La Vie Divine 1153 pages 2005 Edition
French Translation
  Cristof Alward-Pitoëff

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Sri Aurobindo's principal work of philosophy and metaphysics, expounding a vision of spiritual evolution culminating in the transformation of man from a mental into a supramental being and the advent of a divine life upon earth.

La Vie Divine

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Sri Aurobindo

Sri Aurobindo's principal work of philosophy and metaphysics. In this book, Sri Aurobindo expounds a vision of spiritual evolution culminating in the transformation of man from a mental into a supramental being and the advent of a divine life upon earth. The material first appeared as a series of essays published in the monthly review Arya between 1914 and 1919. They were revised by Sri Aurobindo in 1939 and 1940 for publication as a book.

Sri Aurobindo Birth Centenary Library (SABCL) The Life Divine Vols. 18,19 1070 pages 1970 Edition
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Sri Aurobindo

Sri Aurobindo's principal work of philosophy and metaphysics. In this book, Sri Aurobindo expounds a vision of spiritual evolution culminating in the transformation of man from a mental into a supramental being and the advent of a divine life upon earth. The material first appeared as a series of essays published in the monthly review Arya between 1914 and 1919. They were revised by Sri Aurobindo in 1939 and 1940 for publication as a book.

French Translations of books by Sri Aurobindo La Vie Divine 1153 pages 2005 Edition
French Translation
Translator:   Cristof Alward-Pitoëff  PDF    LINK

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De la septuple Ignorance à la
septuple Connaissance

Le sol de l'Ignorance est fait de sept marches, de sept marches le sol de la Connaissance.

Mahôpanishad. V. 1.

Il découvrit la vaste Pensée à sept tètes qui est née de la Vérité; il créa un quatrième monde et devint universel. (...) Les Fils du Ciel, les Héros de l'Omnipotent, pensant la pensée droite, donnant voix à la Vérité, fondèrent le plan de l'illumination et conçurent la première demeure du Sacrifice. (...) Le Maître de Sagesse abattit les enclos de pierre et appela les Troupeaux de Lumière (...), les Troupeaux qui se tiennent en un lieu secret sur le pont jeté par-dessus le Mensonge entre deux mondes au-dessous et un au-dessus; désirant la Lumière dans l'obscurité, il fit monter les Troupeaux de Rayons et retira le voile recouvrant les trois mondes; il démolit la cité tapie dans l'ombre, détacha les trois de l'Océan, et découvrit l'Aurore et le Soleil et la Lumière et le Monde de Lumière.

Rig-Véda. X. 67.1-5.

Le Maître de Sagesse, lorsqu'il naît pour la première fois dans l'éther suprême de la grande Lumière — nombreuses sont ses naissances, sept sont les bouches du Verbe, sept ses Rayons — disperse les ténèbres de son cri.

Rig-Véda. IV. 50.4.

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Toute évolution est, en son essence, une élévation de la force de la conscience dans l'être manifesté afin qu'il puisse être soulevé en l'intensité plus grande de ce qui n'est pas encore manifesté, de la matière en la vie, de la vie en le mental, du mental en l'Esprit. Telle doit être la méthode de notre croissance : d'une manifestation mentale à une manifestation spirituelle et supramentale, d'une humanité encore à demi animale à un être divin et une existence divine. Il faut atteindre à une hauteur, une vastitude, une profondeur, une subtilité, une intensité spirituelles nouvelles de notre conscience — de sa substance, de sa force, de sa sensibilité —, à une élévation, une expansion, une plasticité, une capacité intégrale de notre être, à un soulèvement du mental, et de tout ce qui est submental, dans cette existence plus vaste. Dans une transformation future, le caractère de l'évolution, le principe du processus évolutif, même s'il est modifié, ne changera pas fondamentalement : il se poursuivra royalement sur une plus grande échelle et suivant un mouvement libéré. Ce changement qui nous donne accès à une conscience supérieure ou à un plus haut état d'être n'est pas seulement le but et la méthode mêmes de la religion, de toute grande ascèse, du Yoga, c'est aussi la tendance innée de notre vie, le secret dessein découvert dans la somme de son labeur. Le principe de la vie en nous cherche constamment à s'affirmer et se perfectionner sur les plans du mental, de la vitalité et du corps qu'il possède déjà ; mais quelque chose en lui le pousse à aller au-delà et à transformer ces gains, à en faire pour l'esprit conscient un moyen de se déployer dans la Nature. Si une seule partie de nous-mêmes — l'intellect, le cœur, la volonté, ou le moi de désir vital —, déçue par sa propre imperfection et par le monde, s'efforçait de s'en dégager pour parvenir à une existence plus haute, en se contentant d'abandonner le reste de la nature à son sort ou à sa mort, alors un tel résultat, une telle transformation ne pourrait se

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produire — tout au moins ici, sur la terre. Mais telle n'est pas la tendance intégrale de notre existence. La Nature m nous s'efforce de se hisser elle-même, et tout notre moi, jusqu'en un principe d'être plus haut que ceux qu'elle a développés ici jusqu'à présent. Mais, dans cette ascension, elle ne met pas toute sa volonté à se détruire afin que le principe supérieur puisse être exclusivement affirmé par le rejet et l'abolition? de la Nature elle-même. Élever la force de la conscience jusqu'à ce qu'elle dépasse l'instrumentation mentale, vitale et physique pour atteindre l'essence et le pouvoir de l'Esprit, est la chose indispensable ; mais ce n'est ni le seul but, ni tout ce qui doit être accompli.  

Nous devons nous sentir appelés à vivre dans tout notre être sûr une hauteur nouvelle. Pour atteindre ce sommet, nous n'avons pas à rejeter les éléments dynamiques de notre être dans le matériau; indéterminé de la Nature et, grâce à cette perte libératrice, à demeurer dans la quiétude béatifique de l'Esprit. Cela peut toujours se faire et apporte un grand repos et une grande libération, mais ce que la Nature elle-même attend de nous, c'est que tout ce que nous sommes s'élève dans la conscience spirituelle et devienne un pouvoir manifeste et multiple de l'Esprit. Une transformation intégrale est le but intégrale de l'Être dans la Nature ; c'est le sens inné de son aspiration universelle à la transcendance as soi. C'est pour cette raison qu'en son processus la Nature ne se borne pas à s'élever jusqu'à un principe nouveau; le nouveau sommet n'est pas un étroit et intense pinacle, il amène un élargissement, établit un plus vaste domaine de vie où le pouvoir du nouveau principe peut avoir le champ suffisamment libre pour émerger. Ce mouvement d'élévation et d'expansion ne se borne pas à donner la plus grande ampleur possible au jeu du nouveau principe lui-même; il comporte aussi l'intégration de ce qui est inférieur dans les valeurs supérieures : la vie divine: ou spirituelle non seulement intégrera la vie mentale, vitale et physique transformée et spiritualisée, mais offrira au mental, au vital et au corps un jeu beaucoup plus large et plus complet que celui qui leur était accessible tant qu'ils vivaient sur leur propre plan. Il n'est pas nécessaire que notre existence mentale, notre existence physique, notre existence vitale soient détruites lorsque nous nous dépassons, ni qu'elles soient amoindries ou détériorées en se spiritualisant ; elles peuvent et doivent devenir beaucoup plus riches, plus

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vastes, plus puissantes et plus parfaites. Par ce changement divin, elles s'emparent de possibilités qu'elles n'auraient pu réaliser, ou imaginer, dans leur état non spiritualisé.

Cette évolution, ce processus d'élévation, d'élargissement et d'intégralisation est par nature une croissance et une ascension hors de la septuple ignorance jusqu'en la connaissance intégrale. Le nœud de cette ignorance est lié à notre constitution; il se transmue en une multiple ignorance du vrai caractère de notre devenir, une non-conscience de notre moi total, qui s'expliquent par la limitation qu'imposent le plan où nous demeurons et le principe dominant de notre nature. Le plan que nous occupons est celui de la Matière, le principe qui prédomine actuellement dans notre nature est l'intelligence mentale, dont le mental sensoriel, qui dépend de la Matière, est le support et le piédestal. Le fait que l'intelligence mentale et ses pouvoirs se préoccupent de l'existence matérielle telle que les sens la lui présentent et de la vie telle; qu'elle a été formulée dans un compromis entre la vie et la matière, est pour cette raison même le sceau particulier de l'Ignorance constitutive. Ce matérialisme naturel ou ce vitalisme matérialisé, cette façon de nous accrocher à nos origines, est une forme d'auto-restriction qui réduit le champ de notre existence, et il exerce une puissante influence sur l'être humain. C'est une première nécessité de son existence physique, mais une ignorance fondamentale en fait ensuite une chaîne qui l'entrave à chaque pas de son ascension : essayer de croître et d'échapper à cette limitation que l'intelligence mentale matérialisée impose à la plénitude, à la puissance et à la vérité de l'Esprit, d'échapper à cette sujétion de l'âme à la Nature matérielle, est le premier pas vers un progrès réel pour nôtre humanité. Car notre ignorance n'est pas absolue; c'est une limitation de la conscience — ce n'est pas la nescience complète qui est la marque de la même Ignorance dans les existences purement matérielles, celles qui ont la matière non seulement pour plan, mais pour principe dominant. C'est une connaissance partielle, limitative, séparative et très largement falsificatrice ; nous devons nous libérer de cette limitation et de cette falsification et croître en la vérité de notre être spirituel.

Se préoccuper ainsi de la vie et de la matière est juste et nécessaire au début, car le premier pas, pour l'homme, consiste à "-connaître cette existence physique et à en prendre possession aussi bien que possible, en

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appliquant sa pensée et son intelligence à l'expérience que son mental sensoriel peut lui en donner; mais ce n'est qu'une étape préliminaire et, si nous nous arrêtons là, nous n'avons fait aucun progrès réel : nous demeurons au même point et n'avons gagné qu'un peu plus d'espace physique, une plus grande latitude et un pouvoir accru dont notre mental se sert pour fonder sa connaissance relative et sa maîtrise insuffisante et précaire, et notre désir vital pour bousculer les choses, les pousser de-ci dé-là dans la mêlée des forces et des existences physiques. Le plus extrême élargissement d'une connaissance physique objective — embrassât-elle les systèmes solaires les plus lointains, les couches les plus profondes de la terre et de la mer et les pouvoirs les plus subtils de la substance et de l'énergie matérielles — n'est pas pour nous le gain essentiel, la chose si nécessaire à acquérir. .C'est pourquoi, en dépit des triomphes éblouissants de la science physique, l'évangile du matérialisme s'avère toujours, en définitive, un credo impuissant et vain, et c'est également pourquoi la science physique elle-même, avec tous ses accomplissements, peut apporter le confort mais n'apportera jamais à notre espèce bonheur et plénitude d'être. Notre bonheur véritable, nous le trouverons dans une juste croissance de tout notre être, dans une victoire remportée sur tous les plans de notre existence, dans une maîtrise de la nature intérieure et secrète, autant et même davantage. que dans une maîtrise de la nature extérieure et manifeste : ce n'est pas en décrivant de plus larges cercles sur le plan d'où nous sommes partis que nous atteindrons à l'intégralité, mais en le transcendant. C'est pour cette raison que, une fois le premier fondement nécessaire établi dans la' vie et la matière, nous devons élever la force de notre conscience, l'approfondir, l'élargir, la rendre plus subtile. Nous devons d'abord libérer notre moi mental et entrer dans un jeu plus libre, plus subtil et plus noble de notre existence mentale; car c'est dans le mental, beaucoup plus que dans le physique, que se trouve notre véritable existence. Dans notre nature instrumentale, comme dans tout ce que nous exprimons de nous-mêmes,'nous sommes surtout mental et; non matière, nous sommes des êtres mentaux beaucoup plus que physiques. Devenir pleinement l'être mental constitue le premier mouvement de transition vers la perfection et la liberté humaines ; et même si cette croissance ne nous rend pas réellement parfaits, même si elle ne libère pas notre âme, elle nous élève d'un degré hors de l'absorption matérielle, .et vitale, .et ainsi se relâche peu à peu l'emprise de l'Ignorance.

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En devenant des êtres mentaux plus parfaits, s'ouvre à nous: la possibilité d'une existence, d'une conscience, d'une force, d'un bonheur, d'une joie d'être plus subtils, plus élevés et plus vastes; à mesure que nous gravissons l'échelle du mental, ces choses se font plus puissantes : notre conscience mentale acquiert une vision et un pouvoir accrus, elle devient plus subtile et plastique et nous pouvons embrasser plus largement l'existence vitale et physique, la mieux connaître, la mieux utiliser, lui donner de plus nobles valeurs, un domaine plus large, une action sublimée — une échelle plus étendue, des objectifs supérieurs. Le pouvoir caractéristique de sa nature fait de l'homme un être mental; mais au cours des premières étapes de son émergence, il est plutôt un animal mentalisé, préoccupé comme l'animal de son existence physique ; il utilise son mental pour les besoins, les intérêts, les désirs de la vie et du corps, et fait de lui leur serviteur et leur ministre, pas encore leur seigneur et maître. C'est quand il se développe mentalement, et dans la mesure où son mental affirme son identité et son indépendance contre la tyrannie de la vie et dé la matière, qu'il grandit en stature. Tandis que le mental, en s'émancipant, commence à gouverner et illuminer la vie et le physique, nous voyons que les buts, les occupations, les poursuites purement mentales de la connaissance commencent, elles aussi, à prendre de la valeur. Libéré d'une autorité et de préoccupations inférieures, le mental apporte à la vie un gouvernement, une élévation, un raffinement, une harmonie et un équilibre plus subtils; les mouvements vitaux et physiques sont alors dirigés et organisés, voire transformés autant qu'ils peuvent l'être par un intermédiaire mental; ils apprennent à être les instruments de la raison et à obéir à une volonté éclairée, une perception éthique, une intelligence esthétique : plus cela s'accomplit, plus notre race devient vraiment humaine, une race d'êtres mentaux.

C'est à cette perception de la vie que les penseurs grecs accordaient la plus haute importance, et c'est l'exubérante floraison sous le soleil de cet idéal qui explique pourquoi la vie et la culture helléniques exercent encore sur nous une telle fascination. Cette perception s'est perdue par la suite et, quand elle a réapparu, elle se trouvait très affaiblie et mêlée à des éléments plus troubles. La perturbation provoquée par un idéal spirituel imparfaitement compris par l'intelligence humaine et nullement réalisé ni mis en pratique dans la vie (mais présent avec ses influences mentales et morales positives et négatives, confrontées

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à la pression antagoniste d'un élan vital dominateur et extravagant, incapable de satisfaire son libre mouvement), firent obstacle à la souveraineté du mental et à l'harmonie de la vie, à la réalisation de sa. beauté et de son équilibre. Il en résulta une ouverture vers des idéaux plus élevés, un élargissement du champ de la vie ; mais les éléments d'un nouvel idéalisme furent simplement projetés dans son action en: tant qu'influence, sans pouvoir la maîtriser et la transformer, et finalement l'effort spirituel, mal compris et jamais réalisé, se trouva rejeté. Sur le plan moral, ses effets subsistèrent, mais, privés du soutien de l'élément spirituel, ils s'affaiblirent jusqu'à devenir tout à fait impuissants. Soutenu par un immense développement de l'intelligence physique, l'élan vital devint la préoccupation majeure de l'humanité. L'accroissement considérable d'un certain type de connaissance et d'efficacité en fut le premier résultat ; une mauvaise santé spirituelle, grosse de dangers, et un immense désordre en sont les fruits les plus récents. 

Car le mental ne suffit pas même le plus vaste jeu de son intelligence ne crée qu'une demi-lumière mitigée. Une connaissance mentale superficielle de l'univers physique est un guide plus imparfait encore; l'animal pensant pourrait s'en contenter, mais non une race d'êtres mentaux travaillant à une évolution spirituelle. À elles seules, la science physique et une connaissance extérieure ne peuvent même pas connaître entièrement la vérité des choses physiques, ni trouver le juste emploi de notre existence matérielle, et la seule maîtrise des processus physiques et mécaniques ne le permet pas davantage. Pour arriver à une connaissance et une utilisation justes, il nous faut dépasser la vérité du phénomène et du processus physiques, savoir ce qui est en eux et derrière eux. En effet, nous ne sommes pas qu'un mental dans un corps; il y a un. être spirituel, un principe spirituel, un plan spirituel de la Nature. Nous devons élever la force de notre conscience jusqu'à lui, et, grâce à lui, élargir toujours plus, et même universellement et infiniment, l'étendue de notre être et le champ de notre action, intégrer notre, vie inférieure et l'utiliser à des fins plus larges, dans un plus vaste plan, à la lumière de la vérité spirituelle de l'existence. Le labeur de notre mental, la lutte de notre vie ne peuvent arriver à aucune solution tant que nous n'avons pas échappé à l'obsédante tutelle d'une Nature inférieure, intégralisé notre être naturel dans l'être et la conscience de l'Esprit, appris à utiliser nos instruments naturels grâce au pouvoir et pour la joie de l'Esprit. Alors seulement l'ignorance constitutive, l'ignorance de la constitution réelle

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de notre existence dont nous souffrons, pourra se transformer en une connaissance véritable et effective de notre être et de notre devenir. Car ce que nous sommes, c'est l'Esprit — qui, pour le moment, utilise principalement le mental, secondairement la vie et le corps, la matière étant le champ originel, mais non unique, de notre expérience. Mais elle ne l'est que provisoirement. Notre instrumentation mentale imparfaite n'est pas le dernier mot de nos possibilités : au-delà du mental, plus proches de la nature spirituelle, existent en nous d'autres principes, endormis ou invisiblement et imparfaitement actifs, des pouvoirs plus directs, des instruments plus lumineux, un état supérieur, des domaines d'action dynamique plus étendus que ceux qui relèvent de notre existence physique, vitale et mentale actuelle. Tout cela peut devenir notre état propre, faire partie de notre être, constituer les principes, les pouvoirs et les instruments de notre nature élargie. Mais alors, il ne suffit pas de se satisfaire d'une vague ou extatique ascension spirituelle en l'Esprit ou d'une élévation dans le sans-forme au contact de ses infinitudes ; leur principe doit évoluer, comme la vie a évolué, comme le mental a évolué, et organiser ses propres instruments pour sa satisfaction propre. Alors nous posséderons la vraie constitution de notre être et nous aurons conquis l'Ignorance.

La conquête de notre ignorance constitutive ne peut être complète, ne peut devenir intégralement dynamique si nous n'avons pas conquis notre ignorance psychologique car les deux sont liées. L'ignorance psychologique est une limitation de notre connaissance de nous-mêmes à cette petite vague ou ce courant superficiel de notre être qu'est le moi conscient à l'état de veille. Cette partie de notre être est un flux originel de mouvements sans forme ou seulement à demi formulés, qui se poursuit de façon continue et automatique, soutenu et maintenu d'un instant à l'autre au fil du temps par une mémoire superficielle active et une conscience sous-jacente passive, organisé et interprété par notre raison et par notre intelligence à la fois actrice et spectatrice. Derrière, se trouvent une existence et une énergie occultes de notre être secret sans lesquelles la conscience et l'activité superficielles n'auraient pu exister ni agir. Dans la Matière, seule une activité est manifeste — inconsciente à la surface des choses où s'arrête notre connaissance ; car la Conscience immanente dans la Matière est secrète, subliminale, elle n'est pas manifestée dans la forme inconsciente et dans l'énergie involuée. En nous, par contre, la conscience est devenue partiellement manifeste,

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s'est partiellement éveillée. Mais elle est enclose et imparfaite ; bornée par son auto-limitation habituelle, elle se meut dans un cercle restreint — excepté quand de sa secrète demeure intérieure jaillissent des éclairs et des pressentiments ou que des vagues en surgissent et, brisant les limites de la formation, s'écoulent au-delà ou élargissent le cercle. Néanmoins, ces apparitions occasionnelles ne peuvent guère élargir nos capacités présentes, elles ne suffisent pas à révolutionner notre condition humaine. Cela ne peut s'accomplir que si nous y déversons les lumières et les pouvoirs supérieurs encore non développés qui existent en notre être à l'état potentiel, afin qu'ils puissent y agir consciemment et normalement ; pour cela, nous devons être capables de puiser librement dans ces domaines de notre être dont ils sont originaires mais qui, pour le moment, sont subconscients ou plutôt secrètement intraconscients et circumconscients, ou bien sûpraconscients pour nous. Ou même — et cela aussi est possible —, nous devons entrer dans les parties intérieures et supérieures de nous-mêmes en plongeant au-dedans ;ou en y pénétrant de façon méthodique pour en rapporter les secrets à la surface. Ou enfin, par un changement de conscience plus radical encore, nous devons apprendre à vivre au-dedans et non plus à la surface, à être et à agir depuis les profondeurs intérieures et sur la base de notre âme devenue la souveraine de la nature.

 Cette partie de nous-mêmes que nous pouvons appeler subconsciente, dans le sens strict du terme, parce qu'elle est inférieure et obscure et se situe au-dessous du niveau mental et du plan de notre vie consciente, recouvre les éléments purement physiques et vitaux qui constituent notre être corporel ; non mentalisés, ils échappent à l'observation du mental et leur action n'est pas soumise à son contrôle. Nous pouvons considérer que le subconscient comprend aussi la conscience occulte et muette, une conscience dynamique que cependant nous ne pouvons sentir et qui agit dans les cellules, les nerfs et toute lia substance corporelle, ajustant leur processus de vie et leurs réactions automatiques. Elle inclut aussi les fonctionnements les plus élémentaires du mental sensoriel submergé, qui sont plus actifs chez l'animal et dans la vie végétale. Dans notre évolution, nous avons dépassé ce besoin d'organiser sur une grande échelle l'action de cet élément, mais il demeure submergé, œuvrant obscurément sous la surface de notre nature consciente. Cette activité obscure s'étend à un substrat mental secret et masqué où sombrent et s'endorment les impressions passées et

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tout ce qui est rejeté du mental de surface ; mais elles peuvent en resurgir dans le sommeil ou profitent de toute absence mentale pour prendre la forme de rêves, de suggestions ou d'actions mentales mécaniques, de réactions ou d'impulsions vitales automatiques, de désordres physiques où de troubles nerveux, de morbidité, de maladie, de déséquilibre. Dé notre subconscient nous ne ramenons d'habitude à la surface que ce dont notre mental sensoriel éveillé et notre intelligence ont besoin pour servir leurs desseins ; nous ne sommes pas conscients de la nature, de l'origine, du fonctionnement des choses que nous faisons émerger et n'appréhendons pas leurs valeurs propres, mais une traduction dans les valeurs de notre sensibilité et de notre intelligence humaines éveillées. Cependant, ces, mouvements; qui surgissent du subconscient, et leurs effets sur le mental et sur le corps, sont surtout automatiques et involontaires, ils ne répondent à aucune demande de notre part; nous n'avons en effet aucune connaissance du subconscient, et par conséquent aucun pouvoir sur lui. C'est seulement par une expérience anormale pour nous, le plus souvent à l'occasion d'une maladie ou de quelque perturbation de notre équilibre, que nous pouvons prendre directement conscience de quelque chose dans le monde muet — muet mais très actif— de notre être corporel et de notre vitalité, ou devenir conscients des mouvements secrets du mental mécanique subhumain, vital et physique, qui s'étend sous la surface : une conscience qui est la nôtre, mais qui ne fait pas partie de la mentalité connue et semble donc ne pas nous appartenir. Tout cela, et bien davantage encore, vit dissimulé dans la subconscience.

Une descente dans le subconscient ne nous aiderait pas à explorer cette région, car elle nous plongerait dans l'incohérence ou; dans le sommeil, dans une transe atone ou une torpeur comateuse. Une analyse ou une intuition mentales peuvent nous donner une idée indirecte et constructive de ces activités cachées ; mais ce n'est qu'en nous retirant dans le .subliminal ou en nous élevant dans le supraconscient pourvoir .de là ce qui s'étend au-dessous, ou en nous déployant dans ces obscures profondeurs, que nous pouvons prendre conscience, directement et totalement, des secrets de notre nature subconsciente physique, vitale et mentale, et nous en rendre maîtres. Cette conscience et cette maîtrise sont de la plus haute importance, car le subconscient est l'Inconscient en voie de devenir conscient; c'est le support et même la racine profonde des parties inférieures de notre être et de leurs mouvements. Il soutient et renforce tout ce qui, en nous, s'attache le plus à sa nature et refuse

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de changer : les récurrences mécaniques de la. pensée inintelligente, l'obstination, la ténacité de nos sentiments, de nos sensations, dé nos impulsions, de nos penchants, les rigidités de notre caractère qui échappent à tout contrôle. L'animal en nous — l'infernal aussi — a ses repaires dans la jungle épaisse de la subconscience. Pénétrer dans cette jungle, y amener la lumière, y établir notre maîtrise, est indispensable à la plénitude de toute vie supérieure, à la transformation intégrale de la nature. .

La partie de nous-mêmes que nous avons appelée intraconscience et circumconscience est un élément encore plus puissant et plus précieux dans la constitution de notre être. Elle comprend l'action étendue d'une intelligence intérieure et d'un mental sensoriel intérieur, d'un vital intérieur et même d'un être physique subtil intérieur qui soutient ,et englobe notre conscience de veille, qui n'est pas amené au premier plan, qui est subliminal, comme on dit aujourd'hui. Mais lorsque nous pouvons pénétrer dans ce moi caché et l'explorer, nous découvrons que nos sens et notre intelligence de veille sont dans une très large mesure une sélection de ce que secrètement nous sommes ou pouvons être, une version extériorisée, très mutilée et vulgarisée de notre être réel caché, ou une projection de ses profondeurs. Notre être de surface, au cours d'une évolution hors de l'Inconscient, a été formé, avec cette aide subliminale, afin de servir notre vie mentale et physique actuelle sur la terre; derrière lui se trouve une formation qui sert d'intermédiaire entre l'Inconscient et les plans plus vastes de la Vie et du Mental que la descente involutive a créés et dont la pression a favorisé l'évolution du mental et delà vie dans la Matière. Nos réactions de surface à l'existence physique sont étayées par une activité dans ces parties voilées, et sont souvent les réactions de ces dernières, modifiées par une interprétation mentale superficielle. Mais cette large part de notre mentalité et -die notre -vitalité qui n'est pas une réaction au monde extérieur, qui vit pour elle-même ou se projette sur l'existence matérielle pour l'utiliser et la posséder — notre personnalité — est aussi le produit, la formulation composite de pouvoirs, d'influences, de mobiles émanant de ce puissant secret de l'intraconscient.

Par ailleurs, le subliminal s'étend dans une conscience enveloppante à travers laquelle il reçoit le choc des courants et des circuits d'ondes qui 'se déversent sur nous à partir du Mental universel, de la

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Vie universelle, et des forces universelles plus subtiles de la Matière. Nous ne les percevons pas à la surface, mais notre moi subliminal les perçoit et les admet, et en fait des formations qui, à notre insu, peuvent puissamment affecter notre existence. Si nous pouvions traverser le mur qui sépare cette existence intérieure de notre moi extérieur, nous pourrions connaître et gérer les sources de nos énergies mentales et de notre action vitale présentes, et en maîtriser les effets au lieu de les subir. Mais bien que l'on puisse en connaître une large part en-y pénétrant et en regardant au-dedans, ou en communiquant avec elles plus librement, c'est seulement en passant derrière le voile du mental de surface et en vivant au-dedans, dans un mental intérieur, une vie intérieure, dans l'âme au plus profond de notre être, que nous pouvons être pleinement conscients de nous-mêmes — et aussi en nous élevant jusqu'à un plan mental supérieur à celui où demeure notre conscience de veille. Si nous vivions ainsi au-dedans, notre état évolutif actuel" encore si entravé, si tronqué, y trouverait son élargissement et son accomplissement; mais une évolution au-delà n'est possible que si nous devenons conscients dans ce qui est à présent supraconscient pour nous, si nous nous élevons vers les hauteurs originelles de l'Esprit.

Dans la supraconscience au-delà de notre niveau actuel de conscience, se trouvent réunis les plans supérieurs de l'être mental aussi bien "que les hauteurs originelles de l'être supramental et du pur être spirituel. La première étape indispensable, dans une évolution ascendante, serait d'élever notre pouvoir de conscience dans ces parties supérieures du Mental dont nous recevons déjà, mais sans en connaître la source, beaucoup de nos mouvements mentaux plus larges, en particulier ceux qui viennent avec un plus grand pouvoir, une plus grande lumière — qu'ils soient révélateurs, inspirés ou intuitifs. Si la conscience parvenait à ces hauteurs mentales, à ces vastitudes, ou s'y maintenait pour y établir son centre, alors un/ peu de la présence et du pouvoir directs de l'Esprit, et même — si secondaires ou indirects fussent-ils — du supramental, pourrait recevoir une première expression, pourrait commencer de se manifester, intervenir dans le gouvernement de notre être inférieure et contribuer à le remodeler. Cela accompli, le cours de. notre évolution -pourrait, par la force de cette nouvelle conscience, poursuivre une ascension plus sublime encore et passer au-delà du mental dans le supramental et dans la suprême nature spirituelle. Sans nous élever réellement jusqu'en ces plans mentaux à présent supraconscients, ou

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sans y vivre de façon constante ou permanente, nous pouvons: en nous y ouvrant, en recevant leur connaissance et leurs influences, nous débarrasser dans une certaine mesure de notre ignorance constitutive et psychologique; nous pouvons être conscients de nous-mêmes en tant qu'êtres spirituels, et spiritualiser, si imparfaitement que. ce soit, notre vie et notre conscience humaine normale. Il serait alors possible d'établir une communication consciente avec cette mentalité plus grande et plus lumineuse, d'être guidé par elle, et de recevoir ses forces illuminatrices et transformatrices. Cela est à la portée de l'être humain hautement développé ou spirituellement éveillé ; mais ce ne serait qu'un stade préliminaire. Pour atteindre à une connaissance de soi intégrale, à une conscience et a un pouvoir d'être entiers, il. est nécessaire de s'élever par-delà le plan mental ordinaire. Cette ascension est actuellement possible par une plongée en la supraconscience; mais nous ne pourrions alors pénétrer dans ces plans supérieurs que dans un état de transe immobile ou, extatique. Si cet être spirituel suprême est appelé à gouverner notre existence de veille, il faut qu'il y ait une élévation et un élargissement conscients jusqu'en d'immenses domaines d'être nouveau, de conscience nouvelle, de nouvelles potentialités d'action, il faut une intégration — aussi intégrale que possible — de notre être, de notre conscience et de nos activités actuelles qui seraient transmuées en leurs valeurs divines jusqu'à transfigurer notre existence humaine, Car où que se produise une transition radicale, on observe toujours ce triple mouvement — ascension, élargissement du champ et de la base, intégration — dans ce processus d'auto-transcendance de la Nature.

Tout changement évolutif de ce genre doit être nécessairement accompagné d'un rejet de notre ignorance temporelle réductrice, car non seulement nous vivons encore dans le temps, de moment en moment, mais toute notre vision se limite à notre vie dans notre corps actuel, entre une naissance et une mort uniques. De même que notre regard ne remonte pas plus loin dans le passé, de même ne se porte-t-il pas plus loin dans l'avenir ; ainsi notre mémoire et notre conscience physiques de la vie présente nous limitent dans une formation corporelle transitoire. Mais; cette limitation de notre conscience temporelle dépend étroitement du fait que notre mentalité se préoccupe du plan et de la vie matériels où elle agit pour le moment. La limitation n'est pas une loi de l'Esprit, mais une disposition temporaire pour une première opération prévue de notre nature manifestée. Si cette préoccupation se relâche ou

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qu'on 'l'écarté, si le mental s'élargit, s'il se crée une ouverture au subliminal et au supraconscient, à l'être intérieur et supérieur, nous pouvons avoir la réalisation de notre existence qui perdure dans le temps, et celle de notre existence éternelle au-delà. Cela est essentiel pour avoir une vision correcte de notre connaissance de nous-mêmes, car' à présent notre conscience et notre action sont tout entières viciées par une erreur de perspective spirituelle qui nous empêche de voir dans leurs justes proportions et leurs justes rapports la nature, le but et les conditions de notre être; La plupart des religions font de la croyance en l'immortalité an point essentiel, parce qu'elle est une évidente nécessité si nous devons nous élever au-delà de notre état d'identification avec le corps et ses préoccupations matérielles. Mais une croyance ne suffit pas à corriger radicalement cette erreur de perspective. La vraie connaissance de notre être dans le temps ne peut nous être révélée que lorsque nous vivons dans la conscience de notre immortalité ; il faut que s'éveille en nous la perception concrète de notre être perpétuel dans le Temps et de notre existence intemporelle.

L'immortalité, en effet, dans Son sens fondamental, ne signifie p&s seulement une sorte de survivance personnelle après la mort du corps; nous sommes immortels de par l'éternité de notre existence en soi sans commencement ni fin, au-delà de toute la succession des naissances et des morts physiques que nous traversons, au-delà des alternances de notre existence passant de ce monde à d'autres mondes : l'existence intemporelle de l'esprit est la vraie immortalité. Ce terme possède assurément un sens secondaire, qui a sa vérité ; corollaire de cette vraie immortalité, il existe en effet une continuité perpétuelle de notre existence et de notre expérience temporelles de vie en vie, de monde en monde après la dissolution du corps physique; mais c'est là une conséquence naturelle de notre intemporalité qui s'exprime ici comme perpétuité dans le Temps éternel. La réalisation de l'immortalité intemporelle vient par la connaissance de soi dans la Non-Naissance et le Non-Devenir, et de l'Esprit immuable en nous. La réalisation de l'immortalité temporelle vient par la connaissance du moi dans la Naissance et le Devenir et se traduit par le sens d'une identité persistante de l'âme à travers tous les changements de mental, de vie et de corps ; cela non plus n'est pas une simple survivance, c'est l'intemporalité traduite dans la manifestation du Temps. La première de ces réalisations nous affranchit de l'obscure sujétion à la chaîne des naissances et des morts, et c'est en

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Inde l'objet suprême de nombreuses disciplines ; la seconde, ajoutée à la première, nous permet de posséder librement, avec la connaissance juste, sans ignorance, sans être lié à la chaîne de nos actions, les expériences de l'esprit en ses successions de l'éternité temporelle. Par elle-même, une réalisation de l'existence intemporelle pourrait ne pas inclure la vérité de cette expérience du moi persistant dans le Temps éternel ; de même, une réalisation de la survivance à la mort n'exclurait pas nécessairement un commencement ou une fin de notre existence. Mais dans l'une .et l'autre réalisations — si on les envisage de la façon vraie, comme les deux faces d'une seule vérité —, le changement fondamental consiste à exister consciemment dans l'éternité, au lieu d'être asservi à l'heure et à la succession des moments : exister ainsi est une première condition de la conscience divine et de la vie divine. Saisir et, depuis cette éternité intérieure de l'être, gouverner le cours et le processus du devenir est la seconde -— la condition dynamique, avec pour résultat pratique une possession et une maîtrise spirituelles de soi. Ces changements ne sont possibles que si nous nous détachons de nos préoccupations matérielles absorbantes — sans qu'il soit nécessaire de rejeter ou de négliger la vie dans: le,corps'—et si nous vivons constamment sur les plans intérieurs et supérieurs du mental et de l'esprit. En effet, l'élévation de notre conscience jusqu'en son principe spirituel s'effectue par une ascension et un retrait intérieur — ces deux mouvements sont essentiels — hors de notre 'vie transitoire qui s'écoule de moment en moment pour entrer dans la vie éternelle de notre conscience immortelle. Mais il se produit en même temps un élargissement du champ de notre conscience et du domaine de notre action dans le temps, ainsi qu'une intégration et .un plus parfait usage de notre existence mentale, vitale et corporelle. Se manifeste alors une connaissance de notre être, qui ne considère plus celui-ci comme une conscience dépendant du corps, mais comme un Esprit éternel utilisant tous les mondes et toutes les vies pour une expérience de soi diversifiée ; il nous apparaît comme une entité spirituelle habitée par une vie continue de l'âme développant perpétuellement ses activités à travers des existences physiques successives, par un être déterminant son propre devenir. Grâce à cette connaissance, qui n'est pas conceptuelle mais vécue en notre substance même, il devient possible de vivre, non comme les esclaves d'une impulsion karmique aveugle, mais en souverains — soumis au seul Divin en nous — de notre être et de notre nature.

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Nous nous débarrassons en même temps de l'ignorance égoïste; car aussi longtemps qu'elle nous tiendra enchaînés — à quelque étape que ce soit —, la vie divine restera inaccessible, ou son expression demeurera imparfaite. Car l'ego est une falsification de notre individualité vraie, due au fait que celle-ci s'identifie et se limite à cette vie, à ce mental, à ce corps : c'est une séparation d'avec les autres âmes qui nous enferme dans notre expérience individuelle et nous empêche de vivre en tant qu'individu universel ; c'est une séparation d'avec Dieu, notre Moi suprême, qui est l'unique Moi en toutes les existences et l'Habitant divin en nous. Quand un changement de conscience se produit, quand celle-ci atteint à la hauteur, la profondeur et l'immensité de l'esprit, l'ego ; ne peut; survivre; trop petit et trop faible pour subsister dans cette immensité, il s'y dissout, car il n'existe que par ses limites et périt quand elles disparaissent. L'être emprisonné dans une individualité séparée s'échappe, devient universel, assume une conscience cosmique où i-1 s'identifie avec le moi et l'esprit, avec la vie, le mental, le corps de tous les êtres. Ou bien il s'échappe vers le haut, dans un suprême pinacle, un infini, une éternité d'existence pure, indépendante de son existence cosmique ou individuelle. Perdant son enceinte séparative, l'ego s'effondre dans l'immensité cosmique, ou tombe dans le néant, incapable de respirer sur les cimes de l'éther spirituel. Si, par habitude de la Nature, une partie de ses mouvements subsiste, ceux-ci finissent également par se détacher et sont remplacés par une nouvelle façon personnelle-impersonnelle de voir, de sentir, d'agir. Cette disparition de l'ego n'entraîne pas la destruction de notre individualité vraie, de notre existence spirituelle vraie, qui a toujours été universelle et une avec la Transcendance; mais il y a une transformation,'et l'ego séparateur est remplacé par le notre, visage et symbole conscients de l'être universel, moi et pouvoir du Divin transcendant dans la Nature cosmique.

Dans le même mouvement, et du fait de cet éveil en l'esprit, l'ignorance cosmique se dissout, car nous nous connaissons en tant que moi intemporel qui se possède dans le cosmos et au-delà du cosmos; cette connaissance devient la base du Jeu Divin dans le temps, réconcilie l'un et le multiple, l'unité éternelle et l'éternelle multiplicité, réunit l'âme à Dieu et découvre le Divin dans l'univers. C'est par cette réalisation que nous pouvons nous approcher de l'Absolu comme origine de toutes les circonstances et de toutes les relations, posséder le monde en nous-mêmes dans sa plus vaste étendue, tout en demeurant consciemment

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relié à sa source et, en l'intégrant ainsi, l'élever et réaliser à travers lui les valeurs absolues qui convergent en l'Absolu. Si notre connaissance de nous-mêmes est ainsi parachevée dans tous ses éléments essentiels, notre ignorance pratique — qui prend les formes extrêmes du méfait, de la souffrance, du mensonge et de l'erreur, et qui est la cause de toutes les confusions et discordes de la vie —, fera place à la volonté juste de se connaître. Ses valeurs fausses ou imparfaites reculeront alors devant les valeurs divines de la vraie Conscience-Force et du vrai Ânanda. La conscience juste, l'action juste, l'existence juste — non au sens humain et imparfait de notre petite morale humaine, mais dans le mouvement large et lumineux d'une existence divine —, ont pour conditions l'union avec Dieu, l'unité avec tous les êtres, une vie gouvernée et formée du dedans vers le dehors, où la source de toute pensée de toute volonté, de toute action soit l'Esprit œuvrant selon la vérité et la loi divine qui ne sont pas élaborées et construites par le mental d'Ignorance, mais existent en soi et s'accomplissent spontanément — moins une loi que la vérité agissant dans sa propre conscience et suivant le processus libre, lumineux, plastique et automatique de sa connaissance.

Tels sembleraient être la méthode et le résultat de l'évolution spirituelle consciente : une transformation de la vie de l'Ignorance en la vie divine de l'esprit conscient de la vérité, un changement du mode d'être mental en un mode d'être spirituel et supramental, une expansion du moi hors de l'ignorance septuple jusqu'en la septuple connaissance. Cette transformation serait l'aboutissement naturel du processus ascendant de la Nature, à mesure qu'elle élève les forces de la conscience d'un principe à un principe supérieur, jusqu'à ce que le plus haut, le principe spirituel, s'exprime et prédomine en elle, intègre en sa vérité l'existence cosmique et l'existence individuelle des plans inférieurs et transforme tout en une manifestation consciente de l'Esprit. L'individu vrai, l'être spirituel émerge, individuel et cependant universel, universel et transcendant pourtant le moi : la vie n'apparaît plus comme une formation de choses et une action de l'être créées par l'Ignorance séparatrice.

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