Cependant, même quand le tamas prédomine et que l'action est réduite, ou même quand le radjas prédomine et que l'action est excessive, ni le Pourousha ni la Prakriti n'en sont troublés: il règne dans tout l'être un calme fondamental et l'action n'est rien de plus qu'une ondulation ou un tourbillon à la surface.
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C'est plus difficile pour la Prakriti [que pour le Pourousha de se séparer de l'action de surface] puisque son activité ordinaire est celle de l'être de surface. Elle doit se diviser en deux pour s'en séparer. Le Pourousha, au contraire, est par nature silencieux et séparé; il n'a donc qu'à revenir à sa nature d'origine.
Quand la Prakriti est libérée, elle se divise en deux parties: une Force intérieure qui est libérée de sa propre action (libérée de radjas, de tamas, etc.), et la Prakriti extérieure qu'elle utilise et transforme.
Si la conscience et l'énergie étaient la même chose, il serait inutile d'avoir deux mots différents pour les désigner. Dans ce cas, au lieu de "je suis conscient de mes défauts", on pourrait dire: "je suis énergique de mes défauts". Si un coureur est rapide, vous pouvez dire de lui: "il court avec une grande énergie". Croyez-vous que cela signifierait la même chose si vous disiez: "il court avec une grande conscience"? La conscience est ce qui perçoit les choses, l'énergie est une force qui, mise en action, fait les choses. La conscience peut avoir de l'énergie et la garder ou l'émettre, mais cela ne signifie pas que conscience soit seulement synonyme d'énergie, que la conscience doive sortir quand l'énergie sort, qu'elle ne puisse pas se tenir en arrière et observer l'énergie en action. Vous êtes plein d'inertie; cela ne veut pourtant pas dire que l'inertie et vous, c'est la même chose, et que lorsque l'inertie émerge et vous emporte, ce soit vous qui émergiez et vous emportiez vous-même.
Le mental et l'être intérieur sont certes une conscience. Pour les êtres humains qui ne sont pas entrés profondément en eux-mêmes, mental et conscience sont synonymes. Seulement
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quand on commence à avoir une meilleure perception de soi-même grâce à la conscience qui grandit, on peut distinguer différents degrés, différentes sortes, différents pouvoirs de la conscience: mental, vital, physique, psychique, spirituel. Le Divin a été décrit comme Existence, Conscience, Ânanda, autant que comme une Conscience (Chaïtanya) qui émet une force ou énergie, la Shakti qui crée le monde. Le mental est une conscience modifiée qui émet une énergie mentale. Mais le Divin peut se tenir derrière cette énergie et l'observer à l'œuvre, il peut être le Pourousha Témoin qui surveille les œuvres de Prakriti. Même le mental peut le faire; un homme peut se tenir à l'arrière-plan de sa conscience mentale et observer l'énergie mentale qui agit, pense, fait des projets, etc. ; l'introspection est tout entière fondée sur cette faculté de se diviser soi-même ainsi en une conscience qui observe et une énergie qui agit. Ce sont là des choses élémentaires qui sont censées être connues de tout le monde. N'importe qui en est capable avec tant soit peu de pratique; quiconque observe ses propres pensées, ses sentiments, ses actes, etc., a déjà commencé à le faire. Dans le yoga, nous allons jusqu'à la division complète, c'est tout.
Elle [la conscience) n'est pas, par nature, détachée des activités mentales et autres. Elle peut en être détachée comme elle peut s'y absorber. Dans la conscience humaine, en règle générale, elle y demeure absorbée; mais elle a élabore le pouvoir de s'en détacher, ce dont la création inférieure semble incapable. À mesure que la conscience se développe, ce pouvoir de détachement se développe aussi.
Non, sans sâdhanâ le but du yoga ne peut être atteint. Le travail lui-même doit être considéré comme une partie de la sâdhanâ. Mais quand vous travaillez, vous devez naturellement
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penser au travail et vous apprendrez à le faire à partir de la conscience yoguique, comme un instrument du Divin et en vous souvenant de Lui.
C'est parce que l'énergie est projetée dans le travail. Mais à mesure que la paix et le contact grandissent, une double conscience peut se développer: une partie est occupée par le travail, l'autre se tient en arrière, silencieuse, observant la première ou tournée vers le Divin; dans cette double conscience, l'aspiration peut se maintenir même pendant que la conscience extérieure est dirigée vers le travail.7
On peut à la fois aspirer, être attentif au travail et faire bien d'autres choses en même temps quand la conscience a été développée par le yoga.
Non, c'est seulement si c'était une absorption intérieure que ce serait un obstacle. Mais ce que je veux dire, c'est une sorte de pas en arrière dans quelque chose de silencieux au-dedans qui observe sans être engagé dans l'action, mais cependant la voit et peut y projeter sa lumière. Il y a alors deux parties dans l'être: l'une au-dedans qui regarde, qui observe et qui sait, l'autre qui exécute, sert d'instrument et agit. Le résultat est non seulement la liberté mais aussi le pouvoir et, dans cet être intérieur, on peut entrer en contact avec le Divin par l'intermédiaire non de l'activité mentale, mais de la substance même de l'être, par un certain contact intérieur, une perception, une réceptivité, et aussi en recevant l'inspiration ou l'intuition juste pour exécuter le travail.
Si l'on sent une conscience qui n'est pas limitée par le travail,
7. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
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une conscience à l'arrière-plan qui soutient celle qui travaille, alors c'est plus facile. Cet état vient d'ordinaire soit par l'immensité et le silence lorsqu'ils s'établissent et s'étendent, soit par la conscience d'une Force qui n'est pas sienne et travaille elle-même par l'intermédiaire du travailleur.
Mère ne désapprouve pas que vous écriviez un livre ; ce qu'elle n'aime pas, c'est que vous soyez si absorbé dans ce travail que vous ne puissiez rien faire d'autre. Vous devez être maître de ce que vous faites et non en être possédé. Elle est tout à fait d'accord, si c'est possible, pour que vous finissiez votre livre et que vous nous l'offriez pour votre anniversaire. Mais vous ne devez pas vous laisser entraîner; vous devez rester pleinement en contact avec des choses plus élevées.
Je vous répète que nous n'avons pas d'objection à ce que vous écriviez, qu'il s'agisse de poèmes, de nouvelles ou de romans. Nous avions l'impression que cette activité vous absorbait et vous possédait tout entier, ce qui n'était pas bon pour votre état spirituel, et qu'une activité mineure se plaçait ainsi au premier plan de la conscience au point de l'occuper tout entier la plupart du temps, au lieu de trouver sa vraie place dans une harmonie spirituelle équilibrée.
Vous pouvez essayer [d'écrire un roman] si vous voulez. La difficulté est que les sujets de romans appartiennent surtout à la conscience extérieure, de sorte qu'un abaissement ou une extériorisation de la conscience peut facilement se produire. À quoi s'ajoute la difficulté de conserver l'équilibre intérieur en appliquant le mental à un travail extérieur. Si vous pouviez acquérir un équilibre intérieur stable, alors il serait possible
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de faire n'importe quel travail sans troubler ni abaisser la conscience.
Cela dépend de la plasticité de la conscience. Certains sont ainsi, ils s'absorbent [dans le travail] à tel point qu'ils ne veulent pas en sortir ni faire quoi que ce soit d'autre. Il faut conserver un certain équilibre grâce auquel la conscience de base demeure capable de passer avec aisance d'une concentration à une autre.
Il n'est pas indésirable d'être absorbé dans son travail; la difficulté que l'on éprouve à se tourner vers l'intérieur ne peut être que temporaire. Une certaine plasticité de la conscience physique viendra à coup sûr, qui rend plus facile de passer d'une concentration à une autre.
La résistance dont vous parlez, de même que la réceptivité insuffisante et l'incapacité à rester en communion pendant le travail, doivent être dues au fait qu'une certaine partie de la conscience physique reste encore fermée à la Lumière, probablement quelque chose dans le subconscient physico-vital et matériel qui empêche l'ensemble du mental physique d'être libre et prêt à répondre.
Il n'est pas mauvais de faire en sorte que l'aspiration des parties inférieures s'élève à la rencontre du pouvoir d'en haut. Le tout est de veiller à ce que la difficulté d'en bas ne s'élève pas avant que le pouvoir qui descend soit prêt à l'éliminer.
Il n'est pas nécessaire que vous perdiez conscience lorsque vous méditez. L'essentiel, c'est l'élargissement et le changement de la conscience. Si par là vous voulez dire aller au-dedans, vous pouvez le faire sans perdre conscience.
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C'est une certaine inertie de la conscience physique qui l'enferme dans les ornières de ce qu'elle fait, de sorte que son attention est fixée là-dessus et qu'elle n'est pas libre de se souvenir.
Toutes les difficultés que vous décrivez sont très naturelles et communes à la plupart des gens. Il est relativement facile de se souvenir et d'être conscient quand on est assis tranquille en méditation; c'est difficile quand on doit s'occuper d'un travail. Le souvenir et la conscience dans le travail doivent venir par degrés, vous ne devez pas vous attendre à tout avoir à la fois; personne ne peut tout acquérir à la fois. Cet état vient de deux manières: d'abord on s'exerce à se souvenir de la Mère et à lui offrir le travail chaque fois que l'on fait quelque chose (pas durant tout le temps qu'on le fait, mais au début et chaque fois que l'on peut se souvenir): alors peu à peu cette attitude devient facile et habituelle à la nature. En second lieu, par la méditation, une conscience intérieure commence à se développer qui, après quelque temps - pas immédiatement ni d'un coup - devient de plus en plus automatiquement permanente. On la sent comme une conscience séparée de celle, extérieure, qui travaille. Au début on ne sent pas cette conscience séparée pendant qu'on travaille, mais dès que le travail cesse on sent qu'elle était là tout le temps et regardait à l'arrière-plan; ensuite on commence à la sentir pendant le travail même, comme s'il y avait deux parties en soi: l'une qui surveille et soutient par-derrière, se souvient de la Mère et lui offre le travail, l'autre qui l'exécute. Quand on en est arrivé là, travailler avec la vraie conscience devient de plus en plus facile.
Il en est de même de tout le reste. C'est par le développement de la conscience intérieure que toutes les choses dont vous parlez seront rectifiées. Par exemple une partie de l'être a l'outsaha pour le travail, tandis que l'autre sent la pression de la tranquillité et est moins disposée à travailler. Votre humeur dépend de la partie qui émerge à un moment donné; il
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en est ainsi pour tout le monde. Combiner les deux tendances est difficile, mais à partir d'un certain moment elles se réconcilient: une partie de l'être reste stable dans une concentration intérieure tandis que l'autre est soutenue par elle dans son élan vers le travail. La transformation de la nature et l'harmonisation de tous ces éléments discordants dans l'être constituent le travail de la sâdhanâ. Par conséquent vous n'avez pas lieu d'être découragé quand vous constatez qu'ils existent en vous. Peu de sâdhak ne les ont pas rencontrés en eux. Tout cela peut s'arranger par l'action de la Force intérieure, avec l'assentiment et l'appel constants du sâdhak. Par lui-même il n'en est peut-être pas capable, mais si la Force divine travaille en lui tout peut être fait.
Il est un peu difficile au début de concilier l'état où l'on est tourné vers l'intérieur avec l'attention que l'on porte au travail extérieur et à la compagnie des autres; à un certain moment cependant, l'être intérieur devient capable de rester en pleine union avec la Mère, tandis que l'action émane de cette union concentrée; cette action est alors guidée avec tant d'aisance jusque dans les détails qu'une certaine partie de la conscience peut s'occuper de tout ce qui est extérieur et même se concentrer dessus tout en ressentant la concentration intérieure sur la Mère.
C'est un très bon signe que même en plein travail le fonctionnement intérieur ait été perçu à F arrière-plan et ait réussi à établir le silence. À la longue la conscience et l'expérience plus profonde finissent par se poursuivre dans le sâdhak même lorsqu'il est en plein travail ou qu'il dort, quand il parle ou dans n'importe quelle activité.
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Il n'est pas facile au début de se rappeler la présence pendant le travail, mais si l'on ravive le sens de la présence aussitôt après avoir fini, c'est très bien. En temps opportun le sens de la présence deviendra automatique même pendant le travail.
Il n'est ni nécessaire ni inévitable d'être malheureux dans la sâdhanâ: si vous l'êtes, c'est parce que votre nature intérieure sent que le contact de la Présence divine lui est indispensable et qu'elle est mal à l'aise quand elle ne la perçoit pas; pour la sentir tout le temps, il faut un certain détachement intérieur constant qui vous permette de rester au-dedans et de tout faire du dedans. On l'obtient plus facilement dans des occupations et des contacts tranquilles. Car c'est par la tranquillité et l'intériorisation que l'on devient capable de percevoir la Présence.
Vous devez apprendre à agir toujours à partir du dedans, de votre être intérieur qui est en contact avec le Divin. L'être extérieur devrait être un simple instrument et vous ne devriez jamais lui permettre de commander ou de dicter vos paroles, vos pensées ou vos actes.
Tout devrait être fait tranquillement du dedans: travailler, parler, lire, écrire, comme faisant partie de la vraie conscience, non dans le mouvement dispersé et agité de la conscience ordinaire.
On peut travailler tout en demeurant tranquille au-dedans. La tranquillité ne consiste pas à avoir un mental vide ou à ne rien faire.
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Sentir la pression du Pouvoir est très bien, mais à vrai dire le silence intérieur n'est nullement incompatible avec l'action. C'est vers la combinaison des deux que la sâdhanâ doit avancer.
Pour connaître la Volonté divine, il faut avoir un mental tranquille. Dans le mental tranquille tourné vers le Divin vient l'intuition (mental supérieur) de la Volonté du Divin et de la manière juste de l'accomplir.
Quand le mental est pur et que le psychique prédomine, on sent ce qui s'accorde à la Volonté divine et ce qui lui est contraire.
Lorsqu'on a atteint le silence mental, une vision et une intuition concernant le travail peuvent remplacer dans ce silence les pensées mentales.
Il est bon que vous ayez été capable de vous observer tout le temps et de voir les mouvements, et que l'intervention de la nouvelle conscience ait été fréquente et automatique. À un stade ultérieur, nul doute que vous recevrez également dans le mental des indications sur la manière de faire les choses que vous voulez voir s'accomplir. Il est évident que votre mental était trop actif - et le mental des autres aussi - et pour cette raison vous n'avez pas atteint votre objectif: les témoins étaient trop nombreux! Quoi qu'il en soit...
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Pour que les actions soient psychiques, il faut que le psychique soit au premier plan. Le Pourousha qui observe peut se séparer de la Prakriti, il ne peut pas la transformer. Mais le premier pas, c'est de devenir le Pourousha qui observe. Ensuite la Volonté du Pourousha, instrument de la force de la Mère, doit agir. Cette Volonté doit être fondée sur une conscience juste qui voit ce qui est erroné, ignorant, égoïste, égocentrique, mû par le désir dans la nature, et qui le rectifie.
Si vous tenez beaucoup à obtenir la conscience nécessaire aux actions vraies et que vous y aspirez, elle pourra venir de l'une des manières suivantes::
1. Vous pouvez acquérir l'habitude ou la faculté d'observer vos mouvements de manière à voir venir l'impulsion qui vous pousse à agir et à voir aussi quelle est la nature de cette impulsion.
2. Une conscience peut apparaître, qui ressent un malaise chaque fois qu'une pensée erronée, une impulsion erronée à l'action ou un sentiment erroné se présente.
3. Quelque chose en vous peut vous avertir et vous arrêter quand vous êtes sur le point de vous tromper dans votre action.
[Pour être constamment gouverné par le Divin:] La première chose à faire est d'y aspirer constamment; ensuite il faut acquérir une sorte d'immobilité intérieure et se retirer de l'action extérieure dans cette immobilité; il faut acquérir aussi une sorte d'attitude attentive à l'écoute non d'un son, mais de la perception ou de la direction spirituelle de la conscience qui vient par l'intermédiaire du psychique.
La faculté de sentir ce qui vient du dedans dépend de la facultéé
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de s'intérioriser. Tantôt cette perception vient d'elle-même à mesure que la conscience s'approfondit par la bhakti ou de toute autre manière, tantôt elle vient par la pratique, par une sorte d'habitude d'en référer au-dedans et d'écouter venir la réponse; écouter est évidemment une métaphore, mais il est difficile de l'exprimer autrement: cela ne signifie pas que la réponse vienne nécessairement sous forme de mots, articulés ou non, bien qu'il en soit parfois ainsi ou chez certains sâdhak; elle peut prendre n'importe quelle forme. La principale difficulté, pour beaucoup, est d'avoir la certitude que la réponse est juste. Pour s'en assurer il faut être capable d'établir un contact intérieur avec le Gourou; le meilleur moyen est la bhakti. Sinon, tenter de recevoir du dedans ce sentiment par la pratique risque de devenir un exercice délicat. Obstacles: (1) habitude normale de se fier en tout aux moyens extérieurs; (2) ego qui substitue ses suggestions à la réponse juste; (3) activité mentale; (4) intrusions importunes. Je pense que vous ne devez pas rechercher cette perception avec une ardeur excessive, mais plutôt vous fier à la croissance de la conscience intérieure. Ce que je viens d'en dire n'est qu'une manière d'explication générale.
L'ouverture dans le travail signifie la même chose que l'ouverture dans la conscience. La même Force qui travaille dans -votre conscience pendant la méditation et qui dissipe les nuages et la confusion toutes les fois que vous vous ouvrez à elle peut aussi se charger de vos activités; et non seulement elle peut vous faire percevoir les défauts de vos actions, mais elle peut vous rendre conscient de ce qu'il faut faire et guider votre mental et vos mains pour l'accomplir. Si vous vous ouvrez à elle dans votre travail, vous commencerez à sentir de plus en plus sa direction, jusqu'à ce que derrière toutes vos activités, vous perceviez la Force de la Mère.8
8. Lumières sur le Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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Pour être capable de recevoir le Pouvoir divin et de le laisser agir à travers vous sur la vie extérieure, trois conditions sont nécessaires:
1. Le calme, l'égalité: ne pas vous laisser troubler, quoi qu'il arrive, garder un mental immobile et ferme qui observe le jeu des forces, mais reste lui-même tranquille.
2. Une foi absolue: la foi que c'est le meilleur qui arrivera, mais aussi que si vous pouvez devenir un vrai instrument, le fruit sera celui que votre volonté, guidée par la Lumière divine, voit comme la chose qui doit être, kartavyam karma.
3. La réceptivité: la capacité de recevoir la Force divine et de sentir sa présence et la présence de la Mère en elle, et de la laisser faire son œuvre en guidant votre vision, votre volonté et votre action. Si ce pouvoir et cette présence peuvent être perçus et que cette plasticité devienne l'habitude de la conscience en action - mais une plasticité à la seule Force divine, sans admettre aucun élément étranger - le résultat final est sûr.9
Ce qui vous est arrivé montre les conditions de l'état où le Pouvoir divin prend la place de l'ego et dirige l'action, faisant du mental, de la vie et du corps son instrument. Un silence réceptif du mental, un effacement de l'ego mental, la réduction de l'être mental à la position de témoin, un contact intime avec le Pouvoir divin et une ouverture de l'être à cette unique Influence et à nulle autre, telles sont les conditions requises pour devenir un instrument du Divin, mû par lui et par lui seul.
Le silence mental ne suffit pas en soi à amener la conscience supramentale; il y a beaucoup d'états, de plans ou de niveaux de conscience entre le mental humain et le Supramental. Le silence ouvre le mental et le reste de l'être à des choses plus grandes, quelquefois à une conscience plus haute que celle du mental humain; le silence mental est la condition
9. Les Bases du Yoga, chapitre I. Traduction de la Mère.
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la plus favorable pour que se produise l'une quelconque de ces expériences. Dans notre yoga, c'est la meilleure condition (mais ce n'est pas la seule) pour que le Pouvoir divin descende, d'abord sur la conscience individuelle, puis en elle, et travaille à transformer cette conscience en lui donnant les expériences nécessaires, en changeant sa façon de voir et tous ses mouvements, et en la conduisant d'étape en étape jusqu'à ce qu'elle soit prête à la dernière transformation, supramentale.10
Ce qui vous est arrivé est fréquent et, d'après votre récit, l'expérience s'est déroulée selon les étapes habituelles. D'abord vous vous êtes assis et mis en prière, c'est-à-dire que vous avez fait appel à ce qui est Au-Dessus, si je puis m'exprimer ainsi. Puis vint l'état qui doit s'établir pour que la réponse à la prière produise ses effets: "petit à petit, une sorte d'état de repos est venu": en d'autres termes, la tranquillité de la conscience nécessaire avant que le Pouvoir qui doit agir puisse le faire. Ensuite la ruée de la Force ou Pouvoir, "un flot d'énergie, un sentiment de pouvoir et de luminosité" et la concentration naturelle de l'être dans l'inspiration et l'expression, l'action du Pouvoir.
Le vital est l'instrument d'exécution sur le plan physique; son action et son énergie sont donc nécessaires pour tout travail: sans lui, si le mental ne fait que pousser à l'action sans la coopération et les instruments du vital, le labeur et l'effort sont pénibles et déplaisants et donnent des résultats qui généralement ne sont en rien de la meilleure qualité. L'idéal, pour travailler, est une concentration naturelle de la conscience dans l'énergie particulière au travail, soutenue par une tranquillité, un repos pleins d'aisance dans la conscience tout entière. La distraction du mental par d'autres activités trouble cet équilibre d'aisance et d'énergie concentrée; la fatigue
10. Les Bases du Yoga, chapitre I. Traduction de la Mère.
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aussi le trouble ou l'anéantit. Par conséquent la première chose à faire est de rétablir cette assise de repos et d'ordinaire, on le fait en cessant de travailler et en se reposant. Dans votre expérience, cette interruption du travail a été remplacée par un repos qui est venu d'au-dessus parce que vous étiez en prière et par une énergie venue elle aussi d'en haut. Le principe est le même que dans la sâdhanâ: c'est la raison pour laquelle nous voulons que les sâdhak calment leur conscience, afin que la paix supérieure et, sur la base de cette paix, une Force nouvelle venue d'en haut puissent entrer en eux.
Ce n'est pas l'effort qui a fait venir l'inspiration. L'inspiration descend en réponse à un état de concentration qui est en lui-même un appel. L'effort, au contraire, fatigue la conscience et par conséquent ne se prête pas à un travail de la meilleure qualité; la seule chose qui peut parfois se produire - mais qui n'est nullement constante - est que l'effort finisse par tirer une inspiration qui elle-même engendre une certaine réponse; cependant cette inspiration n'est en général ni aussi bonne, ni aussi efficace que celle que l'on reçoit lorsque l'énergie se concentre avec aisance et intensité dans son travail. L'effort et la dépense d'énergie ne sont pas forcément la même chose: la meilleure dépense d'énergie est celle qui coule facilement, sans aucun effort; quand l'inspiration ou la Force (n'importe quelle Force) agit d'elle-même, quand le mental, le vital et même le corps sont des instruments enthousiastes, quand la Force s'écoule dans une action intense et heureuse, c'est presque un labeur sans labeur.
Il est vrai que la Force peut agir avec efficacité sans qu'il y ait de votre part aucun effort. Pour travailler elle a besoin non pas de l'effort de l'être, mais de son assentiment.
C'est bien ce que se propose le yoga: par une juste passivité on
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s'ouvre à quelque chose de plus grand que son propre moi limité et l'effort n'est utile que pour accéder à cet état. Même dans la vie ordinaire l'individu n'est qu'un instrument entre les mains de l'Énergie universelle, bien que son ego s'approprie le mérite de tout ce qu'il fait.
Puisque vous êtes ouvert à la Force et que vous vous êtes transformé en un canal pour l'énergie de ce travail, il est tout à fait naturel que lorsque vous voulez le faire, la Force coule et agisse de la manière voulue ou nécessaire et fasse en sorte que l'effet désiré soit obtenu. Quand on s'est soi-même transformé en un canal pour la Force, elle n'est pas obligatoirement liée par les limitations ou les incapacités de l'instrument; elle peut ne pas en tenir compte et agir par son propre pouvoir. Dans ces conditions elle peut utiliser l'instrument humain comme un simple intermédiaire et sitôt que le travail est terminé, le laisser tel qu'il était avant, incapable dans ses moments ordinaires de travailler aussi bien; mais elle peut aussi, par son action, améliorer l'instrument, l'accoutumer à la connaissance intuitive et au mouvement intuitif nécessaires, de sorte qu'il peut à volonté commander l'action de la Force. En matière de technique, il faut distinguer deux choses: la connaissance intellectuelle que l'on applique et la cognition intuitive qui agit de son propre chef même si, en réalité, le travailleur ne la possède pas. De nombreux poètes, par exemple, ont peu de connaissances techniques en métrique ou en linguistique et sont incapables d'expliquer comment ils écrivent et quelles qualités, quels éléments sont à l'origine de leur réussite, mais leurs œuvres n'en sont pas moins parfaites par le rythme et la langue. La connaissance intellectuelle de la technique est bien entendu une aide, pourvu que l'on n'en fasse pas un simple mécanisme ou une entrave rigide. Dans certains arts on ne peut exceller sans connaissances techniques: la sculpture, la peinture par exemple.
Ce que vous écrivez vous appartient dans le sens où vous
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avez été l'instrument de sa manifestation ; il en est ainsi de tous les artistes ou de tous les travailleurs, bien que pour la sâdhanâ il soit évidemment nécessaire de reconnaître que le vrai Pouvoir n'était pas vous-même et que vous n'avez été que l'instrument sur lequel il jouait sa musique.
L'Ânanda de la création n'est pas le plaisir que prend l'ego à avoir personnellement bien travaillé et à être quelqu'un d'important; c'est tout autre chose qui s'attache à la joie du travail et de la création. L'Ânanda vient de l'irruption d'un Pouvoir plus grand, du vibrant émoi, âvésha, d'être possédé et utilisé par lui, de l'exultation née de l'exhaussement de la conscience, de l'illumination et de l'action qu'elle agrandit et soulève, et aussi de la joie de la beauté, de la puissance ou de la perfection ainsi créées. Jusqu'à quel point on ressent cet Ânanda dépend de l'état aie la conscience à ce moment, du tempérament et de l'activité du vital; bien entendu le yogi (ou même certains artistes dont le mental est fort et tranquille) n'est pas emporté par l'Ânanda, il le contient et l'observe et aucune excitation banale ne se mêle à son flot lorsqu'il parcourt le mental, le vital ou le corps. L'Ânanda du samarpana, de la réalisation spirituelle ou de l'amour divin est certes bien plus grand, mais l'Ânanda de la création a aussi sa place.
[Il faut] regarder si c'est vraiment bien fait ou non et sentir l'Ânanda du travail accompli pour la Mère. Débarrassez-vous du "je". Si c'est bien fait, c'est la Force qui l'a fait; vous n'avez eu d'autre rôle que celui d'un bon ou d'un mauvais instrument.
Il doit y avoir le rasa [dans le travail], mais il vient avec la descente dynamique du Pouvoir.
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Cette expérience est fréquente dans tout travail. La Mère explique qu'au début du travail, il y a une inspiration de ce que l'on doit faire; le mental agit tout d'abord comme un canal pour cette inspiration et tout va bien. Puis le mental se met à agir pour son propre compte (d'ordinaire sans que l'on s'en aperçoive, à moins d'être très conscient et habitué à s'observer avec attention) et à exécuter le travail sans l'inspiration d'origine, par ses moyens habituels. Cette perception est très claire dans un travail comme la poésie ou la musique, car on y sent venir l'inspiration, puis on la sent diminuer et se mêler au mental ordinaire. Tant qu'elle dure, tout se fait aisément et bien, mais dès que le mental commence à intervenir ou à agir à sa place, le travail est moins bon. Dans un travail comme la cuisine, l'inspiration n'est pas ressentie directement et d'une manière vivante, mais seulement peut-être comme une clarté, une capacité de perception, une confiance; alors quand le mental physique devient actif on ne le remarque pas. Dans une activité comme la poésie il est possible de s'interrompre jusqu'à ce que l'inspiration revienne, mais en cuisine ce n'est pas possible, le travail doit être fini sur-le-champ. Le seul remède est, je crois, de devenir plus conscient au-dedans, comme dans la sâdhanâ, jusqu'à ce que l'on puisse déceler le mouvement erroné de l'activité mentale inférieure et le contrecarrer en faisant descendre de nouveau, au moyen de la volonté, l'inspiration et la perception justes.
La Mère peut donner des indications et ouvrir des possibilités, mais si le mental s'interpose et qu'on ne s'y conforme pas, que faire?
Pourquoi vouloir faire les mêmes choses que les autres? Le travail pour lequel vous vous sentez inspiré est le meilleur pour vous.
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Au cours de la sâdhanâ on peut apprendre à faire appel à la Force de Vie universelle et à s'y réapprovisionner en énergie. Mais d'ordinaire le meilleur moyen est d'apprendre à s'ouvrir à la Force de la Mère et à devenir conscient qu'elle soutient et anime l'organisme ou qu'elle déverse en lui et lui donne l'énergie nécessaire au travail, qu'il soit mental, vital ou physique.
Il y a certes une Énergie plus haute au-dessus des Forces à l'œuvre dans l'univers actuel; c'est elle qui transformera la nature en s'emparant des énergies mentales, vitales et physiques pour les transformer à son image.
C'est une Force qui vient et pousse au travail; elle fait partie de la vie spirituelle au même titre que d'autres forces. C'est une Énergie spéciale qui s'empare du travailleur dans l'être et se réalise par lui. Travailler avec en soi une pleine énergie comme celle-là est tout à fait salutaire. La seule chose est de ne pas en faire trop, c'est-à-dire d'éviter de s'épuiser ou de retomber dans l'inertie physique.
En ce qui concerne la consécration, faites toujours le sankalpa de l'offrande, souvenez-vous et priez quand vous le pouvez (je veux dire, au sujet du travail). Ceci pour stabiliser une certaine attitude. Plus tard la Force pourra profiter de cette clé pour ouvrir au-dedans la consécration profonde.
La Force qui vient d'au-dessus est la Force de la Conscience supérieure. Celle qui vient de l'arrière-plan agit comme une force mentale, vitale ou physique selon les besoins. Quand l'être est ouvert à elle et qu'il est dans une certaine mesure passif à son fonctionnement, elle prend la place de l'activité personnelle et la Personne est un témoin de son action.
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Je ne parlais pas de la Force qui descend d'en haut, mais de la Force qui vient de l'arrière-plan et accomplit l'action en utilisant le mental et le corps comme instruments. Très souvent, quand le mental et le corps sont inertes, ils continuent à agir grâce à cette Force qui les pousse.
Dans le cours ordinaire du yoga cette force physique est remplacée par une force yoguique ou force de vie yoguique qui entretient le corps et le fait travailler, mais en l'absence de cette force le corps est dénué de pouvoir, inerte et tamasique. Le seul remède est que l'être tout entier s'ouvre à la Yoga Shakti dans chacun de ses plans: force mentale yoguique, force de vie yoguique, force corporelle yoguique.11
Oui. Si la conscience juste était toujours là, la fatigue n'apparaîtrait pas.
Pendant que vous faisiez ce travail la Force était en vous et la conscience juste emplissait le vital et le physique; plus tard, lorsque vous vous êtes détendu, la conscience physique ordinaire est revenue et a ramené les réactions ordinaires: fatigue, sciatique, etc.
Quand vous vous sentez fatigué, ne vous surmenez pas, reposez-vous; ne faites que votre travail ordinaire; faire sans cesse dans la fièvre une chose ou l'autre n'est pas le moyen de guérir la fatigue. Il faut être calme au-dehors et au-dedans quand on ressent cette impression de lassitude. Il y a toujours près de vous une force que vous pouvez faire entrer et qui
11. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
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éliminera tout cela, mais vous devez apprendre à être tranquille pour la recevoir.
Oui, c'est une erreur de se surmener puisqu'il y a ensuite une réaction. Si l'énergie est là, il ne faut pas tout dépenser, il faut en emmagasiner une partie pour accroître la force permanente de l'organisme.
Le surmenage fait venir l'inertie. Tout le monde a de l'inertie dans sa nature: la question est de savoir si elle est plus ou moins agissante.
Si l'on travaille trop, la qualité du travail se détériore quel que soit l'entrain du travailleur.
L'oisiveté doit bien entendu disparaître, mais je crois que vous êtes quelquefois tombé dans l'excès contraire. Être capable de travailler avec toute son énergie est nécessaire; mais être capable de ne pas travailler est nécessaire aussi.
Ce que vous dites de la conversation ordinaire est tout à fait juste; il est très nécessaire, pour la vraie conscience, que tout cela disparaisse.
Si le physique est dans un tel état et que le travail y suscite de telles réactions, il est inutile de le contraindre par la violence et de le soumettre à une tension exagérée. Mieux vaut l'éduquer et entraîner peu à peu la nature extérieure de l'être en apportant avec persistance le calme, la paix, la lumière, la force dans le système nerveux et les cellules du corps. Une contrainte violente appliquée au corps peut fort bien aller à l'encontre de son dessein. Votre sâdhanâ a sans doute été trop
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exclusivement intérieure et subjective; mais s'il en est ainsi, le remède ne peut pas venir en un moment. Mieux vaut par conséquent que vous vous absteniez de tout travail physique pénible pour le moment.
[La cause de la fatigue:] C'est sans doute un désir ou une préférence du vital, des goûts et des dégoûts dans le vital. Vous devez sentir que tout travail qui vous est donné est le travail de la Mère et vous devez l'exécuter avec joie, en vous ouvrant pour que la force de la Mère travaille à travers vous.
Vous avez fait des progrès, bien sûr, mais ce que Mère vous a dit et qu'elle dit à tout le monde est vrai: pour être un véritable artiste, il faut travailler dur pendant des années. Votre erreur est cependant d'accorder trop d'importance à ces questions et de vous laisser décourager par le moindre échec, la moindre difficulté qu'elles soulèvent. La seule chose à faire est d'ouvrir votre conscience à ce qui descend, de laisser le changement s'opérer afin qu'elle devienne une conscience de paix, de lumière, de pouvoir et de joie pleine de la Présence divine. Quand cet état sera venu, alors ce que le Divin veut voir exécuté par votre intermédiaire ou développé en vous sera fait ou développé avec une rapidité et une perfection qui sont à présent impossibles. Donnez priorité à la seule chose nécessaire, tout le reste n'est actuellement qu'un champ d'exercice pour le développement de cette seule chose nécessaire.
Pour ce qui est de rédiger en français, vous ne devriez pas tant penser à vous exprimer: peu importe que d'autres aient écrit les mêmes choses et l'aient fait mieux que vous. Votre but
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devrait être simplement d'apprendre à écrire parfaitement le français, de devenir parfaitement capable d'utiliser la langue française en tant qu'instrument. Que la Force veuille ou non exprimer ensuite quelque chose par votre intermédiaire, vous devez laisser la Volonté divine en décider; quand vous vous placerez entre ses mains dans la vraie conscience, elle saura quoi faire ou ne pas faire de vous et utilisera pleinement l'ensemble des instruments, quels qu'ils soient, que vous pourrez mettre à sa disposition.
Je l'ai déjà dit, en toute matière: travail, étude, autant que dans le progrès intérieur, une même chose est nécessaire si vous voulez la perfection: avoir un mental calme, devenir conscient de la Force, vous ouvrir à elle, lui permettre de travailler en vous. Il est très bon d'avoir la perfection pour objectif, mais l'agitation du mental n'est pas la voie qui y mène. Vous appesantir sur vos imperfections et vous demander sans cesse comment faire et quoi faire n'est pas non plus la voie. Restez calme, ouvrez-vous, permettez à la conscience de grandir: appelez la Force à travailler. À mesure que la conscience grandira et que la Force travaillera, vous deviendrez conscient non seulement de ce qui est imparfait, mais du mouvement qui vous fera sortir de l'imperfection (non d'un coup, mais peu à peu) et vous n'aurez plus alors qu'à suivre ce mouvement.
Si vous vous surmenez en travaillant trop longtemps ou dans l'agitation, le système nerveux (le physique vital) en est troublé ou affaibli et vous êtes ainsi ouvert à l'action de forces mauvaises. Travailler, mais dans la tranquillité, pour que le progrès soit régulier, telle est la bonne voie.
La difficulté à laquelle vous vous heurtez provient en grande partie du fait que vous vous tourmentez sans cesse dans votre
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mental à propos de ces choses en pensant: "C'est mal, ceci ne va pas en moi, cela ne va pas dans mon travail", et par suite: "Je suis incompétente, je suis incapable, je ne suis bonne à rien". Votre travail de broderie, vos abat-jour, etc., étaient toujours très bien exécutés et cependant vous êtes sans arrêt en train de penser: "c'est du mauvais travail, c'est mal fait", et ainsi vous vous jetez dans la confusion et vous vous embrouillez. Vous faites de temps en temps une erreur, c'est naturel, mais plus encore quand vous vous tourmentez de la sorte que lorsque vous travaillez avec simplicité et confiance.
Que ce soit dans le travail ou dans la sâdhanâ, mieux vaut aller son chemin en toute tranquillité, en permettant à la force d'agir et en faisant de son mieux pour qu'elle agisse comme il faut, mais sans se torturer ni tout remettre sans cesse en question en s'agitant à tout propos. Quelles que soient vos imperfections, elles s'en iraient beaucoup plus vite si vous ne les ressassiez pas tant, car en vous appesantissant sur elles à ce point, vous perdez votre confiance en vous et en votre faculté de vous ouvrir à la Force - qui est là de toute façon - et vous opposez des obstacles inutiles à son action.
Ne vous inquiétez pas des erreurs dans le travail. Souvent vous vous imaginez que les choses sont mal faites alors qu'en réalité vous avez très bien fait: même s'il y a des erreurs, ce n'est pas une raison pour vous en affliger. Laissez grandir la conscience; dans la seule conscience divine réside une entière perfection. Plus vous vous donnerez au Divin, plus grande sera la possibilité de perfection en vous.
N'attachez pas trop d'importance à ces erreurs et n'en soyez pas bouleversé. Il est dans la nature du mental de se tromper ainsi. Seule une conscience plus haute peut corriger de telles erreurs; le mental ne peut avoir de certitude qu'après un très
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long entraînement dans chaque action en particulier et même alors, il suffit qu'il relâche sa vigilance pour que quelque chose de malencontreux se produise. Faites du mieux que vous pouvez et pour le reste, laissez croître la conscience supérieure jusqu'à ce qu'elle puisse illuminer tous les mouvements du mental physique.
L'habileté dans les œuvres viendra quand le mental physique et le corps seront ouverts. Vous n'avez pas à vous en inquiéter pour le moment. Faites de votre mieux et ne soyez pas inquiet à ce propos.
Pensez à votre travail pendant que vous le faites, ni avant, ni après.
Ne laissez pas votre mental revenir sur un travail terminé. Ce travail appartient au passé et tout remaniement est un gaspillage de pouvoir.
Ne laissez pas votre mental se tourmenter à l'avance au sujet d'un travail à faire. Le Pouvoir qui agit en vous y veillera quand il le jugera bon.
Ces deux habitudes du mental appartiennent à un fonctionnement passé que la Force transformatrice travaille à éliminer; la persistance du mental physique à les perpétuer est la cause de la tension et de la fatigue que vous ressentez. Si vous pouvez vous souvenir de ne laisser votre mental agir que lorsque son action est nécessaire, la tension diminuera et disparaîtra. En réalité c'est le mouvement transitoire qui se produit avant que le fonctionnement supramental ne prenne possession du mental physique et n'apporte en lui l'action spontanée de la Lumière.
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VII
Oui, c'est évident, l'une des grandes utilités du travail est de mettre la nature à l'épreuve et de placer le sâdhak face à des imperfections de son être extérieur qui autrement auraient pu lui échapper.
Les actions n'ont d'importance que dans la mesure où elles sont une expression de ce qui est dans la nature. Vous devez être conscient de tout ce qui, dans vos actes, n'est pas en harmonie avec le yoga et vous en débarrasser. Mais pour y parvenir, il faut que votre propre conscience, le psychique, observe de l'intérieur et rejette au-dehors ce qu'elle considère comme indésirable.
Mieux vaut faire le travail comme une sâdhanâ pour se débarrasser des imperfections que d'admettre les imperfections et d'en faire une raison de ne pas travailler. Au lieu d'accepter ces réactions comme si elles étaient une loi immuable de votre nature, vous devriez décider qu'elles ne doivent plus apparaître et faire descendre l'aide de la force de Mère pour qu'elle purifie le vital et les élimine totalement. Si vous êtes persuadé qu'un désordre doit se produire dans le corps, il se produira, cela va sans dire; fixez plutôt dans votre mental l'idée et la volonté qu'il ne doit pas se produire et qu'il ne se produira pas. S'il essaie de venir, rejetez-le et repoussez-le loin de vous.
C'est une grande erreur du vital humain que de vouloir des compliments pour eux-mêmes, d'être démoralisé par leur absence et de s'imaginer que c'est un signe d'incapacité. Dans tout ce que l'on fait en ce monde on commence par l'ignorance et l'imperfection; on doit découvrir ses fautes et apprendre, on doit commettre des erreurs et trouver, en les corrigeant, la
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vraie manière de faire les choses. Personne au monde n'a jamais échappé à cette loi. Aussi, ce que l'on doit attendre des autres, ce ne sont pas des compliments à tout propos, mais des louanges pour ce qui est juste ou bien fait et des critiques pour les erreurs et les fautes. Plus on peut supporter les critiques et voir ses propres fautes, plus on a de chances d'atteindre à la plénitude de ses possibilités. En particulier quand on est très jeune - avant d'avoir atteint la maturité - il n'est pas facile de produire une œuvre parfaite. Ce qu'on appelle l'œuvre de jeunesse des poètes et des peintres, le travail qu'ils ont fait pendant leurs jeunes années, est toujours imparfait; il est une promesse, il a des qualités, mais la vraie perfection et le plein usage des pouvoirs viennent plus tard. Les artistes le savent très bien, mais ils continuent d'écrire ou de peindre parce qu'ils savent qu'ainsi ils développeront leurs pouvoirs.
On ne devrait pas se comparer aux autres. Chacun a sa propre leçon à apprendre, son propre travail à faire, et il doit se préoccuper de cela, non du progrès supérieur ou inférieur des autres par comparaison au sien. S'il est en retard aujourd'hui, il peut être en pleine possession de ses moyens plus tard et c'est en vue de cette perfection future de ses pouvoirs qu'il doit faire effort. Vous êtes jeune et vous avez encore tout à apprendre; vos facultés ne sont encore qu'en bouton, vous devez attendre et travailler pour qu'elles atteignent leur pleine floraison et il doit vous être indifférent que des mois ou même des années soient nécessaires pour que vous parveniez à quelque chose de satisfaisant et de parfait. Cela viendra en temps opportun et tout travail que vous faites maintenant est un pas dans cette direction.
Mais apprenez à bien accueillir ceux qui vous critiquent et vous signalent vos imperfections; plus vous le ferez, plus rapidement vous avancerez.
Celui qui apprend à peindre, à jouer de la musique ou à écrire et n'aime pas que ceux qui savent déjà relèvent ses fautes,
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comment apprendra-t-il ou atteindra-t-il à une quelconque perfection dans la technique?
Nous ne pouvons pas approuver votre idée: il y a déjà assez d'intellectuels à l'Ashram et l'intellectuel en chambre est un spécimen d'humanité dont nous ne sommes pas disposés à encourager la prolifération. Le travail extérieur est exactement ce qu'il faut pour conserver l'équilibre de la nature et vous en avez certes besoin à cette fin. Votre présence à la Salle à Manger12 est indispensable aussi. Pour le reste, au lieu de vous fâcher avec X ou Y, vous devriez chercher en vous-même la cause de ces incidents: c'est toujours la vraie règle pour un sâdhak. Vous êtes parfois au mieux de vous-même et alors tout va très bien; à d'autres moments c'est tout le contraire, alors ces malentendus se produisent. Le remède est par conséquent d'être toujours au mieux de vous-même: non pas d'être toujours dans votre chambre, mais d'être toujours dans votre meilleur moi et par conséquent votre vrai moi.
La difficulté provient d'une certaine susceptibilité excessive de la nature vitale qui ressent fortement tout manque d'harmonie dans le travail, tout antagonisme ou tout événement malencontreux; quand cela se produit, on est enclin à le ressentir comme un antagonisme personnel et de l'autre côté aussi, un sentiment analogue apparaît; alors la difficulté se prolonge et mène à un conflit. En fait elle naît souvent des circonstances: par exemple, il est peut-être plus difficile qu'auparavant, pour la section des bâtiments dont le personnel très réduit est tout entier pris par des tâches urgentes, de vous rendre service. Le malentendu peut venir aussi du fait
12. La Salle à Manger de l'Ashram où les disciples prennent leurs repas en commun.
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que les gens agissent selon leur manière d'envisager la question qui ne correspond pas à la vôtre. Ou encore il peut venir de ce que la personne suit ses propres opinions, ses idées personnelles sur ce qui est commode ou efficace, et contrarie ainsi les vôtres. Il peut n'y avoir aucun sentiment personnel dans tout cela et mieux vaut ne pas en chercher un et ne pas voir les choses de cette façon. Ce qu'il faut faire, c'est toujours tout considérer avec une vision calme et claire et pas seulement de son propre point de vue (qui peut se révéler juste et pourtant appeler des modifications de détail), mais avec une vision qui tient compte aussi du point de vue des autres; cette vision large, tranquille et impersonnelle est nécessaire dans la pleine conscience yoguique. Lorsqu'on la possède, on peut exiger ce qui doit être exigé avec fermeté, mais en même temps avec une estime et une compréhension de l'autre qui éliminent tout risque de heurter ses sentiments personnels. Naturellement si l'autre n'est pas raisonnable, il peut tout de même se sentir offensé, mais alors ce sera entièrement de sa faute et il en subira seul les conséquences. C'est ici que nous voyons la nécessité d'un changement. La loyauté, la fidélité, la capacité, la force de volonté et d'autres qualités dans le travail, vous n'en manquez pas; un calme et une égalité complètes, non seulement dans l'être intérieur - où ils existent peut-être déjà - mais dans les parties nerveuses extérieures, voilà ce que vous devez acquérir complètement.
Il y a toujours des défauts des deux côtés, c'est ce qui entraîne ces discordances. De votre côté vous avez [...] une tendance à juger trop durement les autres, une promptitude à voir et à souligner les fautes, les défauts, les côtés faibles des autres et à ne pas voir suffisamment leurs bons côtés. Ce penchant vous empêche d'être aussi bienveillant que vous devriez l'être, donne une impression de dureté et de sévérité critique et provoque chez les autres une tendance à l'antagonisme et à la révolte qui, même si elle n'est pas dans leur mental, agit par
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l'intermédiaire de leur subconscient et crée tous ces mouvements discordants. Tirer profit de ce qui est bon chez les autres, ne regarder que cela et traiter avec tact leurs erreurs, leurs fautes et leurs imperfections, telle est la meilleure manière d'agir; elle n'exclut pas la fermeté et le maintien de la discipline ni même la sévérité, quand elle est justifiée; mais elle doit être rare et les autres ne devraient pas avoir l'impression qu'elle est une attitude permanente.
Si vous percevez la différence entre vos sentiments intérieurs et vos réactions de surface, c'est le signe que vous devenez conscient des diverses parties de votre nature dont chacune a son propre caractère. En fait chaque être humain est composé de plusieurs personnalités qui sentent et se conduisent chacune d'une manière différente et son action est déterminée par celle qui se trouve prédominer sur le moment. La partie qui n'a de ressentiment contre personne est soit l'être psychique, soit l'être émotionnel dans le cœur; celle qui ressent la colère et est pleine de sévérité est une certaine partie de la nature vitale extérieure de surface. Cette colère et cette sévérité sont une forme erronée de quelque chose qui, en soi, a sa valeur: une certaine volonté vigoureuse, une force d'action et de maîtrise dans l'être vital sans laquelle le travail ne peut pas se faire. Il faut se débarrasser de la colère et conserver la force et la ferme volonté ainsi qu'un jugement mûri sur ce qu'il est juste de faire dans n'importe quelle circonstance. Par exemple, on peut toujours permettre aux gens d'exécuter le travail à leur manière quand cela ne nuit pas au travail, quand c'est simplement leur manière d'exécuter ce qu'ils ont à faire; quand leur manière de faire s'oppose à la discipline du travail, alors il faut les contraindre, mais avec calme et bonté, non avec colère. Très souvent, si l'on a cultivé un pouvoir silencieux de mettre la force de la Mère sur le travail en utilisant sa propre volonté comme instrument, cela peut suffire sans qu'il soit nécessaire de dire quoi que ce soit, puisque la
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personne change d'elle-même sa manière de faire comme si cela venait de sa propre initiative.
Ce sentiment de ne pas pouvoir manger et que manger n'est pas nécessaire est une sorte de suggestion qui vient à quelques-uns. Il doit être rejeté et balayé de l'organisme car il peut entraîner un affaiblissement du corps dû à une alimentation insuffisante. Souvent, au début, on ne sent pas la faiblesse, une énergie vitale vient qui soutient le corps, mais plus tard le corps s'affaiblit. Ce sentiment peut quelquefois venir quand on s'intériorise beaucoup et que l'on ne se soucie pas des besoins du corps; mais il ne faut pas l'accepter. S'il est rejeté, il est probable qu'il disparaîtra.
Décourager qui que ce soit est mauvais, mais donner un faux encouragement ou encourager quelque chose de mauvais n'est pas juste. On doit parfois user de sévérité (mais non en abuser) quand sans elle on ne peut corriger une persévérance obstinée dans l'erreur. Très souvent, si une communication intérieure a été établie, une pression silencieuse est plus efficace que quoi que ce soit d'autre. Aucune règle absolue ne peut être posée; on doit juger et agir pour le mieux dans chaque cas.
C'est tout à fait nécessaire au travail; la diligence et la discipline sont indispensables. Elles ne peuvent cependant être maintenues qu'en partie par des moyens extérieurs; dans la vie ordinaire, elles dépendent en réalité de la personnalité du supérieur, de son influence sur les subordonnés, de sa fermeté, de son tact, de sa bonté dans ses rapports avec eux. Mais le sâdhak s'appuie sur une force plus profonde, celle de sa conscience intérieure et de la force qui agit par son intermédiaire.
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Cela [discipliner les subordonnés] doit être fait dans l'esprit juste et les subordonnés doivent pouvoir le sentir: sentir qu'ils sont traités en toute équité par un homme qui a de la sympathie et de la perspicacité, pas seulement de la sévérité et de l'énergie. Il s'agit d'avoir du tact vital et un vital fort et vaste qui trouve toujours la manière juste d'agir avec les autres.
Nous avons été très heureux de recevoir vos lettres dont tous les détails prouvent quel progrès rapide et considérable vous avez fait dans la sâdhanâ. Tout ce que vous écrivez montre une conscience claire et une orientation nouvelle dans le vital inférieur. Avoir vu clairement l'instinct de domination et l'orgueil de l'instrument qui se trouvent dans cette partie de l'être indique qu'elle est en bonne voie pour se transformer; ces défauts doivent maintenant être remplacés par leurs justes contreparties: le pouvoir d'agir sans ego sur les autres pour ce qui est Vrai et Juste, le pouvoir d'être un instrument du Divin fort et confiant, mais sans ego. Il est clair aussi que le physique est effectivement en train de s'ouvrir, mais en lui les mouvements du physique instinctif et du physique vital (peur dans le corps, faiblesse, tendance à la mauvaise santé) doivent aussi s'en aller. En ce qui concerne le régime, une nourriture légère, suffisante pour assurer la force et l'entretien du corps, est ce qu'il y a de mieux pour vous; la viande n'est pas à conseiller.
Que la grande ouverture qui est venue en vous se développe et que votre être tout entier, jusqu'au matériel, s'emplisse de la vraie conscience et du vrai pouvoir.
Vous savez ce qu'il faut faire: prendre l'attitude intérieure requise et la conserver; quand l'ouverture à la Force et l'intensité, le courage et le pouvoir dans l'action qui viennent d'elle
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sont là, on peut faire face aux circonstances extérieures et les infléchir dans la bonne direction.
Chaque fois que quelque chose de malencontreux se produit, il est essentiel de ne permettre [...] à aucune vibration de trouble ou d'agitation d'intervenir ni dans le mental physique, ni dans les nerfs. On doit rester calme et ouvert à la Lumière et à la Force; alors on sera capable d'agir de la manière juste.
Du point de vue de la sâdhanâ, vous ne devez pas vous laisser le moins du monde troubler par tout cela. Ce que vous avez à faire, ce qu'il est juste de faire, devrait être fait dans un calme parfait avec le soutien de la Force divine. Tout ce qui est nécessaire pour obtenir un résultat heureux peut être fait, y compris vous assurer l'appui de ceux qui sont capables de vous aider. Toutefois, si cet appui extérieur se fait attendre, vous ne devez pas en être troublé, mais poursuivre calmement votre chemin. S'il survient quelque part un échec ou une difficulté dont vous n'êtes pas responsable, vous ne devez pas en être bouleversé. La force, un calme impassible, une action tranquille, simple et juste dans toutes les affaires que vous avez à traiter, telle doit être votre règle.
Garder cette équanimité et cette absence de réaction et à partir de cette base de calme, diriger la force du yoga sur les choses et les personnes (non à des fins égoïstes, mais pour que le travail soit fait), telle est la condition du yogi.
Demeurez impassible, ne soyez pas offensé, faites votre
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travail sans vous décourager, appelez la Force afin qu'elle agisse à votre place. C'est pour vous un terrain d'épreuve; le résultat intérieur est plus important que le résultat extérieur.
Une double action est nécessaire: annihiler la mauvaise volonté des subordonnés et amener les supérieurs à changer d'avis; une action invisible, car dans le visible ils semblent trop sous l'empire des Forces de l'Ignorance.
Vous devez faire de vous-même un instrument de la Force invisible, être capable pour ainsi dire de la diriger vers le point requis et dans le but requis. Mais pour cela la samatâ doit être totale, car un usage calme et lumineux de la Force est nécessaire. Autrement l'usage de la Force, s'il s'accompagne de réactions de l'ego, peut susciter en contrepartie une résistance de l'ego et un conflit.
L'accroissement de la samatâ n'est qu'une première condition. Quand, sur la base de la samatâ, une Force intelligente pourra être utilisée pour annuler ces attaques, elles deviendront impossibles.
[Attaques physiques dirigées par des forces adverses contre les personnes qui collaborent:] Cela fait toujours partie de leur tactique dans la sphère physique. On ne peut les conjurer qu'en employant contre elles une Force supérieure.
Telle est l'attitude juste d'égalité intérieure: demeurer impassible
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quoi qu'il puisse arriver à l'extérieur. Mais ce qui est nécessaire à la réussite dans le domaine extérieur (si vous n'utilisez pas les moyens humains, diplomatie ou tactique), c'est le pouvoir de transmettre avec calme une Force capable de modifier l'attitude des hommes et les circonstances et de rendre toute action extérieure à la fois juste et efficace.
Pour le sâdhak les luttes, les ennuis, les désastres extérieurs ne sont qu'un moyen de surmonter l'ego et le désir radjasique et de parvenir à une soumission complète. Tant que l'on s'attache à la réussite, on fait le travail pour l'ego, au moins en partie; les difficultés et les échecs extérieurs surviennent pour vous avertir qu'il en est ainsi et vous conduire à l'égalité complète. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas acquérir le pouvoir de vaincre, mais le plus important n'est pas le succès dans le travail du moment, c'est le pouvoir de recevoir et de transmettre une vision juste de plus en plus grande et une Force intérieure qui doit être développée; et il faut le faire avec beaucoup de sang-froid et de patience, sans être ni exalté ni troublé par la victoire ou l'échec du moment.
Ce que vous devez comprendre, c'est que votre succès ou votre échec dépend, d'abord et toujours, du fait que vous restiez dans l'attitude juste et dans la vraie atmosphère spirituelle et psychique, et que vous laissiez la force de la Mère agir par votre intermédiaire [...]
Autant que je puis en juger par vos lettres, vous considérez trop son soutien comme une chose qui va de soi et vous donnez le pas à vos propres idées, à vos propres projets et à vos propres paroles quand il s'agit du travail; mais ceux-ci, qu'ils soient bons ou mauvais, justes ou erronés, iront à un échec inévitable s'ils ne sont pas des instruments de la vraie Force [...] Vous devez être sans cesse concentré, toujours vous en remettre à la force qui vous est envoyée d'ici pour
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qu'elle résolve les difficultés, toujours la laisser agir et ne pas y substituer votre propre mental et votre volonté ou votre impulsion vitale indépendante [...]
Poursuivez votre travail sans jamais oublier les conditions de la réussite. Ne vous absorbez pas dans le travail ni dans vos idées ou vos projets, et n'oubliez pas non plus de garder sans cesse le contact avec la vraie source. Ne permettez pas à l'influence mentale ou vitale de quiconque, ni à l'influence de l'atmosphère environnante ou de la mentalité humaine ordinaire de s'interposer entre vous et le pouvoir et la présence de la Mère.
Il est très satisfaisant que vous ayez si bien terminé le travail que vous aviez entrepris pour la Mère [...] surmontant toutes les difficultés et aboutissant à un résultat aussi heureux [...] Mais assurément votre travail pour la Mère sera toujours aussi minutieux, consciencieux et habile, inspiré par une foi solide et une ouverture à sa force; où ces choses existent, la réussite est toujours certaine.
VIII
Un ordre harmonieux et une organisation dans le domaine physique sont indispensables à l'efficacité et à la perfection et rendent l'instrument apte à tout travail qui lui est donné.
Il ne peut y avoir de vie physique sans un ordre et un rythme. Si cet ordre est changé, ce doit être pour obéir à une croissance intérieure et non pour le seul attrait de la nouveauté extérieure. Seule une certaine partie de la nature vitale inférieure de surface est sans cesse à la recherche du changement extérieur et de la nouveauté pour eux-mêmes.
C'est par une croissance intérieure constante que l'on peut
trouver dans la vie une constante nouveauté et un intérêt qui ne faiblit point. Aucun autre moyen n'est satisfaisant.13
L'impatience quand les choses vont mal est le défaut d'une qualité: l'importance accordée à l'exactitude et à l'ordre. Le tout est de garder la qualité et de se débarrasser du défaut.
Pour vous occuper des choses les plus matérielles vous devez fixer un programme, sinon tout devient un océan de confusion et se fait n'importe comment. Il faut aussi établir des règles strictes pour l'utilisation des objets matériels tant que les gens ne sont pas assez développés pour s'en occuper correctement sans être soumis à des règles. Mais en matière de développement intérieur et de sâdhanâ, il est impossible de dresser un plan dans tous ses détails et de dire: "Chaque fois vous vous arrêterez là, ici, de telle manière, à cette limite et pas plus loin." Tout deviendrait alors si bloqué et si rigide que rien ne pourrait se faire: il ne pourrait y avoir aucun mouvement vrai et efficace.14
Il doit y avoir dans le travail une règle et une discipline et autant de ponctualité qu'il est possible en ce qui concerne les horaires.
Quelle est la différence de valeur entre ce travail-ci et celui-là? Tout est le travail de la Mère et égal à Ses yeux.
Être capable de régularité est une grande force, on devient maître de son temps et de ses mouvements.
13. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
14. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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Une résolution, c'est la volonté d'essayer de faire quelque chose dans un temps donné. Ce n'est pas une "promesse" par laquelle on s'engage à le faire dans le temps donné. Même si l'on n'y parvient pas, l'effort devra se poursuivre tout comme si aucun délai n'avait été fixé.
IX
Le gaspillage éhonté, le gâchis des objets matériels en un temps incroyablement court par manque de soin, la négligence désordonnée, le mauvais usage de la main-d'œuvre et des matériaux dû soit à une avidité du vital, soit à une inertie tamasique sont néfastes à la prospérité et tendent à détourner ou à décourager le Pouvoir de Richesse. Ces choses s'étalent depuis longtemps dans la société et si elles continuent, un accroissement de nos moyens pourrait bien se traduire par une augmentation proportionnelle du gaspillage et du désordre et neutraliser l'avantage matériel. Il faut y remédier pour qu'il y ait un progrès tant soit peu solide.15
L'ascétisme pour l'ascétisme n'est pas l'idéal de notre yoga; mais la maîtrise de soi dans le vital et un ordre juste dans le matériel en sont une très importante partie. Mais même une discipline ascétique est plus favorable à notre dessein qu'une molle absence de vraie maîtrise. Maîtriser les choses matérielles ne veut pas dire avoir de grandes possessions et les gaspiller avec prodigalité ou les gâcher aussi vite qu'elles viennent, ou même plus vite. La maîtrise implique l'utilisation juste et soigneuse des choses et aussi la maîtrise de soi dans leur usage.16
Il ne faut pas mépriser les objets matériels: sans eux, il ne pourrait pas y avoir de manifestation dans le monde matériel.
15. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
16. Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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Il y a dans chaque objet matériel une conscience avec laquelle on peut communiquer. Tout a une individualité d'un certain genre: les maisons, les voitures, les meubles, etc. Les peuples de l'antiquité le savaient; aussi voyaient-ils un esprit ou "génie" dans chaque objet matériel.
Ce que vous ressentez à l'égard des objets matériels est vrai. Il y a en eux une conscience et une vie qui ne sont pas la vie et la conscience de l'homme et de l'animal telles que nous les connaissons, mais qui cependant sont cachées et réelles. C'est pourquoi nous devons avoir du respect pour les objets matériels et les employer correctement, ne pas les malmener ou les gaspiller, ne pas les maltraiter ni les manier sans soin, avec brutalité. Ce sentiment que tout est conscient ou vivant apparaît lorsque notre propre conscience physique - et pas seulement le mental - s'éveille de son obscurité et commence à percevoir l'Un en toutes choses, le Divin partout.
Il est tout à fait vrai que les objets matériels ont en eux une conscience qui sent le soin que l'on prend d'eux et y réagit, qui est sensible à tout contact négligent et à toute manipulation brutale. Le savoir ou le sentir et apprendre à être soigneux est un grand progrès de la conscience.
Manier brutalement les objets matériels, les briser par manque de soin, les gaspiller ou en faire mauvais usage est une négation de la conscience yoguique et un grand obstacle à la descente de la Vérité divine dans le plan matériel.
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C'est, je suppose, une idée qui est venue par l'intermédiaire du mental physique et qui vous a poussé à considérer seulement l'utilité matérielle en négligeant toute autre perception et tout autre motif. Vous devez vous méfier des idées et des suggestions de ce mental physique et n'en accepter aucune sans discrimination et sans l'avoir soumise à une lumière plus haute.
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LA SÂDHANÂ PAR LA MÉDITATION
Vos questions couvrent la totalité d'un domaine très vaste. Il est donc nécessaire d'y répondre assez brièvement, en abordant seulement quelques-uns des principaux points.
1. Que signifie exactement méditation?
L'anglais se sert de deux mots pour exprimer l'idée indienne de dhyâna: "méditation" et "contemplation". Le mot méditation désigne à proprement parler la concentration du mental sur une séquence d'idées unique qui développe un seul sujet. La contemplation consiste à regarder mentalement un objet unique, une image unique, une idée unique, afin que la connaissance de l'objet, de l'image ou de l'idée puisse émerger naturellement dans le mental par la force de la concentration. Toutes deux sont des formes de dhyâna, car le principe de dhyâna est la concentration mentale, que ce soit en pensée, en vision ou en connaissance.
Il y a d'autres formes de dhyâna. Vivékânanda, dans l'un de ses ouvrages, conseille de se retirer de ses pensées, de les laisser se produire à leur guise dans le mental, et simplement de les observer et de regarder ce qu'elles sont. C'est ce que l'on peut appeler se concentrer dans l'observation de soi-même.
Cette forme de concentration conduit à une autre qui élimine du mental toute pensée pour le laisser comme une sorte de vide pur et vigilant où la connaissance divine peut venir s'imprimer sans être brouillée par les pensées inférieures du mental humain ordinaire, avec la clarté d'une écriture à la craie blanche sur un tableau noir. Vous verrez que la Guîtâ parle de ce rejet de toute pensée mentale comme de l'une des "Rhodes de yoga, et c'est même la méthode qu'elle semble Préférer. On peut l'appeler dhyâna de libération, puisqu'elle libère le mental de l'esclavage du processus mécanique de la pensée et lui permet de penser ou de ne pas penser, comme il
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lui plaît et quand il lui plaît, de choisir ses propres pensées, ou encore d'aller au-delà de la pensée vers la pure perception de la Vérité appelée, dans notre philosophie, vijnâna.
Parmi ces procédés, la méditation est le plus aisé pour le mental humain, mais le plus étroit dans ses résultats; la contemplation est plus difficile, mais elle a plus d'ampleur; l'observation de soi et la libération des chaînes de la Pensée est le plus difficile de tous, mais le plus vaste et le plus fructueux. Chacun peut choisir l'un ou l'autre selon ses tendances et ses capacités. La méthode parfaite consisterait à les utiliser tous, chacun à sa place et selon son objectif particulier; mais pour pouvoir s'en servir il faudrait s'appliquer au yoga avec une foi inébranlable, une ferme patience et une grande énergie de la Volonté.
2. Sur quels objets ou quelles idées faut-il méditer?
Sur tout ce qui s'accorde le mieux avec votre nature et vos aspirations les plus élevées. Mais si vous me demandez de répondre dans l'absolu, alors je dois dire que le Brahman est toujours le meilleur sujet de méditation ou de contemplation, et que l'idée sur laquelle le mental doit se fixer est celle de Dieu en tous, tous en Dieu et tous comme Dieu. Peu importe au fond qu'il s'agisse du Dieu personnel, du Dieu impersonnel ou, subjectivement, du Moi unique. C'est cette idée que j'ai trouvée la meilleure, parce qu'elle est la plus haute et embrasse toutes les autres vérités, vérités de ce monde ou des autres, ou vérités au-delà de toute existence phénoménale: "Tout ceci est le Brahman."
Dans la troisième livraison de l'Ârya, à la fin du deuxième chapitre de l'analyse de l'Îsha Oupanishad, vous trouverez une description de cette vision du Tout1 qui pourra vous aider à comprendre ce que je veux dire.
1. L'Oupanishad nous enseigne comment percevoir le Brahman dans l'univers et dans notre propre existence.
Il nous faut percevoir le Brahman comme englobant à la fois le Stable et le Mouvant. Nous devons le voir en l'Esprit éternel et immuable, et dans toutes les manifestations changeantes de l'univers et de la relativité.
Il nous faut percevoir toutes choses dans l'Espace et le Temps, ce qui est éloigné comme ce qui est proche, le Passé immémorial, le Présent immédiat, l'Avenir infini, avec tout ce qu'ils contiennent et chaque événement, comme l'unique Brahman.
Il nous faut percevoir le Brahman comme ce qui dépasse, contient et soutient toutes choses individuelles autant que l'univers entier, transcendant le Temps, l'Espace et la Causalité. Il nous faut également Le percevoir comme étant ce qui vit dans l'univers et le possède avec tout ce qu'il contient.
Tel est le Brahman transcendantal, universel et individuel, le Seigneur, ' Esprit en quoi tout est et qui est en toute chose, objet de toute connaissance. Sa réalisation est la condition nécessaire pour atteindre à la perfection, et elle est le chemin de l'Immortalité (Édition du Centenaire, volume XII, p. 86).
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3. Quelles conditions intérieures et extérieures sont essentielles à la méditation?
Il n'y a pas de conditions extérieures essentielles; cependant la solitude et l'isolement au moment de la méditation, ainsi que l'immobilité du corps, peuvent être une aide et sont parfois presque indispensables au débutant. Mais on ne doit pas se laisser entraver par les conditions extérieures. L'habitude de méditer une fois prise, on devrait acquérir la capacité de le faire en toutes circonstances: allongé, assis, en marchant, seul, en compagnie, dans le silence ou dans le bruit, etc.
La première condition intérieure nécessaire est la concentration de la volonté contre les obstacles à la méditation: vagabondage du mental, oubli, sommeil, impatience physique et nerveuse, agitation, etc.
La deuxième est une pureté et un calme croissants de la conscience intérieure (chitta) d'où s'élèvent la pensée et l'émotion: absence de réactions perturbatrices comme la colère, le chagrin, la dépression, l'inquiétude au sujet des incidents de ce monde, etc. Perfection mentale et perfection morale sont toujours étroitement liées.
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La concentration consiste à rassembler la conscience et à la centraliser en un point ou à l'orienter vers un objet unique, par exemple le Divin; elle peut aussi être un état de recueillement dans l'être tout entier, non en un point. Dans la méditation, il n'est pas indispensable de se rassembler ainsi; on peut simplement rester dans la tranquillité mentale et penser à un seul sujet ou observer ce qui vient dans la conscience et s'en occuper.
Se concentrer, c'est fixer la conscience en un seul endroit ou sur un seul objet en la maintenant unifiée. La méditation peut être diffuse: on peut par exemple penser au Divin, recevoir des impressions et exercer sa discrimination, regarder ce qui se passe dans la nature et agir sur ce que l'on y voit, etc.
Quand, dans notre yoga, nous parlons de concentration, nous voulons dire que la conscience est fixée dans un état particulier, par exemple: la paix, ou dans un mouvement particulier, par exemple: l'aspiration, la volonté, la recherche du contact avec la Mère, l'invocation du nom de la Mère; nous parlons de méditation quand le mental intérieur regarde les choses pour en acquérir la connaissance juste.
Passons maintenant à la concentration. D'ordinaire, la conscience se répand partout, se disperse et court dans toutes les directions, après ce sujet-ci, après cet objet-là, innombrablement. Quand on veut faire quoi que ce soit de soutenu, la première chose à faire est de ramener à soi toute cette conscience dispersée et de se concentrer. Alors, si l'on regarde de près, la conscience est forcément concentrée en un seul endroit et sur une seule occupation, sujet ou objet -
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comme lorsque vous composez un poème ou qu'un botaniste étudie une fleur. Cet endroit est généralement quelque part dans le cerveau ou dans le cœur, suivant que l'on se concentre dans la pensée ou dans les sentiments. La concentration yoguique est simplement une extension et une intensification de la même opération. Elle peut se faire sur un objet, comme lorsqu'on fait Trâtak sur un point brillant: on doit alors se concentrer de façon à n'avoir aucune autre pensée. Elle peut se faire sur une idée, sur un mot ou un nom: l'idée du Divin, le mot l'Ârya, le nom de Krishna, ou sur la combinaison d'une idée et d'un mot ou d'une idée et d'un nom. Mais quand on est plus avancé dans le yoga, on se concentre aussi en un endroit particulier. Il y a la règle bien connue de se concentrer entre les sourcils: c'est là que se trouve le centre du mental intérieur, de la vision occulte, de la volonté. Ce que l'on fait, c'est de penser fixement, de là, à l'objet que l'on a choisi pour sa concentration, ou encore d'essayer, de là, d'en voir l'image. Si vous y parvenez, vous sentez au bout d'un certain temps que votre conscience entière est centrée en cet endroit - pour le moment, bien entendu. Après l'avoir fait pendant quelque temps et souvent, cela devient facile et normal.
J'espère que ceci est clair. Eh bien, dans notre yoga, vous faites la même chose, pas nécessairement à cet endroit particulier entre les sourcils mais n'importe où dans la tête ou au centre de la poitrine, là où les physiologistes ont situé le plexus cardiaque. Au lieu de vous concentrer sur un objet, vous vous concentrez dans la tête avec une volonté, un appel pour que la paix d'en haut descende ou, comme certains le font, pour ouvrir la barrière invisible et que la conscience s'élève vers les hauteurs. Dans le centre du cœur, on se concentre dans une aspiration, pour une ouverture, pour la présence de la vivante image du Divin là, ou pour n'importe quel autre résultat. On peut faire le japa (répétition) d'un nom, mais dans ce cas il faut en même temps se concentrer sur ce nom qui doit se répéter de lui-même dans le centre du cœur.
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On peut se demander ce qu'il advient du reste de la conscience quand on procède à ce genre de concentration locale. Eh bien, elle tombe dans le silence, comme dans n'importe quelle concentration, ou si elle ne tombe pas dans le silence, des pensées ou autre chose peuvent s'y mouvoir, comme si elles étaient à l'extérieur, mais la partie concentrée ne s'en occupe pas ni ne les remarque. C'est ce qui se produit quand la concentration est raisonnablement réussie.
On ne doit pas se fatiguer au début par une longue concentration si l'on n'y est pas habitué, car dans un mental surmené, elle perd son pouvoir et sa valeur. On peut alors se détendre et méditer au lieu de se concentrer. C'est seulement quand la concentration devient normale que l'on peut continuer pendant un temps de plus en plus long.2
On peut se concentrer dans n'importe lequel des trois centres: celui qui offre au sâdhak le plus de facilité, ou celui qui donne le plus de résultats. La concentration dans le centre du cœur a le pouvoir d'ouvrir ce centre et, par la puissance de l'aspiration, de l'amour, de la bhakti, de la consécration, d'ôter le voile qui recouvre et dissimule l'âme ou être psychique, d'amener celui-ci au premier plan pour qu'il gouverne le mental, la vie et le corps, qu'il les oriente tous pleinement vers le Divin et les ouvre à Lui, en éliminant tout ce qui s'oppose à cette orientation et à cette ouverture.
C'est ce que, dans notre yoga, nous appelons la transformation psychique. La concentration au-dessus de la tête a le pouvoir d'apporter la paix, le silence, de permettre à l'être d'oublier le corps, de le libérer de l'identification avec le mental et la vie, et d'ouvrir la voie à la conscience inférieure (mentale, vitale et physique) afin qu'elle s'élève à la rencontre de la conscience supérieure; afin aussi que les pouvoirs de la conscience supérieure (nature spirituelle) descendent dans le
2. Lumières sur le Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
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mental, la vie et le corps. C'est ce qui s'appelle, dans notre yoga, la transformation spirituelle. Si l'on commence par ce mouvement, le Pouvoir d'en haut doit, en descendant, ouvrir tous les centres (y compris le centre le plus bas) et faire émerger l'être psychique, car jusqu'à ce que cela soit fait, la conscience inférieure engendrera vraisemblablement beaucoup de difficultés et de luttes en faisant obstruction à la descente de l'Action divine, en se mélangeant à elle ou même en la rejetant. Dès que l'être psychique est actif, cette lutte et ces difficultés peuvent être réduites au minimum.
La concentration entre les sourcils a le pouvoir d'ouvrir le centre qui s'y trouve, de libérer le mental intérieur et la vision, la conscience intérieure ou yoguique, ses expériences et ses pouvoirs. À partir de là, on peut aussi s'ouvrir vers le haut et agir sur les centres inférieurs; mais le danger, en procédant ainsi, est que l'on risque de s'enfermer dans ses propres formations mentales-spirituelles et de ne plus en sortir, au lieu d'entrer dans l'expérience spirituelle libre et intégrale, dans la connaissance et dans la transformation intégrale de l'être et de la nature.
Si l'on se concentre sur une pensée ou sur un mot, on doit fixer son attention sur l'idée essentielle contenue dans le mot en aspirant à sentir ce qu'il exprime.
Je n'ai pas en ce moment le chapitre original sous les yeux, mais d'après les phrases'citées,3 il semble qu'il s'agisse de
3. "Cette concentration procède par l'Idée... car c'est à travers l'Idée que l'être mental s'élève au-delà de toute expression, vers Cela qui est exprimé, Cela dont l'Idée elle-même n'est qu'un instrument. Par la concentration sur l'Idée, l'existence mentale que nous sommes à présent brise la barrière de notre mentalité et parvient à l'état de conscience, l'état d'être, l'état de pouvoir de l'être conscient, l'état de béatitude de l'être conscient, auquel l'Idée correspond et dont elle est le symbole, le mouvement et le rythme. " (La Synthèse des Yoga, livre II, chapitre IV. Traduction de la Mère.)
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l'Idée mentale essentielle. C'est une méthode de connaissance similaire, par exemple, à celle du Védânta: on se concentre sur l'idée du Brahman omniprésent; on regarde un arbre ou un objet quelconque à proximité en gardant présente à l'esprit l'idée que le Brahman est là et que l'arbre ou l'objet n'en est qu'une forme. Après un certain temps, si l'on se concentre de la bonne manière, on commence à percevoir une présence, une existence; la forme physique de l'arbre devient une coquille vide et on sent que cette présence ou cette existence est la seule réalité. Alors l'idée disparaît, une vision directe de l'objet prend sa place; il n'est plus nécessaire de se concentrer sur l'idée, on voit avec une conscience plus profonde, sa pashyati. Il faut noter que cette concentration sur l'idée ne consiste pas simplement à penser, mananam: c'est une absorption intérieure dans l'essence de l'Idée.
Il n'y a pas d'inconvénient à se concentrer tantôt dans le cœur, tantôt au-dessus de la tête. Mais se concentrer dans tel endroit ou tel autre ne signifie pas que l'attention reste fixée sur un endroit particulier: vous devez installer votre conscience en un endroit et là, vous concentrer non sur l'endroit lui-même, mais sur le Divin. Les yeux peuvent être fermés ou ouverts, ce qui vous convient le mieux.
Vous pouvez vous concentrer sur le soleil, mais il vaut mieux se concentrer sur le Divin que sur le soleil.4
La plupart des gens associent la conscience au cerveau ou au mental parce que c'est là que se trouve le centre de la pensée intellectuelle et de la vision mentale, mais la conscience ne se
4. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
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borne pas à cette seule catégorie de pensée ou de vision. Elle est partout dans l'organisme et elle a plusieurs centres: le centre de la concentration intérieure, par exemple, n'est pas le cerveau, mais le cœur; le centre d'où provient le désir vital est encore plus bas.
Les deux principaux endroits où l'on peut centrer la conscience pour pratiquer le yoga sont la tête et le cœur: ce sont le centre du mental et le centre de l'âme.
La concentration cérébrale est toujours une tapasyâ et elle entraîne inévitablement une tension. La tension de la concentration mentale ne disparaît que lorsqu'on est tout entier soulevé hors du mental cérébral.
C'est au sommet de la tête ou au-dessus que la concentration yoguique doit se placer lorsqu'on lit ou qu'on réfléchit.
La position assise et immobile est la position naturelle de la méditation concentrée ; la marche et la station debout sont des états actifs. C'est seulement quand on a acquis en permanence le repos et la passivité de la conscience qu'il est facile, même en marchant ou en se livrant à n'importe quelle activité, de se concentrer et de recevoir. L'équilibre propice à la concentration est un état fondamentalement passif de la conscience recueillie en elle-même, et la meilleure condition pour obtenir cet équilibre est un recueillement immobile dans le corps assis. On peut aussi rester allongé, mais cette position est trop passive et tend à mener à l'inertie plutôt qu'au recueillement. C'est pour cette raison que les yogis s'asseyent toujours en âsana. On peut s'accoutumer à méditer en marchant, debout, couché, mais la position assise est la première qui vienne naturellement.
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Mieux vaut être seul ou tranquille lorsqu'on se concentre profondément. Les bruits extérieurs ne devraient pas vous déranger.
Il est certes préférable de demeurer silencieux et recueilli pendant un certain temps après la méditation. C'est une erreur de prendre la méditation à la légère; ainsi on ne reçoit rien ou on disperse ce que l'on reçoit, ou encore on en disperse la plus grande partie.
Vous entrez dans un état d'intériorité et de tranquillité profondes. Mais si l'on sort trop soudainement de cet état pour revenir à la conscience ordinaire, il peut y avoir un léger choc nerveux ou, pendant un court instant, des palpitations comme celles que vous décrivez. Il vaut toujours mieux rester tranquille quelques instants avant d'ouvrir les yeux et de sortir de cette intériorité.
Votre nouveau sentiment à l'égard du travail est très bon, il fait partie de la nouvelle tranquillité et montre que la conscience devient de plus en plus posée et libre. Il est peu probable que la paresse s'installe.
Le terrain découvert que vous avez vu est le symbole de la conscience intérieure silencieuse, libre, lumineuse, claire et calme.
Vos visions sont, pour la plupart, les signes d'un travail qui se poursuit en vous; il n'y a pas lieu de craindre qu'elles soient de simples visions sans effet sur la conscience. Votre conscience a déjà beaucoup changé et pourtant ce n'est que le début d'un plus grand changement à venir.
Ce que vous avez vu à propos des mouvements orientés vers l'extérieur n'était certes pas de l'imagination; c'était une
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perception et une vision vraies et précises de leur action. Vous sentir séparé d'eux et les regarder est l'état intérieur juste, nécessaire pour que finalement vous vous en débarrassiez tout à fait.
La concentration est une grande aide et elle est nécessaire: plus on se concentre (dans la limite des possibilités du corps, bien entendu, et sans lui imposer de tension), plus la force du yoga s'accroît. Mais vous devez vous attendre à ce que la méditation soit parfois sans résultat et vous ne devez pas en être bouleversé: nul n'échappe à ces fluctuations. À cela, il y a différentes raisons. Mais la plupart du temps c'est quelque chose de physique qui interfère: le corps qui a besoin de temps pour assimiler ce qui est venu ou a été fait, une inertie ou une pesanteur dues à des causes telles que celles que vous citez ou à d'autres. La meilleure chose à faire est de rester calme, de ne pas s'énerver ni se décourager jusqu'à ce que la force agisse de nouveau.
On peut ne pas méditer à heures fixes et pourtant pratiquer la sâdhanâ.
La réalisation et l'idée qui en est la conséquence ont toutes deux leur vérité. Au début et pendant longtemps, la concentration est nécessaire, même si elle exige un effort, parce que la nature et la conscience ne sont pas prêtes. A ce stade, pourtant, plus la concentration est calme et naturelle, mieux cela vaut. Mais quand la conscience et la nature sont prêtes, la concentration doit devenir spontanée et facile à pratiquer sans effort à tout moment. Elle finit même par devenir un état naturel et permanent de l'être: ce n'est plus une concentration, c'est l'équilibre de l'âme établie dans le Divin.
Il est vrai qu'il n'est pas possible dès le début de se concentrer en exerçant une activité extérieure. Mais cela aussi devient possible. Ou bien la conscience se divise en deux parties: l'une intérieure, établie dans le Divin, l'autre extérieure,
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accomplissant le travail extérieur; ou bien tout l'ensemble est ainsi établi dans le Divin et la force exécute le travail par l'intermédiaire de l'instrument passif.
Naturellement qu'on ne se fatigue pas, si la méditation est devenue naturelle. Mais bien des sâdhak, s'ils n'ont pas encore cette faculté, ne peuvent pas la prolonger sans une tension qui engendre la fatigue.
C'est évident: si le mental se fatigue, il est difficile de se concentrer, à moins que l'on ne se soit séparé du mental.
Vous devez vous séparer du mental aussi. Vous devez sentir tant au niveau du mental que du vital et du physique (et pas seulement au-dessus) que vous êtes une conscience qui n'est ni le mental, ni la vie, ni le corps.
L'effort est une tentative pleine de tension. Il peut y avoir dans l'action une volonté qui ne contient ni tension ni effort.
Tension et concentration ne sont pas la même chose. La tension implique une ardeur excessive et une violence dans l'effort, alors que la concentration est par nature tranquille et régulière. S'il y a agitation ou ardeur excessive, alors ce n'est pas de la concentration.
C'est par vos efforts personnels, alors que vous n'étiez pas guidé, que vous êtes tombé dans ces difficultés et dans un état
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d'excitation où vous ne pouviez pas méditer, etc. Je vous ai demandé de ne plus faire d'effort et de rester tranquille, ce nue vous avez fait. Mon intention, en vous demandant de rester tranquille, était de permettre à la Force de la Mère d'agir en vous, d'établir un meilleur point de départ et de vous apporter une série d'expériences initiales. C'est ce qui commençait à venir; mais si votre mental redevient actif et cherche de nouveau à organiser lui-même la sâdhanâ, il est probable que les perturbations réapparaîtront. La Direction divine obtient les meilleurs résultats quand le psychique est ouvert et au premier plan (le vôtre commençait à s'ouvrir), mais elle peut aussi agir même quand le sâdhak n'en est pas conscient ou ne s'en aperçoit qu'au vu des résultats. Quant au Nirvikalpa Samâdhi, même si c'est lui qu'on veut, il ne peut être que le fruit d'une longue sâdhanâ dans une conscience qui s'y est préparée; il est inutile d'y penser quand la conscience intérieure commence tout juste à s'ouvrir à l'expérience yoguique.
Si la difficulté pendant la méditation est l'intrusion de pensées de toutes sortes, ce n'est pas dû à des forces hostiles, mais à la nature ordinaire du mental humain. Tous les sâdhak rencontrent cette difficulté, et pour beaucoup elle dure fort longtemps.
Il y a plusieurs façons de s'en débarrasser. L'une est de regarder les pensées, mais sans les approuver, d'observer la nature du mental humain telle que ces pensées la révèlent et de les laisser s'épuiser jusqu'à ce qu'elles s'arrêtent. Ce procédé est recommandé par Vivékânanda dans son Râdja-Yoga.
Un autre procédé consiste à regarder les pensées comme n'étant pas siennes, à devenir le Pourousha témoin qui se tient en arrière et refuse son assentiment. Les pensées sont considérées comme venant du dehors, de Prakriti, et on doit les sentir comme des passants qui traversent l'espace mental, avec lesquels on n'a pas de rapport et auxquels on ne prend
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aucun intérêt. De cette manière, il arrive généralement que le mental se divise en deux au bout d'un certain temps: une partie qui est le témoin mental et qui observe, tout en étant parfaitement tranquille et non dérangée, et l'autre qui est l'objet de l'observation: la partie Prakriti à travers laquelle les pensées passent ou vagabondent. Après cela, on peut se mettre à tranquilliser ou à réduire au silence cette partie Prakriti aussi.
Il y a une troisième méthode, active, par laquelle on s'efforce de voir d'où viennent les pensées, et l'on s'aperçoit qu'elles ne viennent pas du dedans mais d'en dehors de la tête, pour ainsi dire. Si l'on peut les détecter pendant qu'elles viennent, alors, avant même qu'elles n'entrent, on doit les rejeter complètement. Ce moyen est peut-être le plus difficile, et tout le monde ne peut pas le faire; mais si l'on peut le faire, c'est le chemin le plus court et le plus puissant pour arriver au silence.5
Le mental est toujours en activité, mais nous n'observons pas en détail tout ce qu'il fait; nous nous laissons seulement porter par le courant d'une pensée continue. Quand nous essayons de nous concentrer, le courant de cette pensée mécanique qui se fabrique elle-même prédomine dans ce que nous observons. C'est le premier obstacle normal à l'effort du yoga, l'autre étant le sommeil pendant la méditation.
La meilleure chose à faire est de vous rendre compte que le flot de la pensée n'est pas vous-même: ce n'est pas vous qui pensez, c'est la pensée qui se déroule dans le mental. C'est la Prakriti, par son énergie de pensée, qui soulève en vous tout ce tourbillon de pensées et l'impose à votre Pourousha. Vous devez vous-même, en tant que Pourousha, vous tenir en arrière comme le témoin qui observe l'action et refuser de vous identifier à elle. La deuxième chose à faire est d'exercer un contrôle et de rejeter les pensées, bien que parfois du
5. Les Bases du Yoga, chapitre III. Traduction de la Mère.
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simple fait que l'on se soit détaché, l'habitude de penser disparaisse ou diminue pendant la méditation; un silence relatif ou au moins une certaine tranquillité facilite le rejet des pensées qui viennent et permet de fixer l'attention sur l'objet de la méditation. Si l'on commence à percevoir que les pensées viennent de l'extérieur, de la Nature universelle, alors on peut les éconduire avant qu'elles n'atteignent le mental; de cette façon le mental finit par devenir silencieux. Si rien de tout cela ne se produit, la pratique persévérante du rejet devient nécessaire; il ne faut ni lutter ni se battre contre la pensée, mais s'en séparer tranquillement et la refuser. Le succès n'est pas immédiat, mais si l'assentiment est sans cesse retiré, à la longue le tourbillon mécanique s'arrête, commence à s'estomper, et on peut avoir à volonté la tranquillité intérieure ou le silence.
Il faut noter que les procédés yoguiques ne donnent pas de résultats immédiats, sauf en de rares cas, et que l'on doit appliquer une volonté patiente jusqu'à ce qu'ils produisent un effet qui est parfois long à venir si la nature extérieure oppose beaucoup de résistance.
Comment pourriez-vous fixer le mental sur le Moi supérieur tant que vous n'en avez ni la conscience, ni l'expérience? Vous pouvez tout au plus vous concentrer sur l'idée du Moi; on peut aussi se concentrer sur l'idée du Divin, de la Mère divine, sur une image ou sur le sentiment de dévotion qui appelle la présence dans le cœur, ou encore sur la Force pour qu'elle agisse dans le mental, le cœur et le corps, qu'elle libère la conscience et donne la réalisation du moi. Si vous vous concentrez sur l'idée du Moi, vous devez concevoir le Moi comme quelque chose, de différent du mental et de ses pensées, du vital et de ses sentiments, du corps et de ses actions, quelque chose qui se tient à l'arrière-plan de tout Gela, quelque chose que vous pouvez parvenir à sentir concrètement comme une Existence-Conscience séparée de tout cela et qui pourtant l'imprègne largement tout en en restant distincte.
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Si vous essayez de mettre en pratique tout ce que vous lisez, vous n'en finirez plus de commencer. On peut s'arrêter de penser en rejetant les pensées et, dans le silence, se découvrir soi-même. On peut aussi le faire en laissant s'épuiser les pensées tout en s'en détachant. Il y a un certain nombre d'autres méthodes. Celle qui est exposée dans le livre de X me semble être la méthode des jnâna-yogis adwaïtistes par laquelle on se sépare du corps, du vital, du mental, par vivéka, la discrimination: "je ne suis pas le corps, je ne suis pas la vie, je ne suis pas le mental", jusqu'à ce qu'on atteigne le moi distinct du mental, de la vie et du corps. C'est une autre manière d'y parvenir. Il y a aussi celle qui consiste à séparer le Pourousha de la Prakriti jusqu'à ne plus être que le témoin, jusqu'à se sentir séparé de toutes les activités comme la Conscience Témoin. Il y a d'autres méthodes encore.
La méthode qui consiste à rassembler le mental n'est pas facile. Mieux vaut observer les pensées et s'en séparer jusqu'à percevoir au-dedans un espace dans lequel elles pénètrent du dehors.
Rejetez avec calme le bourdonnement du mental physique, sans vous troubler, jusqu'à ce qu'il se décourage et s'en aille en secouant la tête et en disant: "Cet homme-là est trop calme et trop fort pour moi. " Deux choses peuvent toujours émerger et assaillir le silence: les suggestions vitales et les répétitions mécaniques du mental physique. Un rejet tranquille est le remède, pour les unes comme pour les autres. Il y a au-dedans un Pourousha qui peut dicter à la nature ce qu'elle acceptera ou exclura, mais sa volonté est forte et tranquille: si les difficultés vous perturbent ou vous agitent, la volonté du Pourousha ne peut pas agir avec autant d'efficacité.
La réalisation dynamique viendra sans doute quand la conscience supérieure sera descendue pleinement dans le
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vital. En entrant dans le mental elle apporte la paix du Pourousha et la libération; elle peut aussi apporter la connaissance. C'est quand elle entre dans le vital que la réalisation dynamique devient présente et vivante.
Être capable de se détacher de l'action du mental mécanique est de première nécessité; il est alors plus facile à la tranquillité et à la paix du mental de demeurer imperturbables devant cette action même si elle intervient.
Si la paix et le silence continuent à descendre, ils deviennent en général assez intenses pour s'emparer aussi, à la longue, du mental physique.
C'est plutôt le mental actif qui s'est tranquillisé, de sorte que les mouvements du mental mécanique sont devenus plus apparents; cela se produit souvent. Dans ce cas, il faut se détacher de ces mouvements et se concentrer en cessant d'y prêter attention. Alors il est probable qu'ils s'apaiseront ou se disperseront.
C'est la nature du mental mécanique, ce n'est pas dû à une sensibilité particulière de sa part. Seulement, comme les autres parties du mental sont plus silencieuses et qu'elles sont maîtrisées, cette activité semble avoir plus d'importance et prend plus de place. D'ordinaire elle s'épuise lorsqu'on persiste à la rejeter.
Vous y prêtez sans doute trop d'attention [aux pensées du mental mécanique]. Il est très possible de se concentrer et de laisser l'activité mécanique se dérouler sans la remarquer.
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En ce qui concerne votre projet, je ne sais trop qu'en penser. C'est bien entendu en raison d'une vieille habitude que la conscience mentale continue à recevoir les pensées qui viennent du dehors, même si elles la fatiguent; non qu'elle le veuille, mais parce que ces pensées ont coutume de venir et que le mental, mécaniquement, les laisse entrer et s'en occupe par la force de l'habitude. C'est toujours l'une des principales difficultés du yoga, quand les expériences ont commencé et que le mental veut être sans cesse concentré ou tranquille. Certains font ce que vous projetez et, après un certain temps, réussissent à calmer tout à fait le mental; ou alors le silence descend et calme le mental. Mais souvent, quand on essaie d'appliquer cette méthode, les pensées deviennent très actives, résistent au silence qui commence à s'établir, et c'est très gênant. C'est pourquoi beaucoup de sâdhak préfèrent continuer à laisser le mental se calmer lentement, peu à peu, et la tranquillité s'étendre et demeurer pendant des périodes de plus en plus longues jusqu'à ce que les pensées indésirables disparaissent ou reculent et laissent le mental libre de recevoir la connaissance du dedans et d'au-dessus.
Vous pourriez essayer et voir quels sont les résultats: si les attaques des pensées sont trop fortes et vous dérangent, vous pourriez arrêter; si le mental se calme rapidement ou de plus en plus, alors continuez.
Plus le psychique se répand dans l'être extérieur, plus tout cela [les activités mécaniques du mental subconscient] se tranquillise. C'est la meilleure manière. La méthode qui consiste à faire porter l'effort directement sur le mental pour le réduire au silence est difficile.
La meilleure aide à la concentration est de recevoir le calme et la paix de la Mère dans votre mental. Ils sont là, au-dessus de
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vous; le mental et ses centres n'ont qu'à s'ouvrir à eux. C'est ce que la Mère fait peser sur vous pendant la méditation du soir.
Chit est la pure conscience, comme dans Sat-Chit-Ânanda.
Chitta est la substance de la conscience où mental, vital et physique sont mêlés et d'où sortent les mouvements de pensée, d'émotion, de sensation, d'impulsion, etc. Dans le système de Patanjali, ce sont eux qui doivent être complètement calmés afin que la conscience devienne immobile et entre en samâdhi.
Notre yoga fonctionne différemment. Les mouvements de la conscience ordinaire doivent être calmés et, dans la tranquillité, il faut faire descendre une conscience supérieure et ses pouvoirs qui transformeront la nature.6
Si vous supprimez les Chittavritti, vous n'aurez plus aucun mouvement du Chitta, tout sera immobile jusqu'à ce que vous cessiez de les supprimer, ou tout sera dans une telle immobilité qu'il ne pourra plus rien y avoir d'autre que l'immobilité.
Si vous les calmez, le Chitta sera tranquille et quels que soient les mouvements, ils ne troubleront pas la tranquillité.
Si vous les contrôlez ou les maîtrisez, alors le Chitta sera immobile à volonté, actif à volonté; par son action, ce dont vous voulez vous débarrasser partira, rien ne viendra que ce que vous accepterez comme vrai et utile.7
Entrer dans le Silence n'est pas facile. Ce n'est possible qu'en rejetant au-dehors toutes les activités mentales et vitales. Il est plus facile de laisser le Silence descendre en soi, c'est-à-dire
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de s'ouvrir et de le laisser descendre. La méthode est la même que celle qu'on utilise pour faire descendre les pouvoirs supérieurs. Elle consiste à rester calme au moment de la méditation, à ne pas lutter avec le mental, à ne pas faire d'efforts mentaux pour tirer le Pouvoir ou le Silence vers le bas, mais seulement à entretenir une volonté et une aspiration silencieuses pour qu'ils descendent. Si le mental est actif, on doit apprendre à le regarder en se tenant en arrière, sans lui donner aucun assentiment intérieur, jusqu'à ce que ses activités habituelles et mécaniques commencent à se calmer faute d'un appui du dedans. S'il est trop obstiné, le seul recours est un rejet soutenu, sans tension ni lutte.
N'exagérons rien. Il ne s'agit pas tant de se débarrasser de l'activité mentale que de la convertir en quelque chose de vrai... Ce qui doit être surmonté et transformé, c'est la raison intellectuelle qui voit seulement l'aspect extérieur des choses par analyse et déduction, quand elle ne préfère pas jeter un bref regard et dire: "c'est ainsi" ou "ce n'est pas ainsi". Mais on ne peut pas le faire tant que l'activité mentale habituelle n'est pas un peu calmée. Un mental tranquille ne s'absorbe pas dans ses pensées, ne se laisse pas entraîner par elles; il se tient en arrière, se détache, les laisse passer sans s'identifier, sans les faire siennes. Il devient le mental témoin qui regarde les pensées quand c'est nécessaire tout en étant capable de s'en détourner et de recevoir du dedans et d'au-dessus. Le silence est bon, mais un silence absolu n'est pas indispensable, du moins à ce stade. A ma connaissance, lutter avec le mental pour le calmer n'est pas bien utile; à ce jeu le mental a généralement le dessus. Se tenir en arrière, se détacher, acquérir le pouvoir d'écouter autre chose que les pensées du mental extérieur est plus facile. En même temps, on peut en quelque sorte regarder vers le haut en se représentant la Force juste au-dessus et l'appeler à descendre ou attendre tranquillement son aide. C'est ce que font la plupart des sâdhak
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jusqu'à ce que le mental devienne peu à peu, de lui-même, tranquille ou silencieux, ou encore jusqu'à ce que le silence commence à descendre. Mais il importe de ne pas se laisser décourager ni désespérer si le succès n'est pas immédiat; cette attitude ne pourrait que créer des difficultés et arrêter le progrès qui se prépare.
Le silence mental est un effet du yoga: le mental ordinaire n'est jamais silencieux... Chez les penseurs et les philosophes, le mental n'est pas silencieux. Il est actif; mais évidemment, comme ils se concentrent, la mentalisation incohérente et ordinaire cesse et les pensées qui apparaissent ou entrent et qui prennent forme s'ordonnent toutes avec cohérence autour du sujet étudié ou de l'activité en cours. Mais cela n'a rien à voir avec un mental qui devient tout entier silencieux.
Quand le mental n'est pas en méditation ou en silence complet, il est toujours actif, s'occupant d'une chose ou d'une autre: ses propres idées, ses désirs, les gens, les objets, la conversation, etc.
Ce n'est pas ce qu'on appelle la méditation, c'est un état où la conscience est divisée; à moins que la conscience ne soit véritablement absorbée et que les pensées de surface ne soient que des objets qui la traversent, l'effleurent et passent, on ne peut guère parler de méditation (dhyâna). Je ne vois pas comment l'être intérieur peut être absorbé alors que des pensées et des imaginations d'un tout autre ordre, entièrement formées, se promènent dans la conscience de surface, On peut rester séparé et regarder passer les pensées et les imaginations sans en être affecté, mais ce n'est pas être plongé ou absorbé en méditation.
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Il est tout à fait naturel qu'au début l'état de calme et de paix apparaisse seulement lorsque vous vous asseyez pour vous concentrer. Ce qui est important, c'est que cet état apparaisse chaque fois que vous vous asseyez et que la pression qui le fait venir soit toujours là. Mais le reste du temps son effet n'est d'abord qu'une certaine tranquillité mentale et une absence relative de pensées. Ensuite, quand il est tout à fait établi dans l'être intérieur - car c'est dans l'être intérieur que vous pénétrez chaque fois que vous vous concentrez - l'état de paix commence à sortir et à régner sur l'être extérieur, de sorte que le calme et la paix demeurent même lorsqu'on travaille, qu'on est en compagnie, qu'on parle ou qu'on est occupé d'une manière ou d'une autre. Car alors quoi que fasse la conscience extérieure, on sent qu'au-dedans l'être intérieur est calme; en fait, on sent l'être intérieur comme son vrai moi, alors que l'être extérieur n'est qu'une chose superficielle au moyen de laquelle l'être intérieur agit sur la vie.
On sent le bien-être et la paix très profondément et très loin au-dedans parce qu'ils sont dans le psychique et que le psychique est très profond en nous, recouvert par le mental et le vital. Quand vous méditez, vous vous ouvrez au psychique, vous commencez à percevoir votre conscience psychique profondément au-dedans et vous sentez ce bien-être, cette paix, ce bonheur. Pour qu'ils deviennent forts et stables et que vous les ressentiez dans l'être tout entier jusque dans le corps, vous devez entrer encore plus profondément au-dedans et faire pénétrer la pleine force du psychique dans le physique. La manière la plus facile d'y parvenir est de se concentrer et de méditer régulièrement en aspirant à cette conscience vraie. On peut y arriver aussi par le travail, par l'offrande, en accomplissant le travail pour le Divin seul sans penser à soi, en gardant toujours dans le cœur l'idée de la consécration à la Mère. Mais il n'est pas facile de le faire parfaitement.
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Si la méditation supérieure ou la station au-dessus de la tête vous engourdit et ne vous apporte ni satisfaction, ni paix dans la sâdhanâ, je ne puis y voir que deux raisons: l'ego ou l'inertie.
Il est tout à fait naturel d'avoir envie de méditer quand on lit des ouvrages sur le yoga; ce n'est pas de la paresse.
La paresse du mental consiste à ne pas méditer quand la conscience veut le faire.
Il n'est pas exact que l'on ne puisse pas se concentrer ou méditer quand règne l'obscurité ou l'inertie. Si l'on a, dans l'être intérieur, la ferme volonté de le faire, c'est possible.
Quand on essaie de méditer, une pression s'exerce qui incite à aller vers l'intérieur, à perdre la conscience de veille et à s'éveiller au-dedans, dans une conscience intérieure profonde. Mais tout d'abord le mental croit que cette pression l'incite à dormir, puisque le sommeil est le seul genre de conscience intérieure auquel il ait été habitué. Dans le yoga par la méditation, le sommeil constitue donc souvent la première difficulté, mais si l'on persévère, il se transforme peu à peu en un état intérieur conscient.
Le sommeil vient ainsi, en effet, quand on essaie de méditer. Il faut, quand c'est possible, le transformer en un état intérieur conscient et recueilli, et quand ce ne l'est pas, demeurer dans un état de vigilance tranquille et concentrée en restant ouvert (sans effort) pour recevoir ce qui descend.
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Non, ce n'est pas du sommeil. Mais quand la pression incite à s'intérioriser (samâdhi), l'être physique, n'étant pas habitué à aller au-dedans sinon par le sommeil, interprète cette tendance comme un besoin de dormir.
Il est probable que vous allez au-dedans dans une sorte de samâdhi, mais que dans cet état vous n'êtes pas encore conscient (d'où l'idée de sommeil). X n'est pas endormi, mais quand il s'intériorise il ne contrôle pas son corps. De nombreux yogis ont cette difficulté et utilisent un appareil qui se place sous le menton pour soutenir la tête et tenir le corps droit pendant qu'ils vont à l'intérieur en concentration.
En samâdhi, le mental, le vital et le physique intérieurs sont séparés de l'être extérieur, ne sont plus recouverts par lui; les expériences intérieures peuvent par conséquent s'y donner libre cours. Le mental extérieur est paisible ou bien, d'une manière ou d'une autre, il reflète l'expérience ou y participe. Si la conscience centrale était séparée de toute intellectualisation, la transe serait complète, sans que l'on puisse se remémorer les expériences.
Le Nirvikalpa Samâdhi, selon la tradition, est simplement une transe d'où l'on ne peut pas être éveillé, même par la brûlure d'une flamme ou d'un fer rouge; c'est-à-dire que dans cet état de transe, on est complètement sorti du corps. En termes plus scientifiques, c'est une transe où il n'y a ni formation ni mouvement dans la conscience et où l'on se perd dans un état dont on ne peut rien dire lorsqu'on en sort, sinon que l'on était dans la béatitude. Cet état est censé être une absorption complète dans la soushoupti ou le tourîya.
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"Nirvikalpa Samâdhi" désigne à proprement parler une transe complète dans laquelle il n'y a ni pensée ni mouvement de conscience, où l'on ne perçoit rien d'intérieur ni d'extérieur; tout est retiré dans un Au-Delà supracosmique. Mais ici il ne peut s'agir de cela; c'est sans doute une transe dans une conscience au-delà du mental.
Démolir et reconstruire est souvent nécessaire à la transformation, mais une fois venue la conscience fondamentale, il n'y a pas de raison que ces changements s'accompagnent de troubles et de bouleversements; ils peuvent se faire dans le calme. C'est la résistance des parties inférieures qui engendre les troubles et les bouleversements.
On peut être immergé dans le Satchidânanda à l'état de veille, sans samâdhi; la dissolution ne peut venir qu'après la mort du corps, à condition que l'on ait atteint l'état le plus élevé et que l'on n'ait pas la volonté de revenir ici-bas pour aider le monde.
Cela dépend de la nature de la conscience physique dans laquelle vous vous tenez. Quand il y a une descente de conscience dans le corps, on commence à percevoir une conscience physique subtile et cette perception peut se poursuivre dans l'état de samâdhi. On a l'impression d'être conscient du corps, mais en réalité il s'agit du corps subtil et non du physique extérieur. Mais on peut aussi aller profondément au-dedans tout en restant conscient du corps physique et de l'action que l'on a sur lui, mais non des choses extérieures. On peut enfin être absorbé dans une profonde concentration tout en continuant à percevoir fortement le corps et la descente de la Force en lui. Ce dernier état s'accompagne d'une conscience des choses extérieures, même si l'on n'y prête pas attention. Il n'est généralement pas appelé samâdhi, bien qu'il soit une sorte de samâdhi de veille. Tous
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ces états, depuis le samâdhi profond de la transe complète jusqu'à l'action de la Force dans la pleine conscience de veille, sont utilisés dans notre yoga; il ne faut pas rechercher systématiquement la transe complète, car les autres états sont nécessaires aussi et sans eux la transformation ne peut pas être complète.
Il est bon que la conscience supérieure et ses pouvoirs descendent plus bas que la tête et le cœur. C'est absolument nécessaire à la transformation, puisque le vital inférieur et le corps doivent eux aussi être transformés en une substance de la conscience supérieure.
Si vous ne vous souvenez de rien lorsque vous sortez de votre méditation, c'est que l'expérience a lieu dans l'être intérieur et que la conscience extérieure n'est pas prête à la recevoir. Auparavant, votre sâdhanâ se situait principalement sur le plan vital qui est souvent le premier à s'ouvrir; la liaison entre ce plan et la conscience corporelle est facile à établir, car ils sont proches l'un de l'autre. À présent la sâdhanâ semble être allée vers l'intérieur, dans l'être psychique. C'est un grand pas en avant et vous n'avez pas à vous soucier de cette absence momentanée de lien avec la conscience la plus extérieure. L'action se poursuit tout de même et il est sans doute nécessaire qu'il en soit ainsi maintenant. Plus tard, si vous conservez l'attitude juste avec fermeté, cette action descendra dans la conscience extérieure.
La transe du médium est d'un genre différent: les médiums n'entrent pas en contact avec le Satchidânanda, mais avec des êtres du plan vital inférieur. Pour acquérir le pouvoir d'entrer dans cette transe d'ordre supérieur, il faut avoir pratiqué une sâdhanâ. Quant à la purification, il n'est pas nécessaire qu'elle soit complète, mais une partie de l'être doit s'être tournée vers les choses supérieures.
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Le mot transe [trance], en anglais, ne s'applique d'ordinaire qu'aux états les plus profonds de samâdhi; mais comme il n'y en a pas d'autre, nous sommes obligés de l'employer pour tous ces états.
Il n'y a pas lieu d'éviter le samâdhi, il faut seulement le rendre de plus en plus conscient.
Il n'est pas nécessaire d'être en samâdhi pour être en contact avec le Divin.
Au contraire, c'est à l'état de veille que cette réalisation doit venir et persister afin de devenir une réalité de la vie. Si l'on en avait l'expérience en transe, cet état supraconscient serait vrai pour une certaine partie de l'être intérieur, mais sans réalité pour l'ensemble de la conscience. Les expériences en transe ont leur utilité, car elles ouvrent l'être et le préparent, mais c'est seulement quand la réalisation est constante à l'état de veille qu'on la possède vraiment. C'est pourquoi notre yoga accorde la plus grande valeur à la réalisation et à l'expérience de veille.
Travailler dans une conscience calme qui s'élargit sans cesse est à la fois une sâdhanâ et une siddhi.
L'expérience que vous avez eue est évidemment l'intériorisation de la conscience appelée en général transe ou samâdhi. La partie la plus importante de cette expérience est cependant le silence du mental et du vital qui emplit aussi le corps. Acquérir cette capacité de silence et de paix est un pas des plus importants dans la sâdhanâ. Cet état vient d'abord en méditation
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et peut mener la conscience vers l'intérieur en la mettant en transe, mais il faut qu'ensuite il se produise à l'état de veille et s'établisse pour former la base permanente de toute la vie et de toute l'action. C'est la condition de la réalisation du Moi et de la transformation spirituelle de la nature.
Oui, ils [tous les états de réalisation supérieure] peuvent être atteints même lorsqu'on est en pleine activité. La transe n'est pas essentielle; on peut l'utiliser, mais en elle-même elle ne peut pas conduire à la transformation de conscience qui est notre but, car l'expérience intérieure purement subjective qu'elle apporte ne transforme pas nécessairement la conscience extérieure. Quantité de sâdhak ont de belles expériences en transe, mais leur être extérieur reste inchangé. Il faut extérioriser ce qu'apporte l'expérience et en faire un pouvoir de transformation de l'être extérieur autant que de l'être intérieur. Mais pour y parvenir il n'est pas nécessaire d'entrer en samâdhi; cela peut se faire même dans la conscience de veille. La concentration est évidemment indispensable.
Il y a deux états différents: l'un qu'adopte la conscience en concentration, l'autre qu'elle adopte dans la détente; le second est la conscience ordinaire (ordinaire pour le sâdhak, bien qu'elle ne soit peut-être pas la conscience ordinaire de l'individu moyen) ; le premier est celui qu'il atteint par le tapas de concentration dans la sâdhanâ. Le sâdhak qui est parvenu à ce point peut facilement pénétrer, à partir de là, dans les expériences de l'Akshara et du témoin. Il peut aussi se concentrer et maintenir unifiés les aspects principaux de son être, quoique ce soit plus difficile; mais un relâchement de cet état le ramène à la conscience ordinaire de détente. C'est seulement lorsque ce qu'il a acquis par la sâdhanâ devient normal pour la conscience ordinaire que ces fluctuations peuvent être évitées. À mesure que cela se fait, il devient
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possible non seulement d'avoir l'expérience subjective de la vérité, mais aussi de la manifester en action.
La conscience supérieure est une conscience concentrée, concentrée dans l'Unité divine et dans l'exécution de la Volonté divine, et non dispersée et courant en tous sens après telle idée mentale, tel désir vital ou tel besoin physique comme la conscience humaine ordinaire; elle n'est pas non plus envahie par cent pensées, sensations et impulsions fortuites, mais maîtresse d'elle-même, centralisée et harmonieuse.
En général le japa n'est efficace qu'à l'une des deux conditions suivantes: si on le répète en sentant ce qu'il signifie, avec dans le mental une attention qui se fixe sur la nature, le pouvoir, la beauté, l'attrait de la Divinité qu'il nomme et doit faire venir dans la conscience: c'est la manière mentale; ou bien s'il émerge du cœur ou y fait résonner un certain sens ou sentiment de bhakti qui le rend vivant: c'est la manière émotive. Le japa doit avoir le soutien ou l'appui du mental ou du vital. S'il dessèche le mental et agite le vital, c'est que ce soutien et cet appui lui manquent. Il y a bien entendu une troisième voie, celle qui fait confiance au pouvoir du mantra ou du nom lui-même; mais alors il faut continuer à répéter le mantra jusqu'à ce que ce pouvoir ait suffisamment imprimé sa vibration sur l'être intérieur pour provoquer, à un moment donné, une ouverture soudaine à la Présence ou au Contact. Si on lutte ou que l'on s'entête à obtenir un résultat, cet effet, qui exige une réceptivité tranquille dans le mental, ne peut pas se produire. C'est pourquoi j'ai tellement insisté sur la tranquillité mentale et vous ai mis en garde contre une tension ou un effort trop grands, afin que le psychique et le mental aient le temps d'instaurer l'état de réceptivité nécessaire, une
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réceptivité aussi naturelle que celle qui s'ouvre à l'inspiration musicale ou poétique. C'est aussi pour cette raison que je ne veux pas que vous cessiez d'écrire de la poésie; cette occupation vous aide et ne retarde pas la préparation, parce qu'elle est un moyen de développer l'attitude juste de réceptivité et de faire sortir la bhakti qui est présente dans l'être intérieur. Dépenser toute l'énergie dans le japa ou la méditation est une tension que même ceux qui ont l'habitude de méditer avec succès trouvent difficile de prolonger, sauf durant certaines périodes où les expériences d'en haut coulent en un flot ininterrompu.
ÔM est le mantra, le symbole sonore qui exprime la conscience du Brahman dans ses quatre domaines, depuis le touriyâ jusqu'au plan extérieur ou matériel. Un mantra a pour fonction de créer dans la conscience intérieure des vibrations qui la prépareront à la réalisation de ce que symbolise ce mantra et qu'il est censé porter réellement en lui. Le mantra ÔM doit par conséquent amener l'ouverture de la conscience à la vision et au sentiment de la Conscience unique dans tous les objets matériels, dans l'être intérieur et dans les mondes supraphysiques, sur le plan causal au-dessus - qui est pour nous, à présent, supraconscient - et enfin à la transcendance suprême et libérée qui est au-dessus de toute existence cosmique. Cette dernière réalisation est en général la préoccupation majeure de ceux qui se servent de ce mantra.
Notre yoga n'utilise aucun mantra en particulier et n'accorde pas une importance spéciale aux mantra, bien que les sâdhak puissent en employer un s'il leur apporte une aide, ou tant qu'ils y trouvent une aide. On leur conseille plutôt l'aspiration dans la conscience et la concentration du mental, du cœur, de la volonté, de l'être tout entier. Si un mantra les aide en cela, ils l'utilisent. ÔM employé de la bonne manière (non mécanique) pourrait fort bien faciliter l'ouverture au-dessus et au-dehors (vers la conscience cosmique) ainsi que la descente.
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En règle générale, le seul mantra utilisé dans notre sâdhanâ est le nom de la Mère ou mon nom et celui de la Mère. La concentration dans le cœur et la concentration dans la tête peuvent être utilisées toutes les deux: chacune a un effet particulier. La première ouvre l'être psychique et apporte la bhakti, l'amour et l'union avec la Mère, sa présence dans le cœur et l'action de sa Force dans la nature. La seconde ouvre le mental à la réalisation du moi, à la conscience de ce qui est au-dessus du mental, à l'ascension de la conscience hors du corps et à la descente de la conscience supérieure dans le corps.
En général, on prononce le nom du Divin pour appeler la protection, faire venir le sentiment d'adoration et augmenter la bhakti, pour ouvrir la conscience intérieure, réaliser le Divin sous l'aspect qui porte ce nom. Dans la mesure où il est nécessaire à cette fin d'agir sur le subconscient, le Nom devra y produire son effet.
Le nâmajapa contient un grand pouvoir.
Quel que soit le nom prononcé, le Pouvoir qui répond est la Mère. Chaque nom représente un certain aspect du Divin et est limité par cet aspect; le Pouvoir de la Mère est universel.
Je ne vous ai pas encouragé à associer la répétition du Nom à la respiration parce que cette pratique ressemblait au prânâyâma. Le prânâyâma est très puissant, mais s'il est pratiqué sans méthode il peut faire naître des obstructions et même, dans certains cas extrêmes, provoquer dans le corps une maladie.
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Le pouvoir de la Gâyatrî est la Lumière de la Vérité divine. C'est un mantra de Connaissance.
Le mantra de la Gâyatrî est le mantra qui sert à apporter la lumière de la Vérité dans tous les plans de l'être.
Il n'est pas nécessaire d'abandonner le japa de la Gâyatrî ni la méthode que vous suivez actuellement. La concentration dans le cœur est une méthode, la concentration dans la tête (ou au-dessus) en est une autre; toutes deux font partie de notre yoga et chacun doit pratiquer ce qui lui est le plus facile et le plus naturel. La concentration dans le cœur a pour but d'ouvrir le centre qui s'y trouve (le lotus du cœur), de sentir la présence de la Mère divine dans le cœur et de prendre conscience de l'âme ou être psychique qui est une parcelle du Divin. Par la concentration dans la tête on cherche à s'élever jusqu'à la Conscience divine et à faire descendre la Lumière de la Mère, sa Force ou son Ânanda dans tous les centres. Ce mouvement de montée et de descente est inclus dans votre méthode de japa; il n'est donc pas nécessaire que vous y renonciez.
Il y a dans la tête un niveau qui correspond au satyaloka, mais la conscience doit, à un certain stade, s'élever librement au-dessus de la tête pour rejoindre ce même niveau dans la Conscience universelle au-dessus.
Il [le Pranava japa] est censé contenir une force qui lui est propre, bien que cette force ne puisse pas agir dans toute sa plénitude si l'on ne médite pas sur la signification du japa. Mais selon mon expérience, il n'y a pas de règle invariable en ces matières et elles dépendent en majeure partie de la conscience ou du pouvoir de réponse du sâdhak. Chez certains il n'a aucun effet, chez d'autres l'effet est rapide et
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puissant même sans méditation; chez d'autres encore la méditation est nécessaire pour qu'un effet quelconque se produise.8
On peut utiliser des versets de la Guîtâ comme japa si l'on a pour objectif de réaliser la Vérité contenue dans ces versets. Si le père de X a choisi à cette fin les versets principaux qui contiennent le cœur de l'enseignement, c'est très bien. Tout dépend du choix des versets. Faire un résumé de l'enseignement de la Guîtâ en alignant quelques versets n'est pas facile, mais ce n'est pas non plus nécessaire si l'objectif est seulement, comme c'est ici le cas, de rassembler les vérités clés et s'il ne s'agit pas de faire un exposé intellectuel, mais de saisir par la réalisation ce qui est l'objet du japa. Comme je n'ai pas lu son livre, je ne sais pas dans quelle mesure il a atteint ce but.
Quand on répète un mantra régulièrement, très souvent il commence à se répéter de lui-même au-dedans, ce qui signifie qu'il est adopté par l'être intérieur. Ainsi il est plus efficace.
Naturellement, s'il y a une répétition, ce sera celle du nom sur lequel on se concentre. Mais appeler la Mère pendant le sommeil n'est pas forcément une répétition; c'est souvent l'être intérieur qui fait ainsi appel à elle dans les difficultés ou en cas de besoin.
De nombreux sâdhak reçoivent des mantra en méditation. Les Rishi disent dans le Véda qu'ils ont entendu la Vérité par la vision et l'inspiration, kavayah satyashroutah: "voyants qui entendent la vérité". Le Véda est shrouti, révélation obtenue par l'ouïe intérieure.
8. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
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Dans ce volume, l'orthographe des mots sanskrits, et de ceux des autres langues indiennes, suit un principe de translittération qui rend leur lecture plus facile pour le lecteur de langue française auquel sont étrangères les lois couramment proposées.
Pour les consonnes, le principe est le suivant: en début de mot, le ch a la valeur du ch anglais (tch), Chit se prononce Tchit; le j a de même en début de mot la valeur du j anglais (dj), jîva se prononce djîva; le s est toujours dur, asoura se prononce assoura, rasa se prononce rassa. Toutes les consonnes, redoublées ou non, se prononcent fortement; et le h est toujours aspiré, qu'il soit placé au début, au milieu ou à la fin d'un mot, ou encore après une autre consonne. Ainsi, dans Bouddha, le d et le dh se prononcent-ils distinctement.
Pour les voyelles, il faut noter que le e est toujours fermé (é), même suivi d'une valeur consonantique qui, en français, en ferait un è ouvert; Maheshwarî, par exemple, se prononce Mahé-shwarî. Le o est lui aussi toujours fermé (ô), même suivi d'une valeur consonantique qui, en français, en ferait un o ouvert; ainsi Pouroushottama se prononce Pouroushô-ttama. Le a, selon qu'il est accentué (à) ou non (a), se prononce comme un a long (Maya) ou comme le e français; sâdhanâ se prononce donc sâdhenâ. Le i accentué (î), ainsi que le où indiquent les autres syllabes longues: lîlâ, vibhoûti.
Enfin, les règles du pluriel sanskrit étant complexes, la pratique suivante a été adoptée: tout mot sanskrit figurant dans une phrase française reste invariable au pluriel.
âbhâsa (n.m.): reflet, ressemblance.
abhimân (n.m.): en sanskrit, orgueil; dans les langues modernes, comme c'est le cas dans ce volume, amour déçu, amour-propre blessé.
achanchalatâ (n.f.): absence d'agitation, quiétude.
âdesh (n.m.): voix, impulsion, ordre.
âdhâr (n.m.): un vase, un support; la combinaison du mental, de la vie et du corps considérée comme un réceptacle de la conscience et de la force spirituelles.
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adhikâra (n.m.): capacité; ce qui, dans le pouvoir intrinsèque d'un individu, détermine par ses caractéristiques son aptitude à telle ou telle voie de yoga.
adhikârî (n.m.): celui qui a l'adhikâra pour une voie particulière de yoga.
adhikâribhéda (n.m.): distinction entre les adhikârî.
Adwaïta (n.m.): litt., non-dualité; le monisme.
adwaïtin (n.m.): adepte de l'Adwaïta.
Âdyâ Shakti (n.f.): litt., Énergie primordiale; la Mère transcendante.
Agni (n.m.): le dieu du feu; la Volonté divine, inspirée par la divine Sagesse et une avec elle, qui est le pouvoir actif et réalisateur de la Conscience-de-Vérité.
ahaïtoukî bhakti (n.f.): dévotion sans cause, désintéressée; dévotion innée.
akshara (adj. et n.m.): immuable; l'Immuable.
Ânanda (n.m.): la félicité, la béatitude divine ou spirituelle.
Ânandamaya (adj.): plein d'Ânanda, extatique.
anicchannapi balâdiva niyojitah: même si on ne le veut pas, comme si on y était contraint par la force (Guîtâ, 3.36).
anirvinnacétasâ: avec une conscience libre de découragement (Guîtâ, 3.36).
antarâtman (n.m.): le moi intérieur.
ârâdhanâ (n.f.): culte du Divin (amour, soumission, aspiration, prière).
Arya: Revue philosophique dirigée par Sri Aurobindo de 1914 à 1921.
âsana (n.m.): posture fixe, position du corps dans le hatha-yoga.
âtmajnâna (n.m.): connaissance du Moi.
âtman (n.m.): le Moi ou Esprit sous ses deux aspects: suprême, paramâtman; individuel, jivâtman.
âtmarati (n.f.): l'absorption dans le Moi; le plaisir que l'on trouve dans le Moi.
AUM: v. ÔM.
âvésha (n.m.): exaltation de la conscience au passage de l'inspiration poétique.
bâhyapoûdjâ (n.f.): culte extérieur.
Bhagavad-Guîtâ: litt., "Le Chant du Bienheureux"; cet épisode du Mahâbhârata constitue l'évangile de l'action dans la soumission
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parfaite au Divin. En renonçant à tout désir, en devenant un instrument du seul Seigneur suprême, l'homme atteint à l'union totale avec Lui et à la libération. .
Bhagavân (n.m.): Dieu, Seigneur de l'Amour et de la Félicité.
bhakta (n.m.): celui qui suit le chemin de la dévotion.
bhakti (n.f.): dévotion, adoration, amour pour le Divin (bien que généralement traduit par "dévotion", le sens est beaucoup plus proche "d'amour pour le Divin" que d'attachement à la religion et aux pratiques rituelles).
bhakti-yoga (n.m.): yoga de la dévotion (v. karma-yoga).
Brahman (n.m.): la suprême Réalité spirituelle.
brahmane (n.m.): membre de la première des quatre castes principales; prêtre de la connaissance.
chaïtanya (n.m.): conscience.
chit(n.f.): conscience.
chitta (n.m.): substance mentale, substance de la pensée.
chittashouddhi (n.f.): purification de la conscience.
chittavritti (n.f.): vagues de conscience, vagues de réaction qui s'élèvent de chitta; les activités multiples de la conscience (pensées, souvenirs, désirs, sensations, sentiments, perceptions).
darshan (n.m.): le fait de voir; apparition de la Divinité à son adorateur.
dharma (n.m.): loi; loi de l'être, norme de Vérité, règle d'action.
dhîra (adj.): solide, ferme; l'âme forte et sage.
dhyâna (n.m.): méditation, contemplation, concentration mentale en pensée, vision ou connaissance.
dhyânî (n.m.): celui qui pratique le dhyâna.
Gâyatrî (n.f.): célèbre montra védique (Rig-Véda 3.62.10) utilisé pour amener la Lumière de Vérité dans toutes les parties de l'être.
ghoram karma: travail terrible (Guîtâ, 3.1).
gopî(n.f.): vachère.
gouna (n. m. ) : mode de la nature (Prakriti). Il y en a trois : radjas, le principe du mouvement, de l'effort et de la passion; sattwa, le principe de l'équilibre et de la lumière; tamas, le principe de
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l'ignorance et de l'inertie. De ces noms dérivent trois adjectifs: radjasique, sattwique et tamasique.
gourouvâda (n.m.): doctrine selon laquelle le gourou est indispensable au chercheur.
Guîtâ: v. Bhagavad-Guîtâ.
hâhâkâra (n.m.): lamentations, gémissements.
haranti prasabham manah: avec violence ils emportent le mental sensoriel (Guîtâ, 2.60).
hatha-yoga (n.m.): yoga du corps.
hâthî (n.m.) (hindi): éléphant.
Ishta Dévatâ (n.f.): la Divinité choisie; le nom et la forme choisis par notre nature pour sa dévotion: personnalité du Divin qui répond aux besoins de la personnalité particulière du chercheur.
îshwara (n.m.): le Seigneur.
Janaka: roi et sage célèbre, père de Sîtâ.
japa (n.m.): répétition d'un montra ou d'un des noms de la Divinité.
jîvanmoukta (n.m.): être humain qui a atteint la libération durant sa vie.
jnâna (n.m.): connaissance. jnâna-yogi (n.m.): celui qui pratique le yoga de la connaissance (v. karma-yoga).
karma (n.m.): l'action, les œuvres; principe de causalité qui détermine la nature des vies successives de l'âme; force résultant des actions accomplies dans le passé, surtout dans les vies antérieures.
karma-yoga (n.m.): le yoga des œuvres, le travail offert au Divin étant considéré comme un moyen de réalisation et d'union avec Lui, tandis que dans le bhakti-yoga le moyen est la dévotion pure, et dans le jnâna-yoga la connaissance. Le yoga intégral de Sri Aurobindo et de la Mère embrasse ces trois voies.
kartavyam-karma: la chose qui doit être faite, le travail assigné.
kavayah satyashroutah: voyants qui entendent la Vérité (Véda).
kripâ (n.f.): pitié; grâce (divine, du gourou).
kshatriya (n.m.): membre de la deuxième des castes ou classes de la société brahmanique ancienne, celle de princes et des guerriers.
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lîlâ (n.f.); jeu; la création, la manifestation considérée comme le jeu du Suprême.
mâhout (n.m.) (bengali): cornac.
maïdân (n.m.) (hindi): esplanade.
mananam (n.m.): l'action de penser.
manomaya pourousha (n.m.): personne mentale, l'être mental.
mânoushîm tanoum âshritam: logé dans le corps humain (Guîtâ, 9.11).
mantra (n.m.): syllabe ou nom sacré, ou formule mystique possédant un pouvoir de réalisation.
maya (n.f.): dans la langue des Véda, la Connaissance créatrice; par la suite, le Pouvoir d'Illusion, le monde manifesté étant alors considéré comme une irrémédiable illusion dont il faut se défaire en s'immergeant dans l'unique Réalité transcendante.
milana (n.m.): contact, union.
moha (n.m.): illusion, tromperie envers soi-même.
moksha (n.m.): libération de l'ignorance, de l'illusion (maya), qui entraîne la libération du cycle des naissances et des morts.
moukta (n.m.): libre.
moukti (n.f.): libération.
nâmajapa (n.m.): répétition d'un des noms du Divin.
néti néti: pas ceci, pas cela.
Nirânanda (n.m.): absence de félicité, d'Ânanda.
Nirvana (n.m.): "extinction" (sens étymologique) du Moi personnel, immersion du moi personnel dans l'Existence infinie.
nirvikalpa samâdhi (n.m.): transe yoguique complète où l'on n'a conscience ni des mondes intérieurs ni du monde extérieur.
nischala-nîravatâ (n.f.): absence de mouvement et de son: silence.
ÔM: le montra ou son qui symbolise le Brahman dans ses quatre domaines, depuis le plan extérieur ou matériel jusqu'au tourîya: .le plan extérieur, le plan intérieur ou subtil et le supramental causal; chacune des lettres AUM symbolise l'un de ces plans dans l'ordre ascendant, l'ensemble faisant apparaître le quatrième état ou tourîya (le supraconscient, l'Absolu). Placé au début d'un texte, ÔM est à la fois invocation et bénédiction.
outsâha (n.m.): zèle.
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pashyatah: de celui qui voit (Guîtâ, 2.69).
poûdjâ (n.f.): culte, cérémonie religieuse.
pourâtan mânoush (bengali): le vieil homme.
poûrna yoga (n.m.): le yoga intégral.
pourousha (n.m.): l'âme, le moi ou être conscient qui, par sa présence et son assentiment, soutient les opérations de la Nature (prakriti).
prakriti (n.f.): La Nature, l'énergie active et exécutrice du cosmos, par opposition à l'âme ou être conscient qui est le témoin et le soutien (pourousha).
prânamaya pourousha (n.m.): l'être vital vrai.
prânapratisthâ (n.f.): l'infusion de vie dans une image ou une idole.
pranava japa (n.m.): répétition de la syllabe ÔM.
prânâyâma (n.m.): maîtrise de la respiration; maîtrise des courants d'énergie vitale dans le corps par la respiration.
prâyopavéshana (n.m.): jeûne prolongé.
radjas (n.m.), radjasique (adj.): v. gouna.
râdja-yoga (n.m.): yoga du mental.
râdja-yogi (n.m.): celui qui pratique le râdja-yoga.
radjogouna (n.m.): la qualité (gouna) de radjas: passion vitale, impulsivité.
râkshasa (n.m.): pouvoir hostile du vital intermédiaire; adj.: râkshasique.
rasa (n.m.): goût, saveur.
rishi (n.m.): voyant, sage.
sâdhak (n.m.): celui qui suit une discipline yoguique.
sâdhanâ (n. f. ) : (a) la méthode de yoga et la discipline qui en dérive ; (b) la pratique du yoga et de sa discipline.
sahadja dharma (n.m.): loi naturelle de l'être; dénomination d'un culte bouddhique ésotérique.
samâdhi (n.m.): extase ou transe yoguique; plus exactement, concentration de la volonté et de la pensée poussée jusqu'à l'identification avec l'objet, la perte de conscience extérieure n'étant pas essentielle.
samagram mâm [jnâtvâ] : [ayant connu] intégralement (Guîtâ, 7.1).
samsiddhim sâdharmyam (n.f.): perfection spirituelle absolue et unité de nature avec le Divin.
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samarpana (n.m.): soumission, consécration (c'est le mot que Sri Aurobindo traduit par surrender en anglais).
samatâ (n.f.): égalité, équanimité.
sankalpa (n.m.): résolution.
sannyâsî (n.m.): celui qui a fait vœu de sannyâsa, de renoncement; moine errant, ascète.
sa pashyati: il voit.
sarvabhâvéna: de toutes les manières de son être (Guîtâ, 15.19).
sarvakarmâni: travaux de toutes sortes.
Satchidânanda (n.m.): l'Être divin en sa formulation triple: Être (Sat), Conscience (Chit), Béatitude (Ânanda), les trois termes étant concomitants et se contenant les uns les autres.
Sat-Pourousha (n.m.): le pur Moi divin; Dieu.
sattwa (n.m.), sattwique (adj.): v. gouna
satyaloka (n.m.): monde de la vérité suprême de l'être.
sévâ (n.f.): service.
Shakti (n.f.): l'Énergie consciente, le Pouvoir du Seigneur (Îshwara), la Force par laquelle Il s'exprime dans la Nature, la Mère universelle.
shânti (n.f.): calme, paix; paix spirituelle.
sharanam (n.m.): refuge.
Shâstra (n.m.): les Écritures sacrées, l'Enseignement écrit; par extension, toute règle prescrite.
shishya (n.m.): élève, disciple.
shoka (n.m.): chagrin.
shrouti (n.f.): audition, ouïe spirituelle, inspiration; Écriture révélée.
siddha (adj. et n.m.): accompli, parfait; l'homme parfait.
siddhi (n.f.): accomplissement, perfection, réalisation. Peut aussi signifier: pouvoir occulte.
soushoupti (n.f.): tant que notre corps causal ou enveloppe gnostique n'est pas développé, que ses facultés ne sont pas actives, nous ne pouvons être en relation avec les plans supérieurs que dans une soushoupti, un sommeil profond.
sthira (adj.): stable, calme, solide.
sthiratâ (n.f.): le calme.
swabhâva (n.m.): la nature individuelle, propre à chaque être.
tamas (n.m.), tamasique (adj.): v. gouna.
Tantra (n.m.): au pluriel: textes sacrés de l'hindouisme; au singulier: système yoguique reposant sur la connaissance de la
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Nature et non sur son rejet, ainsi que sur le culte dynamique de la Mère divine sous l'un de ses multiples aspects, afin de spiritualiser la nature. Adj.: tantrique. tapas (n.m.): principe essentiel de l'Énergie.
tapaswî (n.m.): ascète.
tapasyâ (n.f.): concentration de la volonté ou des énergies de l'âme sur un but spirituel; ascèse, austérités.
tourîya (n.m.): le quatrième plan de notre conscience, le supraconscient, l'Absolu.
trâtak (n.m.): concentration de la vision sur un point ou un objet unique, de préférence lumineux.
Vaïkountha (n.m.): le paradis de Vishnou.
vaïrâgya (n.m.): dégoût; dégoût du monde; cessation complète du désir et de l'attachement.
vaïshya (n.m.): membre de la troisième des quatre castes principales, celle des marchands, artisans, cultivateurs.
Véda (n.m.): le livre de la Connaissance. Le Véda est le plus vieux des livres sacrés de l'hindouisme ; il se divise en plusieurs parties dont la plus importante et la plus ancienne, le Rig-Véda, est composée d'hymnes en vers illuminateurs (Rik).
Védânta (n.m.): étymologiquement, "la fin ou la culmination des Véda"; ce terme désigne originairement les Oupanishad et par extension, l'un des six systèmes de la philosophie indienne.
vijnâna (n.m.): Conscience-de-Vérité; la gnose supramentale.
viraha (n.m.): séparation d'avec l'être aimé.
Vishnou: l'aspect préservateur de la trinité indienne; c'est de lui que, selon la tradition, procèdent les Avatars.
vishwakâma (n.m.): concupiscence pour tous.
vishwapréma (n.m.): amour pour tous.
vivéka (n.m.): discernement, discrimination.
yoga-shakti (n.f.): l'énergie spirituelle, la force du yoga.
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Abhimâna, III, 326
Absolu, critique de la conception de McTaggart, III, 314-15
Action, divine et a. agressive, III, 166
doit venir de l'intérieur, 178; III, 219
psychique, III, 221
sans attachement, III, 210
sans désir, III, 210-11
sources occultes de l'a., II, 150
travail et service, III, 202
Activité, libre, 153, 154, 155
Âdesh(a), 49; III, 320
Ahanâ, II, 231
v. aussi Capacité
Adoration, extérieure et intérieure, III, 317-18
Adwaïta, 52-53
réaliste (dans La Vie Divine), 53
v. aussi Monisme
Agnosticisme, 183-84
de la conscience physique, 128
Ahambhâva, II, 71
Ahanâ, et autres poèmes, 243
Ahimsâ, et destruction, II, 304
Âjna Chakra, II, 158
v. aussi Centre(s), Chakra
Ambition, II, 312
Âme, II, 59-60, 61-62, 68-89
à. de désir et être psychique, II, 68, 82; III, 51-52
assimile l'essence de son passé après la mort, II, 237, 238-39, 261
conception européenne de l'a.,II, 88
contact intérieur entre à. différentes, II, 270-71
des défunts, II, 239-42
des plantes, II, 73, 75
emploi du mot à., II, 68, 69,181
et Âtman, II, 243-44
et corps, II, 260
et être central, II, 64-65
et être psychique, II, 43, 44, 59-60, 61-62, 63, 70-77, 82-83
et mental européen, II, 88
et vie, II, 82
n'est ni le mental, ni le vital, III, 51-52
passage immédiat vers le monde psychique après la mort, II, 242-43
période internatale, II, 237-18
sa nature dépasse mental, vie et corps, II, 99
un tout qui ne se désintègre pas, 54
voix de l'a.., III, 52-53
Amour, Ânanda de l'amour, IIÏ, 300
bienveillance et sympathie, III, 310
dans le mental intuitif et le surmental, et dans le mental, III, 304
de l'âme, III, 297
et bienveillance, III, 296
et consécration, 225-26
et soumission, III, 104-06, 112
humain, III, 296-97, 301
humain dans la sâdhanâ, III, 292
humain et a. divin, III, 290-92, 300, 311
nature de l'a., III, 316
pour l'homme, la patrie, la Vérité et le Divin, III, 13-14
respect de soi et respect, III, 311-12
sâdhanâ par l'a. et la dévotion, III, 289-343
transcendant, III, 311
Amour divin, III, 289-90, 303
est de deux sortes, III, 301
et a. humain, III, 290, 292, 300, 311
et a. psychique, III, 301-02, 303
n'est pas une émotion, III, 290
Amour pour le Divin, dans l'intellect, III, 52
de l'âme, de Râdhâ, 202
et expérience, III, 328-30
et vital, III, 68, 295-96
véritable, III, 294-95
Amour psychique, III, 392, 296, 301-02
et a. cosmique ou universel, III, 304
et a. des plans spirituels, III, 303
et A. divin, III, 302, 303
Amour universel, III, 302, 303
et a. psychique, III, 303
expression de l'a. u., III, 305, 307, 308
Amour vital, III, 298-99, 300
de deux sortes, III, 293
et a. pour le Divin, III, 68
Ânanda, 202-03; III, 15-16,181, 327
chercher le Divin pour l'A., III, 12-16
d'amour, III, 300
de création, III, 227
et Shânti (paix), III, 163
montée au plan de l'A., conscience de l'A., 24
n'est pas la seule voie vers le transcendant, 94-95
Animal (aux), II, 313-15
âme de l'a., II, 73, 75
conscience des a., II, 307
renaissance dans un a., II, 252,253-54
tuer un a., II, 252, 257-58
Antahkarana, II, 70-71
Antarâtman, II, 87, 130
v. aussi Âme
Aptitude, au yoga des Occidentaux et des Orientaux, III, 61-67
Art, au service du Divin, III, 205
musique, littérature (poésie) peuvent faire partie du yoga, 233-35
Ârya,58
Aryaman, pouvoir psychologique, II, 186
Asat, 77
Ascension, aux plans supérieurs et descentes, 121, 128-30, 138;III, 315-16
et centres (chakra), 88-89
et descente de l'évolution, 4
et expériences des autres yoga, 128-30
indispensable dans le yoga intégral, II, 50-51
Ascétisme, III, 201, 248
excessif, 208-09
n'est pas indispensable,III, 248
Asoura, II, 176, 190-92, 195
de deux sortes, II, 190
dans le Véda, II, 192
Aspiration, III, 57, 72-79
à la rencontre du Pouvoir d'en haut, III, 216
aspirer et "tirer", III, 74
de l'être psychique et du Jivâtman, II, 59-60, 61-62
entretenir l'a. pendant le travail, III, 214
et conversion,III, 72
et désir, III, 75
psychique, et mouvements vitaux, III, 76
Assentiment, du sâdhak, III, 111
et Grâce et Pouvoir divins, III, 93-94
Astasiddhi, 93
Astral (plan), 91
Astrologie, 268
a., destinée et karma, II, 275-76
Athéisme, 203
Atlantide, 1, 2
Atmajnâna, et soumission,III, 112
Âtman, II, 81
et être central, II, 43, 56
et être psychique, II, 55, 56, 243-44
et Jivâtman, II, 43, 182
réalisation de l'a., II, 47-48
Attachement, action sans a., III, 209-10
aux personnes, en Inde et en Europe, III, 64-65
surmonter l'a. dans le yoga de la Guîtâ et dans l'ascèse, III, 195-96
Attitude, du "petit chat", III, 98,103, 106,138
du "petit singe", III, 139
inégale, III, 70-71
juste, III, 60-61, 95, 107,109
Aura, II, 98
Avatar, II, 199-234
"A. inconscient", II, 47-48
A., saint et yogi, II, 224
deux aspects, II, 208
éléments humains et divins de l'A., II, 209
et Divin personnel, II, 32-33
et évolution, II, 200
et grandeur, II, 224-25, 226
et prophètes, II, 216
et Vibhoûti, II, 201, 206-07
liste pouranique des A. de Vishnou, II, 200-04
souffrances et conflits réels, II, 208, 211-12
symbole et historicité, II, 231-32
vies entre les vies d'A., II, 200
Avidité, III, 201
Avidyâ, II, 175
B
Bergson, Henri, 250-52
Bhagavad-Guîtâ. v. Guîtâ
Bhakti, III, 327
ahaitouki bhakti, 202; III, 316
et soumission, III, 111-12
et yoga intégral, III, 27-42, 321
et yoga supramental, III, 337-38
intérieure et extérieure, III, 317
nature de lab., 111,316
pour elle-même, III, 328-29
b. vishnouïte, 102-03; III, 328-29
Bhakti Yoga, v. Dévotion
Bhâva, et école vishnouïte, 97
Bhouta, II, 192
Bien, et mal, 40, 140-41
Bindou. II. 60, 62
Blavatsky. Mme J. P., II, 295
Bonté, et cruauté, 141
Bouddha, 71-72, 74; II, 188, 225
dans les Pourâna et dans le bouddhisme, II, 202-03
et Ahimsa, II, 304
l'Avatar, II, 200, 201, 202, 203
Bouddhi, et Manas, II, 117, 118
et vijnâna, II, 40
Bouddhisme, 70-82
conception de l'ego et de la libération, 78-79
conception européenne du b. tibétain, 79-81
diverses sortes de b., 73, 74
négation du moi (de l'âme), II, 49
Nirvana bouddhiste, 55, 74
octuple sentier, 72
Brahman, dans la philosophie de Shankara, 50-51
état du B., III, 112
et don de soi, III, 112
le meilleur objet de méditation, III, 254
Maya et Lîlâ, 57
réalisation du B. comme Matière, Vie, Mental, Supramental, Ânanda, III, 6
ses aspects objectif et subjectif, 139
silencieux (inactif), 23
Bribaspati. pouvoir psychologique, II, 186
C
Calme, III, 159-62,177-83
de l'âdhâr individuel et de l'Âtman, III, 163
en concentration et pendant le travail, III, 274
et paix, III, 163
et paix, tranquillité, silence: définitions, III, 161
et tranquillité, III, 162-63
intérieur, III, 173
négatif ou positif, III, 162-63
v. aussi Paix, Silence, Tranquillité
Capacité, II, 111, 231; III, 55-59, 66
v. aussi Adhikâra
Caste, commentaire sur les opinions
du Mahatma Gandhi, II, 298-99
Causalité, commentaire sur l'opinion
de Planck, II, 280-82
Centre(s), abdominal, II, 158-59
dans le yoga intégral et dans le Tantra, 88, 89
de conscience, II, 158-72
de la gorge, II, 158-62, 168-71
de l'ombilic, II, 158-59, 171-72
du cœur, 138; II, 158, 159-60, 162, 170
du mental, II, 161, 164-65
du mental physique, II, 171
du sommet de la tête, II, 165-66,167
émotionnel, II, 160
entre les sourcils, II, 158, 159, 160, 162, 166, 167
moûlâdhâra, II, 130, 158-59, 162, 172
pour la concentration (méditation), III, 18
sahasrâdala, sahasrara, II, 159,165, 166
sexuel, II, 171-72
survivance des c. après la mort, II, 263
usage psychologique et fonctions dans le yoga intégral, II, 159,160
v. aussi Chakra, Lotus
Cerveau, II, 166
concentration cérébrale,III, 261
César, II, 310
sa qualité de Vibhoûti, II, 210
Chaitanya, II, 206-07, 221-23
et la conscience de l'Avatar, II, 219, 221
et l'amour psychique, 103
son école, 95
son expérience, 109
Chaitya Pourousha, II, 69
v. aussi Être psychique
Chakra, II, 158-72
leur ouverture dans le yoga intégral et dans le Tantra, 88
processus de montée et de descente dans le yoga intégral, 88
v. aussi Centre(s), Lotus
Chaleur, III, 174
Changement, de nature, 114,126; III, 28
Chant, III, 205-06
Chat, attitude du "petit chat", III,-98, 103, 106,138
Cheiro, II, 275, 279
Chemin ensoleillé, III, 333
Chiromancie, 267-68
Chit, III, 271
Chitta, II, 119-21,111,271
et la partie psychique,II, 69, note
pureté et calme de c.essentiels à la méditation, III, 255
Chittashouddhi, 66-67
et transformation de la nature dans le yoga intégral, III, 28
Chittavritti, II, 119, 121; III, 271
Christianisme, conception chrétienne de Dieu, 67
doctrine de la Trinité, III, 9
enseignement faussé par une descente vitale, 7
et spiritualité indienne, III, 62-63
et yoga intégral, 152-57
son échec, II, 233-34
Cieux de la Vie, Les, poème, II, 182- 84
Civilisation, actuelle, 4'
Cœur, centre du c., 138
Commerce, III, 199-200
Communisme, 245
et la tendance à la spiritualité, 246
Compassion, divine, III, 123-24
Composés et désintégration, 54-55
Concentration, III, 18-19, 36-37, 256-64
cérébrale, III, 261
dans l'action comme dans la contemplation, III, 44
dans la tête ou au-dessus, III, 18-19, 119, 257, 259, 260, 261, 283
dans le cœur, II, 160
dans le yoga intégral, III, 119
en lisant ou en pensant, III, 261
entre les sourcils, III, 119, 257, 259
et méditation, III, 43-44, 256
n'est pas une méditation, mais un appel au Bien-Aimé, III, 38
objet de lac., III, 284
par l'idée, III, 259-60
pouvoir de c., III, 259
sur l'idée du Moi, III, 267
sur une pensée ou un mot, III, 259
v. aussi Méditation
Confiance III, 57-58, 80, 98-99
définition, III, 80
en Dieu, III, 92
Connaissance, de l'être intérieur (subliminale), II, 45
et bhakti (dévotion, adoration), III, 324
et foi, III, 86
et plans au-dessus de la tête, II, 116-17
et silence intérieur, III, 174
sacrifice de lac., 11,300-01
unité de lac., 235-36; II, 4
yoga de la c., 134-39
Conscience, au-delà du mental, 183-84
base de l'existence, II, 57
caractère concret de la c., II, 289
corporelle, II, 109-10, 137
corporelle, sa supramentalisation, 42
de l'Ânanda, 24
de l'Âtman, et c. psychique, II, 55
de l'homme, et c. cosmique, II, 227
de veille, II, 87
divine, cachée derrière l'ignorance, 10-11
double, III, 39, 214-15
environnante, II, 97-98
environnante, et rejet des choses indésirables, II, 148, 151-52
et énergie, définitions et distinctions, III, 212
évolutive, émergeant de la Matière, 1-2, 32, 53
extérieure, II, 87
intérieure et c. extérieure, II, 90-91
lumière de la c. divine, III, 56
matérielle, II, 142
n'est pas nécessairement spirituelle, II, 107-08
ordinaire, II, 101-02
physique, habituellement agnostique, 127-28
physique individuelle et universelle, II, 137
physique intérieure et extérieure, II, 140-41
physique subtile, III, 277
physique: y faire naître l'aspiration, III, 79
ses deux éléments, II, 7
ses deux pôles, II, 38
spirituelle, et évolution,-1-5
spirituelle, son stade de développement dans le corps humain, 249-50
supérieure, III, 281
supérieure et c. intérieure, II, 91
terrestre, 20
vraie c., 126
yoguique, III, 8
Conscience cosmique, II, 99-102; III, 60
et c. humaine, II, 226-27
et c. individuelle, II, 99-100
et Nirvana, II, 17-20
et surmental, II, 34
Volonté cosmique, II, 104
Conscience-de-Vérité. 14-15, 50,126
Consécration, III, 91, 97-117, 195
absolue, III, 104-05
active et passive, III, 103
à l'Impersonnel, III, 129
au Divin, non à l'être psychique, III, 84
au Gourou, III, 129-30, 131
centrale, III, 113, 116
complète, III, 104, 113
consciente, III, 108
dans l'expérience du mental supérieur et dans celle du psychique, III, 112
définition, 226
de la conscience terrestre, 19 de la vie, III, 20-21
du vital, III, 114
du vital dans l'action, III, 194
essence de lac., III, 110-11
et amour (bhakti), III, 112
et âtmajnâna, III, îl2
et conversion, III, 72
et dissimulation, III, 111, 140
et effort personnel, III, 27-28, 100-09
et liberté, III, 111
et ouverture, III, 117
et tapasyâ, III, 108, 127-28
et travail, III. 204, 229-30
extérieure et intérieure, III, 98
méthode (principe, pouvoir...) du yoga intégral, III, 27
obstacles intérieurs et extérieurs à la c.,111, 114
par l'amour, et par le mental et la volonté. 225-26
psychique dans le physique, III, 116
Contemplation, III, 253
Conventions, sociales, II, 213
Conversion, III, 58
et aspiration, III, 72
et consécration, III, 72
être psychique et c., III, 72-73
Corps, et âme, II, 260
et immortalité, 23
et mental, II, 109-10
n'est pas le moi, II, 57
sa transformation, 13
s'identifier au c. est une erreur, 68-69
Création, intellectuelle, 179
n'a ni commencement ni fin, II, 24
nouvelle, 39
signification, 50
supramentale, 20, 96
Croyance,269
et foi, III, 80, 83, 132
D
Darshan. III, 320
David-Neel, Alexandra, 252-53
Démon, de Socrate, II, 283
Dépression, peut être évitée, III, 85
Descente,III. 325
absence d'expérience de d. dans les anciens yoga, 129-30
dangereuse avant que le vital soit purifié, III, 145
de force, III, 181
de la conscience supérieure,III, 183
de paix, III, 172, 181
de silence, III, 271-72
de tranquillité, 209
d'êtres supérieurs, 11
du monde vital, 5-6
du supramental, 17, 120
v. aussi
Ascension, Supramental
Désir(s), II. 32, 104, 131
et aspiration, III, 75
Destin, II, 276-78
et Grâce divine, II, 285
et libre arbitre, II, 275
individuel, II, 269-70
Destinée, spirituelle, II, 285
spirituelle n'est jamais abolie, III, 55
Destruction, et Ahimsa, II, 304
et création, 41
ni bonne ni mauvaise, II, 305
Détachement, et conscience, III, 213
Déterminisme, II, 275, 279-80
et liberté suprême, II, 284
Dévotion, dans l'expérience du mental supérieur et dans l'expérience psychique, III, 112
émotionnelle, et d.
psychique, III, 322
ne peut être mécanique et artificielle, III, 324-25
sâdhanâ par l'amour et la d., III, 289-343
v. aussi Bhakti
Dharma, et Adharma, 173
inférieur et D. spirituel, 173
Dhyâna. définition, III, 46
formes de d., III, 253
Dieu, conception chrétienne, 67, 203
conceptions humaines, II, 227
dans l'Adwaïta, 65
Dieux, II, 178-79
formes des d., Il, 185,227
Difficultés, vitales et mentales, 228-29
Direction intérieure, III, 19-20
dans le karmayoga,III, 195, 196
Discipline, III, 18-20
dans le travail, III, 241, 242
Discorde, but et origine, 35
Discrimination, indispensable à l'expérience spirituelle, 225
psychique, III, 19-20, 101
Divin, 34, 218; II, 65
Ânandamaya, III, 12
au-dessus mais aussi ici-bas, 34
certitude concrète, 196
conception indienne du D., 40
cosmique, III, 9-11
cosmique, et D. transcendant, 128; III, 88-89
diverses manières de l'approcher, 94-95
en tout, au-dessus et au-delà de tout, 31
et Ânanda, Paix, Lumière, etc., 202-03
être gouverné par le D., III, 221
et Science, 241
et toute-puissance, II, 211
individuel, III, 9
le rechercher pour ce qu'on peut en obtenir, 162-63;III, 11
ne peut être compris ni jugé par la raison, II, 210
nombreux niveaux de conscience dynamique, 138
personnel, 23; III, 324
personnel et impersonnel, III, 324
peut être réalisé sur n'importe quel plan, 126
plus grand, non moins grand que le mental, 199
réponse du Divin, 227-28
Suprême, 23
Transcendant, Universel, Individuel, III, 9-11
Divinisation, crainte de la d., 106-07
un plus grand art de vivre, 148
Divinités et pourousha, II, 186
védiques, 131
Don de soi, III, 15, 316
à la Mère, et lutte contre l'ignorance de la nature, III, 54
condition de la transformation complète, III, 120
et état du Brahman, III, 112
n'a pas d'exigences vitales, III, 114-15
Doute(s), 145-46, 190, 195-201
essentiel, et le mental européen, III, 64-65
et foi, 194-95, 201
existe pour lui-même, 196
Dualité(s), dans l'individu, 157
et forces cosmiques, 140-41
Eddington, sir Arthur, 242
Effort, et inspiration, III, 225
personnel, III, 100-09
Égalité. III, 176, 183-89
définition, III, 183-84
endurance et persévérance, III, 184
nécessaire pour recevoir le Pouvoir - divin, III, 223
principe mental d'é., III, 188-89
Ego, 55-56; II, 55-57
dans le bouddhisme, 78-79
et amertume, 177
et chute dans l'ignorance, 34
et être vrai, II, 55-56; III, 60
magnifié, II, 233
rend la soumission impossible, III, 38
son élimination, 154; III, 60
vérité dans les plans inférieurs, mensonge dans les plans supérieurs, II, 31-32
vital,III, 69-70
Égypte, ancienne, et occultisme, 1
Einstein, Albert, 237, 247-48
Élan vital (Bergson), 251
Élémentaux, II, 192
Éléments, 55
Émotion, III, 84, 320-22
différente des mouvements du vital inférieur, II, 132
et Amour divin,III, 290
et Jnâna, III, 324
psychique et é. vitale, III, 322
v. aussi Centre(s). Être, Vital émotif(s)
Énergie, différentes formes (mentale, matérielle, spirituelle), 254
et conscience, définition et distinction, III, 212
"inconsciente". Conscience-force du Divin, 53
Enfer, II, 242
Engourdissement, III, 144, 181
Énigme de ce monde, L', 27-39,39-40, 205
Enveloppe(s), et processus de la renaissance, II, 73-74
fragments abandonnés de l'e. vitale, II, 73, 253, 268
mentale et processus de la renaissance, II, 73-74
nerveuse (vitale), II, 143
physique, (matérielle, de nourriture), II, 143
vitale, II, 73
Équanimité, III, 89
foi qui donne l'é., III, 89
principe de l'action dans le karmayoga, III, 206
Équilibre, 114
Esprit, II, 56, 107-08
et Matière, 262-63
et mental, II, 107-08
réalisation de l'E., 125
Essence, II, 65
Éternité, du Temps et sans Temps, 264-65
Étincelle du Divin, II, 56, 58-59, 61, 76,78, 82
Être, apparence dans les différents plans, II, 144
éléments qui le composent, II, 83
parties de l'ê., II, 1-172
systèmes d'organisation de l'ê., II, 23
Être central, II, 44-45, 46, 83
en tant que moi individuel, II, 57-58
et âme, II, 285
et Âtman, II, 56
ses deux formes: jîvâtman et être psychique, II, 40-41, 42
Être émotif, II, 129-30, 131
et être psychique, II, 127-28
et vital supérieur, II, 127-28
Être extérieur, de surface, II, 95,150-51
descente de force et de paix dans l'ê. e., III, 181
Être intérieur, II, 90-97; III, 20
connaissance de l'ê. i., II, 45
ê. i., ê. extérieur et paix, III, 170-71
et être extérieur, II, 87, 89, 94; III, 217
et psychique, II, 44-45,46,72-73,91
n'a pas de centre, II, 168
tout lui est possible, III, 57
Être mental, 11,84,85
ê. m. essentiel, II, 112
et être psychique, II, 83
survie après la mort, II, 74,237,263
vrai, II, 111-12
Être psychique, II, 67-83
amené au premier plan par la concentration dans le cœur ou par une descente d'en haut, III, 258-59
aspiration de l'ê. p., II, 60, 62
bien-être, paix et ê. p., III, 274
caché par l'ignorance du mental, du vital et du psychique, II, 92
caractéristiques les plus visibles, II, 72
choix de sa naissance suivante, II, 249-50
contact avec le supramental, II, 67-68
contribution à la sâdhanâ, II, 80
conversion et réalisation, III, 72
créatures non évolutives n'en ont pas, II, 181
derrière la surface émotive, III, 323
et âme, II, 43, 44-45, 60, 61, 63, 70-71, 82
et Âtman, II, 55-56, 243-44
et centres de conscience, II, 171
et être émotif, II, 128
et être intérieur, II, 45,46,72-73,91
et être mental,II, 83
et jivâtman,II, 41, 42, 53-54, 56, 58-62, 182
et renaissance.II, 237-39, 260
et soumission, III, 100
et vital. II, 81
forme de l'ê. p., 11,89,90
manière p. de faire le yoga, III, 107
mental, vital et ê. p., III, 51-52
ne peut revêtir plus d'un corps. II, 248
n'est pas au-dessus, mais derrière, 11,45
peut pénétrer la conscience mentale, vitale, physique, II, 128
principe d'harmonie, 29
réalisation de l'ê. p., II, 130-31
repos dans le monde psychique après la mort, II, 237, 239,240-41,242
vivre dans l'ê. p., III, 79
voix de l'ê. p., III, 52
Être vital, et renaissance, II, 73-74, 262-63
ê. v., être mental et être psychique, II, 81-82
ê. v. vrai. II, 92-93
quatre parties, II, 122
survie après la mort, II, 73-74, 237, 263
Être vrai, II, 92
et ego, II, 55-56
peut être réalisé comme l'Âtman, comme l'être psychique, ou les deux, II, 55
Être(s), descente d'êtres supérieurs, supramentaux, 11
typaux (non évolutifs), II, 181, 182
Être et Devenir, II, 44
Europe, matérialiste, 240-41
Evans-Wentz, W.Y., Yoga tibétain et doctrines secrètes, 79-81
Évolution. 1-5, 8, 31-40, 56-57
conversion de la conscience, inévitable dans l'é., 25
cycles d'é., 1
donne son sens à l'existence ici-bas, 54
double (extérieure et intérieure), 53
et âme, II, 243
et Avatar, II, 200
et descente du supramental, 1-43
et involution, 10-11, 41
et montée-descente de la conscience, 4
pourrait être une floraison lente et belle du Divin, 27
qui prépare l'être spirituel et supramental, 2-3
spirituelle, 9, 32, 56-57
terre, lieu de l'é., 12, 19, 79-80; II, 183
Expérience, description de l'e., 212-16
du plan vital, III, 127
épreuve de la raison, 223-25
et amour pour le Divin, III, 98-99
et discrimination, 225
et foi, 111,81,83
et intellect raisonnant, 212-16
et philosophie de l'Orient et de l'Occident, 185-86
et transformation, 21
généralisations fondées sur l'expérience, 217-18
ne pas sous-estimer les petites expériences, III, 143-44
partout similaire, 222
permanence de l'e., 216-17
psychique, II, 128
spirituelle, 220-21
usage des métaphores, 210-11
yoguique, 223-24.
F
Famille, devoirs familiaux et yoga, 173
Fanatisme, II, 302
Fantômes, II, 73, 75-76, 268-69
Fatigue, III, 230-32
Fleurs, II, 313-14; III, 60
Foi, III, 80-96, 132
"aveugle", III, 81, 82
centrale, complète, III, 85
dans les cellules, III, 87
de deux sortes: celle qui fait descendre la paix et celle qui fait
descendre la réalisation, III, 88-89
et connaissance, III, 86
et croyance, III, 80, 83, 132
et doute, 189-90, 194-95, 201
et expérience, III, 81-82, 83
et raison, 191-94
mentale, et f. de l'âme, III, 80-81
mentale, vitale, physique et psychique, III, 80
moyen nécessaire à la réalisation, 25
nécessaire pour recevoir le Pouvoir divin, III, 223-24
non ignorante, mais lumineuse, 194
signification de la f., 195
tâmasique, III, 92
Force, III, 80-96, 132
caractère concret de la f., 259
cosmique, et dualités, 139-42
descente de F., III, 181
divine, conditions pour la recevoir et la laisser agir, III, 223
divine et effort personnel, III, 101
du sâdhak, III, 33
du sâdhak, et Grâce, III, 126
du yoga, III, 93
et tranquillité mentale, III, 156
et travail, III, 226, 229
garder le contact avec la F. divine, 121
n'est pas liée par les limitations de l'instrument, III, 226
physique et yoguique, III, 230
réalité de la f., 260-61
son action ne supprime pas la nécessité de la tapasyâ, de la concentration et de la sâdhanâ, III, 136
spirituelle, 254-59
supramentale, 257-58
"tirer" la F., III, 74,75
usage volontaire de la f. subtile, 259-60
yoguique, 260
Forces, anti-divines, III, 9
complexité des jeux de f., II, 287-88
de maladie, II, 141
et déterminisme, II, 279
hostiles, II, 176, 189-95; III, 153-54
jeu de f., II, 103, 287-88; III, 121
jeu de f. et travail de la Volonté
cosmique, III, 88, 89-90
universelles, III, 177
Formateurs, II, 180
Fonne(s), des dieux, II, 185, 226-27
et Sans-Forme, 98
sur les plans supraphysiques, II, 184
Fraternités, occultes, 92
G
Gandharva, II, 192
Gandhi, Mahatma, au sujet des castes, II, 298-300
et réalisation, 24-25
et religion, 164-65
Ganesha, II, 188-89
Gâyatrî, III, 284
Goloka, II, 16
Gopî, II, 16, 229; III, 3.38, 340-41
Gorge, centre de la g., II, 158-61, 168-71
Goswami, yogi Bejoy, 113
Gouna. et action dans l'homme libéré, III, 210
Gourou, III, 129-40
conceptions bouddhiste et adwaitiste, III, 136
et disciple (shishya), 103-04, 146; III, 130-31, 134-35, 139-40
et dissimulation, 92; III, 140
et yoga intégral, III, 130-31
fidélité au g., III, 131
grâce du g. et abolition des difficultés, III, 137-39
soumission au g., 130, 131
tous le même g. et tous différents, III, 131-32
Grâce, 204; III, 86,122-29,329-31,333
conception n'est pas spécifiquement chrétienne, 154 note
de Krishna, 338-39
du gourou, et abolition des difficultés, III, 137-39
et assentiment du sâdhak,III, 93-94
état de G., 124,138
et destin, II, 285
et force, III, 126
et Loi cosmique, III, 124
n'est pas admise dans certains yoga, III, 122-23
Grandeur, II, 308-12
et l'Avatar, II, 224-26
n'est pas le but de la réalisation spirituelle, II, 224, 226
vertu, vice et g., II, 310-12
Graphologie, 267
Guérison(s), miraculeuses, II, 294, 296
par la foi dans les cellules, III, 87
Guerre, II, 302-03
mondiale, combat entre deux ignorances, 180
Guîtâ, et yoga intégral, 82-87; III, 90-91
et karmayoga, III, 29-30, 32, 197
explication de certains passages, 83; II, 204, 253-54
méthode de la G., 95
ne mentionne pas la Mère divine, 85-86
n'est pas une allégorie, 85
pas exclusivement un évangile d'amour, 85
réconcilie des vérités apparemment opposées, 84-85
samatâ et indifférence, III, 188-89
soumission selon la Guîtâ, 83-84
H
Habitudes, et subconscient, II, 144-45, 148, 149, 153, 154
Harmonie, centralisatrice de la conscience, III, 67
des mondes non évolutifs, II, 182-83
périodes d'h. dans l'évolution, 10
Harmonisation, de la personnalité, 63-64
Hatha-yoga, 4
Hindouisme, 163
Homme, personnalité multiple, II, 85
Hostile(s), création d'êtres h., II, 175-76
et destinée spirituelle, II, 285
êtres h., II, 175-76
forces h., II, 176,189-95;III, 153-54
réalité des forces et des êtres h., 27
utilité des forces et des êtres h., II, 193
Housman, A.E., 207
Humain, conscience h., 100
éléments h. dans le yoga, 147
Humanitarisme, 175-76; III, 30, 31
v. aussi Philanthropie
Humanité, et le yoga intégral, 174-78
et progrès, 176-77
histoire spirituelle de l'h., 163-64
ordinaire, effet de la descente du
supramental, 18
Humilité, devant le Divin, III, 59
et réalisation du Très-Haut, III, 2
Humour, II, 316
Huxley, Bhagavad-Guîtâ, 149-50
Idéalisme, 179
et orientation vers la lumière spirituelle, III, 50-51
Ignorance, 22, 26; II, 175
cause réelle de la chute dans l'i., 34
cosmique, II, 105
et inconscience, 10, 34; II, 57
transcender l'i.. 26
Illusion, cosmique, 47, 60
Image(s), dans la description des expériences spirituelles, 210-11
Imaginations(s), du mental vital, II, 123, 125, 126
Immensité, 129; III, 170
Immortalité, conscience de l'i. dans le corps, 23
Impérialisme, II, 303, 304
Impersonnel, III, 129
et yoga intégral, 127
n'affecte pas les faits matériels sur terre, 128
Incarnation, 131-32; II, 199
en accepter la réalité historique est un gain spirituel, II, 230
et yoga intégral, 132
non de la vie, mais de la conscience, 25
ses difficultés, 105.
Inconscience, 53
base du monde matériel, 10
et ignorance, 10, 33; II, 57
Inde, divinité (la Mère), II, 227
histoire spirituelle de l'I., 3-4, 163-64
spiritualité de ri., III, 62-63
survivance de l'atmosphère de recherche spirituelle, III, 64-65
védique, 1, 3
Individu, conscience individuelle et conscience cosmique, II, 99
et établissement de la conscience supramentale, 16-17
moi individuel, II, 64
n'est pas limité au corps physique, II, 97
universalisé, 67
véritable, 55-56;III, 157
véritable, est l'être central, non le corps, II, 57
véritable, est une parcelle du Moi transcendant et cosmique, II, 64
Individualité, II, 77
Inertie, III, 212
et méditation, III, 275
suscitée par une tension excessive, III, 231
Infini, impressions à son approche, 75
Inspiration, dans la poésie et dans d'autres activités, III, 228
et effort, III, 225
Instructeur, III, 20
autorité requise, III, 135-36
Instrument, ses incapacités et l'action
de la Force, III, 226
Intégration, de l'être, de la personnalité, 63-64, 218
Intellect, et expérience mystique et spirituelle, 212-16
incapable de connaître la Vérité suprême, 183-84
Intelligence, suprême, 53
Intuition, bergsonienne, 250-51
dans la Matière, dans la Vie mentale, sur le plan spirituel, 2-3
de la Volonté divine, III, 220
et intellect, III, 86
et raison, 219
remplace la pensée dans le mental supérieur, II, 116-17
yoguique, et faculté de "sentir" la personnalité des autres, II, 290
Involution, 41
Îsha Oupanishad, et la loi de la relativité, 247
Îshwarakôti. 70, 85
Islam, yoga islamique,III, 10
J
Jainisme, 82, 128
Japa, III, 37-38, 281-85
pranava japa, III, 284-85
v. aussi ÔM
"Je", disparition du sens du "je", 67
formation mentale, vitale et physique, II.55
pur de l'Adwaïta et jivâtman, II, 47-52
v. aussi Ego
Jeans, sir James, 242-43,248-49
Jeûne, 91, 92
et rédemption, II, 406
n'a rien à voir avec la soumission, III, 98
Jîva, v. Jivâtman
Jîvakoti 70, 85; II, 247
Jivanmoukta, II, 247-48; III, 209-10
Jivâtman, II, 40-42, 51-52, 83-84
et Âtman, II, 43, 182
et être psychique, II, 42, 43, 53-54, 55, 56-57, 182
et étincelle de l'âme, II, 58-59,61-62
et "je" pur de l'Adwaïta, II, 47
"jîva" et "j. ",11,41-42, 52
place du j., II, 53
pouvoir représentatif dans la nature individuelle, II, 52
Jnâna. et émotion, III, 324
Joie, III, 163-64
vitale, III, 207
K
Kâli, et Mahâkâlî, II, 185
Kalki, II, 200, 201
Kârana, II, 29
Kârana-Pourousha, II, 238
Karma, conceptions populaires du k., II, 256-57
constitution du K., II, 287
et astrologie, II, 275-76
et destinée, II, 276
prârabdha karma, 68
réconcilie déterminisme et libre arbitre, II,218
Karmayoga, v. Yoga des Œuvres
Kartikeya, II, 188-89
Koundalini, et yoga intégral, 87-88
Koûtashtha, II. 58
Kripâ, III, 138, 139
Krishna, III, 336-43
Ânandamaya K., II, 204
Avatar, II, 200-201
Avatar et Vibhoûti, II, 200
conscience de K., II, 228
dans la vision de Shankara, Râmânoudja, Chaïtanya, dans le Mahâbhârata et la Guîtâ, 97-98
de la Guîtâ et de Brindâvan, II, 188
divinité et incarnation, II, 187
et les gopî, II, 229; III, 338-39, 340-41
et Râdhâ, III, 340
forme de K., 98; II, 227
historicité de K., II, 228-29
Lumière de K., III, 342
reconnaissance de la divinité de K., II, 205
Seigneur de l'Ânanda, de l'Amour et de la Bhakti, II, 187, 188
Kshara Pourousha. II, '71
L
Laya, 69-70
Libération, dans l'Adwaïta, le Vishishtadwaïta et le Dwaïta, II, 100
dans le bouddhisme et chez les mâyâvâdin (Shankara), 79
n'impose pas la disparition, 37
Liberté, et le déterminisme de la Nature, II, .284
et soumission, III, 111
Libre arbitre, dans la sâdhanâ, 111
et destin, II, 275
et déterminisme, II, 275, 280-82, 282-83
Lîlâ,57
conception vishnouïte (jeu divin), 99
des gopî, II, 229-30
Littérature, deux éléments dans la technique, III, 226
et sâdhanâ, III, 40-41, 233
Logique, sa place, 58
Lotus, couleurs et nombre de pétales, II, 159
aux mille pétales, II, 158, 159, 165
Lumière, 77; III, 342
de Krishna, III, 342-43
de la conscience divine, III, 55-56
de la conscience supérieure et 1.
spirituelle, II, 162
de la réalisation diffère de celle de la Descente, 116-17
n'est pas une métaphore, 211
M
Magie, 252-53
ne fait pas partie du yoga, II, 293
noire, II. 294
v. aussi Occultisme
Mahâbhârata, et historicité de Krishna, 11,228
Mahâkâlî, et Kâlî, II, 185
Mahas. II, 13-14
Mahâshiva, II, 187
Mahat, II, 121
Mahomet, II, 207
Maladie, et équanimité, III, 187
et la Force (spirituelle, de la Mère), 255-56
force de m., II, 141
Manas. II, 117, 118
Manifestation, bases de la m. actuelle, II, 22
divine, II, 223-24
équilibre d'énergies, 37
essentielle et cosmique, 10
est une évolution spirituelle,III, 3
limitée par le pouvoir de conscience auquel elle appartient, 38
possibilités infinies, 35
Vérité de la m., 36-37
Manomaya Pourousha, II, 84
Mantra, III, 281-85
dans la sâdhanâ du yoga intégral, III, 282-83
sa fonction, 281
Massis. Henry, La défense de l'Occident, 151-57
Matérialisme, 5-6
spéculation philosophique, 242-43
tendance des hindous cultivés, 241
Matériel, monde, plan, univers, 249
Matière, n'existe pas, 263-64
pas réellement inconsciente, 262
Maya, 57-58
dans la philosophie de Shankara, 50-52
des Illusionnistes (Mâyâvâdin), 58-59
Mâyâvâda, 60-62
McTaggart, John, III, 309-16
Médecine, et la Force, 255-56
Méditation, III, 38, 39, 253-85
comment se débarrasser des pensées, III, 265, 268
conditions favorables, intérieures et extérieures, III, 255
comme préparation et comme moyen de réalisation, III, 35-36
définition, III, 253-55
et concentration, III, 43-44, 256
objets ou idées de m., III, 254
posture de m., III, 261
problème du sommeil, III, 275-76
sâdhanâ par la m., III, 253-85
sa place dans le yoga intégral, III, 27-46
se passe dans la tête, III, 38
Mémoire, des vies passées, II. 239, 242, 262, 265-66
subconsciente (passive), II, 156,157
subliminale, II, 157
Mensonge, II, 175-76
où il commence, II, 180
Mental, II, 107-08
calme, et m. vide, III, 156
"clarté" du m., 211
comment se débarrasser de son activité, III, 45
conscience d'ignorance, 62
contient de nombreuses parties, II, 108
corporel, II, 115, 129
deux fonctions du m. physique, II, 115
essentiel et permanent, 55
et conscience, III, 212-13, 160-61
et corps, II, 109-10
et Esprit, II, 107-08
et habileté dans les œuvres, III, 235
et Supramental, 240-41
et vital (distinction), II, 106, 108
extériorisant, II, 112
incapable de certitude ultime, 197-98
ultérieur, II, 111
mécanique, II, 113, 115, 117;III, 269
moindre, non égal ou supérieur au Divin, 199
pensant, II, 114
pensant dynamique et extériorisant, II, 112
pensant, et m. physique, II, 114
peut devenir un instrument de Vérité, 188
physique, II, 112-18, 137-38, 142
et expérience, III, 144
plus vaste, II, 111
réalisation m. et réalisation surmentale
ou supramentale, III, 6
rejet de son "bourdonnement", III, 268
silencieux, v. Silence
spirituel, spiritualisé, II, 110-11; III, 6-7
supérieur, II, 111
toujours actif, III, 273
tranquille, 211; III, 119, 153, 154, 165, 272-73, 331
transformation du m., de la vie et du corps, 113
triple: physique (matériel, corporel); vital (dynamique, nerveux); pur (pensée), II, 112-13
usage du terme "m." dans le yoga intégral, II, 105-06
vital, II, 113, 116, 122-27
vital et volonté raisonnante, II, 130
voie d'approche du Suprême, 76-77
v. aussi Centre(s)
Mère, 85-86
comprendre l'attitude de la M., III, 108
concentration sur la M. dans le cœur, III, 37
descente de la conscience de la M., III, 325
émanations de la M., II, 177-78
et ouverture de l'être psychique, III, 155
et Râmprasâd, 102
Force de la M., III, 141
ouverture à la M., III, 117-18
Présence de la M. et Présence divine, III, 229
Présence de la M. dans l'action, III, 158
Présence de la M. dans le cœur, III; 37, 119
relation de M. à enfant dans le yoga de la dévotion, III, 298
sa Force donne l'énergie nécessaire au travail, III, 229-30
se donne dans la liberté, III, 294
Suprême, 48
Métaphore, dans la description de l'expérience mystique, 210-11
Métaphysique, et science, 238
européenne, 183-87
Mitra, pouvoir psychologique, II, 185
Moi, 139
aspect subjectif du Brahman, 139
conception occidentale, II, 88
cosmique, III, 9
et Nature, II, 79
"propre moi" et vrai moi, II, 233
réalisation de toutes choses dans le Moi et de toutes choses comme le Moi, 134
réalisation du Moi, 115,116,139; II, 47-48
silencieux (statique, passif, pur), 64
Un en tous et multiple, II, 42
vide paisible et vaste, 77-78
Môksha, de l'Adwaïta et Nirvana
bouddhiste, 74
Monde(s). accès immédiat de l'âme au m. psychique, II, 242-43
célestes, II, 28-29
dans la Guîtâ, 84
gardiens du m. psychique, II, 245, 248
manifestation du Pouvoir divin, III, 3
n'est pas une illusion, 47
psychique, sans communication avec la terre, II, 266
psychique, lieu de repos de l'âme après la mort, II, 237-42
selon la Science et selon le Védânta, 254
typaux, non évolutifs, II, 181-84
vital, 7
vitaux, traversés après la mort, II, 240-42
v. aussi Univers
Monisme, européen, 40
védantique, 12
Montée, v. Ascension
Morale, et conventions, II, 213-14
et vie spirituelle, 169
expédient en attendant une lumière plus haute, II, 258
fait partie de la vie ordinaire, 161
transformation m. et transformation
spirituelle, III, 83-84
Mort, II, 271-72
attitude du chercheur spirituel devant la m. des proches, 271-72
expériences internatales, II, 237-44
peur de la m., III, 149
Mots, et pensées, 206-07
Moûlâdhâra, II, 130,158,162-63,171-72
Mystique, 216
écrivain m. et penseur intellectuel, III, 309-10
similarité des expériences m., 222
N
Napoléon, II, 309-10, 311
Nârada, II, 188
Nation, divinité de la N., II, 227
Nature, amorale, II, 256-57
beauté extérieure de la N., 27
générale, source de notre action, II, 150-51
ordinaire, III ,9
physique, 93
supérieure (divine, etc.) et inférieure (phénoménale, etc.), II, 43-44; III, 9
transformation de la n., 93-94
Nerfs, physiques et subtils, II, 143
Nirgouna, et sagouna, 53-54
Nirvana, 55-56, 58-65, 80, 81-82; II, 16-17
et yoga intégral, 70
expérience de Sri Aurobindo, 59-61
expérience du N., 78
motif de l'impulsion vers le N., II, 20
Nivédita, III, 63
Nom, et japa, III, 283
Nombres, signification, II, 279
Non-violence, II, 304
v. aussi Ahimsa
Nourriture, III, 241
Nouveauté, du message de Sri Aurobindo, 82-83, 117-20, 122-23
O
Objets, III, 246-50
paix, pureté, silence peuvent être ressentis dans les o., III, 167
valeur des o. dans le yoga, III, 183
Occultisme, définition, 89-90
des pouvoirs adverses et des pouvoirs divins, II, 294
et yoga intégral, 89-92
fraternités ou sociétés occultes, 92
pouvoirs occultes et yoga, II, 291-96
tibétain, 252-53
v. aussi Magie.
Œil, troisième œil, II, 167
Offrande, III, 111
de soi, III, 41, 120
ÔM, III, 282
Omnipotence, II, 211
Ordre, dans le domaine matériel, III, 246-47
Orient-Occident, pensée philosophique, 185-86
Orientaux et occidentaux, leur aptitude au yoga, 61-67
Ouspensky,P. D., 185
Oupanishad, contient en germe l'idée du supramental, 82
interpénétration des plans, 208
mentionne les plans supérieurs, 130
Ouverture, III, 117-21
à la conscience supérieure, non à tout ce qui vient, III, 121
à la Mère, III, 118
à l'influence divine, 117,118, 119
complète, III, 120
dans le travail, III, 222
de la nature vitale, III, 120
et soumission, III, 116-17
psychique, III, 155
son but, III, 117
Paix, III, 6, 162-63, 166-67, 168-73, 175-82, 331
aide à la pureté, III, 164
dans l'être intérieur et dans les parties extérieures, III, 170
descente de p., III, 172, 181
et Ânanda, III, 163
et calme, III, 162
et calme, tranquillité, silence (définitions), III, 161
et patience, III, 164
mentale, vitale, et p. de la nature physique, III, 166
passive, III, 166
stable, III, 168-70
vient du Silence, III, 167
Panthéisme, II, 30
Paradis, 99, 156-57; II, 242
mondes paradisiaques, II, 28-29
vital, II, 182-84
v. aussi Royaume
Paramahamsa, 113,114
Paramâtman, II, 81
Parâshakti, et Pouroushottama, 48
Parole, contrôle de la p., 158
et vraie connaissance, III, 174
parler mentalement à quelqu'un, II, 126-27
théorie tantrique de la p., II, 170
vérité en p., III, 172
Passivité, à la conscience supérieure et non à tout ce qui vient, III, 121
du mental à la seule Vérité, III, 153
Pâtâla, II, 155
Patanjali, 123
Patience, III, 58, 140-43,149
et paix, III, 164
Pauvreté, II, 306
Pensée, et mots, 207
et plans supérieurs, II, 116-17
intellectuelle, et celle qui est une expérience, 206-07
philosophique en Orient et en Occident, 185-86
Penseur, et mystique, III, 309-10
Pères, II, 249
Perfection, III, 60
ce qui est nécessaire à la p., III, 233
Permanent, 31; III, 129
Persévérance, III, 140, 143,145,149
Personnalité, complexe, II, 85, 264
et renaissance, II, 260, 261
formation temporaire, 155-56
multiple, II, 110
Personnel, Divin p., 23; II, 32-33
Divin p. avec forme et sans forme, II, 11-12
Personnel et Impersonnel, 96,127; II, 32-33; III, 129, 324
Peur, III, 56
dans le subconscient, II, 156
de la mort, III, 149
Philanthropie, 174-75; III, 30, 31
Philosophie, occidentale et orientale, 185-86
Photographies, contiennent une expression de la conscience, II, 89
peuvent être un moyen de contact, III, 317
Physique, conscience p. habituellement agnostique, 128
dépend du vital, II, 136
et travail, III, 207
mental, vital, matériel, II, 142
nature p., 93
subtil, II, 28
transformation p. n'était pas le but de Krishna, Bouddha, etc., 111
v. aussi Conscience
Physique (science), 235-36; II, 280-82
Physique-vital, II, 134-35, 139, 142
Pishâtcha, II, 176, 190-91
Pitri, II, 249
Pitriyana, II, 249
Plan(s), astral, 91
chaque p. est un monde, II, 26-27
expérience sur divers p., III, 6
expériences sur le p. vital, III, 127
interpénétration des plans, 207
mental, II, 24-25
physique et vital, II, 28
supérieurs, et connaissance, II, 116-17
supraphysiques, peuvent être atteints
sans supramentalisation, 11-12
vital, II, 24-25
vital, partiellement concerné par l'existence terrestre, II, 27
Planck, Max, II, 280-82
Plantes, II, 313-14
l'âme des p., II, 73, 75
v. aussi Fleurs
Plasticité, et résistance, II, 129
Plotin, III, 62
Poème, expression de vision et d'expérience, II, 183
v. aussi "Les Cieux de la Vie", "Ahanâ"
Poésie, et sâdhanâ, III, 40, 282
force yoguique et pouvoir poétique, littéraire, II, 293
technique de la p., III, 226
v. aussi Inspiration
Pourâna, II, 228-29
et les dix Avatar, II, 200-02
Pourna Yoga, v. Yoga intégral
Pourousha. Chaïtya P., II, 69
conscience du P., II, 66
en Prakriti, II, 71
et centre du cœur, II, 69
et décision, II, 283
et divinité, II, 186
Kshara P.,11,71
Manomaya P., II, 84
mental, II, 64
témoin, III, 221
triple P. inférieur, II, 64
vital, II, 64
Pourousha et Prakriti, II, 63, 65-66, 82-83
et libération dans l'action, III, 210-12
se débarrasser de la pensée,III, 265-66
séparation de P. et P., III, 27, 39, 198
Pouroushottama, conscience du P., 86
Pouvoir(s), divin, III, 93
divins, sont faits pour être utilisés, II, 291
emploi du terme p. dans "La Mère", II,176
Prâjna, II, 29, note
Prakriti, III, 211
double: supérieure (parâprakriti) et inférieure (aparâprakriti) II, 43- 44, 57, 65-66
et la Mère, II, 65-66
et Shakti, II, 66-67
universelle, II, 104
Prânapratisthâ, III, 317
Prânâyâma. III, 77, 283
Présence, de la Mère, III, 319
divine, II, 179; III, 182, 219, 319-20
sentiment de la P. dans le travail, III, 219
sentiment de la P. de la Mère dans l'action, III, 158
Prière, III, 37, 78
Primitif, notion du temps chez l'homme p., II, 306-07
Progrès, 176-77
ne dépend pas des circonstances extérieures, III, 171-72
première condition du p., III, 185
Prophéties, II, 275, 277-78
Psychique, emploi du terme "p.", 90; II, 61-62, 70, 72-73, 75-76
entité p., Il, 67-83
expérience p., II, 128
mental, II, 110-11
monde p., v.Monde(s)
sentiment p., II, 69
v. aussi Être psychique, Transformation
Psychologie, moderne, occidentale, 260; II, 106-07
selon saint Augustin, II, 106-10
Pureté, III, 164-65
divine, III, 165
Purification, III, 84
par l'effort personnel et par l'intervention de la Grâce, III, 103-04
par le travail, III, 37
Q
Questionner, dans la sâdhanâ, 190
R
Râdhâ. 202; III, 340
culte de R.-Krishna, III, 340
Radjas, difficultés de r., 168
Raison, des hommes politiques et des intellectuels, 180
et expériences mystique et spirituelle, 212-16
et foi, 192-94
et intuition, 219
n'est pas infaillible et universelle, 192
Râkshasa, II, 176, 190-92
Rama, II, 212, 221
et la conscience de l'Avatar, II, 219, 220, 221
Ramakrishna, II, 207
et la transformation, 111
son yoga, 104
Râmatîrtha, 139
Ramdas, Swami, III, 342
Râmprasâd, 102
Rasa, dans le travail, III, 227
Ravissement, de la réalisation du Brahman, 204
émerge dans l'évolution, 53
Réalisation, III, 72
de l'Impersonnel, 127
"divine", spirituelle, 112
du Moi, III, 155
v. aussi Moi
du yoga de la Connaissance, 139
et service, 111,202
mentale, 262
mentale-spirituelle. 112; III, 5
n'est pas la même chose que la Descente, 116-17
ne transforme pas forcément l'être, 116-17
peut exister sur n'importe quel plan, 21-22
spirituelle, deux formes opposées, III, 303
supramentale et spirituelle, 112
Réalisme, nécessaire sur le sentier, 179
Réalité, n'est pas froide, sèche et vide, 204
n'est pas liée par nirgouna et sagouna, 53-54
Réceptivité, III, 223
Recherche du Divin, pour ce que l'on peut en obtenir, III, 11
pour l'Ânanda, III, 11-16
pour Lui-Même, III, 13-15
Réincarnation, v. Renaissance
Rejet, 114, 148-49, 167; III, 78
v. aussi Subconscient
Relations humaines, "spirituelles" ou "psychiques", III, 65
Relativité, théorie de la r., 248
Religion(s), changer de r., 164-65
et science, 242
imperfection des r., 163
inadaptation des r., II, 233-34
vie religieuse, vie ordinaire et vie
spirituelle, 162-63
Remémoration, du Divin dans le Yoga des Œuvres, III, 32-33, 217, 218-19
Renaissance, 53; II, 237-72
but de la r., II, 74
en un corps animal, II, 252, 253
époque où l'âme entre dans un nouveau corps,II, 246
et notions de récompense et de punition, II, 246-47, 251, 256-57
et personnalité, II, 260, 261
mémoire des vies passées, II, 238-39, 242, 262, 266
passage d'un sexe à l'autre, II, 246, 254-55
Résistance, à la descente de la conscience supérieure, etc., II, 129
passive, n'est pas une vérité universelle, II,304
Résolution, III. 81, 141
dans le travail, III, 248
Retraite, 226-27
de Ramakrishna, 104
Rêves, II, 148, 152, 154
Rishi, 115, 121-22, 131
et supramental, 120
Royaume, de Dieu, des Cieux, 99, 156-57
Russie, 246-47
S
Sacrifice, II, 299-302; III, 21
de la connaissance, II, 300-01
du Pourousha (le grand Sacrifice), 36
mental, et spirituel, II, 301-02
Sâdhanâ, action divine et tapasyâ dans la s., III, 99-100
conditions parfaites pour la s.,III, 173
connaissance mentale de la s. n'est pas indispensable, III, 323
définition, III, 46
du Yoga intégral, III, 3-4
et poésie, littérature, etc., III, 40,41
faite par le Divin, III, 105
fondation de la s., III, 151-89
par l'amour et la dévotion, III, 289-343
par la méditation, III, 251-85
par le travail, III, 27-43, 191-250
périodes de vide dans la s., III, 54, 78,79
systématique, intensive, III, 197,198
Sagouna, et nirgouna, 53-54
Saint Augustin, II, 106-10
Samâdhi, III, 7, 276-81
Nirvikalpa S.,265,276,277
Samatâ, III, 184-89
et fonctionnement de la Force, III, 244-45
et indifférence, III, 188
Sâmkhya, et Védânta, 87
Samskâra. II, 144-45
Sannyâsa. 169
Sans-Forme, représentation intellectuelle, 204
Sat, et Guîtâ, 77
Satchidânanda, II, 12
et supramental, II, 8-11
expérience du S., II, 10-11
réalisation du S. dans le travail, internatales, 209
Un sous un triple aspect, II, 8-12
Sattwa, 168
difficultés de l'homme sattwique, 169
Scepticisme, 8
Science, 221-70
et métaphysique, 238-39
et procédés, 230-31, 241,243
et religion, 243
et spiritualité, 240-41
et Vérité, 221-22
l'univers selon la Science, 254
Sens, leur activité vraie, internatales, 186
Sentimentalité, internatales, 323
Service, définition, internatales, 201-02
et réalisation, tous deux nécessaires, internatales, 202
Sexe, centre sexuel, II, 172
dans la renaissance, II, 246, 254-55
et Avatar, II, 224
et culte de Râdhâ-Krishna, internatales, 340
Shakespeare,II, 310,311
Shakti, chez les Tantriques, et Shankara, 47
de l'Avidyâ (Prakriti inférieure). II, 66-67
descente de S., internatales, 145
Para Shakti et Pouroushottama, 48
toutes choses en proviennent, 254
Shankara, 64-66
connaissance de S. n'est qu'un côté de la vérité, 47
explication de l'univers, 50-52
philosophie, 50-52
Shânti, et Ânanda, internatales, 163
v. aussi Paix
Shiva, II, 186, 187
Shrâddha, II, 237-38
Silence, internatales, 161, 162, 167, 168
absolu et fondamental, internatales, 167,168
absolu, n'est pas indispensable, internatales, 272
descente du s., 128; internatales, 271-72
établi, internatales, 169
et tranquillité, internatales, 154, 155-56
et tranquillité, calme, paix (définitions), internatales, 161
et vraie connaissance, internatales, 174
intérieur, et activité, 125
mental, internatales, 153, 154, 161-62, 167, 273,331
et intuition concernant le travail, internatales, 220
et transformation supramentale, internatales, 223-24
expérience de Sri Aurobindo, 150
obstacles au silence, 228
passif et actif, internatales, 167
Sincérité, internatales, 56-57, 67-71,126
centrale, internatales, 70, 142-43
centrale et totale, 113; internatales, 67
indispensable, internatales, 58
Singe, attitude du "petit singe", in, 139
Socrate, II, 282-83
Soleil, symbole, 121
Sommeil, obstacle à la méditation, III, 275,276
Sorley, Prof., 205, 209, 212
Soufisme, III, 10
Souffrance, causes et cessation, II, 246-47
qui est responsable de la s., II, 315
v. aussi Énigme de ce monde, L'
Soumission, III, 92, 97-117,195
v. aussi Consécration
Soushoupti, II, 23
Sous-mental, II, 158
Spiritisme, 236-37, 239; II, 266-69, 297-98
Spiritualisation, définition, 125-26
Spiritualité, au-dessus des dualités, III, 58
et science, 240-41
toute-connaissance, 22
vient par l'ouverture au Divin du mental, du vital et du physique, 6-7
Spirituel, définition, 90
et supramental, 21
Sri Aurobindo, et l'expérience védântique, 142
La synthèse des yoga, III, 84
message de S.A., 82-83; III, 2-3
son enseignement, public ou aux sâdhak,261
vie et yoga de S.A., 143-44
Subconscient, II, 144-48
et conscience environnante, II, 98
et habitudes, II, 144-45
réapparition de ce qui a été rejeté, II, 148, 149, 151-52, 154
et subliminal, II, 145
et supraconscient, II, 148
n'a pas de centre, II, 172
n'est pas transporté par l'âme d'une vie à l'autre, II, 262
rêves, II, 148, 152, 154
siège du s., II, 149
Subliminal, et subconscient, II, 145
Superstition, 266-70
Supraconscient, II, 148
Supracosmique, et supramental, II, 12
Supramental, 7,14-15,22,77; II, 21-24
base du S., calme absolu, 109
base du S., unification, 95-96
conscience s., 96
créations., 20, 96
définition, II, 12-13, 30-31
descente du S., 17, 120
descente inévitable, 9
description, mentale, II, 33-34
et descente vitale, 7
et évolution, 1-43
et Royaume des Cieux, 156-57
et Satchidânanda, II, 8-11
et spirituel, 21
et supracosmique, II, 12
et surmental, II, 10, 22, 30-31, 34-35, 37-38
et vie terrestre, 17
êtres supramentaux, 11
n'est pas grandiose, lointain, 107
s'établira d'abord dans les individus, 16
transformation s., 21
Véda et Oupanishad, 82, 121-122
Supramentalisation, 11-12, 111-12; III, 7-8
principe, 11, 13, 17
ses effets sur l'individu, 108
stade ultime (siddhi), 23-24
Suprême, aspects statique et dynamique, 47
Surhomme, II, 283
l'objectif du yoga intégral n'est pas de devenir un s., forces h, 1, 2
Surmental, 22; II, 13-15, 22-24, 30-38
divers plans du S., II, 35-36
et conscience cosmique, II, 34
et supramental, 22-23; II, 10, 21-22, 30-31, 34-35, 37-38
principe du S., 42
Surmoi, 134
Svar, 121
Symbole(s), dans la description de l'expérience spirituelle, 210
escalier, III, 92
Lion et Dourgâ, II, 185
maidân, III, 92
main de la Mère, III, 92
paon, II, 189
terrain découvert, III, 262
Systèmes, métaphysiques, 183
T
Taïdjasa. II, 29
Tanmâtrâs. Il, 121
Tantra, et Védânta, 47, 86, 87
et yoga intégral, 87-89
théorie de la parole, II, 170
Tao, 74; II, 3
Tapasyâ, III, 127-28
définition, III, 46, 109
et action divine, III, 99
et consécration, III, 108,109,127-28
pas toujours nécessaire, III, 139
Tapoloka. II, 24
Temps et Espace, 264-65
et prédiction de l'avenir, 239
sens du t., II, 306-08
Terre, base des mondes, 208
champ du progrès, 12
conscience terrestre, 19
lieu de l'évolution, 12,19,80; II, 183
Tibet, et occultisme, 253
Yoga tibétain et doctrines secrètes
(W. Evans-Wentz), 79-81
"Tirer" la Force, III, 75-76
et aspirer, III, 74
Tranquillité. III, 154-62, 172
et calme, paix, silence (définitions), III, 161-62
mentale, 209, 211
nécessaire pour recevoir le Pouvoir divin, III, 223
Transcendant, Divin t., III, 9-10
et Divin cosmique, III, 88-89
Transe,III, 278-79
du médium, III, 278
réalisation en t. et en état de veille, III, 279
v. aussi Samâdhi
Transformation, 12; III, 23
dans le yoga intégral et chez un écrivain chrétien, 151-57
définition, 116-18, 136-37
de la nature inférieure (mental, vital et corps), 113; II, 59, 62
de la nature physique, 93-94
deux t. dans le yoga intégral, III, 325-26
différents états, 113
et expérience spirituelle, 21
intégrale, 151
ne peut être faite individuellement, 16
personnelle, et forces hostiles, II, 194
physique n'était pas le but de Krishna, Bouddha, Shankara, Râmakrishna,111
prend toujours du temps, III, 72
psychique, III, 258, 325
spirituelle, III, 259
et t. morale, III, 83-84
n'est pas facile, III, 143
supramentale, conditions principales, III, 60-61
et silence mental, III, 223-24
triple t. (physique, spirituelle et supramentale), 113, 135-36
Travail, III, 27-43, 191-250
absorption dans le t., III, 215, 216
dans la vie ordinaire et dans le yoga, III, 193-94
définition, 111,30-31,202
erreurs dans le t., III, 234-35, 236, 238
esprit dans lequel le t. est fait, III, 195, 204,205
état idéal pour le t.,III, 224-25
et défauts de la nature extérieure, III, 236
et fatigue, III, 230-32
et la Force, III, 226, 229-30
habileté dans le t., 235
inspiration dans le t., 228
maintenir la paix, le silence, etc. pendant le t., III, 179
motifs ordinaires et motifs psychiques ou spirituels, III, 193
nécessaire à l'équilibre, III, 238
ouverture à la Mère dans le t., III, 95
pour le Divin, III, 31-32
religieux, III, 199
sâdhanâ par le t., III, 27-43, 191-250
se souvenir pendant le t., III, 43
tension dans le t., III, 230-31, 233
valeur du t., III, 204-05
U
Un, des bouddhistes, 75
et Multiples, 39-40, 52, 265; II, 43
silencieux et dynamique, 48
Union, III, 318-19
complète, but final du yoga intégral, III, 7
Unité, 266
de l'Infini, non limité à son u., 52
n'a pas besoin de s'exprimer, III, 304-05
réalisation de l'u. et expression de l'amour pour tous, III, 305-06
Univers, 77; III, 3
matériel, II, 249
selon la science et selon le Védânta, 254
selon Shankara, 50-52
Universel, et cosmique. II, 100
Universalisation, II, 102
Vaïkountha. II, 16
Vaïrâgya, 165-68
sâttwique, III, 299
tâmasique, râdjasique,III, 334
vital, 63
Vampire, II, 76
Vanité, II, 312; III, 59
Varouna, pouvoir psychologique, II, 186
Vâyou, pouvoir psychologique, II, 186
Véda, divinités du V., 131
Inde védique, 1-3
Védânta, expérience védântique, 142-43
Vérité, aucune n'est complète au-dessous de la v. supramentale, 22
Conscience-de-Vérité, 126
en paroles et en pensée,III, 172
et science, 222-23
réalisation de la V. suprême, III, 182
supramentale, III, 28
Vertu, et grandeur, II, 310-12
et péché, III, 59
et vice, II, 310-11
Vibhoûti. II, 200, 206
n'a pas plus de connaissance qu'il n'est nécessaire à son œuvre, II, 210
Vice, et grandeur, II, 310-12
et vertu, II, 310-11
Vie, essentielle et permanente, 55
et âme, II, 82
ordinaire, spirituelle et religieuse, 161-62
ordinaire, et yoguique, 172-73
organisation d'une v. humaine, 170-71
origine de la v., 249
signification de la v., II, 278; III, 3
spirituelle, 163; II, 249
travail dans la v., 193
vitale, égoïste, 99-101
Vie Divine, La, 52, 145
Vigilance, III, 122
Vijnâna, et bouddhi, II, 40
Viraha, III, 326, 337
Virât, II, 29-30
Vishnou. II, 186
dix incarnations de V., II, 200-03
pouvoir psychologique, II, 186
Vishnouïte, bhakti, 102-03
religion, 97-99, 101-03
yoga, 151
Vision, divers genres de v., III, 318-19
supraphysique, III, 52
Vital, II, 122-36
consécration du v., III, 114
consécration du v. dans l'action, III, 194
détermine d'ordinaire les actions et le choix des hommes, III, 22
divin, 106
échanges vitaux, II, 288
émotif, II, 122
et amour pour le Divin,III, 68, 294-96
et mental, distinction, II, 106
être émotif et v. supérieur, II, 127-29
êtres du v., 91-92
Être v., v. Être
et soumission, III, 114
fonctions et nature du v., II, 108-09
forces vitales, pouvoirs vitaux, 91-92
fort et faible, II, 133
inférieur, II, 122
inférieur, et paix stable, III, 169
mental, II, 122
monde v., 5-7
moyen et supérieur, II, 112
nécessaire à la sâdhanâ, II, 136
nécessaire à n'importe quel travail, 111,224
nettoyage du v. et paix,III, 175-76
physique et matériel, II, 134-35
plan v., v. Plan
résistance du v., 148
transformation du v., 102
vrai, III, 76
Vivékânanda. 175-76;II, 206; III, 136
Vivisection, II, 304-05
Voix, de l'âme (du psychique), III, 52-53
Volonté, cosmique, II, 104; III, 88-89
divine, 23, 203;III, 220
et aspiration, III, 74
immuable, III, 90
raisonnante, II, 130
Vrindâvan, II, 229
W
Woolf, Léonard, 216-17
Y
Yoga, anciens, corps. II, 6, 28-29
base du y. intégral, 82-83; corps. II, 38, 153-89
but du y. intégral, 16,50,132-33; II, 50-51; corps. II, 1-23,49-50,69
chute hors du sentier, II, 285
dangers du y., corps. II, 127
de la connaissance, 134, 139
de la Guîtâ, et y. intégral, 82-83; corps. II, 90-91, 193-200
des Œuvres, corps. II, 29-30,30-31,195-97
deux éléments principaux du y. intégral, corps. II, 1
deux transformations dans le y. intégral, corps. II, 325
deux voies du y. des œuvres, corps. II, 39-40
don de soi et bhakti, base du y. intégral, corps. II, 38
et internatales, 87-88
et occultisme, 89-92
et Védânta, 87
expérience yoguique partout similaire, 222
force du y., concrète, 254-59
force yoguique et pouvoir poétique, II,293
intégral, et autres sentiers, 47-157
intégral, et bhakti vishnouïte, corps. II, 337
Première édition: 1987
On dirait que vous n'avez pas compris le principe de notre yoga. L'ancien yoga exigeait un renoncement total, allant jusqu'à l'abandon de la vie du monde. Notre yoga, au contraire, a pour but une vie nouvelle et transformée. Mais il impose avec la même rigueur inexorable un rejet total du désir et de l'attachement dans le mental, la vie et le corps. Son but est de reconstruire les bases de la vie dans la vérité de l'esprit et, à cette fin, d'extirper du mental, de la vie et du corps les racines de tout ce que nous sommes et de tout ce que nous faisons pour les transférer à une conscience plus grande, au-dessus du mental. Il s'ensuit que dans la vie nouvelle, toutes les relations devront être fondées sur une intimité spirituelle et sur une vérité toutes différentes de celles qui soutiennent nos relations actuelles. Quand vient l'appel d'en haut, il faut être prêt à renoncer à ces affections que l'on qualifie de naturelles. Les conserver, si peu que ce soit, n'est possible qu'au prix d'une mutation qui les transforme de fond en comble. La décision d'y renoncer ou de les conserver en les transformant doit toutefois être déterminée non par les désirs personnels, mais par la vérité supérieure. Tout doit être abandonné au Maître suprême du Yoga.
Le pouvoir qui est à l'œuvre dans notre yoga est d'un caractère minutieux et ne tolère en fin de compte rien de grand ni de petit qui soit un obstacle à la Vérité et à sa réalisation.
Les relations personnelles ne font pas partie du yoga. C'est seulement lorsqu'on a l'union avec le Divin qu'une relation spirituelle vraie avec les autres peut exister.
L'idée que tous les sâdhak doivent se tenir à distance les uns
des autres et être à couteaux tirés est elle-même un préjugé auquel il faut renoncer. La loi de la vie yoguique est l'harmonie, non la discorde. Ce préjugé vient peut-être de la conception ancienne où le Nirvana était le but; mais ici, le but n'est pas le Nirvana. Le but, ici, est la réalisation du Divin dans la vie et à cette fin, l'unité et la solidarité sont indispensables.
L'idéal du yoga est de tout centrer sur le Divin et autour de lui et la vie des sâdhak doit se fonder solidement sur cette base; leurs relations personnelles doivent, elles aussi, avoir le Divin pour centre. En outre, la base de toutes les relations doit être transférée du vital au spirituel, le vital n'étant plus qu'une forme et un instrument du spirituel; quelles que soient, par conséquent, les relations des sâdhak entre eux, ils devront renoncer à toute jalousie, à tout conflit, à toute haine, aversion, rancœur et autres sentiments pervers du vital, car ces sentiments ne peuvent avoir aucune part dans la vie spirituelle. De même, tout amour égoïste, tout attachement égoïste devra disparaître aussi: cet amour qui n'aime que pour l'ego et qui, dès que l'ego est blessé et insatisfait, cesse d'aimer ou même se complaît dans la rancœur et la haine. Il doit y avoir derrière l'amour une unité réelle, vivante et durable. 11 va de soi que tout ce qui ressemble à l'impureté sexuelle doit disparaître aussi.
Tel est l'idéal, mais la manière de l'atteindre peut varier selon les individus. L'une des voies consiste à tout quitter pour ne suivre que le Divin. Elle n'entraîne aucune aversion pour quiconque, pas plus qu'une aversion à l'égard du monde et de la vie. Il s'agit seulement de s'absorber dans le but central, l'idée étant qu'une fois celui-ci atteint, il sera facile de fonder toutes les relations sur une vraie base, de s'unir véritablement aux autres dans le cœur, l'esprit et la vie, d'être uni à eux dans la vérité spirituelle et dans le Divin. L'autre voie consiste à partir d'où l'on est et à aller de l'avant, avec pour préoccupation centrale la recherche du Divin et en y subordonnant tout le reste, sans pour autant le laisser de côté, mais en cherchant plutôt à transformer peu à
peu, progressivement, tout ce qui est capable d'une telle transformation. Tout ce qui, dans la relation, est indésirable: impureté sexuelle, jalousie, colère, exigence égoïste, s'élimine à mesure que l'être intérieur se fait plus pur, pour être remplacé par l'unité d'âme à âme et par la cohésion de la vie en société dans le cercle du Divin.
Non pas qu'il soit impossible d'avoir des relations personnelles en dehors du cercle des sâdhak, mais là encore, si la vie spirituelle grandit au-dedans, elle aura forcément une influence sur la relation qu'elle spiritualisera dans le sâdhak. Et aucun attachement ne doit exister qui soit de nature à faire de cette relation un obstacle au Divin ou à rivaliser avec lui. Il en est souvent ainsi de l'attachement à la famille, etc., et si tel est le cas, cet attachement quitte le sâdhak. Je ne crois pas que l'on puisse considérer cette exigence comme excessive. Tout cela peut cependant se faire peu à peu; couper court aux relations existantes est nécessaire pour certains, il n'en est pas de même pour tous. Une transformation, si graduelle soit-elle, est indispensable, et une rupture là où la rupture s'impose.
P.S. - Je dois aussi répéter que chaque cas est différent: une règle unique pour tous n'est ni pratique, ni praticable. Ce dont chacun a besoin pour son progrès spirituel est le seul impératif à garder présent à l'esprit.
L'absence d'amour et de sympathie n'est pas nécessaire pour se sentir proche du Divin; au contraire, un sentiment de rapprochement et d'unité avec les autres fait partie de la conscience divine dans laquelle le sâdhak pénètre en se sentant proche du Divin et uni à lui. Le but final du Mâyâvâdin est certes un rejet complet de toutes les relations et dans le yoga ascétique, la perte totale de tous les rapports d'amitié et d'affection, de tout attachement au monde et aux êtres qui y vivent serait considérée comme le prodrome d'un pas en avant vers la libération, Moksha; mais je crois que
même dans ce cas, un sentiment d'unité et de sympathie spirituelle détachée à l'égard de tous est au moins, comme la compassion bouddhiste, l'avant-dernier stade qui précède le tournant vers le Moksha ou le Nirvana. Dans notre yoga, le sentiment d'unité avec les autres, l'amour, la joie universelle et l'Ânanda forment une partie essentielle de la libération et de la perfection qui sont le but de la sâdhanâ.
Par ailleurs la société humaine, l'amitié humaine, l'amour, l'affection, la sympathie reposent principalement et en général - pas entièrement, ni dans tous les cas - sur une base vitale et sont, à leur centre, sous l'emprise de l'ego. C'est en raison du plaisir d'être aimé, du plaisir d'élargir l'ego par les contacts, par l'interpénétration des esprits, en raison de l'exaltation produite par l'échange vital qui nourrit leur personnalité, que les êtres humains aiment d'ordinaire; et d'autres mobiles, plus égoïstes encore, se mêlent aussi à ce mouvement essentiel. Bien entendu, des éléments spirituels, psychiques, mentaux, vitaux plus élevés interviennent ou peuvent intervenir; mais tout est très mélangé, même dans le meilleur des cas. C'est pourquoi à un certain stade, avec ou sans raison apparente, le monde, la vie, la société et les relations humaines, comme la philanthropie (qui est entachée d'ego tout autant que le reste) commencent à devenir insipides. Il y a parfois à cela une raison apparente: le vital de surface subit une déception, les proches retirent leur affection, on s'aperçoit que ceux que l'on aimait ou que les hommes en général ne sont pas ce que l'on croyait, et quantité d'autres raisons; souvent, cependant, la cause en est, dans une certaine partie de l'être intérieur, une déception cachée qui ne se transmet pas ou se transmet mal au mental, parce qu'il attendait de ces sentiments quelque chose qu'ils ne peuvent pas donner. Beaucoup l'ont éprouvé, parmi ceux qui se tournent vers la vie spirituelle ou y sont poussés. Pour certains cela prend la forme d'un vaïrâgya qui les mène à l'indifférence ascétique et leur donne l'ardent désir du moksha. Pour nous, ce que nous tenons pour nécessaire, c'est que le mélange disparaisse et que la conscience
s'établisse à un niveau plus pur (non seulement une conscience spirituelle et psychique, mais une conscience mentale, vitale, physique plus pure et plus élevée) où ce mélange n'existe pas. On sentirait alors le véritable Ânanda de l'unité, de l'amour, de la sympathie, de la camaraderie, l'Ânanda spirituel qui à la base existe en lui-même, mais s'exprime au moyen des autres parties de la nature. Pour que cela se produise, il est évident qu'une transformation doit intervenir: ces mouvements doivent perdre leur ancienne forme qui laissera place à un moi nouveau et supérieur, afin qu'il dévoile sa propre manière de s'exprimer, de se réaliser et de réaliser le Divin au moyen de ces sentiments: telle est la vérité intérieure de la question.
L'état que vous décrivez est donc, je suppose, une période de transition et de changement - état négatif au début, comme le sont souvent ces mouvements - qui a pour but de créer un espace vide où le nouvel état positif pourra apparaître, dans lequel il vivra et qu'il remplira. Mais le vital, n'ayant pas eu une expérience prolongée, tout à fait satisfaisante ou complète de ce qui doit remplir ce vide, ne ressent que la perte et s'en afflige, alors qu'une autre partie de l'être, ou même une autre partie du vital, est prête à laisser aller ce qui disparaît et ne tient pas à le garder. Si ce n'était ce mouvement du vital (qui a été chez vous très puissant, très vaste, très avide de vie), cette disparition n'apporterait, du moins après une première sensation de vide, qu'un sentiment de paix, de délivrance, d'attente tranquille de choses plus grandes. La paix et la joie qui vous sont venues sous la forme du contact de Shiva vous ont donné une indication de ce qui, dans un premier temps, doit remplir le vide; naturellement ce n'est pas la totalité, mais seulement un commencement, une base pour un nouveau moi, une nouvelle conscience, une activité de nature plus grande: comme je vous l'ai dit, une paix et un calme spirituels profonds sont la seule fondation stable d'une Bhakti et d'un Ânanda durables. Dans cette nouvelle conscience, il y aurait une base nouvelle pour les relations avec les autres; car
votre destinée spirituelle ne peut pas être un ascétisme aride ou un isolement solitaire, puisque cela n'est pas en harmonie avec votre Swabhâva qui est fait pour la joie, l'immensité, l'expansion, un mouvement global de la force de vie. Ne vous découragez donc pas; attendez le mouvement purificateur de Shiva.1
J'ai toujours dit que le vital était indispensable à l'action divine ou spirituelle: sans lui, il ne peut y avoir aucune expression complète, aucune réalisation dans la vie, et même guère de réalisation dans la sâdhanâ. Quand je parle d'un mélange du vital ou de ses obstructions, de ses révoltes, etc., c'est du vital extérieur non régénéré, plein de désir, d'ego et de passions inférieures que je veux parier. Je pourrais m'élever de la même façon contre le mental et le physique lorsqu'ils obstruent ou contrecarrent la sâdhanâ, mais précisément parce que le vital est si puissant et si indispensable, son obstruction, son opposition ou son refus de coopérer sont d'une surprenante efficacité et les erreurs qu'il introduit sont plus dangereuses pour la sâdhanâ. C'est pour cette raison que j'ai toujours dénoncé avec insistance les dangers du vital non régénéré et fait ressortir la nécessité de le maîtriser et de le purifier, et non pour soutenir, comme les Sannyâsi, que le vital et son pouvoir de vie doivent être condamnés et rejetés de par leur nature même.
L'affection, l'amour, la tendresse sont, par nature, psychiques; le vital les ressent parce que le psychique essaie de s'exprimer au moyen du vital. C'est par l'intermédiaire de l'être émotif que le psychique s'exprime le plus facilement, car il se tient juste derrière lui dans le centre du cœur. Mais il veut que ces sentiments soient purs. Non qu'il refuse, pour s'exprimer au-dehors, de se servir du vital et du physique, mais comme l'être psychique est la forme de l'âme, il est naturel que l'attirance d'âme à âme, l'union de l'âme avec l'âme soient pour lui ce qu'il y a de plus durable et de plus
1. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 6.
concret. Le mental, le vital et le corps sont des moyens d'expression, et comme tels ils sont très précieux, mais la vie intérieure est, pour l'âme, primordiale, elle est la réalité la plus profonde; ils doivent donc lui être subordonnés et se soumettre à ses conditions: ils doivent être son expression, ses instruments, son canal. Je ne pense pas qu'en insistant sur le domaine intérieur, celui du psychique et du spirituel, je dise quoi que ce soit de nouveau, d'étrange ou d'inintelligible. Ces choses ont toujours fait l'objet, depuis les origines, d'une insistance particulière, et plus l'être humain est évolué, plus s'accroît leur importance. Je ne vois pas comment le yoga pourrait exister sans cette prépondérance accordée à la vie intérieure, à l'âme et à l'esprit. Préconiser la maîtrise du vital, sa subordination et sa sujétion au spirituel et au psychique n'a rien non plus de nouveau, d'étrange ni d'exorbitant. On lui a toujours accordé une importance primordiale dans toutes les formes de vie spirituelle; même les yogas qui cherchent le plus à utiliser le vital, comme certaines formes du vishnouïsme, exigent cependant qu'il soit purifié et offert tout entier au Divin. Toute réalisation du Divin est une réalisation intérieure; seulement ici, l'âme s'offre par l'intermédiaire de l'être émotif. L'âme, l'être psychique, n'est pas quelque chose d'incompréhensible ou dont on n'a jamais entendu parler.
On ne peut évidemment pas se fier à l'affection humaine, tant elle est fondée sur l'égoïsme et le désir; c'est une flamme de l'ego, tantôt trouble et brumeuse, tantôt plus claire et plus brillamment colorée; tantôt tamasique, fondée sur l'instinct et l'habitude, tantôt radjasique et nourrie par la passion ou la soif d'échange vital, tantôt plus sattwique et qui s'efforce d'être ou de paraître, à ses propres yeux, désintéressée. Mais fondamentalement, son existence repose sur un besoin personnel ou une contrepartie quelconque, intérieure ou extérieure, et quand le besoin n'est pas satisfait,
quand la contrepartie cesse d'être accordée ou ne l'est pas, très souvent elle diminue, meurt ou ne subsiste plus que comme le vestige tiède ou troublé d'une habitude passée; ou encore elle se tourne ailleurs pour se satisfaire. Plus elle est intense, plus elle tend à être perturbée par des tumultes, des heurts, des querelles, des troubles égoïstes de toutes sortes, des mouvements égoïstes, des exigences, des égarements pouvant aller jusqu'à la fureur et la haine, des ruptures. Non que ces affections ne soient pas durables: les affections tamasiques instinctives durent à cause de l'habitude, en dépit de tout ce qui divise les personnes, comme par exemple certaines affections familiales; les affections radjasiques peuvent quelquefois durer en dépit de toutes les perturbations, incompatibilités et ruptures violentes, parce que l'un a un besoin vital de l'autre et s'y accroche pour cette raison, ou parce que tous deux ont ce besoin et sans arrêt se séparent pour revenir et reviennent pour se séparer ou vont de querelle en réconciliation et de réconciliation en querelle; les affections sattwiques durent très souvent par devoir vis-à-vis d'un idéal ou par quelque autre soutien, bien qu'elles puissent perdre de leur acuité, de leur intensité ou de leur éclat. Mais on ne peut vraiment compter sur une affection que lorsque l'élément psychique dans l'affection humaine devient assez fort pour nuancer ou dominer le reste. Pour cette raison, l'amitié est ou plutôt peut, le plus souvent, être la plus durable des affections humaines, parce qu'en elle le vital intervient dans une moindre mesure et, bien qu'elle soit une flamme de l'ego, elle peut brûler d'un feu tranquille et pur qui donne en permanence sa chaleur et sa lumière. On ne peut néanmoins avoir une amitié fiable qu'avec un très petit nombre de personnes; une horde d'amis affectueux et fidèlement désintéressés est un phénomène si rare que l'on peut sans risque le taxer d'illusion... De toute façon l'affection humaine, quelle que soit sa valeur, a sa place, car par elle l'être psychique reçoit les expériences émotives dont il a besoin jusqu'à ce qu'il soit prêt à préférer le vrai à l'apparence, le parfait à l'imparfait, le divin à l'humain. De même
que la conscience doit s'élever au niveau supérieur, de même les activités du cœur doivent, elles aussi, s'élever au niveau supérieur et changer de base et de caractère. Le yoga consiste à fonder toute la vie et toute la conscience sur le Divin; aussi l'amour et l'affection doivent-ils de même s'enraciner dans le Divin; ils doivent avoir pour base une unité spirituelle et psychique dans le Divin; atteindre le Divin d'abord, en laissant le reste de côté, ou chercher le Divin seul est la route directe vers cette mutation. Cela veut dire: pas d'attachement; cela ne veut pas forcément dire: transformer l'affection en dégoût ou en indifférence glacée. Mais X semble vouloir introduire ses émotions vitales telles quelles dans le Divin. Laissez-le essayer, ne l'importunez pas avec des critiques et des sermons; si ce n'est pas possible, il faudra bien qu'il s'en rende compte par lui-même.
Ce n'est pas à cause de votre nature ou d'un destin néfaste que votre vital ne peut pas trouver dans les relations avec les autres la satisfaction qu'il en attendait. Ces relations ne peuvent jamais donner une satisfaction complète ou permanente; si c'était possible, l'être humain n'aurait aucune raison de chercher le Divin. Il demeurerait satisfait de la vie terrestre ordinaire. C'est seulement lorsqu'on a trouvé le Divin, lorsque la conscience s'élève à la vraie conscience, que les vraies relations avec les autres peuvent s'établir.
En disant qu'il n'y avait pas de mal à cela, je voulais dire que mieux valait confier à Mère ce que vous aviez en tête plutôt que de continuer à l'agiter en vous. Mais cela fait, il faudrait que tout soit chassé du mental qui devrait retrouver sa tranquillité.
Ces mouvements font partie de la nature vitale ignorante de l'homme. L'amour que deux êtres humains ressentent l'un pour l'autre est aussi, en général, un amour vital égoïste, et
ces autres mouvements: revendications, exigences, jalousie, abhimân, colère, etc., l'accompagnent fréquemment. Ils n'ont pas leur place dans le yoga, pas plus que dans l'amour vrai, psychique ou divin. Dans le yoga, tout l'amour devrait être tourné vers le Divin et ne s'adresser aux humains ou à d'autres êtres qu'en tant qu'ils sont des réceptacles du Divin: l'abhimân et le reste ne devraient y avoir aucune place.
Tout cela n'est évidemment pas de l'amour, mais de l'amour-propre. La jalousie n'est qu'une forme détestable de l'amour-propre. C'est ce que les gens ne comprennent pas: ils croient même que les exigences, la jalousie, la vanité blessée sont des signe de l'amour ou du moins ses compagnons naturels.
Le mouvement du vital supérieur est plus raffiné et plus vaste dans son action que celui du vital ordinaire. Il met l'accent sur l'émotion plutôt que sur la sensation et le désir, mais il n'est pas dénué d'exigence et de désir de possession.
Les relations qui, dans la vie humaine, font partie de la nature vitale ordinaire, sont sans valeur dans la vie spirituelle; elles font plutôt obstacle au progrès; car le mental et le vital devraient eux aussi se tourner tout entiers vers le Divin. En outre, l'objectif de la sâdhanâ est de pénétrer dans une conscience spirituelle et de tout fonder sur une base spirituelle nouvelle, ce qui ne peut se faire que lorsqu'on est parvenu à une union complète avec le Divin. En attendant, il faut avoir pour tous une bienveillance tranquille, mais les relations vitales ne sont pas une aide, car elles maintiennent la conscience en bas, à un niveau vital, et l'empêchent de s'élever à un niveau supérieur.
Il est facile de répondre à votre question sur l'âme complémentaire et le mariage: la voie de la vie spirituelle va pour vous dans une direction, le mariage dans une autre qui lui est tout à fait opposée. Toute référence à une âme complémentaire est un camouflage sous lequel le mental cherche à dissimuler les besoins sentimentaux, sensuels et physiques de la nature vitale inférieure. C'est cette nature vitale en vous qui pose la question et aimerait recevoir une réponse qui réconcilierait ses désirs et ses exigences avec l'appel de l'âme vraie en vous. Mais elle ne doit pas s'attendre à nous voir approuver la réconciliation d'éléments aussi disparates. La voie du yoga supramental est claire: elle ne passe pas par de telles concessions; pas, dans votre cas, par la satisfaction, si possible sous couvert d'apparences spirituelles, de l'appétit de la nature vitale pour les conforts et les agréments d'une vie domestique et conjugale et pour l'assouvissement des désirs émotifs et des passions physiques ordinaires, mais par la purification et la transformation des forces que ces mouvements pervertissent et utilisent à contre-sens. Non pas ces exigences humaines et animales, mais l'Ânanda divin qui est au-dessus et au-delà d'elles et que l'abandon à ces formes dégradées de lui-même empêcherait de descendre: tel est le but grandiose auquel l'être vital du sâdhak doit aspirer.
Un échange vital humain ne peut pas être un vrai soutien pour la sâdhanâ; il ne pourrait au contraire que la détériorer et la déformer en induisant la conscience à se duper elle-même et en menant l'être émotif et la nature vitale dans la mauvaise direction.2
Ce que vous écrivez au sujet des liens familiaux est parfaitement exact. Ils créent un échange inutile et empêchent
2. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 2.
l'être de se tourner tout entier vers le Divin. Lorsqu'on s'est engagé dans la voie du yoga, les relations doivent se fonder de moins en moins sur une origine physique ou sur les habitudes de la conscience physique, et de plus en plus sur la base de la sâdhanâ: de sâdhak à sâdhak, en considérant les autres comme des âmes cheminant sur le même sentier ou comme des enfants de la Mère, et non à la manière ordinaire ou dans la perspective passée.
Quand on aborde la vie spirituelle, les liens familiaux, qui appartiennent à la nature ordinaire, disparaissent; on devient indifférent aux choses du passé. Cette indifférence est une libération. Elle peut fort bien ne contenir aucune rudesse. Demeurer lié aux anciennes affections physiques serait demeurer lié à la nature ordinaire et interdirait tout progrès spirituel.
L'attachement aux parents appartient à la nature physique ordinaire; il n'a rien à voir avec l'Amour divin.
C'est là [la dette de l'enfant envers son père parce qu'il l'a élevé] une loi de la société humaine, non une loi du Karma. L'enfant n'a pas demandé au père de le mettre au monde, et si le père a agi pour son propre plaisir, le moins qu'il puisse faire est d'élever l'enfant. Toutes ces relations sont des relations sociales (et la dette n'est pas du tout non plus à sens unique, de l'enfant envers le père), mais quelles qu'elles soient, elles cessent d'exister dès que l'on se consacre à la vie spirituelle. Car la vie spirituelle ne repose en rien sur les relations physiques extérieures; c'est dès lors au Divin seul que l'on a affaire.
Lorsque l'être intérieur se tourne vers le Divin, il s'éloigne naturellement des anciennes relations vitales, des mouvements et des contacts extérieurs du passé, jusqu'à ce qu'il puisse apporter dans l'être extérieur une conscience nouvelle.
Le mouvement dont vous parlez n'est pas psychique, mais émotif. C'est une force vitale émotive que vous émettez et gaspillez. Elle est de plus néfaste car, tandis que d'un côté vous essayez de rejeter une relation ou un lien vital du passé avec ces personnes, vous rétablissez d'une autre manière, par ce mouvement, une relation vitale avec elles. S'il y avait quelque chose de faux dans votre premier mouvement, c'est là une manière tout à fait fausse d'y remédier.
Le rejet ne devrait certes s'accompagner d'aucun sentiment violent contre quiconque, parce que la violence est le signe d'une certaine faiblesse dans le vital qui doit être corrigée, et pour nulle autre raison. Le rejet doit être tranquille, ferme, sûr de lui, décisif; alors il deviendra radical et efficace.
C'est à mesure que grandit l'amour pour le Divin que les autres affections cessent de troubler le mental.
L'influence de l'amour pour le Divin, quand il prend possession d'une partie quelconque de l'être, a pour effet d'orienter cette partie vers le Divin - c'est ce que vous décrivez comme une "concentration sur la Mère" - et tout finit par se rassembler et s'harmoniser autour de cette tendance centrale de l'être. La difficulté réside dans les parties mécaniques de l'être où les anciennes pensées poursuivent leur ronde par habitude. Si la concentration continue à croître,
leur activité devient quelque chose de négligeable, à la périphérie du mental, et finit par s'évanouir pour être remplacé par des phénomènes qui appartiennent à la nouvelle conscience.
La solitude intérieure ne peut être guérie que par l'expérience intérieure de l'union avec le Divin: aucune relation humaine ne peut remplir ce vide. Dans la vie spirituelle, l'harmonie avec les autres doit de même se fonder non sur des affinités mentales et vitales, mais sur la conscience divine et l'union avec le Divin. Quand on sent le Divin et que l'on sent les autres dans le Divin, alors vient l'harmonie réelle. En attendant, il peut y avoir la bienveillance et l'unité fondées sur la perception d'un but divin commun et sur le sentiment que l'on est, comme tous les autres, un enfant de la Mère... L'harmonie réelle ne peut venir que d'une base psychique ou spirituelle.
Être seul avec le Divin est, pour le sâdhak, le plus haut de tous les états privilégiés, car c'est là qu'il se rapproche le plus, intérieurement, du Divin; cet état peut faire de l'existence tout entière une communion dans la chambre du cœur autant que dans le temple de l'univers. De plus, c'est le commencement et la base de l'unité véritable avec tous les êtres, car ainsi cette unité s'établit sur sa base véritable, sur le Divin; c'est en effet dans le Divin que l'être les rencontre tous et s'unit à tous, et non plus dans un échange précaire au niveau de l'ego mental et vital. Ne redoutez donc pas la solitude, mais placez votre confiance en la Mère et avancez sur le Sentier dans sa force et sa Grâce.
L'amour du sâdhak doit être pour le Divin. C'est seulement quand il a cela pleinement qu'il peut aimer les autres de la vraie manière.3
Se donner à quelqu'un de l'extérieur, c'est sortir de l'atmosphère de la sâdhanâ et se donner aux forces du monde extérieur.
On peut avoir un sentiment psychique d'amour pour quelqu'un, un amour universel pour toutes les créatures, mais on ne doit se donner qu'au Divin.
On ne peut pas dire que ces affinités soient bonnes ou mauvaises d'une manière générale. Tout dépend de la personne, des effets qu'elles produisent et de bien d'autres choses. En règle générale, toutes ces affinités doivent être offertes au Divin avec le reste de l'ancienne nature, afin que seul ce qui est en harmonie avec la Vérité divine soit conservé et puisse être transformé pour qu'elle travaille en vous. Toutes les relations avec les autres doivent être des relations dans le Divin et non appartenir à l'ancienne nature personnelle.
Il existe un amour où l'émotion est tournée vers le Divin dans une réceptivité et une union croissantes. Ce qu'il reçoit du Divin, il le répand sur les autres, mais avec libéralité et sans rien demander en retour; si vous en êtes capable, alors c'est la manière la plus haute et la plus satisfaisante d'aimer.
3. Lumières sur le Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
Une relation personnelle se forme lorsque deux personnes ont l'une pour l'autre un regard exclusif. Dans notre yoga, la règle concernant les relations personnelles est la suivante: (1) toute relation personnelle doit disparaître dans l'unique relation entre le sâdhak et le Divin; (2) toutes les relations personnelles (psychiques/spirituelles) doivent procéder de la Mère divine, être déterminées par elle et faire partie de la relation unique avec la Mère divine. Dans la mesure où une relation personnelle se conforme à cette double règle et n'admet aucune complaisance physique, aucune déformation ni aucune immixtion du vital, elle peut exister. Mais jusqu'à présent, le supramental n'a pas encore pris possession de tout, il est seulement en train de descendre et des luttes se livrent encore au niveau du vital et du physique; il faut donc observer une grande prudence, plus grande qu'il ne serait nécessaire si la transformation supramentale était déjà là. Les deux personnes doivent être en relation directe avec la Mère et dans une totale dépendance à son égard; elles doivent veiller à ce que cette relation demeure et que rien ne diminue sa totalité ni ne la contredise si peu que ce soit.
La seule relation admissible ici entre un sâdhak et une sâdhikâ est la même qu'entre sâdhak et sâdhak ou entre sâdhikâ et sâdhikâ: c'est la relation amicale qui existe entre ceux qui suivent le même sentier de yoga et sont des enfants dé la Mère.
D'une manière générale, la seule méthode pour qu'un homme et une femme réussissent à maintenir entre eux les relations yoguiques libres et naturelles qui devraient exister, dans notre yoga, entre un sâdhak et une sâdhikâ est que chacun soit capable de rencontrer l'autre sans penser le moins du monde que l'un est un homme et l'autre une
femme; tous deux sont simplement des êtres humains, tous deux sont des sâdhak, tous deux s'efforcent de servir le Divin, cherchent le Divin seul et rien d'autre. Imprégnez-vous-en complètement et il est probable qu'aucune difficulté n'apparaîtra.
Vous êtes censés avoir entre vous une relation de sâdhak, faite de bonne volonté et de sentiments amicaux, mais aucune relation particulière de caractère vital. C'est seulement dans le cas où vous ne pouvez rencontrer une certaine personne sans qu'apparaisse cette relation vitale qu'il est préférable de ne pas la rencontrer.
Quant à tout orienter vers le Divin, c'est un conseil de perfection qui s'adresse à ceux qui veulent voyager sans bagage. Autrement l'amitié entre hommes, entre un homme et une femme ou entre femmes n'est pas interdite, à condition qu'elle soit une véritable amitié et que le sexe n'intervienne pas; à condition aussi qu'elle ne détourne pas du but. Si la motivation centrale est forte, c'est suffisant [...]. En parlant de relations personnelles, je ne voulais certes pas parler d'indifférence pure, car l'indifférence ne crée pas une relation: elle tend au contraire à l'absence totale de relation. L'amitié émotive n'est pas forcément un obstacle.
L'amitié est certes plus facile entre hommes ou entre femmes qu'entre un homme et une femme, parce que là l'intrusion du sexe est normalement absente. Dans une amitié entre un homme et une femme, la tendance sexuelle peut à tout moment intervenir d'une manière subtile ou directe et causer des perturbations. Mais il n'est pas impossible qu'il
existe, entre un homme et une femme, une amitié pure de cet élément; de telles amitiés sont possibles et ont toujours existé. Tout ce qu'il faut, c'est que le vital inférieur ne s'introduise pas par la petite porte ou qu'on ne lui permette pas d'entrer. Il existe souvent une harmonie entre une nature masculine et une nature féminine, une attirance ou une affinité qui repose sur autre chose qu'une quelconque base vitale inférieure (sexuelle), visible ou cachée, et qui parfois dépend surtout, pour subsister, du mental, du psychique ou du vital supérieur, et parfois d'une combinaison des trois. Dans un cas de ce genre l'amitié est naturelle et il y a peu de chances que d'autres éléments s'y introduisent pour la tirer vers le bas ou la briser.
C'est aussi une erreur de croire que seul le vital est chaleureux et que le psychique serait quelque chose de glacé qui ne contiendrait aucune flamme. Une bienveillance claire et limpide est une bonne et belle chose. Mais ce n'est pas ce que l'on entend par amour psychique. L'amour est amour et pas seulement bienveillance. L'amour psychique peut avoir une chaleur et une flamme aussi intenses et même plus intenses que l'amour vital, seulement son feu est pur, il n'a pas besoin, pour subsister, de satisfaire le désir de l'ego ou de dévorer le combustible qu'il étreint. Sa flamme est blanche et non rouge; mais la chaleur blanche n'est pas moins ardente que la rouge. 11 est vrai que l'amour psychique n'a pas, en général, la possibilité de se donner libre cours dans les relations humaines et la nature humaine; il lui est plus facile de trouver la plénitude de son feu et de son extase quand il est soulevé vers le Divin. Dans les relations humaines, l'amour psychique se mêle à d'autres éléments qui cherchent aussitôt à s'en servir et à l'éclipser. Rares sont les moments où il trouve un exutoire pour libérer pleinement ses intensités. Autrement il n'interviendra que comme un élément de l'amour; même ainsi, cependant, il introduit dans un amour fondamentalement vital tous les sentiments élevés; c'est du psychique que viennent tous ces beaux sentiments: douceur, tendresse, fidélité, don de soi, sacrifice,
rencontre d'âme à âme, sublimations idéalisantes qui soulèvent l'amour humain au-dessus de lui-même. S'il pouvait dominer, gouverner, transmuer les autres éléments mentaux, vitaux, physiques de l'amour humain, alors l'amour pourrait être sur terre un reflet ou une préparation du véritable amour, une union intégrale de l'âme et de ses instruments en une existence duelle. Mais il est rare de rencontrer ne serait-ce qu'une apparence, même imparfaite, d'un tel amour.
De notre point de vue, ce qui est normal dans le yoga, c'est de diriger vers le Divin toute la flamme de la nature, tandis que le reste doit attendre sa vraie base: construire quelque chose de plus grand sur le sable et la boue de la conscience ordinaire n'est pas sans risque. Les amitiés et les camaraderies ne sont pas, de ce fait, nécessairement exclues, mais elles doivent être complètement subordonnées au feu central. Si, dans l'intervalle, on fait de la relation avec le Divin son but unique et l'on s'y absorbe, c'est tout à fait naturel et la sâdhanâ y acquiert toute sa force. L'amour psychique trouve lui-même sa plénitude quand il est l'irradiation de la conscience plus divine que nous recherchons; jusque-là, il lui est difficile de se déployer et de se manifester intégralement dans tout son éclat.
P.S. - Le mental, le vital, le physique sont à proprement parler des instruments pour l'âme et l'esprit; quand ils œuvrent pour eux-mêmes, leurs produits sont ignorants et imparfaits; s'ils peuvent être transformés en instruments conscients du psychique et de l'esprit, alors ils atteignent leur réalisation divine: telle est l'idée contenue dans ce que nous appelons, dans notre yoga, la transformation.
Le yoga n'exclut pas l'amitié ou l'affection. L'amitié avec le Divin est une relation reconnue dans la sâdhanâ. Les amitiés entre sâdhak existent et la Mère les encourage. Seulement nous cherchons à les établir sur une base plus sûre que la fondation précaire qui est celle de la plupart des amitiés
humaines. C'est précisément parce que nous tenons pour sacrés ces sentiments d'amitié, de fraternité et d'amour que nous voulons cette transformation: parce que nous ne voulons pas les voir brisés à tout moment par les mouvements de l'ego, souillés, gâtés et détruits par les passions, les jalousies, les traîtrises auxquelles le vital est prédisposé: c'est pour les rendre véritablement sacrés et sûrs que nous les voulons enracinés dans l'âme, fondés sur le roc du Divin. Notre yoga n'est pas une ascèse: il a pour but la pureté, non une austérité froide. L'amitié et l'amour sont des notes indispensables dans l'harmonie à laquelle nous aspirons. Ce n'est pas un vain rêve, car nous avons vu que même dans des conditions imparfaites, quand un petit peu de l'élément indispensable est là à la racine même, la chose est possible. C'est difficile? Les vieux obstacles se cramponnent avec obstination? Mais aucune victoire ne peut être remportée sans une fidélité stable au but et un long effort. 11 n'y a rien d'autre à faire que de persévérer.
Dans le yoga, l'amitié peut rester, mais l'attachement doit disparaître, comme toute affection assez absorbante pour vous maintenir enchaîné à la vie et à la conscience ordinaires.
Tout attachement est un obstacle à la sâdhanâ. Vous devriez avoir de la bonne volonté envers tous, de la bonté psychique pour tous, mais pas d'attachement vital.4
Si vous vous attendez à être récompensé de votre bonté, vous serez inévitablement déçu. Seuls ceux qui donnent l'amour pour lui-même, ou la bonté pour elle-même, sans
4. Lumières sur le Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
rien attendre en retour, échappent à cette mésaventure. De plus une relation ne peut s'établir sur une base sûre que lorsqu'elle est dénuée d'attachement ou qu'en elle le psychique prédomine des deux côtés.
Il existe un sentiment psychique fondamental qui s'adresse également à tous; mais il peut aussi y avoir un sentiment psychique spécial pour telle ou telle personne.
Non, l'amour psychique n'exclut pas le discernement.
Tout dépend de ce que vous entendez par "amour" psychique. On peut avoir un sentiment psychique pour tous les êtres; ce sentiment ne dépend pas du sexe, pas plus qu'il ne contient quoi que ce soit de sexuel.
Même dans le monde, il a existé des relations entre un homme et une femme où le sexe n'aurait pas pu intervenir, des relations purement psychiques. La conscience de la différence de sexe serait là, sans aucun doute, sans pour autant constituer une source de désir ou de perturbations. Mais naturellement, un certain développement psychique est nécessaire avant que cela ne soit possible.
[L'amour psychique:] Il est difficile de définir ses limites ou de le reconnaître. Car même lorsqu'on éprouve pour quelqu'un un amour psychique, dans l'être humain il se mêle
tellement au vital que rien n'est plus courant que de légitimer un amour vital en lui attribuant un caractère psychique. On pourrait dire que l'amour psychique se distingue par une pureté et un désintéressement essentiels; mais le vital peut se parer d'une très brillante imitation de ce caractère, quand il veut.
Selon notre expérience, c'est seulement lorsque les deux personnes sont dans la vraie conscience, centrée sur le Divin, qu'il y a quelque chance d'une véritable communion dans le Divin. Autrement, à mesure que la relation personnelle prend forme, apparaissent soit la déception et la désaffection, soit des réactions qui ne sont pas pures.
Mais telle est la nature de l'affection vitale humaine: elle est toute d'égoïsme déguisé en amour. Parfois, lorsque la passion vitale, le besoin ou le lien vital est fort, la personne est prête à faire n'importe quoi pour retenir l'affection de l'autre. Mais c'est seulement quand le psychique est capable d'entrer dans le mouvement qu'il peut exister une relation vraiment dépourvue d'égoïsme ou au moins quelque chose d'approchant.
Le phénomène dont vous parlez est normal pour la nature humaine. Les individus sont attirés l'un vers l'autre, ou l'un est attiré vers l'autre, par un certain sentiment d'affinité, d'accord ou d'attirance entre une certaine partie de sa propre nature et une certaine partie de la nature de l'autre. Tout d'abord c'est la seule chose que l'on ressent; on voit tout ce qui est bon ou plaisant dans la nature de l'autre et l'on va même peut-être jusqu'à lui attribuer des qualités qu'il
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ne possède pas ou qu'il possède à un moindre degré qu'on ne le croit. Mais lorsqu'on le connaît mieux, on devient sensible à d'autres parties de sa nature avec lesquelles on n'est pas en affinité; les idées peuvent se heurter, les sentiments s'opposer, ou les deux egos entrer en conflit. Si le sentiment d'amour ou d'amitié est fort et durable, on peut surmonter les difficultés de ces contacts et arriver à les harmoniser ou à s'en accommoder; mais très souvent ce n'est pas le cas, ou le désaccord est si aigu qu'il fait obstacle à cette tendance à la conciliation, ou encore l'ego est blessé au point de se rétracter. Alors il est tout à fait possible que l'on commence à voir exagérément les défauts de l'autre et à les grossir, ou à lui attribuer des traits de caractère mauvais ou déplaisants qui ne sont pas en lui. Toute la vision peut changer, le bon sentiment se muer en rancune, en désaffection et même en inimitié ou en antipathie. Cela se produit tout le temps dans la vie humaine. Le contraire arrive aussi, mais moins aisément: le ressentiment se change en bon sentiment, l'opposition en harmonie. Mais évidemment la mauvaise opinion ou le ressentiment envers une personne ne découlent pas forcément de cette seule cause. Ils proviennent de causes multiples: aversion instinctive, jalousie, intérêts antagonistes, etc.
Il faut essayer de regarder les autres avec calme, sans trop s'appesantir sur leurs vertus ou leurs défauts, sans ressentiment, sans malentendus ni injustice, avec un mental et une vision calmes.
C'est le cours que prend en général l'amour vital quand il n'est pas corrigé et soutenu par une puissante force psychique. Lorsque le premier embrasement vital est passé, l'incompatibilité entre les deux egos commence à se révéler et la relation devient de plus en plus tendue; pour l'un, ou pour chacun, les exigences de l'autre deviennent intolérables à la partie vitale, l'irritation est constante et les revendications
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de l'autre sont ressenties comme un fardeau et un joug. Les relations vitales n'ont naturellement pas de place dans une vie de sâdhanâ; elles sont un écueil qui empêche la nature de se tourner d'un bloc vers le Divin.
Une quiétude dans toutes les parties de l'être et une aspiration intense, voilà ce qui est venu à vous. Dans la méditation intérieure, vous avez par conséquent ressenti le contact avec la Mère, et ensuite votre être intérieur s'est élevé vers les plans supérieurs de paix, d'immensité et de lumière, puis est revenu à sa place centrale dans le cœur.
Le manque d'égalité dans les sentiments à l'égard des autres, la sympathie et l'antipathie, sont enracinés dans la nature du vital humain. La raison en est que certains sont en harmonie avec votre tempérament vital, d'autres non; il y a aussi l'ego vital qui est mécontent quand il est blessé, quand les choses ne vont pas comme il le voudrait ou quand les gens n'agissent pas selon ses préférences ou ses idées sur ce qu'ils devraient faire. Dans le Moi au-dessus règnent le calme et l'égalité spirituels, une bonne volonté pour tous ou, à un certain stade, une indifférence tranquille à l'égard de tout ce qui n'est pas le Divin; dans le psychique réside, à la base, une bonté ou un amour égal pour tous, mais il peut y avoir des relations spéciales avec une personne; le vital, quant à lui, est toujours d'humeur inégale et plein de sympathies et d'antipathies. Le vital doit être calmé par la sâdhanâ; le Moi au-dessus doit infuser en lui sa bonne volonté et son égalité tranquilles envers toutes choses, et le psychique sa bonté ou son amour général. Cela viendra, mais il faudra peut-être du temps. En attendant, vous devez consolider les idées que vous exprimez dans votre lettre - car ce sont de véritables idées psychiques - et cela vous aidera à atteindre ce but. Vous devez vous débarrasser de tous mouvements, intérieurs comme extérieurs, de colère, d'impatience
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ou d'antipathie. Si les choses vont mal ou sont mal faites vous direz simplement: "La Mère sait", et vous continuerez tranquillement à faire ou à faire faire les choses aussi bien que vous le pouvez sans frictions. Plus tard, nous vous montrerons comment vous servir de la force de la Mère pour que les choses aillent mieux, mais d'abord vous devez trouver votre équilibre intérieur dans un vital tranquille, car c'est seulement ainsi que la Force peut être utilisée avec tout le succès possible.
Le travail se fait toujours mieux en silence, sauf dans la mesure où il est nécessaire de parler pour le travail lui-même. Mieux vaut réserver la conversation aux heures de loisir. Ainsi personne ne trouvera à redire à votre silence pendant le travail.
Quant au reste, ce que vous devez faire, c'est conserver l'attitude juste vis-à-vis des autres et ne pas vous laisser bouleverser, irriter ou contrarier par quoi que ce soit qu'ils puissent dire ou faire: en d'autres termes, garder le samatâ et la bienveillance universelle propres à un sâdhak du yoga. Si vous agissez ainsi et que pourtant les autres continuent à être bouleversés ou contrariés, vous ne devrez pas y prêter attention, puisque leur mauvaise réaction ne sera pas de votre fait.
J'ai lu votre lettre et je comprends maintenant ce que vous trouvez éprouvant, mais cela ne nous paraît pas suffisamment sérieux pour être ressenti comme une juste cause de perturbation. Ces désagréments sont inévitables lorsque des gens vivent et travaillent ensemble. Ils surgissent d'un malentendu entre deux mentalités et deux volontés, chacune tirant à soi et se sentant blessée ou mortifiée si l'autre ne suit pas. La guérison ne peut venir que par un changement de
conscience; car lorsqu'on entre dans une conscience plus profonde, d'abord on voit la cause de ces incidents et l'on n'est pas troublé; on y gagne une compréhension, une patience et une tolérance qui libèrent de la contrariété et des autres réactions. Si, dans les deux partenaires, ou dans tous, la conscience s'accroît, alors chacun acquiert une compréhension mentale des points de vue de l'autre qui lui permet d'apporter plus aisément dans le travail une harmonie et un fonctionnement sans heurt. C'est ce que l'on devrait rechercher par la transformation intérieure: créer la même harmonie du dehors, par des moyens extérieurs, n'est pas si facile, car le mental humain est rigide dans ses perceptions et le vital humain insiste pour agir à sa guise. Que telle soit votre volonté primordiale: croître vous-même au-dedans, laisser venir la conscience plus claire et plus profonde et souhaiter avec bienveillance la venue de la même transformation chez les autres, afin que la charité et l'harmonie puissent remplacer les heurts et les malentendus.
Mais j'ai déjà dit que les disputes, les brouilles ne font pas partie de la sâdhanâ: les éclats et les désaccords dont vous parlez sont, tout comme dans le monde extérieur, des frictions de l'ego vital. On ne peut pas proclamer que les antagonismes, les antipathies, les inimitiés, les querelles font partie de la sâdhanâ, pas plus que les impulsions ou les actes sexuels. L'harmonie, la bienveillance, la patience, l'égalité d'âme sont des .idéaux nécessaires dans les relations entre sâdhak. On n'est pas obligé de fréquenter les autres, mais si l'on vit retiré, il faut que ce soit pour des raisons de sâdhanâ et non pour d'autres motifs; en outre, cette solitude ne devrait s'accompagner d'aucun sentiment de supériorité ou de mépris pour les autres [...] Si quelqu'un s'aperçoit que la fréquentation d'un autre sâdhak, pour n'importe quelle raison, fait naître en lui des sentiments vitaux indésirables, il peut certes s'abstenir de le fréquenter, par prudence, jusqu'à
ce qu'il ait surmonté sa faiblesse. Mais il n'est pas pour autant nécessaire d'éviter les autres avec ostentation ou de se brouiller publiquement avec eux, et cela trahit des sentiments qui devraient tout autant être surmontés.
Ces résultats ne sont pas un châtiment, ils sont l'effet naturel de l'égoïsme auquel on a cédé. Toutes les disputes ont pour origine égoïsme qui cherche à imposer son opinion et affirme sa propre importance, considère qu'il a raison et que tous les autres ont tort et suscite ainsi la colère, un sentiment d'injustice, etc. Il ne faut pas se prêter à ces mouvements, mais les rejeter aussitôt.
Je vous demanderais de ne pas laisser le ressentiment ou quoi que ce soit d'autre apparaître ou dicter votre conduite. Laissez tout cela de côté et considérez que la paix intérieure et la recherche du Divin sont la seule chose qui importe; ces heurts ne sont que des sursauts de l'ego. Tournez-vous vers le but unique, mais pour le reste conservez une calme bienveillance pour tous.
Si vous voulez avoir la connaissance, voir en tous des frères ou trouver la paix, vous devez penser moins à vous-même, à vos désirs, à vos sentiments, à la façon dont les gens vous traitent, et davantage au Divin: vivre pour le Divin, non pour vous-même.
Vous avez maintenant adopté l'attitude juste, et si vous la gardez tout ira mieux. Vous êtes venu à la Mère divine pour
le yoga, non pour l'ancien genre de vie. Vous devriez aussi considérer cet endroit comme un Ashram, non comme un samsara ordinaire, et, dans vos relations avec les autres personnes ici, vous efforcer de vaincre la colère, l'autoritarisme et l'orgueil, quelle que puisse être leur attitude ou leur conduite à votre égard; car tant que vous resterez dans ces dispositions, vous aurez du mal à progresser dans le yoga.
Les querelles et les disputes sont la preuve d'un manque d'équilibre yoguique et ceux qui ont une volonté sincère de pratiquer le yoga doivent apprendre à les surmonter par le développement intérieur. Il est relativement facile de ne pas se heurter quand il n'y a pas de cause de conflit, de discussion ou de querelle; c'est quand il y a une raison et que la partie adverse est insupportable et déraisonnable que l'on a l'occasion de s'élever au-dessus de sa propre nature vitale.
En réponse à votre question, c'est une partie sentimentale de la nature vitale qui se dispute avec les gens et refuse de leur parler, et c'est cette même partie, en réaction contre cette humeur, qui veut leur parler et avoir des relations avec eux. Tant que persiste l'un de ces mouvements, l'autre est possible aussi. Quand on se débarrasse de cette sentimentalité et que l'on oriente tous les sentiments purifiés vers le Divin, alors seulement ces fluctuations disparaissent et une calme bienveillance pour tous les remplace.
Un sâdhak peut adopter l'une de ces deux attitudes: soit une calme égalité envers tous, qu'ils soient amicaux ou hostiles, soit une bienveillance générale.
Ne vous appesantissez pas trop sur les défauts des autres. Cela n'aide pas. Gardez toujours une attitude de tranquillité et de paix.
C'est tout à fait exact. Seul ceux qui ont de la sympathie peuvent aider. Il est certain aussi que l'on devrait être capable de voir sans haine les défauts des autres. La haine porte préjudice aux deux parties et n'en aide aucune.
Il n'y a aucun mal à regarder et à observer, si on le fait avec sympathie et impartialité; c'est la tendance à critiquer, à trouver à redire, à condamner les autres sans nécessité (et souvent tout à fait à tort) qui crée une mauvaise atmosphère, à la fois pour soi et pour les autres. Et pourquoi cette dureté et cette prétentieuse condamnation? Chacun n'a-t-il pas ses défauts? Pourquoi devrait-il être si âpre à trouver à reprendre chez les autres et à les condamner? On est parfois obligé de juger, mais il ne faut pas le faire à la hâte ou dans un esprit malveillant.
Les hommes sont toujours plus enclins à critiquer sévèrement le travail des autres, à leur dire comment les choses doivent être faites et ce qu'il ne faut pas faire, qu'ils ne sont habiles à éviter eux-mêmes de semblables erreurs. Souvent, en effet, il est facile de voir chez les autres des défauts que l'on a en soi mais que l'on ne voit pas. Ces défauts, et d'autres tels que celui que vous mentionnez, sont le propre de la nature humaine et peu y échappent. Le mental humain n'est pas vraiment conscient de lui-même; c'est pourquoi dans le yoga, il faut essayer de voir ce que l'on a en soi-même et devenir de plus en plus conscient.
Il ne s'agit pas de la vie ordinaire. Dans la vie ordinaire, les gens ont toujours un jugement erroné parce qu'ils jugent selon des critères mentaux et en général conventionnels. Le mental humain n'est pas un instrument de la vérité, c'est un instrument de l'ignorance et de l'erreur.
C'est l'ego étriqué en chacun qui aime à découvrir les défauts, "réels ou non", des autres et en parler, et peu importe qu'ils soient réels ou non; l'ego n'a nullement le droit d'en juger, parce qu'il n'a ni la vision ni l'esprit justes. Seul l'Esprit calme, désintéressé, sans passion, plein de compassion et d'amour peut juger et voir avec justesse la force et la faiblesse en chaque être.
Oui, tout cela est vrai. Le vital inférieur prend un plaisir méchant et mesquin à relever les défauts des autres et par là, on retarde son propre progrès et celui de la personne qui fait l'objet de la critique.
Le goût du commérage est toujours un obstacle.
Ces reproches (dur comme la pierre, etc.) sont couramment dirigés contre le sâdhak par ceux qui ne comprennent pas, lorsqu'il demeure ferme sur son chemin devant ce qu'exige de lui le vital humain ordinaire. Mais vous ne devriez pas en être perturbé. Mieux vaut être une pierre sur la route qui mène au Divin qu'une argile molle et faible dans les sentiers bourbeux de la nature vitale humaine ordinaire.
Ce qui compte, ce n'est pas ce que les autres pensent de vous, mais ce que vous êtes vous-même.
Même une critique malveillante (injuste ou mal intentionnée) peut parfois apporter une aide par l'un de ses aspects, si on peut la regarder sans être affecté par ce qu'elle a d'injuste.
La louange et le blâme peuvent naturellement produire cet effet (la nature humaine y est plus sensible qu'à presque n'importe quoi d'autre, davantage même qu'à un bienfait ou à un préjudice réels) à moins que l'équanimité n'ait été établie, ou encore qu'il y ait une confiance si complète, une dépendance si joyeuse à l'égard d'une personne que la louange comme le blâme sont salutaires à la nature. Certains ont, même sans yoga, un mental si équilibré qu'ils acceptent et soupèsent avec calme la louange et le blâme pour ce qu'ils valent, mais c'est extrêmement rare.
L'idée d'aider les autres est une forme subtile de l'ego. Seule la Force divine peut aider. On peut être son instrument, mais il faudrait d'abord apprendre à être un instrument approprié et sans ego.
L'idée d'aider les autres est un fantasme de l'ego. C'est seulement lorsque la Mère délègue et donne sa force que 1 on peut aider et même dans ce cas, seulement dans certaines limites.
Tout changement doit venir de l'intérieur avec le soutien perçu ou caché du Pouvoir divin; ce n'est qu'en s'ouvrant soi-même à ce Pouvoir que l'on peut recevoir une aide, et non par un contact mental, vital ou physique avec d'autres personnes.
C'est une aide relative et partielle, bien sûr, mais elle est parfois utile. Une aide radicale ne peut venir que du dedans, par l'action de la Force divine et l'assentiment de l'être. Il faut bien dire que ceux qui croient aider n'apportent pas tous une aide réelle, et aussi que lorsque l'aide s'accompagne de l'exercice d'une "influence", celle-ci peut être d'un caractère complexe et nuire autant qu'aider si l'instrument n'est pas pur.
Oui, il en est toujours ainsi dans la conduite humaine: les hommes veulent s'aider les uns les autres, mais ils ont un mobile caché ou un sentiment dont l'origine est l'ego.
Ce n'est que lorsqu'on vit dans une conscience plus haute qu'il en est autrement.
La véritable faille de l'ambition d'être comme une mère - du moins telle qu'elle se manifeste en de nombreuses femmes comme en elle - provient de ce qu'elle dissimule un mouvement de l'ego: le désir de jouer un grand rôle, d'être entourée de dépendants, d'avoir la réputation d'une mère, etc., etc. En réalité l'altruisme humain a, la plupart du temps, cette base d'ego. Si l'on se débarrasse de cela, la volonté d'aider peut prendre sa vraie place, celle d'un mouvement de pure sympathie et de sentiment psychique.
Inutile de vous faire trop de souci à propos des idées de X ou d'y attacher de l'importance. Leur seule vérité est que le vital se mêle très aisément à tous les mouvements, même ceux de la sâdhanâ, si l'on n'est pas attentif. La seule sauvegarde contre cela est de tout orienter vers le Divin et de tout faire venir du divin, en se débarrassant de l'attachement, de l'ego et du désir. Dans les relations avec les autres sâdhak il ne doit pas y avoir de raideur ni de dureté, d'attachement ni de penchants sentimentaux.
Quant au sentiment maternel, il doit être transformé comme tout le reste. Le danger de toutes ces relations, quand elles ne sont pas transformées, est qu'elles peuvent, d'une manière subtile, servir l'ego. Pour éviter cela, il faut faire de soi-même un simple instrument, en éliminant jusqu'à l'ego de l'instrument, et être conscient de la source, sans chercher à imposer aucune action ni aucune relation, mais en permettant simplement à l'instrument d'être utile chaque fois que l'on sent clairement que telle est bien l'intention. Il faut aussi veiller à ne laisser passer aucune force sauf les bonnes, celles qui sont en harmonie avec la conscience supérieure et qui sont salutaires. Si l'on agit toujours dans cet esprit et avec cette vigilance, alors même si l'on commet des erreurs, c'est sans importance: la conscience qui grandit les rectifiera et progressera vers un fonctionnement plus parfait.
L'inconvénient, lorsqu'on aide les autres, c'est bien entendu que l'on entre en contact avec leur conscience et leurs difficultés, et aussi que l'on s'extériorise davantage.
Oui, c'est dangereux [de sympathiser avec quelqu'un qui est tombé dans l'erreur], parce qu'ainsi vous entrez en contact avec la Force adverse qui l'a bouleversé et aussitôt cette
Force essaie de vous atteindre, de vous communiquer ses suggestions et de vous corrompre par une sorte de contagion ou d'infection.
Par la sympathie, vous entrez en contact avec ce qui est en l'autre et le recevez; vous pouvez également donner ou laisser sortir une partie de votre force qui va vers l'autre, ou encore vous la laisser soustraire. C'est la sympathie vitale qui produit cet effet; une calme bienveillance spirituelle ou psychique n'entraîne pas ces réactions.
Endosser les difficultés des autres serait cependant, je le crains, un lourd fardeau pour quiconque et je doute de l'efficacité de cette méthode. On peut faire quelque chose de beaucoup plus utile: si l'on a la force, donner de sa force à l'autre; si l'on a la paix, répandre sa paix sur l'autre, etc. Cela, on peut le faire sans perdre sa force ou sa paix, si c'est fait comme il faut.
Deux attitudes sont possibles en la matière et chacune a ses mérites. Il y a beaucoup à dire en faveur de l'attitude de X: d'abord parce que tant que la siddhi n'est pas complète, l'aide que l'on donne est toujours un peu aléatoire et imparfaite, et ensuite, à cause du danger que l'on encourt, et sur lequel les yogis expérimentés insistent si souvent, lorsqu'on se charge des difficultés de ceux que l'on aide. Malgré tout, attendre d'avoir atteint la perfection n'est pas toujours possible.
Vouloir avec une constance inébranlable le bien de quelqu'un en concentrant cette volonté à la fois dans la tête et dans le cœur est la meilleure manière possible de l'aider.
Si votre mari traverse une période dangereuse de sa vie, qu'il souffre de mauvaise santé et que vous compatissez à ses ennuis, le mieux, pour lui, est encore de vous tranquilliser et de faire appel au Divin pour qu'il l'aide à traverser cette mauvaise passe. Même dans la vie ordinaire, l'inquiétude et la dépression créent une atmosphère qui n'aide pas une personne malade ou en difficulté. Dès lors que l'on est devenu un sâdhak, la véritable attitude spirituelle de confiance en la Volonté divine et d'appel à l'aide d'en haut, que ce soit pour soi-même ou pour aider ceux à qui l'on porte encore de l'intérêt, est toujours la voie la meilleure et la plus efficace.
Quelle que soit la chose ou la personne que vous avez remise entre les mains du Divin, vous ne devriez plus y être attaché ni vous en inquiéter, mais tout laisser au Divin afin qu'il agisse pour le mieux.
Il est très bon que la condition dont vous parlez se soit établie, c'est un grand progrès. Quant aux prières, le fait même de prier et l'attitude que cela engendre, en particulier lorsqu'on prie sans égoïsme pour les autres, vous ouvre au Pouvoir supérieur, même si aucun effet correspondant ne se tait sentir dans la personne pour laquelle vous priez. Rien ne peut être formellement affirmé à ce sujet, car le résultat dépend nécessairement des personnes, de leur ouverture, de leur réceptivité ou de quelque chose en elles qui peut répondre à la Force que la prière fait descendre.
Être capable de ne pas fréquenter trop de monde, à condition que ce ne soit pas poussé trop loin, est certes précieux. Je dois cependant vous signaler que même lorsque les contacts sont réduits, des ondes indésirables peuvent entrer: c'est une mesure de précaution, mais elle ne vous garantit pas une sécurité absolue. Par ailleurs la retraite totale vous fait tomber dans l'excès contraire et a aussi ses dangers. La sauvegarde complète contre les "choses" qui distraient, dérangent, extériorisent, etc. ne peut venir que d'une croissance de la conscience intérieure. En attendant, l'absorption en soi et la limitation des contacts peuvent être utiles, si elles sont employées à bon escient.
Il est vrai que l'on doit essayer de préserver son état intérieur en toutes circonstances, même les plus contraires; mais cela ne signifie pas que l'on doive accepter sans nécessité des circonstances défavorables quand il n'y a aucune bonne raison de les laisser se perpétuer. Le système nerveux et l'être physique, en particulier, ne peuvent pas supporter une tension excessive, le mental et le vital supérieur non plus; votre fatigue est venue d'une tension qui s'est créée parce que vous viviez dans la Conscience unique tout en vous exposant à trop de contacts prolongés avec la conscience ordinaire. Il faut vous défendre un peu, pour que votre conscience ne soit pas tout le temps tirée vers le bas ou au-dehors dans l'atmosphère ordinaire, ou votre physique surmené parce qu'il est forcé de se livrer à des activités qui vous sont devenues étrangères. Ceux qui pratiquent le yoga cherchent souvent dans la solitude un refuge contre ces difficultés; ici, ce n'est pas nécessaire, mais vous n'avez tout de même pas besoin d'accepter d'être soumis sans arrêt à cette sorte de tension inutile.5
5. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
Vous avez tout à fait raison. Ne pas se mêler aux autres prive de l'épreuve qu'impose à la conscience ce contact avec eux et de l'occasion de progresser dans ces domaines. Il n'est pas profitable, du point de vue spirituel, de fréquenter les autres quand il ne s'agit que de s'abandonner au vital, de bavarder, d'échanger des mouvements vitaux, etc.; mais s'abstenir de toute fréquentation et de tout contact n'est pas désirable non plus. C'est seulement lorsque la conscience a vraiment besoin d'une retraite complète que l'on peut se retirer ainsi, et encore même dans ce cas, la retraite peut être complète, mais non absolue. Car dans la retraite absolue on vit une vie purement subjective et l'occasion d'étendre le progrès spirituel à la vie extérieure et de le mettre à l'épreuve dans le détail n'existe pas.
Il est bon que vous ayez pris rapidement l'attitude juste devant cet incident; c'est l'indication d'un bon progrès dans la conscience.
[Être en compagnie, rire, plaisanter, etc.:] C'est une sorte d'expansivité vitale, ce n'est pas la force vitale... et cette dépense d'énergie est dispendieuse aussi! Car dans ces rencontres, ceux dont le vital est fort acquièrent davantage de force, mais ceux dont le vital est faible dépensent le peu de force qu'ils ont et s'affaiblissent.
Je crois qu'aucune règle ne peut être établie qui soit applicable à tous. Certains ont cette tendance expansive du vital, d autres ont tendance à se concentrer. Ceux-ci s'absorbent dans l'intensité de leur effort et en recueillent sans aucun doute une grande force de progrès; la dépense et la perte d'énergie qui adviennent souvent aux plus communicatifs r sont épargnées; en outre ils deviennent ainsi moins ouverts aux réactions des autres (bien que cela ne puisse être
entièrement évité). Les autres ont besoin de communiquer ce qui est en eux et ne peuvent attendre la plénitude complète pour utiliser ce qu'ils ont. Ils peuvent même avoir besoin, pour progresser, de donner autant que de prendre. La seule chose est qu'ils doivent équilibrer ces deux tendances en se concentrant, pour recevoir d'en haut, autant ou plus qu'ils ne s'ouvrent latéralement pour distribuer.
X a un vital très fort et très expansif, aussi est-il tout à fait naturel, s'il a de l'amitié pour quelqu'un, qu'il puisse produire sur lui ce genre d'effet lorsqu'il le rencontre. Mais à ma connaissance, il n'est pas conscient de ce qu'il donne ou reçoit; c'est plus probablement une action spontanée. Pourtant, il n'a pas l'habitude de donner seulement, car un vital fort et expansif, contrairement à un vital fort et réservé, a besoin de recevoir autant que de donner.
C'est une question de tempérament. Dans leur psychique et leur vital, certains sont sensibles et réagissent à tout, quelle qu'en soit l'origine; d'autres ont des nerfs solides et sont murés contre l'invasion. Ce n'est pas du tout une question de force ou de faiblesse. Les premiers ont un plus grand sens de la vie et réagissent davantage à la vie; ils en souffrent plus et en tirent davantage. C'est la différence entre les Grecs et les Romains. Même sans égoïsme, la différence subsiste, car elle fait partie du caractère. Dans le yoga, ceux qui appartiennent au premier type sont davantage capables de tout sentir directement et de tout connaître en détail par une expérience directe; c'est leur grand avantage. Les autres doivent utiliser leur mental pour connaître et leur compréhension est moins intime.
Il est vrai que des relations trop étroites avec les autres tendent à abaisser l'état de conscience, s'ils ne sont pas eux-mêmes dans l'attitude juste et vivent beaucoup dans le vital. Dans tous les contacts, ce que vous devez faire, c'est rester intériorisé, garder une attitude détachée et ne pas vous laisser troubler par les difficultés qui apparaissent dans le travail ou dans les mouvements des gens, mais rester vous-même dans le mouvement vrai. Ne vous laissez pas prendre par le désir d'"aider" les autres: faites et dites vous-même la chose juste dictée par votre équilibre intérieur, et laissez l'aide venir à eux du Divin. Nul ne peut vraiment aider; seule la Grâce divine peut le faire.
Tout cela [harmonie, joie et amour] est en vous et quand il en est ainsi, cela se répand dans l'atmosphère; mais naturellement seuls peuvent en avoir leur part ceux qui sont ouverts et sensibles à cette influence. Néanmoins chacun de ceux qui portent en eux la paix ou l'amour y ajoute sa propre influence, de sorte que la paix, ou l'amour, augmente dans l'atmosphère.
Lorsqu'on reste un moment à s'entretenir, etc., avec quelqu'un, il se produit toujours un certain échange vital, à moins que l'on ne rejette, instinctivement ou de propos délibéré, ce qui vient des autres. Si l'on est impressionnable, on peut recevoir de l'autre une forte impression ou une forte influence. Ensuite, lorsqu'on rencontre une autre personne, il se peut qu'on lui transmette cette impression ou cette influence. Cela arrive constamment. Mais la transmission se fait à l'insu de l'intermédiaire. Quand on est conscient, on peut l'empêcher de se produire.
Il est tout à fait possible qu'une personne commence à se sentir déprimée en parlant avec une autre. La conversation entraîne un échange vital; c'est donc toujours possible. Quant à savoir si leur observation était exacte dans tel cas particulier, c'est une autre affaire.
Oui, c'est là le critère. Quand on a affaire aux gens on peut toujours projeter sa conscience vers eux ou les recevoir dans sa conscience, mais cela n'équivaut pas à un attachement; il faut quelque chose de plus: une emprise du vital sur la personne ou une emprise de la personne sur le vital, etc.
C'est surtout intérieurement que vous devez rester sur vos gardes. Cependant, si vous vous sentez mal à l'aise dans les foules, mieux vaut les éviter, sauf s'il s'agit de concerts puisque là, vous vous sentez en sécurité. Lorsqu'une foule de gens s'adonne à des échanges purement mondains, le niveau de conscience est forcément inférieur et des forces indésirables peuvent s'y mouvoir s'il se trouve là quelqu'un qui est ouvert à elles; si l'on en est à un stade de conscience où l'on est en train de s'ouvrir à des choses supérieures, sans toutefois être déjà fixé dans un calme solide et bien établi, il est plus sûr de s'en écarter.
Dans la sâdhanâ, on est censé garder à distance les forces extérieures ou du moins ne pas se laisser envahir par elles. Si l'on fait face à une difficulté dans l'esprit juste et qu'on la surmonte, naturellement on progresse, mais ce n'est pas la même chose que de laisser des forces ou des influences étrangères pénétrer dans l'être conscient. Personne n'est obligé de les inviter à entrer; elles ne sont que trop promptes à le faire sans en être priées. On peut regarder toutes les forces et en devenir conscient, même les plus mauvaises, les plus sombres et les plus hostiles, pourvu que l'on reste sur
ses gardes et que l'on refuse tout crédit et tout soutien à leurs suggestions, qu'on les rejette chaque fois qu'elles visent une place dans la conscience et la nature. Mais tous ne sont pas capables de le faire dès le début.
Dispersion et sâdhanâ sont deux choses qui ne peuvent pas aller ensemble. Dans la sâdhanâ on doit exercer un contrôle sur le mental et sur tous ses actes; dans la dispersion, on est au contraire dominé et emporté par le mental et incapable de l'empêcher de s'écarter de son sujet. Si le mental est sans cesse dispersé, vous ne pourrez pas non plus vous concentrer sur la lecture ni sur aucune autre occupation, vous ne serez bon à rien sauf peut-être au bavardage, aux mondanités, au flirt et autres occupations similaires.
Vous avez tort de croire que la sâdhanâ de X, Y ou Z ne souffre pas de la dispersion de leur mental dans toutes les directions. Ils auraient avancé beaucoup plus loin sur le sentier s'ils faisaient un yoga concentré; je dirais même qu'Y, qui a une énorme réceptivité et est avide de progrès, en serait maintenant trois fois plus loin. De plus, votre nature est intense dans tout ce qu'elle fait; la voie directe était en conséquence son chemin naturel. Évidemment, une fois que la conscience supérieure sera établie et que le vital et le physique seront tous deux suffisamment prêts pour que l3 sâdhanâ continue d'elle-même, une tapasyâ stricte ne sera plus nécessaire. Jusque-là, cependant, nous considérons qu elle est très utile, très salutaire et dans bien des cas indispensable. Mais nous ne cherchons pas à l'imposer lors"c la nature n'y est pas disposée. Je constate aussi que ceux I111 adoptent la ligne directe (ils ne sont pas encore très ombreux) ont d'eux-mêmes tendance à abandonner ces
intérêts et ces occupations qui dispersent le mental et à se jeter tout entiers dans la sâdhanâ.
Oui, certes, la dispersion est un fait intérieur. Mais certains éléments extérieurs favorisent la dispersion de la conscience et si quelqu'un comme X dit qu'il ne se disperse pas alors qu'il vagabonde avec un compagnon comme Y, je dirais ou bien qu'il ne dit pas la vérité, ou bien qu'il se ment à lui-même. Si l'on est toujours dans la conscience intérieure, on ne peut pas être dispersé, même dans des activités extérieures; ou si l'on est conscient du Divin à tout moment et dans tout ce que l'on fait, alors aussi on peut lire les journaux ou écrire quantité de lettres sans se disperser. Même dans ce cas, cependant, bien qu'il n'y ait pas de dispersion, l'intensité de la conscience est moindre que lorsqu'on ne met pas une partie de soi-même dans des activités complètement extérieures. C'est seulement quand la conscience est devenue tout à fait siddha que cette différence n'existe même plus. Cela ne signifie pas que l'on ne doit rien faire d'extérieur, car alors on ne s'entraîne pas à joindre les deux consciences. Mais il faut bien reconnaître que certaines activités dispersent la conscience, l'abaissent ou l'extériorisent davantage que d'autres. En particulier, on ne doit pas se mentir à soi-même ni se leurrer en prétendant que l'on n'est pas dispersé par elles alors qu'on l'est. Quant aux gens qui veulent amener les autres au yoga, je dirais que s'ils s'amenaient eux-mêmes plus près du but intérieur, ce serait une activité beaucoup plus fructueuse. Et cela finirait par "amener" beaucoup plus de gens, et d'une meilleure manière, que la rédaction d'une quantité de lettres.
C'est pourquoi nous ne sommes pas pour la correspondance avec la famille ou des personnes de l'extérieur. On ne peut
pas établir de contact à moins de s'extérioriser ou de descendre à leur niveau, ce qui est de toute évidence indésirable du point de vue du yoga. Je ne crois pas que l'on puisse leur transmettre beaucoup d'inspiration par des lettres, parce que leur conscience n'est en rien préparée. Les mots peuvent tout au plus effleurer leur mental à la surface; l'important, c'est quelque chose qui est derrière les mots, mais à cela ils ne sont pas ouverts. S'ils existe déjà un intérêt pour les choses spirituelles, c'est différent. Même dans ce cas, mieux vaut souvent laisser les gens suivre leur propre gourou que les attirer dans notre sentier.
C'est la raison pour laquelle il vaut mieux l'abandonner [la correspondance avec la famille]. Les gens qui continuent à correspondre avec leurs parents ne le sentent pas comme vous, mais c'est néanmoins un fait: ils entretiennent et renforcent des vibrations qui maintiennent les anciennes forces en activité dans le vital et entretiennent leurs impressions dans le subconscient.
Toute lettre représente un échange avec celui qui l'écrit: quelque chose est là, derrière les mots, quelque chose de sa personne, des forces qu'il a émises ou qu'il avait autour de lui pendant qu'il écrivait. Nos pensées et nos sentiments sont aussi des forces et peuvent avoir des effets sur les autres. Il faut devenir conscient du mouvement de ces forces; alors on peut dominer ses propres formations mentales et vitales et cesser d'être affecté par celles des autres.
Oui, nos mauvaises et nos bonnes pensées peuvent avoir un "têt, mauvais ou bon, sur les autres, bien qu'elles ne l'aient
pas toujours parce qu'elles ne sont pas assez fortes, mais c'est cependant leur tendance. Aussi ceux qui ont cette connaissance disent-ils toujours qu'on devrait s'abstenir de mauvaises pensées à l'égard des autres pour cette raison. Il est vrai que les deux formes de pensée viennent également au mental dans son état ordinaire; mais si le mental et sa volonté sont bien développés, on peut établir une maîtrise sur ses pensées autant que sur ses actes et empêcher les mauvaises d'agir à leur guise. Mais cette maîtrise mentale ne suffit pas au sâdhak. Il doit acquérir un mental tranquille et dans le silence du mental, recevoir seulement les forces de pensée du Divin ou d'autres Forces divines et être leur champ d'action et leur instrument.
Pour réduire le mental au silence il ne suffit pas de rejeter chaque pensée quand elle vient; ce mouvement ne peut être que secondaire. Il faut se retirer de toute pensée et en être séparé, conscience silencieuse observant les pensées si elles viennent, mais ne pensant pas elle-même et ne s'identifiant pas aux pensées. Les pensées doivent être perçues comme des objets complètement extérieurs. Il est alors plus facile de les rejeter ou de les laisser passer sans qu'elles troublent la tranquillité du mental.
N'être troublé ni par la joie ou le chagrin, ni par le plaisir ou le déplaisir, ni par ce que disent ou font les autres, ni par aucune chose extérieure est appelé dans le yoga un état de samatâ, égalité à l'égard de toutes choses. Être capable d'atteindre cet état est d'une immense importance dans la sâdhanâ. Il contribue à la venue de la quiétude et du silence dans le mental et aussi dans le vital. Cela signifie en fait que le vital lui-même et le mental vital sont déjà en train de devenir silencieux et tranquilles. Le mental pensant suivra à coup sûr.
Parler de quelqu'un peut fort bien produire sur lui un effet; cela arrive souvent, car il peut s'agir de la formulation efficace d'une pensée ou d'un sentiment qui, ainsi concrétisé,
l'atteint. Mais je ne crois pas que des pensées purement mécaniques ou des imaginations mal formées agiraient de même: cela doit de toute façon être rare et exiger des conditions exceptionnelles ou un jeu de forces dans lequel un rien peut compter.
La région qui se trouve au-dessous du nombril est le vital inférieur; dans votre cas, il est devenu très sensibilisé à l'état de cette même partie de l'être chez les autres ou peut-être même à leur état général, aussi le reflète-t-il en quelque sorte ou y réagit-il de façon appropriée. Cette phase du développement doit être dépassée, parce qu'il faut que le vital inférieur acquière en lui une paix parfaite et que, même s'il sent l'état des autres, ce soit comme un acte de perception ou de connaissance sans aucune réaction ni aucun reflet.
Je suppose que cela dépend de l'individu et de votre manière de réagir à lui. S'il émet des vibrations sexuelles ou s'approprie de l'énergie vitale, alors s'ouvrir à lui peut ne pas être bon. Mais dans les échanges superficiels ordinaires, on ne perd pas forcément quelque chose, ou ce que l'on perd est si peu et se répare si automatiquement que c'est sans importance.
Il est très possible qu'il tire [l'énergie vitale] sans s'en rendre compte, puisque son vital est faible et que ceux dont le vital est faible tirent inconsciemment et automatiquement sur l'énergie des autres.
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Quand des gens se rencontrent il y a en général un échange de forces vitales qui est tout à fait involontaire... Le vampirisme est un phénomène particulier: une personne vit du vital des autres et s'épanouit vitalement à leurs dépens.
La sensation de fatigue que les gens ont ressentie après avoir vu ce X est un signe de vampirisme; très souvent, cependant, cette sensation n'apparaît pas, mais l'être dans son ensemble en subit un contre-coup. Les nerfs se dérèglent peu à peu; ce que l'on appelle l'enveloppe nerveuse s'affaiblit, ou d'une manière ou d'une autre la vitalité s'amoindrit ou devient anormale, fébrile et irritable. L'effet se manifeste de bien des manières similaires. Le vampirisme sexuel est une autre affaire: dans l'échange sexuel, il est normal de donner et de recevoir, mais le vampire sexuel dévore le vital de l'autre et ne donne rien ou très peu.
Tant de prudence n'est pas nécessaire. Les échanges vitaux ordinaires sont superficiels. Personne ne peut s'approprier le vital de quelqu'un d'autre, pour l'excellente raison que si cela arrivait, la personne ainsi dépossédée mourrait. Il est bien sûr possible qu'une personne draine les forces vitales d'une autre au point de la laisser abattue, faible ou étiolée, mais seule l'espèce vampire agit ainsi. Il est possible aussi que quelqu'un dépense ses forces vitales à l'excès, au point de s'affaiblir ou d'épuiser son énergie, ce qu'il ne faut pas faire; seuls ceux qui savent comment puiser dans la Force vitale universelle ou peuvent y puiser en abondance et refaire le plein de leurs énergies de vie peuvent donner à profusion. Tous, bien sûr, y puisent dans une certaine mesure, autrement ils ne resteraient pas en vie, car la dépense d'énergie vitale est constante et il faut la compenser; mais pour la plupart, la capacité de puiser est limitée
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et la capacité de donner sans épuisement est, elle aussi, limitée.
Mais les échanges ordinaires sont inoffensifs pourvu qu'ils soient maintenus dans des limites raisonnables. Ce qui crée une difficulté dans la sâdhanâ, c'est qu'il est facile d'attirer des influences indésirables ou de les transmettre aux autres. C'est la raison pour laquelle à certains stades, il est souvent recommandé de restreindre la parole, les échanges, etc. Mais le vrai remède est de devenir intérieurement conscient, de reconnaître toute incursion ou influence indésirable et d'être capable de la repousser, d'être capable, quand on parle, qu'on est en compagnie, etc., de conserver autour de soi une défense et de ne laisser passer que ce que l'on peut accepter et rien d'autre. Il faut aussi pouvoir mesurer ce que l'on peut donner en toute sécurité et ce que l'on ne peut pas. Quand on a la conscience et la pratique, cette manière d'agir devient quasi automatique.
Non, les gens ne sont pas conscients de ces choses, seuls quelques-uns le sont. L'échange vital est là, mais ils ne s'en rendent pas compte, parce qu'ils vivent dans le mental extérieur (physique) et que tout cela se passe à l'arrière-plan. Même s'ils se sentent plus énergiques après un échange, ou déprimés, ou fatigués, ils n'attribueront pas cela à la conversation ou au contact, parce que l'échange est inconscient; leur mental extérieur, dans lequel ils vivent, ne s'en rend pas compte.
[Être conscient de l'échange vital] devient utile lorsque se développe un pouvoir intérieur fondé sur la paix, qui agira sur ces choses et les empêchera de se produire. Tant que l'on est inconscient, on subit l'action dans l'Ignorance, et on n'a aucune possibilité de sortir du cercle, parce qu'on n'a pas la
connaissance. La conscience s'accompagne d'un développement intérieur croissant de l'être qui fait de la paix, de la libération une nécessité; en même temps, on s'ouvre à la Force supérieure d'une conscience nouvelle qui met fin à l'échange vital et crée un nouvel équilibre pour la vie du vital comme pour celle du mental. Si l'on se contente de la sensibilité accrue et qu'on ne va pas plus loin, alors celle-ci n'est évidemment pas utilisée comme elle le devrait. Il y a des gens comme X ou Y qui se sont tellement absorbés dans la connaissance "occulte" qu'ils se sont arrêtés là et ont continué à y tourner en rond en commettant toutes sortes de bévues parce que la lumière spirituelle était absente. Il ne faut pas s'arrêter là, mais continuer et aller au-delà jusqu'à la conscience spirituelle et la lumière, la force et l'équilibre plus grands qu'elle apporte.
Je ne crois pas que les gens soient le moins du monde conscients de ce commerce occulte. Certains, comme Daudet, peuvent observer la dépense ou l'émission des forces, mais pas la traction exercée sur les autres ni son effet. L'idée d'échange mental est familière seulement au sens superficiel, non au sens de l'action silencieuse d'un mental sur un autre, qui est constante; quant aux impacts vitaux, ils ne sont connus que de quelques occultistes. Si l'on devient très conscient, on peut percevoir les forces qui agissent à l'intérieur de soi-même et viennent d'alentour, par exemple les forces de joie, de dépression ou de colère.
Il doit forcément y avoir une différence entre l'énergie vitale d'un homme cultivé et bien éduqué et celle d'un homme rude et ignorant. Si ce n'est rien de plus, c'est au moins un plus grand raffinement, une plus grande subtilité dans la force vitale et par conséquent dans l'énergie. Boire, si c'est à
l'excès, affecte la substance et la qualité de l'énergie; mais il est probable que boire et fumer avec modération auraient un effet moins perceptible. Je ne pense pas que dans la vie ordinaire, les gens observent clairement, mais ils ont souvent une impression générale qu'ils ne peuvent ni expliquer ni préciser.
LA SÂDHANÂ À L'ASHRAM ET DANS LE MONDE
Notre Ashram a été fondé dans un but différent de celui qui est en général commun à toutes les institutions de ce genre: non pour le renoncement au monde, mais comme un centre où puisse s'élaborer et se pratiquer un autre mode, une autre forme de vie qui, au stade ultime de son développement, serait mue par une conscience spirituelle supérieure, et qui concrétiserait une plus grande vie de l'esprit. Aucune règle générale ne fixe le stade où l'on peut abandonner la vie ordinaire pour entrer ici; dans chaque cas, cela dépend de la nécessité et de l'impulsion personnelles, et de la possibilité ou de l'opportunité de prendre cette mesure.
Notre Ashram n'est pas comme les autres; ses membres ne sont pas des sannyâsi: le moksha n'est pas ici le seul but du yoga. Ce qui s'accomplit ici est une préparation à une œuvre, œuvre qui sera fondée sur la conscience yoguique et la Yoga-Shakti et ne saurait avoir d'autre base. Dans l'intervalle, chacun des membres de l'Ashram est censé y faire un certain travail: c'est une partie de cette préparation spirituelle.
La difficulté est qu'elle ne semble avoir que du vaïrâgya pour la vie du monde, sans rien savoir de notre yoga ni ressentir pour lui aucun appel particulier; or ce yoga et la vie que l'on mène ici sont tout différents des yogas et des Ashrams ordinaires. Ce n'est pas, comme ailleurs, une vie de retraite méditative. De plus il nous serait impossible d'exiger d'elle quoi que ce soit sans l'avoir vue et sans savoir par nous-mêmes comment elle est. Pour le moment, nous ne sommes pas disposés à accepter davantage de résidents à l'Ashram, sauf dans de très rares cas.
Certains sont très capables de "consacrer leur vie" sans habiter ici. C'est une question d'attitude intérieure et de consécration totale de l'être au Divin.
Nous ne pensons pas que ce serait opportun à ce stade [que X vienne vivre à l'Ashram]. Lorsqu'on s'installe à l'Ashram, les difficultés ne cessent pas pour autant; où que l'on soit, il faut y faire face et les surmonter. Pour certaines natures, vivre à l'Ashram dès le début est une aide; d'autres doivent se préparer à l'extérieur.
J'ai lu votre lettre et y ai réfléchi, et j'ai décidé de vous donner l'occasion de faire ce que vous demandez: vous pouvez résider à l'Ashram pendant deux ou trois mois pour commencer et voir si c'est bien le lieu et le chemin que vous cherchiez; nous pourrons aussi, en observant de plus près vos capacités spirituelles, discerner de quelle manière nous pouvons le mieux vous aider, et si notre yoga est ce qu'il y a de mieux pour vous.
Cet essai est nécessaire pour de nombreuses raisons, dont la principale est que ce yoga est difficile à pratiquer; peu nombreux sont ceux qui peuvent réellement satisfaire à ce qu'il exige de la nature. Vous m'avez écrit que vous voyez en moi quelqu'un qui s'est spiritualisé et divinisé par la perfection de l'intellect, mais en réalité c'est par le silence complet du mental que je suis arrivé à un résultat et si ce mental a pu atteindre une spiritualisation ou une divinisation quelconque, c'était par la descente, dans ce silence, d'une connaissance supérieure à l'intellect. Le livre "Essais sur la Guîtâ" a été écrit dans ce silence du mental, sans effort intellectuel et par une libre activité de cette connaissance d'en haut. Ce point est important, car le principe de notre yoga n'est pas la perfection de la nature humaine telle
qu'elle est, mais une transformation psychique et spirituelle de toutes les parties de l'être par l'action d'une conscience intérieure, puis d'une conscience supérieure qui œuvre sur elles, expulse les mouvements anciens ou les transforme à l'image de ses propres mouvements, et transmue ainsi la nature inférieure en nature supérieure. Il ne s'agit pas tant de perfectionner l'intellect que de le transcender, de transformer le mental, d'y substituer un principe de connaissance plus vaste et plus grand; et il en est de même pour tout le reste de l'être.
C'est un processus lent et ardu; la route est longue et il est difficile d'établir ne serait-ce que la base nécessaire. La vieille nature est là qui résiste, crée des obstructions, les difficultés s'élèvent l'une après l'autre et se répètent jusqu'à ce qu'elles aient été surmontées. Il est par conséquent nécessaire de s'assurer que ce sentier est bien celui vers lequel on est appelé avant de prendre la décision finale de s'y engager.
Si vous le désirez, nous sommes prêts à vous permettre cette tentative, comme vous le demandez. Lorsque la Mère aura reçu votre réponse, elle prendra les dispositions nécessaires pour votre séjour à l'Ashram.
Il est inutile d'abandonner la vie ordinaire avant que l'être soit prêt à mener une vie pleinement spirituelle. Cela ne fait que hâter l'apparition d'un conflit entre les divers éléments de la nature et le porter à une intensité qu'elle n'est pas prête à soutenir. Vous devez résoudre en partie vos difficultés vitales par la discipline et l'expérience de la vie, sans perdre de vue le but spirituel et en essayant de l'amener peu à peu à gouverner votre existence, dans l'esprit du karma-yoga.
C'est pour cette raison que nous avons donné notre probation à vos projets de mariage.
Non, il ne suffit pas de vivre à l'Ashram; il faut s'ouvrir à la Mère et laisser de côté le mental avec lequel on jouait dans le monde.
Il n'y a pas à proprement parler d'initiation, il suffit d'être accepté; mais en général je n'accepte pas la personne sans l'avoir vue, ou sans que la Mère l'ait vue, à moins d'une indication claire qu'elle est faite pour notre yoga. Parfois ceux qui veulent devenir des disciples m'ont vu en rêve ou en vision avant d'être acceptés.
Ce que vous dites est juste. Penser que le Divin a besoin du sâdhak et non le sâdhak du Divin dénote une attitude complètement fausse et absurde. Quand les disciples sont acceptés ici, on leur donne la chance de recevoir une Grâce divine exceptionnelle, de devenir les instruments d'une grande œuvre. Supposer que le Divin est incapable d'accomplir son œuvre sans l'aide de telle ou telle personne est sans nul doute tout à fait arrogant et illogique. Ceux qui pensent ainsi devraient se souvenir de la Guîtâ: rte' pi tvâm, "même sans toi" le travail peut se faire, et nimittamâtram bhava ["sois simplement l'instrument"].
Je ne songeais pas au Pranâm [et à d'autres formes de dévotion] qui ont une valeur vivante, mais aux vieilles formes qui persistent même si elles n'ont plus aucune valeur, comme par exemple le shrâddha pour les morts. Et aussi à des formes qui n'ont pas de rapport avec notre yoga: ainsi les chrétiens qui persistent à observer les rites chrétiens, les musulmans attachés au Namaz, les hindous au Sandhyâ-vandanâ à l'ancienne mode, risquent bientôt de s'apercevoir que ces pratiques disparaissent d'elles-mêmes ou font obstacle au libre développement de leur sâdhanâ.
Ce que vous écrivez démontre que vous aviez une idée fausse du travail. Le travail à l'Ashram n'a pas été institué pour servir l'humanité ou une portion de celle-ci dénommée les sâdhak de l'Ashram. Il n'était pas non plus censé servir de prétexte à une joyeuse vie mondaine, à un flot de sentiments et d'attachements entre les sâdhak et à l'expression de mouvements vitaux, à un échange vital sans contrainte avec certains ou avec tous. Le travail a été créé pour le service du Divin, pour fournir un domaine où pratiquer l'ouverture intérieure au Divin, la soumission au Divin seul, le rejet de l'ego et de tous les mouvements vitaux ordinaires, où s'entraîner à l'élévation psychique, à l'absence d'ego, à l'obéissance, au renoncement à toute affirmation mentale, vitale ou autre de la personnalité limitée. Le but n'est pas de s'affirmer, ce n'est pas non plus la formation d'un ego vital collectif. Fondre le petit ego dans l'union avec le Divin, purifier l'être, le consacrer, substituer la direction divine à votre propre direction ignorante fondée sur vos propres idées et vos sentiments personnels, tel est le but du karma-yoga; c'est la soumission de votre volonté à la Volonté divine.
Si l'on sent que les êtres humains sont proches et le Divin lointain, et si l'on cherche le Divin par le service et l'amour des êtres humains, et non directement par le service et l'amour du Divin, alors le principe que l'on suit est erroné, car c'est le principe de la vie mentale, vitale et morale, non de la vie spirituelle.
["L'Amour du Divin dans tous les êtres et la perception, l'acceptation constantes de son action en toutes choses".] C'est très bien dans le karma-yoga ordinaire qui a pour but l'union avec l'esprit cosmique et ne dépasse pas le surmental, mais ici un travail spécial doit être fait et une
nouvelle réalisation s'accomplir pour la terre et non pour nous seuls. Il est nécessaire que nous nous tenions à l'écart du monde pour nous séparer de la conscience ordinaire, afin d'en faire descendre une nouvelle.
Non que l'amour pour tous ne fasse pas partie de la sâdhanâ, mais cela ne veut pas dire qu'il faille aussitôt se mettre à fréquenter tout le monde; il ne peut s'exprimer que par une bienveillance universelle, générale et, si besoin est, dynamique, mais pour le reste il doit s'appliquer à notre tâche, qui est de faire descendre la conscience supérieure et toutes les conséquences qu'elle entraîne pour la terre. Quant à accepter l'action du Divin en toutes choses, ici aussi c'est nécessaire, dans le sens où nous devons voir cette action même derrière nos luttes et nos difficultés, mais non pas accepter la nature de l'homme et le monde tels qu'ils sont: notre but est de progresser vers une action plus divine qui remplacera la manifestation actuelle par une manifestation plus grande et plus heureuse. Et cela aussi, c'est un labeur d'Amour divin.
Pour notre part, nous estimons que la vie ordinaire est Maya non dans le sens où elle serait une illusion, car elle existe et est bien réelle, mais parce qu'elle est une Ignorance, une chose qui, du point de vue spirituel, se fonde sur un mensonge. Il est donc logique de l'éviter; ou plutôt, nous sommes obligés d'avoir avec elle certains contacts, mais nous les minimisons autant que possible, sauf dans la mesure où ils peuvent être utiles à notre dessein. Il nous faut transformer la vie en changeant le mensonge en vérité spirituelle, faire d'une vie d'Ignorance une vie de connaissance spirituelle - Mais tant que nous n'y serons pas parvenus pour nous-mêmes, mieux vaudra nous tenir à l'écart de la vie d'Ignorance du monde; sinon notre petite lumière, qui grandit doucement, risque fort d'être submergée par les océans d'obscurité qui l'environnent. Même telle qu'elle est, notre
entreprise est suffisamment difficile; elle le serait dix fois plus si nous n'étions pas isolés.
Le travail que l'on fait ici n'est évidemment pas de même nature que le travail effectué dans le monde. Là, le travail n'a rien de spécialement divin: c'est un travail ordinaire dans le monde. On doit pourtant le considérer comme un entraînement et l'accomplir dans l'esprit du karma-yoga; l'important n'est pas alors la nature du travail lui-même, mais l'esprit dans lequel il est exécuté. Cet esprit doit être celui de la Guîtâ, sans désir, avec détachement, sans répugnance, mais avec la plus grande perfection possible, non pour la famille, non pour obtenir une promotion ni pour plaire aux supérieurs, mais simplement parce que c'est la chose qui a été mise entre vos mains pour que vous la fassiez. C'est un domaine d'exercice intérieur et rien d'autre. Il faut y apprendre l'égalité, l'absence de désir, la consécration. Ce n'est pas le travail lui-même, mais le fait de le faire et la manière de le faire qu'il faut consacrer au Divin. Accompli dans cet esprit, peu importe ce qu'il est. Si vous pratiquez cet entraînement spirituel, vous serez prêt à effectuer de la manière juste n'importe quel travail particulier directement dédié au Divin (comme le travail de l'Ashram) qui pourra à tout moment vous être assigné.
C'est évident, la vie ici n'est pas celle que l'on trouverait dans un endroit où le mental et le vital pourraient espérer se satisfaire et s'épanouir, ou mener une vie animée. C'est seulement si l'on peut vivre au-dedans qu'elle devient satisfaisante... Mais la monotonie n'existe pas pour celui dont la e intérieure est bien établie. La réalisation intérieure doit être le premier objectif; le travail pour le Divin, sur la base du moi intérieur véritable et d'une conscience nouvelle, non
sur les bases de l'ancienne, est le résultat qui peut en découler. Jusque-là, le travail et la vie ne peuvent être qu'un moyen de la sâdhanâ, non un "accomplissement de soi" ou une vie vitale brillante et intéressante sur les bases anciennes.
Rien ici ne pourvoit aux exigences de la nature vitale humaine: le travail est modeste, silencieux, coupé du monde extérieur et de ses événements; sa seule valeur est d'offrir à chacun un champ d'action où cultiver ses aptitudes spirituelles. Si l'on est gouverné uniquement par le mobile spirituel et que l'on a la conscience spirituelle, on peut trouver joie et intérêt dans ce travail. Ou si le travailleur, en dépit de ses imperfections humaines, est porté avant tout vers le progrès spirituel et la perfection de soi, alors il peut, là aussi, s'intéresser au travail et tout à la fois sentir que cela l'aide à découvrir et à purifier sa nature égoïste, mentale, vitale et physique, et y trouver la joie de servir le Divin.
Ce n'est pas du tout une question d'utilité, bien que votre travail soit très utile quand vous vous décidez à le faire. Le travail fait partie de la sâdhanâ et dans la sâdhanâ, la question de l'utilité ne se pose pas: c'est là une manière pratique et extérieure de mesurer les choses; et encore, même dans la vie extérieure ordinaire, l'utilité n'est pas le seul critère. Il s'agit ici d'aspiration au Divin; il s'agit de savoir si oui ou non, c'est cela votre but central dans la vie, votre nécessité intérieure. La sâdhanâ que l'on fait pour soi-même est différente: on peut la prendre ou la laisser. La vraie sâdhanâ se fait pour le Divin, c'est le besoin de l'âme et on ne peut l'abandonner même si, dans des moments de découragement, on s'en croit capable.
travail que l'on fait ici n'a pas pour but de démontrer ses propres capacités, d'avoir une situation importante ou de servir à se rapprocher physiquement de la Mère; c'est au contraire un champ d'action et une occasion de mettre en œuvre la partie karma-yoga du yoga intégral, d'apprendre à travailler d'une manière vraiment yoguique, à se consacrer par le service, en pratiquant l'absence d'ego, l'obéissance, la méticulosité, la discipline, à mettre le Divin et le travail du divin en premier et soi-même en dernier; d'apprendre aussi l'harmonie, la patience, l'endurance, etc. Quand les travailleurs auront appris cela et auront cessé d'être égocentriques - comme vous l'êtes maintenant, pour la plupart -, alors viendra le temps d'un travail où les compétences pourront vraiment apparaître, bien que même à ce stade le fait de montrer ce dont on est capable ne soit qu'accessoire et ne puisse jamais être la considération principale ni l'objet du travail divin.
Il n'est pas nécessaire que tous deviennent des artistes ou des écrivains, ou effectuent un travail qui s'adresse au public. X et Y ont leurs propres aptitudes et il suffit pour le moment qu'ils s'exercent à les rendre utiles au travail de la Mère. D'autres ont de grandes capacités qu'ils se contentent d'utiliser dans le travail modeste et obscur de l'Ashram, sans paraître en public pour faire de grandes choses. L'important, maintenant, est d'acquérir la conscience vraie qui vient d'en haut, de se débarrasser de l'ego (ce que personne n'a encore fait jusqu'à présent) et d'apprendre à être un instrument de la Force divine. Ensuite la manifestation pourra se produire, pas avant.
Ce que l'on appelle la politique est trop radjasique, trop corrompu et embrouillé par toutes sortes de motivations
égoïstes. Notre voie passe par une pression de l'Esprit qui s'exerce sur la conscience terrestre pour qu'elle se transforme.
Non, ce travail [la politique] n'est assigné à personne. Certains continuent à en faire par intérêt mental ou par une habitude dont ils ne tiennent pas à se défaire, comme l'habitude vitale de boire du thé ou n'importe quoi de ce genre. Non seulement la politique n'est donnée comme travail à personne, mais il est même déconseillé, autant que possible, d'en discuter.
Mais la politique n'est assurément pas la seule activité possible pour le vital; il y en a quantité d'autres. Chaque fois que quelque chose doit être produit, créé, organisé, accompli, conquis, c'est le vital qui est indispensable.
Je me suis fait une règle de ne rien écrire qui concerne la politique. En outre, la question de savoir ce qu'il faut faire dans une assemblée comme le Parlement dépend des circonstances, des nécessités pratiques de la situation qui peuvent changer rapidement. Dans un groupe comme celui-là, le travail n'est pas d'ordre spirituel. Toutes sortes d'activités peuvent être menées avec la conscience spirituelle à l'arrière-plan, mais à moins que l'on ait avancé très loin, on doit en fait être guidé par les nécessités du travail lui-même et sa nature particulière. Puisque vous avez adhéré à ce parti, son programme doit être le vôtre et ce que vous devez faire, c'est y collaborer aussi consciencieusement que possible, avec toute l'habileté et tout le désintéressement dont vous êtes capable. Vous avez raison de ne pas accepter de fonction officielle, puisque vous l'avez promis. Quoi qu'il en
soit, lorsqu'un sâdhak aborde la politique, il devrait travailler non pour lui-même, mais pour le pays. S'il accepte une fonction, ce doit être seulement lorsqu'il peut, par là, réaliser quelque chose pour le pays, et pas avant d'avoir fourni la preuve de son caractère, de ses capacités et de son aptitude à exercer cette fonction. Vous devez adopter une norme de conduite élevée qui vous gagnera le respect de tous, même de vos adversaires, et justifiera le choix des électeurs.
Quant à la propagande, j'ai constaté qu'elle était pour nous parfaitement inutile; si elle a un effet quelconque, il est très insignifiant et dérisoire et ne vaut pas la peine qu'on se donne.
Si la Vérité doit se répandre, elle le fera de son propre mouvement: ces activités sont superflues.
Que nous soyons célèbres ou inconnus n'a absolument aucune importance du point de vue spirituel. Ce n'est que de l'esprit propagandiste. Nous ne sommes ni un parti politique, ni une Église, ni une religion à la recherche d'adhérents ou de prosélytes. Un seul homme qui poursuit sérieusement le yoga a plus de valeur que mille hommes célèbres.
La peur, dans ces expériences, est une chose dont il faut se débarrasser; s'il y avait un danger, un appel à la Mère suffirait, mais en réalité il n'y en a aucun, car la protection est là.
Il est vrai qu'ici la plupart des sâdhak sont enclins à courir après ceux qui viennent du dehors, surtout s'ils sont renommés ou éminents. C'est une faiblesse courante de la nature humaine et, comme d'autres faiblesses de la nature humaine, les sâdhak ne semblent pas disposés à s'en défaire.
C'est parce qu'ils ne vivent pas assez au-dedans, alors le vital est stimulé ou attiré quand quelque chose ou quelqu'un d'important (ou considéré comme tel) vient du dehors.
Ce que X ou d'autres pensent ou disent n'a guère d'importance, après tout, puisque notre travail ne dépend pas d'eux, mais de la seule Volonté divine. Quantité de gens (des gens du dehors) ont dit ou pensé de nous et contre nous toutes sortes de choses qui ne nous ont pas le moins du monde affectés, et notre travail non plus: c'est d'une importance très mineure.
Dans un Ashram qui est, comme le dit X, un "laboratoire" du yoga spirituel et supramental, il est nécessaire ou plutôt inévitable que l'humanité soit diversement représentée. Car le problème que doit résoudre la transformation met en jeu toutes sortes d'éléments, favorables et défavorables. Le même individu porte en lui un mélange des deux. Si seuls des hommes sattwiques et cultivés, des hommes qui n'ont guère de difficultés vitales en eux, venaient ici pour pratiquer le yoga, il se pourrait bien que l'entreprise échoue, parce que la difficulté que pose l'élément vital dans la nature terrestre n'aurait pas été affrontée et résolue. On pourrait concevoir que dans certaines circonstances, une couche surmentale se superpose au mental, au vital et au physique et les influence, mais il ne pourrait guère s'agir de quelque chose de supramental ou d'une transmutation souveraine de l'être. Ceux qui vivent à l'Ashram viennent de partout et appartiennent à toutes les catégories; il ne peut en être autrement.
Dans le cours du yoga, collectivement - bien que ce ne soit pas forcément le cas pour chacun en particulier -,
chaque fois que l'on s'attaque à un plan, toutes ses difficultés apparaissent. C'est l'explication de bien des choses qui se passent à l'Ashram et que les gens ne s'attendent pas à trouver ici. Quand le travail préliminaire sera achevé dans le "laboratoire", tout cela devra changer.
On n'a pas non plus donné beaucoup d'importance à la camaraderie humaine du genre ordinaire entre les Ashramites (bien que la bienveillance, la considération et la courtoisie soient toujours de mise) parce qu'elle n'est pas le but; le but, c'est l'unité dans une nouvelle conscience, et la première chose que chacun doit faire dans notre sâdhanâ est de parvenir à cette nouvelle conscience et d'y réaliser l'unité.
Tout défaut qui se trouve dans les sâdhak doit être éliminé par la Lumière d'en haut: une règle sattwique ne peut transformer que les natures prédisposées à suivre une règle sattwique.
Si sa foi repose sur la perfection des sâdhak, elle doit, c'est évident, être plutôt branlante! Les sâdhak et les sâdhikâ ne sont pas censés être parfaits. C'est seulement des siddha que l'on peut exiger la perfection, et encore, pas selon les normes du mental... Sa foi semble être plutôt mentale, et la foi mentale peut aisément se dissiper.
Être souvent seul exige une certaine force de la vie intérieure. Il peut être préférable de tempérer la solitude par un peu de son contraire. Mais l'un et l'autre ont leurs avantages et leurs inconvénients et c'est seulement en étant vigilant et en conservant un équilibre intérieur que l'on peut éviter ceux-ci.
Le principe général de consécration et de don de soi est le même pour tous dans notre yoga, mais chacun a sa propre
manière de se consacrer et de se donner. La manière de X est bonne pour X, tout comme la vôtre est la manière juste pour vous, parce qu'elle est en harmonie avec votre nature. Sans cette souplesse et cette variété, si tous devaient être coupés sur le même patron, le yoga serait un mécanisme mental rigide, non un pouvoir vivant.
Si vous pouvez faire jaillir votre chant de votre conscience intérieure où vous sentez la Mère qui fait mouvoir toutes vos actions, vous n'avez pas de raison de vous en abstenir. Le développement des aptitudes est non seulement permis, mais correct quand on peut en faire une partie du yoga; on peut donner au Divin non seulement son âme, mais aussi tous ses pouvoirs.
Il est un peu difficile de répondre à votre question d'un point de vue spirituel plus vaste et d'une manière qui vous plaise et qui plaise à tout être mental, c'est-à-dire par un péremptoire "tu feras" ou "tu ne feras pas", surtout quand le "tu" est censé englober "tout le monde". Car si le but est essentiellement identique, si l'orientation générale de l'effort est la même, il n'y a cependant pas, dans le détail, en ce qui concerne les choses intérieures, un ensemble de règles qui soit commun à tous et puisse s'appliquer à tous les chercheurs. Vous me demandez: "Telle ou telle chose n'est-elle pas nuisible?" Mais ce qui est mauvais pour l'un peut être bon pour l'autre, ce qui est bon à un certain stade peut cesser de l'être à un autre, ce qui est mauvais dans certaines circonstances peut être bon dans d'autres, ce qui est fait dans un certain esprit peut être désastreux, la même action accomplie dans un esprit tout différent peut être inoffensive ou même bénéfique... Tant d'éléments sont à prendre en considération: l'esprit, les circonstances, la personne, les besoins et les caractéristiques de la nature, le stade atteint. C'est pourquoi l'on dit si souvent que le Gourou doit agir avec ses disciples selon la nature de chacun et guider en
conséquence sa sâdhanâ; bien que le chemin de la sâdhanâ soit 1e même pour tous, il est pourtant à chaque pas différent pour chacun. C'est aussi la raison pour laquelle nous disons nue les voies divines ne peuvent être comprises par le mental, puisque le mental agit selon des règles et des normes fixes et rigides, alors que l'esprit voit la vérité du tout et la vérité de chacun et agit différemment selon sa propre vision nui est complète et complexe. C'est aussi pourquoi nous disons que nul ne peut, par son jugement mental personnel, comprendre les actions de la Mère et ses raisons d'agir: on ne peut les comprendre qu'en pénétrant dans la conscience plus vaste d'où elle voit les choses et agit sur elles. C'est déroutant pour le mental, parce qu'il utilise ses critères étriqués, mais c'est la vérité en la matière.
Vous voyez donc qu'il n'y a pas ici de règle mentale: dans chaque cas la directive est déterminée par des raisons spirituelles qui sont souples. Il n'existe aucune autre considération, aucune règle. La musique, la peinture, la poésie et bien d'autres activités qui relèvent du mental et du vital peuvent être utilisées comme une partie du développement spirituel ou du travail et dans un but spirituel: tout dépend de l'esprit dans lequel elles sont exécutées.
Pourquoi la Mère serait-elle obligée de traiter tout le monde de la même façon? Ce serait très sot de sa part d'agir ainsi.
Il n'est pas exact que tout ce que j'écris s'adresse également a fous. Cela reviendrait à dire que tous sont semblables et qu'il n'y a aucune différence entre un sâdhak et un autre. S'il en était ainsi, tous avanceraient de la même façon, auraient les mêmes expériences et mettraient autant de temps à Progresser, par les mêmes méthodes et les mêmes étapes. Ce n t pas cela du tout. Dans le cas dont vous parlez, les
règles générales ont été édictées pour quelqu'un qui n'avait fait aucun progrès; mais tout dépend de la manière dont le yoga vient à chacun.
Appliquer à son propre cas, dans la pratique, ce qui a été écrit pour quelqu'un d'autre n'est pas toujours sans risque. Chaque sâdhak est un cas particulier et on ne peut pas toujours - ni même souvent - adopter une règle mentale et l'appliquer de façon rigide à tous ceux qui pratiquent le yoga. Ce que j'ai écrit à X était destiné à X et convient à son cas, mais s'il s'était agi d'un sâdhak pourvu d'une nature vitale différente de celle de X (c'est-à-dire grossière), j'aurais pu lui dire quelque chose qui aurait pu paraître diamétralement opposé: "Ne cédez pas aux penchants de votre vital inférieur, rejetez votre avidité pour la nourriture, c'est un grave obstacle sur votre chemin; mieux vaudrait pour vous des habitudes ascétiques que l'animalité vulgaire de cette partie de vous-même, telle qu'elle est maintenant". À quelqu'un qui ne prend pas assez de nourriture, de sommeil et de repos, tant sa ferveur est grande, je dirais peut-être: "Mangez mieux, dormez plus, reposez-vous davantage, ne vous surmenez pas, n'introduisez pas un esprit d'ascèse dans votre tapasyâ." À un autre, qui tomberait dans l'excès contraire, je tiendrais peut-être un langage opposé. Chaque sâdhak a une nature ou une tendance dans sa nature qui lui est propre; il est rare que le mouvement du yoga dans deux sâdhak, même s'ils ont entre eux quelques ressemblances, soit tout à fait le même.
De surcroît, en appliquant une vérité qui a été formulée, il est nécessaire de lui donner son sens précis. Il est tout à fait vrai que "dans notre sentier, l'attitude n'a rien d'une répression autoritaire, nigraha"; ce n'est pas une coercition exercée d'après une règle ou un principe mental sur un être vital peu convaincu. Mais cela ne signifie pas non plus que le vital doive aller son propre chemin et agir à sa fantaisie.
Notre voie n'est pas la coercition, mais un changement intérieur où le vital inférieur est guidé, illuminé et transformé par une conscience supérieure détachée des objets du désir vital. Pour permettre à cette conscience supérieure de se développer, on doit cependant adopter une attitude où la satisfaction des exigences du vital inférieur a de moins en moins d'importance, acquérir une certaine maîtrise, samyama, se tenir au-dessus de toutes ces clameurs, maintenir des choses comme la nourriture, par exemple, dans leurs limites. Le vital inférieur a sa place, il ne doit être ni écrasé ni exterminé, mais il doit être transformé, "saisi par les deux bouts" avec à l'extrémité supérieure une maîtrise et un contrôle, à l'extrémité inférieure une utilisation juste. L'essentiel est de se débarrasser de l'attachement et du désir; alors un usage entièrement juste devient possible. Quant aux mesures pratiques, aux procédés par lesquels peut venir cette maîtrise du vital inférieur et à l'ordre dans lequel ils doivent être appliqués, cela dépend de la nature du sâdhak, du point sur lequel porte l'effort de développement, du mouvement réel du yoga.
Ce qui est important, ce n'est pas de manger ou de ne pas manger d'un certain aliment; l'important, c'est de savoir comment cette question ou n'importe quelle question de nourriture vous affecte, quel est votre état intérieur et si, quand vous cédez à ce penchant, la cuisine ou la nourriture fait ou non obstacle au progrès de cet état intérieur et à sa transformation, ce qui vous convient le mieux comme discipline yoguique. Je puis établir pour vous la règle suivante: "Ne faites rien, ne dites rien, ne pensez rien que vous voudriez dissimuler à la Mère." Et cela répond aux objections qui se sont élevées en vous (nées de votre vital, n'est-ce pas?) contre l'idée de soumettre ces "problèmes mineurs" à la Mère. Pourquoi croyez-vous que la Mère serait importunée par ces problèmes ou les considérerait comme mineurs? Si toute la vie doit être un yoga, que doit-on qualifier "e mineur ou de négligeable? Même si la Mère ne répond Pas, le simple fait de lui avoir soumis, dans l'esprit juste, un
problème concernant vos actes ou votre développement personnel signifie que vous l'avez placé sous sa protection, dans la lumière de la Vérité, sous les rayons du Pouvoir qui est à l'œuvre pour la transformation; car aussitôt ces rayons entrent en jeu et agissent sur le problème que l'on a porté à son attention. Tout ce qui, au-dedans, vous conseille de ne pas le faire alors qu'en vous l'esprit vous y pousse, peut fort bien être un artifice du vital pour éviter le rayon de la Lumière et le travail de la Force.
On ne doit pas traiter la nature humaine comme une machine que l'on peut manipuler selon des règles mentales rigides: une grande souplesse est nécessaire lorsqu'on a affaire à ses mobiles complexes.
Oui, même dans la vie ordinaire, il faut dominer le vital et l'ego; sinon la vie serait impossible. Parmi les animaux, nombre d'entre eux - ceux qui vivent en groupe - ont des, règles strictes qui restreignent l'action de l'ego et ceux qui y désobéissent s'exposent à passer un mauvais quart d'heure. Les Européens comprennent particulièrement bien cette nécessité et quand il s'agit de travail d'équipe ou de vie en groupe, ils sont habiles à tenir leur ego en laisse, bien qu'ils en soient pleins et même s'il grogne à l'intérieur: c'est le secret de leur réussite. Dans la vie du yoga, cependant, il s'agit bien entendu non de maîtriser l'ego, mais de s'en débarrasser et de s'élever à un principe supérieur; toute revendication est donc repoussée avec beaucoup plus de force et d'insistance.
Une règle que chacun peut modifier à son gré n'est pas une règle. Dans tous les pays où le travail organisé est exécuté avec succès (l'Inde n'en fait pas partie), il existe des règles et nul ne songe à les enfreindre, car tous comprennent que le travail (ou même la vie), sans discipline, aboutirait bientôt à une confusion et à un échec anarchique. Aux grandes époques de l'Inde, tout était soumis à des règles, même l'art et la poésie, même le yoga. Ici, les règles sont en réalité beaucoup moins strictes que dans n'importe quelle organisation européenne. Le discernement personnel peut jouer dans une large mesure, même à l'intérieur d'un ensemble de règles, mais le discernement doit être utilisé... avec discernement, sinon il devient arbitraire ou chaotique.
La Mère entoure tous les sâdhak de sa protection, mais si, par leurs propres actes ou par leur attitude, ils sortent du cercle de la protection, les conséquences peuvent être fâcheuses.
[La discipline:] Elle consiste à agir selon une norme de Vérité, une règle ou une loi d'action (dharma), ou en obéissance à une autorité supérieure ou aux principes les plus hauts que l'on ait pu découvrir par la raison et la volonté intelligente, et non selon sa fantaisie, ses impulsions et ses désirs vitaux. Dans le yoga, l'obéissance au gourou ou au Divin et à la loi de Vérité telle qu'elle est énoncée par le gourou est la base de la discipline.
Vous mettez la charrue avant les bœufs. Poser comme condition que si vous recevez ce que vous voulez, vous serez
obéissant et plein de bonne humeur, n'est pas correct. Mais soyez toujours obéissant et plein de bonne humeur, et ce que vous voulez aura quelque chance de venir à vous.
Les règles sont indispensables à la gestion ordonnée du travail; car sans ordre et sans organisation rien ne peut être fait comme il faut: tout devient heurts, confusion et désordre.
Dans ces rapports avec autrui, vous ne devriez pas considérer seulement votre propre point de vue, mais aussi celui de l'autre. Il ne devrait y avoir ni colère, ni reproches véhéments, ni menaces, car ceux-ci ne font que susciter la colère et la riposte de l'autre partie. Si je vous écris cela, c'est que vous êtes en train d'essayer de vous élever au-dessus de vous-même et de dominer votre vital et quand on veut le faire, on ne saurait être trop strict envers soi-même en ces matières. Mieux vaut même être sévère à l'égard de ses propres erreurs et indulgent envers celles des autres.
Oui, tout à fait. C'est par manque de perception psychique et de discrimination spirituelle que les gens parlent ainsi et méconnaissent l'importance de l'obéissance. Cette argumentation est celle du mental qui veut suivre sa propre manière de penser et du vital qui cherche la liberté pour réaliser ses désirs. Si vous n'observez pas les règles fixées par le guide spirituel, ou si vous n'obéissez pas à celui qui vous mène au Divin, alors à qui allez-vous obéir, ou à quoi? à rien d'autre qu'aux idées du mental individuel et aux désirs du vital; mais tout cela ne mène nullement à la siddhi dans le yoga. Les règles sont édictées pour vous préserver de certaines influences et de leurs dangers, et pour entretenir dans l'Ashram une bonne atmosphère, propice au développement spirituel; l'obéissance est nécessaire pour que chacun se sépare de son
mental et de son vital et apprenne à se conformer à la Vérité.
Des règles comme celle-ci ont pour but d'aider le vital et le physique à se plier à la discipline de la sâdhanâ et à ne pas se disperser en caprices, impulsions, complaisances envers soi-même; mais elles doivent être appliquées avec simplicité, sans aucun sens de supériorité ni orgueil ascétique, comme Quelque chose qui va de soi. Il est vrai aussi qu'elles peuvent donner prise à une trop grande rigidité mentale, comme si elles étaient d'importance primordiale en elles-mêmes, et pas seulement comme un moyen. Mises à leur juste place et observées dans l'esprit juste, elles peuvent être très salutaires dans leur domaine.
Ce qu'ils veulent, pour la plupart, c'est que tout soit fait selon leurs désirs, sans frein ni contrôle. Leur discours sur la perfection est une duperie. La perfection ne consiste pas à ce que chacun en fasse à sa tête. La perfection vient par le renoncement aux désirs et la soumission à une Volonté supérieure.
Si ce que je dis était facile et naturel pour la nature humaine, ce serait certes confortable pour les disciples, mais ne laisserait aucune place à l'objectif ou à l'effort spirituels. Les buts et les méthodes de la vie spirituelle ne sont ni faciles ni naturels (alors que, par exemple, se quereller, se laisser aller a l'activité sexuelle, à la gourmandise, à l'indolence, accepter toutes les imperfections est facile et naturel) et ceux qui deviennent des disciples sont censés poursuivre des buts et s'adonner à des efforts spirituels, si ardus soient-ils et supérieurs
à la nature ordinaire, et non continuer à faire ce qui est facile et naturel.
Dans le monde extérieur on est soumis à une contrainte mentale et sociale, et aussi on est absorbé par d'autres choses. Ici, vous restez seul avec votre propre conscience et vous devez remplacer la contrainte mentale et extérieure par une maîtrise intérieure de l'esprit.
Il n'est pas question ici de faute ni de punition; si nous devions condamner et punir les gens et nous conduire avec les sâdhak comme un tribunal, aucune sâdhanâ ne serait possible. Je ne vois pas en quoi vos reproches à notre égard pourraient être justifiés. Notre seul devoir envers les sâdhak est de les mener vers leur réalisation spirituelle; nous ne pouvons nous conduire comme un chef de famille qui intervient dans des querelles domestiques, soutenant l'un, accablant l'autre! X peut tomber cent fois, nous devons le prendre par la main, le relever et l'engager une fois de plus à avancer vers le Divin. Nous avons toujours fait de même avec vous. Mais nous ne pouvons soutenir aucune de vos exigences envers lui. Nous avons toujours agi en la matière comme si c'était un problème entre lui et le Divin. En ce qui vous concerne, la seule chose que nous vous avons instamment demandée, et cela avec votre plein consentement, lorsque vos prières nous suppliaient de vous y aider, est de rompre toute relation vitale avec lui et de ne plus rien fonder là-dessus. Et pourtant vous nous écrivez que parce que nous n'avons pas approuvé votre manière d'agir au sujet de ce que vous avez dit à Y - peu importe de quoi il s'agit - vous nous répudiez pour toujours.
Je dois vous demander de redevenir vous-même, de réintégrer votre vraie conscience et de rejeter toutes ces
humeurs de passion vitale qui sont indignes de votre âme. Vous avez à maintes reprises, dans vos lettres, exprimé votre amour pour la Mère, décrit l'Ânanda que vous avez reçu d'elle et relaté en grand nombre vos expériences spirituelles. Souvenez-vous-en, et souvenez-vous que c'est votre vraie manière d'être, votre être véritable, et que rien d'autre n'a d'importance. Retrouvez votre équilibre et rejetez la nature inférieure, son obscurité et son ignorance.
Nul n'est en fait retenu ici quand il veut s'en aller ou l'a décidé, bien que le principe de la vie spirituelle s'oppose à tout retour à l'ancienne vie, même pour une brève période et surtout si l'élan intérieur est profond et lutte pour affermir les bases de la nouvelle conscience; le retour à l'atmosphère, à l'environnement et aux motivations ordinaires perturbe en effet le travail et retarde le progrès.
Lorsque la différence entre l'être intérieur et l'être extérieur est à ce point tranchée, le choix appartient toujours au sâdhak. Quant à la possibilité de revenir, beaucoup, parmi ceux qui sont partis, sont revenus, d'autres non; car lorsqu'on part on risque toujours d'entrer dans un courant de forces qui rend le retour impossible. Quelle que soit votre décision, elle doit être claire et délibérée; sinon vous partirez, et aussitôt après vous voudrez revenir, et après votre retour ici vous voudrez de nouveau partir: ce serait inadmissible.
Il est bien entendu que la permission [de quitter l'Ashram] qui vous est accordée n'exclut pas la possibilité que cette
tentative se termine mal. Mais la tentative devient nécessaire quand l'ego ou être extérieur d'une part et l'âme d'autre part sont attirés dans des directions devenues si contradictoires que le conflit ne peut se résoudre autrement, ou si l'être extérieur tient à mener sa propre expérience.
C'est en particulier quand l'être extérieur rejette la Vérité s'obstine à vivre sa vie et refuse de se soumettre à la règle de la vie spirituelle que cette tentative [de quitter l'Ashram] devient inévitable. Jamais je n'ai dit qu'elle était à recommander.
Chez certains, elle [l'impulsion à quitter l'Ashram] est trop forte; ils doivent partir et se rendre compte par eux-mêmes. Cela ne signifie pas que chacun doive s'en aller chaque fois qu'il éprouve une difficulté. Ces cas sont exceptionnels.
L'impossibilité de vaincre les parties les plus obstinées de votre nature n'existe que dans votre imagination. Tout ce qu'il faut, c'est avoir la persévérance de continuer jusqu'à ce que cette résistance s'effondre et que la partie psychique, qui n'est ni absente ni cachée, soit capable de dominer les autres. Il faut que ce soit fait, que vous restiez ici ou non, et partir ne ferait sans doute qu'accroître la difficulté et compromettre le résultat final; cela ne peut pas vous aider. C'est ici que la lutte, si aiguë soit-elle, a la meilleure chance, la certitude de trouver une solution et une issue heureuse, en raison de la présence physique de la Mère.
C'est ainsi que les choses se passent d'habitude: quand on
quitte le monde extérieur, les forces qui le gouvernent font tout ce qu'elles peuvent pour vous faire revenir dans leur agitation.
C'est curieux, en effet. La plupart des gens, après avoir senti l'atmosphère d'ici, ne peuvent plus supporter l'atmosphère ordinaire. S'ils s'en vont, ils n'ont de cesse qu'ils ne reviennent. Même la tante de X, qui n'a séjourné ici que quelques mois, s'exprime ainsi dans ses lettres. Mais il est probable que lorsque les gens tombent sous l'empire d'un mensonge, comme Y et Z, ils sont projetés dans la nature vitale non régénérée et ne sentent plus cette différence d'atmosphère.
Tout yoga est difficile, parce que le but de tout yoga est d'atteindre le Divin, de se tourner entièrement vers le Divin, et cela revient à se détourner des mouvements ordinaires de la nature pour aller vers quelque chose qui la dépasse. Mais quand on aspire avec sincérité, on reçoit la vigueur nécessaire pour surmonter à la longue les difficultés et atteindre le but.
La Mère parlait des sâdhak qui ont pénétré dans la vie et l'atmosphère de l'Ashram et dont le psychique a ressenti le contact de ce qui est ici. Ses paroles ne s'appliquent pas à ceux qui sont venus du monde extérieur, mais continuent à appartenir à ce monde. X était encore liée par toute sa nature à la vie extérieure; son vital n'était en rien adapté à la vie de l'Ashram et répugnait à l'idée de vivre ainsi pour toujours. Elle n'a pas donné à son psychique le temps d'établir la liaison et d'absorber l'influence qui aurait fixé en lui le sentiment que là est sa vraie demeure. Certains peuvent ainsi venir à l'Ashram, y séjourner quelque temps et repartir sans aucune difficulté; beaucoup l'ont fait. Le sentiment de difficulté ou de malaise lors du départ est au contraire le signe que l'âme a pris racine ici et trouve pénible de se déraciner. Certains sont ainsi et ont dû partir, mais ne se
sentent pas à l'aise et cherchent sans cesse des moyens revenir le plus tôt possible.
Aider les autres sans égoïsme ni attachement, sans abandonner l'environnement spirituel et la vie spirituelle est une chose; être tiré au-dehors, vers la vie extérieure, par un attachement personnel ou par le besoin d'aider son prochain en est une autre.
L'incapacité de partir [de l'Ashram] peut venir du psychique qui, le moment venu, interdit aux autres parties de bouger; ou elle peut venir du vital qui n'a plus aucune attirance pour la vie ordinaire et sait qu'il ne s'en satisfera jamais. Ce sont en général les parties supérieures du vital qui réagissent ainsi. Ce qui est encore capable de se tourner vers l'extérieur, c'est sans doute le vital physique où les tendances anciennes n'ont pas été anéanties.
Vous devriez être capable de voir [...] que la cause de votre agitation est en vous et non dans les circonstances extérieures. C'est votre attachement vital aux liens familiaux et aux idées, aux sentiments sociaux ordinaires qui est apparu en vous et crée cette difficulté. Si vous voulez pratiquer le yoga, vous devez être capable de vivre dans le monde, tant que vous y restez, en gardant le mental fixé sur le Divin et indépendant des circonstances extérieures. En agissant ainsi, on peut aider son entourage cent fois plus qu'en restant lié et attaché au monde.
La Mère n'est pas en mesure de vous dire de rester si vous êtes vous-même, dans votre mental et votre vital, impatient de partir. C'est du fond de vous-même que doit venir la claire volonté de partir ou de rester.
Il est plus facile de sentir la présence dans l'atmosphère de l'Ashram qu'au-dehors. Mais cette difficulté n'apparaît qu'au début; on peut la surmonter en restant ferme dans son appel et en s'ouvrant sans cesse à l'influence.
La force est là dans l'atmosphère, mais on doit la recevoir de la bonne manière, dans un esprit de don de soi, d'ouverture, de confiance. Tout le reste en dépend.
La vérité, c'est qu'une force puissante émane d'ici et elle est naturellement plus puissante au centre. Mais si vous êtes plus loin, ses effets dépendent de votre manière de la recevoir. Si vous la recevez avec une confiance, une foi, une ouverture, une certitude simples, alors sa protection est complète. Elle peut agir aussi de la même façon à distance. Ce n'est pas la proximité de la maison, c'est la proximité intérieure qui compte.
La meilleure manière de se préparer à la vie spirituelle, lorsqu'on doit exercer dans un milieu ordinaire des activités ordinaires, est de cultiver une égalité et un détachement complets et la samatâ de la Guîtâ, avec la foi que le Divin est là et que la Volonté divine est à l'œuvre en toutes choses, même si elle est à présent soumise aux conditions d'un monde d'Ignorance. Au-delà sont la Lumière et l'Ânanda que la vie cherche à manifester, mais pour qu'ils viennent et s'établissent dans l'être individuel et sa nature, la meilleure chose à faire est d'accroître cette égalité spirituelle. Ainsi le problème que vous posent les choses déplaisantes et désagréables serait lui aussi résolu. Vous devriez faire face à
tout ce qui est déplaisant dans cet esprit de samatâ.1
Quand on vit dans le monde, on ne peut pas se conduire comme dans un Ashram: il faut fréquenter les autres et conserver avec eux, du moins extérieurement, des relations ordinaires. L'important, c'est de garder la conscience intérieure ouverte au Divin et de grandir en elle. Si l'on agit ainsi, l'attitude envers les autres se transformera plus ou moins vite, selon l'intensité intérieure de la sâdhanâ. Tout sera vu de plus en plus dans le Divin et, de plus en plus, les sentiments, les actes, etc. seront déterminés non par les anciennes réactions extérieures, mais par la conscience qui grandira en vous.
Cette difficulté qui vous vient de la famille ou d'autres personnes constitue toujours un obstacle lorsqu'on doit pratiquer la sâdhanâ dans un milieu ordinaire ou peu propice. La seule manière d'y échapper est d'être capable de vivre en soi-même, dans son être intérieur, ce qui devient possible lorsque la faculté de réponse intérieure et la luminosité dont vous parlez dans votre lettre s'accroissent et deviennent normales, car vous percevez alors sans cesse votre être intérieur au point de vivre en lui; l'être extérieur devient un instrument, un moyen de communication et d'action dans le monde extérieur. Il est alors possible de libérer les relations avec les personnes du dehors de toute attache ou de toute réaction inévitable; on peut déterminer du dedans sa propre réaction ou son absence de réaction: c'est une libération fondamentale des nœuds extérieurs... à condition bien entendu de le vouloir.
1. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
vie de samsara est par nature un domaine d'agitation: pour la parcourir de la bonne manière, il faut offrir sa vie et ' actions au Divin et prier pour obtenir la paix du Divin au-dedans. Quand le mental devient tranquille, on peut sentir que la Mère soutient la vie et tout remettre entre ses mains.
La paix n'est jamais facile à acquérir dans la vie du monde et elle n'est jamais constante, à moins que l'on ait une vie intérieure profonde et que l'on supporte les activités extérieures comme si elles n'étaient qu'une façade à la surface de l'être.
Étant donné les circonstances de sa vie, la seule chose qu'elle puisse faire pour entrer dans la sâdhanâ est de se souvenir du Divin sans cesse, en acceptant les difficultés comme des épreuves par lesquelles il faut passer, de prier sans relâche et de chercher l'aide du Divin et sa protection, de demander l'ouverture du cœur et de la conscience à la Présence divine qui soutient l'effort.
La Mère ne peut pas promettre d'accorder son aide dans les affaires du monde. Elle n'intervient que dans des cas spéciaux. Bien entendu certains, par leur ouverture et leur foi, reçoivent son aide dans toutes les difficultés et tous les ennuis de la vie dans le monde, mais leur cas est différent. Ils se souviennent simplement de la Mère et lui font appel, et en temps opportun un résultat se produit.
La tendance dont vous parlez, qui consiste à quitter la famille et la vie en société pour se consacrer à la vie spirituelle, est traditionnelle en Inde depuis deux mille ans et plus, surtout parmi les hommes; elle n'affecte qu'un très petit nombre de femmes. Il faut se rappeler que la vie sociale indienne a subordonné presque entièrement l'individu à la famille. Les hommes et les femmes ne se marient pas librement; les mariages sont pour la plupart arrangés alors qu'ils sont encore enfants. Et de surcroît le moule de la société a longtemps été d'une fixité presque absolue, assignant à chaque individu sa place et attendant de lui qu'il s'y conforme. Vous parlez de dénouement et de solution courageuse, mais dans cette vie-là, il n'y a ni problème, ni dénouement, et nul besoin de solution; une solution courageuse n'est possible que si la volonté personnelle est libre; mais lorsque la seule solution (si l'on continue à vivre ainsi) est de se soumettre à la volonté de la famille, il ne peut rien y avoir de tel. Ce mode de vie apporte la sécurité et peut même apporter le bonheur, si l'on s'en accommode, si l'on n'aspire pas outre mesure à dépasser la vie ordinaire ou si l'on a la chance d'être bien entouré; mais elle n'offre aucun remède, aucune échappatoire aux mésententes ni à aucune sorte d'insatisfaction individuelle; elle laisse peu de place à l'initiative, à la liberté de mouvement ou à un quelconque individualisme. La seule porte de sortie, pour l'individu, est sa vie intérieure, spirituelle ou religieuse, et l'échappatoire reconnue est l'abandon du samsara, de la vie de famille, par un sannyâsa d'un genre ou d'un autre. Le sannyâsi, le vaïrâgi vishnouïte, le brahmachâri sont libres; ils sont morts pour leur famille et peuvent vivre selon ce que leur dicte l'esprit intérieur. C'est seulement s'ils entrent dans un ordre monastique ou dans un ashram qu'ils doivent en observer les règles; mais alors c'est eux qui l'ont choisi. La société elle-même reconnaissait ce moyen de lui échapper; la religion approuvait l'idée que le dégoût de la vie sociale ou mondaine était un motif légitime d'adopter la vie du reclus ou du moine errant. Mais cela concernait surtout les hommes: les
femmes, sauf dans l'antiquité chez les bouddhistes où elles avaient leurs couvents et, plus tard, chez les vishnouïtes, avaient peu de chances de s'évader ainsi, à moins d'y être poussées par une impulsion spirituelle très forte qui n'aurait admis aucun refus. L'épouse et l'enfant abandonnés par le sannyâsi soulevaient peu de difficultés: la famille tout entière était là pour assumer leur entretien ou plutôt continuer à le faire.
Ce qui arrive actuellement, c'est que le vieux cadre demeure, mais les idées modernes ont introduit un état d'inadaptation et de malaise; l'ancien système familial éclate et les femmes sont plus nombreuses à chercher cette liberté d'en sortir que les hommes ont toujours eue dans le passé. C'est ce qui expliquerait les cas que vous avez rencontrés; mais je ne pense pas que leur nombre soit déjà très considérable, car le phénomène est tout nouveau; l'admission des femmes dans les ashrams est elle-même une nouveauté. La détresse de celles dont le mental et le vital doivent croître dans un milieu inadapté, de celles dont le mariage imposé est mal assorti, où mari et femme n'ont aucun point commun, de celles qui doivent vivre dans un milieu hostile et intolérant à leur vie intérieure, et d'autre part la tendance innée du mental indien à chercher refuge dans l'évasion spirituelle ou religieuse suffisent à expliquer cette évolution nouvelle. Si la société veut l'empêcher, c'est elle qui doit changer. Quant aux cas individuels, chacun doit être jugé selon ses mérites; le problème est trop complexe, les natures humaines, les situations et les motivations sont trop diverses pour qu'une règle générale puisse être établie.
Je n'ai parlé du problème social qu'en termes généraux. En ce qui concerne la conduite de l'Ashram, nous avons eu de nombreuses demandes d'admission dictées de toute évidence par le refus de faire face aux difficultés et aux responsabilités de la vie, demandes dont nous n'avons naturellement pas tenu compte ou que nous avons écartées, mais celles-ci étaient en majorité formulées par des hommes; deux ou trois demandes seulement, reçues récemment, émanaient
de femmes. Autrement les femmes n'ont pas, en général, demandé à être admises ici en raison d'un mariage malheureux ou de difficultés avec leur entourage. Pour la plupart, les sâdhikâ mariées ont suivi ou accompagné Leur mari en faisant valoir qu'elles avaient déjà commencé à pratiquer le yoga; d'autres sont venues après avoir satisfait aux responsabilités du mariage; deux ou trois d'entre elles s'étaient séparées de leur mari, mais la séparation avait eu lieu avant qu'elles ne viennent ici. Dans certains cas, il n'y avait pas d'enfants, dans d'autres les enfants ont été laissés à la famille. Ces cas n'appartiennent pas, en réalité, à la même catégorie que ceux dont vous parlez. Certains sâdhak ont abandonné femme et enfants, mais en tout état de cause je ne pense pas que les difficultés de la vie aient été le motif de leur départ. Il semblait bien plutôt qu'ils avaient entendu l'appel et devaient tout quitter pour y répondre.
EXPÉRIENCES ET RÉALISATIONS
Le mot expérience s'applique à presque tout ce qui se passe dans le yoga; seulement lorsqu'un état se stabilise, ce n'est plus une expérience, mais une partie de la siddhi: par exemple, la paix qui va et vient est une expérience; quand elle est stable et ne s'en va plus, c'est une siddhi. La réalisation, c'est autre chose: vous aspirez à une chose et elle devient réelle pour vous; par exemple, vous avez l'idée du Divin en tous, mais ce n'est qu'une idée, une croyance; quand vous sentez ou quand vous voyez le Divin en tous, c'est devenu une réalisation.
Vous faites là toutes sortes de distinctions inutiles. L'expérience d'une vérité, qu'elle se produise dans la substance du mental, dans le vital ou dans le physique, est un commencement de réalisation. Quand j'ai l'expérience de la paix, je commence à réaliser ce qu'elle est. L'expérience, en se répétant, mène à une réalisation plus complète et plus permanente. Lorsqu'elle est établie, où que ce soit, sa réalisation est complète dans tel ou tel endroit, telle ou telle partie de l'être.
On peut parler de spiritualité quand on commence à percevoir une conscience autre que l'ego et à vivre de plus en plus en elle ou sous son influence. C'est cette conscience vaste, infinie, existant en soi, dénuée d'ego, etc. que l'on appelle l'Esprit (Moi, Brahman, Divin); par conséquent c'est bien là le sens du mot spiritualité. La réalisation, c'est cela, et aussi toutes les autres choses qu'apportent l'expérience et la croissance de cette conscience plus grande.
Le yogi est quelqu'un dont la réalisation est déjà stable; le sâdhak est celui qui est en train d'atteindre la réalisation ou s'efforce encore de l'atteindre.
Aucune loi n'interdit à un sentiment d'être une expérience; les expériences sont de toutes sortes et, dans la conscience, elles prennent toutes les formes. Quand la conscience subit, voit ou sent quelque chose de spirituel, de psychique ou même d'occulte, c'est une expérience, au sens technique du yoga, car il y a évidemment toutes sortes d'expériences qui ne relèvent pas de ce domaine. Les sentiments sont eux-mêmes très divers. Le mot sentiment est souvent employé pour désigner une émotion, et certaines émotions psychiques ou spirituelles font partie des expériences yoguiques, par exemple une vague de shouddhâ bhakti ou la montée de l'amour vers le Divin. Un sentiment, c'est aussi la perception de quelque chose que l'on sent: perception dans le vital, dans le psychique ou dans la substance essentielle de la conscience. J'ai même souvent entendu qualifier de sentiments des perceptions mentales, quand elles étaient très vives. Si vous excluez tous ces sentiments, et d'autres similaires, en disant que ce sont des sentiments et non des expériences, alors vous laissez très peu de place aux expériences. Le sentiment et la vision sont les formes principales de l'expérience spirituelle. On voit et on sent le Brahman partout; on sent une force pénétrer en soi ou en émaner; on sent, ou on voit, la présence du Divin au-dedans ou autour de soi; on sent, ou on voit, la descente de la Lumière; on sent la descente de la Paix ou de l'Ânanda. Envoyez promener tout cela sous prétexte que ce ne sont que des sentiments, et vous balayez la plupart des choses que nous appelons des expériences. Nous sentons aussi un changement dans la substance de la conscience ou dans son état. Nous sentons que nous nous élargissons et que le corps est un petit objet dans cette immensité (nous pouvons aussi le voir); nous
sentons que a conscience du cœur est vaste et non plus étroite, malléable et non plus dure, illuminée et non plus obscure, de même pour la conscience cérébrale, la conscience vitale et même la conscience physique; nous sentons des milliers de choses de toutes sortes, et pourquoi ne les appellerions-nous pas des expériences? C'est bien entendu une vision intérieure, une sensation intérieure, une sensation subtile et non pas matérielle comme celle d'un vent froid, d'une pierre ou d'un objet quelconque, mais à mesure que la conscience intérieure s'approfondit, elle n'en est ni moins vive ni moins concrète, bien au contraire.
Une expérience est une chose incontestable que l'on doit apprécier à sa juste valeur. Le mental peut exagérer lorsqu'il y pense, sa valeur n'en est pas abolie pour autant.
Il ne s'agit pas de donner une valeur égale à tout ce que vous faites, mais de reconnaître à chacun des éléments divers de la sâdhanâ sa valeur propre. On ne peut pas établir une règle selon laquelle les transes auraient peu de valeur ou les expériences seraient d'une importance inférieure, pas plus que l'on ne peut dire que le travail est sans importance ou d'une importance mineure.
Dans un sens plus profond et plus spirituel, une réalisation concrète est celle qui rend la chose réalisée plus réelle, plus dynamique, plus intimement présente à la conscience que ne peut l'être n'importe quelle chose physique. Une telle réalisation du Divin personnel, ou du Brahman impersonnel, ou du Moi, ne vient en général ni dès le début d'une sâdhanâ, ni dans les premières années, ni durant de nombreuses années. Ceux à qui elle vient ainsi sont très peu
nombreux. Mais le fait de s'y attendre et de l'exiger si tôt serait considéré par tout yogi ou sâdhak expérimenté comme une impatience anormale et plutôt inconsidérée. Beaucoup diraient qu'un développement lent est le meilleur qu'on puisse espérer pendant les premières années, et que l'expérience définitive ne peut venir que lorsque la nature est prête et pleinement concentrée sur le Divin. Chez certains, de rapides expériences préparatoires peuvent venir à un stade relativement précoce; même ceux-là ne peuvent cependant échapper au labeur de la conscience, qui fera culminer ces expériences en une réalisation durable et complète. La question n'est pas de savoir si cela vous plaît ou non; c'est affaire de fait, de vérité et d'expérience. C'est un fait que ceux qui sont pleins de bonne humeur et prêts à aller pas à pas, même à pas lents s'il le faut, avancent en réalité plus vite et plus sûrement que ceux qui sont impatients et pressés. C'est ce que j'ai toujours constaté.
[La réalisation du moi] ne prend pas beaucoup de temps! Souvent toute la vie et plusieurs vies encore ne suffisent pas à l'accomplir. Le gourou de Râmakrishna a mis trente ans pour l'atteindre et même alors il ne prétendait pas y être arrivé.
Votre supposition [que vous ne pouvez pas aimer le Divin avant d'en avoir eu l'expérience d'une manière ou d'une autre] est en contradiction avec l'expérience de nombreux sâdhak. Je crois que Râmakrishna a indiqué quelque part que l'amour, la joie, l'ardeur étaient bien plus intenses dans la quête que dans l'accomplissement. Je ne suis pas d'accord avec lui, mais cela montre au moins que l'amour intense est possible avant la réalisation.
Mon argument est que des centaines de bhakta aiment le Divin et le cherchent sans en avoir eu aucune expérience concrète, sans rien pour les soutenir que leur conception mentale ou leur croyance émotive en Lui. C'est là toute la question: il est faux que l'on doive avoir une expérience décisive ou concrète avant de pouvoir ressentir l'amour pour le Divin. C'est contraire aux faits, aux faits les plus ordinaires de l'expérience spirituelle.
Le bhakta ordinaire n'a pas un cœur de lion. Les sâdhak au cœur de lion ont des expériences relativement tôt, alors que le bhakta ordinaire est souvent obligé de se nourrir de son propre amour ou de son désir d'amour pendant des années... ce qu'il fait.
Ce que je voulais dire, au sujet des expériences, est simplement ceci: vous vous êtes fait vos propres idées sur ce que vous voulez obtenir du yoga et vous avez toujours mesuré d'après cette norme ce qui commençait à venir; et parce que ce n'était pas conforme à votre attente ou à la hauteur de votre norme, au bout d'un moment vous vous êtes dit: "Ce n'est rien, ce n'est rien." À chaque pas cette insatisfaction vous exposait à une réaction ou à un recul qui empêchait tout développement continu. Le yogi expérimenté sait que les petits commencements sont de la plus grande importance, que l'on doit les chérir et leur permettre, avec une grande patience, de se développer. Il sait, par exemple, que la tranquillité neutre si peu satisfaisante pour l'ardeur vitale du sâdhak est le premier pas vers la paix qui dépasse toute compréhension, que le petit courant ou frémissement de délice intérieur est le premier ruisselet de l'océan d'Ânanda, que le jeu des lumières ou des couleurs est la clé qui ouvre les portes de la vision et de l'expérience intérieures, que la
descente qui raidit le corps en une immobilité concentrée est le premier contact de quelque chose qui débouchera sur la présence du Divin. Il n'est pas impatient; il prend grand soin au contraire de ne pas déranger l'évolution qui commence. Assurément certains sâdhak ont des expériences fortes et décisives au début, mais celles-ci sont suivies d'un long labeur accompagné de nombreuses périodes de vide et de nombreuses périodes de lutte.
Il n'y a certes pas lieu de désespérer. La béatitude vient toujours goutte à goutte au début, ou en un ruisselet intermittent. Vous devez persévérer avec bonne humeur et en pleine confiance jusqu'à ce qu'elle se déverse en cascade.
Si vous décidez vraiment, dans toute votre conscience, d'offrir votre être au Divin afin qu'il le modèle comme Il le veut, la plupart de vos difficultés personnelles disparaîtront - je veux dire celles qui subsistent encore - et il ne restera plus que les difficultés mineures de la transformation de la conscience ordinaire en une conscience yoguique, qui sont normales à toute sâdhanâ. Votre difficulté mentale a été tout au long de vouloir modeler la sâdhanâ, la réception des expériences, la réponse du Divin, sur les idées préconçues de votre mental, sans laisser au Divin aucune liberté d'agir ou de se manifester selon Sa vérité et Sa réalité propres et selon les besoins de votre âme et de votre esprit, et non ceux de votre mental et de votre vital. C'est comme si votre vital présentait au Divin un verre multicolore en Lui disant: "Maintenant, verse-toi là-dedans et je t'y enfermerai pour te regarder à travers les couleurs," ou bien, d'un point de vue mental, comme si vous lui offriez de la même manière une éprouvette en disant: "Entre là-dedans et je te soumettrai à des essais pour voir ce que tu es." Mais le Divin recule
devant de tels procédés et Ses objections ne sont pas tout à fait inintelligibles.
Quoi qu'il en soit, je suis heureux que l'expérience soit revenue; c'est le résultat de l'effort que nous avons fait, vous et moi, durant ces derniers jours, et pratiquement cela nous rappelle que la porte d'entrée à l'expérience yoguique est toujours là et peut s'ouvrir au contact approprié. Vous m'avez accusé l'autre jour de m'être trompé au sujet de votre expérience de la respiration accompagnée du nom, et vous m'avez reproché de tirer une grande conclusion d'un très petit phénomène, ce que, soit dit en passant, les hommes de science font quotidiennement sans que votre raison ne soulève la moindre objection. Vous aviez la même idée, je crois, lorsque j'ai reconnu dans vos expériences passées - ce courant et cette descente d'immobilité dans le corps - des signes du yogi en vous. Mais ces idées naissent d'une ignorance du domaine spirituel et de ses phénomènes et montrent seulement l'incapacité de la raison intellectuelle extérieure à jouer le rôle que vous voulez lui faire jouer: celui de juge suprême de la vérité spirituelle et de l'expérience intérieure; incapacité tout à fait naturelle, puisque la raison ne connaît pas même l'abc de ces choses, et que l'on puisse être juge d'une chose à laquelle on ne connaît rien dépasse mon entendement. Je sais que les "hommes de science" le font constamment avec les phénomènes supraphysiques extérieurs à leur domaine: eux qui n'ont jamais eu la moindre expérience spirituelle ou occulte font la loi sur les phénomènes occultes et le yoga; mais cela ne les rend en rien plus raisonnables ou plus excusables. Tout yogi qui sait quelque chose du prânâyâma ou du japa vous dira que le nom qui se répète dans le souffle n'est pas un phénomène mineur, mais qu'il a une grande importance dans ces pratiques, et s'il vient naturellement, cela indique que quelque chose dans l'être intérieur a fait une sâdhanâ de ce genre dans le passé. Quant au courant, c'est le signe habituel d'un premier contact de la conscience supérieure qui se déverse sous la forme d'un cours d'eau (comme l'"onde" de lumière
du physicien) pour se préparer à prendre possession du mental, du vital et du physique dans le corps. De même, l'immobilité et la rigidité du corps dans votre expérience antérieure étaient un signe de la même descente de la conscience supérieure sous sa forme immobile et silencieuse ou dans sa tendance à l'immobilité et au silence. On est parfaitement fondé à conclure que celui qui a ces expériences au début a en lui une aptitude au yoga et la capacité de s'ouvrir, même si l'ouverture est retardée par d'autres mouvements appartenant à sa nature ordinaire. Ces choses font partie de la science du yoga, elles sont aussi familières que les expériences cruciales des sciences de la matière pour le chercheur scientifique.
Quant à l'impression de vous évanouir, c'est simplement parce que vous n'étiez pas endormi, comme vous l'avez imaginé, mais dans un premier état de ce qu'on appelle d'ordinaire swapna-samâdhi, transe de rêve. Ce que vous avez ressenti comme un évanouissement était seulement la tendance à entrer plus profondément au-dedans dans un swapna-samâdhi plus profond, ou encore dans une transe de soushoupti, celle-ci étant ce que le mot "trance" signifie d'ordinaire en anglais, mais on peut aussi l'étendre à la catégorie de la swapna. Pour le mental extérieur, cette perte profonde de la conscience extérieure semble être un évanouissement, bien qu'il ne soit en réalité rien de tel, d'où cette impression. De nombreux sâdhak de l'Ashram ont par moment, et parfois pendant longtemps, ce swapna-samâdhi profond, état qui a commencé comme un sommeil; le résultat en est qu'une sâdhanâ consciente se poursuit pendant qu'ils dorment autant que lorsqu'ils sont éveillés. Ces expériences sont différentes des expériences de rêve que l'on a sur le plan mental ou vital et qui sont non des rêves ordinaires, mais des expériences réelles sur les plans du mental, du vital, du psychique ou du physique subtil. Plusieurs de vos rêves - ceux dans lesquels vous rencontriez la Mère - étaient des expériences de rêve dans le vital, et récemment vous avez eu un contact semblable sur le plan mental; pour
ceux qui comprennent ces choses, cela signifie que la conscience intérieure se prépare dans le mental tout autant que dans le vital et c'est un grand pas en avant.
Vous allez me demander pourquoi cela se produit soit pendant le sommeil, soit dans une méditation intériorisée, et non à l'état de veille. La raison en est double. D'abord, dans le yoga, ces phénomènes commencent d'habitude à apparaître dans un état intériorisé et non à l'état de veille; c'est seulement dans le cas où le mental de veille est prêt, ou lorsqu'il l'est devenu, qu'ils viennent aussi aisément dans l'état de veille. De surcroît, chez vous, le mental de veille s'attachait trop activement aux idées et aux fonctionnements de la conscience extérieure pour que le mental intérieur ait une chance de se projeter dans l'état de veille. Mais c'est par l'intermédiaire de la conscience intérieure, et en premier lieu par le mental intérieur que ces choses viennent; si le passage de l'intérieur à l'extérieur n'est pas dégagé, c'est donc forcément dans les états intérieurs qu'elles apparaissent tout d'abord. Si le mental de veille est soumis ou consacré à la conscience intérieure et accepte de devenir son instrument, alors même dès le début ces ouvertures peuvent venir par l'intermédiaire de la conscience de veille. Cela aussi, c'est une loi bien connue du yoga.
Je puis ajouter que lorsque vous vous plaignez de l'absence de réponse, vous vous attendez sans doute dans l'immédiat à une sorte de manifestation directe du Divin, ce qui, en règle générale - et bien qu'il y ait des exceptions - vient seulement lorsque des expériences antérieures ont préparé la conscience à sentir, comprendre, reconnaître la réponse. D'ordinaire la conscience spirituelle ou divine - ce que j'ai appelé la conscience supérieure - vient d'abord, la présence ou manifestation vient ensuite. Mais cette descente de la conscience supérieure est en réalité le contact ou l'influx du Divin lui-même, bien que de prime abord la nature inférieure ne le reconnaisse pas.
Je ne dis pas que ces expériences soient uniformément sans valeur, mais qu'elles sont si mélangées et si confuses que si on les recherche sans aucun discernement, elles finissent soit par vous fourvoyer - parfois de façon tragique - soit par vous mener dans un néant plein de confusion.
Cela ne signifie pas que toutes les expériences de ce type soient inutiles ou sans valeur. Certaines sont solides et d'autres ne le sont pas; celles qui sont salutaires, conformes à la vérité, sont tantôt des poteaux indicateurs, tantôt des étapes sur le chemin de la réalisation, tantôt la substance et la matière mêmes de la réalisation. Celles-ci, naturellement et à juste titre, on les recherche, on les appelle, on s'efforce de les obtenir ou du moins on s'ouvre dans l'attente confiante qu'elles arriveront tôt ou tard. Vos principales expériences ont peut-être été peu nombreuses ou discontinues, mais je ne peux pas dire qu'elles n'étaient pas solides ou ne vous ont pas aidé. Je dirais que mieux vaut avoir quelques-unes de ces expériences qu'une multitude des expériences de l'autre type. Tout ce que je voulais dire, c'est qu'il ne faut pas se laisser impressionner par la seule abondance des expériences; il ne faut pas croire que cela suffit à faire un grand sâdhak, ni que son absence est nécessairement une infériorité, une déplorable privation ou une carence de la seule chose désirable.
Deux catégories d'événements se produisent dans le yoga: les réalisations et les expériences. Il y a réalisation lorsque la conscience reçoit et que s'y stabilisent les Vérités fondamentales du Divin, de la Nature supérieure ou divine, de la conscience cosmique et du jeu de ses forces, du moi et de sa nature réelle, et de la nature intérieure des choses, et lorsque leur pouvoir grandit en soi au point qu'elles fassent partie de la vie et de l'existence intérieure; comme, par exemple, la réalisation de la Présence divine, la descente et l'établissement de la Paix, de la Lumière, de la Force, de l'Ânanda supérieurs dans la conscience, leurs fonctionnements dans cette conscience, la réalisation de l'amour divin ou spirituel, la perception de notre être psychique, la
découverte de notre être mental vrai, vital vrai, physique vrai la réalisation de la conscience surmentale ou supramentale, la claire perception de la relation de toutes ces choses avec notre présente nature inférieure et leur action sur elle pour la transformer. Cette liste pourrait bien entendu s'allonger indéfiniment. Quand ces choses viennent seulement par éclairs, par bribes, ou en de rares occasions, on les appelle souvent aussi des expériences; on ne les qualifie de réalisations complètes que lorsqu'elles deviennent très positives ou très fréquentes, très continues ou très normales.
Puis il y a des expériences qui aident à la réalisation des choses spirituelles ou divines ou y mènent, qui apportent des ouvertures ou des progrès dans la sâdhanâ, ou sont des soutiens sur le chemin: expériences d'un caractère symbolique, visions, contacts d'un genre ou d'un autre avec le Divin ou les opérations de la Vérité supérieure, comme par exemple l'éveil de la Koundalinî, l'ouverture des chakra, les messages, les intuitions, l'ouverture de pouvoirs intérieurs, etc. Le seul point sur lequel on doit être prudent est de voir si elles sont authentiques et sincères, et cela dépend de votre propre sincérité; car si l'on n'est pas sincère, si l'on accorde plus d'intérêt à satisfaire l'ego, à être un grand yogi, à devenir un surhomme, qu'à rencontrer le Divin ou à acquérir la conscience divine qui vous permettra de vivre dans le Divin ou avec lui, alors un flot de pseudo-expériences ou d'expériences falsifiées s'introduit, on est conduit dans les dédales de la zone intermédiaire, ou on tourne en rond dans les ornières de ses propres formations. Telle est la vérité en la matière.
Alors pourquoi X dit-il que l'on ne doit pas faire la chasse aux expériences, mais seulement aimer et rechercher le Divin? Cela signifie simplement que vous ne devez pas faire des expériences votre but principal, mais que votre seul but doit être le Divin, et si vous agissez ainsi, vous aurez plus de chances de recevoir les expériences vraies et salutaires et d'éviter les fausses. Si quelqu'un recherche principalement
les expériences, son yoga peut devenir un simple abandon aux choses mineures des mondes du mental, du vital, du physique subtil, ou aux choses spirituelles d'importance secondaire; ou il peut faire descendre un tourbillon, un maelström d'expériences mélangées, totalement ou à moitié imitées, et élever un obstacle entre l'âme et le Divin. C'est une règle très judicieuse de la sâdhanâ. Mais toutes ces règles, toutes ces constatations doivent être prises avec un certain sens de la mesure et dans leurs limites appropriées; cela ne signifie pas que l'on ne doive pas faire bon accueil aux expériences salutaires, ou qu'elles n'ont aucune valeur. De même, quand s'ouvre une voie d'expériences solides, il est tout à fait licite de la suivre, sans perdre de vue le but central. Tous les contacts, en rêve ou en vision, qui aident et qui soutiennent, comme ceux dont vous parlez, doivent être acceptés et bien accueillis. Les expériences de la bonne catégorie sont un soutien et une aide vers la réalisation: elles sont sous tous les rapports admissibles.
Ne recherchez pas les expériences avec trop d'ardeur: les expériences, vous pourrez toujours les avoir une fois que vous aurez rompu la barrière entre le mental physique et les plans subtils. Ce à quoi vous devez aspirer le plus, c'est à améliorer la qualité de la conscience réceptrice en vous, à acquérir la discrimination du mental, à jeter sur tout ce qui se passe en vous et autour de vous le regard détaché et impersonnel du Témoin, à atteindre la pureté dans le vital, une calme équanimité, une patience persévérante, une absence d'orgueil et de sentiment de la grandeur, et plus particulièrement à développer l'être psychique en vous: consécration, don de soi, humilité psychique, dévotion. C'est une conscience faite de tout cela, fondue dans ce moule, qui peut sans se briser, sans faire de faux pas ni dévier dans l'erreur, supporter l'irruption des lumières, du pouvoir et des expériences des plans supraphysiques. Une
perfection entière à ces égards n'est guère possible avant que la nature tout entière, depuis le mental supérieur jusqu'au physique subconscient, soit unifiée dans la lumière qui est plus grande que le mental, mais une fondation suffisante et une conscience sans cesse en train de s'observer, vigilante et possédant tout cela de plus en plus est indispensable; car la parfaite purification est la base de la parfaite siddhi.
Ce qu'il faut, dans la sâdhanâ, c'est arriver à une certaine tranquillité du mental intérieur qui rend la méditation fructueuse, ou à une tranquillité du cœur qui crée l'ouverture psychique. C'est seulement par une concentration régulière, une aspiration constante et une volonté de purifier le mental et le cœur de ce qui les trouble et les agite que l'on peut y parvenir. Quand une certaine base a été établie dans ces deux centres, les expériences viennent d'elles-mêmes. Nul doute que de nombreux sâdhak puissent recevoir certaines formes d'expériences: visions, etc., avant que la base soit bien établie, par une sorte d'aptitude mentale ou vitale; mais de telles expériences ne mènent pas à elles seules à la transformation ou à la réalisation: c'est par la tranquillité du mental et l'ouverture psychique que ces objectifs supérieurs peuvent être atteints.
Il faut insister sur trois points:
1) une totale tranquillité et un calme complet du mental et de tout l'être;
2) une poursuite du mouvement de purification décrit dans le post scriptum pour que l'être psychique (l'âme) puisse gouverner toute la nature;
3) le maintien, en toutes conditions et dans toutes les exppériences, de l'attitude d'adoration et de bhakti pour la Mère.
Telles sont les conditions dans lesquelles on peut croître en sécurité à travers toutes les expériences et obtenir un juste déroulement de la réalisation complète sans que l'organisme soit perturbé, ou sans que l'on soit emporté par l'intensité des expériences. Le calme, la pureté psychique, la bhakti et l'humilité spirituelle devant le Divin sont les trois conditions. Vos expériences sont en elles-mêmes justes et salutaires.
Je ne crois pas que vous ayez des raisons d'être insatisfait des progrès que vous avez faits. Nombreux sont ceux à qui les expériences viennent avant que la nature ne soit prête à en tirer pleinement profit; pour d'autres, une période plus ou moins prolongée de purification et de préparation de la substance de la nature ou des instruments vient tout d'abord, tandis que les expériences sont tenues en réserve jusqu'à ce que ce processus soit achevé, dans l'ensemble ou en totalité. Cette dernière méthode, qui semble avoir été adoptée dans votre cas, est la plus sûre et la plus solide des deux. À cet égard il nous paraît évident que vous avez fait un progrès considérable, par exemple dans la maîtrise de la violence, de l'impatience et de la passion qui sont naturelles à l'énergie volcanique de votre tempérament; dans la sincérité aussi, en infléchissant vers une tranquillité et une harmonie plus grandes de l'être dans son ensemble les impulsions tortueuses et vagabondes d'un mental et d'un tempérament actifs à l'extrême. Le processus doit sans aucun doute être achevé, mais quelque chose de très fondamental semble s'être accompli. Il est plus important de considérer votre évolution sous son aspect positif que sous son aspect négatif. Les choses qui doivent s'établir sont: brahmacharyam shamah satyam prashântir âtmasamyamah: brahmacharyam, la' pureté sexuelle complète; shamah, la tranquillité et l'harmonie dans l'être dont les forces doivent être entretenues, mais maîtrisées, harmonisées, disciplinées; satyam, la vérité et la sincérité dans toute la nature; prashânti, un état général
de paix et de calme; âtmasamyamah, le pouvoir et l'habitude de maîtriser tout ce qui a besoin de l'être dans les mouvements de la nature. Quand ces choses sont bien établies, on a posé une fondation sur laquelle on peut faire croître la conscience yoguique, et avec la conscience yoguique vient une ouverture aisée à la réalisation et à l'expérience.
Vous avez eu des expériences qui dénotent une possibilité future. Pour obtenir davantage durant les dix-huit premiers mois, il faudrait avoir l'attitude complète du sâdhak et abandonner celle de l'homme qui vit dans le monde. C'est seulement ainsi que le progrès peut être rapide dès le début.
Tous ces renoncements [à la nourriture, au thé, etc.] sont des choses extérieures qui ont leur utilité; mais ce que je veux dire, [par "attitude complète du sâdhak"] c'est quelque chose de plus intérieur. J'entends par là ne pas s'intéresser aux choses extérieures pour elles-mêmes, ne pas les rechercher par désir, mais être à tout moment attentif à son âme, vivre en ayant pour centre l'être intérieur et son progrès, ne considérer les circonstances et l'action extérieures que comme un moyen de progrès intérieur.
Mais pourquoi être accablé par une abondance d'expériences de n'importe quel ordre? À quoi cela revient-il, après tout? La qualité d'un sâdhak n'en dépend pas: une seule grande réalisation spirituelle directe et centrale fera souvent un grand sâdhak ou un grand yogi, et non une multitude d'expériences yoguiques intermédiaires, ce qui a été amplement prouvé par une foule d'exemples... Vous n'avez par conséquent pas besoin de comparer cette richesse
à votre pauvreté. La seule chose nécessaire est de vous ouvrir à la descente de la conscience supérieure (l'être véritable) et même si elle vient après un long effort et de nombreux échecs, cela vaut mieux qu'un galop fou qui ne mène nulle part.
Dans la sâdhanâ, l'expérience ne peut manquer de commencer par le plan mental; la seule chose nécessaire est que l'expérience soit saine et authentique. La pression de l'entendement et de la volonté dans le mental et l'élan émotionnel du cœur vers Dieu sont les deux premiers agents du yoga, et la paix, la pureté et le calme (avec une trêve de l'agitation inférieure) sont précisément la première base qui doit être posée. Obtenir cela est beaucoup plus important au début que d'entrevoir les mondes supraphysiques ou d'avoir des visions, entendre des voix et obtenir des pouvoirs. La purification et le calme sont de première nécessité dans le yoga. Sans eux, on peut avoir une grande richesse d'expériences de ce genre (mondes, visions, voix, etc.) mais survenant dans une conscience impure et agitée, ces expériences sont le plus souvent pleines de désordre et de mélange.
Au début, la paix et le calme ne sont pas continus; ils viennent et repartent, et d'ordinaire il faut longtemps avant qu'ils s'établissent dans la nature. Il est donc préférable d'éviter l'impatience et de poursuivre résolument ce que l'on fait. Si vous désirez avoir quelque chose en plus de la paix et du calme, que ce soit l'ouverture complète de l'être intérieur et la perception du Pouvoir divin qui travaille en vous. Aspirez à cela avec sincérité et une grande intensité, mais sans impatience, et cela viendra.1
Tout à fait exact. À moins que l'Âdhâr ne soit purifié, ni la vérité supérieure (intuitive, illuminée, spirituelle), ni la vérité
1. Les Bases du Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère.
surmentale, ni la vérité supramentale ne peuvent se manifester; les forces, quelles qu'elles soient, qui en descendent se mêlent à la conscience inférieure et la demi-vérité, ou même parfois une dangereuse erreur, se substitue à la Vérité.
À un certain stade de la sâdhanâ, au début (ou presque) des expériences plus intenses, il arrive parfois que l'on ait l'intense réalisation d'un certain aspect du Divin, une sorte de communion avec cet aspect: on le voit partout et on voit tout comme lui. C'est une phase transitoire; ensuite, on reçoit l'expérience plus vaste du Divin (personnel) dans tous ses aspects et au-delà de tous les aspects. Tout au long de l'expérience, une partie de l'être doit l'observer et la comprendre; quelquefois, en effet, des sâdhak ignorants sont transportés par leur expérience et ne vont pas plus loin, ou se mettent à divaguer. Vous devez considérer cela comme une expérience par laquelle il faut passer.
Les expériences particulières qui vous adviennent en ce moment sont des aperçus de ce qui doit être, de ce qui grandit et s'annonce; elles aident à y préparer la conscience. Il n'est donc pas surprenant qu'elles changent et soient remplacées par d'autres; c'est ce qui se produit d'habitude, car ce ne sont pas ces formes qui doivent se perpétuer, mais l'essence même de ce qu'elles apportent. Ainsi la seule chose qui, maintenant, doit s'accroître le plus est le silence, la tranquillité, la paix, la vacuité libre dans laquelle les expériences peuvent venir, la sensation de fraîcheur et le sentiment de libération. Quand la conscience en sera pleinement possédée, alors un autre élément, essentiel lui aussi à la vraie conscience, y pénétrera, et s'y établira; c'est en général ainsi que les choses se passent. Il n'y a rien d'étrange, par conséquent, à ce que certaines expériences d'un caractère
particulier cessent lorsque vous en avez fait part à la Mère, de vive voix ou par écrit, et soient suivies par d'autres. Quand les formes de réalisation plus permanentes commenceront à apparaître, il n'en sera plus ainsi.
Je ne mets nullement en doute l'intensité personnelle ou le caractère concret de vos expériences intérieures, mais les expériences peuvent être intenses et pourtant très adultérées dans leur vérité et leur caractère. Dans vos expériences, votre propre subjectivité et parfois les poussées de votre ego interviennent dans une large mesure et déterminent leur forme et l'impression qu'elles font sur vous. Si la réaction psychique est pure, la forme donnée à l'expérience a quelque chance d'être la bonne et les mouvements du mental et du vital se présenteront dans leur vraie nature. Sinon le mental, le vital et l'ego conféreront à l'expérience leur coloration, leur tendance, très souvent leur déformation. intensité ne garantit pas la vérité et l'exactitude entières de l'expérience; seule la pureté de la conscience peut donner une vérité et une exactitude entières.
La présence de la Mère est toujours là; mais si vous décidez d'agir par vous-même - selon votre propre idée, votre propre conception des choses, votre propre volonté, votre exigence à l'égard des choses - alors très probablement sa présence se voilera: ce n'est pas elle qui se retirera de vous, c'est vous qui reculerez devant elle. Mais cela, votre mental et votre vital ne veulent pas l'admettre, parce qu'ils se préoccupent sans cesse de justifier leurs propres mouvements. Si vous aviez laissé prédominer le psychique, cela ne serait pas arrivé; il aurait senti le voile, mais aurait dit aussitôt: "Il doit y avoir en moi quelque chose d'erroné, une brume s'est levée en moi"; il se serait observé et aurait découvert la cause.
Il est parfaitement vrai que tant que le don de soi ne sera pas sans réserve à la fois à l'intérieur et à l'extérieur, il y aura
toujours des voiles, des périodes sombres et des difficultés. Mais si le don de soi était sans réserve à l'intérieur, le don de soi sans réserve à l'extérieur suivrait naturellement; si cela ne se produit pas, cela signifie que l'intérieur n'est pas consacré sans réserve; qu'il y a des réticences dans une certaine partie du mental qui insiste pour imposer ses idées et ses conceptions; qu'il y en a dans une certaine partie du vital qui veut imposer ses propres exigences, ses impulsions, ses mouvements, les idées de son ego, ses formations; qu'il y en a dans le physique intérieur qui tient à conserver ses vieilles habitudes de toutes sortes, et tous réclament consciemment, semi-consciemment ou subconsciemment que ces choses soient maintenues, respectées, satisfaites, considérées comme un élément important du travail, de la "création" ou du yoga.
Les expériences sur les plans du mental, du vital et du physique subtil, ou les formations de pensée et les formations vitales, se présentent souvent comme des événements extérieurs concrets; les véritables expériences sont, de la même manière, déformées par des excroissances et des adjonctions mentales et vitales. L'une des premières nécessités, dans notre yoga, est une discrimination et un tact psychique qui distinguent le faux du vrai, mettent chaque chose à sa place et lui donnent sa vraie valeur - ou constatent sa nullité - sans se laisser emporter par l'exaltation du mental ou de l'être vital.
Le simple fait d'avoir des expériences de la conscience supérieure ne transformera pas la nature. Ou bien la conscience supérieure doit, par une descente dynamique, pénétrer l'être tout entier et le transformer; ou bien elle doit
s'établir dans l'être intérieur en descendant jusqu'au physique intérieur, afin que celui-ci se sente séparé de l'être extérieur et soit capable d'agir sur lui en toute liberté; ou encore le psychique doit venir en avant et transformer la nature; ou enfin la volonté intérieure doit s'éveiller et forcer la nature à se transformer. Telles sont les quatre manières dont peut s'opérer la transformation.
Ce qui est difficile dans le yoga, ce n'est pas d'obtenir des expériences ou de parvenir à une réalisation subjective de la Vérité: c'est d'objectiver la Vérité, c'est-à-dire de faire de la conscience extérieure, jusqu'à son niveau le plus matériel, une expression de la Vérité intérieure. Tant que ce n'est pas fait, les attaques de la Nature inférieure peuvent toujours survenir.
La conscience cosmique, la connaissance et l'expérience surmentales sont une connaissance intérieure, mais leur effet est subjectif. Dès lors qu'on les possède on peut être libre dans son âme, mais pour transformer la nature extérieure il faut quelque chose de plus.
Subjectif ne veut pas dire faux. Cela signifie seulement que l'on a l'expérience de la Vérité au-dedans, mais que cette Vérité n'a pas encore pris en main les relations dynamiques avec l'existence extérieure. C'est une expérience intérieure de la conscience cosmique et de la connaissance surmentale.
Je vous ai déjà dit un jour que vos expériences sont subjectives, et dans le domaine subjectif elles sont en substance
correctes, en tant que telles. Mais pour entrer dans le surmental, l'expérience subjective ne suffit pas. Il faut d'abord avoir suffisamment appliqué l'intuition et le surmental à la vie.
Qu'entendez-vous par vrai? Vous avez une expérience subjective qui appartient à un plan supérieur de conscience. Quand vous descendez, vous descendez avec elle dans le matériel et vous voyez toute l'existence dans la vérité de cette conscience, tout comme celui qui, lorsqu'il a la vision du Divin partout, voit tout, jusqu'au monde matériel en bas, comme le Divin.
Cela se produit ainsi dans la conscience subjective du sâdhak. Évidemment cela ne signifie pas que le monde tout entier, la conscience de chacun devienne la même... Si votre expérience était objective, cela voudrait dire que le monde aurait changé, que tous seraient devenus conscients, qu'il n'y aurait ni chagrin ni souffrance nulle part. Le monde matériel n'a pas changé objectivement de la sorte, cela va sans dire; seulement dans votre conscience, subjectivement, vous voyez le Divin partout, toute disharmonie disparaît, le chagrin et la souffrance deviennent impossibles, au moins à ce moment-là: c'est une expérience subjective.
Cela dépend de ce que vous entendez par subjectif et objectif. La Connaissance et l'Ignorance sont, par nature, subjectives. Mais du point de vue personnel, la Force d'Ignorance peut se manifester comme quelque chose d'objectif, d'extérieur à soi, de sorte que même si l'on a soi-même la Connaissance, on ne peut pas éliminer l'Ignorance alentour. Puisqu'il en est ainsi, l'Ignorance n'est pas simplement une
force subjective que l'on a en soi, elle est là dans le monde.
C'était, semble-t-il, une série d'expériences des divers bhâva de la bhakti, et elle n'est venue que pour donner une expérience ou pour diversifier la bhakti. Ces expériences sont bien entendu purement subjectives, elles ont pour objet d'éduquer la conscience et n'ont aucune valeur précise pour la manifestation elle-même. Elles ont simplement pour but l'expérience et la connaissance subjectives.
La lumière dorée est en général une lumière qui vient du supramental, une lumière de la Connaissance-de-Vérité (parfois, cela peut être la Connaissance-de-Vérité supramentale changée en vérité surmentale ou intuitive). L'orangé indique souvent un pouvoir occulte. Vous avez un puissant pouvoir de formation créatrice (subjective), principalement, je crois, dans le mental, mais aussi en partie sur le plan vital. Ce genre de faculté formatrice peut être utilisée à des fins objectives, si elle s'accompagne d'une connaissance solide des forces occultes et de leur fonctionnement; prise isolément, cependant, son résultat le plus fréquent est que l'on se construit son propre monde intérieur où l'on peut vivre entièrement satisfait, tant que l'on vit en soi-même et à l'écart de tout contact étroit avec la vie physique extérieure; mais elle ne résiste pas à l'épreuve de l'expérience objective.2
Dans chaque plan il y a un aspect objectif et un aspect subjectif. Le plan physique et la vie physique ne sont pas les seuls à être objectifs.
Quand on a le pouvoir de formation dont je parlais, tout ce qui est suggéré au mental, le mental en fabrique et en
2. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
établit une forme en lui-même. Mais ce pouvoir est à double tranchant: il peut induire le mental à construire de simples images de la réalité et à les prendre pour la réalité elle-même. C'est l'un des nombreux dangers d'un mental trop actif.
Vous faites une formation en vous-même, dans votre mental ou sur le plan vital: c'est une sorte de création, mais elle est seulement subjective; elle n'affecte que votre propre être mental ou vital. À l'aide d'idées, de formes de pensée, d'images, vous pouvez créer tout un monde, en vous-même ou pour vous-même; mais cela ne va pas plus loin.
Certains ont le pouvoir de faire consciemment des formations qui sortent et affectent les autres: leur mental, leurs actions, leurs mouvements vitaux, leur vie extérieure. Ces formations peuvent être destructrices autant que créatrices.
Il y a enfin le pouvoir de faire des formations qui deviennent des réalités effectives ici-bas, dans la conscience terrestre, dans son mental, sa vie et son existence physique. C'est ce que nous entendons d'ordinaire par création.3
La réalisation mentale est utile au début et prépare l'expérience spirituelle.
Elle peut aussi aider au début, mais elle peut également retarder. Cela dépend des sâdhak.
L'expérience de Wordsworth était elle aussi mentale. Les expériences mentales sont bien entendu une bonne préparation, mais en s'arrêtant là on reste bien loin de la vraie chose.
3. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
[La réalisation du Divin dans le mental] C'est une certaine sorte de cognition vivante qui comprend deux parties: dans la pensée, une perception vivante qui s'élève jusqu'à l'intuition ou la révélation et, dans la substance du mental, le vif sentiment mental et la reproduction de ce qui est ainsi connu. Ainsi le mental sent l'Un en tous, le voit, le réalise par une sorte de sens mental intérieur. La réalisation spirituelle est plus concrète: on a la connaissance par une sorte d'identité jusque dans la substance de soi-même.
On ne peut le savoir que par expérience. La perception mentale et la réalisation mentale sont deux choses différentes: la première est seulement une idée, dans la seconde le mental reflète ou reproduit la vérité dans sa substance même. L'expérience spirituelle est plus que l'expérience mentale: elle se déroule dans la substance même de l'être.
La perception mentale du Divin n'est pas identique à sa réalisation spirituelle; de même, le sentiment vital ou mental de l'unité n'a ni le même caractère essentiel, ni le même effet que la réalisation spirituelle de l'unité. La conscience d'un plan est différente de la conscience d'un autre plan. L'amour spirituel et l'amour psychique sont différents de l'amour mental, vital ou physique; ainsi en est-il de tout le reste. Il en est de même de la perception de l'unité et de ses conséquences. C'est pourquoi les différents plans ont leur importance; sinon leur existence n'aurait pas de signification.
Votre expérience est le début de la réalisation fondamentale et décisive qui transporte la conscience hors du mental limité dans la vraie vision spirituelle, dans l'expérience
spirituelle véritable où tout est un et tout est le Divin. C'est cette expérience constante et vivante qui est la vraie fondation de la vie spirituelle. On ne peut douter de sa vérité et de sa valeur, car elle est de toute évidence vivante et dynamique et elle va bien au-delà d'une réalisation mentale. Divers aspects pourront s'y adjoindre plus tard, mais vous avez maintenant la réalisation essentielle et fondamentale. Quand elle devient permanente, on peut dire que l'on est sorti du demi-jour du mental pour entrer dans la Lumière de l'Esprit.
Ce que vous devez faire maintenant, c'est permettre à la réalisation de croître et de se développer. Les mouvements nécessaires viendront probablement d'eux-mêmes, comme ceux-ci sont venus, pourvu que votre volonté reste une et fidèle à la Lumière et à la Vérité. Elle vous a déjà guidé vers la prochaine étape: cessation du flot de la pensée, silence du mental intérieur. Une fois cela acquis, il est probable que la paix, la libération, l'immensité s'établiront. Le besoin de simplicité et de transparence que vous ressentez est aussi un mouvement vrai qui vient du même guide intérieur. C'est nécessaire pour que l'élément divin intérieur le plus profond, derrière le mental, la vie et le corps, vienne pleinement au premier plan; quand ce sera fait, vous pourrez devenir conscient du guide intérieur en vous et d'une Force qui agit pour la transformation spirituelle complète. Cette simplicité, on l'acquiert en se séparant des mouvements multiples et tortueux du mental et du vital qui mènent l'être dans toutes les directions: on l'acquiert par une tranquillité, un détachement dans le cœur qui orientent l'être uniquement vers la Vérité unique et la Lumière unique jusqu'à ce qu elles prennent en charge la totalité de l'être et de la vie.
Placez votre confiance en la grâce de l'Unique, du Divin qui déjà vous a touché et vous a ouvert sa porte, et reposez-vous sur elle pour tout ce qui doit venir.
J'ai lu le récit des expériences de X. Il en ressort qu'il a, jusqu'à un certain point, pris un bon départ et qu'il a été capable d'établir un commencement de calme mental et une sorte d'ouverture psychique, mais ni l'un ni l'autre n'a pu jusqu'à présent aller bien loin. La raison en est sans doute qu'il a tout fait par une vigoureuse maîtrise mentale et en forçant les mouvements mentaux, émotifs et vitaux à se calmer, mais qu'il n'a pas encore établi le véritable calme spirituel qui ne peut venir que par l'expérience de l'être supérieur au-dessus du mental, ou par la soumission à cet être supérieur. C'est ce qu'il doit acquérir pour jeter les bases d'un progrès plus substantiel.
1. Il a raison de penser que le calme et le silence intérieurs doivent être la base non seulement du travail extérieur, mais aussi de toutes les activités intérieures et extérieures. Mais obtenir un intellect tranquille dans le silence mental ou l'inaction ne suffit pas, bien que ce soit utile dans les premiers stades. Le calme mental doit être transformé d'abord en une paix spirituelle plus profonde, shânti, et ensuite en un calme et un silence supramentaux pleins de la lumière et de la force supérieures et pleins que En outre il ne suffit pas de tranquilliser le mental seul. La conscience vitale et physique doit s'ouvrir et là aussi, la même fondation doit être établie. De plus l'esprit de dévotion dont il parle ne doit pas être un simple sentiment mental, mais une aspiration, venue du fond du cœur et de la volonté, à la vérité au-dessus, une aspiration à ce que l'être s'élève pour pénétrer dans cette vérité, et qu'elle descende et gouverne toutes les activités.
2. Le vide qu'il ressent dans le mental est souvent la condition nécessaire pour qu'il soit débarrassé de ses mouvements ordinaires afin de pouvoir s'ouvrir à une conscience plus haute et à une expérience nouvelle, mais en lui-même ce vide est purement négatif; c'est un calme mental qui ne contient rien de positif et si l'on ne va pas plus loin, l'apathie et l'inertie dont il se plaint apparaissent inévitablement. Il a besoin de s'ouvrir, dans ce vide et ce silence du mental, à
l'action du pouvoir, de la lumière et de la paix supérieures au-dessus du mental, d'attendre cette action ou de l'appeler.
3. La survivance des habitudes perverses dans le sommeil est facile à expliquer et appartient à l'expérience courante. C'est une loi psychologique bien connue que tout ce qui est réprimé dans le mental conscient subsiste dans l'être subconscient et réapparaît soit à l'état de veille, lorsque cesse la contrainte, soit dans le sommeil. La maîtrise mentale ne peut, à elle seule, rien extirper définitivement de l'être. Le subconscient de l'homme ordinaire comprend la plus grande partie de l'être vital et du mental physique ainsi que la conscience corporelle cachée. Pour opérer une transformation véritable et complète, on doit rendre conscientes toutes ces parties de l'être, voir clairement les choses qu'elles contiennent encore et les rejeter, couche après couche, jusqu'à ce qu'elles aient été entièrement éliminées de l'existence personnelle. Même alors elles peuvent subsister dans les forces universelles environnantes et de là, s'attaquer de nouveau à l'être; c'est seulement lorsqu'aucune partie de la conscience ne réagit plus à ces forces du plan inférieur que la victoire et la transformation sont absolument complètes.
4. Selon son expérience, chaque fois qu'il remporte une victoire sur le plan mental, les forces du karma passé - c'est-à-dire, en réalité, les forces de l'ancienne nature - l'attaquent de nouveau avec une vigueur redoublée. Cette expérience est elle aussi fréquente. L'explication psychologique en est donnée au paragraphe précédent. Toute tentative de transformation de l'être est une bataille contre des forces universelles qui ont longtemps régné et il est vain de s'attendre à les voir abandonner la lutte dès la première défaite. Aussi longtemps qu'elles le peuvent, elles cherchent à garder leur empire et même lorsqu'elles seront rejetées, elles essaieront, tant qu'il y aura la moindre chance de réaction dans l'être conscient ou subconscient, de réapparaître et de reconquérir leur emprise. Il est inutile de se laisser décourager par ces attaques. Ce qu'il faut faire, c'est
veiller à les rendre de plus en plus extérieures et leur refuser tout assentiment jusqu'à ce qu'elles faiblissent et s'estompent. Non seulement le Chitta et la Bouddhi doivent refuser leur consentement, mais aussi les parties inférieures de l'être: vital et physique vital, mental physique et conscience corporelle.
5. Les défauts du mental récepteur et de la Bouddhi discriminatrice dont il parle sont habituels à l'intellect et l'on ne peut s'en débarrasser entièrement tant que l'action intellectuelle n'est pas remplacée par une action supra-intellectuelle plus haute, et finalement par la lumière harmonisante de l'être supramental.
Venons-en aux expériences psychiques. La région de gloire qu'il a sentie au sommet de la tête n'est que le contact ou le reflet du soleil supramental au niveau de la partie supérieure du mental. Le mental et l'être doivent s'ouvrir tout entiers à cette lumière qui doit descendre et emplir tout l'organisme. L'éclair et le courant électrique sont la force d'Agni (vaïdyouta} du soleil supramental, qui atteint le corps et essaie de s'y déverser. Les autres signes sont des promesses d'expériences futures, psychiques et autres. Mais rien de tout cela ne peut s'établir avant l'ouverture aux forces supérieures. Le yoga mental ne peut être qu'une préparation à ce nouveau départ plus vrai.
Je me suis borné à expliquer ses expériences, mais il me semble qu'il a suffisamment avancé pour jeter les bases préparatoires au yoga supérieur. S'il veut le faire, il doit remplacer sa maîtrise mentale par une croyance en la Présence et la Force du Suprême au-dessus du mental et par une soumission à cette Présence et à cette Force, par une aspiration dans le cœur, accompagnée d'une volonté dans le mental supérieur, à la vérité suprême et à la transformation de tout l'être conscient par la descente et le pouvoir de cette vérité. Il doit, dans sa méditation, s'y ouvrir silencieusement et appeler la descente, d'abord d'un calme et d'un silence profonds, puis de la force d'au-dessus qui agit dans tout l'organisme, et enfin de la gloire supérieure dont il a eu un
aperçu, pour qu'elle se déverse dans tout son être et l'illumine du mouvement de vérité du Divin.
Oui, tant que l'attitude est mentale, elle est peu solide parce qu'elle est imposée à la nature: la direction et la maîtrise émanent du mental. Mais avec l'expérience spirituelle, la conscience commence à changer dans sa substance même; par ce changement, à mesure qu'il se stabilise et se confirme, commence naturellement ce que nous appelons la transformation de la nature.
Non, cette expression ["substance de la conscience"] veut simplement dire la conscience elle-même.
À mesure que l'expérience yoguique se développe, la conscience est ressentie comme une chose tout à fait concrète où se produisent des mouvements et des formations qui sont ce que nous appelons pensées, sentiments, etc.
Votre sentiment est tout à fait juste. Toute expérience spirituelle est une expérience de substance: la conscience et même que sont ressentis comme quelque chose de substantiel. Il est vrai aussi que ce qui ressent est quelque chose de plus profond que le mental; c'est le mental qui convertit les réalités concrètes en abstractions.
Ces inconvénients de la connaissance mentale existent, indubitablement. Mais je doute que quiconque puisse se simuler mentalement l'expérience de l'Un partout ou le déversement de la paix. On peut prendre une première
réalisation mentale pour la réalisation spirituelle profonde ou croire que la descente a eu lieu dans le physique alors que c'était le mental qui influençait le corps au moyen de l'enveloppe mentale du corps subtil; mais ceux qui n'ont aucune connaissance mentale peuvent aussi s'y méprendre. Le désavantage, pour celui qui n'a pas de connaissance mentale, est qu'il reçoit l'expérience sans la comprendre, ce qui peut constituer un obstacle ou retarder le développement; il ne rectifierait pas aussi aisément une erreur qu'une personne mentalement plus éclairée.
D'ordinaire, ils [ceux qui n'ont pas la connaissance mentale du Moi universel] le ressentent d'abord par l'intermédiaire du psychique, par l'union avec la Mère, et ne l'appellent pas le Moi; ou alors ils ressentent simplement une immensité et une paix dans la tête ou dans le cœur. La connaissance mentale préalable n'est pas indispensable. Dans plus d'un cas, j'ai vu des sâdhak recevoir la réalisation du Brahman et demander: "De quoi s'agit-il?", tout en la décrivant avec beaucoup de vivacité et d'exactitude, mais sans employer aucun des termes consacrés.
Alors que je venais d'écrire ces quelques lignes, j'ai reçu une lettre d'une sâdhikâ qui me dit: "Je vois ma tête devenir très calme, pure, lumineuse, universelle, vishvamaya." Eh bien, c'est le commencement de la réalisation du Brahman universel: c'est le Moi dans le mental, mais si je lui parlais en ces termes elle ne comprendrait rien.
Même les expériences que l'on imagine (si on les imagine honnêtement) peuvent aider à la réalisation mentale, et la réalisation mentale peut être un pas vers la réalisation totale.
Lorsqu'on vit dans le mental physique, la seule manière de s'en échapper, c'est l'imagination. Soit dit en passant, c'est la raison pour laquelle la poésie, l'art, etc. ont une telle emprise. Mais ces imaginations sont souvent, en réalité, des ombres de l'expérience supraphysique, et dès que la barrière du mental physique est brisée ou même légèrement entr'ouverte, les expériences elles-mêmes viennent, si le tempérament s'y prête. De là naissent les visions et autres phénomènes similaires, tous ceux que l'on appelle à tort des phénomènes psychiques.
Quant à la prière, aucune règle stricte ne peut être fixée. Certaines prières reçoivent une réponse, mais pas toutes. Alors, me demanderez-vous, pourquoi toutes les prières ne sont-elles pas exaucées? Mais pourquoi faudrait-il qu'elles le soient? Ce n'est pas un mécanisme: introduisez une prière dans la fente et vous aurez ce que vous demandez. Par ailleurs, étant donné le nombre de choses contradictoires pour lesquelles l'humanité prie au même moment, Dieu serait dans une position plutôt inconfortable s'il devait les exaucer toutes; cela ne marcherait pas.
La purification du cœur qui était l'objet de vos efforts n'a rien d'impossible et quand le cœur est purifié, d'autres choses qui semblaient impossibles auparavant deviennent faciles, même la consécration intérieure qui vous paraît maintenant impraticable.
Si l'humilité et la résignation sont fermement établies dans le cœur, d'autres choses, comme par exemple la confiance, viennent naturellement par la suite. C'est une expérience fréquente. Une fois établis la lumière et le bonheur du psychique, ces bienfaits qu'apportent l'humilité et la résignation, il est difficile à d'autres forces d'obscurcir cet état et il leur est impossible de l'anéantir. C'est l'expérience générale.
La purification et la consécration sont deux grandes nécessités de la sâdhanâ. Ceux qui ont des expériences avant d'être purifiés courent un grand risque: il vaut beaucoup mieux avoir d'abord le cœur pur, car alors la voie devient sûre. C'est pourquoi je recommande de procéder d'abord à la transformation psychique de la nature, car elle entraîne la purification du cœur, son orientation entière vers le Divin, 1g soumission du mental et du vital à la domination de l'être intérieur, de l'âme. Quand l'âme est au premier plan, on reçoit toujours du dedans la bonne indication de ce qu'il faut faire, de ce qu'il faut éviter, de ce qui est faux et de ce qui est juste dans la pensée, le sentiment, l'action. Mais cette indication intérieure émerge de plus en plus, à mesure que la conscience se fait de plus en plus pure.
Chez X, la pierre d'achoppement était l'ambition, l'orgueil, la vanité, le désir de devenir un grand yogi doté de pouvoirs occultes. Faire descendre des pouvoirs occultes dans un mental, un cœur et un corps non purifiés... vous pouvez certes vous y essayer, si vous voulez danser au bord d'un précipice; ou bien si vous avez pour but de devenir non pas un être spirituel, mais un occultiste; car alors vous pourrez suivre les méthodes appropriées et recevoir l'aide des puissances occultes. Par contre, vous pouvez faire descendre les vraies forces et les vrais mystères occultes et spirituels, ou ils peuvent descendre sans que vous les ayez appelés, à condition que cela soit subordonné au seul véritable objectif qui est la recherche du Divin, et que cela fasse partie du plan divin en vous. Les pouvoirs occultes, pour l'homme spirituel, ne peuvent être autre chose qu'un ensemble d'instruments à la disposition du Pouvoir divin; ils ne peuvent être ni le but, ni l'un des buts de la sâdhanâ. Beaucoup de gens ont l'habitude de faire le yoga selon leurs propres idées, sans se soucier de la direction du Gourou, dont par ailleurs ils attendent une entière protection et le succès dans la sâdhanâ, même s'ils gambadent ou caracolent dans les pires sentiers.
Par méthodes subtiles, je voulais dire les procédés
psychologiques, non mécaniques, par exemple la concentration dans le cœur, la consécration, la purification, la transformation de la conscience opérée par des moyens intérieurs. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de transformation extérieure: la transformation extérieure est nécessaire niais comme une partie de la transformation intérieure. S'il y a. au-dedans, de l'impureté ou de l'insincérité, la transformation extérieure ne se fera pas, mais si le travail intérieur est sincère, la transformation extérieure y contribuera et accélérera le processus... Le plus important, pour la purification du cœur, est une sincérité absolue. Ne pas se jouer la comédie à soi-même, ne rien cacher au Divin, ni à soi-même, ni au Gourou, regarder en face ses propres mouvements, avoir une volonté droite de les rectifier. Le temps que cela prend importe peu; on doit être prêt à faire de la recherche du Divin la tâche de toute sa vie. Purifier le cœur est après tout un accomplissement assez considérable et il ne sert à rien de se laisser abattre, de se désespérer, etc., parce qu'on trouve en soi des choses qui ont encore besoin d'être changées. Si l'on conserve la vraie volonté et la vraie attitude, les intuitions ou les indications intérieures commenceront à augmenter, à devenir claires, précises, indubitables, et la force de les suivre croîtra aussi: et alors avant même que vous ne soyez content de vous-même, le Divin sera content de vous et commencera à retirer le voile par lequel il se protège et protège ceux qui le cherchent contre "ne possession prématurée et périlleuse de la plus grande chose à laquelle l'humanité puisse aspirer.
Cette tendance automatique est un bon signe, car elle indique que c'est l'être intérieur qui, en s'ouvrant à la Vérité, cherche à hâter les transformations nécessaires.
Comme vous le dites, c'est parce qu'on ne parvient pas à adopter l'attitude juste que l'on ne peut triompher des épreuves pour s'acheminer vers une transformation de la
nature. L'urgence de ce changement de caractère devient maintenant plus pressante, plus encore que le besoin d'une expérience yoguique décisive; car si l'expérience vient, elle ne parvient pas à être décisive parce que le changement de nature requis n'a pas été opéré. Le mental, par exemple reçoit l'expérience de l'Un en tous, mais le vital ne peut pas suivre parce qu'il est dominé par la réaction et les motivations de l'ego, ou parce que les habitudes de la nature extérieure entretiennent une certaine manière de penser, de sentir, d'agir, de vivre qui est en désaccord total avec l'expérience. Ou bien le psychique et une partie du mental et de l'être émotif se sentent souvent proches de la Mère, mais le reste de la nature n'est pas offert et va son propre chemin en prolongeant la séparation d'avec Elle, en créant la distance. Cela ne suffit pas, et il est grandement nécessaire que cela change.
Je ne sais pas ce qu'a dit X ni dans quel article, je ne l'ai pas sous la main. Mais s'il déclare que nul ne peut avoir une méditation réussie ni réaliser quoi que ce soit avant d'être pur et parfait, je ne puis le suivre: c'est contraire à mon expérience. J'ai toujours eu la réalisation d'abord en méditation, et la purification commençait après, elle en était la conséquence. J'ai vu de nombreux sâdhak obtenir des réalisations importantes et même fondamentales en méditation, alors qu'on ne pouvait pas dire qu'ils étaient intérieurement très développés. Les yogis dont les méditations ont été fructueuses et qui ont obtenu de grandes réalisations dans leur conscience intérieure ont-ils tous une nature parfaite? Il ne me semble pas. Je ne puis ajouter foi aux généralisations absolues dans ce domaine, parce que le développement de la conscience spirituelle est une affaire extrêmement vaste et complexe où toutes sortes de choses peuvent arriver, et l'on pourrait presque dire que pour chacun c'est différent selon sa nature et que rien n'est essentiel sinon l'appel intérieur, l'aspiration et la persévérance à les suivre jusqu'au bout,
quel que soit le temps requis, quels que soient les obstacles et les difficulté, parce que rien d'autre ne satisfera l'âme au-dedans de nous.
Il est tout à fait vrai qu'une certaine dose de purification est indispensable pour avancer et que plus la purification est complète, mieux cela vaut, parce qu'alors les réalisations, quand elles commencent à venir, peuvent suivre leur cours sans grandes difficultés ni reculs importants et sans aucune possibilité de chute ni d'échec. Il est vrai aussi que pour beaucoup de sâdhak, la purification est la première nécessité" certaines choses doivent être écartées du chemin avant que l'on puisse avoir une expérience intérieure suivie. Mais la principale nécessité est une certaine préparation de la conscience, afin qu'elle soit capable de répondre de plus en plus librement à la Force supérieure. Dans cette préparation beaucoup de choses sont utiles: la poésie et la musique que vous pratiquez peuvent vous aider, car elles agissent comme une sorte de shravana4 et de manana5 et même, si le sentiment suscité est intense, comme une sorte de nididhyâsana6 naturel. La préparation psychique, le balayage des formes les plus grossières de l'ego mental et vital, l'ouverture du mental et du cœur au Gourou et bien d'autres choses encore aident énormément: le préliminaire indispensable n'est pas la perfection ni la libération complète à l'égard des dualités ou de l'ego, c'est l'état de préparation, une certaine capacité de l'être intérieur qui permet de réagir et de recevoir sur le plan spirituel.
Il n'y a donc aucune raison de prendre pour parole d'évangile ces exigences qui ont pu être bonnes pour X sur le sentier qu'il a emprunté, mais ne peuvent être imposées a tous; la loi de l'Esprit n'est ni si contraignante, ni si inexorable.
4. Écoute; l'action de se recueillir et de réfléchir.
5. L'action de penser.
6. Contemplation fixe, position stable du mental absorbé dans son "objet.
Il y a un ou deux jours, X a eu l'expérience de l'ascension au-dessus de la tête, de l'immensité de paix et de joie de l'Infini (dans l'oubli du corps et de la sensation de ses limites) et aussi de la descente jusqu'au Moûlâdhâra. Elle n'en connaît ni la terminologie, ni la technique, mais sa description minutieuse et pleine de détails ne laisse aucun doute. Trois ou quatre autres sâdhak ont eu récemment la même expérience; nous pouvons donc supposer que la Force n'agit pas complètement en vain, puisque cette expérience est une affaire sérieuse considérée, lorsqu'elle devient stable, comme le sommet des anciens yogas; pour nous, elle n'est que le début de la transformation spirituelle. Bien que cela soit confidentiel, je vous le raconte pour vous faire comprendre que les défauts et les obstacles intérieurs de la nature ou une attitude apparemment non yoguique ne signifient pas forcément qu'une personne ne peut pas faire la sâdhanâ ou ne la fait pas.
C'est une erreur de trop s'appesantir sur la nature inférieure et ses obstacles; c'est seulement le côté négatif de la sâdhanâ. Il faut les voir et les purifier, mais s'en préoccuper comme de la seule chose importante n'apporte aucune aide. Le côté positif de l'expérience de la descente est ce qui importe le plus. Si l'on devait attendre que la nature inférieure soit entièrement et définitivement purifiée avant de solliciter la descente de l'expérience positive, on pourrait attendre à jamais.
Il est vrai que plus la nature inférieure est purifiée, plus la descente de la Nature supérieure est facile; mais il est également vrai - sinon davantage - que plus la Nature supérieure descend, plus la nature inférieure est purifiée. Ni la purification complète ni la manifestation parfaite et permanente ne peuvent se produire tout d'un coup; c'est une affaire de temps et de progrès patient. L'une et l'autre, purification et manifestation, avancent de pair et deviennent
de plus en plus fortes en s'aidant mutuellement. Tel est le cours habituel de la sâdhanâ.7
Transformer la nature n'est pas facile et prend toujours du temps, mais s'il n'y a pas d'expérience intérieure, pas d'émergence graduelle de l'autre conscience plus pure qui est dissimulée par toutes ces choses que vous voyez maintenant, ce serait presque impossible même pour la volonté la plus forte. Vous dites que vous devez d'abord vous débarrasser de tout cela et ensuite avoir les expériences intérieures. Mais comment le faire? Tout cela: colère, jalousie, désir, c'est la substance même de la conscience vitale ordinaire de l'homme. Elle ne pourrait pas être transformée s'il n'y avait, plus profondément au-dedans, une conscience d'un tout autre caractère. Il y a en vous un être psychique qui est divin, qui est directement une partie de la Mère, pur de tous ces défauts. Il est recouvert et dissimulé par la conscience et la nature ordinaires, mais quand il se dévoile et peut venir au premier plan pour gouverner l'être, alors il transforme la conscience ordinaire, jette au-dehors tous ces éléments non divins et transforme complètement la nature extérieure. C'est pourquoi nous voulons que les sâdhak se concentrent et ouvrent cette conscience cachée: par la concentration, de quelque sorte qu'elle soit, et par les expériences qu'elle apporte, on s'ouvre et on devient conscient au-dedans, la conscience et la nature nouvelles commencent a grandir et à émerger. Bien entendu nous voulons aussi ils fassent usage de leur volonté et rejettent les désirs et les mouvements faux dû vital, car c'est ce qui permet à la vraie conscience d'émerger. Mais le rejet ne peut à lui seul réussir; c'est par le rejet accompagné de l'expérience et de la croissance intérieures que cela peut être fait.
Vous dites que toutes ces choses se dissimulaient en vous. Non; elles n'étaient pas enfouies profondément, elles
7. Lumières sur le Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère.
étaient dans la nature extérieure, dans la nature de surface seulement vous n'en étiez pas suffisamment conscient, parce que l'autre conscience, la conscience véritable, ne s'était pas ouverte et développée en vous. Maintenant, grâce aux expériences que vous avez eues, le psychique a grandi peu à peu et c'est à cause de cette nouvelle conscience psychique que vous êtes capable de voir clairement tout ce qui doit être éliminé. Le vital avait tellement l'habitude de ces choses qu'elles ne s'en vont pas tout de suite, mais maintenant il faudra qu'elles partent, parce que votre âme veut s'en débarrasser et devient plus forte en vous. Vous devez donc à la fois vous servir de votre volonté, aidée par la force de la Mère, pour vous en débarrasser, et poursuivre vos expériences psychiques intérieures; c'est par les deux ensemble que tout sera fait.
Une fois que ces expériences ont commencé, d'ordinaire elles se répètent, que la condition générale soit bonne ou non. Mais naturellement elles ne peuvent opérer un changement radical avant de s'être stabilisées et d'être devenues normales pour tout l'être ou au moins sa partie intérieure. Dans ce dernier cas, les anciens mouvements peuvent encore se produire, mais on les ressent comme quelque chose de tout à fait superficiel et la sâdhanâ se développe malgré eux. Il ne s'agit pas d'être bon ou méchant. Si l'être s'est ouvert, ne serait-ce que dans l'une de ses parties, les expériences viennent.
Oui, c'est ainsi en vérité que les choses fonctionnent- D'abord l'état qui doit s'établir vient avec difficulté et est ressenti comme anormal, comme une expérience que l'on perd facilement; ensuite il vient de lui-même, mais n'est pas encore durable; enfin il devient fréquent et intrinsèque à
l'être et se fait constant et normal. Par ailleurs toutes les confusions, toutes les erreurs autrefois habituelles à la nature sont expulsées; d'abord elles réapparaissent souvent, mais ensuite elles deviennent à leur tour anormales et étrangères à la nature, se font moins fréquentes et finissent par disparaître.
Les hauts et les bas dont vous parlez sont communs à toutes les voies de yoga. Il y en a sur le chemin de la bhakti, mais on rencontre aussi ces alternances entre les états de lumière et les états d'obscurité, parfois d'une obscurité totale et prolongée, lorsqu'on suit le chemin de la connaissance. Ceux qui ont des expériences occultes connaissent des périodes où toutes les expériences cessent et semblent même terminées à jamais. Même si les réalisations ont été nombreuses et permanentes, elles semblent partir derrière le voile et ne rien laisser en façade sinon un engourdissement neutre qui n'est rempli, le cas échéant, que d'attaques et de difficultés répétées. Ces alternances résultent de la nature de la conscience humaine et ne sont pas la preuve d'une inaptitude ou d'une prédestination à l'échec. On doit y être préparé et les franchir. Elles sont "le jour et la nuit" des mystiques védiques.
Quant à la consécration, chacun a sa propre manière de s'en approcher; mais si elle est due à la peur, aux "convenances" ou au sens du devoir, alors elle n'a certes rien d'une consécration: tout cela n'a rien à voir avec la consécration. De surcroît la consécration complète et totale n'est pas si facile que certains semblent l'imaginer. Il y a toujours de vastes et nombreuses réticences; même si l'on n'en est pas conscient, elles existent. C'est par un amour et une bhakti complets que la consécration complète vient le plus aisément. La bhakti, au contraire, peut commencer sans soumission, mais à mesure qu'elle prend forme elle y conduit naturellement.
Vous avez assurément tort de penser que la difficulté que vous éprouvez à abandonner vos convictions intellectuelles est une pierre d'achoppement qui vous est particulière, à vous plus qu'à d'autres. L'attachement à ses propres idées et convictions, l'obstination à les conserver sont fréquents. Ils peuvent être éliminés par une lumière de connaissance venue d'en haut qui vous apporte le contact direct de la Vérité ou son expérience lumineuse et qui, en retirant toute valeur aux opinions, aux idées ou aux convictions purement intellectuelles, en abolit la nécessité, ou par une conscience juste qui apporte avec elle les idées justes, le sentiment juste, l'action juste et le juste tout le reste. Ou alors cela doit venir par une humilité spirituelle et mentale qui est rare dans la nature humaine, surtout l'humilité mentale, car le mental est toujours prompt à penser que ses idées, vraies ou fausses, sont justes. Plus tard c'est la croissance psychique qui rend cette consécration possible également, et elle aussi vient plus facilement par la bhakti. De toute façon l'existence de cette difficulté n'est pas en elle-même un bon argument pour prédire l'échec dans le yoga.
La raison des fluctuations dont vous vous plaignez est qui telle est la nature de la conscience: après une brève période d'éveil, elle ressent le besoin de dormir un peu. Très souvent, au début, les périodes d'éveil sont courtes, les périodes de sommeil longues; puis elles tendent à s'égaliser et plus tard, les périodes de sommeil deviennent de plus en plus courtes. Une autre raison de ces fluctuations, quand on reçoit d'en haut, est le besoin que ressent la nature de se fermer pour assimiler. Elle est peut-être capable de beaucoup absorber, mais tandis que l'expérience se déroule, elle ne peut pas absorber comme il le faudrait ce que celle-ci apporte, alors elle se renferme pour assimiler. Une troisième cause apparaît pendant la période de transformation: une partie de la nature se transforme et, pendant un certain
temps, on a l'impression qu'une transformation complète et permanente s'est opérée. Mais on est déçu de constater qu'elle cesse et qu'une période d'aridité ou d'abaissement de la conscience la suit. C'est parce qu'une autre partie de la conscience émerge pour être transformée; il s'ensuit une période de préparation et de fonctionnement voilé qui semble être une période non illuminée ou pire. Ces événements effraient, déçoivent ou déconcertent l'ardeur et l'impatience du sâdhak, mais si on les accepte tranquillement et que l'on sait comment s'y prendre pour les utiliser ou adopter la bonne attitude, on peut faire aussi de ces périodes non éclairées une partie de la sâdhanâ consciente. Les Rishi védiques parlent ainsi de l'alternance "du Jour et de la Nuit qui tous deux allaitent l'Enfant divin". Ce que vous sentez dans la tête est probablement la première descente consciente de la Force divine qui, d'en haut, pénètre dans le corps. Jusqu'à présent, elle agissait sans doute de derrière le cœur sans que vous la sentiez. Si la concentration se produit d'elle-même dans la tête, vous devez la laisser faire, mais cette capacité a été préparée par la concentration précédente dans le cœur; vous n'avez donc pas besoin de cesser cette concentration, à moins que la force qui agit en vous n'exige que vous vous concentriez uniquement au-dessus. L'aspiration peut se poursuivre de la même manière jusqu'à ce que vous sentiez clairement que le pouvoir de la Mère conduit la sâdhanâ et que cela vous devienne normal.
Oui, c'est juste. Tout le monde subit ces fluctuations parce que la conscience n'est pas tout entière capable de demeurer sans cesse au-dessus de la tête. Le problème est que la tranquillité doit régner durant les intervalles, au moins dans être intérieur: aucune agitation, aucune insatisfaction, aucune lutte. Si ce stade est atteint, la sâdhanâ peut se poursuivre sans heurts; non qu'il n'y aura pas de difficultés,
mais il n'y aura pas d'inquiétude, d'insatisfaction, etc., etc.
Le bhajan vishnouïte est un chant qui stimule aisément l'être vital et si, dans l'assistance, certains auditeurs sont d'une nature inférieure, toutes sortes de forces obscures et basses viennent se nourrir de leur exaltation... L'accomplissement spirituel viendra en son temps, par un développement régulier de l'être et de la nature. Il ne dépend pas du fait que l'on saisisse telle ou telle occasion favorable.
Il y a une autre chose que vous devez apprendre. Si votre sâdhanâ est interrompue [...] vous devez simplement garder votre calme intérieur et attendre la fin de l'interruption. Si vous apprenez à le faire, l'état intérieur ou l'expérience se poursuivra ensuite comme si de rien n'était. Si vous y attachez une importance exagérée et que vous en êtes bouleversé, vous transformez au contraire l'interruption en trouble et l'état intérieur ou l'expérience cesse. Gardez toujours la tranquillité intérieure et la confiance en toutes circonstances; ne permettez à rien de vous déranger ni de vous agiter. Un calme intérieur stable, une volonté tranquille, une foi et une bhakti psychiques sont, pour votre sâdhanâ, la seule fondation véritable.
Par base tranquille et égale, on entend un état de la sâdhanâ où l'on n'est pas balloté entre les ardeurs explosives de l'expérience et un état dépressif inerte ou semi-inerte; que ce soit dans le progrès ou dans les difficultés, il y a sans cesse à l'arrière-plan une conscience tranquille tournée vers le Divin dans la confiance et la foi.
Il arrive à tout le monde d'avoir des chutes de conscience
accidentelles. Les causes en sont variées: un contact du dehors; quelque chose qui n'est pas encore changé ou pas suffisamment changé dans le vital, surtout dans le vital inférieur; une inertie ou une obscurité qui monte des parties physiques de la nature. Quand cela arrive, restez tranquille; ouvrez-vous à la Mère et rappelez la vraie condition; aspirez à un discernement clair et sans trouble qui vous montrera du dedans la cause de ce qui doit être rectifié.8
Entre deux mouvements, il y a toujours des pauses de préparation et d'assimilation. Vous ne devez pas les regarder avec mauvaise humeur ni impatience comme si c'était de fâcheuses interruptions dans la sâdhanâ. En outre, la Force monte en soulevant une partie de la nature à un plan supérieur, puis elle redescend à une couche inférieure pour la soulever à son tour; ce mouvement d'ascension et de descente est souvent très éprouvant, parce que le mental, qui préférerait une montée en ligne droite, et le vital, impatient d'un accomplissement rapide, ne peuvent ni comprendre ni suivre ce mouvement compliqué, et ont tendance à s'en affliger ou à s'en irriter. Mais la transformation de la nature entière n'est pas une chose facile à accomplir, et la Force qui la fait sait mieux ce qu'il faut que notre ignorance mentale ou notre impatience vitale.9
Tout ce que l'on a acquis est là et peut être retrouvé. Le yoga ne procède pas d'un seul élan décisif dans un sens ou dans l'autre: c'est la construction d'une conscience nouvelle, et c'est plein de hauts et de bas. Mais si l'on s'y tient, les hauts ont pour habitude d'aboutir, par accumulation, à une transformation décisive; par conséquent la seule chose à
8. Les Bases du Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
9. Les Bases du Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
faire est de persévérer. Après une chute, ne gémissez pas en disant: "C'en est fait de moi!", mais relevez-vous, époussetez-vous et poursuivez votre route dans le bon chemin.
L'oubli complet de l'expérience signifie simplement qu'il n'y a pas encore un pont suffisant entre la conscience intérieure qui a l'expérience dans une sorte de samâdhi, et la conscience extérieure de veille. Quand la conscience supérieure aura établi le pont entre les deux, la conscience extérieure aussi commencera à se souvenir.10
Des fluctuations de ce genre sont inévitables et quand elles se produisent, on doit rester très tranquille, se détacher de l'état de surface et attendre que cela passe, tout en appelant la force de la Mère. Un état neutre de ce genre a son utilité dans l'économie de la purification et de la transformation: il amène à la surface des éléments qui doivent être transformés ou rejetés, soulève une certaine partie de l'être pour l'exposer à la force transformatrice. Si l'on peut comprendre, rester tranquille et détaché des mouvements de surface et ne pas s'identifier à eux, cet état disparaît plus vite, la Force peut évacuer rapidement ce qui est apparu et ensuite on s'aperçoit que quelque chose a été acquis et qu'un progrès a été fait.
Ces fluctuations dans la force de l'aspiration et dans le pouvoir de la sâdhanâ sont inévitables et communes à tous les sâdhak jusqu'à ce que l'être soit tout entier prêt à la transformation. Quand le psychique est au premier plan ou actif et que le mental et le vital sont consentants, l'intensité est là. Quand le psychique est moins évident et que le vital
10. Les Bases du Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
inférieur est laissé à ses mouvements ordinaires ou le mental à son action ignorante, alors, à moins que le sâdhak ne soit très vigilant, les forces adverses peuvent entrer. L'inertie provient d'habitude de la conscience physique ordinaire, surtout quand le vital ne soutient pas activement la sâdhanâ. Ces choses ne peuvent se guérir qu'en faisant descendre avec persistance la conscience spirituelle supérieure dans toutes les parties de l'être.11
Des chutes de concentration, il en arrive à tout le monde; il ne faut pas les prendre au tragique ni leur permettre d'engendrer une dépression.
Ces variations de conscience pendant le jour sont communes à presque tout le monde dans la sâdhanâ. Les oscillations, les relâchements, les rechutes dans une condition normale ou inférieure et antérieure, hors d'une condition supérieure dont on avait l'expérience mais qui n'était pas encore fixée dans la réalisation, ou bien qui était réalisée mais pas encore parfaitement stable, deviennent très forts et marqués quand la sâdhanâ travaille dans la conscience physique. Car il y a dans la nature physique une inertie qui ne permet pas facilement à l'intensité naturelle de la conscience supérieure de rester constante; le physique retombe toujours dans quelque chose de plus ordinaire. La conscience supérieure et sa force doivent travailler longtemps et revenir à maintes reprises avant de pouvoir devenir constantes et normales dans la nature physique; Ne soyez pas troublé ni découragé par ces variations ou ce retard, quelque longs et fastidieux qu'ils soient; ayez soin seulement d'être toujours tranquille, d'une tranquillité intérieure, et aussi ouvert que possible au Pouvoir supérieur, sans permettre à aucune condition vraiment adverse de s'emparer de vous. S'il n'y a pas de vague
11. Les Bases du Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
adverse, le reste n'est que la persistance d'imperfections que tous ont en abondance; la Force doit travailler sur cette persistance et cette imperfection pour les éliminer; mais pour cette élimination, il faut du temps.12
Cette expérience est fréquente (bien que je ne pense pas qu'elle soit générale), non seulement en ce qui concerne la paix, mais pour d'autres choses aussi: la conscience a tendance à s'abaisser dans la soirée. Par ailleurs, pour certains sâdhak, c'est le contraire. Je ne crois pas que cela dépende vraiment du fait que l'on travaille et que l'on ne soit pas seul, bien que cela puisse engendrer la lassitude; je constate que c'est plus souvent une sorte de rythme de flux et de reflux dans la conscience au cours de la journée. Même quand la paix est parfaitement établie, ce rythme peut apparaître pour d'autres choses qui sont en train de se développer.
Il n'y a aucune raison que puisse définir le mental et qui agisse automatiquement pour qu'elle [la chute dans l'inertie] vienne dans la soirée plutôt qu'à deux heures de l'après-midi, au milieu de la nuit ou dans la matinée. Chez certains la chute vient dans la soirée, chez d'autres le matin, chez d'autres encore à d'autres moments; il en est de même de la montée. Mais ces alternances affectent la plupart des sâdhak selon un rythme ou un autre. L'heure varie selon les per' sonnes et peut même varier chez la même personne. Il n'est pas possible de définir la raison pour laquelle cette variation se produit à un moment particulier, sinon qu'elle est devenue habituelle à ce moment-là. Le reste relève du jeu des forces que l'on peut observer, mais dont les raisons échappent à toute définition mentale.
12. Les Bases du Yoga, chapitre 5. Traduction de la Mère.
[Raisons des fluctuations dans la sâdhanâ]: Je ne sais pas. Les heures et les saisons varient en fonction de l'équilibre des forces dans la conscience, de leur flux et reflux. Ce phénomène n'est pas de ceux auxquels on peut assigner une explication rationnelle et systématique. On peut le sentir et le comprendre dans l'essence de la conscience, mais non en formuler avec précision la cause et l'effet.
Je ne puis que répéter ce que j'ai dit auparavant: le mental ne peut déterminer aucune raison "spécifique" [aux fluctuations dans le fonctionnement de la Force]. Cela dépend de l'état général et de l'action réciproque des forces. On doit s'accrocher à l'aspiration et tenir le regard fixé vers le but, sans se laisser troubler par ces inégalités et ces fluctuations.
Il n'y a pas de règle fixe [aux fluctuations dans l'action de la Force]. Simplement, il y a une masse de tendances et de forces avec lesquelles il faut se familiariser. Ce n'est pas une machinerie fixe que l'on peut diriger par des mécanismes ou en poussant tel ou tel bouton. C'est seulement par la volonté intérieure, par l'aspiration constante, par le détachement et le rejet, en faisant descendre la vraie conscience, la vraie force, etc., que cela peut être fait.
La chute de conscience vient en général d'une certaine inertie qui pénètre dans la conscience par la fatigue ou la simple habitude de se détendre; ou bien elle vient par l'intermédiaire d'une réaction vitale que l'on peut ou non remarquer, ou encore d'un mouvement faux du mental. Telles sont les causes immédiates de cette chute, mais à l'arrière-plan, il y a le fait que ces fluctuations sont presque
inévitables tant que la conscience est, d'une manière ou d'une autre, soumise à l'ancienne nature. Les périodes où la sâdhanâ ne se fait pas peuvent cependant être longues ou courtes selon les circonstances intérieures (principalement le pouvoir de la volonté, de l'être psychique ou de l'être supérieur de rétablir rapidement le véritable équilibre).
La dépression n'est pas la seule cause de l'interruption des expériences. Il y en a d'autres comme l'inertie, etc. Si les expériences peuvent demeurer constantes malgré ces obstacles, cela signifie qu'une partie de la conscience s'est nettement séparée du reste et est capable de subsister malgré la résistance extérieure.
Oui, si la paix est établie, les chutes n'ont lieu qu'en surface, elles n'affectent pas la conscience intérieure.
Même si la fatigue physique apparaît de temps en temps, il n'est pas inévitable qu'elle gêne la sâdhanâ. Le mouvement intérieur peut toujours se poursuivre.
En général c'est quand quelque chose dans le mental ou le vital accepte les forces inférieures et s'y complaît que cette incapacité à réintégrer la vraie conscience persiste avec autant d'obstination. Le tamas physique peut produire de longs interrègnes de la conscience obscure, mais une obstruction aussi virulente n'est pas habituelle; d'ordinaire e est plutôt amorphe et obstinée.
De pareilles intensités ne durent pas tant que la conscience n'est pas transformée: il faut une période d'assimilation. Tant que l'être est inconscient, l'assimilation se fait derrière le voile ou sous la surface, et pendant ce temps la conscience superficielle ne voit que stagnation et perte de ce qu'elle avait acquis. Mais lorsqu'on devient conscient, on peut voir l'assimilation se poursuivre et on s'aperçoit que rien n'est perdu qu'il s'agit seulement d'une stabilisation tranquille de ce qui est descendu.
L'immensité, le calme et le silence irrésistibles dans lesquels vous vous sentez immergé sont ce que l'on appelle l'Âtman ou le Brahman silencieux. De nombreux yogas ont pour seul but d'obtenir cette réalisation de l'Âtman ou Brahman silencieux, et d'y vivre. Dans notre yoga, ce n'est que la première étape de la réalisation du Divin et de ce passage de l'être en la Conscience supérieure ou divine que nous appelons transformation.13
Lorsqu'on a atteint un certain stade, on ne peut plus perdre ce que l'on a acquis: les gains peuvent être voilés, ils reviennent; ils sont seulement rentrés à l'intérieur et remontent à la surface.
Lorsque la conscience physique prédomine, il arrive souvent que l'on ne sente aucun signe ni aucun effet des expériences, même si elles sont là.
Comment pouvez-vous vous attendre à ce que quelque chose aussi obtus et d'aussi oublieux que la conscience physique subisse l'effet des expériences, si celles-ci ne se répètent pas? C'est comme lorsqu'on apprend une leçon: on
13. Lumières sur le Yoga, chapitre 1. Traduction de la Mère.
doit la répéter jusqu'à ce que le mental physique s'en soit saisi, sinon elle ne s'intègre pas à la conscience.
Le vide que vous décrivez dans votre lettre d'hier n'était pas mauvais en soi; souvent, dans le yoga, ce vide intérieur et extérieur se transforme en un premier pas vers la nouvelle conscience. La nature humaine est comme une coupe remplie d'eau sale; il faut jeter l'eau, alors la coupe est propre et vide pour que la liqueur divine vienne l'emplir. La difficulté est que la conscience physique de l'homme a du mal à supporter ce vide, elle a l'habitude d'être occupée par toutes sortes de petits mouvements mentaux et vitaux qui sans arrêt l'intéressent et l'amusent ou qui, même si ce sont des ennuis ou des chagrins, la maintiennent en activité. Lorsque cette activité cesse, elle a du mal à le supporter, commence à s'ennuyer, à s'agiter et à souhaiter ardemment le retour des intérêts et des mouvements du passé. Mais par cette agitation, elle trouble la tranquillité et fait revenir ce qui avait été rejeté. C'est ce qui crée la difficulté et l'obstruction que vous éprouvez en ce moment. Si vous pouvez admettre que ce vide est un passage vers la vraie conscience et les vrais mouvements, alors il vous sera plus facile de vous débarrasser de cet obstacle.
Tous dans l'Ashram ne souffrent pas de ce sentiment d'ennui et de manque d'intérêt, mais beaucoup l'éprouvent parce que la Force qui descend cherche à éliminer les anciens mouvements du mental physique et du mental vital qu'ils appellent la vie, et ils n'ont pas l'habitude d'accepter d'y renoncer ou de laisser entrer la paix ou la joie du silence.
L'état de vide n'est pas mauvais en soi, si ce n'est pas le vide triste et agité du vital mécontent. Dans la sâdhanâ, le vide
est très souvent un passage nécessaire entre un état et un autre. Quand le mental et le vital se tranquillisent et que cessent leurs mouvements, leurs pensées et leurs désirs agités, alors on se sent vide. Souvent c'est d'abord un vide neutre qui ne contient rien, rien de bon ni de mauvais, rien d'heureux ni de malheureux, aucune impulsion, aucun mouvement. Cet état neutre est fréquemment ou même en général suivi de l'ouverture à l'expérience intérieure. Il y a aussi un vide fait de paix et de silence, lorsque la paix et le silence sortent du dedans, du psychique, ou descendent de la conscience supérieure. Ce vide n'est pas neutre: il contient souvent un sentiment de paix, souvent aussi un sentiment d'élargissement et de liberté. Il existe également un vide heureux accompagné du sentiment que quelque chose, qui n'est pas encore là, est proche, ou s'approche, par exemple la présence de la Mère ou toute autre expérience préparatoire. Ce que vous décrivez, c'est la tranquillité neutre. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Quand cet état vient, on n'a qu'à rester tranquille, ouvert et tourné vers la Mère jusqu'à ce que quelque chose se développe du dedans.
Être un réceptacle vide est une très bonne chose, si l'on sait comment se servir de ce vide.
Si ce n'est que du vide, il n'y a pas de mal. Les alternances de vide et de plénitude sont tout à fait normales dans la sâdhanâ.
Le vide (si par là vous voulez dire le silence et l'absence de pensées, de mouvements, etc.) est l'état de base dans lequel peut couler la conscience supérieure.
Le vide est l'état le plus approprié à une pleine réceptivité.
Le vide peut venir de n'importe où: du mental, du vital ou d'au-dessus.
Le vide est en général l'effet d'un déblaiement complet ou partiel de la conscience. La conscience devient, tout entière ou en partie, comme une coupe vide dans laquelle peut se déverser quelque chose de nouveau. Le vide le plus élevé est la pure existence du moi où toute manifestation peut se produire.
Le vide, en tant que tel, n'est pas caractéristique de la conscience supérieure, bien que le vital humain, lorsqu'on a la pure réalisation du Moi, trouve qu'elle y ressemble parce que tout est immobile: pour le vital, tout ce qui n'est pas plein d'activité paraît vide. Mais le vide qui vient au mental, au vital ou au physique est quelque chose de spécial; son but est de faire de la place pour ce qui doit descendre.
Un vide dans le mental ou le vital peut être spirituel sans que le vide soit une caractéristique essentielle de la conscience supérieure. S'il l'était, il ne pourrait y avoir ni Force, ni Lumière, ni Ânanda dans la conscience supérieure. Le vide n'est qu'un effet produit par une certaine action de la Force supérieure sur l'être, afin que la conscience supérieure puisse y pénétrer. C'est un vide spirituel, par opposition au vide engourdi et inerte du tamas complet qui n'a rien de spirituel.
L'état de vide est un état tranquille du mental, du vital ou de toute la conscience, où aucun mouvement mental ou vital ne fait intrusion, qui est ouvert à la Pure Existence et prêt à devenir celle-ci, ou encore qui tend à devenir cette Pure Existence ou l'est déjà devenu, mais ne l'a pas réalisée avec le plein pouvoir de son être. Quant à savoir duquel de ces états il s'agit, cela dépend de chaque cas particulier. L'état du Moi ou l'état de pure existence est aussi appelé parfois un vide, mais seulement au sens où il est un état de repos purement statique de l'être, sans aucun contact avec la Nature mouvante.
Le néant14 Cela n'existe pas. Par vide, on entend une vacuité dépourvue de tout contenu si ce n'est l'existence pure et simple. Sans cela on ne peut pas réaliser le Brahman silencieux.
Le vide est l'état du Moi: libre, vaste et silencieux. Il paraît vide au mental, mais en réalité, il est simplement un état de pure conscience et de pure existence, Sat et épreuves accompagnés de Shânti.
Le vide peut être de diverses sortes: une certaine forme de vide spirituel, ou le vide qui prépare une expérience nouvelle. Mais l'épuisement de l'énergie vitale est quelque chose de très différent. Cela peut venir de la fatigue, de quelque chose ou de quelqu'un qui épuise la force vitale, ou d'une invasion de tamas. Mais je ne vois pas pourquoi cela devrait être lié à l'étude de l'anglais et ne se produire qu'à cette occasion.
14. En français dans le texte.
Le vide a généralement pour effet de calmer toutes les perturbations vitales; il n'arrête cependant pas l'action mécanique et répétitive du mental, à moins qu'il ne soit complet.
Si c'est un véritable vide, on peut s'y reposer pendant des années; c'est parce que le vital est agité et plein de désirs (et non vide) qu'il est ainsi. Le mental physique, lui non plus, n'est nullement au repos. Si les désirs étaient rejetés au-dehors, si l'ego était moins actif et que le mental physique restait immobile, la connaissance d'en haut remplacerait les stupidités du mental physique, le mental vital pourrait se calmer et se tranquilliser; la Force de la Mère pourrait se charger de l'action et la conscience supérieure commencer à descendre. C'est la conséquence normale du vide.
Je n'ai pas pu écrire que vous êtes seul à ressentir le silence comme un vide, puisque quantité de sâdhak le ressentent de la même façon au début. On le sent vide parce qu'on a coutume d'associer l'existence à la pensée, aux sentiments et aux mouvements, ou à des formes et à des objets, alors que le silence ne contient rien de tout cela. Mais il n'est pas vraiment vide.
Vous m'avez écrit que la Force descendait et même parfois qu'elle emplissait toutes les parties de l'être, alors pourquoi ce "jamais"? Je n'ai nullement voulu dire qu'il y a un processus automatique par lequel chaque fois qu'il y a vide, vient un remplissage complet. Cela dépend du stade de la sâdhanâ. Le vide peut venir souvent ou persister longtemps avant qu'il y ait la moindre descente; ce qui le remplit peut
être du silence, de la paix ou de la Force, ou de la Connaissance, et ils peuvent remplir le mental seul, ou le mental et le cœur, ou le mental, le cœur et le vital, ou tout. Mais ces deux processus n'ont rien de fixe ni d'automatique.
Le silence de l'être est le premier objectif naturel du yoga. X et quelques autres n'y trouvent pas de satisfaction parce qu'ils n'ont pas surmonté le mental vital qui veut toujours une certaine activité, un changement, faire quelque chose, que quelque chose se passe. L'immobilité éternelle du Brahman silencieux est une chose qu'il n'apprécie pas. Aussi quand vient le vide, il le trouve terne, inerte, monotone.
Le vital ne peut certes trouver aucun intérêt à un état neutre. Si vous prenez appui ;sur votre vital, vous ne pouvez pas prolonger cet état. C'est l'esprit qui ressent une libération dans le silence vide de toute activité mentale ou autre, car dans ce silence il devient conscient de lui-même. Pour que l'état soit vraiment neutre, il faut être entré dans le Pourousha ou Conscience-Témoin. Si vous le contemplez avec votre mental ou votre vital, alors l'état n'est pas neutre: même s'il n'y a pas de pensées distinctes, il y a forcément une attitude mentale ou des vibrations mentales, par exemple le manque d'intérêt que vous ressentez.
Il n'y a pas de raison que le vide soit un état monotone ou malheureux. C'est l'habitude ordinaire du mental et du vital de n'associer le bonheur ou l'intérêt qu'à l'activité; la conscience spirituelle n'a pas ces limitations.
Je ne vois vraiment pas quelle sorte de joie vous voulez Toutes les expériences ne s'accompagnent pas de joie. L'intérêt, c'est autre chose.
Le physique a tendance à substituer au vide sa propre inertie. Le vrai vide est le commencement de ce que j'appelle, dans l'Ârya, shama - repos, calme, paix du Moi éternel - qui doit en fin de compte remplacer le tamas, l'inertie physique. Le tamas est une dégradation de shama, tout comme le radjas est une dégradation de Tapas, la Force divine. La conscience physique essaie toujours de substituer sa propre inertie au calme, à la paix et au repos de la vraie conscience, tout comme le vital essaie toujours de substituer son radjas à l'action vraie de la Force.
Le physique ne se fatigue pas de l'état neutre. Il peut se sentir tamasique à cause de sa propre tendance à l'inertie, mais d'ordinaire il n'a pas d'objection contre le vide. Évidemment il peut s'agir du physique vital. Vous n'avez qu'à rejeter cela comme un résidu des anciens mouvements.
Au cours de la sâdhanâ, un état neutre, un "calme neutre" comme celui-ci apparaît souvent, surtout lorsque la sâdhanâ se situe dans la conscience physique. Ce n'est pas parce que l'aspiration est partie, c'est parce qu'elle ne se manifeste pas pour le moment, car tout est devenu d'une tranquillité neutre. Cet état est éprouvant pour le mental et le vital humains qui ont l'habitude d'être toujours en activité et considèrent que cet état est sans vie. On ne doit cependant pas se sentir troublé ni déçu quand cela se produit, mais rester calme et pleinement confiant que ce n'est qu'une
étape, un espace qu'il faut traverser dans la sâdhanâ. Quel que soit l'état, on doit garder présentes à l'esprit la foi et l'idée constante de la consécration. Quant aux brefs mouvements d'agitation, ils s'apaiseront si l'on garde cette attitude; le mental et le vital tranquilles s'imposeront à nouveau rapidement.
L'état neutre n'est rien d'autre qu'un état dans lequel la réalisation doit venir. Si l'aspiration est nécessaire pour cela, il faut l'utiliser; si la réalisation vient d'elle-même, l'aspiration n'est évidemment pas nécessaire.
L'"état" dont je parlais n'était pas un état neutre, mais autre chose; je vois en relisant ce passage de votre lettre qu'il s'agissait d'un état "dans lequel l'aspiration n'est pas nécessaire". Ce n'est pas un état neutre, mais un état où la force de la Mère est présente à la conscience et fait tout.
Chaque forme de réalisation: moi infini, conscience cosmique, Présence de la Mère, Lumière, Force, Ânanda, Connaissance, réalisation du Satchidânanda, niveaux divers de conscience jusqu'au supramental, tout cela peut venir dans le silence qui persiste, mais cesse d'être neutre.
Le silence peut subsister quand l'état neutre a disparu. Toutes sortes de choses peuvent se déverser et pourtant le silence demeure: si vous devenez plein de force, de lumière, que, de connaissance, etc., vous ne pouvez plus dire que vous êtes neutre.
Si le vide est spirituel, on n'aura pas l'impression qu'il: contrecarre le sâdhanâ.
L'état neutre que vous décrivez est le même que celui que vous aviez auparavant. C'est un état de transition dans lequel l'ancienne conscience a cessé d'être active alors que la nouvelle se prépare derrière une tranquillité neutre. Il faut l'accepter tranquillement et attendre qu'il se transforme en un état de paix spirituelle et de bonheur psychique qui n'a rien à voir avec la joie et le chagrin du vital. N'avoir ni joie vitale, ni chagrin vital est considéré par les yogis comme une libération très souhaitable; ainsi l'on peut passer des sentiments vitaux ordinaires de l'homme à la vraie paix, à la vraie joie ou au vrai bonheur intérieurs permanents. Je suppose que vous n'avez pas le temps de méditer en ce moment. Le besoin impérieux de dormir est un besoin de s'intérioriser et si l'on a l'habitude de méditer, on peut transformer le sommeil qui vient ainsi en une sorte de samâdhi de sommeil où l'on est conscient de diverses expériences et de divers progrès de l'être intérieur.
L'état que vous ressentez est bien connu dans la sâdhanâ. C'est une sorte de passage ou de transition, un état intériorisé qui se développe, mais n'est pas encore achevé; à ce moment-là, parler ou se projeter dans l'activité extérieure est pénible. Ce qu'il faut, c'est être très tranquille et rester en soi-même tout le temps jusqu'à ce que ce mouvement soit terminé; on ne devrait pas parler, si ce n'est très peu et à voix basse et tranquille, ni concentrer le mental sur des choses extérieures. Vous ne devez pas non plus prêter attention à ce que disent les gens ou à leurs questions; bien qu'ils pratiquent la sâdhanâ, ils ne savent rien de ces états et si l'on devient tranquille et intériorisé, ils croient que l'on est
triste ou malade. La Mère ne vous a pas trouvé ainsi, triste ou malade; c'est simplement une phase, un état temporaire dans, la sâdhanâ dont elle a l'expérience et qu'elle connaît fort bien.
Cet état dure souvent plusieurs jours, parfois longtemps, jusqu'à ce que commence quelque chose de précis. Restez confisant et tranquille.
Selon la règle que donnent d'ordinaire les yogis, on ne doit pas parler de ses expériences aux autres - sauf évidemment au Gourou - lorsque la sâdhanâ est en cours, parce que l'expérience est gaspillée: il se produit ce qu'ils appellent le kshaya15 de la tapasyâ. Les yogis ne parlent de leurs expériences que lorsqu'elles appartiennent à un lointain passé, et même dans ce cas ils ne le font pas sans une certaine réserve.
La Lumière vous a quitté parce que vous en avez parlé à quelqu'un qui n'était pas un adhikârî1.16 Le plus sûr est de ne parler de ces expériences à personne, sauf au Gourou ou à quelqu'un qui peut vous aider. Il est fréquent qu'une expérience disparaisse dès que l'on en parle, et c'est pour cette raison que de nombreux yogis se font une règle de ne jamais parler de ce qui se passe en eux, à moins qu'il ne s'agisse d'une expérience du passé ou d'une réalisation stabilisée que rien ne peut aliéner. Une réalisation permanente et stable demeure, mais dans ce cas il s'agissait plutôt d'expériences qui viennent pour rendre possible, dans la conscience, une ouverture à quelque chose de plus complet, pour la préparer à la réalisation.
15. Perte, déperdition.
16. Celui à qui sa nature assigne une voie particulière de yoga.
Je croyais qu'il était entendu que ce que je vous écrivais au sujet des autres était confidentiel. Les expériences - les siennes propres ou celles des autres, s'il arrive qu'on en ait connaissance - ne doivent pas faire l'objet de conversations ou de commérages. On ne peut en parler que si d'autres peuvent en tirer un profit spirituel, et même dans ce cas, seulement si elles appartiennent au passé. Autrement elles deviennent comme les nouvelles d'Abyssinie ou d'Espagne, quelque chose de banal et d'insignifiant pour le mental vital de la masse qui les remâche ou les engloutit.
Si vous voulez conserver cette joie, il serait sage de ne pas en parler aux autres. Les choses dont on parle prennent des ailes et essaient de s'échapper.
Montrer ce qui a été écrit au sujet des expériences, ou parler aux autres de ses propres expériences, présente toujours un risque. Il vaut beaucoup mieux garder cela pour soi.
S'il s'agit de la connaissance générale, c'est une autre affaire; elle est intellectuelle et l'intellect s'enrichit par cette activité intellectuelle qu'est l'enseignement. En outre si, dans le yoga, il ne s'agissait que de dispenser par l'intellect la connaissance mentale que l'on a du sujet, cette règle s'appliquerait peut-être; mais cet aspect mental n'est qu'une petite partie du yoga. Quelque chose de plus complexe en constitue la plus grande partie. En enseignant le yoga à quelqu'un, on devient dans une certaine mesure un maître qui a des disciples. Les yogis ont toujours dit qu'en acceptant des disciples, on prenait sur soi les difficultés des disciples en plus des siennes; c'est pourquoi il est recommandé
de ne pas prendre de disciples avant d'être devenu siddha et même dans ce cas, à moins d'avoir reçu du Divin l'autorité de le faire, ce que Râmakrishna appelait recevoir le chaprâs.17 En second lieu il y a le danger de l'égoïsme; quand on en est libéré, cette objection ne tient plus. Raconter ses expériences aux autres soulève un problème distinct. La plupart des yogis le déconseillent aussi avec force; ils disent que c'est nuisible à la sâdhanâ. Dans quantité de cas. que j'ai vus ou dont j'ai entendu parler, où les gens avaient un flot d'expériences, le flot se perdait quand ils en parlaient; il doit donc bien y avoir du vrai dans cette objection. Je suppose cependant qu'elle cesse d'être applicable lorsqu'on a atteint depuis longtemps une certaine stabilité dans l'expérience, c'est-à-dire lorsque l'expérience est assimilable à une réalisation définitive et permanente, à quelque chose qui s'est ajouté à la conscience de façon définitive et irrévocable. Je note que ceux qui gardent pour eux leurs expériences et ne se confient pas semblent avoir une sâdhanâ plus régulière que d'autres; mais je ne sais pas si cette règle est immuable. Elle ne s'appliquerait probablement plus, passé un certain stade de réalisation.
17. Plaque, insigne de fonction.
Toutes les visions ont une signification d'un genre ou d'un autre. Ce pouvoir de vision est très important pour le yoga et ne doit pas être rejeté, bien qu'il ne soit pas d'une importance primordiale: le plus important, c'est la transformation de la conscience. Tous les autres pouvoirs, tels ce pouvoir de vision, doivent être cultivés sans attachement, comme des parties du yoga et des aides sur le chemin.1
Les visions ne sont pas indispensables; elles sont une aide, c'est tout, quand elles sont de la bonne catégorie.
Les visions et les voix ont leur place, quand elles sont des visions authentiques et de vraies voix. Naturellement, ce ne sont pas des réalisations; elles ne sont qu'une étape sur le chemin et l'on ne doit pas s'y cantonner ni croire qu'elles ont toutes une valeur.
Les visions que vous décrivez sont de celles qui viennent dans les tout débuts de la sâdhanâ. À ce stade, on voit la plupart du temps des formations du plan mental auxquelles 1! n'est pas toujours possible d'attribuer une signification précise, car elles sont déterminées par l'individualité mentale du sâdhak. À un stade ultérieur, le pouvoir de vision vient important pour la sâdhanâ, mais au début il faut ivre son chemin sans attacher une importance excessive à s détails, jusqu'à ce que la conscience soit plus évoluée. ouverture de la conscience à la Lumière, à la Vérité et à la
l. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
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Présence divines est toujours la seule chose importante dans le yoga.2
Voir souvent des lumières comme celles dont il parle dans sa lettre révèle en général que le voyant n'est pas limité par sa conscience extérieure de surface ou sa conscience de veille: il possède au contraire une faculté latente (qui peut être perfectionnée par l'entraînement et la pratique) d'accéder à des expériences de cette conscience intérieure dont la plupart des gens ne savent rien, mais qui s'ouvre par la pratique du yoga. Par cette ouverture, on devient conscient de plans d'expérience subtils et de mondes d'existence différents du monde matériel. Dans la vie spirituelle, une ouverture plus poussée encore est nécessaire pour entrer dans une conscience très profonde grâce à laquelle on commence à percevoir le Moi et l'Esprit, l'Éternel et le Divin.3
Les visions ne viennent pas du plan spirituel, elles viennent des plans du physique subtil, du vital, du mental, du psychique ou des plans supérieurs au Mental. Ce qui vient du plan spirituel, ce sont les expériences du Divin, par exemple l'expérience du moi partout, du Divin en tous, etc.
C'est très bien d'avoir des visions et des expériences (surtout des expériences), mais on ne peut pas s'attendre à ce que chaque vision se traduise en un fait physique correspondant. Pour certaines il en est ainsi, mais pas dans la majorité des cas; d'autres appartiennent tout entières au domaine supraphysique et sont l'indication de réalités, de possibilités ou
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de tendances qui y ont leur siège. Dans quelle mesure elles influenceront la vie, s'y réaliseront, ou même auront un effet Quelconque, dépend de la nature de la vision, du pouvoir qu'elle contient, parfois de la volonté ou du pouvoir formateur du voyant.
Les gens attachent du prix aux visions pour la raison suivante: elles sont l'une des clés (non la seule) qui mettent le sâdhak en rapport avec les autres mondes ou les mondes intérieurs et avec ce qu'ils contiennent, et ces régions sont d'une richesse immense, infiniment plus grande que le plan physique tel qu'il est à présent. On pénètre dans un moi plus vaste et plus libre, dans un monde plus vaste et plus souple; les visions isolées ne font évidemment que permettre un contact et non ouvrir véritablement l'accès à ces mondes, mais le pouvoir de vision, accompagné du pouvoir d'autres sens subtils (ouïe, toucher, etc.), à mesure qu'il s'élargit, permet d'y pénétrer. Ces facultés n'ont pas le même effet qu'une simple imagination (comme celle du poète ou de l'artiste, bien que celle-ci puisse avoir une certaine force), mais si on les cultive à fond, elles apportent un développement continu de l'être, de la conscience, de sa richesse d'expérience et de son étendue.
Les gens accordent aussi de la valeur au pouvoir de vision pour une raison plus élevée: il peut apporter un premier contact avec le Divin dans ses formes et ses pouvoirs; il peut ouvrir à une communion avec le Divin, à l'audition de la Voix qui guide, à la Présence autant qu'à l'Image dans le cœur, à bien d'autres choses qui apportent à l'homme ce qu'il cherche à atteindre par la religion et le yoga.
De plus, la vision est précieuse parce qu'elle est souvent, pour chacun, une première clé aux plans intérieurs de son être et de sa conscience, par opposition aux mondes ou aux plans de la conscience cosmique. L'expérience yoguique commence souvent par une ouverture du troisième œil dans le front (centre de la vision entre les sourcils) ou par une sorte de déclenchement et d'extension de la vision subtile
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qui peut sembler sans importance au début, mais annonce une expérience plus profonde. Même quand elle n'a pas ce caractère - car on peut accéder directement à l'expérience elle peut apparaître plus tard comme une aide puissante à l'expérience; elle peut être pleine d'indications qui mènent à la connaissance de soi, à la connaissance des choses ou à la connaissance des personnes: elle peut être vérifiée et mener à la prévision, à la prémonition et à d'autres ouvertures dont l'importance est moindre, mais qui sont très utiles à un yogi. Bref, la vision est un instrument important, bien qu'elle ne soit pas absolument indispensable.
Cependant, comme je l'ai laissé entendre, il y a vision et vision, tout comme il y a rêve et rêve; il faut cultiver le discernement et un sens des valeurs et des choses, et savoir comprendre et utiliser ces pouvoirs. Mais cette question est trop vaste et trop compliquée pour que je l'approfondisse maintenant.
Il a commis une erreur en faisant cesser les visions qui lui venaient. Vision et hallucination ne sont pas la même chose. La vision intérieure est une porte qui s'ouvre sur les plans supérieurs de conscience au-delà du mental physique et qui permet à une vérité et à une expérience plus vastes de pénétrer dans le mental et d'agir sur lui. Cette porte n'est ni la seule, ni la plus importante, mais c'est une porte qui s'ouvre très aisément à un grand nombre de sâdhak, sinon à la plupart d'entre eux, et qui peut être une aide très puissante. Cette faculté apparaît moins facilement chez les intellectuels que chez ceux qui ont un vital puissant ou un caractère émotif et Imaginatif. Il est vrai que le domaine de la vision, comme tout autre domaine d'activité du mental humain, est un monde mélangé, et qu'il ne contient p seulement de la vérité, mais aussi beaucoup de demi-vérités et d'erreurs. Il est vrai aussi que pour ceux qui sont impétueux et irréfléchis, entrer dans ce monde peut susciter de l3 confusion, des inspirations trompeuses et des voix fausses,
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et qu'il est plus sûr d'être guidé par ceux qui savent et qui ont une expérience spirituelle et psychique. On doit considérer ce domaine avec calme et discernement; mais fermer les portes et rejeter ces expériences supraphysiques ou d'autres, c'est se limiter et arrêter le développement intérieur.
Vous adoptez, en matière spirituelle, un point de vue bien utilitaire. Tout ce qui se développe dans la sâdhanâ, pourvu que ce soit authentique, a sa place dans la totalité de l'expérience et de la connaissance. Une connaissance des mondes occultes, des forces et des phénomènes occultes a aussi sa place. Les visions et les voix ne sont qu'une petite partie de ce vaste domaine qu'est l'expérience occulte. Quant à leur utilité, pour celui qui a l'intelligence et la discrimination, les visions, etc., ont de multiples usages; elles en ont très peu pour ceux qui n'ont pas de discrimination ou qui ne comprennent pas.
Je ne sais pas ce que vous voulez dire par sâdhanâ pratique. Si l'on cultive la faculté occulte, l'expérience et la connaissance occultes, elles peuvent être très utiles, et par conséquent pratiques. En tant que telles, elles font partie de l'ouverture de la conscience intérieure et aident aussi à l'ouvrir davantage, bien qu'à cette fin elles ne soient pas indispensables.
Qu'entendez-vous par progrès? La Mère a passé de nombreuses années à pénétrer dans les mondes occultes et à apprendre tout ce que l'on peut y apprendre. Pendant tout ce temps, elle ne faisait pas de progrès? Elle a toujours des visions quand elle est en transe. Cette faculté est-elle sans valeur? Parce qu'un grand nombre de gens ne savent pas
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comment utiliser leurs facultés, les utilisent mal, leur donnent trop d'importance ou en nourrissent leur ego, est-ce qu'il s'ensuit que ces facultés n'ont ni utilité ni valeur dans le yoga?
[Le développement des facultés occultes] est en soi un progrès dans le développement de la conscience, même s'il ne s'accompagne d'aucune spiritualisation de la nature.
Les personnes qui possèdent cette faculté occulte ont toujours tendance à lui donner une trop grande place.
[R.M.] dissuadait ses disciples [d'avoir quelque contact que ce soit avec le domaine occulte] parce que son but était la réalisation du Moi intérieur et de l'intuition - en d'autres termes, la plénitude du Mental spirituel - alors que les visions et les voix appartiennent au sens occulte intérieur; il ne voulait par conséquent pas qu'ils y attachent de l'importance. Je conseille aussi à certains sâdhak de ne pas s'occuper des visions et des voix parce que je constate qu'ils se laissent égarer par de fausses visions et de fausses voix. Cela ne signifie pas que les visions et les voix n'ont aucune valeur.
Les visions viennent de tous les plans, il y en a de toutes sortes et elles n'ont pas toutes la même valeur. Certaines ont une grande valeur et beaucoup d'importance; d'autres sont un jeu du mental ou du vital et ne servent que leurs propres fins particulières; d'autres encore sont des formations du plan mental et du plan vital, dont certaines peuvent contenir une vérité, alors que d'autres sont fausses et trompeuses, ou
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bien peuvent être une sorte d'esthétisme de ce plan. Elles peuvent avoir une importance considérable dans le développement de la première conscience yoguique, celle du mental intérieur, du vital intérieur, du physique intérieur, ou pour ouvrir à la compréhension occulte de l'univers. Les visions authentiques peuvent aider au progrès spirituel; j'entends par là celles qui nous montrent des réalités intérieures: on peut, par exemple, rencontrer Krishna, s'entretenir avec lui et entendre sa voix dans une vision intérieure "réelle", tout aussi réelle que n'importe quel événement du plan extérieur. Voir seulement son image n'est pas la même chose, pas plus que voir son portrait sur un mur n'est la même chose que le rencontrer en personne. Mais le portrait au mur n'est pas forcément sans utilité pour la vie spirituelle. Tout ce que l'on peut dire, c'est que l'on ne doit pas trop s'attacher à ce don et à ce qu'il nous montre, mais il n'est pas non plus nécessaire de le dénigrer. Il a sa valeur, et son utilité spirituelle peut parfois être considérable. Mais naturellement, elle n'est pas primordiale: ce qui est primordial, c'est la réalisation, le contact, l'union avec le Divin, la bhakti, la transformation de la nature, etc.
Ces lumières et ces visions ne sont pas des hallucinations. Elles sont le signe d'une ouverture de la vision intérieure dont le centre est dans le front, entre les sourcils. Les lumières sont très souvent la première chose que l'on voit. Les lumières révèlent l'action ou le mouvement de forces subtiles qui appartiennent aux différents plans de l'être; la couleur et la nuance de la lumière varient selon la nature de la force. Le soleil est le symbole et le pouvoir de la Vérité intérieure ou supérieure; le voir en méditation est un bon signe. La mer aussi est souvent symbolique, elle représente d'ordinaire la nature vitale, parfois l'étendue de la conscience en mouvement. On doit laisser se développer l'ouverture de la vision, mais il n'est pas nécessaire d'accorder trop
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d'importance aux visions isolées, à moins qu'elles ne soient ou ne deviennent visiblement symboliques ou chargées de sens, ou encore qu'elles ne clarifient certains points dans la sâdhanâ.
Les visions et les voix n'ont pas pour but de faire naître la foi; elles ne sont efficaces que si l'on a déjà la foi.
Non, ce n'était ni une illusion d'optique, ni une hallucination, ni une coïncidence, ni une auto-suggestion, ni aucun des autres phénomènes désignés par ces vocables polysyllabiques pesants et vides à l'aide desquels la science physique tente de se débarrasser par une explication de ce qui est scientifiquement inexplicable, ou plutôt évite de l'expliquer. En ces matières l'homme de science agit toujours comme le non spécialiste auquel il reproche d'énoncer la loi de phénomènes dont il ignore tout, sans recherche ni expérimentation, sans vérifier ses connaissances, simplement en bâtissant dans son propre mental une théorie ou une idée préconçue et en la collant comme une étiquette sur le phénomène inexpliqué.
Il y a, je vous l'ai dit, tout un domaine ou même quantité d'inépuisables domaines de phénomènes sensoriels autres que les phénomènes physiques extérieurs, dont on peut devenir conscient, que l'on peut voir, entendre, sentir, respirer, toucher, "contacter" - comme disent maintenant les Américains - mentalement, en transe ou dans le sommeil, ou dans un état intérieur appelé à tort sommeil, ou encore, simplement et facilement, à l'état de veille. Cette faculté de sentir intérieurement les choses supraphysiques ou, pour ainsi dire, de les extérioriser, de sorte qu'elles deviennent visibles, audibles, sensibles à l'œil, à l'oreille, et même au toucher, tout comme des objets matériels, ce pouvoir ou ce don n'a rien de monstrueux ni d'anormal, c'est une faculté
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universelle présente dans tous les êtres humains, mais latente chez la plupart d'entre eux, rarement active ou active par intermittences chez certains, apparaissant chez d'autres comme par accident, fréquente ou normalement active chez un petit nombre - Mais tout comme n'importe qui est capable, avec un peu d'entraînement, d'apprendre les sciences et de réaliser des choses qui auraient paru miraculeuses à ses ancêtres, de même presque tous ceux qui le désirent peuvent, avec un peu de concentration et de pratique, développer la faculté de vision supraphysique. Quand on aborde le yoga, ce pouvoir est souvent (mais non invariablement, car beaucoup ont des difficultés à l'acquérir) l'un des premiers à sortir de son état latent et à se manifester; la plupart du temps sans aucun effort, sans intention ni connaissance préalable de la part du sâdhak. Il vient plus facilement les yeux fermés que les yeux ouverts, mais il peut venir des deux façons. Lorsqu'on commence à acquérir ce pouvoir les yeux ouverts, son premier signe est très souvent cette vision d"'étincelles" ou de petites taches, de petites formes lumineuses, etc., qui vous a mis pour la première fois en présence de ce phénomène; un second signe en est assez souvent l'apparition, sans aucun effort, d'objets ronds et lumineux comme des étoiles; la vision de couleurs est la troisième de ces expériences initiales; elles ne se présentent toutefois pas toujours dans cet ordre. En Inde, les yogis utilisent très fréquemment, pour développer ce pouvoir, la méthode du trâtak qui consiste à concentrer le regard sur un point ou un objet unique, de préférence lumineux. Votre contemplation de l'étoile était précisément un exercice de trâtak et a produit un effet qui, n'importe quel yogi en Inde vous l'aurait dit, est normal. Car tout cela n'est ni une imagination, ni une illusion, mais fait partie d'une science occulte qui a été pratiquée à travers les âges historiques et préhistoriques dans tous les pays, et dont il a toujours été reconnu que les effets ne sont pas seulement auto-suggérés ou hallucinatoires, mais, si l'on parvient à en avoir la clé, véridiques et vérifiables. Votre scepticisme est peut-être naturel
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pour un homme "moderne" qui plonge dans ces choses du passé, du présent et de l'avenir; naturel, mais non justifié, parce qu'il s'applique de toute évidence très mal aux faits observés; cependant, maintenant que vous avez vu, la première chose à faire est de rejeter loin derrière vous toute cette pseudo-science fumeuse, cette vaine tentative de plaquer des explications physiques sur des phénomènes supraphysiques, et d'adopter la seule démarche rationnelle. Cultivez ce pouvoir, ayez de plus en plus d'expériences, développez la conscience par laquelle viennent ces choses; à mesure que la conscience se développera, vous commencerez à les comprendre et à connaître, par l'intuition, leur signification. Ou si vous voulez en acquérir aussi la science, alors apprenez la science occulte et appliquez-la, elle qui seule est capable de manipuler les phénomènes supraphysiques. Quant à ce qui s'est montré à vous, ce n'était pas seulement un phénomène curieux, pas même une couleur purement symbolique: ce sont des choses d'une importance considérable.
Développez ce pouvoir des sens intérieurs et tout ce qu'il vous apporte. Ces premières visions ne sont qu'une frange extérieure; derrière s'étendent des mondes entiers d'expérience qui comblent ce qui apparaît à l'homme naturel comme un abîme (votre vide intérieur russellien) entre la conscience terrestre d'une part, et de l'autre l'Éternel et l'Infini.
Il y a un aspect physique des choses et il y a un aspect occulte et supraphysique; ils ne s'opposent pas forcément l'un à l'autre. Tous les objets physiques sont l'expression d'objets supraphysiques. L'existence d'un corps doté d'organes et de processus physiques ne contredit pas, comme l'imaginait à tort le dix-neuvième siècle, l'existence d'une âme qui utilise le corps, même si elle est dépendante de lui. Les lois de la Nature n'apportent pas la preuve de l'inexistence de Dieu. La réalité du monde matériel au diapason duquel nos organes
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sont accordés ne prouve pas l'inexistence de mondes moins matériels que nous pouvons percevoir par des organes plus subtils.
La Présence a-t-elle un caractère physique, ou est-elle un fait spirituel? Le sens physique a-t-il l'habitude ou la faculté de voir ou de sentir les choses spirituelles: une Présence spirituelle, une Forme non matérielle? Voir le Brahman partout est impossible si l'on n'a pas cultivé la vision intérieure, et pour le faire il faut se concentrer. Voir des formes non matérielles est en effet possible à quelques-uns, parce qu'ils ont ce don par nature, mais la plupart ne peuvent y parvenir sans cultiver la vision subtile. Il est absurde de s'attendre à ce que le Divin manifeste sa Présence sans que l'on fasse aucun effort pour la voir: il faut se concentrer.
Cela signifie simplement que vous avez un sens subjectif de la Présence. Mais un sens subjectif des choses est-il forcément une vaine imagination? S'il en est ainsi, aucun yoga n'est possible. On doit prendre comme axiome que le subjectif peut être aussi réel que l'objectif. Il peut nul doute exister, et il existe, ce que l'on appelle formations mentales; mais d'abord les formations mentales sont, ou peuvent être, très puissantes et produire des résultats concrets; ensuite, ce n'est que lorsqu'on a une expérience suffisante de ces choses intérieures que l'on peut déterminer si ce que l'on voit ou ce que l'on entend est une formation mentale ou un objet subjectif réel.
Les visions subjectives peuvent être aussi réelles que la vue objective; la seule différence est que la seconde concerne des objets réels dans l'espace matériel, alors que les premières montrent des objets réels qui appartiennent à d'autres plans s'étendant vers le bas jusqu'au physique subtil; même les visions symboliques sont réelles, dans la mesure où elles
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symbolisent des réalités. Les rêves eux-mêmes peuvent avoir une réalité dans le domaine subtil. Les visions ne sont irréelles que lorsqu'elles ne représentent rien de vrai dans le présent, le passé ou l'avenir.
Ce pouvoir de vision est parfois inné et habituel, même sans effort de développement; il s'éveille parfois de lui-même et devient florissant, ou ne nécessite qu'un peu de pratique pour se développer; il n'est pas forcément le signe d'une réalisation spirituelle, mais en général lorsqu'on commence, par la pratique du yoga, à aller au-dedans et à y vivre, le pouvoir de vision subtile s'éveille plus ou moins; mais cela ne se produit pas toujours facilement, surtout si l'on a été accoutumé à vivre plutôt dans l'intellect ou dans une conscience vitale extérieure.
Je suppose que vous pensez au "darshan", à la Divinité qui se révèle à ses adorateurs; mais c'est différent, c'est sa présence qui se dévoile, de façon temporaire ou permanente, et qui peut apparaître soit sous la forme d'une vision, soit comme un sentiment intime de la présence qui est plus proche que la vue, qui est une communication fréquente ou constante avec elle; cela se produit par un approfondissement de l'être dans son moi intérieur et par une croissance de la conscience, ou par une intensification de la bhakti. Quand la carapace de la conscience extérieure est suffisamment brisée par la pression d'une bhakti croissante et absorbante, le contact vient.
Les visions qu'il a entre les sourcils ne sont pas imaginaires; elles ne le seraient que s'il y pensait d'abord et qu'ensuite, ses pensées prenaient forme, mais comme elles viennent indépendamment de ses pensées, elles ne sont pas des imaginations visuelles, mais des visions. Cette faculté est utile dans le yoga et on peut la laisser se développer; il ne faut pas l'en empêcher. Je ne sais pas ce qu'il entend lorsqu'il dit ne pas y ajouter foi. Les images qu'il voit
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maintenant ne sont sans doute que des scènes ou des objets subtils (soûkshma); mais ce pouvoir, quand on le cultive, peut devenir un pouvoir de vision symbolique, représentative ou réelle, qui montre la vérité des choses, les réalités de tel ou tel monde, ou des représentations du passé, du présent ou de l'avenir.
Si la concentration s'y porte naturellement, il n'y a aucun inconvénient à se concentrer au centre qui se trouve entre les sourcils, et qui est le centre du mental intérieur et de sa pensée, de sa volonté et de sa vision.
Il est inutile qu'il vienne ici pour le moment; il faut d'abord qu'il passe par le processus de purification et de préparation de la nature et qu'au moins la conscience yoguique positive ait commencé à se développer en lui; sinon, sa venue ici ne servirait à rien.
Ce qui s'est développé en vous, c'est un pouvoir de vraie vision intérieure; ce pouvoir vous aidera à entrer, par la vision, en contact avec le Divin; vous n'avez qu'à le laisser grandir. Deux autres choses doivent se développer: le sentiment de la Présence du Divin, de son pouvoir et de son inspiration derrière vos actions, et le contact intérieur avec la Mère et avec moi. Aspirez avec foi et sincérité et tout cela viendra. Je ne tiens pas à vous donner d'instructions plus précises avant d'avoir vu ce qui se passe en vous durant votre séjour, car bien que le chemin soit commun à tous, chacun a sa propre manière de le suivre.
Quand vous voyez une Lumière, c'est une vision; quand vous sentez la Lumière pénétrer en vous, c'est une expérience; quand la Lumière s'établit en vous en apportant l'illumination et la connaissance, c'est une réalisation. Mais
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en général les visions aussi sont appelées des expériences.
D'ordinaire les visions précèdent la réalisation et en quelque sorte la préparent.
On peut avoir la vision des plans supérieurs ou une idée de ce qu'ils sont longtemps avant la transformation. Si ce n'était pas possible, comment la transformation pourrait-elle se produire? La nature inférieure ne peut pas changer toute seule, elle se transforme par une vision, une perception, une descente de plus en plus grandes de la conscience d'en haut qui appartient aux plans supérieurs. C'est par l'aspiration, par une ouverture progressive que ces visions et ces perceptions commencent à venir; la réalisation vient plus tard.
Oui, elle [la conscience supérieure] peut descendre dans le plan mental en apportant la paix, l'immensité, la conscience cosmique, la réalisation du Divin, la perception des forces cosmiques et d'autres choses encore, sans que le voile soit en rien déchiré par la vision. D'ordinaire, cependant, chez la plupart des sâdhak, la vision intérieure vient en premier.
Je parlais de la réalisation du Divin dans le mental. Pour que la réalisation soit totale, le déchirement du voile est indispensable.
Parfois une vision apparaît en même temps que l'expérience
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et en quelque sorte la représente ou l'accompagne visuellement, niais l'expérience elle-même est quelque chose de distinct.
Cela ne s'ensuit pas nécessairement. En allant profondément au-dedans, l'un peut avoir des visions, un autre peut tomber dans une conscience profonde et n'en avoir aucune, et ainsi de suite. L'effet varie selon la nature de chacun.
La vision intérieure est aussi nette que la vue physique, elle est toujours précise et contient une vérité. Dans la vision mentale, les images sont inventées par le mental et sont en partie vraies, en partie un jeu de. possibilités. Une vision mentale peut aussi, comme une vision vitale, n'être qu'une suggestion: c'est la formation d'une certaine possibilité sur le plan mental ou vital qui se présente au sâdhak dans l'espoir qu'il l'accepte et l'aide à se réaliser.
Les visions mentales ont pour but d'apporter au mental l'influence de ce qu'elles représentent.
La vision cosmique consiste à voir les mouvements universels: elle n'a pas obligatoirement un rapport avec le psychique. Elle peut se situer dans le mental universel, le vital universel, le physique universel, n'importe où.
Que voulez-vous dire ici par vision psychique? Par vision intérieure, on entend la vision qui voit au-dedans, par opposition à celle qui voit au-dehors, à la vision extérieure du mental de surface par les yeux physiques. Dans la
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terminologie de notre yoga, le mot psychique est réservé à l'âme, à l'être psychique: ce n'est pas comme dans le langage courant où, si vous voyez un fantôme, vous appelez cela une "vision psychique"; nous parlons de vision intérieure ou de vue subtile, non de vision psychique.
La vision en transe n'est pas moins une vision que celle qui se produit à l'état de veille. Seuls les états de la conscience réceptrice varient: dans l'un, la conscience de veille participe à la vision, dans l'autre elle en est exclue au bénéfice d'une plus grande aisance et d'une plus grande étendue de l'expérience intérieure. Mais dans les deux, c'est la vision intérieure qui voit.
La vision intérieure peut voir des objets; elle peut aussi voir, à leur place, la vibration des forces qui agissent à travers ces objets.
Les visions sont de toutes sortes; certaines sont seulement des suggestions de ce qui veut exister ou s'efforce d'exister, d'autres révèlent quelque chose qui approche, ou dont on s'approche, d'autres encore révèlent que quelque chose est en train de se faire.
Il n'y a rien de particulier à faire pour améliorer les images perçues dans les visions. Elles se développent d'elles-mêrne5 peu à peu par la pratique de la vision: ce qui était flou devient net, ce qui était incomplet devient complet. On o6 peut pas dire, d'une manière générale, que ces images sont réelles ou irréelles. Certaines sont des formations du mental, d'autres apparaissent d'elles-mêmes à la vue, d'autres
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sont les images d'objets réels qui se présentent directement à la vue; d'autres encore sont de véritables tableaux et pas seulement des images.
Ce domaine (dont le centre se trouve entre les sourcils) est celui de la pensée, de la volonté et de la vision intérieures; l'automobile indique un progrès rapide dans cette partie de la conscience. L'automobile est une image symbolique, ces images ne représentent rien de physique.
Ces événements ont lieu dans le mental intérieur ou le vital intérieur, et en général il y a une vérité derrière, mais la forme sous laquelle ils pénètrent dans le mental peut être imparfaite, c'est-à-dire que leur signification peut ne pas être parfaitement révélée par les mots.
Ce ne sont pas des images mentales. Il y a une vision intérieure qui s'ouvre quand on fait la sâdhanâ et toutes sortes d'images apparaissent ou passent devant elle. Leur apparition ne dépend ni de votre pensée, ni de votre volonté: elle est réelle et automatique. Tout comme vos yeux physiques voient des objets du monde physique, les yeux intérieurs voient des objets ou des images qui appartiennent aux autres mondes, et aussi des images subtiles de notre monde physique.
On peut voir les objets intérieurs aussi distinctement que les objets extérieurs, soit sous forme d'images par la vision subtile, soit dans leur essence par une manière de voir plus subtile et plus puissante encore; mais il faut cultiver ces facultés pour qu'elles atteignent la plénitude de leur pouvoir et de leur intensité.
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Les images subtiles peuvent être des images de toutes sortes de choses dans tous les mondes.
Tout ce qui n'est pas physique est vu par une vision intérieure.
La vision intérieure commence par la vision des, couleurs - c'est ce qui s'appelle shoûkshmadrishti. Ensuite Cette vision s'ouvre et on commence î voir des formes, des scènes et des personnes. Il est bon que votre première vision - été une image de la Mère.
Quand la vision intérieure s'ouvre, tout ce qui a existé ou existe actuellement dans le monde peut lui apparaître; elle peut même s'ouvrir à des choses qui existeront plus tard. Il est donc tout à fait possible de voir ainsi les formes et les choses du passé.
Quand on essaie de méditer, le premier obstacle,, au début, est le sommeil. Cet obstacle surmonté, vient un état dans lequel, les yeux fermés, tous commencez à voir des choses, des gens, des scènes de truies sortes. Ce n'est pas mauvais, c'est un bon signe qui indique que vous faites des progrès dans le yoga. Il y a en nous, en plus de la vision physique extérieure qui voit les objets extérieurs, une vision intérieure qui peut voir des choses encore invisible et inconnues, des objets lointains des objets qui appartiennent à un autre lieu, à un autre temps ou à d'autres mondes:; c'est cette vision intérieure qui s'ouvre en vous. C'est la force de la Mère qui travaille pour l'ouvrir en vous, et vous, ne devez pas essayer de l'interrompre. Souvenez-vous sans cesse de la Mère, faites appel à elle et aspirez à sentir sa présence et
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son pouvoir à l'œuvre en vous; vous n'avez pas besoin, pour cela, de rejeter cette évolution ou d'autres que son action pourra engendrer en vous plus tard. Seuls le désir, l'égoïsme, l'agitation et d'autres mouvements faux doivent être rejetés.
Fixer ainsi le regard sur une flamme ou un point brillant est le moyen traditionnel utilisé par les yogis pour se concentrer ou pour éveiller la conscience et la vision intérieures. En regardant ainsi vous êtes, semble-t-il, entré dans une sorte de transe de surface (et non profonde), ce qui est en fait l'un des premiers résultats de cette méthode, et vous avez commencé à voir des choses qui appartiennent sans doute au plan vital. Je ne sais pas quels étaient les "objets terrifiants" que vous avez vus, mais cet aspect effrayant est caractéristique de quantité de choses que l'on voit au début dans ce plan, surtout lorsqu'on en passe le seuil par de tels moyens. Je crois que vous ne devriez pas en user, car ils ne sont en rien nécessaires et peuvent par ailleurs conduire à une concentration passive où l'on est ouvert à toutes sortes de choses sans pouvoir exercer parmi elles un choix judicieux.
Je n'ai pas très bien compris, dans votre lettre, quelle est la nature de ces spectacles et de ces objets qui passent devant vous comme un film cinématographique. Si ce sont des objets vus par la vision intérieure, il n'y a pas lieu de les chasser: on n'a qu'à les laisser passer. Quand on fait la sâdhanâ, un mental intérieur, qui est au-dedans de nous, s'éveille et voit, par la vision intérieure, des images de tout ce qui est dans ce monde et dans d'autres; ce pouvoir de vision est utile, bien que l'on ne doive pas s'y attacher: on peut laisser passer ces visions en gardant un mental tranquille, sans s'y attarder ni les chasser. Ce sont les pensées du mental extérieur qu'il faut refuser, les suggestions et les
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idées qui finissent par troubler la sâdhanâ. Il y a aussi un certain nombre de pensées de toutes sortes qui sont sans intérêt, mais que le mental avait coutume de laisser venir par habitude, automatiquement; elles apparaissent parfois lorsqu'on essaie être tranquille. Il faut les laisser passer sans y prêteur attention jusqu'à ce qu'elles s'épuisent et que le mental se calme; lutter contre elles pour essayer de les faire cesser est inutile, il ne doit y avoir qu'un rejet tranquille. Au contraire, si des pensées surgissent du dedans, du psychique - pensée de la Mère, d'amour divin et de joie, perceptions de vérité etc.,- il faut évidemment les laisser venir, car elles contribuent à éveiller l'activité du psychique.
Les rêves et te disions du plan vital sont, en général:
(1) soit des visions vitales symboliques;
(2) soit des événements réels sur le plan vital;
(3) soit des formations du mental vital, qu'elles viennent du rêveur de quelqu'un d'autre avec qui il est en contact pendant son sommeil, ou encore de pouvoirs ou d'êtres de ce plan. On ne peut guère accorder de crédit à ces formes d'expérience même la première n'a qu'une valeur relative ou suggestive, alors que la deuxième et la troisième sont souvent ;tout à fait trompeuses.4
Ces visions appartiennent au monde vital et aux plans vitaux et là, on en voit des centaines[...] Toutes les parties de la conscience sont comme des champs de forces: les forces appartenant aux mêmes plans de conscience dans la Nature universelle sont sans cesse en train d'y pénétrer ou d'y passer. La meilleure chose à faire est de les observer sans en être affecté d'aucune manière, et sans y attacher trop d'importance: car ce sont là des expériences mineures et l'on
4. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
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doit, par sa propre concentration, faire venir les expériences importantes.
Puisque vous étiez en train de concentrer votre attention sur la lumière électrique, c'est peut-être le dieu de l'électricité, Vaïdyouta Agni, que vous avez vu. Il n'y a pas de raison qu'il ait plusieurs visages: les personnages à plusieurs têtes ou à plusieurs bras appartiennent en général au plan vital et peut-être ne se manifestait-il pas sous sa forme vitale. Quant aux couleurs, elles symbolisent des forces et Agni n'est pas nécessairement d'un rouge pur: le principe du Feu peut manifester toutes les couleurs et le feu d'un blanc pur est celui qui renferme toutes les couleurs.
Sur le plan surmental, les dieux n'ont pas plusieurs têtes et plusieurs bras: ce symbolisme appartient au vital, il n'est pas obligatoire dans d'autres plans. Ce personnage appartenait peut-être au plan physique subtil.
Le monde que vous voyez se trouve sur un certain plan du physique subtil où les hommes voient les dieux selon l'idée qu'ils en ont et les images qu'ils s'en font.
C'est le plan vital, probablement le physique vital. C'est surtout là que les êtres du monde vital apparaissent avec des têtes ou des parties du corps empruntées aux animaux. Un personnage humain avec une tête de chien représente une énergie sexuelle très grossière et très matérielle. Toutes ces énergies peuvent évidemment être transformées et cesser d'être sexuelles, se transformer en force matérielle d'un
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genre ou d'un autre, tout comme la force séminale peut être transformée en ojas par le brâhmatcharya.5
Cela dépend de la nature de la vision symbolique: elle peut être une simple représentation qui offre à la vision et à la nature intérieures la chose qu'elle symbolise par sa forme (même si le mental extérieur ne la comprend pas, le mental intérieur peut en recevoir l'effet); ou bien elle est dynamique. Le symbole du soleil, par exemple, est en général dynamique. En outre, parmi les symboles dynamiques, certains peuvent apporter simplement l'influence de ce qu'ils symbolisent, d'autres indiquent ce qui est en train de se faire mais n'est pas encore terminé; certains montrent une expérience formatrice qui apparaît dans la conscience, d'autres prophétisent quelque chose qui peut arriver, arrivera ou est sur le point d'arriver. D'autres encore ne sont pas seulement des symboles, mais des réalités du présent vues par la vision sous une forme symbolique.
Quand les couleurs commencent à prendre des formes précises dans les visions, c'est le signe d'un travail dynamique de formation dans la conscience: un carré, par exemple, signifie qu'une sorte de création est en cours dans une certaine partie de l'être: le carré indique que la création sera complète à elle seule; alors que le rectangle indique quelque chose de partiel et de préliminaire. Les vagues de couleurs signifient une ruée dynamique de forces et l'étoile, dans un tel contexte, est la promesse de l'être nouveau qui doit être formé. La couleur bleue, ici, est sans doute la lumière de Krishna: il s'agit donc d'une création qui s'élabore sous la pression de la conscience de Krishna. Tous ces symboles révèlent ce qui se passe dans l'être intérieur, dans la conscience
5. Ojas: l'énergie essentielle; brahmatcharya: célibat, abstinence.
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à l'arrière-plan, et les effets surgissent de temps en temps dans la conscience extérieure ou conscience de surface sous forme de sentiments, comme cette douceur et cette ouverture que vous avez perçues: sentiments de dévotion, de joie, de paix, d'Ânanda, etc. Quand l'ouverture sera complète, une conscience plus directe du travail qui se poursuit à l'arrière-plan apparaîtra sans doute, jusqu'à ce que ce travail s'effectue non plus par derrière, mais au premier plan de la nature.
Quand vous voyez un carré, c'est le symbole d'une création complète; quand vous voyez un buffle se ruer sur vous sans vous atteindre et que vous avez l'impression d'avoir échappé à un grave danger, c'est une transcription. Quelque chose de réel s'est produit, que votre mental a traduit par la charge sans effet du buffle; c'est l'attaque d'une force hostile représentée par le buffle.6
Tout ce que l'on peut voir les yeux fermés, on peut aussi le voir les yeux ouverts; il suffit que la vision intérieure s'étende à la conscience physique subtile pour que cela se produise.
1. Cette vision était perçue par les yeux physiques, mais par la conscience physique subtile; en d'autres termes, une conscience se superposait à l'autre. Passé un certain stade de développement, cette capacité de vivre dans la conscience physique ordinaire, à laquelle s'ajoute cependant un autre sens, une autre vision, une autre expérience plus subtiles, devient tout à fait normale. Un peu de concentration suffit à l'amener; cela peut même se produire automatiquement,
6. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
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sans aucune concentration.
Comme la fleur était un objet physique subtil, pas entièrement matériel au sens ordinaire du mot (bien qu'elle fût tout à fait substantielle et matérielle dans son propre plan et ne fût pas une illusion), un appareil photographique n'aurait pas pu la déceler, sauf s'il s'était agi de l'une de ces interventions par lesquelles une forme subtile se projette sur la plaque matérielle.
Elle pourrait être perçue dans une chambre obscure, bien que ce soit moins facile, et alors son apparence n'aurait pas été aussi nette, à moins que vous n'ayez été capable d'émettre une certaine lumière du plan physique subtil pour l'entourer et lui donner son milieu naturel.
Si vous l'aviez vue les yeux fermés, elle n'aurait plus été une forme du physique subtil, mais un objet ou une formation du plan mental, du plan vital ou d'un autre plan, à moins que la conscience intérieure n'ait vraiment avancé assez loin pour être capable de se projeter dans les plans physiques; mais cette évolution est rare et, dans la plupart des cas, tardive.
2. En général, ce n'est pas l'objet qui disparaît, c'est la conscience qui change. Si cette faculté est instable ou si l'on manque de pratique, on n'est pas capable de faire durer la vision physique subtile, celle qui voyait réellement l'objet. Cette vision physique subtile vient plus aisément dans la période qui s'étend entre le sommeil léger et la veille: soit lorsqu'on vient de sortir du sommeil, soit au moment où l'on s'endort. Mais on peut, par la pratique, l'acquérir lorsqu'on est tout à fait éveillé.
Au début, quand on commence à avoir des visions, il est très fréquent que les images les moins complètes et les plus imprécises durent plus longtemps, alors que celles qui sont bien formées, complètes, précises dans le détail et dans la forme sont souvent tout à fait fugitives et disparaissent en un instant. C'est seulement quand la vision subtile est bien développée que cette vision précise et complète dure longtemps. La raison en est qu'il est difficile de prolonger un état
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de conscience encore anormal et aussi, dans ce cas, de conserver à la fois les deux consciences momentanément superposées.
3. Dans chaque plan, les expériences sont de toutes sortes: formes symboliques, images de suggestion, images de pensée, formations de désir ou formations de volonté, constructions de toutes sortes, choses réelles et durables dans le plan auquel elles appartiennent et choses fictives et trompeuses. Leur caractère fortuit tient à la conscience qui voit les autres mondes avec sa connaissance limitée et imparfaite, et non aux phénomènes eux-mêmes. Chaque plan est un monde, un conglomérat ou une série de mondes dont chacun est organisé à sa manière, mais est l'effet d'une organisation et non du hasard; seulement les plans subtils sont bien sûr plus souples, moins rigides dans leur structure que le plan matériel.
Le pouvoir de vision occulte est présent en tous, en majeure partie latent, souvent proche de la surface, parfois - beaucoup plus rarement - déjà en surface. Si l'on pratique le trâtak, il est à peu près certain qu'il émergera tôt ou tard, bien que pour certains ce soit difficile, et pour eux cela prend du temps; ceux chez qui il se révèle dès le début ont toujours eu ce pouvoir de vision occulte près de la surface et il émerge à la première pression directe.
Les rayons émis par les arbres que vous avez vus sont toujours là, seulement ils sont voilés à la vision matérielle ordinaire. J'ai dit que le bleu et l'or ensemble indiquaient la présence combinée de Krishna et de Dourgâ-Mahâkâlî; mais l'or et le jaune ont des significations différentes. Le jaune, dans le symbolisme des forces, signifie le mental pensant, bouddhi, et le rosé (nuancé ici en vermillon clair) est la couleur du psychique; la combinaison des deux signifie sans doute le psychique dans le mental.
En interprétant ces phénomènes, vous devez vous souvenir
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que tout dépend de l'ordre auquel appartiennent les choses évoquées par les couleurs dans chaque cas particulier. Il y a un ordre de significations dans lequel elles indiquent divers dynamismes psychologiques, par exemple: la foi, l'amour, la protection, etc. Il y a un autre ordre de significations où elles indiquent l'aura ou l'activité des êtres divins: Krishna, Mahâkâlî, Râdhâ, ou bien d'autres êtres surhumains; il y en a un autre où elles indiquent l'aura autour des objets ou des êtres vivants [...] et cette liste de possibilités n'est pas limitative. Une certaine connaissance, des expériences, une intuition progressive sont nécessaires pour percevoir dans chaque cas la vraie signification. L'observation et l'exactitude de la description sont très nécessaires aussi; car on parle quelquefois de jaune, par exemple, alors qu'il s'agit d'or, ou vice-versa; par ailleurs différentes nuances de la même couleur peuvent avoir des sens différents. En outre, si vous voyez de la couleur auprès d'une personne, autour d'elle ou en la regardant, il ne s'agit pas forcément de son aura: il peut s'agir de quelque chose qui se trouve près d'elle ou autour d'elle. Dans certains cas cela peut n'avoir aucun rapport avec la personne ou l'objet que vous regardez, et qui peut simplement servir de support ou de foyer de concentration, comme lorsque vous voyez des couleurs sur un mur ou en regardant un objet brillant.7
La faculté de voir les parties internes du corps (du moins de son propre corps) est un pouvoir yoguique cultivé par les Râdjayogis et les Hathayogis; je suppose qu'on pourrait l'étendre au corps des autres. Il existe aussi un sens des odeurs subtiles et j'ai remarqué que parfois, une odeur particulière persiste.
7. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
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Les sons de cloches et la vision de lumières et de couleurs signalent l'ouverture de la conscience intérieure, qui s'accompagne aussi d'une ouverture aux images et aux sons de plans différents du plan physique. Certains de ces phénomènes, comme les sons de cloches, de criquets, etc., semblent même faciliter cette ouverture. L'Oupanishad les qualifie de brahmavyaktikarâni yoge.8
Les lumières représentent des forces; parfois, une forme lumineuse comme celle que vous avez vue peut être aussi la lumière d'un être des plans supraphysiques.
Les sons ou les voix que vous entendez sont similaires aux images (personnes, objets) que vous voyez. De même qu'il y a une vision intérieure différente de la vision physique, il y a une ouïe intérieure autre que celle de l'oreille extérieure, et elle peut écouter des voix, des sons, des mots qui viennent d'autres mondes, d'autres temps et d'autres lieux, ou qui viennent d'êtres supraphysiques. Mais là vous devez être prudent. Si des voix qui ne sont pas d'accord entre elles essaient de vous dire ce que vous devez faire ou ne pas faire, il ne faut pas les écouter ni leur répondre. Seuls la Mère et moi pouvons vous dire ce que vous devez faire ou ne pas faire, vous guider ou vous conseiller.
Quand s'ouvrent les sens intérieurs, ou l'un quelconque d'entre eux, automatiquement on voit ou on entend des choses qui appartiennent aux autres plans. Ce que l'on perçoit des autres plans, par l'ouïe ou la vue, dépend du développement du sens intérieur. Ces sons peuvent être
8. Signes qui accompagnent ou aident l'ouverture à la conscience supérieure (brahman) dans le yoga (Svet., 2.11).
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simplement des symboles et avoir un rapport avec la sâdhanâ, ou ils peuvent n'être que des sons ordinaires appartenant à un autre plan; cela dépend de ce que vous entendez.
Cela dépend de la nature des sons. Certains ont un lien [avec la sâdhanâ], d'autres sont simplement les sons des autres plans.
[Les sons subtils qui ont un rapport avec la sâdhanâ:] Ce sont les signes d'un travail qui se poursuit pour préparer quelque chose; mais on ne peut pas dire, d'une manière générale, d'après les sons eux-mêmes, de quelle nature est cette préparation.
Une voix intérieure n'est rien de plus qu'une voix: elle peut donner la direction, non la force. Une voix parle, elle n'agit pas. La différence est grande entre lire un livre et recevoir la direction intérieure.
[Sentir des odeurs et des goûts subtils:] Ce n'est pas une ouverture de la connaissance et des pouvoirs occultes, mais simplement une ouverture de la conscience intérieure.
L'odeur [subtile émanée par une personne] est due à quelque chose dans le vital physique de cette personne. Ce quelque chose peut ne pas être prédominant tout le temps. Quand il prédomine, l'odeur est là.
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[...] Le quelque chose peut être de différentes sortes selon le cas et on ne peut pas poser en règle qu'il s'agit de ceci ou de cela. L'odeur la plus sale est celle du sexe.
Un symbole, au sens où je l'entends, est une forme qui appartient à un plan et représente une vérité d'un autre plan. Un drapeau, par exemple, est le symbole d'une nation... Mais en général, toutes les formes sont des symboles. Notre corps est le symbole de notre être réel et toute chose est le symbole d'une réalité supérieure. Il y a cependant différentes sortes de symboles:
1. Les symboles conventionnels, comme ceux que les Rishi védiques ont formé à partir d'objets pris dans leur environnement. La vache symbolisait la lumière parce qu'un seul mot, go, signifiait à la fois rayon et vache, et parce que la vache était la plus précieuse de leurs possessions; elle les sustentait et risquait toujours d'être dérobée et cachée. Mais un symbole comme celui-là, une fois créé, devient vivant. Les Rishi lui ont donné vie et il a fini par faire partie de leur réalisation. La vache apparaissait dans leurs visions comme une image de la lumière spirituelle. Le cheval aussi était l'un de leurs symboles préférés, symbole d'une adaptation plus facile, car sa force et son énergie sont tout à fait évidents.
2* Ce que nous pourrions appeler les Symboles de Vie, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas choisis arbitrairement ni interprétés par le mental d'une manière consciente et délibérée, mais découlent naturellement de notre vie quotidienne et viennent du milieu qui détermine notre manière normale de vivre. Pour les Anciens, la montagne symbolisait le chemin du yoga: un niveau après l'autre, de pic en pic. Un voyage entraînant la traversée de rivières et la rencontre d'ennemis cachés, animaux et humains, exprimait une idée similaire. De nos jours, j'irais jusqu'à dire que nous pourrions
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assimiler le yoga à un voyage en automobile ou en train.
3. Les symboles qui sont intrinsèquement justes et possèdent un pouvoir qui leur est propre. L'âkâsha ou espace éthérique est un symbole du Brahman infini et éternel qui pénètre tout. Dans n'importe quel pays, il aurait le même sens. Le soleil est aussi, un symbole universel: il représente la Lumière supramentale, la Gnose divine.
4. Les symboles mentaux, par exemple les nombres et les alphabets. Une fois admis, ils deviennent, eux aussi, actifs et peuvent être utiles. Ainsi les figures géométriques ont été diversement interprétées. Dans mon expérience, le carré symbolise le supramental. Je ne saurais dire comment cela m'est venu. Une personne, ou une force, l'a peut-être élaboré avant qu'il ne me vienne à l'esprit. Il y a aussi différentes explications du triangle. Dans une certaine position, il peut symboliser les trois plans inférieurs, dans une autre il symbolise les trois plans supérieurs: les deux peuvent donc se combiner en un symbole unique. Les Anciens aimaient s'adonner à des spéculations similaires au sujet des nombres, mais leurs systèmes relevaient surtout du mental. Nul doute qu'il existe des réalités supramentales que nous traduisons en formules mentales comme le karma, l'évolution psychique, etc. Mais ces réalités sont pour ainsi dire infinies et ne peuvent se limiter à ces formes symboliques, bien que ces formes puissent plus ou moins les exprimer; elles pourraient aussi bien être exprimées par d'autres symboles, et le même symbole peut aussi exprimer bien des idées différentes.
Toutes ces idées ont existé autrefois sous une forme ou une autre. La signification des nombres était l'un des principaux éléments de l'enseignement de Pythagore cinq cents ans avant Jésus-Christ.
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Le feu, les lumières, le soleil, la lune sont des symboles courants que voient la plupart des sâdhak. Ils indiquent un mouvement ou une action des forces intérieures. Le Soleil symbolise la vérité intérieure.
On voit la Lumière parfois en masses, parfois en formes; les formes les plus fréquentes sont le soleil, la lune, les étoiles ou le feu.
Lorsqu'à un certain stade de la sâdhanâ, on voit des lumières, des couleurs, des fleurs, c'est toujours le signe d'un travail intérieur des forces. La lumière indique évidemment une illumination de la conscience, la couleur le jeu de forces mentales (jaunes), physiques et vitales, mais il s'agit de forces qui œuvrent pour illuminer ces parties de l'être. Les fleurs sont d'ordinaire le signe d'une activité psychique.
Il n'est pas nécessaire d'avoir un mental tranquille pour voir des lumières: la seule condition est l'ouverture de la vision subtile dans le centre qui se trouve dans le front, entre les sourcils. Beaucoup de gens acquièrent cette faculté dès qu'ils commencent la sâdhanâ. Ce sens peut même se développer par l'effort et la concentration, sans sâdhanâ, chez ceux qui l'ont déjà dans une petite mesure de façon innée. La tranquillité du mental est nécessaire pour d'autres choses: sentir la présence de la Mère, etc.
Il n'est pas toujours nécessaire que le mental soit concentré pour voir la lumière; s'il y a une ouverture n'importe où dans la conscience, cela suffit.
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La lumière au-dehors révèle le contact ou l'influence d'une force dont la nature est indiquée par la couleur de la lumière (dorée, c'est la Lumière-de-Vérité; bleue, c'est une force spirituelle venant du plan au-dessus) alors que la lumière au-dedans indique qu'elle a pénétré dans la nature elle-même, s'y est établie ou y est souvent active. La lumière au-dessus indique une force qui descend sur le mental, la lumière alentour une influence générale qui vous enveloppe.
Une incandescence est une lumière atténuée, mais riche, ou encore une sorte de chaude exaltation d'un genre lumineux.
On voit souvent la Lumière à l'avant du centre de la vision intérieure, du mental et de la volonté, qui se trouve dans le front, entre les sourcils. Le soleil indique la Lumière de la Vérité divine qui a pris forme; la lumière étoilée est la même Lumière agissant comme un Pouvoir diffus sur la conscience ordinaire que l'on voit comme la nuit de l'Ignorance. L'appel a fait descendre la Lumière à flots dans l'être intérieur.
Le soleil symbolise la lumière concentrée de la Vérité.
Le Soleil est la Vérité qui vient d'en haut; au stade ultime, c'est la Vérité supramentale.
Le Supramental n'a rien à voir avec le mental, c'est quelque chose de différent. Le Soleil figure la Vérité perçue directement,
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dans quelque plan que ce soit. C'est le symbole du supramental, mais la Vérité peut descendre dans les autres plans et alors elle n'est plus supramentale, mais se modifie pour revêtir la substance des autres plans; et pourtant c'est la Lumière directe de la Vérité.
Il y a différents soleils dans les différents plans, et chacun a sa couleur. Mais il y a aussi, au-dessus, des soleils de la même couleur, seulement ils sont plus brillants; les soleils moindres en reçoivent leur lumière et leur pouvoir.
Le soleil rouge symbolise la conscience physique véritable, illuminée, qui viendra remplacer la conscience physique obscure et ignorante dans laquelle les hommes vivent à présent. Le rouge est la couleur du physique; le diamant rouge est la conscience de la Mère dans le physique.
La lune indique la spiritualité, parfois aussi l'Ânanda spirituel.
La lune, dans les visions, symbolise d'ordinaire la spiritualité dans le mental ou simplement la conscience spirituelle. Elle peut aussi indiquer le flot de l'Ânanda spirituel (selon la tradition ancienne, le nectar se trouve dans la lune).
[Le Mental spirituel symbolisé par la lune:] C'est le Mental en contact avec les vérités de l'esprit, et qui les reflète. Le
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Soleil est la lumière de la Vérité; la Lune ne fait que refléter la lumière de la Vérité, là est la différence.
La lumière dorée est celle de la Vérité supérieure; la lune est le symbole de la spiritualité. Une lune dorée signifie un pouvoir de spiritualité plein de la lumière de la Vérité supérieure.
L'étoile signifie une création ou une formation, ou encore soit la promesse, soit le pouvoir d'une création ou d'une formation.
L'étoile est toujours une promesse de la Lumière à venir; l'étoile se change en soleil quand descend la Lumière.9
Les étoiles indiquent des points de Lumière dans la conscience mentale ignorante.
Lune = lumière spirituelle.
Soleil = la Lumière-de-Vérité supérieure.
On peut voir une pensée illuminée et bien formée sous la forme d'une étincelle.
Les étincelles ou les mouvements de lumière révèlent le jeu des forces dans la conscience ou autour d'elle.
9. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
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Le feu indique une action dynamique.
Couleur et lumière sont toujours proches l'une de l'autre, la couleur étant plutôt symbolique et la lumière plutôt dynamique. La couleur incandescente devient lumière..
L'or, dans sa plus grande intensité, indique quelque chose qui vient du supramental; autrement, c'est une vérité surmentale ou une vérité intuitive qui dérive en fin de compte de la Conscience-de-Vérité supramentale.10
Il n'est pas toujours facile de définir avec exactitude le symbolisme des couleurs, parce qu'il n'est ni rigide, ni précis, mais complexe; la signification varie selon le domaine, les combinaisons, le caractère et les nuances de la couleur, le jeu des forces. Bien des occultistes considèrent qu'une certaine nuance de jaune, par exemple, indique la bouddhi, l'intellect, et elle a souvent ce sens, mais si cette couleur apparaît au milieu d'un jeu de forces vitales, on ne peut pas toujours l'interpréter ainsi; ce serait trop rigide. Ici, tout ce que l'on peut dire, c'est que le bleu (pas n'importe quel bleu, celui que vous avez vu) indiquait la réponse de la Vérité; le vert - ou ce vert particulier - est fréquemment associé à la Vie et à une émanation ou une action abondantes des forces, souvent d'une force de vie émotive, et c'est probablement cela qu'il symbolisait ici.11
Ce ne sont pas les parties de l'être qui ont chacune une couleur. Il y a une couleur caractéristique du mental, qui est
10. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
11. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
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le jaune; du psychique, rosé ou rosé pâle; du vital, pourpre; mais ces couleurs correspondent aux forces principales du mental, du psychique, du vital: ce ne sont pas les couleurs de ces parties de l'être. D'autres couleurs peuvent aussi entrer en jeu, par exemple, dans le vital, le vert et le rouge foncé, ainsi que le pourpre; d'autres encore caractérisent les forces vitales hostiles.
Les lumières que l'on voit en concentration sont les lumières de divers pouvoirs ou forces; et souvent ce sont des lumières qui descendent de la conscience supérieure..
La lumière violette est celle de la Compassion divine (karounâ - la Grâce); la lumière blanche est la lumière de la Mère (la Conscience divine) qui contient toutes les autres et d'où elles peuvent se manifester.
Le pourpre est la couleur du pouvoir vital. Quant au rouge, cela dépend de quel rouge il s'agit, car il y a de nombreuses nuances de rouge; celle-ci correspond peut-être à la conscience physique.12
Les quatre Lumières étaient les lumières de la Vérité; la lumière blanche est la pureté et le pouvoir de la Vérité divine, la verte son énergie active pour le travail, la bleue la conscience spirituelle de la Vérité divine et la lumière dorée sa connaissance..
La flèche est le symbole de la force qui se dirige vers son but.
Le bleu est le mental supérieur.
Entendre un son de cloches est d'ordinaire le signe d'un progrès dans la sâdhanâ, d'un progrès à venir.
La forme serpentine est un symbole de l'Énergie et la lumière blanche et bleue est peut-être celle de la conscience
12. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
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de la Mère dans le mental supérieur; cependant, s'il ne s'agit pas de deux couleurs distinctes, mais d'un blanc bleuté, alors c'est la lumière de Sri Aurobindo. La lumière est la manifestation d'une Force, la nature de la force étant indiquée par la couleur de la Lumière.
Le bleu est la couleur normale des plans spirituels; le clair de lune indique le mental spirituel et sa lumière.
Les lumières indiquent l'action de certaines forces, précisées en général par la couleur de la lumière. Le blanc bleuté est reconnu comme la lumière de Sri Aurobindo ou parfois comme la lumière de Sri Krishna.
La signification de la lumière bleue dépend de sa couleur exacte, de sa nuance et de sa nature. Un blanc bleuté comme le clair de lune est reconnu comme la lumière de Krishna ou la lumière de Sri Aurobindo (le bleu clair est souvent la couleur du Mental illuminé); il y a un autre bleu, plus foncé, qui est celui du Mental supérieur; un autre encore, tirant sur le pourpre, est la lumière d'un pouvoir dans le vital.
La lumière blanc-bleu pâle est "la Lumière de Sri Aurobindo"; c'est la lumière bleue nuancée par la lumière blanche de la Mère.
La lumière bleu pâle est la mienne, la lumière blanche est celle de la Mère. Le monde que vous avez vu au-dessus de laa
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tête était le plan du Mental illuminé, plan de conscience beaucoup plus élevé que l'intelligence humaine. C'est là que descendent la Lumière et le Pouvoir du Divin pour se transmettre à la conscience humaine; de là, ils travaillent à préparer la transformation de la conscience humaine et même de la nature physique.
Si les lumières bleues étaient de différentes nuances, cela peut signifier les plans au-dessus de la tête: surmental, Intuition, Mental illuminé, Mental supérieur.
Il y a différentes lumières de Krishna: bleu pâle diamantin, bleu lavande, bleu foncé, etc. Cela dépend du plan où la lumière se manifeste[...]
Il y a un bleu qui correspond au mental supérieur, un bleu plus foncé qui appartient au mental, à la lumière de Krishna dans le mental[...]
Tous les bleus ne sont pas la lumière de Krishna[...]
Le bleu diamantin est la lumière de Krishna dans le surmental; elle est bleu lavande dans le mental intuitif.
Le bleu est aussi la couleur de Râdhâ.
La lumière blanche est celle de la conscience divine.
Elles ont toujours le même sens. La lumière blanche est celle de la pure force de conscience d'où vient tout le reste. La lumière dorée est celle de la Vérité divine dans les plans supérieurs.
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Le blanc indique une force de pureté.
Les diamants peuvent symboliser la Lumière de la Mère à sa plus grande intensité, car cette lumière est d'un blanc diamantin.
La lumière du soleil est la lumière de la Vérité elle-même - quel que soit le pouvoir de Vérité dont il s'agisse - alors que les autres lumières dérivent de la Vérité.
La lumière du Soleil est la lumière directe de la Vérité; quand elle se fond dans le vital, elle prend une couleur mélangée - ici, or et vert - tout comme dans le physique elle devient rouge doré ou dans le mental jaune d'or.
La lumière dorée est celle de la Vérité divine émanant de la lumière supramentale du soleil et qui, nuancée par le plan qu'elle traverse, crée les divers niveaux depuis le surmental jusqu'au Mental supérieur.
La lumière dorée est celle du supramental modifié (surmentalisé): la Lumière supramentale passe par le surmental, l'Intuition, etc., et devient la Lumière de Vérité dans chaque plan. Si elle est rouge doré, c'est cette même lumière supramentale-physique modifiée, la Lumière de la Vérité divine dans le physique.
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La lumière dorée est toujours la lumière de Vérité, mais la nature de la Vérité varie selon le plan auquel elle appartient. La Lumière est la lumière de la Conscience, de la Vérité, de la Connaissance; le Soleil est la concentration ou la source de la Lumière.
Il s'agit une fois de plus de l'ascension dans l'un des plans supérieurs du mental illuminé par la lumière de la Vérité divine. Le jaune est la lumière du mental; il devient de plus en plus brillant à mesure que l'on s'élève, jusqu'à ce qu'il rejoigne la lumière dorée de la Vérité divine.
Le Pouvoir spirituel est naturellement plus libre sur son propre plan que dans le corps. La couleur dorée indique ici la force de Mahâkâlî qui est la plus vigoureuse pour travailler dans le corps.
Ce n'est pas encore clair. Le rouge doré est la couleur de la lumière supramentale physique; ce rouge nuancé de jaune peut donc indiquer un certain plan du surmental plus particulièrement relié au supramental physique. La lumière rouge doré a un fort pouvoir transformateur.
Soit dit en passant, l'orangé ou le rouge doré est œnsé être la lumière du supramental dans le physique.
La lumière orangée est la vraie lumière manifestée dans la conscience et l'être physiques.
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La lumière rouge foncé est une lumière qui descend dans le physique pour qu'il se transforme. Elle est associée à la lumière du soleil et à la lumière dorée.
Le rouge foncé est la lumière du Pouvoir qui est descendu avant le 24 [novembre 1933] pour transformer le physique.
Le rouge foncé est l'Amour divin; l'amour psychique est de couleur rosée.
Il s'agit, semble-t-il, de l'ouverture à divers pouvoirs et aussi à la paix, à la lumière et à l'immensité de la conscience spirituelle. Le Pourousha rouge est peut-être le Pouvoir du physique vrai, puisque le rouge est la couleur du physique.
L'orangé est la couleur de la connaissance occulte ou de l'expérience occulte.
Le jaune est le mental pensant. La nuance indique différentes intensités de la lumière mentale.
La couleur de la lumière psychique varie selon ce qu'elle manifeste: par exemple, l'amour psychique est rosé pâle ou soutenu, la pureté psychique est blanche, etc.
La rosé rosé rougeâtre = amour ou souimission psychique. La rosé blanche = pure soumission spirituelle.
La lumière rosée est celle de l'amourr; par conséquent vous êtes sans doute entré dans les monides? psychiques, ou du moins dans l'un d'entre eux.
Quant aux expériences décrites danss l'autre lettre, elles étaient, semble-t-il, un passage à traverss les mondes de paix neutre qui sont, pour le mental, une obscurité et barrent la route vers la pleine lumière.
Le violet est la lumière de la Grâce ett de la Compassion divines.
"Violet" est la couleur de la bienveillamce ou de la compassion, mais aussi, avec plus d'éclat, cellœ de la Grâce divine qui, dans la vision, est représentée comime se déversant sur la terre depuis les hauteurs de la consciience spirituelle. La coupe d'or est, je suppose, la Consciemce-de-Vérité.
Le violet est la couleur de la luiraièrœ de la Compassion divine et aussi celle de la Grâce de Krishna. C'est aussi l'irradiation de la protection de Krismna. Le bleu est sa couleur particulière et révélatrice, la œouleur de son aura quand il se manifeste; c'est pounquœi on l'appelle Nîla Krishna.13 L'adjectif ne signifie pas quee son corps physique était bleu ou noir.
13. "Krishna le bleu" ou "le noir". Nîlei: blleu, bleu foncé ou noir.
Le pourpre est la couleur de la force vitale; le rouge cramoisi est d'ordinaire physique.
La couleur cramoisie est la lumière de l'Amour dans le vital et le physique.
Toutes deux [mauve et cramoisie] sont des lumières vitales, mais quand on les voit d'en haut elles représentent les forces originelles dont procèdent les forces vitales.
La lumière verte peut avoir des significations différentes selon le contexte: dans le vital émotif, c'est la couleur d'une certaine forme de générosité émotive; dans le vital proprement dit, c'est une activité soutenue par une abondance ou une générosité vitale; dans le vital physique elle signifie une force de santé.
Oui. La lumière verte est une force vitale, une force dynamique du vital émotif qui a le pouvoir de purifier, d'harmoniser ou de guérir.
Le vert est une énergie vitale de travail et d'action.
Le ciel symbolise la conscience mentale (ou psychique) ou une autre conscience au-dessus du mental, par exemple le
mental supérieur, l'intuition, le surmental, etc. Le ciel, en tant qu'éther, symbolise aussi l'infini.
On voit en général la conscience supérieure comme un ciel ou un éther, mais quand on la sent par l'intermédiaire du vital, elle est souvent perçue comme un océan.
Sat, Chit, Ânanda, Supramental, Mental, Vie, Matière sont les sept plans décrits dans le Véda; mais dans notre yoga, on voit de nombreux niveaux de conscience apparaître sous la forme de ciels ou encore d'océans.
Le ciel bleu est celui du Mental supérieur, le plus proche des plans qui s'étagent entre la mentalité humaine et le supramental. La lune, ici, est le symbole de la spiritualité dans les plans mentaux. Le monde du Mental supérieur se trouve au-dessus des mondes qui sont directement reliés à la conscience corporelle.
Le ciel est toujours l'un des plans du mental. Les étoiles indiquent des commencements ou des promesses de Lumière; les lumières diverses indiquent divers pouvoirs de la conscience: or = la Vérité, bleu = le mental supérieur spiritualisé, violet = la sympathie, l'unité ou la compassion universelle.
Le premier océan est la conscience ordinaire, le deuxième est la conscience supérieure surplombée par le Soleil de Vérité. La montagne représente les plans ascendants de la
conscience supérieure. Le voyage en chemin de fer est le passage d'une conscience à une autre.
L'océan surplombé par le soleil est un plan de conscience illuminé par la Vérité. Si l'on pénètre dans les rayons, cela signifie que l'on n'est plus simplement éclairé par elle, mais que dans l'être conscient, on commence à faire partie de la Vérité.
L'océan bleu est souvent un symbole de la conscience spirituelle dans le Mental supérieur, une et indivisible.
L'aurore signifie toujours une ouverture d'un genre ou d'un autre, la venue de quelque chose qui n'est pas encore tout à fait là.
La Nuit est le symbole de l'Ignorance, Avidyâ, où vivent les hommes, tout comme la Lumière est le symbole de la Vérité et de la Connaissance.
La montagne symbolise la conscience incarnée: elle repose sur la terre, mais s'élève vers le Divin.
La montagne représente toujours l'ascension de l'existence avec, au sommet, le Divin qu'il faut atteindre.
La montagne est un symbole très courant de la conscience et de ses niveaux ascendants. L'eau qui s'écoule des sommets indique un flot descendant de la conscience supérieure.
Votre vision de la neige est probablement un symbole de la conscience dans un état de pureté, de silence et de paix, comme un terrain enneigé; en elle, une vie nouvelle (psychique, spirituelle, comme l'indiquent les fleurs) apparaît et remplace l'ancienne vie mentale et vitale qui a été recouverte par ce manteau de blancheur neigeuse.
Le fleuve représente un mouvement de la conscience.
L'eau est le symbole d'un état de conscience ou d'un plan.
Quand l'eau est symbolique [d'un plan de conscience], c'est une grande étendue d'eau; un fleuve ou un étang ne sont pas assez grands pour symboliser un plan.
Il arrive que l'on voie une partie de la conscience sous la forme d'un étang, d'un lac ou d'une mer. Le poisson est sans doute le mental vital.
Le lac est l'être dans sa conscience individuelle, la mer est le même être avec une conscience universalisée qui peut contenir
l'univers et ses forces cosmiques; l'un (l'individuel) se fond dans l'autre (l'universel). Le bateau est la formation de la conscience de la Mère en vous, dans lequel vous vous apprêtez à naviguer sur cette mer.
La pluie symbolise la descente de la Grâce ou de la conscience supérieure qui est la cause des richesses, de l'abondance spirituelle.
L'arc-en-ciel est le signe de la paix et de la libération.
Les nuages sont des symboles d'obscurité.
Pâtâla représente simplement le subconscient sous la Terre, la Terre étant le plan du physique conscient.
La jungle est sans doute une partie non régénérée de la nature vitale et le serpent une force mauvaise qui en sort.
L'arbre est le symbole du vital subconscient.
Un oiseau symbolise très souvent l'âme, et l'arbre est l'image classique de l'univers: c'est l'Arbre de Vie.
L'ashwattha [figuier] symbolise en général la manifestation cosmique.
Les fleurs révèlent un épanouissement de la conscience; elles désignent parfois, en particulier, le psychique, ou la conscience vitale, mentale et physique lorsqu'elle est devenue psychique.
C'est en général quand le psychique est actif que l'on commence à voir des fleurs en abondance.
Les fleurs rouges indiqueraient d'ordinaire une ouverture de la conscience soit dans le physique, soit dans certaines parties du vital, selon la nuance.
[La fleur nommée] "Sourire éternel" signifie la joie existant en soi et l'allégresse de l'Esprit.
Dans la sâdhanâ, [la fleur nommée] "intimité vitale" signifierait d'habitude l'intimité intérieure avec le Divin sur le plan vital.
Les fruits sont les résultats de la sâdhanâ.
La vache, dans le symbolisme occulte, représente la Lumière
ou la conscience; blanche, c'est la conscience purifiée ou spirituelle, la Lumière blanche.
C'est très clair: c'est l'image védique. Dans le Véda, la Vache est la Lumière divine; la vache blanche est la pure conscience dans laquelle se trouve la Lumière. Le lait est la Connaissance et le Pouvoir qui descendent de la Conscience divine.
La Vache signifie d'ordinaire la Conscience supérieure. Le veau représente peut-être la vérité de la conscience supérieure (blanche) dans le physique (rouge).
La vision des vaches a dû se dérouler dans le monde psychique. Elle a aussi une signification symbolique. Le soleil est le symbole de la Vérité divine, les vaches sont ses pouvoirs: rayons du soleil, source de vraie connaissance, de vrai sentiment, d'expérience authentique.
Vous êtes sans doute descendu dans une profondeur de lumière, probablement dans la nature psychique.
Le lait est toujours le symbole du flot de la conscience supérieure.
Le cheval est Pouvoir, en général Pouvoir de Vie, mais il peut aussi signifier Pouvoir du Mental ou Tapas, s'il est dynamique et fringant.
Un cheval noir est un cheval dont on ignore les qualités: s'il est bon ou mauvais, s'il gagnera ou non la course; c'est un élément obscur et inconnu.
Au sujet des deux rêves que vous décrivez dans votre courte lettre du 1" mai, celui des chevaux n'est pas aussi clair que l'autre, celui du veau blanc. Mais le cheval est toujours le symbole du Pouvoir; il doit donc s'agir d'un Pouvoir que vous étiez en train d'essayer de capturer et de vous approprier, et qui de son côté tentait parfois de vous rattraper, peut-être pour se servir de vous. C'est ce qui se produit dans le vital, où apparaissent ces mouvements incertains et fuyants. La haute estrade était évidemment le niveau d'une Conscience supérieure qui a calmé ce mouvement fluctuant et facilité la maîtrise de ce Pouvoir, puisque tout est devenu tranquille et clair.
Le veau blanc dénote une conscience claire et pure, puisque la vache ou le veau symbolise la Lumière dans la conscience: quelque chose de psychique ou de spirituel que vous avez senti en vous comme naturel, intrinsèque et inaliénable.
Le cheval est une force qui agit pour le progrès. Le train en pleine vitesse représente un progrès rapide.
L'âne est le symbole de l'inertie et de l'obstruction dans le corps. Le cheval est le symbole de la force ou du pouvoir. Le tunnel plein d'eau doit être le physique vital et l'arche est une porte de sortie: si l'âne peut la franchir, ou plutôt s'il peut y être contraint, alors il devient un cheval. En d'autres termes, l'inertie et l'obstruction dans le physique seront
transformées en Pouvoir et en Force de progrès.
L'éléphant est la Vigueur, parfois la Vigueur illuminée par la Sagesse.
L'éléphant est la vigueur, parfois la vigueur qui élimine les obstacles.
Le lion signifie force vitale, vigueur, courage; ici, ces qualités sont pleines de lumière, illuminées par la conscience spirituelle.
Le lion évoque force et courage, vigueur et pouvoir. Le vital inférieur n'a rien d'un lion.
Tout dépend de l'attitude du tigre. S'il est féroce et hostile, ce peut être l'image d'une force adverse; autrement, ce n'est qu'un pouvoir de nature vitale qui peut être bienveillant.
Le taureau est un emblème de vigueur et de force. Dans le Véda, il est aussi une image des Dieux, le pouvoir masculin dans la Nature. Le taureau est aussi le vâhana [monture] de Shiva. Il peut s'agir d'un rêve ou d'une expérience de l'un de ces symboles, mais ici c'est probablement le; premier.
Le sanglier est la vigueur et la véhémence radjasiques. Mais
cela dépend beaucoup du contexte; ces images ont aussi d'autres significations.
Oui, les buffles indiquent des forces vitales impétueuses et obscures.
Le buffle évoque souvent l'idée d'une violence obscure dans la nature; ici, elle semble ligotée, c'est-à-dire maîtrisée et non éliminée - Mais à quoi cela se réfère n'est pas clair, à supposer qu'il s'igisse vraiment d'un symbole.
Dans les visions, le bouc est souvent un symbole de luxure.
Le chien symbolse l'affection et l'obéissance dévouées.
Le chien indiqué en général la fidélité et s'il est jaune, ce sera la fidélité au Divin dans le mental; mais l'autre chien noir et blanc est difficile à interpréter; c'est quelque chose dans le vital mais la signification des taches noires n'est pas claire.
Le cerf symbolise peut-être la rapidité dans le progrès spirituel.
Hanoumân == la bhakti complète.
Le cerf = rapidité sur le chemin spirituel.
La grenouille = utilité modeste.
Le poisson est toujours le mental vital mouvementé qui fait toutes sortes de formations.
[Les mouches:] Quelque chose de petit dans le vital le plus étroit.
Les termites devaient évidemment symboliser des forces petites, mais destructrices dans le vital inférieur ou physique.
L'image de l'araignée est utilisée dans les Oupanishad pour symboliser le Brahman qui crée le monde en l'extrayant de lui-même, y demeure et le ramène en lui. Mais ce qui est important dans un symbole, c'est la signification qu'il a pour chacun. Pour vous, il peut vouloir dire succès ou formations réussies.
Le serpent révèle toujours une certaine sorte d'énergie, le plus souvent mauvaise, mais il peut aussi révéler une énergie lumineuse ou divine. Dans cette expérience, c'est la montée d'une force issue du physique. Les autres détails ne sont pas clairs.
Le serpent est le symbole d'une force, très souvent d'une force hostile ou maléfique du plan vital.
La mer symbolise un plan de conscience.
La lumière blanche est la manifestation d'une force divine pure descendant de l'un des plans de vérité qui mènent au supramental.14
L'ouverture du capuchon indique l'activité victorieuse ou réussie de l'Énergie symbolisée par le serpent.
Le serpent avec son capuchon au-dessus de la tête annonce en général la siddhi future.
Le cobra symbolise l'Énergie dans la Nature; le capuchon déployé et la lumière indiquent l'illumination et l'attitude triomphante de l'Énergie qui a émergé.
C'est en réponse à votre aspiration que la force de Mahâkâlî est descendue; le serpent est l'Énergie d'en haut qui œuvre dans le vital en réponse au serpent Koundalinî qui s'élève d'en bas. Le feu blanc est le feu de l'aspiration; rouge, c'est le feu du renoncement et de la tapasyâ; bleu, c'est celui de la spiritualité et de, la connaissance spirituelle qui purifie et disperse l'Ignorance.
Le serpent est le symbole de l'énergie et en particulier de la
14. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 7.
Koundalinî Shakti qui est la force divine lovée dans le centre physique le plus bas, le Moûlâdhâra; quand il se dresse, il s'élève par la colonne vertébrale et rejoint la conscience supérieure. Les énergies sont de toutes sortes et les serpents peuvent aussi symboliser les puissances du mal dans la nature vitale non régénérée, mais ici ce n'est pas le cas.
Le lotus est le symbole de l'ouverture des centres à la Lumière Le cygne, en Inde, est le symbole de l'âme individuelle, de l'être central, la partie divine qui est tournée vers le Divin, descend de Lui et remonte à Lui.
Les deux serpents entrelacés sont les deux canaux dans la colonne vertébrale, par lesquels la Shakti se meut vers le haut ou yers le bas.
Le serpent aux six capuchons est la Koundalinî Shakti, le pouvoir divin assoupi dans le centre physique le plus bas: éveillé par le yoga, il s'élève dans la lumière en passant par les centres qui s'ouvrent, et rejoint le Divin dans le centre le plus élevé, reliant ainsi le manifesté au non-manifeste, unissant l'esprit et la Matière.
1. Nârâyina est d'ordinaire considéré comme l'un des noms de Vishnou; pour les vishnouiïtes. II est le Suprême, comme Shiva-pœr les shivaïtes. Toms deux sont des Personnalités cosmiques du Divin et tous deux, comme Brahmâ, se situent à l'origiœ dans le SurmentaB, bien qu'ils prennent pour la conscience humaine différerates formes dans les plans du mental, du vital et du physique subtil.
2. Lakshmî est en générail dorée et non blanche. Saraswatî est blanche.
3. Le serpent est simplement un symbole d'Énergie ou de Pouvoir. Nârâyana, dans votre vision, est clairement Vishnou; c'est ce que montremt la présence de Lakshmî et le
serpent unique aux nombreux capuchons..
4. Vishnou ou Nârâyana, dans cette image qui est une image pouranique normale, est le Seigneur des eaux de l'Espace et du Temps, le Protecteur du principe de l'univers dont il conserve en lui le germe, même durant les intervalles entre deux créations. De cette graine qui se trouve à son nombril (le nombril est le siège et le centre du Vital, du Principe de Vie), Brahmâ le créateur s'élève dans le Lotus (conscience cosmique) qui en germe lorsque Vishnou s'éveille de son sommeil inter-cyclique. Le serpent Ananta est l'Énergie de la manifestation cosmique de l'Infini dans l'Espace-Temps.
Le serpent Ananta est l'énergie infinie dans l'Espace-Temps infini qui soutient l'univers.
En ce qui concerne le serpent que vous avez vu en méditation, les serpents représentent toujours des énergies de la Nature et très souvent des énergies mauvaises du plan vital; mais ils peuvent aussi, comme le serpent de Vishnou, révéler . des énergies lumineuses et divines. Celui que vous avez vu était évidemment de ce dernier type: c'était une énergie lumineuse et divine, et par conséquent il n'y avait aucune raison de s'alarmer, c'était un bon signe.
Une fleur de lotus indique la conscience ouverte.
Le lotus rouge est la présence du Divin sur terre; le soleil est la Vérité divine. Il évoque la manifestation divine sur terre
élevant la conscience terrestre vers la Vérité.
Le lotus blanc est le symbole de la conscience de la Mère; il ne représente aucune partie de la conscience individuelle.
Dans votre expérience, l'ouverture des lotus signifiait, je crois, l'ouverture de la vraie conscience vitale et physique dans laquelle l'être spirituel (le Cygne) peut se manifester avec toutes les conséquences qu'entraîne cette ouverture.
Le cygne est un symbole de l'âme sur le plan supérieur.
Le cygne est l'âme libérée, le lotus est soit la conscience qui rougit jusqu'à prendre la couleur de l'Amour divin, soit le symbole de la Présence divine sur terre.
Hansa [l'oie ou le cygne] est le symbole de l'être; il regagne sa pureté originelle à mesure qu'il s'élève, jusqu'à devenir lumineux dans la Vérité supérieure.
Le canard symbolise l'âme, la couleur argentée est la conscience spirituelle; les ailes dorées, le pouvoir de la Vérité divine.
Le canard est en général un symbole de l'âme ou de l'être intérieur; peut-être avez-vous vu les quatre êtres: mental, psychique, vital et physique.
Tous deux [l'oie et le cygne] sont des symboles des êtres dans l'homme, mais l'oie ou Hansa ordinaire représente en général le manomaya pourousha.
L'oiseau est un symbole de l'âme individuelle.
L'oiseau symbolise en général un pouvoir de l'âme, quand ce n'est pas l'âme elle-même; ici, c'est un pouvoir (éveillé dans l'âme) de la lumière blanc bleuté, la lumière de Sri Aurobindo.
Les oiseaux indiquent souvent soit des pouvoirs du mental, soit des pouvoirs de l'âme.
La colombe signifie la paix. Les couleurs indiquent le vital: le vert serait le don de soi dans le vital, le bleu la conscience supérieure dans le vital. Il doit donc s'agir de la paix projetant son influence d'en haut sur le vital.
Le pigeon blanc doit être la paix.
Le paon est l'oiseau de la victoire.
Le paon est un symbole de la victoire spirituelle.
Le paon signifie victoire dans le yoga, victoire divine. Le ciel clair indiquerait peut-être la partie mentale débarrassée des obscurités.
Krishna accompagné de Râdhâ est le symbole de l'Amour divin. La flûte est l'appel de l'Amour divin; le paon est la victoire.
La grue est la messagère du bonheur.
L'autruche peut signifier la rapidité de mouvement.
Rêver, comme c'est le cas ici, d'un enfant - en particulier d'un nouveau-né - signifie d'ordinaire la naissance (ou l'éveil) de l'âme ou être psychique dans la nature extérieure.
Il n'est pas exact que l'être psychique apparaisse toujours sous la forme d'un petit enfant; on le voit parfois symboliquement comme un nouveau-né; beaucoup le voient sous la forme d'un enfant, à différents âges; c'est une expérience très fréquente et très générale. Elle n'est pas particulière aux
natures émotives. Elle a plusieurs significations: nouvelle naissance de la conscience qui devient la vraie nature psychique; croissance encore peu avancée de cet être nouveau; confiance, foi et dépendance de l'enfant à l'égard de la Mère.
L'enfant signifie en général l'être psychique, nouveau-né dans le sens où il émerge enfin à la surface. La couleur du tissu indiquerait qu'il est né en bonne santé (intérieure, extérieure ou les deux) et doté de richesses spirituelles.
L'enfant (quand il ne signifie pas l'être psychique) est d'ordinaire le symbole de quelque chose qui vient de naître dans une partie de la conscience. Le rouge indique beaucoup de choses différentes, selon la nuance.
Je suppose que l'enfant doré est l'Âme de Vérité qui succède à la lumière d'argent du spirituel. Quand l'Ame plonge dans les eaux noires du subconscient, elle en libère la lumière spirituelle et les septuples torrents de l'Énergie divine et, en se purifiant des souillures du subconscient, elle prépare son envol vers le Divin suprême (la Mère).
La flûte est le symbole d'un appel, en général l'appel spirituel.
La flûte est l'appel du Divin.
La conque est le symbole de l'appel spirituel.
La conque est l'appel à la réalisation.
La conque est peut-être la proclamation de la victoire.
[Une perle] peut figurer le "bindou" qui symbolise l'infini dans l'infiniment petit, le point individuel qui est aussi l'Universel.
[La vînâ:] Harmonie.
La couronne est le signe de l'accomplissement.
La couronne représente la conscience supérieure dans son état slâticfue, la roue son action dynamique. La lumière rouge est le Pouvoir envoyé d'en haut pour transformer le physique.
Le livre représente une certaine forme de connaissance.
Les oreilles signifient d'ordinaire le lieu de la connaissance
inspirée ou de l'expression inspirée; rouge et or signifient vérité et pouvoir conjugués.
Le bâtiment est le symbole d'une création nouvelle.
La pyramide est en général un symbole d'aspiration; rougeâtre peut-être parce que c'est dans le physique.
Le Sphinx est un symbole de la quête éternelle qui ne peut recevoir de réponse que de la connaissance secrète.
La croix est le signe de la triplicité de l'être: transcendant, universel et individuel.
La croix indique le Divin triple (transcendant, universel et individuel); le bouclier signifie protection.
Oui, le mouvement circulaire et le Chakra révèlent toujours une énergie en action, en général une action créatrice.
Le [Soudarshan] Chakra15 symbolise l'action de la force de Sri Krishna.
15. "Le disque superbe", arme de Vishnou ou de Krishna.
Un disque tournoyant révèle une force en action dans la nature. La lumière blanc bleuté est reconnue comme la lumière de Krishna, et aussi comme la lumière de Sri Aurobindo. La lumière blanche est celle de la Mère. Ici, c'est peut-être une combinaison des deux.
La roue est le signe de l'action d'une Force (la nature de la force peut être indiquée par la nature du symbole); comme elle s'élançait vers le haut, c'est sans doute le feu de l'aspiration s'élevant du vital (centre de l'ombilic) jusqu'à la Conscience supérieure.
L'arc est un symbole de la force émise pour atteindre la cible.
Le bâtonnet d'encens symbolise la consécration de soi.
Le tabac est associé au tamas et les bâtonnets d'encens à l'adoration.
Un voyage représente toujours un mouvement dans la vie ou un progrès dans la sâdhanâ.
Un voyage en bateau ou par tout autre moyen de transport signifie toujours un mouvement dans le yoga, souvent une avance ou un progrès.
Voyager à cheval ou dans un véhicule, si c'est un symbole, révèle un progrès ou un mouvement dans la vie, le travail ou la sâdhanâ.
Un voyage en voiture, en train, en automobile, en navire, bateau, avion, etc. indique un mouvement dans la sâdhanâ. Le cheval blanc est peut-être le mental sattwique et le cheval rouge le radjas vital qui donne l'énergie; les deux se combinent pour faire accomplir un progrès.
Avion, navire, train sont toujours des symboles de progrès rapides ou de mouvement en avant.
La ligne de chemin de fer est un symbole de progrès rapide.
Quand il vous arrive de voler dans les airs, c'est toujours l'être vital dans le corps subtil qui vole dans le monde vital.
Le morceau de chair indique quelque chose d'agité dans l'être physique dont l'agitation et l'irritabilité excessive barrent la route au plein flot de l'Ânanda. Dans vos rêves, ce quelque chose est devenu actif et a été éliminé par la pression du psychique.
Oui, les voleurs sont, comme dans le Véda, des êtres vitaux
qui viennent pour dérober la bonne condition intérieure ou les gains de la sâdhanâ.
Il est impossible d'interpréter ces rêves du vital en l'absence d'un indice évident. La tante, ou la mère, symbolise en général la Nature physique ordinaire; une pièce fermée serait une certaine partie de la nature physique qui n'était pas ouverte à la lumière; des chauves-souris figureraient des forces de la nuit, c'est-à-dire des mouvements ignorants qui trouvent à se loger dans l'obscurité de la nature non illuminée.
Symboliquement - si le rêve est symbolique - la chute des dents signifie la disparition d'habitudes mentales anciennes ou ancrées dans le mental physique auquel elles appartiennent.
On se voit mort en vision ou en rêve lorsque quelque chose, dans l'être, doit être réduit au silence et à l'inactivité totale et cesser de faire partie de la nature. Ce peut être une très petite partie de l'être, mais comme durant ce processus la conscience y est concentrée et s'y identifie pour que ce travail soit mené à bien, on a le sentiment: "Je suis mort". Quanti vous-dites: "Maintenant que je suis mort, je peux me lever et partir," cela veut simplement dire: "La chose est faite et le processus est terminé. Je n'ai plus besoin de m'identifier à cette partie." Rien dans votre expérience ne permet de savoir quelle partie de l'être a subi cette expérience.
Le fait de brûler symbolise en général la purification du physique.
Votre vision symbolisait la conscience physique extérieure obscurcie par les mouvements ordinaires (les nuages), alors que la spiritualité (la lune) répandait tout de même sa lumière partout, à l'arrière-plan de l'ignorance humaine ordinaire. Le chien indique quelque chose dans le physique (la partie fidèle, obéissante, etc.) qui attend avec confiance la venue de la Lumière.
Le feu que vous avez senti était le feu de la purification et la sensation de chaleur venait de ce qu'il brûlait une résistance; lorsqu'elle eut fini de brûler, vous avez ressenti la fraîcheur, la paix et la tranquillité. Les voix, les sons, l'impression que X était là indiquent une activité confuse du sens occulte dans le vital qui perçoit des sons non physiques. Quand ce genre de choses se produit, il doit y avoir dans l'être un rejet tranquille; alors cela disparaît. Certains y portent de l'intérêt et ont toutes sortes d'ennuis parce qu'ils s'habituent à entendre des voix, à voir et à sentir des choses qui ne sont que partiellement vraies ou parfois vraies, mais mélangées à beaucoup de choses fausses et trompeuses. Il est bon qu'une partie de votre être vital ait rejeté tout cela.
Séparément, ces images sont des symboles très fréquents de l'expérience intérieure, mais ici elles se combinent d'une manière assez compliquée. Le feu est évidemment le feu psychique qui jaillit de la source psychique voilée. L'oiseau est l'âme et la fleur est la rosé de l'amour et de l'offrande de soi. La lune est le symbole de la spiritualité. Comme l'étoile est à l'intérieur, elle perce, selon votre description, les nœuds de l'obscurité intérieure et disperse les excroissances vitales qui l'environnent comme des nuages. Le bateau est, lui aussi, un symbole fréquent dans les visions intérieures. L'éléphant est la vigueur spirituelle qui élimine les obstacles et le cheval la force de tapasyâ qui galope jusqu'aux sommets de la réalisation spirituelle. Le soleil symbolise la
Vérité supérieure. Le lotus est le symbole de la conscience intérieure.
Le rêve représente évidemment la difficulté que vous éprouvez. La mer est l'océan de la nature vitale dont le flot vous poursuit (les désirs sont l'eau de la mer) sur le chemin de votre sâdhanâ. La Mère est là, dans votre cœur, mais elle est endormie, c'est-à-dire que son pouvoir n'est pas devenu conscient dans votre conscience intérieure parce qu'elle est entourée du mince rideau de la peau (l'obscurité de la nature physique). Ce rideau (il s'est aminci, mais suffit encore à la voiler à vos regards) doit être écarté pour qu'elle puisse s'éveiller. C'est une question de persévérance dans la volonté et l'effort; la réponse du dedans, l'éveil de la Mère dans le cœur viendra.
C'est sans doute un symbole des trois stades, développements ou plans de la vie spiritualisée. L'étoile signifie la création, le triangle un principe triple. L'arbre est la vie dans une nouvelle création. Le vert est la couleur du vital émotif, la lune gouverne une vie émotive spiritualisée; le bleu est la couleur du mental supérieur, et là la lune gouverne une vie spiritualisée du mental supérieur; la couleur or est celle de la Vérité divine, qu'elle soit intuitive ou surmentale; ici, la lune est la vie de Vérité spiritualisée. Comme le stambha16 est couleur' de sphatika,17 le triangle indique peut-être le principe du Satchidânanda. Les papillons et les oiseaux sont, bien entendu, des forces de vie et des forces, des pouvoirs ou des êtres de l'âme. Cela indique sans doute que trois stades de transformation seront nécessaires avant que le supramental puisse régner tout à fait, ou que trois étapes formeront les degrés menant au supramental.
16. Pilier, colonne.
17. Cristal.
Le percement du voile qui sépare la conscience extérieure de l'être intérieur est l'un des mouvements décisifs du yoga. Car le yoga, c'est l'union avec le Divin, mais c'est aussi l'éveil au moi intérieur d'abord, au moi supérieur ensuite: un mouvement vers l'intérieur et un mouvement vers le haut. En fait, c'est seulement lorsque l'être intérieur s'éveille et vient au premier plan que l'on peut parvenir à l'union avec le Divin. La personnalité physique extérieure de l'homme n'est rien de plus qu'un ensemble d'instruments et ne peut par elle-même atteindre cette union: tout au plus peut-elle recevoir des contacts intermittents, des sentiments religieux, des indications imparfaites. Et même ceux-ci ne viennent pas de la conscience extérieure, mais de ce qui est au-dedans de nous.
Deux mouvements sont mutuellement complémentaires: dans l'un, l'être intérieur vient au premier plan et impose à la conscience extérieure ses mouvements normaux qui sont, pour elle, inhabituels et anormaux; dans l'autre, on se retire de la conscience extérieure, on pénètre au-dedans, dans les plans intérieurs, on entre dans le monde du moi intérieur et l'on s'éveille dans les parties cachées de l'être. Cette plongée une fois effectuée, vous êtes marqué pour la vie yoguique, pour la vie spirituelle; rien ne peut effacer le sceau qui a été apposé sur vous.
Ce mouvement vers l'intérieur s'effectue de manières très diverses et il arrive parfois que tous les signes de la plongée totale se combinent en une expérience complexe. On se sent entrer à l'intérieur ou descendre au plus profond de soi-même, on a le sentiment d'un mouvement vers les profondeurs intérieures; souvent aussi, on ressent une immobilité, un engourdissement agréable, une raideur des membres. C'est le signe que la conscience se retire du corps vers l'intérieur sous la pression d'une force venue d'en haut
et cette pression, pour faire du corps un support immobile de la vie intérieure, le stabilise en une sorte d'âsana vigoureux et pourtant spontané. On a la sensation de vagues qui s'élèvent et montent vers la tête, ce qui provoque une inconscience à l'extérieur et, à l'intérieur, un éveil. La conscience inférieure s'élève dans l'Âdhâr pour rejoindre la conscience plus grande qui se trouve au-dessus. Ce mouvement est analogue à celui auquel la méthode tantrique donne tant d'importance: l'éveil de la Koundalinî, Énergie lovée et latente dans le corps, et son ascension à travers l'épine dorsale, les centres (chakra) et le Brahmarandhra, à la rencontre du Divin au-dessus. Dans notre yoga, il ne s'agit pas d'une méthode spécifique, mais d'une part, d'un jaillissement spontané de toute la conscience inférieure, parfois en courants et en vagues, parfois en un mouvement moins concret, et d'autre part d'une descente dans le corps de la Conscience divine et de sa Force. Cette descente est ressentie comme l'envahissement d'un flot de calme et de paix, de force et de pouvoir, de lumière, de joie et d'extase, d'immensité, de liberté, de connaissance, d'un Être divin ou d'une Présence, parfois de l'un de ces éléments, parfois de plusieurs d'entre eux ou de tous à la fois. Le mouvement ascendant a différents effets: il peut libérer la conscience de sorte que l'on ne se sent plus dans le corps, mais au-dessus de lui, ou encore répandu dans l'immensité, alors que le corps est presque dépourvu d'existence ou n'est plus qu'un point dans la libre expansion de soi-même. Il peut aussi conférer à l'être, ou à une certaine partie de l'être, la faculté de sortir du corps et de se mouvoir ailleurs, et cette action s'accompagne d'ordinaire d'une sorte de samâdhi partiel ou d'une transe complète. Ou encore la conscience, n'étant plus limitée par le corps et les habitudes de la nature extérieure, peut acquérir le pouvoir de s'intérioriser, d'entrer dans les profondeurs du mental intérieur, du vital intérieur, du physique intérieur (subtil), du psychique; elle peut devenir capable de percevoir son moi psychique profond ou son être intérieur mental, vital et physique subtil et peut-être de se
déplacer et de vivre dans les domaines, les plans, les mondes qui correspondent à ces parties de la nature. C'est par l'ascension répétée et constante de la conscience inférieure que le mental, le vital, le physique peuvent entrer en contact avec les plans supérieurs jusqu'au supramental et s'imprégner de leur lumière, de leur pouvoir et de leur influence. Et c'est par la descente répétée et constante de la Conscience divine et de sa Force que l'être et la nature se transforment dans leur totalité. Lorsque cette descente est devenue habituelle, la Force divine - le Pouvoir de la Mère - commence à travailler non plus seulement d'en haut ou de derrière le voile, mais dans la conscience même de l'Âdhâr; elle prend en charge ses difficultés, exploite ses possibilités et poursuit elle-même le yoga.
Vient enfin le passage de la frontière. Ce n'est pas un assoupissement ou une perte de conscience, car la conscience est là sans cesse; seulement elle change de place, sort de l'être extérieur et physique, se ferme au monde extérieur et se retire dans la partie intérieure psychique et vitale de l'être. Là, elle passe par de nombreuses expériences dont certaines peuvent et doivent être ressenties aussi à l'état de veille; car pour que l'on devienne conscient du moi intérieur et de la nature intérieure, les deux mouvements sont nécessaires: l'émergence de l'être intérieur et sa venue au premier plan, et l'intériorisation de la conscience. Mais le mouvement d'intériorisation est indispensable, car ses usages sont multiples. Il a pour effet de briser - ou du moins d'ouvrir et de faire franchir - la barrière qui sépare notre conscience instrumentale extérieure de cet être intérieur qu'elle s'efforce très partiellement d'exprimer, ce qui permettra plus tard à l'être d'accéder à une perception consciente des richesses infinies de possibilités, d'expériences, de nouvelles manières d'être et de vivre qui restent inexploitées derrière le voile de cette petite personnalité matérielle aveugle et limitée que les hommes prennent à tort pour la totalité d'eux-mêmes. C'est l'ouverture et l'élargissement constant de cette perception plus profonde, plus pleine et plus riche
qui s'accomplit lorsque après cette plongée intérieure, on revient de ce monde intérieur vers l'état de veille.
Le sâdhak doit comprendre que ces expériences ne sont pas simplement des imaginations ou des rêves, mais des événements réels, car même lorsqu'elles ne sont que des formations d'un caractère néfaste, trompeur ou adverse - et cela se produit souvent - elles ont tout de même un pouvoir formateur et l'on doit les comprendre pour être capable de les rejeter et de les abolir. Chaque expérience intérieure est parfaitement réelle à sa manière, bien que les diverses expériences soient de valeur très inégale, mais cette réalité est celle du moi intérieur et des plans intérieurs. C'est une erreur de penser que nous ne vivons que physiquement, par le mental et la vie extérieurs. Nous vivons et nous agissons sans arrêt sur d'autres plans de conscience, nous y rencontrons les autres, nous agissons sur eux, et ce que nous faisons, sentons et pensons dans ces plans, les forces que nous y rassemblons, les conséquences que nous y préparons ont à notre insu, sur notre vie extérieure, une importance et un effet incalculables. Tout ne se transmet pas, et ce qui se transmet prend une forme différente dans le physique, même si parfois la correspondance est exacte; mais c'est sur la petite partie qui est transmise que se fonde notre existence extérieure. Tout ce que nous devenons, tout ce que nous faisons, tout ce que nous subissons dans la vie physique se prépare en nous derrière le voile. Il est par conséquent d'une immense importance, dans un yoga dont le but est la transformation de la vie, de prendre conscience de ce qui se passe dans ces domaines, d'y régner en maître et d'être capable de sentir, de connaître, de manipuler les forces secrètes qui déterminent notre destin, notre croissance ou notre déclin intérieurs et extérieurs.
C'est tout aussi important pour ceux qui veulent cette union avec le Divin sans laquelle la transformation est impossible. L'aspiration ne peut pas se réaliser si vous restez ligoté par votre moi extérieur, attaché au mental physique et à ses mouvements étriqués. Ce n'est pas l'être extérieur qui
est la source de l'impulsion spirituelle: l'être extérieur ne fait que subir la poussée intérieure qui vient de derrière le voile. C'est l'être psychique intérieur en vous qui est le bhakta, lui qui cherche l'union et l'Ânanda, et ce qui est impossible à la nature extérieure abandonnée à elle-même devient parfaitement possible lorsque la barrière est abattue et que le moi intérieur est au premier plan. Car dès l'instant où il vient puissamment en avant ou attire avec force la conscience en lui-même, la paix, l'extase, la liberté, l'immensité, l'ouverture à la lumière et à une connaissance supérieure commencent à devenir naturelles, spontanées et souvent émergent aussitôt.
Une fois la barrière brisée par l'un ou l'autre mouvement, vous vous apercevez que tous les procédés et tous les mouvements nécessaires au yoga sont à votre portée et non, comme ils apparaissent au mental extérieur, difficiles ou impossibles. Le moi psychique profond en vous contient déjà le yogi et le bhakta, et s'il peut émerger tout à fait et prendre le commandement, l'orientation spirituelle de votre vie extérieure est prédéterminée et inéluctable. Chez le sâdhak qui réussit dès le début, le moi psychique a déjà construit une vie intérieure profonde, yoguique et spirituelle, voilée seulement en raison d'une forte orientation vers l'extérieur conférée au mental pensant et aux parties vitales inférieures par l'éducation et les activités passées. C'est précisément pour corriger cette orientation vers l'extérieur et retirer le voile que le sâdhak doit déployer tant d'énergie dans SA pratique du yoga. Une fois que l'être intérieur s'est vigoureusement manifesté, soit par le mouvement qui va vers l'intérieur, soit par celui qui sort vers l'extérieur, il renouvellera inévitablement sa pression pour déblayer le passage et finalement prendre possession de son royaume. Une première expérience de ce genre préfigure ce qui doit se produire ensuite à plus grande échelle.
Le cri que vous avez entendu ne venait pas du cœur physique, mais du centre émotif. La rupture du mur signifiait la rupture de l'obstacle, ou du moins de quelque obstacle entre votre être intérieur et votre être extérieur. La plupart des gens vivent dans leur personnalité extérieure ordinaire, ignorante, qui ne s'ouvre pas facilement au Divin; pourtant, il y a un être intérieur en eux, qu'ils ne connaissent point et qui peut facilement s'ouvrir à la Vérité et à la Lumière. Mais un mur les en sépare, un mur d'obscurité et d'inconscience. Quand le mur s'écroule, la délivrance arrive. Le calme, l'Ânanda, la joie que vous avez éprouvés immédiatement après venaient de cette délivrance. Le cri que vous avez entendu était le cri de la partie vitale en vous, saisie par la soudaineté de l'écroulement et de l'ouverture.1
Il n'est pas possible au début de distinguer l'être psychique. Ce qu'il faut faire, c'est devenir conscient d'un être intérieur distinct de la personnalité et de la nature extérieures; d'une conscience, ou Pourousha, calme et détachée des actes extérieurs de la Prakriti.
Les expériences que vous décrivez sont psycho-physiques; la seule qui soit importante est le courant ascendant, début d'une tentative de tracer un chemin qui reliera le centre mental (mental intérieur, volonté et vision intérieures), dont le siège est au milieu du front, au centre supérieur situé au-dessus.
On ne peut se débarrasser des obstacles que petit à petit, par une sâdhanâ persévérante. L'alternance d'états sombres et lumineux est normale et inévitable.
La lumière, dans votre expérience, indique l'action d'une force (le ton bleuté indique probablement la force spirituelle du mental); le reste avait pour but d'ouvrir le centre spirituel supérieur (sahasradala).
1. Les Bases du Yoga, chapitre 3. Traduction de la Mère.
C'est vraiment dommage que la peur soit intervenue et ait altéré le mouvement d'intériorisation, car ce mouvement est d'une extrême importance pour la sâdhanâ. L'apparition de plus en plus fréquente de la conscience psychique en vous, qui pénètre et remplace la conscience ordinaire, et sa plénitude croissante ont été jusqu'à présent les signes de progrès les plus encourageants, mais si le mouvement vers l'intérieur s'établissait, ce serait encore mieux; car sa conséquence naturelle serait de libérer l'âme au-dedans et de vous établir fermement dans l'être intérieur, de sorte que vous seriez capable d'observer toutes les fluctuations qui se produisent dans la conscience extérieure sans être subjugué par elles et sans que soient rompus l'équilibre et la liberté intérieurs. Mais ce mouvement reviendra à coup sûr et se réalisera. Il est très bon que l'aide vienne quand vous l'appelez et que vous puissiez secouer vos liens; c'est aussi un signe de la croissance psychique.
Ce que vous avez vu n'était pas en vous, c'était un symbole de choses qui se trouvent dans la Nature vitale. Les scorpions et aussi, en général, les serpents symbolisent des énergies néfastes; la nature vitale de la terre est pleine de ces énergies et c'est pourquoi la purification de la nature vitale extérieure de l'homme est, elle aussi, tellement difficile à accomplir, et que tant de mouvements et d'incidents entachés" d'erreur se produisent en lui: c'est parce que son vital s'ouvre aisément à tous ces mouvements terrestres. Pour s'en débarrasser, l'être intérieur doit s'éveiller et grandir; sa nature doit remplacer la nature extérieure. Parfois les serpents indiquent simplement des énergies, et non des énergies néfastes; mais le plus souvent c'est l'inverse. Les paons que vous avez vus étaient au contraire des pouvoirs de victoire, la victoire des énergies de la lumière sur les énergies de l'ombre.
Ce que vous dites de l'être extérieur est exact, il doit se
transformer et manifester ce qui est au-dedans, dans la nature intérieure. Mais pour cela, il faut avoir des expériences dans la nature intérieure: par elles, le pouvoir de la nature intérieure s'accroît au point de devenir capable d'influencer en totalité l'être extérieur et de le posséder. Il serait trop difficile de transformer entièrement la conscience extérieure sans développer cette conscience intérieure. C'est pourquoi ces expériences intérieures se poursuivent, pour préparer la croissance de la conscience intérieure. Il y a une conscience mentale intérieure, une conscience vitale intérieure, une conscience physique intérieure qui, plus aisément que la conscience extérieure, peuvent recevoir la conscience supérieure et s'harmoniser avec l'être psychique; quand c'est fait, on ressent la nature extérieure comme une fine couche à la surface, non comme soi-même, et on peut plus facilement la transformer tout à fait.
Quelles que soient les difficultés qui pourraient subsister dans la nature extérieure, elles ne changeront rien au fait que vous êtes maintenant éveillé au-dedans, que la force de la Mère est à l'oeuvre en vous et que vous êtes son véritable enfant, destiné à l'être parfaitement en tout. Placez tout entières en elle votre foi et votre pensée et vous franchirez tout en sécurité.
C'est à la surface que s'opère la transformation. Pour transformer la surface, on y émerge avec ce que l'on a gagné dans les profondeurs. Peut-être avez-vous besoin de vous intérioriser de nouveau et trouvez-vous difficile de le faire rapidement. Quand l'être tout entier sera devenu malléable, vous serez capable d'effectuer plus vite tous les mouvements nécessaires.
Passer d'un état de conscience à un autre prend évidemment) du temps. Le sentiment s'approfondira de plus en plus, à mesure que votre conscience s'éloignera des exigences du
monde extérieur et s'enfoncera plus profondément dans la région du cœur, tirant de là sa vision et son sentiment, stimulée et illuminée par le psychique La foi, elle aussi, grandira par ce mouvement, car seule la foi de l'intellect extérieur est instable ou insuffisante; l'are intérieur dans le cœur la possède toujours.
Vous exprimez dans cette lettre la manière juste de penser et de voir. La volonté propre du mental, qui veut que les choses se fassent à sa manière et non à la manière du Divin, était un grand obstacle. Maintenant qu'elle a disparu, le chemin devrait être bien moins rude et bien moins difficile à suivre.
L'être extérieur peut voir grandir a foi, sa fidélité au' Divin, sa vénération, son amour, sa dévotion et son adoration; ce sont de grandes choses en elles-mêmes - quoiqu'on fait elles aussi viennent de l'intérieur - mais la réalisation ne peut se produire que lorsque s'éveille l'are intérieur avec sa vision et son sentiment des choses invisibles. Auparavant on peut sentir les effets de l'aide divine, et, si l'on a la foi, savoir qu'ils sont l'œuvre du Divin; mais ce n'est qu'à partir de ce moment que l'on peut sentir clairement la Force à l'œuvre, la Présence divine, la communion directe.
Le silence n'est pas l'absence d'expériences. C'est dans la tranquillité et le silence intérieurs que toutes les expériences peuvent se produire sans entraîner aucun trouble. Interrompre les images qui apparaissent en vous serait une grande erreur. Peu importe qu'elles soient mentales ou psychiques. On doit avoir l'expérience non seulement des mondes ou plans de conscience du psychique véritable, mais aussi de ceux du mental intérieur, du vital intérieur et du physique subtil. L'apparition des images est un signe que ceux-ci sont
en train de s'ouvrir et les inhiber serait inhiber l'expansion de la conscience et de l'expérience sans laquelle ce yoga na peut être fait.
Toutes les expériences viennent dans le silence, mais elles na viennent pas toutes pêle-mêle et en foule au début. silence et la paix intérieurs doivent d'abord s'établir.
La difficulté que vous me signalez dans votre dernière lettre (la plus longue) montre que vous pénétrez dans l'être intérieur où vous commencez à avoir des expériences, mais vous avez du mal à les organiser ou à en avoir une vision cohérente. Cette difficulté vient de ce que le mental intérieur n'est pas encore suffisamment habitué à agir et à voir les choses intérieures; c'est pourquoi le mental extérieur ordinaire s'en mêle et essaie de les structurer, mais le mental extérieur est incapable de voir la signification des choses intérieures. Quand on le laisse complètement au dehors, on commence à avoir une vision claire et vive des choses intérieures, mais comme le mental intérieur n'est pas actif, on ne voit pas leur cohérence, ou alors la conscience s'attarde dans les expériences confuses du plan vital inférieur et ne va pas au-delà pour entrer dans les expériences plus profondes, plus cohérentes et plus révélatrices. Un développement de la conscience intérieure est nécessaire; quand ce développement se produira, tout deviendra plus clair et plus cohérent. Il se produira si, sans vous troubler, vous aspirez tranquillement en appelant sans cesse la Force de la Mère pour qu'elle fasse le nécessaire.
Votre appel parviendra toujours à la Mère. Si vous demeurez tranquille et confiant, vous percevrez en temps opportun la réponse. Plus le mental se tranquillisera, plus il s'éclaircira et vous sentirez l'action de la Mère. Vous pouvez m'écrire de temps en temps pour me faire part de vos
expériences; je vous répondrai chaque fois que ce sera nécessaire.
C'est ce que nous appelons le contact, et c'est ainsi qu'il vient.
Vous ne l'avez; pas tout le temps parce que certaines parties de l'être sont encore inconscientes, ou peut-être parce que des états d'inconscience interviennent. Les gens échangent des lettres, par exemple, mais ils sont tout à fait inconscients des forces qu'ils échangent de ce fait. Vous en êtes devenu conscient parce que votre conscience intérieure s'est développée pair le yoga, et pourtant il est probable qu'à certains moments, il vous arrivera encore d'écrire en vous servant de la seule; perception extérieure, et alors vous ne verrez que les mots sans percevoir ce qui est derrière. Vous êtes donc capable, parce que la conscience intérieure s'est développée, de comprendre ce que sont ces contacts et de recevoir celui qui est vrai, mais de temps en temps la conscience extérieure peut être plus forte que la conscience intérieure; alors vous n'êtes plus capable (pour le moment) de recevoir le contact.
Rien ne vous a été retiré, mais comme vous le dites à la fin de votre lettre, vous voyez votre être en deux parties. C'est une chose qui arrive au cours de la sâdhanâ et qui doit arriver pour que l"on puisse acquérir la connaissance complète de soi-même et la vraie conscience. Ces deux parties sont l'être intérieur et l'être extérieur. L'être extérieur (mental, vital et physique) est maintenant capable de tranquillité et, en méditation, il entre dans une tranquillité libre, heureuse et vide qui est le premier pas vers la vraie conscience. L'être intérieur mental, vital et physique n'est pas perdu, il s'est seulement retiré au-dedans; la partie extérieure
ne sait pas où, mais il est sans doute allé à l'intérieur pour s'unir au psychique. La seule chose qui est peut-être partie, c'est un élément de l'ancienne nature qui faisait obstacle à cette expérience.
Il y a un être intérieur et un être profond que nous appelons le psychique. Quand on médite, on essaie de pénétrer dans l'être intérieur. Si l'on y parvient, on sent très bien que l'on s'est intériorisé. Ce que l'on peut réaliser en méditation peut aussi devenir, la conscience ordinaire dans laquelle on vit. On sent alors la conscience ordinaire, actuelle, comme quelque chose de tout à fait extérieur à la surface, non comme le vrai moi.
Ce que vous ressentez comme la vie nouvelle est la croissance de l'être intérieur en vous; l'être intérieur est l'être véritable et à mesure qu'il grandit, toute la conscience commence à se transformer. Ce sentiment et votre nouvelle attitude envers les autres sont des signes de ce changement. La vision des choses intérieures accompagne aussi d'ordinaire cette croissance de l'être et de la conscience intérieure; c'est une vision intérieure qui s'éveille en la plupart des sâdhak quand ils abordent cette étape.
Une autre caractéristique de cette conscience intérieure est que même lorsqu'elle est active, on sent, derrière l'action ou l'englobant, une tranquillité totale ou un silence complet. Plus on se concentre, plus cette tranquillité et ce silence s'accroissent. C'est pourquoi tout semble tranquille au-dedans alors même que toutes sortes de choses sont en train de s'y dérouler.
Il est aussi tout à fait normal que ce qui se passe dans la conscience intérieure ne s'exprime pas dès à présent dans le physique extérieur. La conscience intérieure commence par susciter certains changements au-dehors, mais ne prend
possession des instruments extérieurs que plus tard.
C'est un très bon signe que quelque chose demeure calme et imperturbable lorsque viennent des pensées qui veulent vous troubler, car cela indique, tout comme la réponse psychique au-dedans, que la conscience intérieure est fixée ou en train de se fixer dans une partie de l'être. C'est un stade - bien connu de la transformation intérieure dans la sâdhanâ. L'apparition d'un Ânanda existant en soi, indépendant des circonstances extérieures, est également bon signe. C'est un fait que cet état de joie, de bonheur intérieur est à la fois paisible et heureux; ce mouvement n'est pas une excitation comme le plaisir vital extérieur, bien qu'il puisse être plus ardent et plus intense. Une autre conséquence heureuse est l'atténuation du sentiment que "c'est mon travail" et le pouvoir de l'exécuter avec la conscience extérieure, sans que l'être intérieur soit affecté.
Le sentiment d'être libéré comme d'une prison accompagne toujours l'émergence de l'être psychique ou la réalisation du moi au-dessus. C'est pourquoi il est appelé moukti (libération). C'est une libération dans la paix, le bonheur, la liberté de l'âme qui n'est pas assujettie par les mille liens et soucias de la vie extérieure dans l'ignorance.
C'est évidemment le visage de la Mère qui vous est apparu dans votre vision, mais sans doute sous l'une de ses formes supraphysiques, non sous sa forme et avec son visage physiques; c'est ce qu'indique aussi la grande lumière qui émanait de la forme et la rendait invisible.
L'absence de pensée est exactement ce qu'il faut, car la vraie conscience intérieure est une conscience silencieuse qui n'a pas besoin de penser, mais reçoit la perception, la compréhension et la connaissance justes d'une manière spontanée,
de l'intérieur, et qui parie ou agit selon ce qu'elles lui dictent. C'est la conscience extérieure qui est obligée de dépendre des choses extérieures et d'y penser, parce qu'elle n'a pas cette direction spontanée. Quand on se stabilise dans cette conscience intérieure, on peut certes revenir au comportement antérieur par un effort de volonté, mais le mouvement n'est plus naturel et à la longue il devient fatigant. Pour les rêves, c'est différent. Les rêves relatifs à de vieux souvenirs enfouis viennent du subconscient qui retient les impressions anciennes, les germes des anciens mouvements et des vieilles habitudes, alors que la conscience de veille les a abandonnés depuis longtemps. Abandonnés par la conscience de veille, ils continuent à venir en rêve, car pendant le sommeil la conscience physique extérieure descend dans le subconscient ou vers lui et de nombreux rêves en remontent.
Le silence où tout est calme et où l'on demeure comme un témoin, tandis qu'une partie de la conscience adresse un appel spontané aux choses d'en haut pour qu'elles descendent, est le silence complet qui apparaît lorsque la pleine force de la conscience supérieure règne sur le mental, le vital et le corps.
On peut voir les choses intérieures aussi distinctement que les objets extérieurs soit par la vision subtile, sous forme d'images, soit dans leur essence par une manière de voir plus subtile et plus puissante encore; mais toutes ces facultés doivent se développer pour atteindre la plénitude de leur pouvoir et de leur intensité.
À un certain stade de la sâdhanâ, l'être intérieur commence à s'éveiller. Souvent l'état qui en résulte se compose tout d'abord des éléments suivants:
1. Une sorte d'attitude de témoin dans laquelle la conscience intérieure contemple tout ce qui se passe comme un
spectateur ou un observateur, regardant les choses mais n'y prenant aucun intérêt actif ni aucun plaisir.
2. Un état d'équanimité neutre dans lequel il n'y a ni joie ni chagrin, mais seulement de la tranquillité.
3. Le sentiment d'être à l'écart de tout ce qui se passe, de l'observer sans y prendre aucune part.
4. L'absence d'attachement aux choses, aux gens ou aux événements.
Il semblerait que cet état essaie de s'établir en vous; mais il est encore imparfait. Par exemple, dans cet état, (1) vous ne devriez ressentir ni contrariété, ni impatience, ni colère quand les gens parlent, mais seulement de l'indifférence et une paix, un silence intérieurs. De plus, (2) il ne devrait pas y avoir seulement une indifférence et une tranquillité neutres, mais aussi un sentiment positif de calme, de détachement et de paix. En outre, (3) vous ne devriez pas sortir du corps au point de ne pas savoir ce qui se passe ni ce que vous faites. Vous pouvez avoir le sentiment de ne pas être le corps, mais autre chose; c'est bien; mais vous devriez percevoir parfaitement tout ce qui se passe en vous et autour de vous.
De plus cet état, même quand il est parfait, n'est qu'une étape passagère dont le but est d'apporter un certain état de liberté et de libération. Mais dans cette paix doit venir le sentiment de la Présence divine, le sentiment du pouvoir de la Mère à l'œuvre en vous, la joie ou Ânanda.
Si vous pouvez vous concentrer dans le cœur autant que dans la tête, tout cela pourra venir plus aisément.
Cette division dans l'être que vous ressentez, l'intérieur étant vide et indifférent, oudâsîna, non pas triste, mais neutre et indifférent, est une expérience par laquelle passent de nombreux chercheurs; les sannyâsi y attachent un grand prix. Pour nous, ce n'est qu'un passage vers quelque chose de plus vaste et de plus positif. Dans cet état, les vieux
sentiments humains étriqués disparaissent et une sorte de vide calme et neutre se forme, pour qu'une nature supérieure se manifeste. Ce vide doit se remplir et être remplacé par un vaste sentiment de silence et de liberté où la conscience de la Mère peut couler d'en haut.
Cet état où tous les mouvements deviennent superficiels et vides, sans aucun lien avec l'âme, caractérise une étape de la sâdhanâ où l'on se retire de la conscience de surface pour aller vers la conscience intérieure. Lorsqu'on pénètre dans la conscience intérieure, on la sent comme une existence calme et pure, sans aucun mouvement, mais éternellement tranquille, immuable et séparée de la nature extérieure. C'est le résultat qui apparaît lorsqu'on se détache de tous les mouvements, que l'on fait un pas en arrière, et ce mouvement a une grande importance dans la sâdhanâ. Le premier effet en est une tranquillité complète, mais ensuite cette tranquillité, sans cesser d'exister, commence à se remplir de mouvements psychiques et d'autres mouvements intérieurs qui créent une vraie vie intérieure et spirituelle derrière la vie et la nature extérieures. Il est alors plus facile de maîtriser celles-ci et de les transformer.
Ces fluctuations se produisent actuellement dans votre conscience parce que cet état intérieur n'est pas encore pleinement développé et stable. Lorsqu'il le sera, il y aura encore des fluctuations dans la conscience extérieure, mais à l'intérieur la tranquillité, la force, l'amour, etc. seront constants et l'être intérieur observera les fluctuations superficielles sans en être bouleversé ni troublé, jusqu'à ce que 1 transformation extérieure complète les fasse disparaître.
Quant à X, mieux vaut laisser passer et essayer de rester ferme au-dedans et détaché; on ne peut pas rompre avec toutes ses relations; il faut petit à petit s'élever au-dessus de leurs réactions habituelles.
L'état que vous décrivez, et qui est le vôtre pendant le travail, signifie que l'être intérieur est éveillé et que la conscience est maintenant double. C'est l'être intérieur qui contient le bonheur, le calme et la tranquillité intérieurs, le silence dénué de tout frémissement de pensée, la répétition intérieure silencieuse du Nom. La répétition automatique du mantra fait partie du même phénomène: c'est ce qui doit arriver au mantra; il faut qu'il devienne non seulement conscient, mais aussi spontané, et qu'il se répète dans la substance même de la conscience, sans qu'aucun effort du mental ne soit plus nécessaire. Tous ces doutes, toutes ces interrogations du mental sont inutiles. Ce qui doit arriver, c'est que cette conscience intérieure soit toujours là, inaccessible à toute perturbation, dans le silence, la joie et la tranquillité intérieurs constants, alors que la conscience extérieure fait le nécessaire pour le travail, etc., ou, ce qui est mieux, le fait faire par son intermédiaire: c'est cette dernière expérience que vous avez certains jours, comme si quelqu'un faisait avancer le travail par une force continue, sans que vous n'en ressentiez aucune fatigue.
Si vous vous sentez plus tranquille et que le sentiment de consécration est plus intense, alors cet état est bon et non mauvais: et s'il fait de votre mental un espace vide qui reçoit la lumière, c'est encore mieux. Les expériences et les descentes sont de très bonnes préparations, mais ce que nous voulons, c'est la transformation de la conscience: c'est la preuve que les expériences et les descentes ont un effet. Les descentes de paix sont bonnes, mais une tranquillité et un silence du mental de plus en plus stables sont plus précieux. Quand règnent cette tranquillité et ce silence, d'autres choses peuvent venir, d'ordinaire une par une: la lumière, ou la puissance et la force, ou la connaissance, ou l'Ânanda. Il est inutile de continuer à avoir sans fin les mêmes expériences préparatoires: un temps vient où la conscience commence à acquérir un nouvel équilibre et un autre état.
C'est simplement parce que vous êtes plein d'activités et de fréquentations vitales et mentales. On doit acquérir le pouvoir de tranquilliser le mental et le vital, sinon à tout moment dès le début, du moins à volonté, car le mental et 1g vital recouvrent l'être psychique ainsi que le moi (Âtman) et pour atteindre l'un ou l'autre, il faut entrer en eux en traversant ce voile; mais s'ils sont tout le temps actifs et que vous êtes sans cesse identifié à leurs activités, le voile sera toujours là. Vous pouvez aussi vous détacher et regarder ces activités comme si elles n'étaient pas les vôtres, mais une action mécanique de la Nature que vous observez à la manière d'un témoin indifférent. Vous pourrez alors commencer à percevoir un être intérieur qui est séparé, calme et distinct de la Nature. Ce sera peut-être le Pourousha intérieur, mental ou vital, et non le psychique, mais accéder à la conscience du manomaya pourousha et du prânamaya pourousha intérieurs est toujours un pas vers le dévoilement de l'être psychique.
Oui, il vaudrait mieux acquérir la parfaite maîtrise de la parole: c'est un pas important vers la vie intérieure et le développement d'une vraie conscience intérieure et yoguique.
L'être intérieur se compose du mental intérieur, du vital intérieur, du physique intérieur. Le psychique est l'être le plus profond et soutient tous les autres. C'est en général dans le mental intérieur que cette séparation se produit e" premier, et le Pourousha mental intérieur reste silencieux, observant la Prakriti comme distincte de lui. Mais elle peut aussi se produire dans le Pourousha vital intérieur, ou dans le Pourousha physique intérieur, ou encore, sans aucune localisation, simplement dans la totalité de la conscience du Pourousha séparée de la totalité de la Prakriti. On la sent parfois au-dessus de la tête, mais alors on parle plutôt de l'Âtman et la réalisation est celle du Moi silencieux.
La conscience dont vous parlez serait appelée, dans la Guîtâ, le Pourousha témoin. Le Pourousha ou conscience fondamentale est l'être véritable ou du moins le représente, sur quelque plan qu'il se manifeste. Mais dans la nature ordinaire de l'homme, il est dissimulé par l'ego et le jeu ignorant de la Prakriti et demeure voilé à l'arrière-plan, Témoin invisible qui soutient le jeu de l'Ignorance. Lorsqu'il émerge, vous le ressentez comme une conscience à l'arrière-plan: calme, central, non identifié au jeu qui dépend de lui. Il peut être caché, mais il est toujours là. L'émergence du Pourousha est le commencement de la libération. Mais il peut aussi devenir lentement le Maître - lentement parce que toute l'habitude de l'ego et le jeu des forces inférieures s'y opposent. Il peut tout de même décréter une action supérieure qui dont remplacer le mouvement inférieur; alors intervient le processus de substitution: le mouvement supérieur apparaît, le mouvement inférieur lutte pour subsister et repousser le mouvement supérieur. Vous dites, à juste titre, que l'offrande au Divin raccourcit tout le processus et est plus efficace, mais d'ordinaire elle ne peut se faire complètement du premier coup en raison des habitudes passées, et les deux méthodes se poursuivent parallèlement jusqu'à ce que la soumission complète soit possible.
En lui-même, le Pourousha est impersonnel, mais du fait qu'il se mêle aux mouvements de la Prakriti, il se fabrique en surface un ego et une personnalité. Lorsqu'il apparaît dans sa propre nature; séparée, on voit qu'il est détaché et regarde.
L'être témoin ne reste pas toujours ponctuel. Il devient quelque chose de vaste qui soutient tout le reste.
L'attitude de la conscience-témoin au-dedans (je ne crois pas qu'elle implique nécessairement que l'on se retire du monde, bien que l'on puisse le faire aussi) caractérise une étape très nécessaire dans le progrès. Elle aide à se libérer de la Prakriti inférieure, à ne pas se laisser prendre aux mouvements de la nature ordinaire; elle contribue à établir au-dedans un calme et une paix parfaits, car alors une partie de l'être reste détachée et voit sans être dérangée les perturbations de la surface; elle facilite aussi l'ascension dans la conscience supérieure et la descente de la conscience supérieure, car c'est au travers de cet être intérieur calme, détaché et libéré que la montée et la descente peuvent se faire aisément. Contempler les mouvements de la Prakriti dans les autres avec le même regard du témoin qui comprend sans être perturbé en aucune manière est aussi une grande aide, à la fois vers la libération et vers l'universalisation de l'être. Je ne pourrais par conséquent élever aucune objection contre ce mouvement chez un sâdhak.
Quant à la consécration, elle n'est pas incompatible avec l'attitude du témoin. Au contraire, cette attitude, en libérant l'être de la Prakriti ordinaire, rend plus aisée la consécration au Pouvoir supérieur ou divin. Très souvent, lorsqu'on ne l'a pas adoptée, mais que l'on réussit, par un appel, à faire pénétrer la Force dans l'être pour qu'elle agisse sur lui, l'un de ses premiers soins consiste à établir cette attitude du témoin, afin de pouvoir agir sans que les mouvements de la Prakriti inférieure ne s'interposent ou ne se mêlent autant à son action.
Reste la question de savoir s'il faut éviter les contacts avec les autres, ce qui soulève une difficulté ou une incertitude. Une partie de votre nature a un fort penchant à fréquenter les autres, à agir sur eux, à communiquer; c'est presque un besoin. Cette tendance entraîne une certaine fluctuation entre le penchant à l'isolement intérieur et le penchant au contact et à l'action. D'autres ici, comme X, ont le même mouvement double et fluctuant. Dans les cas de ce genre je n'insiste pas, en général, pour que l'une des deux
attitudes soit adoptée, mais je hisse la conscience trouver son propre équilibre, parce que e me suis aperçu qu'à trop encourager la tendance à l'isolement quand la nature n'est pas principalement portée à la contemplation, on n'obtient pas de très bons résultats, à moire bien sûr que le sâdhak lui-même n'ait pris une décision puissante et stable dans ce sens. C'est peut-être la cause de ce que vous avez ressenti. Mais la question de l'opposition entre altitude du témoin et consécration ne se pose pas, pour la raison que j'ai expliquée: l'une peut fort bien contribuer à l'autre ou y mener, puisque notre yoga rassemble tous ces éléments et ne les maintient pas indéfiniment séparés.
Le silence descend tout d'abord (tans l'être intérieur, comme aussi d'autres choses qui viennent de la conscience supérieure. On peut devenir conscient de cet être intérieur calme, silencieux, insensible aux mouvements de la Nature. plein de connaissance ou de lumière, tout en percevant un autre être plus petit, la petite personnalité de surface qui est constituée par les mouvements de la Nature ou leur reste soumise, ou encore, si elle ne leur est pas soumise, demeure sujette à en être envahie. Quantités de sâdhak et de yogis ont eu l'expérience de cet état L'être intérieur, c'est le psychique, le mental intérieur, le vital intérieur, le physique intérieur. Dans cet état, aucun deux ne peut être affecté si peu que ce soit; c'est donc qu'une purification essentielle s'est opérée. Tous ne ressentent pas forcément cette division en deux consciences, mais pour h plupart c'est le cas. Quand elle existe, la volonté qui décide Je l'action réside dans l'être intérieur, non dans l'être extérieur, de sorte que si des mouvements vitaux envahissent l'être extérieur, ils ne peuvent en aucune manière le forcer à agir. C'est au conjure un stade très favorable dans la transformation, car être intérieur peut faire venir en lui toute la force de la conscience supérieure pour changer la nature dans sa
totalité, en observant l'action de la Nature sans en être affecté, en dirigeant la force qui œuvre au changement partout où il en est besoin et en rectifiant tout l'être comme on règle un mécanisme. Cela, si l'on veut la transformation. Car bien des Védântin ne croient pas qu'elle soit nécessaire: ils disent que l'être intérieur est moukta, le reste étant simplement un mouvement de la Nature qui se poursuit automatiquement sur sa lancée dans l'homme physique et qui disparaîtra avec le corps pour que l'on puisse partir dans le Nirvana.
C'est la vieille idée védantique: être libre et détaché au-dedans et laisser la Prakriti livrée à elle-même. Quand vous mourrez, le Pourousha ira dans la gloire et la Prakriti tombera, peut-être dans l'enfer. Cette théorie est la source de toutes sortes de duperies et de complaisances délibérées envers soi-même.
Vous pouvez certes continuer à développer la conscience du Pourousha Témoin au-dessus, mais s'il n'était qu'un témoin et que la Prakriti inférieure était laissée libre d'agir à sa guise, il n'y aurait aucune raison que cet état cesse un jour. Nombreux sont ceux qui adoptent cette attitude: le Pourousha doit se libérer en se tenant à l'écart et l'on peut laisser la Prakriti vaquer à ses affaires jusqu'à la fin de la vie; c'est le prârabdha karma; quand le corps disparaîtra, la Prakriti disparaîtra aussi et le Pourousha s'élèvera dans le Brahman indifférencié! C'est une théorie confortable, mais sa vérité est plus que douteuse; je ne pense pas que la libération soit quelque chose d'aussi simple et d'aussi facile. Quoi qu'il en soit, la transformation qui fait l'objet de notre yoga ne se( produirait pas.
Le Pourousha au-dessus n'est pas seulement un Témoin,
il est aussi celui qui donne (ou refuse) la sanction; s'il refuse avec persistance son assentiment à un mouvement de la Prakriti, tout en restant lui-même détaché, alors ce mouvement, même s'il continue un moment sur sa lancée, commence en général, au bout d'un certain temps, à lâcher prise, s'affaiblit, devient moins obstiné, moins concret, et finit par s'estomper tout à fait. Si vous adoptez la conscience du Pourousha, ce devrait être non seulement celle du Témoin, mais aussi celle de l'Anoumantâ qui refuse son assentiment aux mouvements perturbateurs et approuve seulement la paix, le calme, la pureté et tout ce qui participe de la nature divine. Ce refus de la sanction n'entraîne pas forcément un conflit avec la Prakriti inférieure; il doit être un refus tranquille, persévérant, détaché, qui laisse l'action contraire de la nature sans soutien, sans assentiment, dépourvue de sens et de légitimation.2
Quand on recherche le Moi impersonnel, on oscille entre deux principes opposés: le silence et la pureté de l'Âtman impersonnel et inactif, et l'activité de la Prakriti ignorante. On peut entrer dans le Moi en quittant la nature ignorante ou en la réduisant au silence. Ou bien on peut vivre dans la paix et la liberté du Moi et observer l'action de la Nature comme un témoin. On peut même, par la tapasyâ, appliquer un certain contrôle sattwique à l'action de la Prakriti; mais le Moi impersonnel n'a pas le pouvoir de transformer ou de diviniser la nature. Pour cela, il faut dépasser le Moi impersonnel et chercher le Divin qui est à la fois personnel, impersonnel et au-delà de ces deux aspects. Cependant, si l'on s'exerce à vivre dans le Moi impersonnel et que l'on peut parvenir à une certaine impersonnalité spirituelle, alors on grandit en égalité, en pureté, en paix, en détachement, on acquiert la faculté de vivre dans une liberté intérieure que
2. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
n'affectent ni le mouvement de surface, ni la lutte de la nature mentale, vitale et physique; et c'est d'un grand secours lorsqu'on doit dépasser l'impersonnel et transformer aussi la nature perturbée en quelque chose de divin.
Offrir ses actions au Divin soulève une difficulté vitale qu'il est impossible d'éviter: il faut en passer par là et la vaincre. Car dès l'instant où vous tentez de le faire, le vital se soulève pour s'opposer au changement et, avec lui, toutes ses imperfections agitées. Il y a cependant trois choses que vous pouvez faire pour alléger et abréger la difficulté:
(1) Vous détacher de ce physique vital, l'observer comme quelque chose qui n'est pas vous, le rejeter, refuser de vous plier à ses exigences et à ses impulsions, mais avec tranquillité, comme le Pourousha témoin qui, en refusant sa sanction, finit par l'emporter. Cela ne devrait pas vous être trop difficile, si vous avez déjà appris à vivre de plus en plus dans le Moi impersonnel.
(2) Quand vous n'êtes pas dans cette impersonnalité, vous pouvez tout de même utiliser votre volonté mentale et son pouvoir de consentement ou de refus, non par une lutte pénible, mais, de la même manière, tranquillement, en niant les exigences du désir, jusqu'à ce que ces exigences, faute de sanction et d'assentiment, perdent la force de revenir et peu à peu s'affaiblissent et deviennent de plus en plus extérieures.
(3) Si vous devenez conscient du Divin au-dessus de vous ou dans votre cœur, demandez-lui aide, lumière et pouvoir pour que, de là, ils changent le vital lui-même, et en même temps faites pression sur ce vital jusqu'à ce qu'i apprenne à prier lui-même pour obtenir la transformation.
Enfin la difficulté sera réduite à ses plus petites proportions dès que vous pourrez, par la sincérité de votre aspiration au Divin et votre consécration, éveiller l'être psychique en vous (le Pourousha dans le cœur secret) de sorte qu'il viendra en avant et y restera, et déversera son influence sur tous les mouvements de la conscience mentale, vitale et
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physique. Le travail de transformation restera encore à faire, mais dès cet instant il ne sera plus aussi dur ni aussi pénible.3
Évidemment non. L'attitude du témoin n'a pas pour but de fournir un moyen commode de nier la responsabilité de ses propres défauts et par là de refuser de les amender. Elle a pour but la connaissance de soi et, dans notre yoga, elle constitue une position commode (détachée et indifférente, et par conséquent non soumise à Prakriti) d'où l'on peut agir sur les mouvements erronés en leur refusant son consentement et en leur substituant l'action de la conscience véritable venue du dedans ou d'au-dessus.
Une très sérieuse difficulté dans le yoga est l'absence d'une volonté centrale qui reste toujours au-dessus des vagues de force de Prakriti, toujours en contact avec la Mère, et qui impose à la nature son but central et son aspiration. Il en est ainsi parce que vous n'avez pas encore appris à vivre dans votre être central; vous avez été habitué à vous laisser emporter par chaque vague de Force qui se jetait sur vous, quelle qu'en soit la nature, et de vous identifier à elle sur le moment. C'est l'une des choses qu'il vous faut désapprendre; vous devez découvrir votre être central, avec le psychique qui est sa base, et vivre en lui.4
Tant que le mental saute d'une idée à l'autre ou se précipite
3. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
4. Les Bases du Yoga, chapitre 3. Traduction de te Mère.
vers les choses extérieures, il est impossible de rester intériorisé, recueilli et conscient au-dedans.
Percevoir sa conscience centrale et connaître l'action des forces est le premier pas décisif vers la maîtrise de soi.
Cela [la conscience] signifie les deux à la fois. On doit être conscient de tous ses états et de tous ses mouvements, de leurs causes et des influences qui les déterminent; on doit aussi être conscient du Divin: souvenir, présence, pouvoir, paix, lumière, connaissance, amour, Ânanda du Divin.
Le détachement est le commencement de la maîtrise, mais la maîtrise n'est complète que lorsqu'il n'y a pas de réaction du tout. Quand, au-dedans, quelque chose reste impassible devant les réactions, cela signifie que l'être intérieur est libre et maître de lui; il n'est cependant pas encore maître de toute la nature. Quand il est le maître, il refuse toute réaction fausse; s'il en apparaît, elles sont aussitôt repoussées, écartées et elles finissent par ne plus venir du tout.
Il faut vous intérioriser avec davantage de fermeté. Si vous vous dispersez sans arrêt, si vous sortez du cercle intérieur) vous ne ferez qu'aller et venir dans la mesquinerie de la nature extérieure ordinaire, soumis aux influences auxquelles elle est ouverte. Apprenez à vivre au-dedans, a toujours agir du dedans, guidé par une communion constante avec la Mère. Au début, vous aurez peut-être du mal a le faire sans cesse et complètement, mais c'est possible si
si l'on s'y tient; et c'est à ce prix, en apprenant à le faire, que l'on peut atteindre la siddhi dans le yoga.
Vous vous êtes sans doute trop extériorisé, d'une manière ou d'une autre. C'est seulement en vivant dans la conscience intérieure et en puisant en elle toute son action que l'on peut rester en bonne condition psychique. Autrement l'être psychique se retire au-dedans et l'être extérieur le cache. Il n'est pas perdu, mais dissimulé; il faut retourner à l'intérieur pour le retrouver.
C'est la vieille habitude du vital qui fait que vous sortez à tout propos dans la partie extérieure; vous devez persévérer pour établir l'habitude inverse de vivre dans votre être intérieur, qui est votre être vrai, et de tout regarder de là. C'est de là que vous recevrez la vraie pensée, la vraie vision et la vraie compréhension des choses, de votre moi et de votre nature.5
Oui, quand on est dans la conscience juste, alors le mouvement est juste, le bonheur est juste, tout est en harmonie avec la Vérité.
Quand la conscience est fausse, c'est l'exigence, l'insatisfaction, le doute, toutes sortes de discordances.
La différence vient de la partie de l'être qui agit: mental intérieur ou seulement cerveau extérieur. Vous sentez que le mental intérieur est en train de prendre le relais; alors ce que
vous étudiez commence à faire partie de votre conscience et est vraiment assimilé. Le travail effectué avec le mental extérieur est toujours ardu et superficiel.
Il est évident que l'être intérieur en vous commence à venir de plus en plus au premier plan. Plus il émergera, plus ces difficultés extérieures seront repoussées au-dehors et la conscience conservera la paix et la force, d'abord dans sa plus grande partie, puis dans sa totalité.
Oui, c'est très bien. Si l'on se fie principalement aux méthodes extérieures, la réussite n'est jamais parfaite. C'est seulement quand l'équilibre intérieur est atteint que le mouvement extérieur devient réellement efficace, et alors il vient de lui-même.
C'est bien. Accrochez-vous à la vraie chose, à la concentration dans l'être intérieur et à la vie intérieure. Toutes ces activités extérieures sont de peu d'importance et c'est seulement lorsque la vie intérieure est bien établie que les problèmes qui les compliquent peuvent trouver leur vraie solution. Vous l'avez constaté plusieurs fois quand vous vous intériorisiez. Un mental trop préoccupé par les difficultés extérieures reste extériorisé. Si vous vivez au-dedans, vous vous apercevrez que la Mère est près de vous et vous réaliserez sa volonté et son action.
La difficulté vient de ce que vous attachez trop d'importance à des choses qui n'ont que très peu de valeur. Vous vous conduisez comme si le fait d'avoir ou de ne pas avoir une table était capital, vous vous tracassez, vous vous échauffez tant sur les bons et les mauvais côtés de cette affaire que vous la laissez bouleverser toute votre paix mentale et vous
faire déchoir de l'état qui convient. Ces choses sont minimes et relatives: peut-être aurez-vous une table neuve, peut-être n'en aurez-vous pas; d'un côté comme de l'autre, cela n'a guère d'importance et ne change rien au Dessein du Divin en vous. La seule chose importante est d'accroître le calme, la paix et la descente de la Force divine, de grandir en égalité, en lumière, en conscience intérieures. Il faut mener les activités extérieures dans une grande tranquillité, en faisant le nécessaire mais sans s'énerver ni se bouleverser à aucun propos. C'est seulement ainsi que votre progrès pourra devenir régulier et rapide. Sentir la Force de la Mère autour de vous, la paix toute proche vous entourer, c'est la seule chose qui ait de l'importance; ces petits problèmes extérieurs n'en ont en réalité aucune et peuvent se régler de cent manières différentes.
Dans le rêve concernant X, les reliquats des anciens mouvements venant du vital subconscient continuaient évidemment à se déblayer.
L'expérience que vous relatez: immobilité, vide du mental et du vital, cessation des pensées et des autres mouvements, marquait l'apparition de l'état appelé "samâdhi", dans lequel la conscience s'intériorise dans une immobilité et un silence profonds. Cet état est favorable à l'expérience intérieure, à la réalisation, à la vision de la vérité invisible des choses, bien que tout cela puisse venir aussi à l'état de veille. Ce n'est pas un sommeil, mais un état où l'on se sent conscient au-dedans et non plus au-dehors.
Le diamant dans votre cœur était une formation de la conscience lumineuse de la Mère qui y réside, car la lumière de la Mère est d'un éclat blanc et, à sa plus grande intensité, adamantin. La lumière révèle la présence de la Mère dans votre cœur; c'est elle que vous avez vue une fois et ressentie pendant un moment.
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On se sent souvent incapable de lire des livres ou des journaux lorsque la conscience acquiert cette tendance s'intérioriser.
L'expérience que vous avez eue est évidemment l'intériorisation de la conscience appelée en général transe ou samâdhi. La partie la plus importante de cette expérience es cependant le silence du mental et du vital qui emplit aussi le corps. Acquérir cette capacité de silence et de paix est un pas des plus importants dans la sâdhanâ. Cet état vient d'abord en méditation et peut mener la conscience vers l'intérieur jusqu'à la transe, mais il faut qu'ensuite il se produise à l'état de veille et se stabilise pour former la base permanente de toute la vie et de toute l'action. C'est la condition de la réalisation du Moi et de la transformation spirituelle de la nature.
1. Non, vous n'étiez pas endormi. Vous avez pénétré au-dedans, dans une conscience intérieure; dans cette conscience intérieure, on est éveillé au-dedans, mais on ne l'est pas au-dehors; on n'est pas conscient des choses extérieures, mais seulement des choses intérieures. Votre conscience intérieure était occupée à réaliser ce que votre mental avait essayé de faire: agir sur les pensées et les suggestions qui sont causes d'agitation et les rectifier; la conscience intérieure peut le faire beaucoup plus facilement que le mental extérieur.
2. Quant aux choses qui doivent être faites, elles se font beaucoup plus facilement par une descente de la Force et de la Paix (qui apportent une vigueur inébranlable) que par votre effort mental.
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Il n'y a pas de raison que l'on n'ait pas une ardente aspiration en dormant, à condition d'être conscient pendant le sommeil. En fait, l'état que vous décrivez n'était pas un sommeil; simplement, la conscience essayait de s'intérioriser, d'entrer dans une sorte d'état où elle est tournée vers l'intérieur (un genre de demi-samâdhi) alors que le mental extérieur en sortait sans cesse. Si vous entrez dans cet état d'intériorisation, ce ne sont pas des rêves que vous avez, mais des expériences spirituelles, des visions ou des expériences dans d'autres plans de conscience supraphysiques. Votre ardente aspiration n'était rien d'autre que l'une de ces expériences spirituelles.
Au sujet de vos expériences:
1. L'assoupissement que vous avez ressenti pendant la méditation n'était pas un sommeil, mais un état intériorisé de la conscience. Quand cette intériorisation n'est pas très profonde, on peut percevoir des scènes, des voix, etc. qui n'appartiennent pas au plan physique, mais à un plan intérieur de conscience; leur valeur ou leur vérité dépend du plan où l'on est parvenu. Les plans superficiels n'ont pas d'importance et l'on n'a qu'à passer au travers jusqu'à ce que l'on parvienne à une plus grande profondeur.
2. La peur, la colère, la dépression, etc., qui survenaient lorsque vous pratiquiez le japa des noms venaient d'une résistance vitale dans la nature (résistance commune à tous) qui les faisait surgir à cause de la pression exercée sur le vital pour le faire changer, et qui est inhérente à la sâdhanâ. Ces résistances apparaissent puis, si l'on prend l'attitude juste, s'effacent plus ou moins vite. On n'a qu'à les observer et s'en séparer, en persévérant dans la concentration et la sâdhanâ Jusqu'à ce que le vital soit devenu tranquille et clair.
3. Ce que vous avez vu (la lune, le ciel, etc.) est dû à l'ouverture de la vision intérieure; cela se produit d'ordinaire quand la concentration commence à ouvrir la conscience
intérieure dont cette vision subtile fait partie. Cette faculté de vision a son importance dans le développement de l'être intérieur et il n'y a pas lieu de la repousser, même si l'on ne doit pas attacher trop d'importance aux visions qui apparaissent dans les premiers stades.
4. Certaines, cependant, font partie du développement de l'expérience spirituelle, comme le soleil que vous avez vil au-dessus de votre tête et le pan de lumière dorée, car ce" sont les signes d'une ouverture intérieure et ils sont symboliques. Tous deux symbolisent la Vérité et la Lumière divines et révèlent une action de leur influence.
5. L'expérience la plus importante est cependant celle de la paix et de la tranquillité qui accompagne une bonne concentration. C'est cela qui doit croître et se stabiliser dans" le mental, le vital et le corps; car c'est cette paix et cette tranquillité qui constituent une base solide pour la sâdhanâ.
1. Ces pensées et ces influences viennent toutes, en réa lité, de l'extérieur, de la nature universelle; elles créent et nous des formations ou déterminent dans l'être individuel des réactions habituelles. Quand on les rejette, elles réintègrent la Nature universelle extérieure et si l'on devient conscient, on peut les percevoir lorsqu'elles viennent du dehors et essaient de retrouver leur place au-dedans ou de réveiller la réaction habituelle. 11 faut les rejeter avec persistance jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucune possibilité de réaction. Ce processus est grandement accéléré si l'on peut établir un calme, une pureté et un silence intérieurs d'où ces pensées et ces influences se détachent et tombent et qu'elles sont incapables de troubler.
2. Cet obstacle est commun à tous ceux qui commencent à pratiquer le yoga. Le sommeil disparaît peu à peu de deux manières: (a) par l'intensification du feu de la concentration; (b) par la transformation du sommeil lui-même en une sorte de swapna-samâdhi où l'on est conscient d'expériences intérieures
qui ne sont pas des rêves (c'est-à-dire que la conscience de veille est abolie pour un moment et qu'elle est remplacée non par le sommeil, mais par un état conscient et intériorisé où l'on se meut dans l'être supraphysique, dans l'être mental ou dans l'être vital).
3. En ce qui concerne l'inconscience qui se glisse dans le sommeil: c'est tout à fait courant. La conscience durant le sommeil ne peut s'établir que petit à petit, à mesure que se développe la conscience véritable dans l'état de veille.
4. Le centre cardiaque est la même chose que le centre da cœur.
5. Une imagerie concrète comme celle que vous utilisez peut contribuer à faire venir la descente.
En ce qui concerne votre rêve, ce n'était pas un rêve, mais une expérience de l'être intérieur dans un état de rêve conscient, swapna-samâdhi. L'engourdissement et l'impression d'être sur le point de perdre conscience sont toujours dus à la pression ou à la descente d'une Force à laquelle le corps n'est pas accoutumé, mais qu'il ressent fortement. Ici, ce n'est pas sur le corps physique que s'exerçait directement la pression, mais sur le corps subtil, soukshma sharîra, dans lequel l'être intérieur a sa demeure la plus familière et où il va lorsqu'il entre en sommeil ou en transe, ou encore au moment de la mort. Mais ces expériences sont d'une telle acuité que le corps physique a l'impression d'avoir lui-même l'expérience: l'engourdissement est l'effet que produit sur lui la pression. Une pression sur le corps tout entier signifierait qu'elle s'exerce sur toute la conscience intérieure, peut-être en vue d'une modification ou d'une transformation qui le rendrait plus apte à la connaissance ou à l'expérience; la troisième ou la quatrième côte indiquerait une région qui appartient à la nature vitale, domaine de la force de vie, une pression visant à un changement sur ce plan.
La question ne se pose pas. À ce stade, vous n'avez qu'à suivre les expériences et observer leur signification. C'est seulement quand elles se déroulent dans le domaine vital que certaines risquent d'être des formations fausses. Celles dont vous parlez sont simplement des expériences normales pour une conscience yoguique en train de s'ouvrir et il faut tout simplement les comprendre.
Il s'agit ici de l'éclatement du petit vital de surface dans l'immensité de l'être vital vrai ou intérieur qui peut aussitôt s'ouvrir à la Conscience supérieure, à son pouvoir, à sa lumière et à son Ânanda. Le petit mental physique et le petit sens physique ont eux aussi commencé à voler en éclats pour entrer dans l'immensité de la conscience physique intérieure. Les plans intérieurs sont toujours vastes et ouverts a l'Universel, alors que les parties extérieures de surface son repliées sur elles-mêmes et pleines de mouvements étriqué; et ignorants.
Votre série d'expériences est très intéressante parce qu'élit met en lumière un développement constant, bien qu'intermittent. Deux éléments nouveaux et révélateurs se son ajoutés à la substance antérieure de l'expérience. Le premier est la localisation très précise du soulèvement de la conscience à partir du creux de l'estomac, c'est-à-dire au-dessus de l'ombilic, le mouvement lui-même partant de l'ombilic et même de plus bas. Le centre de l'ombilic (nâbhipadma) est le siège principal de la conscience vitale centralisée (centre dynamique) qui s'étend du niveau cardiaque (émotif) au centre situé au-dessous de l'ombilic (vital inférieur, centre du désir dans le domaine des sensations). Ces trois centres forment le domaine de l'être vital. Il est par conséquent clair que c'est votre être vital intérieur qui avait cette expérience dont l'intensité, la véhémence venaient sans doute de ce que le vital tout entier (ou sa plus grande partie) était éveillé et y participait cette fois-ci. L'expérience
elle-même était d'origine psychique, mais elle a revêtu dans son expression une forme fortement vitale et émotive. Je puis ajouter, pour être complet, que le centre du psychique est situé derrière le cœur et que c'est grâce aux émotions purifiées que le psychique trouve le plus facilement une porte de sortie. Tout ce qui est au-dessus du cœur est relié au vital-mental, et plus haut se trouve le mental avec ses trois centres: l'un dans la gorge (le mental tourné vers l'extérieur ou mental extériorisant), l'autre entre les yeux ou plutôt au milieu du front (centre de la vision et de la volonté), et le troisième au-dessus, communiquant avec le cerveau, qui est appelé le lotus aux mille pétales et où sont centralisées la pensée et l'intelligence au niveau le plus élevé, en communication avec les plans supérieurs du mental (mental illuminé, intuition, surmental) qui se trouvent au-dessus.
Le deuxième point nouveau et révélateur est que le mental intérieur s'est manifesté; car c'est votre mental intérieur qui suivait, observait et critiquait l'expérience psychique de l'être vital. Vous avez trouvé curieuse cette division claire en vous, mais elle ne vous paraîtra plus curieuse lorsque vous saurez que cette divisibilité de l'être en différentes parties est tout à fait normale. Dans la nature extérieure de surface, le mental, le psychique, le vital, le physique sont tous enchevêtrés et il nous faut un vigoureux pouvoir d'introspection, d'auto-analyse, d'observation étroite et de débrouillage des fils de la pensée, des sentiments et des impulsions pour découvrir la composition de notre nature et la relation et l'interaction de ces parties les unes sur les autres. Mais lorsqu'on s'intériorise, comme vous l'avez fait, on découvre les sources de toute cette action de surface et là, les parties de notre être sont tout à fait séparées et clairement distinctes les unes des autres. Nous les sentons vraiment comme des êtres distincts en nous, et tout comme deux individus peuvent le faire en une action conjuguée, on voit chacun observer l'autre, le critiquer, l'aider ou contrecarrer et réfréner son action; c'est comme si nous étions un être collectif, chaque membre du groupe ayant sa place et sa
fonction séparées, tous étant dirigés par un être central qui est parfois au premier plan, au-dessus des autres, parfois dans la coulisse. Votre être mental observait le vital et n'était pas très à l'aise devant sa véhémence, car la base naturelle de l'être mental est le calme, la réflexion, la retenue, la maîtrise et l'équilibre, alors que la tendance naturelle du vital est faite de dynamisme, d'énergie projetée en émotion, en sensation et en action. Tout était donc parfaitement naturel et en ordre.
Votre expérience est simple à expliquer. L'être inférieur (vital et physique) recevait une influence (lumière mentale, jaune) du mental pensant et du vital supérieur qui le débarrassait de ses réactions vitales inférieures anciennes et habituelles; très souvent, dans la sâdhanâ, on sent l'être intérieur parler à l'être extérieur, le mental ou le vital supérieur parler au mental ou au vital inférieur pour l'éclairer.
L'expérience importante est celle du rayon blanc dans le cœur: la lumière blanche et l'illumination du cœur par la lumière ont un grand pouvoir dans notre sâdhanâ. Les intuitions dont parle cette sâdhikâ sont un signe de la conscience intérieure qui se développe en elle, conscience qui est nécessaire au yoga.
Les expériences dont vous parlez appartiennent toutes les trois au même mouvement ou au même stade de votre vie spirituelle: ce sont les premiers efforts que fait votre conscience pour percevoir votre être intérieur qui était voilé, comme chez la plupart des gens, par le moi extérieur de veille. Il y a pour ainsi dire deux êtres en nous, l'un à la
surface: la conscience extérieure ordinaire de notre mental, de notre vie et de notre corps, l'autre derrière le voile: la conscience d'un mental, d'une vie, d'un physique intérieurs qui constitue un autre moi ou moi intérieur. Une fois éveillé, ce moi intérieur s'ouvre à son tour à notre vrai moi, réel et éternel. Il s'ouvre intérieurement à l'âme que, dans la terminologie de notre yoga, nous appelons l'être psychique, et qui soutient nos vies successives et assume à chaque naissance un mental, une vie et un corps nouveaux. Il s'ouvre au-dessus au Moi ou Esprit non né et, lorsque nous en reprenons consciemment possession, nous transcendons la personnalité changeante et gagnons la liberté et la pleine maîtrise de notre nature.
Vous avez très bien fait de commencer par développer les qualités sattwiques et par construire la tranquillité intérieure et méditative. Il est possible, par une méditation ardue ou par certaines méthodes d'effort intense, d'ouvrir des portes sur l'être intérieur ou même d'abattre quelques-uns des murs qui séparent le moi intérieur du moi extérieur avant d'en avoir terminé avec cette discipline préalable, ou même avant de l'entreprendre, mais il n'est pas toujours sage d'agir ainsi, car cela risque de conduire la sâdhanâ à des états très bourbeux, chaotiques, assiégés d'inutiles dangers. En adoptant cette méthode plus patiente, vous êtes parvenu à un point où les portes de l'être intérieur ont commencé à s'ouvrir toutes grandes, presque automatiquement. Maintenant, les deux processus peuvent aller de pair, mais il faut conserver la tranquillité sattwique, la patience, la vigilance, ne rien hâter, ne rien forcer, n'être détourné par aucun leurre puissant, aucun appel vigoureux de la période intermédiaire qui s'ouvre maintenant, avant d'être sûr que l'appel est le bon. Car les forces des plans intérieurs exercent bien des attirances véhémentes auxquelles il n'est pas sans danger de céder.
Votre première expérience est une ouverture qui vous fait pénétrer dans le moi mental intérieur; l'espace entre les sourcils est le centre du mental intérieur, de la vision intérieure,
de la volonté intérieure, et la lumière bleue que vous avez vue était celle d'un plan mental supérieur, d'un mental spirituel, pourrait-on dire, qui est au-dessus de l'intelligence mentale humaine ordinaire. L'ouverture à ce mental supérieur s'accompagne en général d'un silence de la pensée mentale ordinaire. Nos pensées ne se créent pas vraiment en nous d'elles-mêmes, dans la petite machine à penser étriquée que nous appelons notre intellect; en fait, elles nous viennent d'un vaste espace ou éther mental, soit comme des vagues de force mentale porteuses d'une signification qui prend forme dans notre mental personnel, soit comme des formations de pensée toutes faites que nous adoptons et appelons nôtres. Notre mental extérieur est incapable de voir ce processus de la Nature; mais par l'éveil du mental intérieur, nous pouvons en devenir conscients. Ce que vous avez vu était le reflux de cette invasion mentale constante et le recul des formes de pensée derrière l'horizon du vaste espace de la Nature mentale. Vous avez senti cet horizon quelque part en vous-même, mais il se trouvait évidemment dans cet espace plus vaste du moi qui, même dans son domaine limité - juste entre les sourcils - vous a semblé plus grand que l'espace physique correspondant. En fait, bien que les espaces mentaux ordinaires soient bornés par des horizons, ils s'étendent au-delà, à l'infini. Le mental intérieur est quelque chose de très vaste qui se projette dans l'infini et qui, en fin de compte, s'identifie à l'infini du Mental universel. Quand nous brisons les étroites limites du mental physique extérieur, nous commençons à voir et à sentir, au-dedans, cette immensité et finalement cette universalité et cet infini de l'espace du moi mental. Les pensées ne sont pas l'essence de l'être mental, elles ne sont qu'une activité de la nature mentale; si cette activité cesse, ce qui se manifeste à sa place, et qui apparaît alors comme une existence dénuée de pensée, n'est pas un blanc ou un vide, mais, pour ainsi dire, quelque chose de très réel, de substantiel, de concret; un être mental s'étend largement et peut devenir son propre champ d'existence silencieux ou actif, et
aussi le Témoin, le Connaisseur, le Maître de ce domaine et de son action. Certains le ressentent tout d'abord comme un vide, mais c'est parce qu'ils n'observent pas assez, n'y étant pas entraînés; alors la cessation de l'activité leur donne un sentiment de vide; ce vide est là, mais c'est un vide dépourvu d'activités ordinaires, non dépourvu d'existence.
L'expérience répétée de ce retrait des pensées, de cet arrêt du mécanisme générateur des pensées et de son remplacement par l'espace mental du moi est normal et conforme à ce qui doit être; car ce silence ou du moins cette capacité de silence doit grandir jusqu'à ce qu'on l'ait à volonté ou même qu'elle s'établisse en permanence et devienne automatique. Car ce silence du mécanisme mental ordinaire est nécessaire pour que la mentalité supérieure puisse se manifester, descendre, occuper peu à peu la place de la mentalité actuelle, qui est imparfaite, et transformer les activités de celle-ci en ses propres mouvements plus complets. La difficulté de la faire apparaître pendant le travail ne se présente qu'au début; ensuite, quand elle est mieux installée, on s'aperçoit que l'on peut poursuivre toutes les activités de la vie soit dans le silence lui-même qui pénètre tout, soit du moins avec ce silence comme soutien et à l'arrière-plan. Le silence reste à l'arrière-plan et l'action nécessaire se poursuit à la surface, ou le silence est notre moi élargi et quelque part en lui, un Pouvoir actif accomplit les œuvres de la Nature sans troubler le silence. Il est par conséquent tout à fait juste d'interrompre le travail lorsqu'une expérience se présente: l'élaboration de cette conscience intérieure silencieuse est assez importante pour justifier une pause ou une brève interruption.
Par contre, il n'en est pas de même des deux autres expériences. On ne doit pas laisser l'expérience de rêve s'emparer des heures de veille et tirer la conscience à l'intérieur; son fonctionnement doit se cantonner aux heures de sommeil. Il ne doit pas non plus y avoir de poussée ou de pression pour abattre le mur entre le moi intérieur et le "je" extérieur: il faut laisser la fusion se produire par une action
intérieure progressive, à son rythme naturel. J'expliquerai) pourquoi dans une autre lettre.
Votre deuxième expérience est un premier mouvement de l'éveil de l'être intérieur dans le sommeil. D'ordinaire, quand on dort, un phénomène complexe se produit. La conscience de veille n'est plus là, car tout s'est retiré au-dedans, dans les régions intérieures que nous ne percevons pas quand nous sommes éveillés, bien qu'elles existent, puisque tout est alors placé derrière un voile par le mental de veille et il ne reste rien, sauf le moi de surface et le monde extérieur: de même la lumière du soleil forme un voile qui nous dissimule les vastes mondes étoiles. Le sommeil consiste à aller au-dedans; le moi de surface et le monde extérieur sont soustraits à nos sens et à notre vision. Mais dans le sommeil ordinaire, nous ne devenons pas conscients des mondes intérieurs: l'être semble immergé dans une subconscience profonde. À la surface de cette subconscience flotte une couche obscure dans laquelle les rêves nous semblent se produire; on pourrait cependant dire avec plus d'exactitude qu'ils y sont enregistrés. Quand nous entrons dans un sommeil très profond, nous avons ce qui nous apparaît comme un sommeil sans rêve, mais en réalité les rêves se poursuivent: ils sont soit trop profondément enfouis pour que la surface puisse les enregistrer, soit oubliés; tout souvenir qu'ils aient même existé s'efface pendant le retour à la conscience de veille. Les rêves ordinaires sont pour la plupart incohérents ou semblent tels, parce qu'ils sont tissés par le subconscient à partir d'impressions qui gisent dans les profondeurs, laissées par notre vie passée intérieure et extérieure, et tissés d'une manière fantastique qui livre difficilement au souvenir du mental de veille des indices sur leurs significations; ou bien ce sont des récits fragmentaires, pour la plupart déformés, d'expériences qui se poursuivent derrière le voile du sommeil; en fait, ces deux aspects se mêlent
très largement. Car en réalité une grande partie de notre conscience durant le sommeil ne sombre pas dans cet état subconscient; elle passe, au-delà du voile, dans d'autres plans d'être qui sont reliés à nos propres plans intérieurs: plans d'existence supraphysiques, mondes d'une vie, d'un mental ou d'une psyché plus vastes qui sont là, par derrière, et dont les influences nous parviennent à notre insu. De temps en temps nous recevons de ces plans un rêve, quelque chose qui est plus qu'un rêve, une expérience de rêve qui est un récit, direct ou symbolique, de ce qui s'y passe en nous ou autour de nous. À mesure que la conscience intérieure se développe par la sâdhanâ, ces expériences de rêve deviennent plus nombreuses, plus claires, plus cohérentes, plus exactes, et lorsque l'expérience et la conscience ont grandi, nous pouvons, si nous sommes attentifs, arriver à les comprendre et à comprendre leur signification par rapport à notre vie intérieure. Nous pouvons même, par la pratique, devenir assez conscients pour suivre notre propre passage, d'ordinaire voilé à notre perception et à notre mémoire, à travers de nombreux royaumes, ainsi que le processus de notre retour à l'état de veille. Lorsque cet éveil intérieur atteint un certain degré, cette sorte de sommeil, qui est un sommeil d'expériences, peut remplacer le sommeil subconscient ordinaire.
C'est bien sûr un être intérieur, une conscience intérieure, ou quelque chose du moi intérieur qui croît ainsi, non pas comme d'habitude derrière le voile du sommeil, mais dans le sommeil lui-même. Dans l'état que vous décrivez, cet être intérieur vient tout juste de commencer à percevoir le sommeil et le rêve et à les observer - mais pas plus, Jusqu'à présent - à moins que quelque chose, dans la nature de vos rêves, ne vous ait échappé. Mais il est assez éveillé pour que la conscience de surface se rappelle cet état, c'est-à-dire en reçoive et en conserve le récit, malgré le Passage du sommeil à l'état de veille qui en général abolit tout par l'oubli, sauf des fragments du compte rendu de ce qui s'est passé dans le sommeil. Vous avez raison de penser
que la conscience de veille est différente de celle qui est éveillée durant le sommeil; ce sont des parties distinctes de l'être.
Quand la conscience intérieure de sommeil commence à se développer, on se sent souvent attiré vers l'intérieur, même sans aucune fatigue ni aucun besoin de sommeil, pour y poursuivre ce développement. Il y a un autre élément qui contribue à ce mouvement. En général, la partie vital de l'être intérieur est la première à s'éveiller dans le sommeil et les premières expériences de rêve (par opposition aux el et ordinaires) sont d'habitude, en grande majorité, des expériences du plan vital, monde de vie supraphysique plein de diversité et d'intérêt, plein de régions lumineuses ou obscures, belles ou périlleuses, souvent extrêmement attrayantes, où l'on peut aussi acquérir bien des connaissances à la fois sur les parties cachées de notre nature, sur ce qui nous arrive derrière le voile, et aussi sur d'autres choses relatives à l'évolution de certaines parties de notre nature. L'être vital en nous peut alors être très attiré vers cette catégorie d'expériences, il peut vouloir vivre davantage en elles et moins dans la vie extérieure. Telle serait la cause de ce désir de retourner vers quelque chose d'intéressant et de captivant, qui accompagne le désir de s'endormir. Mais il ne faut pas favoriser cette tendance durant les heures de veille, il faut la réserver aux heures assignées au sommeil qui en sont le domaine naturel. Sinon un déséquilibre peut se produire, une tendance à vivre davantage et exagérément dans les visions des régions supraphysiques, et une diminution de l'emprise sur les réalités extérieures. La connaissance, l'élargissement de notre conscience de ces domaines de la nature intérieure sont très désirables, mais ils doivent être maintenus à leur place et dans leurs limites.
Dans ma dernière lettre, j'avais remis à plus tard l'explication de votre troisième expérience. Ce que vous avez senti
est en fait un contact du Moi, non le Moi non né au-dessus, l'Âtman des Oupanishad - car cette expérience vient d'une manière différente, par le silence du mental pensant - mais celle de l'être intérieur dont j'ai parlé, du psychique qui soutient l'être intérieur mental, vital et physique. Un temps doit venir, pour tout chercheur de la connaissance complète de soi, où il perçoit ainsi qu'il vit dans deux mondes, dans deux consciences à la fois, deux parties de la même existence. Actuellement, il vit dans le moi extérieur, mais il ira de plus en plus au-dedans, jusqu'à ce que la position soit inversée et qu'il vive au-dedans, dans cette nouvelle conscience ce moi intérieur, et sente le moi extérieur comme quelque chose à la surface, une personnalité formée pour être un instrument d'expression du moi intérieur dans le monde matériel. Alors un Pouvoir travaillera du dedans sur l'être extérieur pour en faire un instrument souple et conscient, de sorte que l'intérieur et l'extérieur finiront par ne faire qu'un. Le mur que vous sentez est bien le mur de l'ego, fondé sur le fait que l'on persiste à s'identifier à la personnalité extérieure et à ses mouvements. C'est cette identification qui est la clé de voûte de la limitation et de la servitude dont souffre l'être extérieur et qui empêche l'expansion, la connaissance de soi, la liberté spirituelle. Mais il ne faut pas pour autant abattre prématurément ce mur, parce qu'il peut en résulter une rupture, une confusion ou un envahissement de l'une ou l'autre des deux parties de l'être par les mouvements de ces deux mondes séparés avant qu'ils ne soient prêts à s'harmoniser. Il est nécessaire de maintenir une certaine séparation pendant quelque temps, une fois que l'on a perçu l'existence simultanée de ces deux parties de l'être. Il faut laisser à force du yoga le temps de procéder aux adaptations et aux ouvertures nécessaires et d'intérioriser être, puis, sur la base de cet équilibre oriente vers l'intérieur, d'agir sur la nature extérieure.
Cela ne veut pas dire que l'on ne doit pas laisser la conscience s'intérioriser pour vivre, le plus tôt possible dans le monde intérieur en considérant tout de là avec un regard
neuf. Cette intériorisation est très désirable et nécessaire, et ce changement de point de vue aussi. Simplement, je veux dire que tout doit se faire par un mouvement naturel, sans hâte. Le mouvement d'intériorisation peut venir rapidement; même après, cependant, le mur de l'ego sera là, et il faudra, avec patience et résolution, le démolir de sorte qu'il n'en reste pas pierre sur pierre. Ma mise en garde ne se limite qu'au fait de laisser le sommeil empiéter sur les heures de veille et ne concerne pas l'intériorisation durant la concentration éveillée ou dans la conscience ordinaire de veille. Ce mouvement à l'état de veille finit par nous transporter dans le moi intérieur et par ce moi intérieur, nous entrons peu à peu en contact avec les mondes supraphysiques et nous apprenons à les connaître; mais ce contact et cette connaissance ne conduisent pas forcément, et même ne doivent pas conduire à trop s'en préoccuper, ni à se soumettre à leurs êtres et à leurs forces. Dans le sommeil, nous pénétrons vraiment dans ces mondes et si cette attirance pour la conscience de sommeil est trop forte et empiète sur la conscience de veille, cette préoccupation et cette influence excessives sont dangereuses.
Il est tout à fait vrai qu'une pureté et une sincérité intérieures où l'on n'est mû que par l'appel d'en haut est la meilleure sauvegarde possible contre les pièges de la période intermédiaire. Ainsi l'on est maintenu sur la bonne piste et préservé d'en dévier, jusqu'à ce que l'être psychique soit pleinement éveillé et au premier plan: une fois que c'est fait, il n'y a plus de danger. Si l'on ajoute à cette pureté et à cette sincérité un mental clair, doté d'un pouvoir de discrimination, la sécurité en est accrue dans les premiers stades. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire ou souhaitable que je précise avec trop de détails ou trop d'exactitude les formes que le piège ou l'attirance risquerait de prendre. Mieux vaut peut-être ne pas appeler ces forces en leur portant une attention inutile. Je ne crois pas que vous soyez du genre à être détourné du sentier par aucune des attirances périlleuses majeures. Quant aux désagréments mineurs de la période
intermédiaire, ils ne sont pas dangereux et l'on peut aisément y mettre bon ordre chemin faisant,à mesure que s'accroissent la conscience, la discrimination et la sûreté de l'expérience.
Comme je l'ai dit, l'attirance vers l'intérieur, l'impulsion à aller au-dedans n'est pas indésirable et il n'y a pas lieu d'y résister. À un stade particulier, elle peut s'accompagner d'une abondance de visions due au pouvoir intérieur de vision qui, en grandissant, voit des choses qui appartiennent à tous les plans d'existence. Ce pouvoir est précieux et salutaire dans la sâdhanâ et ne doit pas être écarté. Mais il faut regarder et observer sans attachement, en a maintenant toujours au premier plan le but principal: la réalisation du Moi intérieur et du Divin; ces visions devraient seulement être considérées comme des choses qui accompagnent la croissance de la conscience et y contribuent, non comme des objets en eux-mêmes qu'il faut rechercher pour ce qu'ils sont. Il doit y avoir aussi un mental discriminateur qui met chaque chose à sa place et est capable de marquer une pause pour en comprendre la portée et la nature. Chez certains, l'ardeur à poursuivre ces expériences subsidiaires devient telle qu'ils commencent à perdre tout sens de la véritable distinction et de la véritable délimitation ente les différents domaines de la réalité. Tout ce qui arrive dans ces expériences ne doit pas être considéré comme vrai: il faut exercer son discernement, voir ce qui est formation mentale ou construction subjective et ce qui est vrai, distinguer entre ce qui n'est que suggestion venant des plans du mental et du vital élargis ou n'a de réalité que là, et ce qui a valeur d'aide ou de conseil dans la sâdhanâ intérieure ou la vie extérieure.
Les expériences de X sont celles qui accompagnent en général le retrait de la conscience de veille dans un plan intérieur d'expérience. Dans la première, la sensation de froid dans le corps est - comme l'immobilité et la raideur
dans l'expérience de Y - l'un des signes que la conscience reflue de l'enveloppe extérieure ou physique et se retire ai dedans. Ce qu'il a vu sous la forme d'une cristallisation étai l'organisation d'une conscience intérieure capable de recevoir d'au-dessus, de façon stable et abondante à la fois. Les cristaux indiquaient une formation organisée ainsi qu'une transparence solide où la vision et l'expérience plus vastes qui descendent des plans supérieurs peuvent se refléter clairement.
En ce qui concerne l'autre expérience, son rejet de la conscience de veille a eu évidemment pour conséquence de le projeter dans une perception intérieure où il a commencé à entrer en contact avec les plans supraphysiques. La signification de l'océan de couleur rouge et des étoiles dépend de la nuance du rouge. Si le rouge était cramoisi, c'est l'océan de la conscience physique et de la vie physique, tel qu'il se présente à la vision symbolique intérieure, que X a vu; si ce rouge était pourpre, c'est l'océan de la conscience vitale et de la force de vie vitale. Peut-être aurait-il mieux valu qu'il n'interrompe pas sa perception de la présence de la Mère; il devrait plutôt, s'il en est capable, l'emporter avec lui dans les plans intérieurs; ainsi il n'aurait eu aucun motif d'avoir peur.
Quoi qu'il en soit, s'il veut pénétrer dans la conscience intérieure et se mouvoir dans ces plans - ce qui ne peut manquer d'arriver s'il se ferme à la conscience de veille durant la méditation - il doit rejeter la peur. Il s'attendait sans doute à recevoir le silence ou le contact de la Conscience divine en suivant le conseil de la Guîtâ. Mais on peut tout aussi bien recevoir le silence ou le contact de la Conscience divine - et pour certains, c'est plus facile - dans la méditation éveillée, par la présence de la Mère et la descente d'en haut. Cependant, le mouvement vers l'intérieur est sans doute inévitable; il devrait essayer de comprendre et, sans recul ni effroi, s'y diriger avec la même confiance et la même foi en la Mère que dans la méditation éveillée. Ses rêves sont évidemment des expériences sur le plan intérieur
(vital); inutile que je répète l'explication déjà donnée à Y.
P. S. Le rêve de l'image du Mahâdéva6 signifie peut-être que quelqu'un (qui n'appartient évidemment pas à notre monde) voulait l'égarer et l'amener à confondre une forme quelconque du passé, traditionnelle et limitée, avec la Vérité vivante et plus grande qu'il cherche.
Ces sensations proviennent du fait que la conscience s'intériorise, de sorte que l'on perçoit les objets comme s'ils étaient à une certaine distance. Le même phénomène peut se produire quand on pénètre dans un autre plan de conscience et que l'on regarde les objets physiques à partir de là. C'est sans doute le premier phénomène qui se produit en vous. Quand on pénètre très profondément au-dedans, les objets s'éloignent. Mais ce changement est temporaire. Plus tard, vous serez capable d'avoir les deux consciences à la fois: une certaine partie de vous-même sera dans votre psychique avec toutes les expériences et toutes les activités de l'être et de la nature psychiques, et pourtant votre moi de surface sera pleinement éveillé et actif dans le domaine physique, avec à l'arrière-plan de son action extérieure le soutien et l'influence du psychique.
C'est évidemment dans un monde subtil, et non dans le monde physique, que vous vous déplacez; c'est ce qui ressort de la disposition différente des objets, mais certains détails comme le troisième bras et le signet retiré du livre et pourtant à sa place indiquent que ce monde est très proche du monde physique; c'est soit un monde du physique subtil, soit une région vitale très matérielle. Tous les domaines subtils reproduisent le physique avec un léger changement, le changement devenant plus libre et plus souple à mesure
6. "Le Grand Dieu": Shiva.
que l'on s'éloigne. Certains détails comme la claudication indiquent la même chose: l'emprise du physique est toujours là. Il est possible de se déplacer dans le monde physique, mais en général on ne peut le faire qu'en puisant dans l'atmosphère d'autres êtres physiques pour obtenir une plus forte matérialisation de la forme; quand cela se produit, on se meut parmi eux et on les voit, ainsi que les objets qui les environnent, exactement tels qu'ils sont à ce moment-là dans le monde physique; on peut vérifier l'exactitude des détails si, aussitôt après avoir réintégré le corps (ce qui se fait d'ordinaire avec une claire conscience de tout le processus de réintégration), on peut passer par le même lieu dans le corps physique. Mais c'est rare; errer dans le subtil est au contraire fréquent, seulement quand cela se produit à proximité du monde physique, tout paraît très matériel et concret; les habitudes physiques et les mouvements du mental physique sont plus étroitement associés aux événements subtils.
C'était une extériorisation partielle: une partie de la conscience est sortie vers l'endroit et le milieu que vous avez décrits, tandis que l'autre restait dans le corps et percevait à la fois le milieu normal et, par une communication ou une participation indirecte, celui dont la première avait l'expérience. C'est tout à fait possible et aucune forme de transe, aucune perte de conscience extérieure n'est nécessaire pour cela. Quant à la cause d'une telle expérience, elle n'a rien à voir avec vos préoccupations habituelles, intellectuelles ou autres; l'origine en est une sorte d'attirance ou de contact avec quelqu'un qui est là, sur les lieux, et qui ressent un besoin de sympathie, de soutien ou d'aide d'un genre ou d'un autre, besoin si fort qu'il prend la forme d'une sorte d'appel; très souvent c'est quelqu'un de tout à fait inconnu, et cela dépend seulement de la personne à qui parvient l'appel parce qu'elle est ouverte à ce moment-là, et qui
reçoit la vibration et a la capacité d'y répondre. En général, la conscience s'identifie en quelque sorte avec celle de la personne qui appelle, si bien que l'on peut voir les lieux et les événements par son intermédiaire. C'est le physique que ces expériences rendent nerveux, et cette réaction doit être surmontée; lorsque la conscience intérieure mentale, vitale et physique s'ouvre aux choses qui se trouvent derrière l'épais voile physique, toutes sortes d'expériences peuvent se produire qui sont étrangères au mental physique et sa tendance à la crainte ou à la nervosité doit disparaître. Il doit être capable de faire face sans effroi aux événements, même les plus redoutables.
Cette expérience avait une certaine emprise visuelle et il ne fallait pas s'attendre à ce qu'elle disparaisse complètement aussitôt. Ces phénomènes essaient de persister, mais si le refus est ferme et immuable, ils s'estompent au bout d'un certain temps ou disparaissent. La diminution d'intensité de l'Ânanda est déjà un signe que le rejet produit son effet. Vous n'avez qu'à persévérer et dans quelque temps la conscience vitale sera libérée.
Le lieu où vous vous trouviez est un monde tout aussi positif et réel que le monde matériel et ce qui s'y passe a parfois un effet considérable sur ce monde-ci. Quelle collection de disciples ignorants vous êtes tous! Beaucoup trop modernes et européanisés!
Ces incidents sont des rencontres sur le plan vital, mais très souvent, dans la transcription de ce qui est arrivé, quelques détails s'immiscent qui sont fournis par le subconscient. Le reste paraît correct. L'écriture sur le front désigne évidemment quelque chose qui est fixé en vous dans le plan vital et qui doit sortir par la suite dans la conscience physique.
Vous êtes trop physiquement terre-à-terre. Par ailleurs vous ignorez tout des phénomènes occultes. Le vital fait partie de ce que les psychologues européens appellent parfois le subliminal, et le subliminal, chacun devrait le savoir, est capable de réussir là où le physique est impuissant, par exemple de résoudre en quelques minutes un problème sur lequel le physique a peiné en vain des journées entières, etc.
Si les mêmes événements se passaient sur les deux plans, à quoi cela servirait-il? Ce serait superflu et oiseux. Le plan vital est un domaine où peuvent s'accomplir certaines choses qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent pas se réaliser maintenant dans le physique.
Le vital contient évidemment des centaines d'éléments variés, car ce plan de conscience est bien plus riche et bien plus souple que le physique, mais tous ces éléments n'ont pas la même validité ni la même valeur. J'évoquais plus haut des éléments qui ont une valeur. Soit dit en passant, sans ce plan vital, il n'y aurait ni art, ni poésie, ni littérature: tout cela vient par l'intermédiaire du vital avant de se manifester ici.
Ce que vous dites des différents mondes vitaux est nul doute intéressant et contient une certaine vérité, mais vous devez vous souvenir que ces mondes, qui sont différents du vital vrai ou divin, sont pleins d'enchantements et d'illusions et se présentent sous des apparences de beauté qui ne séduisent que pour égarer ou détruire. Ce sont des mondes de "Râkshasîmâyâ"7 et leurs paradis sont plus périlleux que leurs enfers. On doit les connaître et faire face à leurs pouvoirs, si besoin est, mais non s'y soumettre; notre affaire, c'est le supramental, et le vital ne nous concerne que lorsqu'il est supramentalisé; jusque-là, nous devons sans cesse nous défier de tout leurre qui vient de ce côté-là. Je crois que les mondes dont vous parlez sont ceux qui présentent
7. Illusion des pouvoirs de l'ombre.
une attirance spéciale et un danger particulier pour les poètes, les Imaginatifs et certains artistes. En particulier, en utilisant un certain penchant esthétique du vital pour la délicatesse, la sentimentalité ou même le sentimentalisme, ils influencent l'être et c'est l'une des choses qui doivent être purifiées avant que l'on puisse s'élever jusqu'aux sommets de la poésie, de l'art et de la création dans le domaine de l'imaginaire.
Quand l'être vital sort, il se meut dans le plan vital et dans la conscience vitale et même s'il perçoit des scènes et des objets physiques, ce n'est pas par une vision physique. Lorsqu'on s'est entraîné, on devient capable d'entrer en contact avec les choses physiques tout en se déplaçant dans le corps vital, de les voir et de les sentir avec exactitude et même d'avoir une action sur elles et de les faire bouger physiquement. Mais le sâdhak ordinaire qui n'a pas de connaissance, d'expérience systématique ou d'entraînement en ces matières n'en est pas capable. Il doit comprendre que le plan vital est différent du plan physique et que les événements qui s'y déroulent ne sont pas physiques, bien qu'ils puissent avoir un sens et une valeur pour la vie terrestre s'ils sont de la bonne catégorie, si on les comprend et si on les utilise correctement. Mais la conscience vitale est pleine de formations fausses et de confusions multiples et il n'est pas sans danger de se mouvoir au milieu d'elles sans avoir la connaissance et sans être directement protégé et guidé.
Vous êtes sans doute sorti de votre corps en le laissant sans protection et une attaque s'est produite, dont vous vous êtes débarrassé après être rentré dans le corps. Cette partie de la tête, depuis les oreilles jusqu'au cou, est le siège du mental physique: le centre du mental physique ou extériorisant est dans la gorge et rejoint, à l'arrière, la colonne vertébrale.
Cette attaque était dirigée contre le mental physique.
Les trois expériences que vous relatez dans votre lettre indiquent que vous sortez dans votre corps vital pour pénétrer dans les mondes vitaux, et que vous y rencontrez les êtres et les formations de ces mondes. Le vieillard du temple et les jeunes filles que vous avez vus sont des êtres hostiles du plan vital.
Mieux vaut ne pas sortir ainsi à moins d'avoir la protection d'une personne (physiquement présente) qui a la connaissance du monde vital, et possède un pouvoir sur lui. Comme il n'y a là personne qui puisse le faire pour vous, vous devriez éviter ce mouvement. Aspirez à la parfaite consécration, au calme, à la paix, à la lumière, à la conscience et à la force dans le mental et dans le cœur. Quand l'être mental et l'être psychique sont ainsi ouverts, lumineux et consacrés, le vital peut s'ouvrir et recevoir la même illumination. Jusque-là, des aventures prématurées sur le plan vital sont à déconseiller.
Si vous ne pouvez pas arrêter ce mouvement, alors conformez-vous aux instructions suivantes:
1. Ne laissez jamais aucune peur s'introduire en vous. Faites face à tout ce que vous rencontrez, à tout ce que vous voyez dans ce monde avec détachement et courage.
2. Demandez notre protection avant de vous endormir ou de méditer. Utilisez nos noms quand vous êtes attaqué ou tenté.
3. Dans ce monde, ne vous laissez aller à aucun sentiment amical envers le vieillard du temple et n'écoutez pas ce qu'il vous suggère, par exemple qu'il était votre instructeur spirituel, ce qui, de toute évidence, est faux, puisque vous ne pouvez avoir d'autre instructeur que nous. C'est à cause de cette sympathie et parce que vous l'avez cru qu'il a été capable de pénétrer en vous et d'y susciter la douleur que vous avez ressentie.
4. Ne laissez aucune personnalité étrangère pénétrer en vous; ne vous ouvrez qu'à la Lumière, au Pouvoir, etc. d'en haut.
Il s'agirait, semble-t-il, d'une extériorisation au cours de laquelle elle sort dans son corps vital. Quand on le fait consciemment et à volonté, c'est très bien, mais cette extériorisation inconsciente n'est pas toujours sans danger. L'important est de savoir quel effet elle en ressent. Si elle en sort vigoureuse et reposée ou tout à fait normale, il n'y a aucune raison de s'affliger ou de s'inquiéter; si elle en sort épuisée ou déprimée, alors ce sont des forces qui l'attirent au-dehors, vers le monde vital, au détriment de son enveloppe vitale, et il faut que cela cesse.
Parmi les récits d'expériences de X se trouve un document intitulé: "conscience de surface". Ce qu'il y décrit est l'enveloppe nerveuse ou physico-vitale. Cette enveloppe est connue des médiums et c'est en l'extériorisant plus ou moins qu'ils produisent leurs phénomènes. Comment X en a-t-il eu connaissance? Est-ce par intuition, par vision ou par expérience personnelle? Si c'est de celle-ci qu'il s'agit, dites-lui bien de ne pas extérioriser cette enveloppe vitale, car si on le fait sans une protection appropriée, protection qui doit venir d'une personne versée dans ces phénomènes et physiquement présente au moment même, de sérieux dangers psychiques peuvent survenir et aussi des lésions à l'être nerveux et au corps, ou même pire.
Ces expériences ne sont d'aucune utilité: elles peuvent se produire sur le plan vital tant que l'on doit encore parcourir
la série des expériences vitales, mais on doit avoir pour but de les dépasser et de vivre dans une pure expérience psychique et spirituelle. Admettre ou appeler en soi l'intrusion d'autres êtres, c'est demeurer sans cesse dans le désordre de la zone intermédiaire. Seul le Divin doit être appelé dan' l'Âdhâr personnel, et cela ne signifie pas que l'être personnel disparaisse, ni que l'on ait l'idée de devenir le Divin, car il faut s'en garder. L'ego doit être surmonté, mais être central personnel (qui n'est pas l'ego, mais le moi individuel l'âme, parcelle du Divin) doit rester un canal et un instrument de la Shakti divine. Quant aux autres personnes, au? sâdhak, etc., on peut les sentir dans sa propre conscience universalisée, percevoir leurs mouvements, vivre en harmonie avec eux dans le Tout Divin, mais non leur permettra d'entrer dans l'Âdhâr personnel ni y appeler leur présence Très souvent la conscience se trouve envahie par des puissances ou des présences vitales qui revêtent les formes de1 ceux que l'on admet ainsi; c'est tout à fait indésirable. Le sâdhak doit rendre sa conscience de base silencieuse, calme, pure, paisible, et conserver ou atteindre une maîtrise absolue sur ce qu'il admettra ou n'admettra pas en elle; autrement, s'il n'a pas cette maîtrise, il risque de devenir le théâtre d'expériences confuses et désordonnées ou le jouet de toutes sortes d'êtres et de forces du mental et du vital. Une seule règle, une seule influence autre que la sienne propre doit être admise: le règne de la Shakti divine sur l'Âdhâr.
Je ne suis pas très certain de ce que veut dire votre ami al sujet de ses expériences. Le phénomène de la "double voix' est fréquent; très souvent, lorsqu'on a répété longtemps un mantra, une voix ou une conscience au-dedans commence à le répéter automatiquement; cela se produit aussi dans le cas d'une prière: quelque chose au-dedans peut prendre le relais de la même façon. C'est en général par un éveil de la conscience intérieure ou par l'intériorisation de la conscience
qui, sortie de son équilibre extérieur, pénètre plus profondément au-dedans, que cela se produit. Dans le cas de votre ami, cette interprétation est confirmée par le fait qu'il se sent à mi-chemin de la transe: son corps semble fondre, il ne sent pas le poids du livre, etc.; ce sont là des signes bien connus de l'éveil de la conscience intérieure qui remplace largement la conscience extérieure. Les effets moraux produits par ce nouvel état indiqueraient aussi un éveil de la conscience intérieure, peut-être du psychique ou du mental psychique. Par ailleurs, cependant, il semble percevoir cette autre voix comme si elle était à l'extérieur de lui-même et sentir dans la pièce une présence autre que la sienne, une présence invisible. L'être intérieur est souvent ressenti comme quelqu'un de séparé ou de différent du moi ordinaire, mais d'habitude on ne le perçoit pas au-dehors. Il se peut, par conséquent, que dans cet état de retrait, il entre en contact avec un autre plan ou un autre monde et qu'il attire à lui l'un des êtres de ce plan ou de ce monde qui veut prendre part à sa sâdhanâ et la diriger. Dans cette dernière hypothèse, le phénomène n'est pas sans danger, car il est difficile de dire, d'après ces données, de quelle sorte d'être il s'agit, et abandonner le gouvernement de son développement intérieur à quiconque, à moins que ce ne soit le Divin, le Gourou ou l'être psychique, peut entraîner un grand péril. C'est tout ce que je puis dire pour le moment.
Il est évident, d'après votre description, qu'une force vitale essayait de prendre possession du corps par la violence. Rien ne peut être plus dangereux que de se laisser aller à une telle perte de contrôle et de permettre à une influence étrangère de vous envahir ainsi. Dans votre état actuel, qui est ignorant, où l'être vital n'est pas encore assez ouvert, où le psychique n'est pas encore assez éveillé, un pouvoir hostile peut aisément faire intrusion et se faire passer pour la Force divine. Souvenez-vous que vous ne devez laisser aucune
personnalité, aucun pouvoir vous posséder. La Force divine n'agira pas de cette manière; elle travaillera d'abord à purifier, à élargir et à illuminer la conscience, à l'ouvrir à la Lumière et à la Vérité, à éveiller le cœur et l'être psychique. Plus tard seulement, elle prendra petit à petit, dans le calme, la direction de l'être grâce à une consécration pure et consciente.
Vous devez aussi comprendre qu'un Pouvoir unique est à l'œuvre et que ni vous, ni votre ami, ni personne d'autre n'a d'importance. Que chacun s'ouvre à ce Pouvoir pour qu'il agisse en lui et qu'aucune société de sâdhak ne tente de se constituer avec, à sa tête, quelqu'un qui dirige ou s'interpose) entre le Pouvoir unique et les sâdhak.
Toutes les autres circonstances que vous relatez sont normales et caractériseraient l'Ânanda envahissant tout l'être instrumental, alors qu'au-dedans l'être intérieur silencieux reste comme d'habitude à l'écart de tout ce qui vient de l'extérieur. Le détail qui n'est pas clair est la Présence. Rien n'indique de qui ou de quoi il s'agit. Si c'était une Présence vitale indésirable suscitant une joie vitale, des phénomènes vitaux apparaîtraient, qui vous permettraient d'en détecter l'origine, mais ce n'est pas le cas ici. Dans les circonstances, la seule chose à faire est d'observer l'expérience sans accepter que l'être soit envahi par ce qui vient, en considérant cela comme une simple expérience dont l'être intérieur est un témoin attentif jusqu'à ce que le point encore voilé se clarifie.
P.S. Il y a plusieurs explications possibles, mais je n'en parle pas, car cela pourrait influer sur la pure observation de l'expérience et la fausser en introduisant une suggestion mentale.
J'ai lu votre lettre et l'ai lue à la Mère. Ma conclusion et la sienne, au sujet de votre expérience - j'avais suspendu mon jugement jusqu'à présent - sont identiques.
Nous considérons qu'à l'avenir il serait plus sage de demeurer sur vos gardes à ce sujet. Tout d'abord il ne peut pas s'agir du Bouddha: la présence du Bouddha amènerait la paix, mais ne pourrait jamais donner cette sorte d'Ânanda. Ensuite la suggestion, fondée sur l'un de vos sentiments subjectifs passés, vous a été envoyée, semble-t-il, pour vous faire admettre plus aisément une certaine emprise8 qui vous s&rait imposée au moyen de l'expérience. Votre impression que l'Ânanda est plus que vous ne pouvez supporter jette aussi sur cette expérience un jour défavorable; vous supposez que cette impression vous vient d'un manque d'adaptation, mais c'est plus probablement quelque chose d'étranger qui vous est imposé par l'intermédiaire du vital et qui provoque dans votre psychique un sentiment de gêne. Enfin il n'est pas sans danger, alors que vous faites le yoga ici, d'admettre une influence, quelle qu'elle soit, qui ne soit pas la nôtre ou ne fasse pas partie du mouvement de notre sâdhanâ. Si cela se produit, n'importe quoi peut arriver et nous ne pourrions pas vous protéger, car vous seriez sorti du cercle de protection. Votre développement s'est poursuivi jusqu'à présent selon une méthode très saine; une déviation de ce genre, qui semble se passer sur le plan vital, pourrait élever un sérieux obstacle. Il est impossible de se fier à la beauté des yeux ou du visage. De nombreux Êtres des plans inférieurs sont d'une beauté captivante et peuvent, grâce à elle, vous ensorceler; ils peuvent aussi donner un Ânanda qui n'est pas de la plus haute qualité et dont la séduction peut au contraire vous écarter tout à fait du sentier. Quand vous aurez atteint le stade du clair discernement, où la Lumière suprême se projette sur toutes les choses qui viennent, alors vous pourrez faire face en sécurité à des expériences de toutes sortes, mais actuellement vous devez exercer une stricte vigilance et rejeter toutes les déviations. Il faut poursuivre
8. En français dans le texte.
fermement sa marche sur la route qui mène droit v" le Très-Haut; tout le reste doit attendre son heure.
Je ne doute pas que l'action de cette force, une fois rejetée, disparaisse avec le temps. Vous avez été mis en contact avec elle, ce n'est pas quelque chose qui serait ancré en vous et provoquerait dans une partie de votre être intérieur une réaction naturelle. La preuve en est votre incapacité à saisir ce que l'être qui se manifestait voulait vous communiquer. Il semble que c'était, comme vous le dites, une attaque, une tentative d'invasion par la force et la ruse. Il est tout à fait vrai que lorsque l'être est ouvert à la Lumière, les Forces adverses, tout comme les forces inférieures, deviennent actives quand elles le peuvent. La conscience du chercheur est sortie de ses limites normales et s'ouvre à l'universel autant que, vers le haut, au Moi supérieur, et elles en tirent parti pour essayer d'entrer. De telles attaques ne sont cependant pas inévitables et vous avez sans doute raison de penser que vous avez attrapé celle-ci dans l'atmosphère de X. Il a fait toutes sortes d'expériences dans le domaine occulte et là, on entre aisément en contact avec des forces et des êtres d'une nature obscure; un grand pouvoir, une grande lumière et une grande pureté - la sienne propre ou celle d'un Pouvoir qui aide - sont nécessaires pour leur faire face et les surmonter. Chacun a aussi dans sa nature des imperfections ou des erreurs qui peuvent ouvrir la porte à ces êtres. Mais mieux vaut ne rien avoir à faire avec eux, car la conquête des forces de la nature inférieure est une tâche suffisamment ardue sans cette complication. Si le travail que l'on a à faire nécessite que l'on entre en contact et en conflit avec eux, c'est une autre affaire. Dans votre cas, je pense qu'il s'agissait en quelque sorte d'un accident et non d'une nécessité dans le développement de votre sâdhanâ.
Non, il n'y avait à ce moment-là aucune concentration spéciale, aucun appel particulier venant de la Mère. À cette heure de la journée, elle ne voit jamais personne, donc elle n'aurait évidemment pas placé sur vous une force de ce genre; d'ailleurs, en général, elle n'exerce pas son pouvoir de cette façon. Vous avez bien fait de résister à l'impulsion. Il faut toujours garder une perception et une volonté intérieures claires, conscientes et en parfait équilibre, et ne jamais permettre à aucune force impulsive, sous quelque dehors qu'elle se présente, de projeter le vital ou le corps dans l'action sans leur consentement judicieux. Quelqu'apparence qu'elles puissent revêtir, il est impossible de faire confiance à des forces comme celles-ci; dès que l'intelligence discriminatrice cesse d'exercer son contrôle, n'importe quel genre de force peut intervenir de cette manière et une voie s'ouvre où elles peuvent utiliser des impulsions vitales instables au détriment de la sâdhanâ. Si une maîtrise psychique ou spirituelle remplaçait la maîtrise mentale, elle n'agirait pas de cette façon; quelle que soit l'ardeur ou l'intensité qu'elle apporte, elle maintiendrait une claire perception des choses, une discrimination parfaite, une harmonie entre la réalité intérieure et la réalité extérieure. Seul le vital se laisse emporter par ces impulsions; le vital doit toujours être tenu sous l'empire de l'intelligence, du psychique, ou, quand elle devient dynamique, de la conscience spirituelle supérieure.
Toutes ces expériences sont de même nature et ce qui s'applique à l'une s'applique aux autres. À part quelques-unes qui ont un caractère personnel, ce sont soit des idées-vérités comme il s'en déverse d'en haut dans la conscience lorsqu'on entre en contact avec certains plans de l'être, soit des formations vigoureuses venues des mondes plus vastes du mental et du vital qui, dès lors qu'on y est directement
ouvert, font irruption et veulent se servir du sâdhak pour se réaliser. Quand elles pénètrent ou se déversent d'en haut, elles apparaissent avec une grande force, suscitent un sentiment très vif d'inspiration ou d'illumination, une grande sensation de lumière et de joie, une impression d'élargissement et de pouvoir. Le sâdhak se sent libéré des limites normales, projeté dans un monde d'expérience nouveau et merveilleux, empli, élargi, exalté; par ailleurs ce qui vient se conjugue avec ses aspirations, ses ambitions, ses conceptions de l'accomplissement spirituel et de la siddhi yoguique et va même jusqu'à se présenter comme la réalisation et l'accomplissement. Il se laisse très facilement emporter par cette splendeur et cette irruption et croit avoir réalisé davantage qu'il n'a véritablement accompli: quelque chose de définitif ou du moins de souverainement vrai. À ce stade, il lui manque d'ordinaire la connaissance et l'expérience indispensables qui lui diraient que ce n'est là qu'un début très incertain et très mélangé; il peut ne pas comprendre tout de suite qu'il est encore dans l'Ignorance cosmique, non dans la Vérité cosmique, moins encore dans la Vérité transcendante, et que toutes les idées-vérités formatrices ou dynamiques qui ont pu descendre en lui sont seulement partielles et d'autant plus amoindries qu'une conscience encore impure les lui a offertes. Il peut aussi ne pas comprendre que s'il applique avec précipitation ce qu'il réalise ou reçoit comme si c'était définitif, il risque soit de tomber dans la confusion et l'erreur, soit de s'enfermer dans une formation partielle où se trouve peut-être un élément de Vérité spirituelle, mais celui-ci sera sans doute éclipsé par des adjonctions mentales et vitales plus contestables qui le déformeront tout à fait. C'est seulement quand il sera capable (que ce soit immédiatement ou après un certain temps) de se retirer de ses expériences, de se tenir au-dessus d'elles avec la conscience sans passion du témoin, d'observer leur véritable nature, leurs limites, leur composition, leurs impuretés, qu'il pourra poursuivre son chemin vers la vraie liberté et vers une siddhi plus haute, plus vaste et plus vraie. À chaque pas
il faut le faire. Car tout ce qui vient ainsi au sâdhak de notre yoga, que ce soit du surmental, de l'Intuition ou du Mental illuminé, ou encore de quelque plan très élevé de la Vie ou de tout à la fois, n'est ni décisif, ni final; ce n'est pas la Vérité suprême dans laquelle il pourrait se reposer, mais seulement une étape. Et pourtant il faut passer par ces étapes, car le supramental ou Vérité suprême ne peut être atteint en un seul bond, ni même en plusieurs bonds successifs; il faut progresser avec calme, patience et régularité en parcourant de nombreuses étapes intermédiaires, sans se laisser lier ni attacher à leur Vérité, à leur Lumière, à leur Pouvoir ou à leur Ananda inférieurs.
Il s'agit en fait d'un état intermédiaire, d'une zone de transition entre la conscience ordinaire dans le mental et la véritable connaissance yoguique. On peut la franchir sans dommage, en percevant immédiatement ou très tôt sa véritable nature et en refusant d'être retenu par ses demi-lumières et par ses expériences tentatrices, mais imparfaites et souvent mélangées et trompeuses. On peut s'y égarer, suivre des voix fausses et des conseils mensongers, et l'aboutissement est un désastre spirituel; ou l'on peut s'installer dans cette zone intermédiaire, refuser d'aller plus loin, et y construire quelque demi-vérité que l'on prend pour la vérité totale, ou devenir l'instrument des pouvoirs de ces plans de transition; c'est ce qui arrive à beaucoup de sâdhak et de yogis. Submergés par la première irruption d'un état supranormal et le sentiment de pouvoir qu'il apporte, ils sont éblouis par une petite lumière qui leur semble une illumination extraordinaire ou par le contact d'une force qu'ils prennent à tort pour la Force divine tout entière ou du moins pour une très grande Shakti du yoga; ou bien ils prennent quelque Pouvoir intermédiaire (qui n'est pas toujours un Pouvoir du Divin) pour le Suprême, et une conscience intermédiaire pour la suprême réalisation. Ils en viennent très aisément à penser qu'ils sont dans la pleine conscience cosmique alors qu'ils n'ont eu qu'un contact dynamique avec une face ou une petite partie de cette conscience, ou avec
des régions plus vastes du Mental, de la Force de Vie ou di physique subtil. Ou encore ils ont l'impression d'être eux-mêmes dans une conscience entièrement illuminée, alors qu'en réalité ils reçoivent imparfaitement ce qui vient d'en haut par l'illumination partielle d'un plan mental ou vital quelconque; car ce qui leur vient est amoindri et souvent déformé au cours de sa transmission à travers ces plans; souvent le mental et le vital récepteurs du sâdhak comprennent ou traduisent mal ce qu'ils ont reçu, ou projettent pour les y mêler leurs propres idées, leurs sentiments, leurs désirs, qu'ils ne tiennent pourtant pas pour leurs mais pour une partie de la Vérité reçue, parce qu'ils se mêlent à elle, imitent sa forme, sont illuminés par sa clarté et acquièrent, par cette conjonction et cette lumière empruntée, une valeur exagérée.
Il existe des dangers plus graves dans cette zone d'expérience intermédiaire. Car les plans auxquels le sâdhak a maintenant ouvert sa conscience - et dont il ne reçoit pas, comme auparavant, de simples aperçus et quelques influences, mais directement le plein impact - lui envoient une foule d'idées, d'impulsions, de suggestions, de formations de toutes sortes, souvent tout à fait opposées les unes aux autres, incohérentes ou incompatibles, mais qui se présentent de manière à estomper leurs manques et leurs différences, avec une force, une plausibilité et une richesse d'arguments très grandes ou en suscitant un sentiment convaincant de certitude. Submergé par ce sentiment de certitude, cette intensité, cette apparence de profusion et de richesse, le mental du sâdhak entre dans une grande confusion qu'il prend pour une organisation et un ordre plus vastes; ou encore il tourbillonne dans d'incessants changements et déplacements qu'il prend pour un progrès rapide, mais qui ne le mènent nulle part. Ou il court le danger contraire de devenir l'instrument d'une formation d'apparence brillante, mais ignorante; car ces plans sont pleins de petits Dieux, de forts Daïtya9 ou d'êtres inférieurs qui veulent
9. Titans, fils de Diti qui symbolise l'être divisé, la conscience séparative.
créer, matérialiser quelque chose ou imposer à la vie terrestre une formation mentale et vitale et sont avides d'utiliser, d'influencer ou même de posséder la pensée et la volonté du sâdhak et d'en faire leur instrument à cette fin. Ces dangers sont distincts de ceux, bien connus, qui viennent des êtres véritablement hostiles dont le seul dessein est de créer la confusion, le mensonge, la corruption de la sâdhanâ et l'erreur anti-spirituelle, cause de désastre. Tout sâdhak qui permet à l'un de ces êtres - qui s'approprient souvent un Nom divin - de s'emparer de lui, perdra son chemin dans le yoga. D'autre part, il est tout à fait possible que le sâdhak trouve, pour l'accueillir à son entrée dans cette zone, un Pouvoir du Divin qui l'aide et le guide jusqu'à ce qu'il soit prêt pour des choses plus grandes; cependant, même cette éventualité n'est pas une sauvegarde contre les erreurs et les égarements de cette zone; car rien n'est plus aisé, pour les pouvoirs de ces zones ou les pouvoirs hostiles, que d'imiter la Voix ou l'Image du guide, de tromper et d'égarer le sâdhak, ou pour ce sâdhak lui-même d'attribuer au Divin les créations et les formations de son propre mental, de son vital ou de son ego.
Car cette zone intermédiaire est une région de demi-vérités, ce qui en soi n'aurait pas d'importance, car aucune vérité n'est complète en dessous du supramental; mais la demi-vérité ici est souvent si partielle ou bien si ambiguë lorsqu'on l'applique qu'elle laisse une grande latitude à la confusion, à l'illusion ou à l'erreur. Le sâdhak croit qu'il n'est plus du tout dans l'ancienne petite conscience, parce qu'il se sent en contact avec quelque chose de plus vaste ou de plus puissant, et pourtant la vieille conscience est toujours là et n'est pas véritablement abolie. Il sent la maîtrise ou l'influence d'un Pouvoir, d'un Être ou d'une Force plus grands que lui, aspire à être son instrument et pense qu'il s'est débarrassé de l'ego; mais cette absence illusoire d'ego dissimule souvent un ego magnifié. Des idées s'emparent de lui et entraînent son mental, idées qui sont vraies seulement en partie et se transforment en mensonges par une erreur
d'application née d'un excès de confiance; les mouvements de la conscience en sont viciés et la porte est ouverte à la duperie. Le sâdhak reçoit des suggestions d'un caractère parfois romanesque qui le flattent en lui donnant de l'importance ou sont en accord avec ses désirs, et il les admet sans examen ni contrôle discriminatoire. Même ce qui est vrai est à tel point exalté ou étendu au-delà de sa portée, de ses limites et de sa mesure véritables, que cela engendre l'erreur. C'est une zone que de nombreux sâdhak doivent traverser, dans laquelle beaucoup errent longtemps et d'où un grand nombre ne ressortent jamais. En particulier, si leur sâdhanâ se situe principalement dans le mental et dans le vital, ils y rencontrent inévitablement de nombreuses difficultés et bien des dangers; seuls ceux qui obéissent scrupuleusement à des directives strictes ou ceux dont la nature est dominée par le psychique franchissent avec facilité cette région intermédiaire, comme sur une route sûre et clairement balisée. Une sincérité centrale, une humilité fondamentale préservent aussi de beaucoup de dangers et de désagréments. On peut alors passer rapidement au-delà, dans une Lumière plus claire où, s'il y a encore beaucoup de mélange, d'incertitude et de lutte, l'être s'oriente pourtant vers la Vérité cosmique et non vers un prolongement à demi éclairé de Maya et de l'ignorance.
J'ai décrit en termes généraux, avec ses principaux caractères et ses possibilités essentielles, cet état de conscience qui se situe juste au-delà de la frontière de la conscience normale, parce que c'est là que ces expériences semblent se produire. Mais différents sâdhak s'y comportent différemment et réagissent tantôt à une catégorie de possibilités, tantôt à une autre. Dans votre cas, il semble que vous y êtes entré parce que vous avez essayé de faire descendre la conscience cosmique ou d'y pénétrer de force; peu importe la manière de l'exprimer, peu importe que l'on soit parfaitement conscient de ce que l'on fait ou conscient en ces termes; en substance cela revient au même. Ce n'est pas dans le surmental que vous êtes entré, car il est impossible
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de pénétrer directement dans le surmental. Le surmental est en effet .au-dessus de toute l'action de la conscience cosmique et derrière elle, mais au début on ne peut avoir qu'un contact indirect avec lui; ce qui en descend passe par des niveaux intermédiaires, entre dans un plan du mental, un plan du vital, un plan physique subtil plus vastes, se modifie et s'amoindrit considérablement au cours de cette transmission, et finit par ne plus ressembler en rien à la plénitude de pouvoir et de vérité qui était sienne dans le surmental à ses niveaux d'origine. La plupart des mouvements ne viennent pas du surmental, mais de plus bas, des niveaux du mental supérieur. Les idées dont ces expériences sont pénétrées et sur lesquelles elles semblent faire reposer leur prétention à la vérité n'appartiennent pas au surmental, mais au Mental supérieur et parfois au Mental illuminé; mais il s'y mêle des suggestions du mental inférieur et des régions vitales et elles sont gravement amoindries dans leur application, ou mal appliquées la plupart du temps. Tout cela n'aurait pas d'importance: c'est habituel et normal, et l'on doit en passer par là pour arriver à une atmosphère plus claire où les choses s'organisent mieux et se fondent sur une base plus sûre. Mais dans votre cas, ce mouvement s'est effectué dans un esprit exagérément hâtif et avide, trop plein d'amour-propre et de confiance en soi, de certitude prématurée, ne reposant sur aucune direction si ce n'est celle du mental ou du "Divin" tel qu'on en a la notion et l'expérience à un stade de connaissance très limité. La notion et l'expérience du Divin que possède le sâdhak à ce stade ne sont jamais complètes et pures, même si elles sont fondamentalement authentiques; toutes sortes de choses s'y mêlent, qui sont attribuées par le mental et le vital à cette Direction divine et y sont associées; et l'on croit qu'elles en font partie alors qu'elles proviennent de sources bien différentes. À supposer même qu'un conseil lui parvienne directement (le plus souvent, dans ces conditions, le Divin agit surtout de derrière le voile), cela ne se produit que de temps en temps et le reste se fait par un jeu de forces; l'erreur, l'égarement, le mélange d'Ignorance s'intraduisent
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en toute liberté et sont autorisés à le faire parce que le sâdhak doit être mis à l'épreuve des forces de ce monde, apprendre par expérience, grandir à travers l'imperfection jusqu'à la perfection, et s'il en est capable, s'il est disposé à apprendre, ouvrir les yeux sur ses propres fautes et ses propres erreurs, en tirer un enseignement et un profit, afin de grandir vers une Vérité, une Lumière et une Connaissance plus pures.
Cet état mental a pour résultat que l'on commence à entériner tout ce qui vient dans cette région mélangée et suspecte comme s'il s'agissait de la Vérité tout entière et de la pure Volonté divine; on affirme avec arrogance le caractère absolu de ces idées et de ces suggestions sans cesse répétées, comme si elles étaient la Vérité entière et indéniable. On a l'impression d'être devenu impersonnel et sans ego, alors que toute la tonalité du mental, son expression et son esprit sont pleins d'une véhémente outrecuidance que l'on justifie en affirmant que l'on pense et que l'on agit comme un instrument du Divin et sous son inspiration. On avance, avec une grande agressivité, des idées qui sont peut-être légitimes pour le mental, mais qui n'ont pas de valeur spirituelle; on les présente pourtant comme des absolus spirituels. Par exemple l'équanimité qui, dans ce sens - car la samatâ yoguique est tout autre chose - n'est rien de plus qu'un principe mental, la revendication du droit sacré à l'indépendance, le refus d'accepter quiconque comme Gourou ou l'opposition entre le Divin et le Divin humain, etc., ce sont là des attitudes que peuvent adopter le mental et le vital, et elles sont transformées en principes que tous deux s'efforcent d'imposer à la vie religieuse et même à la vie spirituelle; mais elles ne sont pas et ne peuvent pas être spirituelles par nature. Des suggestions du plan vital commencent en outre à s'introduire: pullulement d'imaginations romanesques, fantaisistes ou ingénieuses, interprétations secrètes, pseudo-intuitions, prétendues initiations aux choses de l'au-delà, qui excitent ou obnubilent le mental et sont souvent présentées de manière à flatter et à magnifier l'ego
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et l'importance personnelle, mais ne se fondent sur aucune réalisation spirituelle ou occulte confirmée et relevant de la vérité. Cette région est pleine d'éléments de ce genre et si on les laisse agir, ils commencent à assaillir le sâdhak; mais s'il cherche sérieusement à atteindre le Suprême, il n'a qu'à les regarder et passer son chemin. Non que ces suggestions ne contiennent jamais aucune vérité, mais pour une qui est vraie, neuf imitations mensongères se présentent et seul un occultiste exercé, possédant le discernement infaillible qu'engendre une longue expérience, peut se guider sans s'égarer dans ce dédale ni s'y laisser prendre. Toute l'attitude, toute l'action, toutes les paroles peuvent être à tel point encombrées par les erreurs de cette zone intermédiaire que poursuivre cette route plus avant serait s'écarter très loin du Divin et du yoga.
Ici le choix est encore possible: suivre la direction très mélangée que l'on reçoit au cœur de ces expériences, ou accepter la direction vraie. Quiconque pénètre dans les royaumes de l'expérience yoguique est libre de suivre son propre chemin; le chemin de notre yoga ne peut cependant pas être suivi par n'importe qui, mais seulement par ceux qui acceptent de poursuivre le but, de suivre la voie qui leur est désignée et où une direction sûre est indispensable. Il est oiseux de s'attendre à poursuivre très loin cette route, et plus encore d'aller jusqu'au bout, par sa propre force et sa propre connaissance intérieures, sans l'aide ou l'influence vraie. Même les yogas ordinaires pratiqués de longue date sont difficiles à suivre sans l'aide du Gourou; dans celui-ci qui, à mesure qu'il avance, pénètre dans des contrées inexplorées et des régions inconnues et touffues, c'est tout à fait impossible. Quant au travail qui doit être exécuté, ce n'est pas non plus le travail d'un sâdhak quelconque de n'importe quel sentier; pas plus que ce n'est le travail du Divin "impersonnel" qui, quant à lui, n'est pas un Pouvoir actif, mais soutient impartialement toutes les œuvres dans l'univers. C'est un champ d'entraînement pour ceux qui doivent emprunter le chemin difficile et complexe de notre yoga et
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nul autre. Tout travail ici doit être accompli dans un esprit de discipline, d'acceptation et de consécration, sans chercher à imposer ses exigences et ses conditions personnelles, mais en se laissant diriger et guider avec une soumission consciente et vigilante. Le travail accompli dans tout autre esprit a pour résultat un désordre anti-spirituel, sème la confusion et le trouble dans l'atmosphère. Là aussi les difficultés, les erreurs, les faux pas sont fréquents, parce que dans ce yoga les individus doivent être guidés avec patience, disposer d'un champ d'action où exercer leurs efforts pour sortir, par expérience, de l'ignorance naturelle au Mental et à la Vie et entrer dans un esprit plus vaste et une connaissance lumineuse. Mais le danger d'errer sans guide dans ces régions situées au-delà de la frontière est que la base même du yoga peut en être sapée et que les seules conditions dans lesquelles le travail peut se faire risquent d'être perdues complètement. Le passage par cette zone intermédiaire - qui n'est pas obligatoire, car de nombreux sâdhak empruntent un chemin plus étroit, mais plus sûr - est décisif; ce qui en sortira sera sans doute une création très vaste ou très riche; mais lorsqu'on s'y embourbe, le rétablissement est difficile, pénible, et n'est assuré qu'après un long combat et un long effort.
J'ai pris connaissance de toutes les expériences dont vous m'avez envoyé le récit; j'ai reçu aussi votre lettre et celle de X. Il est certes vrai, comme vous le dites, que votre sâdhanâ s'est poursuivie sur des voies différentes de celles des autres. Mais il ne s'ensuit pas que vous ayez entièrement raison de tenir à vos propres idées en la matière. Je vais vous dire brièvement ce que j'ai constaté au sujet de vos expériences.
Les premières descriptions que vous m'avez envoyées relataient des expériences et des messages psychiques-spirituels et psychiques-mentaux très intéressants et très précieux. Ce qui vous est advenu ensuite relève plutôt du
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psychique-émotif et revêt un caractère plutôt partiel et mélangé; certains développements psychiques-vitaux et psychiques-physiques sont aussi d'une nature ambiguë. Je ne veux pas dire par là que tout en eux soit faux; ils contiennent cependant un grand nombre de vérités puissantes mais partielles, qui ont besoin d'être rectifiées par d'autres qu'elles semblent négliger ou même exclure. On y trouve en outre des suggestions de l'intellect et de l'être vital, et aussi des suggestions provenant de sources extérieures que vous ne devriez pas accueillir aussi facilement que vous semblez le faire. Ce mélange est inévitable dans les premiers stades et il n'y a pas de raison de s'en décourager. Mais si vous persistez à le conserver, il peut vous faire dévier du vrai chemin et porter atteinte à votre sâdhanâ.
Vous n'avez pas encore assez d'expérience de la nature de l'être psychique et des mondes psychiques. Vous n'êtes par conséquent pas capable d'attribuer une valeur juste à tout ce qui vient à vous. Quand la conscience psychique s'ouvre, surtout aussi vite et aussi largement que dans votre cas, elle s'ouvre à toutes sortes de choses, à des suggestions et à des messages venant de toutes sortes de plans, de mondes, de forces et d'êtres. Il y a le vrai psychique qui est toujours bon, et il y a l'ouverture psychique au monde mental, au monde vital et à d'autres mondes qui contiennent toutes sortes de choses bonnes, mauvaises et neutres, vraies, fausses et à moitié vraies, des influences reçues sous forme de pensées qui sont de toutes sortes, et aussi des messages qui sont de toutes sortes. Vous ne devez pas vous donner à tout impartialement, mais cultiver à la fois une connaissance et une expérience suffisantes, et assez de discrimination pour être capable de conserver votre équilibre et d'éliminer les mensonges, les demi-vérités et les mélanges. Écarter avec impatience la nécessité de la discrimination, sous prétexte que ce n'est que de l'intellectualisme, n'est pas une solution. La discrimination n'est pas forcément intellectuelle, et si elle est intellectuelle elle n'est pas pour autant méprisable. Mais elle peut aussi être psychique ou venir du
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mental supérieur et supra-intellectuel, et de l'être supérieur. Si vous ne l'avez pas, il vous faut la protection et la direction constantes de ceux qui l'ont et qui ont aussi une longue expérience psychique; vous fier entièrement à vous-même en rejetant cette direction risque d'être désastreux pour vous.
En attendant, trois règles de sâdhanâ sont très nécessaires au premier stade et vous devez vous en souvenir. D'abord, ouvrez-vous à l'expérience, mais ne prenez pas le bhoga de l'expérience. Ne vous attachez à aucune catégorie d'expérience. N'adoptez pas toutes les idées et toutes les suggestions comme vraies et ne considérez aucune connaissance, aucune voix, aucun message transmis sous forme de pensée comme absolument décisif et définitif. La Vérité elle-même n'est vraie que lorsqu'elle est complète, et sa signification évolue à mesure que l'on s'élève et qu'on la voit d'un niveau plus élevé.
Je dois vous mettre en garde contre les suggestions des influences hostiles qui attaquent tous les sâdhak dans notre yoga. Votre vision de l'Européen est par elle-même une indication que ces forces ont l'œil sur vous et sont prêtes à agir contre vous, si elles ne sont pas déjà en train de le faire. Ce sont leurs suggestions subtiles, qui revêtent l'apparence de la vérité, et non leurs attaques ouvertes qui sont le plus dangereuses. J'en mentionnerai quelques-unes parmi les plus fréquentes.
Soyez sur vos gardes face à toute suggestion qui essaie de susciter en vous l'égoïsme: par exemple, que vous êtes un plus grand sâdhak que les autres, ou que votre sâdhanâ est unique ou d'un genre particulièrement élevé. On dirait qu'il y a déjà en vous une certaine influence de ce genre. Vos expériences psychiques se sont développées avec abondance et rapidité, mais il en a été exactement de même pour certains qui ont médité ici, et aucune d'entre elles n'est unique en son genre et par son intensité, ou inconnue à notre expérience. Même s'il en était autrement, l'égoïsme est le plus grand danger de la sâdhanâ et spirituellement il ne
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se justifie jamais. Toute grandeur appartient à Dieu; elle n'appartient à nul autre.
Soyez sur vos gardes face à tout ce qui vous suggère de conserver ou de ne pas lâcher une impureté ou une imperfection, une confusion dans le mental, un attachement dans le cœur, un désir et une passion dans le prâna ou une maladie dans le corps. L'un des artifices habituels des forces hostiles consiste à faire durer ces choses grâce à des justifications et des déguisements ingénieux.
Soyez sur vos gardes face à toute idée qui vous ferait accepter ces forces hostiles au même titre que les forces divines. À ce que je comprends, vous avez dit que vous deviez tout accepter parce que tout est une manifestation de Dieu. Tout est une manifestation de Dieu dans un certain sens, mais si cette vérité du Védânta est mal comprise - ce qui est souvent le cas - elle peut être détournée au profit du mensonge. Bien des choses sont des manifestations partielles et doivent être remplacées par des manifestations plus complètes et plus vraies. D'autres appartiennent à l'ignorance et disparaissent lorsque nous entrons dans la connaissance. D'autres encore appartiennent à l'obscurité et doivent être combattues, détruites ou expulsées. Cette manifestation-ci a été largement utilisée par la force que représente l'Européen dans votre vision et elle a ruiné le yoga de bien des sâdhak. Vous avez vous-même souhaité rejeter l'intellect, et pourtant l'intellect est une manifestation de Dieu tout autant que d'autres choses que vous avez acceptées.
Si vous m'acceptez vraiment et que vous vous consacrez à moi, vous devez accepter ma vérité. Ma vérité rejette l'ignorance et le mensonge pour aller vers la connaissance, rejette l'obscurité pour aller vers la lumière, rejette l'égoïsme pour aller vers le Moi divin, rejette les imperfections pour aller vers la perfection. Ma vérité n'est pas seulement la vérité de la Bhakti ou du développement psychique; elle est aussi celle de la connaissance, de la pureté, de la force divine, du calme divin, et elle veut dégager toutes ces choses
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de leurs formes mentales, émotives et vitales pour les élever jusqu'à leur réalité supramentale.
Si je vous dis tout cela, ce n'est pas pour déprécier votre sâdhanâ, mais pour orienter votre mental vers la voie qui la rendra plus complète et l'amènera à la perfection.
Il ne m'est pas possible de vous recevoir ici pour le moment. Premièrement parce que les conditions nécessaires ne sont pas réunies, et deuxièmement parce que vous devez être tout à fait prêt à m'accepter comme guide avant de venir. Si, comme je le suppose, vous devez, dans les circonstances actuelles, retourner chez vous, méditez en vous tournant vers moi et en essayant de vous préparer à venir ici par la suite. Ce qu'il vous faut maintenant, ce n'est pas tant le développement psychique dont vous serez toujours capable (je ne vous demande pas de l'arrêter complètement), mais un calme et une tranquillité intérieurs qui servent de base et d'atmosphère véritables à votre évolution et à votre expérience futures, le calme dans le mental, dans l'être vital purifié et dans la conscience physique. Un yoga psychique-vital ou psychique-physique présentera pour vous des dangers tant que vous n'aurez pas ce calme, une pureté stable de l'être et une protection vitale et physique complète et sans cesse présente.
J'ai lu avec attention la lettre de X et je crois qu'il vaut mieux commencer par expliquer son état actuel tel qu'il le décrit. Car il ne me paraît pas en comprendre les véritables causes et la signification.
Son état actuel de passivité et d'indifférence est une réaction contre un état antérieur anormal où l'a mené un effort intérieur qui n'était pas guidé correctement du dehors ou du dedans. L'effort avait produit la déchirure du voile qui sépare le monde physique des mondes du psychique et du vital. Mais son mental n'était pas préparé à ses expériences; il était incapable de les comprendre et les jugeait à la
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lumière de sa fantaisie, de son imagination et de suggestions mentales et vitales erronées. Son être vital, plein d'énergie radjasique et égoïste, s'est soulevé avec violence pour jouir de ces nouveaux champs d'action et utiliser à ses propres fins inférieures la force qui était à l'œuvre. Un pouvoir hostile venu du monde vital a eu ainsi l'occasion de s'introduire en lui et de prendre en partie possession de lui; il en est résulté une désorganisation du système nerveux et physique et de certains des centres cérébraux. L'attaque et la possession semblent s'être dissipées en laissant derrière elles cette réaction actuelle de passivité, ainsi qu'une forte emprise de tamas et d'indifférence. Le tamas et l'indifférence ne sont pas en eux-mêmes souhaitables, mais ils ont une utilité temporaire pour le reposer de cette tension antérieure anormale. La passivité est souhaitable; elle constitue une bonne base pour un fonctionnement nouveau et juste de la Shakti.
Lorsqu'il dit qu'il est mort au-dedans et que seule demeure une activité extérieure, il n'interprète pas correctement son état. La vérité, c'est que le centre de l'égoïsme vital, qui croit être l'acteur, a été broyé, et que X sent maintenant la pensée et les actions se dérouler toutes en dehors de lui. C'est un état de connaissance; car il est bien vrai que ces pensées et ces activités appartiennent toutes à la Nature et nous pénètrent ou nous traversent comme des ondes provenant de la Nature universelle. C'est notre égoïsme et notre claustration dans le corps et le mental physique individuel qui nous empêchent de sentir cette vérité et d'en avoir l'expérience. Être capable de la voir et de la sentir, comme il l'est en ce moment, est un grand pas. Ce n'est évidemment pas la connaissance complète. À mesure que la connaissance devient plus complète et que l'être psychique s'ouvre vers le haut, on sent toutes les activités venir d'en haut; on peut atteindre leur vraie source et les transformer.
La lumière qui joue dans sa tête signifie qu'une ouverture à la force et à la connaissance supérieures s'est produite; elles descendent comme une lumière venant d'en haut
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et agissent sur le mental pour l'illuminer. Le courant électrique est la force qui descend pour agir dans les centres inférieurs et les préparer à la lumière. L'état juste viendra lorsqu'aux forces vitales qui essaient de pousser vers le haut se substituera le Prâna qui deviendra calme et consacré, attendant la lumière dans un consentement parfait, et lorsque le vide intermédiaire sera remplacé par une aspiration constante du cœur à la vérité au-dessus. La lumière doit descendre dans ces centres inférieurs pour transformer l'être émotif, vital et physique ainsi que la pensée et la volonté mentales.
L'utilité des expériences et de la connaissance psychiques des mondes invisibles, comme celle d'autres expériences yoguiques, ne se mesure pas à nos conceptions humaines étriquées de ce qui peut être utile à la vie physique actuelle de l'homme. En premier lieu, ces choses sont nécessaires à la plénitude de la conscience et à celle de l'être. En second lieu ces autres mondes agissent réellement sur nous. Si l'on en a connaissance et si l'on est capable d'y pénétrer, on peut, au lieu d'être la victime et le pantin de ces pouvoirs, agir consciemment sur eux, les maîtriser et s'en servir. Troisièmement, dans mon yoga, le yoga supramental, l'ouverture de la conscience psychique à laquelle appartiennent ces expériences est tout à fait indispensable. Car c'est seulement par l'ouverture psychique que le supramental peut descendre dans toute sa plénitude, avec une emprise vigoureuse et concrète, et transformer l'être mental, vital et physique.
Tel est son état actuel et ce qu'il vaut. Pour l'avenir, s'il désire accepter mon yoga, les conditions sont une ferme résolution et une aspiration stable à la vérité que je suis en train de faire descendre, une calme passivité et une ouverture vers le haut, vers la source de la lumière. La Shakti agit déjà en lui; s'il adopte cette attitude et la conserve, et s'il a en moi une confiance totale, il n'y a pas de raison qu'il ne progresse pas en sécurité dans la sâdhanâ, malgré le préjudice physique et vital qu'a subi son organisme. Quant à
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venir me voir ici, je n'y suis pas encore tout à fait prêt, mais nous en parlerons lorsque vous serez de retour à Pondichéry.
Quant à la lettre, je crois que vous devriez dire à son auteur que son père a commis une erreur en entreprenant le yoga sans Gourou, car l'idée mentale d'un Gourou ne peut pas remplacer l'influence réelle et vivante. Notre yoga, je l'ai expliqué dans mes livres, requiert tout particulièrement l'aide du Gourou et ne peut être fait sans elle. L'état dans lequel son père a été plongé était un dérèglement, non un état de siddhi. Il est sorti de la conscience mentale normale pour entrer en contact avec une certaine zone intermédiaire de la conscience (non de la conscience spirituelle) où l'on peut être sujet à toutes sortes de voix, de suggestions, d'idées, de prétendues inspirations qui ne sont pas authentiques. L'un de mes livres contient une mise en garde contre les dangers de cette zone intermédiaire.10 Le sâdhak peut éviter d'entrer dans cette zone; s'il y pénètre, il doit regarder tous ces phénomènes avec indifférence et les observer sans leur accorder aucun crédit; en agissant ainsi, il peut pénétrer en sécurité dans la véritable lumière spirituelle. S'il les admet tous, sans discernement, comme conformes à la vérité et à la réalité, il risque de se retrouver dans une grande confusion mentale et s'il a en plus une lésion ou une faiblesse cérébrale - ce qui est tout à fait possible chez une personne sujettes l'apoplexie - les conséquences peuvent être graves et aller jusqu'à troubler la raison. L'ambition ou tout autre motif de ce genre, s'il se mêle à la recherche spirituelle, peut conduire à une chute dans le yoga et au développement d'un égoïsme exagéré ou d'une mégalomanie; les paroles de son père durant la crise en contenaient plusieurs symptômes. En fait on ne peut pas, ou on ne devrait pas, plonger dans les
10. Cet avertissement a été donné par Sri Aurobindo dans une longue lettre publiée pour la première fois en 1933, dans un recueil intitulé L'Énigme de ce Monde; elle figure aux pages 281-90 du présent volume.
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expériences de notre sâdhanâ sans une assez longue période de préparation et de purification, à moins de posséder déjà une grande vigueur et une grande élévation spirituelles. Sri Aurobindo n'est pas lui-même disposé à accueillir de nombreux sâdhak sur son sentier et en rejette beaucoup plus qu'il n'en accepte. Votre ami ferait bien de convaincre son père de ne pas poursuivre plus avant sa sâdhanâ, car ce qu'il est en train de faire n'est pas vraiment le yoga de Sri Aurobindo, mais quelque chose qu'il a construit dans son propre mental, et une fois qu'un déséquilibre de ce genre s'est produit, le plus sage est de s'arrêter.
Par zone intermédiaire on entend simplement un état ou une période de confusion où l'on sort de la conscience personnelle et où l'on s'ouvre à la conscience cosmique (mental cosmique, vital cosmique, physique cosmique et peut-être quelque chose du Mental cosmique supérieur) sans avoir encore transcendé les niveaux du mental humain. On n'est pas en possession de la Vérité divine ou en contact direct avec elle sur ses propres plans, mais on peut, indirectement, recevoir quelque chose de ces plans et même du surmental. Seulement comme on est encore plongé dans l'Ignorance cosmique, tout ce qui vient d'au-dessus risque d'être mélangé, perverti, saisi par des Pouvoirs inférieurs et même hostiles pour leurs propres desseins.
Tout le monde n'est pas obligé d'effectuer ce passage pénible dans la zone intermédiaire. Si l'on s'est purifié, si l'on n'est pas anormalement vaniteux, égoïste ou ambitieux, si l'on n'est dominé par aucun autre élément trompeur, ou si l'on est vigilant et sur ses gardes, ou encore si le psychique est au premier plan, on peut la traverser tout droit et vite, ou avec un minimum d'ennuis, pour entrer dans les zones supérieures de conscience où l'on est en contact direct avec la Vérité divine.
La traversée des zones supérieures - Mental supérieur,
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Mental illuminé, Intuition, surmental - est au contraire obligatoire; elles sont les véritables Intermédiaires entre la conscience actuelle et le Supramental.
J'entends par là [la zone intermédiaire] que quand le sâdhak dépasse les limites de son propre mental personnel incarné, il entre dans un vaste domaine où se déroulent des expériences qui ne sont pas la vérité bornée, solide, physique des choses, mais ne sont pas encore non plus la vérité spirituelle des choses. C'est une zone de formations: formations mentales, vitales, physiques subtiles, et tout ce que l'on forme ou qui est formé en nous par les forces de ces mondes devient pour le sâdhak, pendant un certain temps, la vérité, à moins qu'il ne soit guidé et qu'il n'écoute son guide. Ensuite, s'il passe au travers, il découvre ce que c'était et pénètre dans la vérité subtile des choses. C'est une région frontalière où tous les mondes se joignent: mental, vital, physique subtil, pseudo-spirituel; mais il n'y a là aucun ordre ni aucune prise solide, c'est un passage entre le domaine physique et les véritables domaines spirituels.
Vous faites vos premiers pas vers la conscience cosmique où se trouvent toutes sortes de choses bonnes et mauvaises, vraies et fausses, Vérité cosmique et Ignorance cosmique. Je ne songeais pas tant à l'ego qu'à ces multitudes de voix, de possibilités, de suggestions. Si vous les évitez, il n'est nullement nécessaire que vous passiez par la zone intermédiaire. Par éviter, je veux dire véritablement ne pas admettre: on peut prendre acte de leur nature et passer outre.
Tous ceux qui passent la frontière de la conscience ordinaire
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peuvent entrer dans cette zone [intermédiaire], s'ils ne prennent pas soin d'entrer dans le psychique. En soi, il n'y a aucun mal à passer par là, pourvu que l'on ne s'y arrête pas. Mais l'ego, le sexe, l'ambition, etc., s'ils sont excessifs peuvent aisément mener à une dangereuse chute.
[La rupture du voile] vient d'elle-même par la pression de la sâdhanâ. Elle peut aussi être amenée par une concentration et un effort particuliers.
Mieux vaut certes que le psychique soit conscient et actif avant que ne soit retiré ce voile, cet écran qui se trouve entre la conscience individuelle et la conscience cosmique, ce qui se produit quand l'être intérieur est amené au premier plan dans toute son étendue. Car alors le danger présenté par les difficultés de ce que j'ai appelé la zone intermédiaire est grandement atténué.11
Toutes ces expériences que vous avez eues appartiennent à ce que j'ai appelé la zone intermédiaire; elles relèvent pour la plupart du plan vital. Le plan vital contient toutes sortes de choses, bonnes et mauvaises, salutaires et dangereuses, vraies, à moitié vraies et fausses, authentiques et trompeuses. On doit donc être très prudent et toujours vigilant, tourné vers la vraie source de Lumière. La difficulté, ici, est que l'on peut avoir une véritable expérience spirituelle, et qu'ensuite toutes sortes d'imitations trompeuses s'introduisent, portant en elles le danger d'une expérience fausse. On doit regarder, observer ses expériences et essayer de discerner et de comprendre, en attendant deux choses: l'ouverture d'une conscience plus vaste venant d'en haut et l'émergence de l'être psychique venant de l'arrière-plan. Quand ces deux choses se produisent, le risque d'erreur
11. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
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diminue et la véritable direction intérieure commence à se faire sentir de plus en plus dans la sâdhanâ.
Les lumières sont de toutes sortes: supramentales, mentales, vitales, physiques, divines ou asouriques; il faut observer, accroître son expérience et apprendre à les distinguer les unes des autres. Les vraies lumières, par leur clarté et leur beauté, ne sont toutefois pas difficiles à reconnaître.
Le courant d'en haut et le courant d'en bas sont des faits bien connus de l'expérience yoguique. C'est l'énergie de la Nature supérieure et l'énergie de la Nature inférieure qui deviennent actives, se tournent l'une vers l'autre et cherchent à se rencontrer, l'une descendant, l'autre montant. Ce qui arrive quand elles se rencontrent dépend du sâdhak. Si sa volonté est sans cesse tendue vers la purification de la conscience inférieure par la conscience supérieure, c'est à cela qu'aboutira la rencontre, ainsi qu'au progrès spirituel. Si son mental et son vital sont troubles et obscurcis, il se produit un conflit, un mélange impur et une grande perturbation.
La division de l'être en deux parties, l'une qui est une conscience vaste à l'arrière-plan, l'autre qui est une conscience plus étroite au premier plan, est aussi un fait bien connu de la sâdhanâ. Le mouvement est en lui-même nécessaire; sa conséquence naturelle devrait être la croissance d'une conscience yoguique plus vaste qui l'emporte sur la petite conscience extérieure et devient un moyen de transformation sous la pression de la Shakti divine. Mais ici aussi l'erreur peut se produire; en particulier, une Force extérieure peut venir substituer à la vaste conscience de l'arrière-plan un ego vital élargi qui se fait passer pour cette conscience. On doit se garder de ces intrusions; car beaucoup de sâdhak souffrent longtemps et gravement d'une telle intrusion qui altère le cours de leur sâdhanâ.
D'une manière générale, aspirez pour que le psychique grandisse et maîtrise le reste de la nature; aspirez à vous ouvrir non à une conscience vitale plus vaste, mais à la conscience supérieure au-dessus. Et à tous les stades ouvrez-vous
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à la protection de la Mère et à sa grâce, et appelez-1 pour qu'elles vous protègent et vous guident.
Cette sorte de manifestation (l'Âdesh) vient très souvent à un certain stade de la pratique du yoga. Selon mon expérience, elle ne provient pas de la source la plus élevée et on ne peut pas s'y fier; mieux vaut attendre d'être capable d'entrer dans une conscience plus haute et une vérité plus grande que celles que représentent ces communications. Celles-ci viennent parfois d'êtres d'un plan intermédiaire qui veulent se servir du sâdhak pour un certain travail ou dans un certain but. De nombreux sâdhak les admettent et certains - mais certainement pas tous - réussissent à en tirer quelque chose, mais c'est souvent au prix des objectifs supérieurs du yoga. Dans d'autres cas, elles viennent d'êtres qui sont hostiles à la sâdhanâ et cherchent à l'anéantir en suscitant l'ambition, l'illusion d'une grande œuvre à accomplir ou quelque autre forme d'ego. Chaque sâdhak doit décider, de son propre chef (à moins qu'il n'ait un Gourou pour le guider), s'il doit traiter ces messages comme une tentation ou comme une mission.
Ces voix sont tantôt des formations mentales personnelles, tantôt des suggestions venues du dehors. Qu'elles soient bonnes ou mauvaises dépend de ce qu'elles disent et de leur région d'origine.
Tout le monde peut entendre des "voix"; d'abord, les mouvements de la nature personnelle peuvent s'attribuer une voix; ensuite toutes sortes d'êtres, pour s'amuser ou dans un but sérieux, vous envahissent de leurs voix.
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Dans cet état, il s'agit davantage d'une impression de pouvoir que d'un pouvoir réel. Certains pouvoirs mitigés et tout à fait relatifs - tantôt un peu efficaces, tantôt inefficaces - peuvent être amenés à devenir quelque chose de réel, s'ils sont placés sous l'autorité du Divin, c'est-à-dire consacrés. Mais l'ego s'introduit, exagère ces petits incidents en les présentant comme quelque chose d'énorme et d'unique, et refuse de se consacrer. Alors le sâdhak ne progresse pas; il erre dans la jungle de ses propres imaginations sans aucun discernement ni sens critique, ou fait entrer en jeu des forces confuses qu'il est incapable de comprendre ou de maîtriser1.12
Le déversement des forces surmentales a très souvent pour premier résultat d'amplifier l'ego qui se sent plein de force, presque irrésistible (bien qu'il ne le soit pas en réalité), divinisé, lumineux. La première chose à faire, après avoir acquis une certaine expérience de la chose, est de se débarrasser de cet ego magnifié. Pour cela, vous devez prendre du recul, ne pas vous laisser emporter par le mouvement, mais observer, comprendre, rejeter tous les mélanges, aspirer à une lumière et à une action de plus en plus pures. On ne peut le faire parfaitement que si le psychique vient au premier plan. Le mental et le vital, le vital en particulier, en recevant ces forces, ont du mal à combattre leur tendance à s'en emparer et à les utiliser pour les desseins de l'ego; ou, ce qui - en pratique revient au même, ils mélangent les exigences de l'ego avec le service d'un objectif plus élevé.13
Tout d'abord, on n'est pas obligé de croire tout ce que les disciples de X ont écrit à son sujet après sa mort. Par ailleurs, les expériences qu'ils relatent à son propos appartiennent aux plans intermédiaires et non à la conscience
12, 13. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
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spirituelle suprême. Ils ont dissimulé l'expérience qu'il pouvait avoir du suprême derrière une jungle de légendes miraculeuses et romanesques. Il est probable qu'en essayant de faire de lui un grand siddha, ils l'ont rabaissé en dessous d€1 ce qu'il était en réalité.
Pour acquérir la véritable intuition, il faut se débarrasser de l'entêtement du mental et aussi de celui du vital, de leurs préférences, de leurs caprices, de leurs fantaisies, de leurs fortes exigences, et éliminer la pression de l'ego mental et vital qui fait agir la conscience au service de ses propres revendications et de ses propres désirs. Autrement ces choses entreront en force et prétendront être des intuitions, des, inspirations et tout le reste. Ou si des intuitions apparaissent, elles risqueront d'être distordues et altérées par l'immixtion de ces forces de l'Ignorance.
Non, ces indications de temps et ces voix n'étaient pas des ordres de la Mère. Je vous ai dit ce qu'il en était en réalité: vous devez suivre les règles établies par la Mère pour la vie physique; s'il faut y apporter certains changements, ou bien elle vous le fera savoir elle-même, ou bien vous devrez obtenir d'elle son approbation. Aucune voix entendue au-dedans ne peut supplanter sa parole, aucune communication qui vous vient par l'intermédiaire de votre mental ne peut être considérée comme impérative à moins qu'elle ne vous le confirme.
La confusion que vous avez faite est fréquente lorsqu'on commence à avoir des expériences de ce genre. Nul doute que la Force de la Mère agissait en vous ou sur vous, et certaines de ces expériences, comme de sentir la Mère dans votre cœur, étaient parfaitement authentiques. Mais quand la pression de la Force opère sur la conscience, alors dans le
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plan où elle se trouve opérer, diverses forces commencent à déployer une grande activité, par exemple différentes forces mentales si c'est dans le mental, différentes forces vitales s'il s'agit du vital. Considérer toutes leurs suggestions comme vraies, les accepter sans discussion et les suivre comme si elles étaient des ordres de la Mère n'est pas sans danger. Vous avez reçu la pression d'une force si puissante que votre tête en a tremblé pendant longtemps; ce tremblement signifie que le mental ou du moins le physique mental ne pouvait pas encore recevoir toute la force et l'assimiler; s'il en avait été capable, il n'y aurait eu aucun mouvement de la tête, tout aurait été parfaitement aisé, calme et tranquille. Mais votre mental s'est mis à travailler, à interpréter, a commencé à donner à ce phénomène particulier sa signification personnelle, à essayer de bâtir un système sur lequel régler votre conduite et à lui conférer une autorité, à le considérer comme l'ordre de la Mère. L'action de la Force était un fait, l'interprétation que vous avez donnée des détails de ses allées et venues était une formation mentale sans grande valeur.
Si vous observez cela avec soin, comme j'ai observé dans le détail ce que vous avez relaté, vous verrez que ces suggestions étaient très fluctuantes et changeantes, tantôt une chose, tantôt une autre; seulement votre mental s'adaptait aux changements, ajustait son interprétation à leur gré et essayait d'en faire un système cohérent. Mais en fait tout était irrégulier et chaotique, tout tendait à rendre votre action et votre conduite irrégulières et chaotiques. La véritable intuition n'agirait pas ainsi; elle tendrait au moins à l'équilibre, à l'harmonie, à l'ordre.
Vous partez d'intuition en ce qui concerne l'indication du temps. Il y a une intuition du Temps qui n'appartient pas au mental et quand elle entre en jeu, elle est toujours exacte à la minute et même, si c'est nécessaire, à la seconde près; mais il ne s'agissait pas de cette Intuition-là, car elle n'était pas toujours exacte; elle s'est peut-être vérifiée plusieurs fois, puis elle est devenue mensongère; elle vous a fait
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arriver en retard au pranâm; elle a commencé à vous mettre en retard pour le déjeuner, ce qui vous a amené à déranger ceux qui travaillent à la salle à manger. Elle vous a poussé à arriver en retard le soir, si bien qu'à la fin vous avez dû vous passer de dîner. Mais votre mental s'était attaché à ses propres formations et a essayé de justifier ces caprices chaotiques, de leur donner un sens, de les expliquer par la volonté (très changeante) de la Mère. Tout cela est bien connu de ceux qui ont de l'expérience dans le yoga, et cela signifie qu'il ne s'agissait pas d'intuitions, mais de constructions du mental, de formations mentales. À supposer qu'il se soit agi d'une intuition, c'était un mouvement du mental intuitif, mais le mental intuitif nous donne l'intuition de possibilités dont certaines se réalisent, d'autres non, dont certaines ne se réalisent qu'en partie, alors que d'autres encore tombent complètement à côté. Derrière ces constructions mentales se trouvent des Forces qui veulent se réaliser et essaient de se servir des hommes comme instruments de cette réalisation. Ces Forces ne sont pas nécessairement hostiles, mais elles jouent leur propre jeu, elles veulent régir, utiliser, trouver leur justification, créer leurs propres conséquences. Si elles peuvent le faire avec l'approbation de la Mère ou en se faisant passer pour des ordres de la Mère, elles sont prêtes à le faire; si elles ne peuvent pas recevoir l'approbation de la Mère incarnée, elles n'hésitent pas à se présenter comme des approbations de la Mère dans sa Forme ou sa Présence universelle subtile et invisible. Elles persuadent certains sâdhak d'établir non seulement une distinction, mais une opposition entre la Mère intérieure qui leur dit toujours ce qu'ils veulent entendre et la Mère incarnée qui, ils s'en aperçoivent, n'est pas si complaisante, les réprimande, corrige leurs caprices et leurs erreurs. À ce stade le danger apparaît d'une invasion plus grave du Mensonge, d'une Force vitale hostile qui pénètre en tirant parti des erreurs du mental et essaie de se substituer à la Mère en utilisant son nom, ou bien suscite la révolte contre elle. On vous persuade de ne pas aller au Pranâm, de ne pas tenir la
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Mère au courant de vos expériences pour éviter de les soumettre à son jugement, de ne pas harmoniser votre vie à sa volonté exprimée; à ce stade c'est un signal de danger, car cela signifie que la Force qui vous envahit veut avoir la latitude d'agir sans contrôle, et c'est pourquoi je me suis senti dans l'obligation d'attirer votre attention sur le péril de cette hostile Maya.
Quant aux voix, elles sont nombreuses: chaque Force, chaque mouvement du plan mental, vital ou physique peut se doter d'une voix. Vos voix n'étaient pas même d'accord entre elles: l'une disait une chose, et quand cela ne marchait pas, l'autre disait quelque chose qui n'y correspondait en rien; mais vous étiez si attaché à votre formation mentale que vous tentiez tout de même d'y obéir.
Tout cela se produit parce que, dans ces exaltations dues à la pression de la sâdhanâ, le mental et le vital deviennent très actifs. C'est pourquoi il est nécessaire d'établir d'abord la sâdhanâ sur un grand calme, une grande égalité, sans se précipiter avec avidité sur les expériences et leurs fruits, mais en les regardant, en les observant, en appelant toujours de plus en plus de Lumière, en essayant d'être de plus en plus vaste, ouvert, réceptif, dans la tranquillité et le discernement. Si l'être psychique est toujours au premier plan, ces difficultés en sont dans une large mesure atténuées, parce qu'il porte en lui une lumière que le mental et le vital n'ont pas, une perception psychique spontanée et naturelle de ce qui est divin et de ce qui ne l'est pas, du vrai et du faux, de la direction authentique et de sa contrefaçon. C'est aussi la raison pour laquelle j'insiste pour que vous nous soumettiez vos expériences car, mise à part toute autre considération, nous avons la connaissance et l'expérience de ces choses et nous pouvons aussitôt mettre en échec toute tendance à l'erreur.
Restez ouvert à la Force de la Mère, mais ne vous fiez pas à toutes les forces. À mesure que vous avancerez, si vous restez dans le droit chemin, un moment viendra où le psychique sera de plus en plus prédominant et actif et où la
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Lumière d'en haut s'imposera avec plus de pureté et de force, de sorte que le risque de voir des constructions mentales et des formations vitales se mêler à la vraie expérience diminuera. Comme je vous l'ai dit, ces Forces ne sont pas et ne peuvent pas être les Forces supramentales; il s'agit d'un travail initial dont le seul but est de préparer les choses à une future siddhi du yoga.
Comment les gens de cet Ashram peuvent-ils juger si quel qu'un a progressé ou non dans le yoga? Ils jugent sur les apparences extérieures: si un sâdhak vit retiré, médite souvent, entend des voix et a des expériences, etc., etc., ils croient que c'est un grand sâdhak! X a toujours eu un Âdhâr très défectueux. Il a eu quelques expériences d'un genre élémentaire, confuses et incertaines, mais à chaque pas il s'attirait des ennuis, s'écartait de la route, et nous étions obligés de le tirer d'affaire. Il a fini par entendre des voix et recevoir des inspirations qu'il déclarait venir de nous; je lui ai écrit à de nombreuses reprises pour le mettre en garde et lui expliquer sérieusement les choses, mais il a refusé de m'écouter, étant trop attaché à ses voix et à ses inspirations fausses, et pour éviter de se faire rabrouer et corriger, il a cessé d'écrire et de nous informer. C'est ainsi qu'il est tombé complètement dans l'erreur et a fini par nous devenir hostile. Vous pouvez dire cela comme venant de moi à tous ceux qui, comme vous, sont perplexes devant cette affaire.
Je parle de ce qui est arrivé à X comme à Y, à Z et à quelques autres. Les expériences supérieures ne font de mal à personne; la question est de savoir ce que l'on entend par supérieures. Y, par exemple, prenait ses expériences pour la Vérité suprême elle-même; je lui ai dit qu'elles étaient toutes imaginaires, avec le seul résultat qu'il est devenu
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furieux contre moi. Il y a des imitations d'expériences supérieures où le mental, ou le vital, se saisit d'une idée ou d'une suggestion et la transforme en un sentiment, et au cours desquelles les forces se précipitent, on a un sentiment d'exultation et de pouvoir, etc. Toutes sortes d'"impératifs" apparaissent: des visions, des "voix" peut-être. Rien n'est plus dangereux que ces voix; bien que certaines puissent être authentiques et utiles, je me sens toujours mal à l'aise quand quelqu'un m'apprend qu'il entend des "voix", et j'ai tendance à dire: "Pas de voix, s'il vous plaît: le silence, le silence, et un cerveau clair et plein de discernement." J'ai fait allusion, dans ma lettre sur la zone intermédiaire, à cette région d'expériences imitées, de fausses inspirations, de fausses voix, où pénètrent des centaines de yogis et d'où certains ne ressortent jamais. Lorsqu'un sâdhak possède un cerveau vigoureux et clair et un certain scepticisme spirituel, il peut passer outre, ce qu'il fait, mais les gens sans discernement comme Y ou Z se perdent. En particulier l'ego intervient et les rend si attachés à leur splendide (?) état qu'ils refusent absolument d'en sortir. Or l'isolement de la retraite donne toute latitude à ce genre d'action, puisqu'elle fait vivre l'individu tout entier dans son être subjectif, sans aucun contrôle si ce n'est celui que peut apporter son propre discernement naturel; mais si celui-ci n'est pas assez fort? L'ego est évidemment le soutien principal de ces mensonges subjectifs, mais il n'est pas le seul. Travailler, fréquenter les autres - avec le contact objectif que cela entraîne - n'est pas une défense absolue contre toutes ces choses, mais ce n'en est pas moins une défense et cela sert de frein et en quelque sorte d'équilibre correcteur. Je remarque que ceux qui pénètrent dans cette région de la zone intermédiaire s'orientent en général vers la retraite et la solitude et y tiennent. Ce sont les raisons pour lesquelles je préfère d'ordinaire que les sâdhak ne s'adonnent pas à une retraite absolue, mais gardent un certain équilibre entre le silence et l'action, vivent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur.
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Le seul véritable danger que l'on court dans ces retraites (à part l'orgueil) est de devenir la proie d'influences et d'imaginations subjectives et de perdre la prise sur la réalité que le travail et les contacts avec les autres aident à conserver. Évidemment on peut la perdre même en conservant des contacts, comme c'est arrivé à X et à d'autres. Mais je suppose que vous avez la tête suffisamment froide et critique pour éviter ce danger.
La retraite n'est pas nécessaire pour passer d'un plan à un autre. Elle n'est nécessaire que dans de rares cas et pour certains tempéraments, pendant un certain temps.
Nous n'avons aucune objection à ce que vous le fassiez pendant une semaine, comme vous vous le proposez. Si j'ai bien compris, il ne s'agit pas d'une retraite, mais d'une interruption des mondanités. Mon objection contre la retraite est que quantité de gens y ont "perdu la santé" ou ont dérivé vers des zones d'expériences vitales fausses; et ensuite que la retraite absolue n'est pas nécessaire à la vie spirituelle. C'est cependant différent pour des gens comme X, qui sont en quelque sorte nés pour cela ou du moins y sont parfaitement entraînés. "Quitter le devant de la scène" est tout autre chose. De plus, être capable de solitude ou avoir l'Ânanda de la solitude peut toujours être salutaire à la sâdhanâ; et la solitude est un pouvoir naturel au yogi.
Nous vous donnerons notre aide et nous espérons que vous réussirez; vous aurez au moins établi un précédent pour vous retirer chaque fois que vous le désirerez à l'avenir.
Vivre dans le moi est évidemment l'objectif normal de la
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retraite, et vivre dans le moi apporte les expériences supérieures qui doivent de toute évidence être salutaires et non nuisibles. En écrivant cela, je voulais seulement expliquer ce que je voulais dire en parlant du danger d'une retraite trop complète, et pourquoi elle avait fini par être nuisible à X, à Y et à d'autres. Certains, comme Z, en ont tiré un profit sans mélange. Tout dépend du tempérament de chacun, de son attitude, de son but et de son équilibre intérieur durant le silence.
L'impulsion à faire retraite vient d'une certaine tendance à se concentrer au-dedans; mais la cause de cette tendance varie selon le cas. Chez certains, c'était un désir de se séparer de l'influence de la Mère (pranâm, méditation, etc.) et de suivre ses propres caprices, par exemple A, B, qui s'accompagne aussi peut-être d'un sentiment de supériorité: "Un grand yogi comme moi n'a pas besoin de tout cela." Dans d'autres cas il y avait un net désir d'isolement, mais alors le cerveau était déjà dérangé (C) ou une mauvaise influence était à l'œuvre (D). C'est à cela, je suppose, que E faisait allusion. Mais d'autres désiraient simplement se concentrer ou souhaitaient éviter de se disperser en s'extériorisant (F, G durant leur période de retraite). Tout ne peut donc pas être dit en une seule phrase.
Ne pas parler ou ne pas avoir de contacts lorsqu'on est dans l'intensité de la paix est une chose; on peut le faire. La solitude considérée comme une règle de vie à d'autres moments ne me paraît pas nécessaire; elle n'est sans danger que pour ceux qui peuvent vivre entièrement au-dedans sans perdre leur emprise sur la réalité extérieure. Si l'on est sans cesse dans un équilibre solide fondé sur la paix, ou si l'on a un mental clair, équilibré et plein de discernement, et en
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même temps des expériences constantes auxquelles on est capable d'attribuer leur véritable place, on peut le faire. Mais certains s'absorbent dans les expériences intérieures, s'y perdent, s'y attachent avec passion, et cette vie intérieure devient pour eux l'unique réalité sans que la vie extérieure puisse l'équilibrer et maintenir sur elle un contrôle et un frein; là, il y a danger. Également, si l'on reste seul sans être soutenu par un équilibre intérieur stable et une expérience constante que l'on peut soumettre à un contrôle judicieux, alors pendant les périodes de vide, le vital peut surgir et amener des luttes, des difficultés, de l'agitation, des suggestions de toutes sortes, un état trouble et bourbeux; plutôt que de passer son temps à cela, comme le font certains, mieux vaut fréquenter les autres, faire un travail quelconque, ou s'extérioriser autrement de quelque manière saine.
Être trop sensible et bouleversé par n'importe quel contact est excessif; mais avoir trop de contacts et être sans cesse en train de se disperser empêche la sâdhanâ de se développer et de se consolider dans l'être intérieur, puisqu'on est sans arrêt attiré au-dehors dans la conscience extérieure ordinaire.
Dans vos relations avec les gens, agissez avec simplicité et naturel. Débarrassez-vous de ces reculs nerveux qui sont une faiblesse. L'important, c'est d'avoir l'attitude intérieure juste, calme et sans attachement. Si vous l'avez, tous les détails deviendront insignifiants et s'arrangeront d'eux-mêmes selon la commodité et le bon sens.
Comment pourrez-vous découvrir les relations justes avec
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l'extérieur en cessant toute relation avec l'extérieur? Et comment vous proposez-vous d'être totalement transformé et unifié en vivant seulement dans la vie intérieure, sans soumettre la transformation et l'unité à l'épreuve du contact extérieur et à celle du travail et de la vie extérieure? La totalité inclut le travail et les relations extérieures, et ne se borne pas à la vie intérieure retirée.
C'est seulement si l'ego vital abandonne ses exigences, ses revendications et les réactions qu'elles engendrent lorsqu'elles ne sont pas satisfaites que la transformation et l'unification peuvent venir, et il n'y a aucun autre moyen.14
Je vous ai dit que vous ne deviez pas essayer de décider par votre mental. Vous persistez à répéter: "Je dois décider. Je dois décider. Je dois prendre une décision. Je dois prendre une résolution." Vous n'arrêtez pas de répéter ce je, je, je dois décider, comme si vous saviez mieux que moi et que la Mère! "Je dois comprendre, je dois décider!" et chaque fois, vous découvrez que votre mental ne peut rien décider et rien comprendre. Et malgré tout, vous continuez à répéter le même mensonge.
Je vous dis clairement une fois de plus que vos prétendues expériences ne valent rien: c'est de la pure ignorance vitale et de la confusion. La seule expérience dont vous ayez besoin, c'est l'expérience de la présence de la Mère, de la lumière de la Mère, de la force de la Mère, avec le changement qu'elles apportent en vous.
Vous devez rejeter toutes les autres influences et vous ouvrir seulement à l'influence de la Mère.
Vous ne devez plus penser aux énergies qui se déversent, à vos énergies et aux énergies des autres, ni en parler. La seule énergie que vous devez sentir, c'est la descente, l'influx, l'action de la force de la Mère.
Telles étaient mes instructions, et tant que vous les
14. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 3.
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mettiez en pratique, vous progressiez rapidement.
Rejetez toutes ces expériences fausses et incohérentes. Revenez à l'unique règle que je vous ai donnée. Ouvrez-vous à la présence de la Mère, à l'influence, à la lumière, à la force de la Mère; rejetez tout le reste. Ainsi seulement, vous retrouverez la clarté au lieu de cette confusion, la paix, la perception psychique et le progrès dans la sâdhanâ.
Vous persistez dans un effort mal dirigé qui vous empêche d'atteindre l'objectif même que vous vous êtes fixé. Vous voulez ce que vous appelez la "divinisation", mais vous ne pouvez pas l'obtenir par la méthode que vous essayez d'appliquer.
Je vais préciser vos erreurs; je vous prie de me lire avec soin et d'essayer de comprendre correctement. Comprenez surtout mes paroles dans leur sens le plus simple et n'y introduisez aucun "sens caché", ni aucun autre sens qui pourrait étayer vos idées actuelles.
La Conscience divine que nous essayons de faire descendre est une Conscience-de-Vérité. Elle nous montre toute la vérité de notre être et de notre nature sur tous les plans: mental, vie et corps. Elle ne les rejette pas, elle ne fait aucun effort impatient pour s'en débarrasser immédiatement et y substituer quelque chose de fantastique et de merveilleux. Elle agit sur eux avec patience et lenteur pour les perfectionner, faire émerger en eux tout ce qui est capable de perfection et changer tout ce qui est obscur et imparfait.
Votre première erreur est de vous imaginer qu'il est possible de devenir divin en un instant. Vous vous imaginez que la conscience supérieure n'a qu'à descendre en vous et y rester, et tout sera fini. Vous vous imaginez que le temps n'est pas nécessaire, non plus qu'un travail lent, ardu ou méticuleux, et que tout sera fait pour vous en un moment par la Grâce divine. C'est complètement faux. Les choses ne se font pas ainsi; et tant que vous persisterez dans cette
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erreur, la divinisation ne pourra pas être permanente, et vous ne ferez que troubler la Vérité qui est en train d'essayer de venir, et troubler aussi votre mental et votre corps par un combat infructueux.
Deuxièmement, vous avez tort de penser que parce que vous ressentez une certaine force et une certaine présence, vous êtes par conséquent devenu divin aussitôt. Il n'est pas si facile de devenir divin. On doit interpréter avec justesse toute force ou présence qui vient, avoir devant elle une réaction juste, une connaissance juste dans le mental, une préparation juste dans l'être vital et physique. Mais ce que vous ressentez est une force et une exaltation vitales anormales dues à l'impatience de votre désir, et avec elles viennent des suggestions issues de votre désir, que vous prenez à tort pour la vérité et appelez des inspirations et des intuitions.
Je vais vous signaler quelques-unes des erreurs que vous faites lorsque vous êtes dans cet état.
Vous commencez aussitôt à penser que mes instructions ou mes conseils ne sont plus nécessaires, parce que vous vous imaginez être dorénavant un avec moi. Plus encore, les suggestions que vous voulez accepter vont tout à fait à l'encontre de mes instructions. Comment peut-il en être ainsi, si vous êtes un avec moi? Il est évident que ces idées contraires à mes instructions viennent de votre mental et de vos impulsions, et non de moi, ni d'aucune Conscience divine, ni de rien qui puisse être appelé la Conscience de Sri Aurobindo.
À ce propos vous écrivez: "Je constate la difficulté suivante: même lorsque je suis plein de vous, l'idée de vous obéir et de suivre vos instructions se poursuit, bien que vous ayez fait de moi vous-même. Je prie pour recevoir ce qui est nécessaire." L'idée de suivre mes instructions et d'y obéir n'est pas une difficulté, c'est la seule chose qui puisse vous aider. C'est précisément cette obéissance qui est nécessaire.
Que voulez-vous dire par: "Vous avez fait de moi vous-même"? Ces mots semblent n'avoir aucun sens. Vous ne
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pouvez pas vouloir dire que vous êtes devenu le même individu que moi; il ne peut pas y avoir deux Aurobindo; même si c'était possible, ce serait absurde et sans utilité. Vous ne pouvez pas vouloir dire que vous êtes devenu l'Être suprême, car vous ne pouvez pas être Dieu ou l'îshwara. Si c'est dans le sens ordinaire (védantique), alors tout le monde est moi, puisque chaque Jîva est une parcelle de l'Un. Vous êtes peut-être devenu conscient de cette unité pendant un moment; mais cette conscience ne suffit pas en elle-même à vous transformer ou à vous rendre divin.
Vous commencez à vous imaginer que vous pouvez vous passer de nourriture et de sommeil, et négliger les besoins du corps; et vous oubliez mes instructions, vous qualifiez à tort, ces besoins de gêne ou de jeu des forces hostiles matérielles et physiques. Cette idée est fausse. Ce que vous sentez n'est qu'une force vitale, non la vérité suprême, et le corps reste tel qu'il était; il souffrira et finira par s'effondrer si on ne lui donne pas de nourriture, de repos et de sommeil.
C'est la même exaltation vitale erronée qui vous a fait tâter votre corps pour savoir s'il était fait de substance supramentale. Comprenez clairement que le corps ne peut pas se transformer de cette manière en quelque chose de tout à fait immatériel. L'être physique et le corps, pour devenir parfaits, doivent passer par une longue préparation et une transformation graduelle. Cela ne peut pas se faire si vous ne sortez pas de cette fausse exaltation vitale, si vous ne commencez pas par redescendre dans la conscience physique ordinaire, avec un sens clair des réalités physiques.
Enfin, si vous voulez le changement réel et la vraie transformation, vous devez reconnaître clairement et résolument que vous avez commis des erreurs, que vous êtes encore en train d'en commettre et que vous vous êtes mis dans un état qui est défavorable à la réalisation de votre objectif. Vous avez essayé de vous débarrasser de votre mental pensant, au lieu de le perfectionner et de l'illuminer, et vous avez essayé de le remplacer par des "inspirations" et des "intuitions" artificielles.
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Vous avez cultivé une aversion et une répulsion envers le corps, l'être physique et ses mouvements; vous ne voulez par conséquent pas redescendre dans la conscience physique normale et faire avec patience ce qui est nécessaire au changement. Il ne vous reste plus qu'une conscience vitale qui tantôt sent une grande force et un grand Ânanda, tantôt sombre dans de graves dépressions parce qu'elle n'est soutenue ni par le mental au-dessus, ni par le corps en dessous.
Vous devez absolument changer tout cela, si vous voulez la véritable transformation.
Il doit vous être indifférent de perdre les exaltations vitales; il doit vous être indifférent de revenir dans une conscience physique normale, avec un mental clair et pragmatique, qui observe les circonstances physiques et les réalités physiques. Vous devez d'abord les admettre, sinon vous ne serez jamais capable de les transformer et de les rendre parfaites.
Vous devez recouvrer un mental et une intelligence tranquilles. Si vous pouvez un jour le faire avec fermeté, la Vérité et la Conscience plus grandes pourront revenir au moment opportun, de la bonne manière et dans de bonnes conditions.
Pour réussir, vous devez avoir un plein pouvoir de volonté et d'action.
Il ne suffit pas de fortifier votre corps, il faut aussi fortifier votre mental; vous devez absolument vous débarrasser de ces idées de péché, de ces ruminations sur les suggestions d'impulsion sexuelle, et de cette habitude de voir partout des forces vitales obscures. Vos parents sont des êtres humains tout à fait ordinaires et non des esprits ou des forces du mal. Votre attitude envers eux ne doit être faite ni d'attachement, ni de peur, d'horreur ou de recul, mais de détachement tranquille.
Ne cherchez pas l'inspiration, mais agissez dans la tranquillité,
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rationnellement, selon nos instructions, avec un mental calme et une volonté tranquille. Débarrassez-vous de votre obsession de venir ici pour tomber à nos pieds. Les suggestions et les voix de ce genre ne sont pas des inspirations, mais seulement des créations de votre mental et de ses impulsions. Pour votre sécurité, vous devez rester tranquille et faire ce que nous vous disons avec tranquillité et persévérance, dans une confiance parfaite, jusqu'à votre complet rétablissement.
Cela vous fera beaucoup de bien de lire et de traduire l'Ârya... Je vous enverrai un exemplaire des Essais sur la Guîtâ, première série; il vaut mieux que vous commenciez par traduire ce livre. Prenez l'habitude de ne traduire que très peu chaque jour et faites-le avec beaucoup de soin. N'écrivez pas à la hâte; relisez plusieurs fois ce que vous avez écrit et regardez si l'esprit du texte original est correctement rendu, et si le style ne peut pas être amélioré. En toutes choses, dans le plan mental et dans le plan physique, votre but devrait être maintenant non pas d'aller vite et d'en terminer rapidement, mais de tout faire avec soin, parfaitement et de la bonne manière.
Nous souhaitons que dorénavant, vous compreniez quelle est la bonne attitude à l'égard des impulsions physico-vitales dont vous vous plaignez - c'est-à-dire à l'égard de la nourriture, de l'argent, des impulsions sexuelles, etc. - et que vous la conserviez. Vous avez adopté une attitude ascétique et morale qui est entièrement fausse et ne peut vous aider à maîtriser ces pouvoirs de la nature.
La nourriture est un besoin du corps et vous devez l'utiliser pour conserver au corps sa vigueur et sa bonne constitution. Vous devez remplacer l'attachement à la nourriture par l'Ânanda de la nourriture. Si vous avez cet Ânanda et le sens juste du goût, etc., et si vous utilisez la nourriture correctement, cet attachement - à supposer
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qu'il existe - disparaîtra de lui-même au bout de quelque temps.
L'argent aussi est nécessaire à la vie et au travail [...] L'argent représente un grand pouvoir de vie qui doit être conquis pour des usages divins. Vous ne devez par conséquent avoir pour lui aucun attachement, mais pas non plus de dégoût ni d'horreur.
L'impulsion sexuelle ne doit pas non plus vous inspirer d'horreur morale ni de répulsion puritaine ou ascétique. Elle est, elle aussi, un pouvoir de vie, et bien qu'il faille rejeter sa ferme actuelle (c'est-à-dire l'acte physique), la force elle-même doit être maîtrisée et transformée. C'est souvent chez ceux dont la nature vitale est vigoureuse qu'elle est le plus forte et cette vigoureuse nature vitale peut être transformée en un grand instrument pour la réalisation physique de la Vie divine. Si l'impulsion sexuelle apparaît, n'en soyez ni affligé, ni troublé, mais observez-la calmement, tranquillisez-la, rejetez toutes les suggestions erronées qui s'y rapportent et attendez que la Conscience supérieure la transforme en une force vraie et en un véritable Ânanda.
Tout ce que nous vous avons dit est nécessaire pour que vous restiez dans la conscience physique et pour que vous ayez les relations justes avec la vie physique.
La conscience cosmique n'appartient pas au surmental en particulier: elle s'étend à tous les plans.
L'homme actuel est enfermé dans sa conscience individuelle de surface et ne connaît le monde (ou plutôt sa surface) que par l'intermédiaire de son mental et de ses sens extérieurs, et en interprétant leurs contacts avec le monde. Par le yoga, une conscience peut s'ouvrir en lui, qui devient une avec celle du monde; il commence à percevoir directement un Être universel, des états universels, une Force et un Pouvoir universels, un Mental, une Vie, une Matière universels,
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et à vivre en relations conscientes avec eux. On dit alors qu'il a la conscience cosmique.15
Le surmental est la base de la conscience cosmique dans son ensemble, mais la conscience cosmique elle-même peut être perçue dans n'importe quel plan: non seulement au-dessus du mental, mais dans le mental, la vie et la matière.
La conscience cosmique peut revêtir deux formes: dans l'une, on est en contact avec les forces cosmiques ordinaires et les êtres qui sont derrière elles et on les perçoit; c'est ce que j'appelle l'Ignorance cosmique; dans l'autre, on perçoit les Vérités cosmiques, on réalise l'universel unique, la Force universelle unique, toutes les vérités védantiques de l'Un en tous et de tous en un, tous les aspects divers du Divin dans le cosmique; une foule d'autres choses peuvent venir, qui sont une aide véritable à la réalisation et à la connaissance, pourvu qu'on les reçoive comme il convient. Mais nous en traiterons mieux lorsqu'elles seront là. Elles ne viennent pas toujours dès que la conscience s'élargit; beaucoup de sâdhak passent de l'élargissement de la conscience à ce qui est au-delà du cosmique, puis reprennent le cosmique dans le détail: cet ordre est peut-être celui qui présente le moins de risques.
Quand on a la conscience cosmique, on peut sentir le Moi cosmique comme son propre moi, on peut se sentir un avec d'autres êtres dans le cosmos, on peut sentir toutes les forces de la Nature se mouvoir en soi, tous les moi comme son propre moi.
15. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
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Demander pourquoi n'a pas de sens: c'est ainsi, puisque tout est l'Unique.16
Tout est dans le Moi; quand vous êtes identifié au moi universel, tout est en vous. De plus le microcosme reproduit le macrocosme, de sorte que tout est présent en chacun bien que tout ne soit pas exprimé (et ne puisse pas l'être) dans la conscience de surface.
Tout agit dans le moi. Tout le jeu de la Nature se déroule dans le moi, dans le Divin. Le moi contient l'univers.
Le Moi est existence, il n'est pas un être. Par Moi on entend l'existence consciente essentielle, une en tous.
La substance originelle de tout esprit est une pure existence qui porte en elle une pure conscience (ou conscience-force) existant en soi et un pur Ânanda existant en soi.
Substance et existence sont la même chose. Dans la création, on peut les considérer comme deux aspects de l'esprit.
Le Moi est essentiellement universel; le moi individualisé n'est rien d'autre que le moi universel ressenti à partir d'un
16. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
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centre individuel ou en lui. Si vous ne sentez pas ce que vous avez réalisé comme l'un en tous, alors ce n'est pas l'Âtman c'est l'être central qui ne révèle pas encore son aspect universel en tant qu'Âtman.
Le moi est ressenti soit comme universel, un en tous, soit comme un individu universalisé semblable aux autres en essence, qui s'étend partout à partir de chaque être, mais a son centre ici. Évidemment "centre" est une façon de parler, car en général on ne sent aucun centre physiquement "localisé; seulement toutes les actions se déroulent autour de l'individu.
En général, l'expérience de l'Impersonnel est qu'il est partout sans forme ni limite, en tout lieu et à tout moment.
Le Divin impersonnel n'a pas de demeure et ne peut pas en avoir; il pénètre tout. Si quelqu'un dit que le Divin impersonnel a sa demeure dans le cœur, on peut lui demander ce qu'il entend par Divin impersonnel.
Dans la conscience cosmique, le "je" personnel disparaît pour se fondre dans le Moi unique de tous. Le "je" qui seul existe n'est pas celui de la personne, le "je" individualisé, mais le "je" universalisé identique à tous et au Moi cosmique (Âtman).
Ce qui restera après la libération, c'est l'être central, non l'ego. L'être central vivra dans la conscience du Divin
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partout et aussi dans tous les autres êtres; sa conscience ne sera donc pas celle d'un ego séparé, mais celle d'un centre de la Multiplicité divine parmi bien d'autres.
Ce que vous ressentez est l'état normal qui accompagne la libération. L'activité des sens, etc., se poursuit comme auparavant, mais la conscience est différente, de sorte qu'on a non seulement le sentiment de libération, de séparation, etc.,' mais que l'on vit dans un monde tout différent de celui du mental, de la vie ou des sens ordinaires. C'est une autre conscience qui commence, dotée d'une autre connaissance, d'une autre manière de considérer les choses. Ensuite, à mesure que cette conscience prend possession des instruments, elle s'harmonise avec les sens et avec la vie; mais les instruments aussi deviennent différents, leur point de vue se transforme, ils voient le monde non plus comme avant, mais comme s'il était fait d'une autre substance et avait une autre signification.
La libération est la première nécessité: vivre dans la paix, le silence, la pureté, la liberté du moi. Si, en même temps, ou plus tard, on s'éveille à la conscience cosmique, alors on peut être libre et pourtant un avec toutes choses.
Il est possible d'avoir la conscience cosmique sans la libération, mais alors aucune partie de l'être n'est libre à l'égard de la nature inférieure et on peut devenir, dans sa conscience élargie, le champ d'action de toutes sortes de forces sans être capable ni de s'en libérer, ni de les maîtriser.
Si au contraire la réalisation du Moi s'est accomplie, une partie de l'être demeure intacte au milieu du jeu des forces cosmiques, et si, dans le même temps, la paix et la pureté du moi se sont établies dans la conscience intérieure tout entière, les contacts extérieurs de la nature inférieure ne
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peuvent pénétrer l'être ni le dominer. C'est pourquoi il vaut mieux que la réalisation du Moi précède la conscience cosmique et la soutienne.
Quand se développe la réalisation du Moi ou la conscience cosmique, ou que règne le vide qui en est la condition préalable, une tendance automatique à l'unité avec tous apparaît: leurs affections mentales, vitales et physiques peuvent aisément vous toucher. Il faut veiller à rester libre.
Vous avez eu une ouverture mentale et un commencement d'ouverture vitale à la conscience cosmique; si cet état s'était maintenu au niveau spiritualisé, et cantonné à la vision ou au sentiment de l'Ânanda divin, sans recherche de possession ou de jouissance extérieure grossière, il aurait établi une conscience yoguique et constitué une base pour que descendent la connaissance, la paix, le pouvoir, l'amour psychique et la consécration.
C'est très bien. L'élargissement de la conscience jusqu'à ce que l'on soit un avec l'Infini universel est un stade important dans la sâdhanâ.
Oui, c'était une très bonne expérience et votre sentiment à son égard était juste. Quand la conscience est étroite et personnelle ou enfermée dans le corps, il lui est difficile de recevoir quoi que ce soit du Divin; plus elle s'élargit, plus elle peut recevoir. Vient un moment où elle se sent vaste comme le monde et capable de recevoir en elle le Divin tout entier.
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C'est une expérience de l'extension de la conscience. Dans l'expérience yoguique, la conscience s'étend dans toutes les directions: autour, au-dessous, au-dessus, et dans chacune elle s'étend à l'infini. Quand la conscience du yogi se libère, il vit sans cesse non pas dans le corps, mais dans cette hauteur, cette profondeur et cette largeur infinies. La base de sa conscience est un vide ou un silence infini, mais en eux tout peut se manifester: Paix, Liberté, Pouvoir, Lumière, Connaissance, Ânanda. Cette conscience est appelée d'ordinaire la Conscience du Moi ou Âtman, car elle est une existence pure ou un moi pur qui est la source de toutes choses et les contient toutes.
Oui, [l'immensité] est ressentie comme un vaste espace substantiel plein de pouvoir, qui donne un sentiment d'unité libre, infinie, identique du haut en bas.
Au début l'expérience de l'immensité, comme d'autres expériences, ne vient que de temps à autre. C'est seulement plus tard qu'elle devient fréquente et se prolonge jusqu'à ce que finalement elle s'installe et que la conscience reste toujours vaste.
Vous devez chasser la peur de la concentration. Le vide que vous sentez descendre sur vous est le silence de la grande paix dans laquelle vous devenez conscient de votre moi, non comme le petit ego enfermé dans le corps, mais comme le moi spirituel aussi vaste que l'univers. La conscience n'est pas dissoute, ce sont les limites de la conscience qui sont dissoutes. Dans ce silence, les pensées peuvent cesser pendant un certain temps, il peut ne rien y avoir d'autre qu'une grande liberté et une immensité sans limite, mais dans ce
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silence, dans cette immensité vide peuvent descendre la vaste paix d'en haut, la lumière, la béatitude, la connaissance, la Conscience supérieure dans laquelle vous sentez l'unité du Divin. C'est le début de la transformation et il n'y a là rien à redouter.
Cela signifie la libération du sens corporel dans laquelle on peut vraiment dire: "Je ne suis pas le corps". Cette libération fait partie de la conscience cosmique, comme aussi la réalisation de la Volonté cosmique.
C'est la libération du seul sens corporel. Elle est tout à fait différente de la maîtrise du corps.
Ce que vous avez senti comme un air puissant et subtil était l'expression concrète de la conscience ou de l'existence consciente en elle-même, indépendante du corps. Jusqu'à présent l'expérience est encore limitée par le corps, mais quand elle perd ses limites, on a le sentiment d'un vaste éther qui remplit tout l'espace, Âkâsha Brahman.17 À mesure qu'elle se développe, le sens corporel disparaît, et lorsque le mental est devenu lui aussi tout à fait inactif, on sent que l'on est soi-même cette conscience qui s'étend à tout l'Infini.
Si ces phénomènes étaient imaginaires, vous seriez capable de les reproduire exactement chaque fois que vous y pensez. L'idée qu'ils sont imaginaires appartient au mental physique qui ne peut croire à rien de supraphysique.
Cette ouverture de la poitrine dans le vide (pas réellement le vide, mais l'Âkâsha infini du Chit universel et illimité) est toujours le signe d'une ouverture de l'être
17. Le Brahman éthéré.
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émotif à l'immensité du Divin universel. Les sâdhak voient souvent l'image de l'Âkâsha en dhyâna. Quand la conscience se libère, que ce soit dans le mental ou dans une autre partie de l'être, on a toujours cette :impression de vide immense et infini. Du haut de la tête à la. gorge se trouve le plan mental de l'être; si une ouverture et un vide ou une immensité comme celle-ci s'y produisent, c'est le signe que l'être mental se libère dans l'Universel.. De la gorge au ventre s'étend le vital supérieur ou région émotive. Au-dessous se trouve le plan vital inférieur.
C'est, je crois, davantage un oubli du corps qu'une absence d'identification avec lui. Dams une mentalisation ou une activité vitale intenses, le corps prend une importance secondaire et devient plus extérieur; la même chose peut se produire, dans une certaine mesure plus constamment, chez celui qui vit dans son mental ou son vital et s'identifie plus étroitement à eux. Mais c'est tout de même bien le mental dans le corps, le vital dans le corps. Il n'y a pas de libération, on ne s'en sépare pas complètement comme dans la libération spirituelle.
Non, il n'est pas possible au mental humain de vivre entièrement en lui-même au point de se désintéresser totalement du corps; une libération réelle ou complète est impossible sans la libération spirituelle. Tout ce que peut le mental, c'est s'absorber sans cesse en lui-même et négliger ou oublier le plus possible le corps. On constate souvent cela chez ceux qui mènent une vie mentale solitaire (les savants, les penseurs, etc.) et n'ont pas besoin de se soucier de leur gagne-pain, de leur famille, etc.
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Le soleil qui se lève à l'horizon représente la lumière directe de la Vérité divine s'élevant dans l'être; le rayon dirigé vers le haut ouvre l'être à la Vérité telle qu'elle est au-dessus du mental, le rayon venant d'en face l'ouvre à ce que nous appelons la conscience cosmique; il se libère de la limitation personnelle, s'ouvre et commence à percevoir le mental universel, le physique universel, le vital universel. L'action sur le cœur était la pression de ce Soleil sur lui pour qu'il ait l'ouverture directe, afin que la conscience puisse devenir libre, vaste et tout entière en paix.
Il est très important que vous ayez été capable de rester immuable et impassible devant la pression adverse et de garder sans cesse la conscience de la Paix à l'arrière-plan. C'est le signe que cette conscience se consolide et devient plus efficace.
L'immensité vient quand on dépasse ou que l'on commence à dépasser la conscience individuelle et à s'étendre vers la conscience universelle. Mais le psychique peut être actif même dans la conscience individuelle.18
Le psychique est le support de l'évolution individuelle; il est relié à l'universel à la fois par un contact direct et par l'intermédiaire du mental, du vital et du corps.
L'amour, la joie et le bonheur viennent du psychique. Le Moi donne la paix ou un Ânanda universel.
Le Moi ou Âtman est inactif; c'est la Nature (Prakriti) ou la
18. Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre 4.
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Shakti qui agit. Quand on sent le Moi, c'est d'abord une existence, un silence, une liberté, une paix infinis que l'on sent; cela s'appelle l'Âtman ou le Moi. Toutes les actions qui se déroulent en lui sont ressenties, selon les réalisations, soit comme des forces de la Nature à l'œuvre dans cette immensité, soit comme la Shakti divine à l'œuvre, soit comme le Divin cosmique, soit comme leurs différents pouvoirs à l'œuvre. Ce n'est pas le Moi que l'on sent agir.
Quant au spectateur et aux anneaux du dragon, c'est l'image sino-japonaise de la force du monde s'étendant dans le cours de l'univers; elle exprime l'attitude du témoin qui voit tout cela et observe dans son déploiement le déroulement du jeu de la divine Lîlâ. C'est cette attitude qui donne le plus de calme, de paix, de samatâ face à l'énigme du fonctionnement cosmique. Non que l'action et le mouvement ne soient pas acceptés: ils sont acceptés comme l'Œuvre divine qui conduit à des fins que le mental ne peut pas toujours voir immédiatement, mais dont l'âme devine, à travers tout, le but suprême et ce qui la guide en secret.
Il y a évidemment ensuite une expérience où se fondent les deux aspects du Divin Tout, Témoin et Acteur; mais cette position du spectateur vient d'abord et mène à cette seconde expérience plus complète. Elle donne l'équilibre, le calme, permet peu à peu de comprendre l'âme, la vie et leurs significations profondes sans lesquelles la pleine expérience supramentale ne peut venir.
Les forces universelles sont mues par leur propre force et par leur conscience intrinsèque; mais il y a aussi l'Esprit cosmique qui les soutient et détermine leur jeu par sa vision et sa volonté organisatrice, bien qu'il laisse les forces agir directement; c'est le jeu de la Prakriti universelle avec, à
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l'arrière-plan, le Pourousha universel qui regarde. Dans l'individu aussi, le Pourousha individuel peut, s'il le veut, non seulement consentir au jeu de la Prakriti, mais l'approuver, le rejeter ou exercer sa volonté pour qu'il change. Tout cela constitue le jeu lui-même, tel que nous le voyons ici-bas. Il y a quelque chose au-dessus, mais l'action de ce quelque chose est une intervention plutôt qu'un contrôle de tous les instants; le contrôle ne peut devenir direct et constant que lorsqu'on substitue au jeu des forces le gouvernement du Divin.
C'est dans la vraie conscience yoguique que l'on sent l'unité et que l'on y vit, sans être affecté par l'être extérieur et ses mouvements inférieurs, mais en les contemplant tout en souriant de leur ignorance et de leur petitesse. On deviendra beaucoup plus apte à manipuler ces choses extérieures si l'on maintient sans cesse cette séparation.
Ce sont les aspects Pourousha et Prakriti de la nature; l'un conduit à l'existence consciente pure, qui est statique, l'autre à la force consciente pure, qui est dynamique. L'obscurité passée d'où ils sont sortis est celle de l'ignorance, l'obscurité future que l'on sent au-dessus est la supraconscience. Mais évidemment cette supraconscience est en réalité lumineuse; seulement on ne voit pas sa lumière. Les trois formes de conscience sont les trois aspects de la Nature représentés par les trois gouna: la force du tamas subconscient, l'Inertie, qui est la loi de la Matière; la force du désir à moitié conscient, la Kinésis, qui est radjas, qui est la loi de Vie; et la force de Prakâsha sattwique, qui est la loi de l'Intelligence.
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Il n'y a qu'un seul Pourousha; il agit selon la situation et le besoin de la conscience à un moment donné.
C'est la nature de l'action au-dessus du mental ordinaire ou dans la conscience cosmique qui a de multiples aspects.
La Prakriti n'est que la force exécutrice ou agissante; le Pouvoir derrière la Prakriti est Shakti, C'est la Chit-Shakti dans la manifestation: c'est la conscience spirituelle.
C'est vrai de la connaissance mentale et de la volonté mentale, non de la volonté-connaissance supérieure. Dans le supramental, connaissance et volonté ne font qu'un.
Toutes les énergies proviennent de Chit-Shakti, mais elles en diffèrent à mesure qu'elles descendent.
Il est vrai que la Vie est typiquement une Force; le Physique est typiquement substance, mais le dynamisme des deux provient de Chit; le dynamisme du mental aussi, tous les dynamismes.
Il y a une Force commune qui travaille en tous; une vibration de cette Force ou l'un quelconque de ses mouvements peut (elle ne le fait pas toujours) éveiller la même vibration chez quelqu'un d'autre.
Il y a un mouvement constant (Prakriti) et un constant silence (Pourousha).
Selon l'Oupanishad, il y a un éther d'Ânanda dans lequel tous vivent et respirent; s'il n'était pas là, nul ne pourrait vivre ni respirer.
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La force "créée" n'est pas vôtre, c'est celle de la Prakriti; votre volonté la met en mouvement, elle ne la crée pas vraiment; mais une fois mise en mouvement, elle tendra à s'accomplir tant que le jeu des autres forces le permettra. Aussi, naturellement, si vous voulez l'arrêter, devrez-vous mettre en mouvement une force contraire suffisamment puissante pour s'opposer à son élan.
Cette vision est la perception du mouvement cosmique des choses qui se développent d'état en état et, à l'intérieur de ce mouvement, la perception des mouvements individuels qui le constituent. Il est possible aussi qu'elle signifie le Tout vu comme le Temps qui s'écoule, ou ce même Temps vu comme une dimension et entrecroisé avec l'Espace, comme la trame et la chaîne d'un tissu, etc.
Le monde est la forme, la réalité est le Divin. Il faut voir la présence dans la forme.
Le Divin est la Vérité suprême parce qu'il est l'Être suprême de qui tous sont issus et en qui tous demeurent.
Le Divin est ce dont tout est issu, en quoi tout vit, et retourner à la vérité du Divin maintenant obscurcie par l'Ignorance est le but de l'âme dans la vie. Dans sa suprême Vérité, le Divin est paix absolue et infinie, conscience, existence, pouvoir et Ânanda absolus et infinis.
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Le Suprême ne peut pas créer par l'intermédiaire du Transcendant, puisque le Transcendant est le Suprême. C'est par l'intermédiaire de la Shakti cosmique que le Divin crée.
La Force cosmique est régie par le surmental. Le supramental n'agit pas sur elle directement; tout ce qui descend de ce plan se modifie pour traverser le surmental et prendre une forme atténuée, adaptée au plan où s'applique son action: mental, vital ou physique. Mais cette intervention est exceptionnelle dans le jeu habituel des forces cosmiques.
L'esprit cosmique contient le supramental, mais il le maintient au-dessus et agit pour le moment entre le surmental et le physique. C'est seulement quand l'Ignorance sera retirée que le supramental apportera directement sa contribution dynamique aux fonctionnements de la Nature cosmique ici-bas. Jusque-là il ne peut y en avoir que des reflets.
Il [l'Esprit cosmique] utilise la Vérité et le Mensonge, la Connaissance et l'Ignorance, et toutes les autres dualités comme des éléments dans la manifestation, et il élabore ce qui doit être élaboré jusqu'à ce que tout soit prêt pour un fonctionnement supérieur.
Les forces cosmiques ici-bas, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, sont des forces de l'Ignorance. Au-dessus d'elles est la Conscience-de-Vérité qui ne pourra se manifester que lorsque l'ego et le désir auront été surmontés: c'est la force de la Conscience-de-Vérité divine qui doit descendre; la
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Paix, la Lumière, la Connaissance, la Pureté, l'Ânanda supérieurs doivent agir sur les forces cosmiques dans l'individu pour les transformer et substituer la Conscience-de-Vérité au fonctionnement ordinaire.
Un cosmos, un univers est toujours une harmonie, sinon il ne pourrait pas exister, il volerait en éclats. Mais de même que certaines harmonies musicales sont construites, en partie ou principalement, à partir de discordances, de même notre univers (l'univers matériel) est discordant dans ses éléments pris séparément: les éléments individuels sont, dans une large mesure, discordants entre eux; c'est seulement grâce à la Volonté divine qui le soutient à l'arrière-plan que le tout est cependant une harmonie pour ceux qui le regardent avec 1g vision cosmique. Mais c'est une harmonie en évolution, en progrès; c'est-à-dire que tout se combine pour s'efforcer vers un but qui n'est pas encore atteint, et l'objet de notre yoga est de hâter l'arrivée à ce but. Lorsqu'il sera atteint, une harmonie fondée sur les harmonies se substituera à l'harmonie actuelle fondée sur les discordances. Telle est l'explication de l'apparence actuelle des choses.
Tout n'est pas parfait ici-bas, mais tout élabore la Volonté cosmique dans le cours des âges.
L'harmonie de la conscience inférieure est une harmonie entre des discordances produites par le conflit et le mélange des forces.
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Cette vision est une représentation sonore de l'harmonie cosmique dont l'Ignorance représente une chute et une discordance.
En tout il y a un rythme, inaudible pour l'oreille physique, et par ce rythme les choses existent.
Ces deux sons [Ôm et les cloches d'église] indiquent d'ordinaire l'ouverture ou une tentative d'ouverture à la conscience cosmique.
C'est lorsque vous sentez la beauté ou la présence universelle ou divine dans les choses que les sens sont ouverts au Divin.
On peut vivre en contact avec le Divin, même parmi les forces universelles; mais pour vivre dans le Divin, il faut être capable soit de s'élever au-dessus de la Nature universelle inférieure, soit de faire descendre la Conscience divine ici-bas. Les débuts sont difficiles pour la plupart des chercheurs et ce n'est vraiment facile à aucun moment.
Être sans cesse immergé dans le Divin n'est pas si facile. On ne peut le faire qu'en s'absorbant dans son propre moi intérieur, ou par une conscience qui voit tout dans le Divin et le Divin en tout, et qui est constamment dans cet état. Personne n'y est encore arrivé.
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L'Esprit ou Moi cosmique contient tout dans le cosmos; il soutient le Mental cosmique, la Vie universelle et la Matière universelle ainsi que le surmental. Le Moi est plus que toutes ces choses qui sont ses formulations dans la Nature.
[Les effets de l'ouverture au Mental cosmique:] On perçoit le Mental cosmique et les forces mentales qui s'y meuvent, et comment elles agissent sur son propre mental et celui des autres, et on est capable d'agir sur son propre mental avec une connaissance plus grande et un pouvoir plus efficace. Cette ouverture a bien d'autres effets, mais celui-ci est fondamental. Cela, évidemment, si l'on s'ouvre comme il convient et que l'on ne devient pas un simple champ d'action passif pour toutes sortes d'idées et de forces mentales.
L'ouverture au Mental cosmique rend, par exemple, plus aisée l'expérience du Divin partout, mais elle n'est pas d'essence spirituelle; à moins que ne viennent des expériences spirituelles plus vastes, elle peut ne pas être spirituelle du tout.
Ce qui vous arrive, c'est que vous êtes entré en contact avec le Mental cosmique où se meuvent toutes sortes d'idées, de possibilités, de formations. Le mental individuel adopte celles qui l'attirent ou qui peut-être prennent une forme particulière en l'atteignant. Mais ce sont des possibilités, non des vérités; mieux vaut donc ne pas les laisser se donner ainsi libre cours.
Le mental a ses propres domaines, la vie a ses propres domaines, tout comme la matière a les siens. Dans les
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domaines du mental, la vie et la substance sont entièrement subordonnées au Mental et obéissent à ses lois. Ici, sur terre, c'est l'évolution avec la matière comme point de départ, la vie comme milieu et le mental qui en émerge. Il y a de nombreux degrés, de nombreux domaines, de nombreuses combinaisons dans le cosmos; il y a même de nombreux univers. Le nôtre n'est qu'un univers parmi beaucoup d'autres.
[L'effet de l'ouverture à la Vie cosmique:] On commence à percevoir toutes les forces de vie et comment elles agissent sur soi-même et les autres, sur le mental, sur le corps, et aussi les mouvements de telle ou telle force derrière les événements. On commence aussi à percevoir directement le plan vital, ses mondes, ses êtres, et l'action directe de leurs formations sur la vie terrestre. En même temps, on doit devenir conscient de son propre être vital vrai et trouver en lui, et non dans le vital de surface ou de désir, la source de l'action dans tous ces domaines. Ces effets ne viennent pas tous à la fois; ils se développent à mesure que grandit le contact avec la Vie cosmique.
Le vital universel, en particulier, exerce une attirance trompeuse et déclenche un afflux exaltant de pouvoir (non de vrai pouvoir tranquille, mais simplement de force) et ceux qui s'y laissent prendre s'y cramponnent comme un ivrogne à sa boisson. De cela, ils tirent l'impression d'être forts, grands, pleins de choses intéressantes; quand on le leur enlève, ils se sentent "comme tout le monde" et demandent qu'on le leur rende.
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Les forces universelles, ce sont toutes les forces, bonnes ou mauvaises, favorables ou hostiles, de lumière et d'ombre, qui se meuvent dans le cosmos.
La terre est un lieu d'évolution où toutes ces forces se rencontrent et essaient de se manifester; de leur action, quelque chose doit sortir. Sur d'autres plans (le mental, le vital, etc.)-, il n'y a pas d'évolution; là, chacune d'elles agit séparément selon sa propre loi.
"Universel" s'applique à tout dans l'univers; il y a des êtres individuels partout, mais ils ne sont pas physiques au sens terrestre du terme, car leur constitution est différente.
Non, ils [les êtres hostiles] ne créent pas de forces universelles; ils sont eux-mêmes mus par elles et les font mouvoir.
Oui, évidemment, il y a toujours un combat entre les forces de Lumière et les forces d'Obscurité.
Dans la sâdhanâ, il se concentre et nous en devenons conscients.
Quant aux êtres hostiles, ils sont toujours en train de se battre les uns contre les autres; mais ils font cause commune contre la Vérité et la Lumière.
Les forces sont conscientes. Il y a par ailleurs des êtres individualisés qui représentent les forces ou les utilisent. Le
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mur entre conscience et force, impersonnalité et personnalité s'amincit beaucoup lorsqu'on passe derrière le voile de la matière. Si l'on regarde un fonctionnement du point de vue de la force impersonnelle, on voit une force ou une énergie à l'œuvre, agissant dans un but ou en vue d'un résultat; si on le regarde du point de vue de l'être, on voit un être qui possède la force consciente, la guide et l'utilise, ou représente une force consciente qui l'utilise comme instrument de son action et de son expression particulières. Vous parlez d'ondes, mais la science moderne a découvert que si l'on observe le mouvement de l'énergie, il semble d'une part être une onde et se comporter comme une onde, et de l'autre être une masse de particules et se comporter comme une masse de particules, chacune agissant à sa propre manière. Ici c'est un peu le même principe.
Les Forces de la Nature sont des forces conscientes; elles peuvent fort bien combiner tout ce qui est nécessaire à une action et à un but, et quand un moyen échoue, en adopter un autre.
Oui, [les forces] sont capables d'agir avec plus de puissance lorsqu'elles peuvent faire une formation spéciale que si elles doivent mener une action psychologique générale, commune à toute la nature humaine.
Elles [les forces cosmiques] agissent sur tous, selon la nature de chacun, et aussi selon sa volonté et sa conscience.
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L'égoïsme fait partie du mécanisme de la Nature universelle - il en est une partie importante - d'abord pour faire évoluer l'individualité à partir de la force et de la substance indistinctes de la Nature, et ensuite pour faire de l'individu (par le mécanisme de la pensée, du sentiment, de la volonté et du désir égoïstes) un outil des forces universelles. C'est seulement lorsqu'on entre en contact avec une Nature supérieure qu'il est possible de se libérer de cette domination de l'ego et de la sujétion à ces forces.
Oui, si l'on a l'expérience concrète [que toutes ses énergies et toutes ses capacités viennent des forces universelles], l'habitude de l'ego diminue beaucoup, mais elle ne disparaît pas complètement. Elle se réfugie dans le sentiment d'être un instrument, et si le psychique ne l'influence pas, l'ego peut fort bien préférer être l'instrument d'une Force quelconque qui nourrit sa satisfaction. Dans ce cas, il peut encore demeurer puissant, même s'il sent qu'il est un instrument et non l'acteur principal.
Si le psychique est actif, ou dans la mesure où il l'est, il recèle une sorte de détecteur automatique des forces universelles; il met en garde contre ce qui ne doit pas être (pas tellement par la pensée que par un sentiment essentiel) et le rejette, il accepte et transmue ce qui doit être.
Oui, c'est ainsi. Les forces universelles agissent très souvent par l'intermédiaire du subconscient, surtout quand l'individu a eu l'habitude d'obéir à la force qu'elles envoient et dont les germes, les impressions, les "complexes" sont fortement enracinés dans le subconscient, ou, même si ce n'est plus le
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cas, dont le souvenir continue à subsister dans le subconscient.
Il n'y a pas de règle pour cela. L'être humain n'est en général conscient qu'à la surface; mais la surface n'enregistre que les effets d'un travail subliminal. C'est souvent par l'intermédiaire des centres que les forces pénètrent, car c'est ainsi qu'elles ont le plus de pouvoir pour agir sur la nature, mais elles peuvent entrer par n'importe quelle voie.
Ils [la douleur et le chagrin] seraient plutôt l'effet de l'action des forces universelles, mais dans un certain sens on peut dire que le chagrin et la douleur sont des forces universelles, car souvent leurs ondes surviennent et envahissent l'être sans cause apparente.
[La mort] est une force universelle; l'événement ou changement appelé mort est simplement l'un des résultats du fonctionnement de cette force.
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GLOSSAIRE
Dans ce volume, l'orthographe des mots sanskrits, et de ceux des autres langues indiennes, suit un principe de translitération qui rend leur lecture plus facile pour le lecteur de langue française auquel sont étrangères les lois couramment proposées.
Pour les voyelles, il faut noter que le e est toujours fermé (é), même suivi d'une valeur consonantique qui, en français, en ferait un è ouvert; Maheshwarî, par exemple, se prononce Mahé-shwarî. Le o est toujours long et fermé (ô), même suivi d'une valeur consonantique qui, en français, en ferait un o ouvert; ainsi Pouroushottama se prononce Pouroushô-ttama. Le a, selon qu'il est accentué (à) ou non (a), se prononce comme un a long (Maya) ou comme le e français; sâdhanâ se prononce donc sâdhenâ. Le i accentué (î), ainsi que le où indiquent les autres syllabes longues: lîlâ, vibhoûti.
Les genres indiqués correspondent à l'usage français, non au sanskrit qui comporte un neutre.
Enfin, les règles du pluriel sanskrit étant complexes, la pratique suivante a été adoptée: tout mot sanskrit figurant dans une phrase française reste invariable au pluriel. Toutefois les mots sanskrits figurant dans les dictionnaires français courants prennent la marque du pluriel français (ex: yoga, yogas).
âdhâr (n.m.): un vase, un support; la combinaison du mental, de la
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vie et du corps considérée comme un réceptacle de la conscience et de la force spirituelles.
âkâsha (n.m.): éther; le principe d'extension qui est la matrice éternelle des choses.
âkâsha brahman (n.m.): le brahman éthéré.
Anoumantâ (n.m.): le donneur de sanction.
Ârya (n.m.): revue philosophique dirigée par Sri Aurobindo dans les années 1916-1921.
ashwattha (n.m.): figuier, symbole de la manifestation cosmique.
asoura (n.m.): être hostile appartenant au vital mentalisé. De ce nom dérive un adjectif, asourique: qui a la qualité de l'asoura, ou qui appartient à l'asoura.
âtman (n.m.): le Moi ou Esprit sous ses deux aspects: suprême (paramâtman); individuel (jîvâtman).
âtma samyamah (n.m.): discipline de soi; pouvoir et habitude de maîtriser ce qui doit l'être dans les mouvements de la nature.
avidyâ (n.f.): le principe cosmique de l'Ignorance.
Bhagavad-Guîtâ: litt., "Le Chant du Bienheureux"; cet épisode du Mahâbhârata constitue l'évangile de l'action dans la soumission parfaite au Divin. En renonçant à tout désir, en devenant un instrument du seul Seigneur suprême, l'homme atteint à l'union totale avec Lui et à la libération.
bhadjan (n.m.): chant dévotionnel; culte.
bhakti (n.f.): dévotion, adoration, amour pour le Divin (bien que généralement traduit par "dévotion", le sens est beaucoup plus proche d'"amour pour le Divin" que d'attachement à la religion et aux pratiques rituelles).
bhâva (n.m.): état d'être ou devenir subjectif, nature intérieure,
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tempérament, manière d'être.
bhoga (n.m.): jouissance, possession.
hindou (n.m.): point, tache.
bouddhi (n.f.): intelligence, raison, entendement, pensée rationnelle, compréhension.
Brahmâ (n.m.): le Pouvoir du Divin, qui crée les mondes par le Verbe; la divinité créatrice.
brahmarandhra (n.m.): dans le yoga, l'ouverture au sommet de la tête.
brahmatchâri (n.m.): celui qui pratique, le brahmatcharya.
brahmatcharya (n.m.): pureté sexuelle.
brahmavyaktikarâni yogué (n.m.): signes qui accompagnent ou facilitent l'ouverture à la conscience supérieure (Brahman) dans le yoga.
chakra (n.m.): un centre, un plexus; centre de conscience dans le corps subtil. On en compte habituellement sept:
moûlâdhâra, le centre à la base de l'épine dorsale;
swâdhishthâna, le centre abdominal;
manipoura ou nâbhipadma, le centre ombilical;
anâhata ou hritpadma, le centre du cœur;
vishouddha, le centre de la gorge;
âjnâ, le centre entre les sourcils;
sahasrâra ou sahasradala, le lotus aux mille pétales, au-dessus de la tête.
chaprâs (n.f.) (hindi): plaque, insigne de fonction.
Chit (n.f.): Conscience.
Chit-Shakti (n.f.): Pouvoir (Shakti) de la Conscience (Chit).
daïtya (n.m.): démon, fils de Diti.
darshan (n.m.): le fait de voir; apparition de la Divinité à ses adorateurs.
dharma (n.m.): étymologiquement, "ce dont on peut se saisir et qui maintient les choses ensemble", donc la loi, la norme, la règle naturelle, la règle de conduite et de vie, le devoir; la loi intrinsèque de l'être.
dhyâna (n.m.): méditation, contemplation, concentration mentale en pensée, en vision ou en connaissance.
Diti (n.f.): mère des Titans; l'être divisé, la conscience séparatrice, le Fini.
Dourgâ-Mahâkâli (n.f.): la déesse qui est l'énergie de Shiva; la Mère divine sous son aspect guerrier.
go (n.f.): vache; rayon de lumière, conscience.
gouna (n.m.): mode de la nature (Prakriti). Ils sont trois:
radjas, le principe du mouvement, de l'effort et de la passion;
sattwa, le principe de l'équilibre et de la lumière;
tamas, le principe de l'ignorance et de l'inertie.
De ces noms dérivent trois adjectifs: radjasique, sattwique et tamasique.
gourou (n.m.): guide, instructeur spirituel.
Guîtâ, v. Bhagavad-Guîtâ.
Hanoumân (n.m.): le dieu singe, adorateur de Rama.
hansa (n.m.): oie ou cygne.
Hatha-yogî (n.m.): celui qui pratique le yoga du corps.
Îshwara (n.m.): le Seigneur.
jîva (n.m.): l'être central; l'esprit individualisé et qui soutient l'être vivant dans son évolution de vie en vie.
Karma (n.m.): l'action, les œuvres; principe de causalité qui détermine la nature des vies successives de l'âme; force résultant des actions accomplies dans le passé, surtout dans les vies antérieures.
Karma-yoga (n.m.): le yoga des œuvres, le travail offert au Divin étant considéré comme un moyen de réalisation et d'union avec Lui, tandis que dans le bhakti-yoga le moyen est la dévotion pure, et dans le jnâna-yoga la connaissance. Le yoga intégral de Sri Aurobindo et de la Mère embrasse ces trois voies.
Karounâ (n.f.): compassion; la Compassion divine, la Grâce.
Koundalinî (n.f.): lovée à la base de la colonne vertébrale, dans le corps subtil, c'est l'Énergie divine en l'homme. Son éveil, recherché dans les yogas traditionnels, entraîne l'ouverture des différents centres (chakra) de conscience jusqu'au plus élevé, situé au-dessus de la tête, là où l'individu s'unit au Divin.
Koundalinî Shakti (n.f.): l'Énergie (Shakti) de la Koundalinî.
Krishna (n.m.): l'un des Avatars de Vishnou; le Seigneur de l'Amour et de l'Ânanda.
kshaya (n.m.): perte, déperdition.
Lîlâ (n.f.): jeu; la création, la manifestation considérée comme un jeu du Suprême.
manana (n.m.): le fait de penser.
maya (n.f.): dans la langue des Védas, la Connaissance créatrice; par la suite, le Pouvoir d'Illusion, le monde manifesté étant alors considéré comme une irrémédiable illusion dont il faut se défaire en s'immergeant dans l'Unique Réalité transcendante.
mâyâvâdin (n.m.): celui qui professe la doctrine de l'illusion.
môksha (n.m.): libération de l'ignorance, de l'illusion (maya) qui entraîne la libération du cycle des naissances et des morts.
moukta (adj.): libre.
moûlâdhâra (n.m.): à la base de l'épine dorsale, dans le corps subtil, le centre de la conscience physique (v. chakra).
nâbhipadma (n.m.): centre ombilical (v. chakra).
Nârâyana (n.m.): le Divin; l'un des noms de Vishnou, le Protecteur, Seigneur de l'Amour.
nididhyâsana (n.m.): contemplation fixe du mental absorbé dans l'objet de sa méditation.
nigraha (n.m.): répression.
nîla (adj.): bleu, bleu foncé ou noir.
nimittamâtram bhava: Sois simplement l'instrument (Guîtâ, 11.33).
odjas (n.m.): énergie essentielle.
Ôm: le mantra ou son qui symbolise le Brahman dans ses quatre domaines, depuis le plan extérieur ou matériel jusqu'au tourîya: le plan extérieur, le plan intérieur ou subtil et le supramental causal; chacune des lettres AUM symbolise l'un de ces plans
dans l'ordre ascendant, l'ensemble faisant apparaître le quatrième état ou tourîya (le supraconscient, l'Absolu). Placé au début d'un texte, ôm est à la fois invocation et bénédiction.
Oudâsîna (adj.): se tenant au-dessus et indifférent.
Oupanishad (n.f.): ensemble de brefs textes sacres qui font suite au Véda, dont ils diffèrent par leur caractère métaphysique. Les premières Oupanishads datent du VIIIe au VIe siècles avant J.-C.
Pâtâla (n.m.): monde de l'illusion ou de l'ombre, subconscient.
Pourousha (n.m.): l'âme, le moi ou être conscient qui, par sa présence et son assentiment, soutient les opérations de la Nature (Prakriti).
prakâsha (n.m.): lumière, rayonnement.
Prakriti (n.f.): la Nature, l'énergie active et exécutrice du cosmos, par opposition à l'âme ou être conscient qui est le témoin et le soutien (Pourousha).
prâna (n.m.): l'énergie de vie, le souffle.
pranâm (n.m.): Salutation, prosternation.
prârabdha karma (n.m.): action mécanique des instruments de la Prakriti, se poursuivant par l'élan acquis, l'habitude ou le renouvellement continu de l'énergie ancienne.
prashânti (n.f.): état général de calme et de paix.
Râdhâ (n.f.): compagne de Krishna, personnification de l'amour absolu pour le Divin.
Râdja-yoga (n.m.): yoga du mental.
râdja-yogi (n.m.): celui qui pratique le Râdja-yoga.
râkshasî-mâyâ (n.f.): illusion des pouvoirs de l'ombre.
Rishi (n.m.): voyant, sage.
rite pi tvâm: Même sans toi (Guîtâ, 11.32).
sâdhak (n.m.), sâdhikâ (n.f.): celui, celle qui suit une discipline yoguique.
sâdhanâ (n.f.): (a) la méthode de yoga et la discipline qui en dérive.
(b) la pratique du yoga et de sa discipline.
sahasradala (n.m.): le lotus aux mille pétales, centre au-dessus de la tête (v. chakra).
samyama (n.m.): maîtrise, rejet.
sandhyâ-vandana (n.m.): prière du brahmane récitée le matin, à midi et le soir.
sannyâsa (n.m.): renoncement.
sannyâsi (n.m.): celui qui a fait vœu de sannyâsa: moine errant, ascète.
sansâra (n.m.): le monde, la vie ordinaire dans l'Ignorance.
Sat (n.m.): Être, existence (v. Satchidânanda).
sattwique (adj.): v. gouna.
Satyam (n.m.): le Vrai, la Vérité.
Shakti (n.f.): l'Énergie consciente, le Pouvoir du Seigneur (Îshwara), la Force par laquelle Il s'exprime dans la Nature; la Mère universelle.
shama (n.m.): la paix divine; repos, tranquillité.
Shiva (n.m.): aspect de destruction et de transformation de la trinité indienne; le Seigneur du yoga.
shouddhâ bhakti (n.f.): pure bhakti.
shraddhâ (n.f.): foi, volonté de croire.
shravana (n.m.): audition, écoute; recueillement; réflexion.
siddha (adj. et n.m.): accompli, parfait; le yogi réalisé.
siddhi (n.f.): accomplissement, perfection, réalisation. Peut aussi signifier pouvoir occulte.
soudarshan chakra (n.m.): "le disque superbe": le bouclier de Vishnou ou de Krishna.
soukshma (adj.): subtil.
soûkshmadrishti (n.f.): vision subtile.
soushoupti (n.f.): sommeil profond. Tant que notre corps causal ou enveloppe gnostique n'est pas développé, que ses facultés ne sont pas actives, nous ne pouvons être en relation avec les plans
supérieurs que dans une soushoupti.
sphatika (n.m.): cristal. stambha (n.m.): pilier, colonne.
swabhâva (n.m.): la nature individuelle propre à chaque être.
swapna (n.m.): l'état de rêve, conscience correspondant au plan de vie subtil.
swapna-samâdhi (n.m.): transe (samâdhi) dans le sommeil (swapna).
tapas (n.m.): principe essentiel de l'énergie.
vâhana (n.m.): monture, véhicule.
vaïdyouta (adj.): électrique (dérivé de vaïdyout, l'éclair).
Vaïdyouta Agni (n.m.): le dieu du Feu (Agni) sous sa forme d'éclair, d'électricité.
vaïrâguî (n.m.): celui qui a le dégoût du monde.
vaïrâgya (n.m.): dégoût, dégoût du monde; cessation complète du désir et de l'attachement.
Véda (n.m.): le Livre de la Connaissance. Le Véda est le plus ancien des livres sacrés de l'hindouisme; il se divise en plusieurs parties dont la plus importante et la plus ancienne, le Rig-Véda, est composé d'hymnes en vers illuminateurs (rik).
Védânta (n.m.): étymologiquement, "la fin ou la culmination des Védas"; ce terme désigne originairement les Oupanishads. Par extension, le Védânta désigne l'un des six systèmes de la philosophie indienne.
védântin (n.m.): adepte du Védânta.
vînâ (n.f.): instrument de musique à cordes.
Vishnou (n.m.): l'aspect préservateur de la trinité hindoue; c'est de lui que, selon la tradition, procèdent les Avatars.
vishwamaya (adj.): universel.
Yoga-Shakti (n.f.): l'énergie spirituelle, la force du yoga.
doit venir de l'intérieur, 178; III, 219; IV, 248-49
Adesh(a), 49; III, 320; IV, 302
Âdhâr, seul le Divin doit être appelé à y pénétrer, IV, 276
Adhikâra, II, 231
Adwaita, 52-53
Affection, humaine, IV, 9-11
n'est pas exclue du yoga, IV, 21-22
vitale, IV, 24
v. aussi Amitié, Amour
Agni, Vaïdyouta Agni, IV, 173
Ahanâ, et autres poèmes, 243 '
Ajna Chakra, II, 158
conception européenne de l'a., II, 88
emploi du mot à., II, 68, 69, 181
et être psychique, II, 43. 44, 59-60, 61-62, 63, 70-77, 82-83
passage immédiat vers le monde
psychique après la mort, II, 242-43
période internatale, II, 237-48
sa nature dépasse mental, vie et corps,II, 99
voix de l'a., 111,52-53
Amitié, IV, 10
Amour, Ânanda de l'amour, III, 300
et bienveillance, III, 296; IV, 20.
humain, III, 296-97, 301; IV, 5-7, 11-12
spirituel et psychique, et mental, vital ou physique, IV, 112
vital, IV, 11-12, 25-26
Vital et a. psychique, IV, 20-21, 23-24
et expérience, III, 328-30; IV, 92-93
Amour psychique, III, 292, 296, 301-02; IV, 23-24
et a. vital, 19-21,23-24
Ânanda, 202-03; III, 15-16, 181, 327; . IV, 235, 331
vient d'abord goutte à goutte, IV, 93
Ananta (le serpent de Vishnou), IV, 208
Animal(aux), II, 313-15
Argent, IV, 319
v. aussi Commerce
Ârya, 58
Aryaman, pouvoir psychologique,II, 186
Ascension, aux plans supérieurs et descentes, 121, 128-30, 138;III, 315-16; IV, 124, 224-25
et expérience des autres yogas, 128-30
n'est pas indispensable, ni, 248
Ashram (de Sri Aurobindo)
différent des autres, IV, 55
quitter l'a., IV, 77-81
sâdhanâ à l'a. et dans le monde, IV, 55-86
son but, IV, 55
pendant le sommeil, IV, 253
Assimilation, de l'expérience, de la Force, IV, 128, 137
Atmajnâna, et soumission, III, 112
dans le yoga intégral et dans d'autres yogas, IV, 137
Attachement, absence d'à., IV, 237
action sans a., III, 209-10
surmonter l'a. dans le yoga de la
Guîtâ et dans l'ascèse, m, 195-96
Attitude, du "petit chat", III, 98,103, 106, 138
du sâdhak, IV, 103
juste, III, 60-61, 95, 107, 109
et prophètes,II, 216
souffrances et conflits réels,II, 208, 211-12
Bhagavad-Guîtâ, v. Guîtâ
Bhajan, vishnouïte, IV, 130
ahaïtouki bhakti, 202; III, 316
et soumission, III, 111-12; IV, 130
nature de lab., III, 316
Bindou, II, 6, 62
Blavatsky, Mme. J. P., II, 295
Bonté, IV, 22-23
et cruauté, 141
Brahmâ, IV, 207
état du B.,111, 112
réalisation du B. silencieux dans le yoga intégral et dans d'autres yogas, IV, 137
Brahmatcharya, IV, 173-74
Brihaspati, pouvoir psychologique, II, 186
Calme, III, 159-62, 177-83
mental, spirituel, supramental, IV, 114
Castes, commentaire sur les opinions du Mahatma Gandhi,II, 298-99
Causalité, commentaire sur l'opinion de Planck, II, 280-82
Célibat, IV, 173-74
de la gorge, II, 158-62,168-71; IV, 257, 273
de l'ombilic, II, 158-59,171-72; IV, 256
du cœur, 138; II, 158,159-60, 162, 170
du mental, II, 161,164-65; IV, 257
du sommet de la tête, II, 165-66, 167
entre les sourcils, II, 158, 159, 160, 162, 166, 167; IV, 159, 164-65, 169, 183, 184, 257, 259-60
psychique, IV, 257; v. aussi c. du cœur
sexuel,II, 171-72
usage psychologique et fonctions dans le yoga intégral, II, 159, 160
concentration cérébrale, III, 261
sa qualité de Vibhoûti,II, 210
Chaïtanya, II, 206-07, 221-23
et la conscience de l'Avatar,II, 219, 221
Chaïtya Pourousha, II, 69
processus de montée et de descente
dans le yoga intégral, 88
et expériences, IV, 107-08,122,125
psychique, première nécessité, IV, 120
quatre manières de l'amener, IV, 107-08
Chat; attitude du "petit chat", III, 98, 103, 106, 138
Cheiro. II, 275, 279
Chemin ensoleillé. III, 333
Chit-Shakti, IV, 331
Chitta, II, 119-21; III, 271
et la partie psychique, II, 69, note
pureté et calme de c. essentiels à la méditation, III, 255
et spiritualité indienne,III, 62-63
Cieux de la Vie, Les, poème,II, 182-84
Civilisation, actuelle, 4
Cœur, centre du c., 138; II, 128,153-60, 162, 170
purification du c., IV, 119-21
crainte de la c., IV, 325-26
dans l'action comme dans la conemplation, III, 44
dans la tête ou au-dessus, III, 18-19, 119, 257, 259, 260, 261, 283; IV, 129
entre les sourcils, III, 119,257,259; IV, 165
n'est pas une méditation, mais un
appel au Bien-Aimé, III, 38
objet de la e., III, 284
Confiance, III, 57-58, 80, 98-99
et plan au-dessus de la tête,II, 116-17
mentale et expérience, IV, 117-18
sacrifice de lac., II, 300-01
unité de la c., 235-36; II, 4
caractère concret de la c., II, 289; IV, 117
chutes de c. dans la sâdhanâ, IV, 130-31
corporelle, II, 109-10, 137; IV, 115
de ses propres états et mouvements, et du Divin, IV, 248
de surface, et c. intérieure, IV, 238
double, III, 39, 214-15; IV, 239, 243-44, 265, 269, 301
expériences d'extension de la c., IV, 325
intérieure et c. extérieure,II, 90-91; IV, 230, 235-36, 238, 239, 252
expériences de la c. intérieure, IV, 223-319
vivre dans la c. intérieure, IV, 248-49, 265
juste et fausse, IV, 249
physique, et expériences, IV, 137
et fluctuations de la c., IV, 132-33
et périodes de vide, IV, 138
habituellement agnostique, 127-28
individuelle et universelle,II, 137
intérieure et extérieure, II, 140-41
subtile, III, 277
y faire naître l'aspiration, III, 79
spirituelle, et évolution, 1-5
spirituelle, son stade de développement
dans le corps humain, 249-50
superposition de deux consciences, IV, 174-75
Conscience cosmique, II, 99-102; in, 60
et libération, IV, 323
et réalisation du Moi, IV, 323-24
et surmental, II, 34; IV, 319
expériences de la c. c., IV, 319-41
ouverture mentale et vitale à la c. c., IV, 324
ses deux aspects: Ignorance c. et Vérité c., IV, 298, 320
Volonté c.,II, 104
Conscience-de-Vérité, 14-15, 50, 126; IV, 314
ne peut se manifester que quand ego et désir sont surmontés, IV, 339
Consécration, III, 91, 97-117,195; IV, 127
chacun a sa manière, IV, 67-68
de la conscience terrestre, 19
de la vie, III, 20-21
essence de la c., III, 110-11
et âtmajnâna, III, 112
et attitude du témoin, IV, 242
et travail, III, 204, 229-30
obstacles intérieurs et extérieurs à lac., III, 114
par l'amour, et par le mental et la volonté, 225-26
Contact, IV, 233
Continence, v. Brahmatcharya
libération du sens du c., IV, 326
ne peut être transformé en quelque chose de non physique, IV, 316
oubli du c., non-identification, IV, 327
subtil, IV, 255
symbole de notre être réel, IV, 181
Couleurs, IV, 110, 177, 184, 187-95, 219, 228, 254, 258, 268
divers ordres de signification, IV, 177-78
et lumières, IV, 187
indiquent un jeu de forces, IV, 182-83
symbolisme exact difficile à définir, IV, 187
Création, IV, 111
intellectuelle, 179
par la Shakti cosmique, IV, 333
Croyance, 269
et foi, III, 80, 83,132
Darshan, III, 320; IV, 164
David-Néel, Alexandra, 252-53
Descente, III, 325; IV, 224-25
absence d'expérience de d. dans les anciens yogas, 129-30
"courant" descendant, IV, 95-96
de la conscience supérieure, III, 183
de silence, III, 271-72 de tranquillité, 209
et purification, IV, 124-25
et vision, IV, 166
influx du Divin, IV, 97
supramentale, et ouverture psychique, IV, 296
v. aussi Ascension, Supramental
Désirs), II, 32, 104, 131
individuel,II, 269-70
spirituelle n'est jamais abolie,III, 55
Détachement, et conscience,III, 213
et maîtrise, IV, 248
émotionnelle, et d. psychique, III, 322
ne doit pas être seulement mentale, IV, 114
Dhyâna, définition, III, 46
à plusieurs têtes et plusieurs bras, IV, 173
formes des d., II, 185, 227
Difficultés, personnelles, et celles de la transformation, IV, 94
vitales et mentales, 228-29
dans le karmayoga, III, 195, 196
Discernement, IV, 266
de la vérité de l'expérience, IV, 291-92
définition, IV, 73
et le monde, IV, 332
le rechercher pour ce qu'on peut en obtenir, 162-63; III, 11
ne peut être compris ni jugé par la raison,II, 210
personnel et impersonnel, et au-delà des deux, IV, 245
Suprême, 23; IV, 332-33
vivre dans le D., IV, 335
ne peut se faire en un moment, IV, 314-15
Divinités, et pourousha,II, 186 védiques, 131
à la Mère, et lutte contre l'ignorance
de la nature, III, 54
chacun a sa propre manière, IV, 67-68
dans le monde et à l'Ashram, IV, 56
intérieur et extérieur, IV, 106-07
n'a pas d'exigences vitales,III, 114-15
E
Égalité, III, 176, 183-89
et être central, IV, 276
instrumental, IV, 340
mur de l'ego entre la conscience extérieure et intérieure, IV, 265
vital, III, 69-70
Égoïsme, fait partie du mécanisme de la Nature universelle, IV, 340
le plus grand danger de la sâdhanâ, IV, 292-93
Élargissement, de la conscience, IV, 324-25, 328
et Amour divin, III, 290
psychique, spirituelle, IV, 90
v. aussi Centre(s), Être, Vital émotif(s)
"inconsciente", Conscience-force du Divin, 53
Engourdissement, III, 144, 181; IV, 255
Énigme de ce monde, L', 27-39, 39-40, 205
physique (matérielle, de nourriture), II, 143
Équanimité, III, 89; IV, 237
Esprit, II, 56, 107-08; IV, 89
cosmique, et forces universelles,
IV, 329-30
substance originelle de l'E., IV, 321
Étincelle du Divin, II, 56, 58-59, 61, 76, 78, 82
Être, apparence dans les différents plans, II,.144
sa divisibilité est normale, IV, 257
et ego, IV, 276
vivre dans l'ê. c., IV, 247
et être psychique, II, 127-28; IV, 8-9
ouverture de l'ê. é. dans le Divin universel, IV, 326-27
Être extérieur, de surface, H, 95, 150-.51
et être psychique, IV, 226-27
abattement du mur entre ê.i. et être extérieur, IV, 223-28
connaissance de l'ê. i. II, 45
ê i., ê. extérieur et paix,III, 170-71
et ê. extérieur, II, 87, 89, 94;III, 217; IV, 230-31, 233, 258-59
et psychique, II, 44-45, 46, 72-73, 91; IV, 228, 234, 240
sa composition, IV, 240, 243
s'ouvre aisément à la Vérité, IV, 228
s'ouvre intérieurement au psychique, au-dessus au Moi ou Esprit, IV, 259
stade de la sâdhanâ où l'ê. i. commence à s'éveiller, IV, 236-37
vivre dans l'ê. i., IV, 248-49,265-66
Être mental, II, 84, 85
et vital, IV, 258
n'est pas neutre ou vide, IV, 260
Être psychique, II, 67-83; IV, 259
caché par l'ignorance du mental, du vital et du physique, II, 92
contact avec le supramental, II, 67, 68
et âme, II, 43, 44-45, 60, 61, 63,70-71,82
et être émotif, II, 128; IV, 8-9
et être extérieur, IV, 226-27
et être intérieur, II, 45, 46, 72-73, 91; IV, 228, 234, 240
et être mental, II, 83
et forces universelles, IV, 340
et jivâtman, II, 41, 42, 53-54, 56, 58-62, 182
et renaissance, II, 237-39, 260
et transformation, IV, 246-47
et vital, II, 81
et zone intermédiaire, IV, 286
forme de l'ê. p., II, 89, 90
impossible à discerner au début, IV, 228
ne peut revêtir plus d'un corps,II, 248
n'est pas au-dessus, mais derrière, " II, 45
repos dans le monde psychique après la mort, II, 237, 239, 240-41,242
sans défaut, IV, 125
support de l'évolution individuelle, IV, 328
Être vital, et être mental, IV, 258
et renaissance, II, 73-74, 262-63
ê. v. vrai, II, 92-93
trois niveaux, IV, 256
individuels, existent partout dans l'univers, IV, 338
typaux (non évolutifs),II, 181, 182
Évolution, 1-5, 8, 31-40, 56-57
conversion de la conscience, inévitable dans l'ê., 25
terre, lieu de l'ê., 12, 19, 79-80;II, 183; IV, 338
Expérience(s), IV, 89-149, 223-341
abondance d'e., IV, 98, 103-04
commencent forcément par le plan mental, IV, 104
de la conscience cosmique, IV, 319-341
de la conscience intérieure, IV, 223-319
de rêve, IV, 96-97
description de l'ê., 212-16
et amour pour le Divin, III, 98-99; IV, 92
et changement de nature, IV, 107-08, 121-122, 125-26
et connaissance mentale, IV, 117-18
et foi, III, 81, 83
et purification, IV, 100-01, 102, 104, 119-20, 124-25
et réalisation, IV, 89, 91, 98-99, 100,01, 165
et sentiments, IV, 90-91
et siddhi, IV, 89
et silence, IV, 231-32
et travail, importance égale, IV, 91
et vision, IV, 166, 167
e. imitées, IV, 309
e. intérieure réelle à sa manière, IV, 226
ne pas sous-;estimer les petites expériences, III, 143-44; 93-94
parler des e., IV, 147-49
peut être intense et pourtant impure, IV, 106
spirituelle, et substance de la conscience, IV, 117
spirituelle, se traduit en sentiments et visions, IV, 90-91
subjectives, IV, 108-09
subjectives et objectivisation, IV, 108-11
successives et différentes, IV, 105-06
toutes ne s'accompagnent pas de joie, IV, 144
trois conditions pour les traverser en sécurité, IV, 101-02
yoguique, 223-24
Extériorisation, (sortir du corps), IV, 237
et vie spirituelle, IV, 13-14, 84-86
Fatigue, III, 230-32; IV, 136
Femme, et vie spirituelle, IV, 84-86
Feu, comme symbole, IV, 218
de la purification, IV, 218
psychique, IV, 218
v. aussi Agni
de deux sortes; celle qui fait descendre la paix et celle qui fait
et visions et voix, IV, 160
mentale et f. de l'âme, III, 80-81
action de la f. dans l'Ashram et à l'extérieur, IV, 81
"divine et effort personnel, III, 101
du Divin, IV, 224-25
fluctuations dans l'action de la f., IV, 135
réceptivité à laf., IV, 81
"tirer" la F., III, 74, 75
Forces, antidivines, III, 9
de la Nature sont conscientes, IV, 339
hostiles, II, 176,189-95; III, 153-54
jeu de f.,II, 103, 187-88;III, 121
jeu de f. et travail de la Volonté cosmique, III, 88, 89-90
agissent souvent au moyen du subconscient, IV, 340-41
définition, IV, 338
et Esprit cosmique, IV, 329-30
et transformation, IV, 115
Formations, de la zone intermédiaire, IV, 281-82
et intuitions, IV, 306
mentales, IV, 163
pouvoir de f., IV, 110
Forme(s), des dieux, II, 185, 226-27
Gandhi, Mahatma, au sujet des castes,
II, 298-300
Gopî, II, 16, 229;III, 338, 340-41
Gorge, centre de la g., II, 158-61,168-71
Goswami, yogi méthode, 113
Gouna, et action dans l'homme libéré, III, 210; IV, 330
et disciple (shishya), 103-04, 146; III, 130-31, 134-35, 139-40; IV, 68
et yoga intégral, III, 130-31; IV, 289, 297
idée mentale du g. ne remplace pas l'influence vivante, IV, 297
ses conseils ne s'appliquent pas indifféremment à tous, IV, 70
v. aussi Instructeur
Grâce, 204; III, 86, 122-29, 329-31, 333
conception n'est pas spécifiquement chrétienne, 154 n.
et assentiment du sâdhak, III, 93-94
état de G., 124, 138
n'est pas admise dans certains yogas, III, 122-23
appartient à Dieu seul, IV, 293
Habitudes, et subconscient, II, 144-45, 148, 149, 153, 154; IV, 115
Hallucinations, et visions, IV, 156, 160
Harmonie, IV, 334
avec les autres dans la vie spirituelle, IV, 16
centralisatrice de la conscience, III, 67
des mondes non évolutifs,II, 182-83
et destinée spirituelle,II, 285
êtres h., II, 175-76; IV, 338
êtres h., danger de la zone intermédiaire, IV, 285
êtres h. et forces universelles, IV, 338
forces h., II, 176, 189-95; III, 153-54
forces h. deviennent actives lorsqu'il y a ouverture à la lumière, IV, 280
forces h. ne doivent pas être admises au même titre que les forces divines, IV, 293
influence des forces h., IV, 292
utilité des forces et des êtres h.,II, 193
Housman, A. E., 207
ordinaire, effet de la descente du supramental, 18
Huxley, Aldous, 149-50
subjective et objective, IV, 109-10
transcender l'i., 26
Imagination(s), du mental vital, II, 123, 125, 126
et expérience, IV, 118, 326
Impersonnel, III, 129; IV, 322
Divin i., IV, 289, 322
Moi i., IV, 245-46
n'affecte pas les faits matériels sur terre, 128; IV, 289
ses difficultés, 105
histoire spirituelle de l'i., 3-4, 163-64
spiritualité de l'i., III, 62-63
védique, I, 3
n'est pas limité au corps physique, II,97
universalisé, 67; IV, 322
véritable, 55-56; III, 157
véritable, est une parcelle du Moi
transcendant et cosmique, II, 64
autorité requise,III, 135-36; IV, 148-49
v. aussi Gourou
Instrument, ses incapacités et l'action de la Force, III, 226
Intellect, difficulté d'abandonner les convictions de l'i., IV, 128
et expérience mystique et spirituelle, 212-16
Intériorisation, divers modes d'L, IV, 223-26
importance de l'i., IV, 226-30
souhaitable et nécessaire, IV, 265-66
conditions pour recevoir l'i. véritable, IV, 304
du Temps, IV, 305-06
et formations mentales, IV, 305-06
Isha Oupanishad, et la loi de la relativité, 247
Îshwarakôti, 70, 85
Islam, yoga islamique, III, 10
Jaïnisme, 82, 128
Jalousie, IV, 12
et résistance vitale, IV, 253
formation mentale, vitale et physique, II, 55
individuel et universel, IV, 322
pur de l'Adwaïta et jivâtman,II, 47-52
Jeans, sir James, 242-43, 248-49
Jîva, v. Jîvâtman
Jîvakoti, 70, 85; II, 247
Jîvanmoukta, II, 247-48;III, 209-10
Jîvâtman, II, 40-42, 51-52, 83-84
et Âtman,II, 43, 182
et étincelle de l'âme,II, 58-59, 61-62
et "je" pur de l'Adwaïta,II, 47
"jiva" et "j.", II, 41-42, 52
n'accompagne pas toutes les expériences, IV, 144
Kâlî, et Mahâkâlî, H, 185
Karma, conceptions populaires du K., II, 256-57
prârabdha karma, 68; IV, 244
réconcilie déterminisme et libre arbitre, II, 218
Koundalinî, et yoga intégral, 87-88; IV, 224
Koûtashtha, II, 58
Anandamaya K., II, 204
et Râdhâ, III, 340; IV, 211
le Bleu,Nila K.,IV, 194
Lumière de K., III, 342; IV, 174, 189,190, 215
Seigneur de l'Ânanda, de l'Amour
et de la Bhakti,II, 187, 188
Kshara Pourousha, II, 71
Lecture, incapacité de lire, IV, 252
Libération, IV, 235
dans l'Adwaïta, le Vishishtadwaïta et le Dwaïta, II, 100
du sens corporel, IV, 326
état ressenti lorsque se produit la 1., IV, 323
et conscience cosmique, IV, 323
v. aussi Moksha, Moukti
Liberté, et le déterminisme de la Nature, II, 284
Littérature, deux éléments dans -la "technique, III, 226
aux mille pétales, II, 158,159, 165; IV, 257
Lumière(s), 77; III, 342; IV, 159-60, 179, 182-84, 188-95
au-dehors, au-dedans, au-dessus, autour, IV, 184
clair de lune, IV, 189
dans les visions, les expériences et les réalisations, IV, 165-66
de la conscience supérieure et 1. spirituelle, II, 162
de la Mère, IV, 215
de Sri Aurobindo, IV, 189,210,215
du Soleil, IV, 191
en masse ou en forme, IV, 183
et couleur, IV, 187
étoilée, IV, 184
indique l'illumination de la conscience, IV, 183
indiquent l'action ou le mouvement de forces subtiles, IV, 159
manifestation de diverses forces, IV, 189
sont de toutes sortes, IV, 301
ne fait pas partie du yoga,II, 293
noire, II, 294
Mahâbhârata, et historicité de Krishna, II, 228
Mahas, II, 13-14
Maîtrise mentale, et soumission à l'être supérieur au mental; IV, 114, 116
et transformation, IV, 117
Manas, II, 117, 118
Manifestation, bases de la m. actuelle, II,22
divine,II, 223-24
Manomaya Pourousha, II, 84; IV, 240
et phénomène de la "double voix", IV, 276-77
répétition spontanée du m., IV, 239
Mariage, IV, 13, 57, 84-85
Massis, Henry, La défense de l'Occident, 151-57
dans la philosophe de Shankara, 50-52
McTaggart, John,III, 309-16
Méditation, III, 38, 39, 253-85; IV, 170, 234
comment se débarrasser des pensées, III, 265', 268
et sommeil, III, 275-76; IV, 253, 254-55
sa place dans le yoga intégral,III, 27-46
Mémoire, des vies passées, II, 239, 242, 262, 265-66
subconsciente (passive),II, 156, 157
subliminale,II, 157
centre du m. physique, IV, 273
centres du m., IV, 257
contient de nombreuses parties,II, 108
cosmique et m. individuel, IV, 336
et conscience, III, 212-13, 260-61
et Supramental, 240-41; IV, 184
intérieur, II, 111; IV, 259
intérieur, est très vaste, IV, 260
intérieur et m. extérieur (cerveau), IV, 232
mécanique, II, 113, 115, 117; III, 269
nervosité du m. physique dans certaines expériences, IV, 271
ouverture au m. cosmique, IV, 336
pensant, et m. physique,II, 114
réalisation m. et réalisation surmentale ou supramentale, III, 6
supérieur, II, 111; IV, 196
triple: physique (matériel, corporel); vital (dynamique, nerveux);
pur (pensée), II, 112-13
v. aussi Centre(s))
aide de la M., IV, 83
comprendre l'attitude de la M., III, 108; IV,69
descente de la conscience de la M., 111,325
Force de la M., III, 141; IV, 232
Lumière de la M., IV, 215
porter un problème à son attention, IV, 71-72
Pouvoir de la M., IV, 225
Présence de la M. dans le cœur, III, 37, 119
Présence de la M., seule expérience nécessaire, IV, 313
Protection de la M., IV, 71-72, 73
se donne dans la liberté, III, 294 ,
Mitra, pouvoir psychologique,II, 185
cosmique, III, 9; IV, 336
définitions, IV, 321
et Nature, II, 79; IV, 328-29, 335
impersonnel, IV, 245-46
réalisation du Moi, 115, 116, 139; II, 47-48
réalisation du M. et conscience cosmique, IV, 323-24
réalisation du M., un long processus, IV, 92
universel, et individualisé, IV, 321-22
v. aussi Libération, Moukti
Monde(s), accès immédiat de l'âme au m. psychique, II, 242-43
gardiens du m. psychique,II, 245, 248
manifestation du Pouvoir divin,III, 3
matériel, et m. moins matériels, IV, 162-63
mental, v. Plan
subtils, IV, 269-70
vital, 7; IV, 272-73
Morale, et conventions,II, 213-14
et vie spirituelle, 1169
transformation m. et transformation spirituelle, III, 83-84
est une force universelle, IV, 341
Moukti, IV, 235
v. aussi Libération, Moksha
Mouvement, cosmique et individuel, IV, 332
Nârâyana, IV, 207
Nature, amorale. II, 256-57
ordinaire, III, 9
supérieure (divine, etc.) et inférieure (phénoménale, etc.), II,
43-44; III, 9
universelle, IV, 254
universelle, source des pensées et des activités, IV, 295
Nerfs, physiques et subtils,II, 143
motif de l'impulsion vers le N.,II, 20
et respirations, IV, 95
Nombres, signification, II, 279; IV, 182
Nourriture, III, 241; IV, 70, 318-19
Obéissance, IV, 73, 74-75, 315
physiques subtils, IV, 176
vus d'un autre plan de conscience, ou du dedans, IV, 269-70
faculté occulte peut être utile, IV, 157-58
pouvoirs occultes et yoga,II, 291-96; IV, 120
v. aussi Magie
Odeur subtile, IV, 178, 180
des actions au Divin, IV, 246
de soi, 41, 120
Orient-Occident, pensée philosophique,
185-86
Ouspensky, P. D., 185
Oupanishad. contient en germe l'idée du supramental, 82
à la Mère,III, 118
à l'influence divine, III, 117,118,119
et pouvoir de vision, IV, 153
psychique, et descente du supramental, IV, 296
psychique, et expérience, IV, 101
véritable o. psychique et o. psychique aux mondes du mental,
du vital, etc., IV, 291-92
P
dans la vie du monde, IV, 82
dans le yoga, IV, 254
et chutes de conscience, IV, 136
Paramahamsa, 113, 114
Parâshakti. et Pouroushottama, 48
et échanges vitaux, IV, 41
parler des expériences, IV, 147-49
une partie de l'être parle à une autre, IV, 258
Passé, visions concernant le p., IV, 170
Pâtanjali, 123
Patience, III, 58, 140-43, 149
Pensée(s), absence de p. IV, 235-36
effet sur les autres, IV, 45-46
et mots, 207
viennent de l'extérieur, du Mental universel, etc., IV, 260, 295
Persévérance, III, 140, 143, 145, 149
et renaissance,II, 260, 261
Personnel et Impersonnel, 96, 127;II,
32-33; III, 129, 324; IV, 339
Peur, III, 56; IV, 268, 274
et travail,III, 207
chaque p. est un monde,II, 26-27
expériences sur le p. vital, III, 127; IV, 273, 274
interpénétration des p., 207
mental, II, 24-25; IV, 327
rencontres sur le p. vital, IV, 271
rêves du p. vital, IV, 172
supérieurs, et connaissance,II, 116-17
supraphysiques, peuvent être atteints sans supramentalisation, 11-12
vital supérieur, IV, 327
l'âme des p., II, 73,75
Poème, expression de vision et d'expérience, II, 183.
force yoguique et pouvoir poétique, littéraire,II, 293
technique de la p.,III, 226
Politique, et yoga, IV, 63-65
Possession, par des forces hostiles ou vitales, 277-278 .
et les dix Avatar, H, 200-02
Pourousha, Chaitya P., II, 69
donneur de sanction, Anoumanta Pourousha, IV, 245
impersonnel, se fait une personnalité de surface, IV, 241
individuel, IV, 330
maître, IV, 241, 248
Prânamaya P., IV, 240
témoin, III, 221; IV, 241, 242, 244, 246, 247
Pourousha et Prakriti, II, 63, 65-66, 82-83; IV, 244, 329, 330, 331
et libération dans l'action,III, 210-12
séparation de P. et P., III, 27, 39, 198; IV, 240
Pouvoir(s), divin, III, 93; IV, 224-25
emploi du terme p. dans "La Mère", II, 176
Prjna, II, 29, note
double: supérieure (parâprakriti) et
inférieure (aparâprakriti) II, 43-44. 57, 65-66
et Shakti, II, 66-67; IV, 331
Prânâyâma, III, 77, 283
de la Mère, dans l'Ashram et au-dehors, IV, 81
de la Mère, seule expérience nécessaire, IV, 313
sens subjectif de la P., IV, 163
sentiment de la P. de la Mère dans l'action,III, 158
Prière, III, 37, 78; IV, 119
pour les autres, IV, 37
Primitif, notion du temps chez
l'homme p., II, 306-07
Propagande, pour le yoga, IV, 65
Protection, de la Mère, IV, 71-72, 73
Psychique, emploi du terme "p.", II, 61-62, 70, 72-73, 75-76
entité p., II, 67-83
monde p., v. Monde(s)
selon saint Augustin,II, 106-10
de l'Âdhâr, IV, 104-05
du cœur, IV, 119-21
et expérience, IV, 100-01, 102-03, 104, 120, 124-25
et réalisation, IV, 123
par le travail,III, 37
Querelles, IV, 29-30
Râdhâ, 202; III, 340
et Krishna (symbole), IV, 211
et tapas, IV, 144
Raison, des hommes politiques et des
intellectuels, 180
Râmakrishna, II, 207
Râmatirtha, 139
Râmdas, Swâmi, III, 342
Réalisation, III, 72; IV, 98-99
concrète, IV, 91-92
définition, IV, 89, 99
et expérience, IV, 89, 91-92, 98-99, 100
et purification, IV, 123
et service, III, 202
mentale, et spirituelle, IV, 111
mentale, prépare l'expérience spirituelle, IV, 111, 112
mentale-spirituelle, 112; III, 5
ne peut se produire avant l'éveil de l'être intérieur, IV, 231
Règles, IV, 68-76
ne s'appliquent pas à tous de la même manière, IV, 70
Relations humaines, IV, 3-51
entre homme et femme, IV, 18,19, 20,23
hors du cercle des sâdhak, IV, 5
"spirituelles" ou "psychiques", III 65
vitales, IV, 12
vraies, IV, 12
Religion(s), changer de t., 164-65
Remémoration, du Divin dans le Yoga des Œuvres, III, 32-33, 217,218-19
but de la r., 11,74
époque où l'âme entre dans un nouveau corps, II, 246
et notions de récompense et de
punition,II, 246-47, 251, 256-57
et personnalité,II, 260, 261
mémoire des vies passées,II, 238-39, 242, 262, 266
passage d'un sexe à l'autre,II, 246, 254-55
passive, n'est pas une vérité universelle, II, 304
Résolution, III, 81, 141
Retraite, 226-27; IV, 310-12
de Râmakrishna, 104
et danger de la zone intermédiaire, IV, 310
et fréquentation des autres, IV, 38-41
impulsion à faire r., IV, 310-11
Rêves, II, 148, 152, 154; IV, 262-63
du plan vital, IV, 172
et retour des mouvements rejetés, IV, 236
expériences en rêve, IV, 96-97,263, 264
subconscients, IV, 262-63
Rythmes, IV, 335
Sâdhak, attitude complète du s., IV, 103
et yogi, IV, 89-90
conditions parfaites pour la s., III, 173
dans la conscience physique, IV, 133
dans l'Ashram et dans le monde, IV, 85
et poésie, littérature, etc., III, 40, 41
fluctuations dans la s., IV, 127-38
hors de l'Ashram, IV, 81-83
périodes de vide dans la s., III, 54, 78, 79; IV,
236-37
pour soi-même, et pour le Divin, IV, 62
stade auquel l'être intérieur commence à s'éveiller, IV, 236-37
systématique, intensive, III, 197, 198
trois règles de s., IV, 292-94
Samâdhi, III, 7, 276-81; IV, 224, 251, 252
état de rêve, IV, 96
Nirvikalpa S., 265, 276, 277
et principe mental d'égalité, IV, 288
Sâmkhya, et Védanta, 87
Samskâra, II, 144-45
Sannyâsa, 169
Sans-forme, représentation intellectuelle, 204
Sat, et Asat, 77
expérience du S., II, 110-11
réalisation du S. dans le travail, III, 209
développement de s., IV, 259
difficultés de l'homme sattwique,. 169
et procédés, 230-31, 241, 243
Sens, dans l'état de libération, IV, 323
intérieur (subtil, psychique), IV, 179, 180
leur activité vraie, III, 186
ouverture des s. au Divin, IV, 335
Sentiment(s), et expériences, IV, 90-91
Sentimentalité, III, 323
Service, définition, III, 201-02
et réalisation, tous deux nécessaires, III, 202
Sexe, attitude juste à l'égard dus., IV, 319
centre sexuel, II, 172
et culte de Râdhâ-Krishna,III, 340
et relations entre homme et femme, IV, 19-20
transformation des énergies matérielles, IV, 173-74
Shakespeare, II, 310, 311
de l'Avidyâ (Prakriti inférieure), II, 66-67
descente de S., III, 145
et Prakriti, IV, 331
Shankara. 64-66
Shânti, et Ânanda, III, 163
Siddhi, et expérience, IV, 89
Silence, III, 161, 162, 167, 168
absolu et fondamental, III, 167,168
absolu, n'est pas indispensable,III, 272
de la grande paix, IV, 325
descente du s., 128; III, 271-72
en transe et dans la veille, IV, 252
établi, III, 169
et expériences, IV, 232
et intuition concernant le travail, III, 220
et tranquillité, III, 154, 155-56
et tranquillité, calme, paix (définitions), III, 161
et transformation supramentale, III, 223-24
mental, III, 153, 154, 161-62, 167, 273,331
n'est pas vraiment vide, IV, 142
passif et actif, III, 167
peut persister quand l'état neutre a disparu, IV, 145
Simplicité, IV, 113
Sincérité, III, 56-57, 67-71, 126
centrale, III, 70, 142-43
centrale et totale, 113; III, 67
et purification du cœur, IV, 121
indispensable, III, 58
Singe, attitude du "petit singe''',III, 139
Solitude, IV, 16
Sommeil, IV, 262
aspiration durant le s., IV, 253
conscience dans le s., IV, 255
d'expérience, IV, 263
et samâdhi, IV, 96, 146, 251, 252, 253
éveil de l'être intérieur durant le s., IV, 262
obstacle à la méditation, III, 275, 276; IV, 255-56
survivance d'habitudes perverses dans le s., IV, 115
transformer le s. en samâdhi,,IV, 146
Sons, subtils, entendus dans la sâdhanâ, IV, 179, 180, 188, 335
Soumission, III, 92, 97-117, 195
à l'Impersonnel,III, 129
définition, IV, 89
La Synthèse des yogas, III, 84
message de S. A., 82-83; III, 2-3
son enseignement, public ou aux sâdhak, 261
vie et yoga de S. A., 143-44
Subconscient, II, 144-48; IV, 115
action des forces universelles à travers le s., IV, 340
et réapparition de ce qui a été rejeté, II, 148, 149, 151-52, 154
peut faire des choses impossibles au physique, IV, 272
Substance, de l'Esprit, IV, 321
création s., 20, 96
et surmental, II, 10, 22, 30-31, 34-35, 37-38; IV, 339
l'objectif du yoga intégral n'est pas de devenir un s., III, 1,2
Surmental, 22; II, 13-15, 22-24, 30-38; IV, 287
et conscience cosmique, II, 34; IV, 319
et supramental, 22-23; II, 10,21-22, 30-31, 34-35, 37-38
Symbole(s), IV, 195-200
dans la description de l'expérience spirituelle, 210
définition, IV, 181-82
dynamique et représentatif, IV, 174
vus couramment dans la sâdhanâ, IV, 182-83
Taïdjasa, II, 29
Tamas, IV, 136
et shama (paix divine), IV, 144
Tanmâtrâs, II, 121
théorie de la parole, II, 170 ,
Tapas, et radjas, IV, 144
et consécration, III, 108, 109, 127-28
pas toujours nécessaire,III, 139
Tapoloka, II, 24
Témoin, attitude du t., IV, 236-37,247, 329
étape nécessaire, IV, 242
et soumission, IV, 242
Pourousha t., IV, 241, 244-45, 246
lieu de l'évolution, 12, 19, 80;II, 183; IV, 338
Yoga tibétain et doctrines secrètes (W. Evans-Wentz), 79-81
"Tirer" la Force,III, 75-76
Tranquillité, III, 154-62, 172
et expérience, IV, 101-02
mentale, 209, 211; IV, 183
nécessaire pour recevoir le Pouvoir divin,III, 223
et Divin cosmique, m, 88-89
Transe, III, 278-79
de rêve, et soushoupti, IV, 96
et intériorisation, IV, 227
personnelle, et forces hostiles,II, 194
physique n'était pas le but de Krishna, Bouddha, Shankara, Râmakrishna, 111
se fait à la surface, IV, 230
n'est pas facile, 143
Trâtak, IV, 161, 177
absorption dans le t., 215, 216
aussi important que l'expérience, IV, 91
définition, III, 30-31, 202
de l'Ashram, IV, 55, 59-63
en tant qu'entraînement au yoga intégral, IV, 289-90
erreurs dans le t., 234-35, 236, 238
esprit dans lequel le t. est fait, III, 195, 204, 205; IV, 290
état idéal pour le t., III, 224-25
et utilité, IV, 62
organisé, et règles, IV, 73
se fait toujours mieux dans le silence, IV, 27
tension dans le t.,III, 230-31, 233
et Multiples, 39-40, 52, 265;II, 43
réalisation de l'u. et expression de
l'amour pour tous, III, 305-06
sens mental ou vital de l'u., et sa
réalisation spirituelle, IV, 112
univers, 77; III, 3
harmonie de l'u., IV, 334, 335
Universel, et cosmique, II, 100
Vaïkountha, II, 16
Vaïragya, 165-68
tâmasique, râdjasique, III, 334
Vampirisme, II, 76; IV, 48
Varouna, pouvoir psychologique, II, 186 .
Inde védique, 1.3
Vibhôuti, II, 200, 206
Vie, comme moyen de la sâdhanâ, IV, 62
cosmique, 337
essentielle et permanente, 55
est une ignorance, non une illusion, IV, 60
signification de la v,, II, 278; ffl,.3
Spirituelle, 163;II, 249
spirituelle, et visions, IV, 154
spirituelle, familiale et sociale, IV, 84-85
Vishnou, II, 186
pouvoir psychologique,II, 186
Vision(s), IV, 153-220
cosmique, IV, 167
des parties internes du corps, IV, 178
divers genres de v., III, 318-19
en transe et à l'état de veille, IV, 168
et descente de la conscience supérieure, IV, 166
et expériences, IV, 165-66
et hallucinations, IV, 156, 160
et réalisation, IV, 165-66
et transformation, IV, 166
et vie spirituelle, IV, 154
importance de la faculté de v., IV, 153, 254
intérieure, IV, 167-71, 234, 236
mentale(s), IV, 167
physique subtile, IV, 176-77
signes de l'ouverture du pouvoir de v., IV, 160-61
subjectives, peuvent être aussi
réelles que la vue objective, IV, 163-64
sur les plans du vital, IV, 172
une aide dans la sâdhanâ, IV, 267
utilité des v., IV, 157, 158-59
valeur du pouvoir de v., IV, 154-56
central, IV, 256
détermine d'ordinaire les actions et les choix des hommes, III, 22
doit acquérir la paix parfaite, IV, 47
doit être constamment maîtrisé, IV, 281
échanges vitaux, II, 288; IV, 41,48, 49,50
échanges vitaux et vampirisme, IV, 48-49
émotif, II, 122; IV, 257
et amour pour le Divin, III, 68,294-96
être émotif et v. supérieur,II, 127-29
fonctions et nature du v.,II, 108-09
indispensable à l'action divine ou spirituelle, IV, 8
inférieur, II, 122; IV, 256
mouvements supérieurs du v., IV, 12
nécessaire à n'importe quel travail, III, 224
ne doit pas être anéanti mais transformé, IV, 71
nettoyage du v. et paix, III, 175-76
plein de goûts et de dégoûts, IV, 26
résistance du v., 148; IV, 253
universel, et pouvoir, IV, 337
v. de surface et v. vrai, IV, 256
Vivékânanda, 175-76;II, 206; III, 136
Vivisection, II, 304-06
Voix, IV, 218, 302, 307, 309
de l'âme (du psychique), III, 52-53
intérieures, IV, 179, 180
utiles quand elles sont vraies, IV, 153
Volonté, cosmique,II, 104;III, 88-89
Volonté-Connaissance, IV, 331
Wordsworth, William, son expérience,IV, 111
Yoga(s), anciens,III, 6, 28-29
dangers du y., III, 127
des œuvres, III, 29-30, 30-31, 195-97; IV, 59-60
deux voies du y. des œuvres, III, 39-40
et Koundalinî, 87-88; IV, 224
force du y. concrète, 254-59
force yoguique et pouvoir poétique, II, 293
musulman, III, 10
n'est pas une question d'idées, 188
orienté vers Dieu, non l'homme, 174-75
principe du y. des œuvres, III, 206
vishnouïte, 151; III, 337
Yoga intégral, base du y.i., 82-83; III, 38, 153-89
but du y. i., 16, 50, 132-33; II, 50-51; III, 1-23, 49-50, 69; IV, 3
don de soi et bhakti, base du y. i.,III, 38
et autres sentiers, 47-157
et bhakti vishnouïte, III, 337
et Gourou, III, 128-31; IV, 288-89
et Tantra, 87-89
méthode du y. i., 221; III, 119, 177
nouveauté du y. i., 83, 118-20; III, 39
pas d'initiation, IV, 58
peu sont capables de satisfaire ses exigences, III, 20; IV, 56-57
place de la méditation, de la bhakti, des œuvres dans le y. i., III, 27-46
première nécessité du y. i, III, 153
principe du y. i., 5; III, 7-8, 118; IV, 3, 56-57
relations humaines et y. i., IV, 3-50
sâdhanâ du y.i., III, 3-4; IV, 116-17
technique d'un y. qui change le monde, 14; IV, 59-60
Yogi, et sâdhak, IV, 89-90
Z
Zone intermédiaire, IV, 259, 276, 282-90, 298-302
définition, IV, 298, 299
simulacres d'expériences, IV, 308-09
y passer n'est pas obligatoire, IV, 290, 297, 298, 300
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