Sri Aurobindo's principal work of philosophy and metaphysics, expounding a vision of spiritual evolution culminating in the transformation of man from a mental into a supramental being and the advent of a divine life upon earth.
Sri Aurobindo's principal work of philosophy and metaphysics. In this book, Sri Aurobindo expounds a vision of spiritual evolution culminating in the transformation of man from a mental into a supramental being and the advent of a divine life upon earth. The material first appeared as a series of essays published in the monthly review Arya between 1914 and 1919. They were revised by Sri Aurobindo in 1939 and 1940 for publication as a book.
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Celui dont le moi est devenu toutes les existences, car il a la connaissance, comment pourrait-il être trompé, d'où lui viendrait la peine, lui qui partout voit l'unité ?
Îshâ Upanishad. Verset 7.
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Cette conception du Supramental que nous venons d'élaborer, et qui s'oppose aux notions mentales sur lesquelles se fonde notre existence humaine, nous donne une idée, non plus vague, mais bien précise, de la divinité et de la vie divine, termes qu'autrement nous sommes condamnés à employer sans rigueur pour formuler, de manière assez floue, une aspiration vaste et cependant presque intangible ; elle nous permet aussi d'appuyer ces idées sur un raisonnement philosophique solide, d'établir clairement leur relation avec l'humanité, et avec la vie humaine où nous puisons encore toute notre joie. Notre espoir et notre aspiration se trouveront ainsi justifiés par la nature même du monde, par nos antécédents cosmiques et par l'avenir inéluctable de notre évolution. Nous commençons à saisir intellectuellement ce qu'est le Divin, la Réalité éternelle, et comment le monde est issu de Lui. Nous commençons aussi à percevoir comment ce qui vient du Divin doit inévitablement retourner au Divin. Nous pouvons maintenant nous demander avec profit, et avec une chance d'obtenir une réponse plus claire, de quelle manière doit s'effectuer le changement et ce qu'il nous faut devenir pour réaliser ces choses dans notre nature et notre vie et dans nos relations avec les autres, puisqu'il ne s'agit pas seulement d'une réalisation extatique et solitaire dans les profondeurs de notre être. Certes, il y a encore un défaut dans nos prémisses; car nous nous sommes jusqu'ici efforcés de définir pour nous-mêmes ce qu'est le Divin en sa descente vers la Nature limitée, alors qu'en fait nous sommes nous-mêmes le Divin qui, dans l'individu, s'élève de la Nature limitée pour retourner à sa propre divinité. Cette différence de mouvement doit impliquer une différence entre la vie des dieux qui n'ont jamais connu la chute, et la vie de l'homme rédimé, conquérant la divinité perdue et portant l'expérience en lui, et peut-être aussi les nouvelles richesses qu'il a amassées en acceptant l'extrême descente. Quoi qu'il en soit, il ne peut y avoir de différence
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dans les caractères essentiels, mais seulement dans la forme et la coloration. Sur la base des conclusions auxquelles nous sommes arrivés, nous pouvons d'ores et déjà déterminer la nature essentielle de la vie divine à laquelle nous aspirons.
Que serait donc l'existence d'une âme divine qui ne serait point descendue dans l'ignorance du fait de la chute de l'Esprit dans la Matière et de l'éclipsé de l'âme par la Nature matérielle ? Quelle serait la conscience de cette âme vivant dans la Vérité originelle des choses, dans l'unité inaliénable, dans le monde de son propre être infini comme l'Existence divine elle-même, mais qui, grâce au jeu de la divine Maya et à la distinction entre la Conscience-de-Vérité compréhensive et la Conscience-de-Vérité appréhensive, serait capable de jouir aussi de sa différence avec Dieu et de son unité avec Lui, d'embrasser la différence et néanmoins l'unité avec d'autres âmes divines dans le jeu infini de l'Identique qui se multiplie ?
Évidemment, l'existence d'une telle âme serait toujours contenue en soi dans le jeu conscient de Satchidânanda. Elle serait, en son être, existence en soi pure et infinie ; en son devenir, elle serait un libre jeu de la vie immortelle que n'envahiraient ni la mort, ni la naissance, ni le changement de corps, parce que l'ignorance ne l'obscurcirait pas et qu'elle ne serait pas involuée dans les ténèbres de notre être matériel. Elle serait en son énergie une conscience pure et illimitée, qui aurait pour assise une tranquillité lumineuse, éternelle, et serait cependant capable de jouer librement avec les formes de la connaissance et les formes du pouvoir conscient, calme, non affectée par les trébuchements de l'erreur mentale et les méprises de notre volonté en lutte, car elle ne s'écarterait jamais de la vérité ni de l'unité, ne déchoirait jamais de la lumière inhérente et de l'harmonie naturelle de son existence divine. Elle serait finalement la pure et inaliénable félicité de son éternelle expérience de soi et, dans le Temps, une libre variation de béatitude non affectée par nos perversions — antipathie, haine, mécontentement, souffrance —, parce qu'elle ne serait pas divisée en son être, ni déconcertée par la volonté personnelle qui s'égare, ni pervertie par la stimulation ignorante du désir.
Sa conscience ne serait exclue d'aucune partie de la vérité infinie, ni limitée par aucune position, aucun statut qu'elle pourrait assumer dans ses rapports avec les autres, ni non plus condamnée à perdre
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aucunement sa connaissance de soi en acceptant une individualité purement phénoménale et le jeu d'une différenciation pratique. Dans son expérience de soi, elle vivrait éternellement dans la présence de l'Absolu. Pour nous, l'Absolu n'est qu'une conception intellectuelle de l'existence indéfinissable. L'intellect nous dit simplement qu'il y a un Brahman plus haut que le plus haut,¹ un Inconnaissable qui se connaît d'une façon qui n'est pas celle de notre connaissance ; mais l'intellect ne peut nous conduire en sa présence. Au contraire, l'âme divine vivant en la Vérité des choses se percevrait toujours consciemment comme une manifestation de l'Absolu. Elle aurait conscience de son existence immuable comme de la " forme inhérente² " originelle de ce Transcendant, Satchidânanda, et percevrait le jeu de son être conscient comme la manifestation de Cela dans les formes de Satchidânanda. Dans tous ses états, tous ses actes de connaissance, elle serait consciente de l'Inconnaissable prenant connaissance de lui-même par une forme changeante de connaissance de soi ; dans tous ses états, tous ses actes de pouvoir, de volonté ou de force, elle serait consciente de la Transcendance se possédant elle-même par une forme de pouvoir d'être et de connaissance conscients ; dans tous ses états, tous ses actes de félicité, de joie ou d'amour, elle serait consciente de la Transcendance s'embrassant elle-même par une forme de jouissance de soi consciente. Cette présence de l'Absolu ne l'accompagnerait pas comme une expérience entrevue par instants ou finalement atteinte et conservée non sans peine, ni comme un supplément, une acquisition ou un couronnement surajouté à son état d'être ordinaire; ce serait la base même de son être à la fois dans l'unité et dans la différenciation ; cet Absolu serait présent pour elle dans tout ce qu'elle connaît, veut, fait et goûte ; il ne serait absent ni de son moi intemporel, ni d'aucun moment du Temps, ni de son être aspatial, ni d'aucune détermination de son existence déployée, ni de sa pureté inconditionnée au-delà de toute cause et de toute circonstance, ni d'aucune relation de circonstance, de condition et de causalité. Cette présence constante de l'Absolu serait la base de sa liberté et de son ravissement infinis, garantirait sa sécurité: dans le jeu et serait la racine, la sève et l'essence de son être divin.
De plus, cette âme divine vivrait simultanément dans les deux termes de l'existence éternelle de Satchidânanda, dans les deux pôles inséparables du déploiement de soi de l'Absolu que nous appelons l'Un
¹parâtpara.
²svarûpa.
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et le Multiple; Tout être vit ainsi en réalité; mais pour noire conscience de nous-mêmes divisée, il y a une incompatibilité, un abîme entre les deux, qui nous oblige à faire un choix : demeurer dans la multiplicité, exilés de la conscience directe et entière de l'Un, ou bien dans l'unité qui repousse la conscience du Multiple. Mais l'âme divine ne serait pas asservie à ce divorce et à cette dualité. Elle prendrait conscience en elle-même, à la fois de son infinie concentration et de son expansion et diffusion infinies. Elle percevrait simultanément l'Un en sa conscience unitaire contenant en soi l'innombrable multiplicité comme en puissance, inexprimée et donc non existante pour notre expérience mentale de cet état, et l'Un en sa conscience déployée contenant la multiplicité projetée et active comme jeu de son être, de son vouloir et de son ravissement conscients. Elle percevrait également le Multiple tirant toujours à lui l'Un qui est la source et la réalité éternelles de son existence, et le Multiple s'élevant toujours, attiré vers l'Un qui est l'éternel couronnement et la bienheureuse justification de tout son jeu de différence. Cette vaste vision des choses est le moule de la Conscience-de-Vérité, la fondation de la large Vérité et du Juste¹ chantés par les voyants védiques ; l'unité de tous ces contraires est l'Advaïta véritable, la parole suprême et intégrale de la connaissance de l'Inconnaissable.
L'âme divine percevra toutes les variations de l'être, de la conscience, de la volonté et de la félicité comme la coulée, l'extension, la diffusion de cette Unité concentrée en soi qui se développe, non dans la différence et la division, mais dans une autre forme, déployée, de l'unité infinie. Elle sera elle-même toujours concentrée en l'unité dans l'essence de son être, toujours manifestée en la diversité dans l'extension de son être. Tout ce qui prend forme en elle sera l'une des potentialités manifestées de l'Un : le Mot ou le Nom vibrant hors du Silence sans nom, la Forme réalisant l'essence sans forme, la Volonté ou la Puissance actives émergeant de la Force tranquille, le rayon de la connaissance de soi dont la lumière émane du soleil de l'intemporelle conscience de soi, la vague du devenir s'élevant, pour revêtir la forme de l'existence consciente de soi, hors de l'Être éternellement conscient de soi, la joie et l'amour jaillissant à jamais de l'éternel, de l'immuable Félicité. L'âme divine sera l'Absolu duel en son propre déploiement, et chaque relativité en elle y sera absolue pour elle-même parce qu'elle se percevra comme l'Absolu
¹En sanskrit, satyam ritam brihat (N.d.t.).
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manifesté, mais sans cette ignorance qui exclut les autres relativités comme étrangères à Son être ou moins complètes qu'elle.
Dans l'extension, l'âme divine aura conscience des trois degrés de l'existence supramentale, non point comme nous sommes mentalement forcés de les considérer, non point comme des degrés, mais comme un fait tri-un de la manifestation de soi de Satchidânanda. Elle pourra les embrasser dans une seule et unique réalisation de soi globale — car une vaste globalité est le fondement du Supramental conscient de la vérité. Elle pourra divinement concevoir, percevoir et sentir toutes choses comme le Moi, son propre moi, l'unique moi de tout, unique être du Moi et devenir du Moi, mais non divisé en ses devenirs qui n'ont d'autre existence que sa conscience de soi. Elle pourra divinement concevoir, percevoir et sentir toutes les existences comme des formes d'âme de l'Un dont chacune a son être propre en l'Un, son propre point de vue en l'Un, ses propres rapports avec toutes les autres existences qui peuplent l'unité infinie, mais qui toutes dépendent de l'Un, chacune étant une forme consciente de Lui en Sa propre infinité. Elle pourra divinement concevoir, percevoir et sentir que toutes ces existences, en leur individualité, en leur point de vue séparé, vivent comme le Divin individuel, que chacune est habitée par l'Un et Suprême, et qu'elle n'est donc pas seulement une forme ou une effigie, pas réellement une partie illusoire d'un tout réel, ni simplement une vague écumante à la surface d'un immobile Océan — car après tout, ce ne sont là qu'images mentales inadéquates, et rien de plus —, mais un tout dans le tout, une vérité qui répète la Vérité infinie, une vague qui est toute la mer, un relatif qui se révèle être l'Absolu lui-même quand nous regardons derrière la forme et la voyons en sa totalité.
Ce sont là, en effet, trois aspects de l'unique Existence. Le premier repose sur cette connaissance de soi que, selon notre réalisation humaine du Divin, l'Upanishad décrit comme le Moi en nous qui devient toutes les existences; le second, comme la vision de toutes les existences dans le Moi et le troisième comme la vision du Moi en toutes les existences. Le Moi qui devient toutes les existences est la base de notre unité avec le tout ; le Moi qui contient toutes les existences est la base de notre unité dans la différence; le Moi qui demeure en tout est la base de notre individualité dans l'universel. Si l'imperfection de notre mentalité, si son besoin de concentration exclusive l'obligent à insister
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sur l'un ou l'autre de ces aspects de la connaissance de soi à l'exclusion des autres, si une réalisation imparfaite autant qu'exclusive nous pousse toujours à introduire un élément humain d'erreur jusque dans la Vérité elle-même, et de conflit, de négation mutuelle dans l'unité qui comprend tout, il n'en est pas moins vrai que, pour un être divin supramental, de par le caractère essentiel du supramental qui est unité globale et totalité infinie, ces trois aspects doivent se présenter comme une réalisation triple et, en fait, tri-une.
Si nous supposons que cette âme trouve son équilibre, son centre dans la conscience du Divin individuel vivant et agissant en relation distincte avec les "autres", elle possédera néanmoins, dans les fondements de sa conscience, l'entière unité dont tout émerge, et, à l'arrière-plan de cette conscience, l'unité déployée et l'unité restreinte, et elle pourra retourner à l'une ou à l'autre et, de là, contempler son individualité. Dans le Véda, toutes ces positions sont l'apanage des dieux. Par essence, les dieux sont une seule existence à laquelle les sages donnent différents noms ; mais en son action fondée dans la vaste Vérité et dans la Justice, et ce qui en découle, on dit d'Agni, ou de toute autre divinité, qu'il est tous les dieux, qu'il est l'Un qui devient tout; on dit aussi qu'il contient tous les dieux comme le moyeu d'une roue contient les rayons, qu'il est l'Un qui contient tout; et cependant, en tant qu'Agni, on le décrit comme une divinité séparée, celle qui aide toutes les autres, les dépasse en force et en connaissance, bien qu'il occupe une position inférieure dans le cosmos et leur serve de messager, de prêtre et d'ouvrier — créateur et père du monde, il est pourtant le fils né de nos œuvres ; il est, autrement dit, le Moi ou Divin originel et le Moi ou Divin immanent manifesté, l'Un qui demeure en tout.
Toutes les relations de l'âme divine avec Dieu, son Moi suprême, et avec ses autres moi en d'autres formes seront déterminées par cette connaissance de soi compréhensive. Ces relations seront des relations d'être, de conscience et de connaissance, de volonté et de force, d'amour et de félicité. Pouvant varier à l'infini, elles n'ont besoin d'exclure aucune relation d'âme à âme compatible avec la préservation du sens inaliénable d'unité, malgré tous les phénomènes de différence. Ainsi, dans la joie que lui procurent ces relations, l'âme divine goûtera le délice de toute sa propre expérience en elle-même, et le délice de toute son expérience dans ses 'rapports avec les autres, comme une
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communion avec d'autres moi en d'autres formes créées pour un jeu varié dans l'univers ; elle connaîtra aussi le délice des expériences de ses autres moi comme si elles étaient siennes — ce qu'elles sont en vérité. Et elle aura tous ces pouvoirs parce qu'elle sera consciente de ses propres expériences, de ses relations avec les autres et des expériences des autres ainsi que de leurs relations avec elle comme étant toute la joie, tout l'Ananda de l'Un, du Moi suprême, de son moi propre, différencié parce qu'il habite séparément toutes ces formes comprises en son être, et pourtant un dans la différence. Cette unité étant la base de toute son expérience, elle sera libre des discordes de notre conscience divisée, divisée par l'ignorance et un égoïsme séparateur ; tous ces moi et leurs relations joueront chacun consciemment le jeu de tous les autres; ils se sépareront et se fondront les uns dans les autres comme les notes innombrables d'une harmonie éternelle.
Et la même règle s'appliquera aux relations de son être, de sa connaissance, de sa volonté avec l'être, la connaissance et la volonté des autres. Car toute son expérience et tout son délice seront le jeu d'une force d'être consciente qui trouve en soi sa propre félicité ; et obéissant à cette vérité de l'unité, la volonté qui l'anime ne pourra entrer en conflit avec la connaissance, pas plus que la connaissance et la volonté ne pourront s'opposer à la félicité. La connaissance, la volonté et la félicité d'une âme n'entreront pas non plus en conflit avec la connaissance, la volonté et la félicité d'une autre âme car, étant conscientes de leur unité, c'e qui est conflit, lutte et discorde en notre être divisé, y sera la rencontre, l'entrelacement, le jeu combiné des différentes notes d'une harmonie unique et infinie.
Dans ses rapports avec son Moi suprême, avec Dieu, l'âme divine aura ce sens de l'unité du Divin transcendant et universel avec son être. Elle goûtera cette unité de Dieu avec elle-même en sa propre individualité et avec ses autres moi dans l'universalité. Ses rapports de connaissance seront le jeu de l'omniscience divine, car Dieu est Connaissance, et ce qui, en nous, est ignorance ne sera là que retenue de la connaissance dans le repos de la perception de soi consciente, afin que certaines formes de cette perception puissent être projetées comme activité de Lumière. Ses rapports de volonté seront le jeu de l'omnipotence divine, car Dieu est Force, Volonté et Pouvoir, et ce qui, en nous, est faiblesse et incapacité sera retenue de la volonté dans use ;force tranquille et concentrée, afin
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que certaines formes de la divine force-consciente puissent se réaliser une fois projetées dans une forme de Pouvoir. Ses relations d'amour et de félicité seront le jeu de l'extase divine, car Dieu est Amour et Félicité, et ce qui, en nous, serait la négation de l'amour et de la joie sera retenue de la joie dans l'immobile océan de la Béatitude afin que certaines formes d'union et de joie divines puissent être projetées dans un soulèvement des vagues de la Béatitude. De même tout son devenir sera la formation de l'être divin en réponse à ces activités, et ce qui, en nous, est cessation, mort, annihilation ne sera que repos, transition, ou retenue de la Maya et de sa joie créatrice dans l'être éternel de Satchidânanda. En même temps, cette unité n'exclura pas les relations de l'âme divine avec Dieu, avec son Moi suprême, fondées sur la joie de la différence se séparant de l'unité pour goûter autrement cette unité ; elle n'annulera la possibilité d'aucune de ces formes exquises de la joie divine qui sont le ravissement suprême de l'amant de Dieu lorsqu'il étreint le Divin.
Mais quelles seront les conditions dans lesquelles et par lesquelles se réalisera cette nature de la vie de l'âme divine? Toute expérience relationnelle s'effectue au moyen de certaines forces d'être s'exprimant par des instruments que nous appelons propriétés, qualités, activités, facultés. De même, par exemple, que le Mental se projette en des formes variées de pouvoir mental — tels le jugement, l'observation, la mémoire, la sympathie propres à son être —, de même la Conscience-de-Vérité ou Supramental doit-elle effectuer les relations d'âme à âme au moyen de forces, de facultés, de fonctionnements propres à l'être supramental ; autrement, il n'y aurait aucun jeu de différenciation. Ce que sont ces fonctionnements, nous le verrons lorsque nous en viendrons à considérer les conditions psychologiques de la Vie divine; nous ne considérons à présent que ses fondements métaphysiques, sa nature et ses principes essentiels. Qu'il suffise pour le moment d'observer que l'absence ou l'abolition de l'égoïsme séparateur et de la division effective dans la conscience est l'unique condition essentielle de la Vie divine et que, par conséquent, leur présence en nous est ce qui constitue notre mortalité et notre chute du Divin. C'est là notre " péché originel ", ou disons plutôt, pour employer un langage plus philosophique, c'est ce qui nous a écartés de la Justice et de la Vérité de l'Esprit, de son unité, de son intégralité et de son harmonie, et qui était en même temps la condition nécessaire à cette grande plongée dans l'Ignorance qu'est l'aventure de l'âme dans le monde, et dont est née notre humanité qui souffre et qui aspire.
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